12
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N° 295 (2) 71 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Quentin Meunier 1 Ronald Bellefontaine 2 Olivier Monteuuis 2 1 Rukararwe-Rpwrd PO Box 275 Bushenyi District Ouganda 2 Cirad, TA A-39/C Campus international de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 France La multiplication végétative d’arbres et arbustes médicinaux au bénéfice des communautés rurales d’Ouganda Transfert des techniques de multiplication végétative à faible coût aux populations locales : induction de drageonnage chez Spathodea campanulata. Photo Q. Meunier. Dans la région tropicale humide de Bushenyi, l’efficience de diverses techniques a été testée pour la multiplication végétative de dix espèces ligneuses, utilisées à des fins médicinales par la population locale, lors d’un travail impliquant 60 agriculteurs et tradipraticiens. Ces techniques économiques représentent une alternative simple et peu coûteuse pour multiplier ces essences menacées. Un transfert de techniques a été effectué dans le cadre d’ateliers d’apprentissage. Des outils, des matériels adaptés ainsi qu’un guide technique ont été mis à disposition des partenaires locaux.

La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 5 ( 2 ) 71MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR…

Quentin Meunier1

Ronald Bellefontaine2

Olivier Monteuuis2

11 Rukararwe-RpwrdPO Box 275Bushenyi DistrictOuganda

22 Cirad, TA A-39/CCampus international de Baillarguet34398 Montpellier Cedex 5France

La multiplication végétatived’arbres et arbustes

médicinaux au bénéfice des communautés rurales

d’Ouganda

Transfert des techniques de multiplication végétative à faible coût aux populationslocales : induction de drageonnage chez Spathodea campanulata. Photo Q. Meunier.

Dans la régiontropicale humide deBushenyi, l’efficience de diversestechniques a été testée pour lamultiplication végétative de dixespèces ligneuses, utilisées à desfins médicinales par la populationlocale, lors d’un travail impliquant60 agriculteurs et tradipraticiens.Ces techniques économiquesreprésentent une alternative simpleet peu coûteuse pour multiplier cesessences menacées. Un transfert detechniques a été effectué dans lecadre d’ateliers d’apprentissage. Desoutils, des matériels adaptés ainsiqu’un guide technique ont été mis àdisposition des partenaires locaux.

Page 2: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

RÉSUMÉ

LA MULTIPLICATION VÉGÉTATIVED’ARBRES ET ARBUSTESMÉDICINAUX AU BÉNÉFICEDES COMMUNAUTÉS RURALESD’OUGANDA

En Ouganda, les ressources naturelles,en particulier les espèces ligneuses indi-gènes à usages multiples, se réduisentconsidérablement sous l’effet des pres-sions anthropiques toujours plus fortes.L’extension des cultures, de l’élevage etl’exploitation abusive de la ressourceligneuse sont parmi les facteurs de raré-faction, voire de disparition, de certainesespèces d’arbres et d’arbustes. Ces der-nières restent néanmoins indispen-sables aux communautés rurales,notamment pour la médecine tradition-nelle utilisée par 80 % de la population.Afin de pallier ces risques de disparition,un programme de multiplication d’es-pèces jugées prioritaires par les commu-nautés rurales a été mis en place dans lesud-ouest du pays, en 2005 et 2006.Des techniques de multiplication végé-tative à faible coût, pour la plupartméconnues dans cette région, ont étéexpérimentées sur dix espèces médici-nales pour être in fine vulgarisées auprèsdes agriculteurs, éleveurs et tradiprati-ciens de la région. Celles-ci incluent lebouturage de tiges et de racines, ainsique le marcottage aérien et terrestre et laproduction de drageons, qui ont permisde proposer des alternatives peu coû-teuses et efficaces pour propager cesespèces dont la multiplication pargraines est difficile. La simplicité destechniques et leur faible coût ont favo-risé leur diffusion au sein des commu-nautés rurales, et ont assuré la produc-tion de plusieurs milliers de plants enquelques mois. Ces techniques de multi-plication végétative adaptées aucontexte local se sont avérées utiles etperformantes pour assurer la sauve-garde d’essences ligneuses en déclin,tout en permettant leur exploitation rai-sonnée en milieu agropastoral.

MMoottss--ccllééss :: multiplication végétative,propagation à faible coût, conserva-tion des ressources ligneuses,espèce médicinale, Ouganda.

ABSTRACT

VEGETATIVE PROPAGATION OF MEDICINAL TREES AND SHRUBSTO THE BENEFIT OF RURALCOMMUNITIES IN UGANDA

Uganda is experiencing significantlosses of its natural resources, espe-cially multiple-use indigenous woodyspecies, as a result of ever-increasinghuman pressure. The extension of cropand pasture lands and overexploitationof woody resources are among the fac-tors that account for the increasing rar-ity, and sometimes the disappearance,of certain tree and shrub species. Thesespecies are vitally important to localcommunities, particularly for the tradi-tional medicines used by 80 % of thepopulation. In order to avert the risk oftheir disappearance, a programme forthe propagation of species consideredof priority importance by local communi-ties was established in the south-westof the country in 2005 and 2006. Low-cost techniques for vegetative propaga-tion, most of which were unknown inthe region, were tested with ten medici-nal species, with a view to their intro-duction among farmers, herders andpractitioners of traditional medicine inthe region. Techniques such as stemand root cuttings, layering above andbelow ground and suckering are all effi-cient and low-cost alternatives for thepropagation of species that cannot eas-ily be grown from seed. Thanks to theirsimplicity and low cost, these tech-niques were readily adopted amonglocal communities, with several thou-sand plants produced in just a fewmonths. Vegetative propagation tech-niques that are suited to the local con-text have proved to be a useful and effi-cient way of preserving decliningspecies, while also allowing them to beexploited on a rational basis in agro-pastoral systems.

Keywords: vegetative propagation,low-cost propagation, conservationof woody resources, medicinalspecies, Uganda.

RESUMEN

LA MULTIPLICACIÓN VEGETATIVA DEÁRBOLES Y ARBUSTOS MEDICINALESPARA EL PROVECHO DELAS COMUNIDADES RURALESDE UGANDA

Los recursos naturales en Uganda, espe-cialmente las especies leñosas autócto-nas de usos múltiples, se reducen consi-derablemente debido a una presiónantrópica cada vez más intensa. Laextensión de los cultivos y la ganadería,así como la explotación abusiva de losrecursos leñosos, son algunos de losfactores responsables de la escasez, eincluso desaparición, de ciertas espe-cies de árboles y arbustos. Y, sinembargo, éstos siguen siendo indispen-sables para las comunidades rurales,especialmente para la medicina tradicio-nal, utilizada por el 80% de la población.En 2005 y 2006, para paliar los riesgosde una posible desaparición, se estable-ció un programa de multiplicación de lasespecies consideradas prioritarias porlas comunidades rurales en el suroestedel país. Se experimentaron técnicas demultiplicación vegetativa de bajo costo,en su mayoría desconocidas en laregión, en diez especies medicinalespara luego divulgarlas entre agricultores,ganaderos y practicantes de medicinatradicional de la región. Dichas técnicasincluyen el estaquillado de troncos y raí-ces, así como el acodo aéreo y terrestre yla producción de vástagos, que permitie-ron proponer alternativas baratas y efi-caces para propagar estas especies dedifícil multiplicación por semilla. La sen-cillez de las técnicas y su escaso costofavorecieron su difusión en las comuni-dades rurales y garantizaron la produc-ción de varios miles de plantones enalgunos meses. Estas técnicas de multi-plicación vegetativa adaptadas al con-texto local se mostraron útiles y eficacespara garantizar la protección de espe-cies leñosas amenazadas, permitiendoal mismo tiempo su explotación inte-grada en un medio agropastoril.

Palabras clave: multiplicación vege-tativa, propagación a bajo costo, con-servación de recursos leñosos, espe-cie medicinal, Uganda.

72 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 )

FOCUS / VEGETATIVE PROPAGATION

Quentin Meunier, RonaldBellefontaine, Olivier Monteuuis

Page 3: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Introduction

La pharmacopée africaine estriche. Sur ce continent en particulier,la médecine traditionnelle joue unrôle sanitaire essentiel pour les popu-lations rurales qui n’ont que peuaccès à la médecine moderne, coû-teuse et très souvent mal adaptée auxus et coutumes locaux. Cependant, lesavoir traditionnel transmis de façonancestrale se perd du fait du désinté-rêt des jeunes générations, et surtoutde la disparition progressive desarbres et arbustes médicinaux. Lesfortes croissances démographiques –87 % de la population sont des agri-culteurs-éleveurs dans le district deBushenyi en Ouganda (Omulen et al.,1997) – et la constante recherche denouveaux espaces agricoles et pasto-raux réduisent le nombre et la régéné-ration des ligneux indigènes indis-pensables à l’élaboration des soinstraditionnels. De plus, l’utilisationmassive de ces ligneux comme boisde feu et de construction accentueces phénomènes de déclin. Certainesespèces ont d’ores et déjà disparudes systèmes agropastoraux pourêtre remplacées par des essencesexotiques plus rémunératrices.

Or il est indispensable de préser-ver les essences médicinales indi-gènes, non seulement dans les der-nières réserves forestières, mais plusencore au sein même des systèmesagropastoraux proches des utilisa-teurs. Pour mener à bien ces objectifsde sauvegarde, de domestication et deréintroduction de ligneux, il est néces-saire d’avoir recours à différentes tech-niques adaptées au contexte. Le suc-cès et la pérennité de stratégies deconservation nécessitent bien évidem-ment l’implication des communautésrurales, tant sur le plan décisionnelque des activités pratiques.

La reproduction de ligneux parvoie sexuée reste le mode de propa-gation préférentiellement préconisépour la conservation de l’environne-ment et la richesse de sa biodiver-sité. Cependant, la multiplication pargraines demeure aléatoire pour denombreuses communautés rurales

en Afrique qui ne bénéficient pas deressources en graines suffisantes, nides moyens nécessaires pour assurerla production, puis le suivi au champdes plants issus de semis. En effet,certaines espèces convoitées produi-sent peu de graines, lesquelles ger-ment généralement avec difficultépour produire un faible nombre deplants qui nécessitent des soins etdes conditions de croissance que lespopulations locales ne sont pas tou-jours à même de leur prodiguer.

Le sud-ouest de l’Ouganda estparticulièrement confronté à ce pro-blème, ce qui nous a incités à déve-lopper des techniques de multiplica-tion végétative adaptées aux espècesligneuses les plus menacées de cetterégion d’Afrique de l’Est. Certaines deces techniques sont bien connues etlargement mises à profit pour denombreuses espèces tempérées(Hartmann et al., 1997), voire dezones tropicales sèches (Bellefon-taine et al., 2003), mais restent insuf-fisamment utilisées dans les régionstropicales humides. Ces techniquesde propagation asexuée présententnéanmoins de réels avantages com-

paratifs et notamment la possibilitéde produire, théoriquement de façonillimitée, de véritables copies géné-tiques de la plante-mère initiale pré-sentant les mêmes atouts dans desconditions environnementales simi-laires : épaisseur de l’écorce, densitédu feuillage, qualité des fruits, autantde caractères prisés par les tradiprati-ciens locaux. Par ailleurs, en fonctiondes techniques mises en œuvre, cesclones produits bénéficient souventd’une vigueur bien supérieure et d’undélai de mise à fruits bien plus courtque des plants de la même espèceissus de semis.

L’efficience de différentes tech-niques de multiplication végétativepour propager plusieurs espècesligneuses utilisées à des fins médici-nales par la population locale de larégion de Bushenyi a été testée aucours d’un travail de 18 mois. Le butétait de proposer des alternativessimples et peu coûteuses pour multi-plier ces essences menacées, princi-palement au profit des communautésrurales. La synthèse de ce travailconstitue l’objet de cet article.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 ) 73MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR…

Figure 1. Marcottage terrestre (a) et aérien (b) de l’espèce Hallea rubrostipulata. Photos Q. Meunier.

a b

Page 4: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Matér iel et méthodes

Les techniques testées ont étéchoisies en privilégiant leur simpli-cité et leur faible coût de mise enœuvre, afin d’être adaptables aux dif-férentes contraintes locales, tanthumaines que matérielles et clima-tiques. Elles ne requièrent parexemple ni hormones de bouturage,ni infrastructures sophistiquées et sesatisfont de matériaux disponibleslocalement, gratuits ou peu onéreux.

Les techniques retenues de mul-tiplication végétative sont plus préci-sément le marcottage terrestre tradi-tionnel et sa variante aérienne, lebouturage de tiges et de racines, ainsique l’induction du drageonnage et latransplantation de drageons produits.Les conditions expérimentales demise en œuvre de chacune de cestechniques sur dix espèces médici-nales jugées prioritaires par les tradi-praticiens et agriculteurs locaux(tableau I) sont précisées ci-après.

En plus d’être médicinales, cesespèces présentent, au sein de sys-tèmes agropastoraux, de nombreuxautres avantages pour les commu-nautés rurales.

Techniques de marcottage

Le marcottage débute par lanéoformation de racines adventivesau niveau d’une tige ou d’unebranche. Une marcotte peut être pro-duite par la mise en contact d’unebranche basse ou rampante avec lesol – marcottage terrestre –, éven-tuellement par buttage, ou en entou-rant la tige d’un manchon de substrathumide – marcottage aérien (Belle-fontaine, Monteuuis, 2002). Cesaxes enracinés peuvent ensuite s’af-franchir plus ou moins progressive-ment de la plante-mère soit naturelle-ment, soit artificiellement, pourproduire des marcottes.

Marcottage terrestreLes jeunes rejets de souche et

les branches basses voire rampantesd’un arbre ou d’un arbuste sont cou-dés délicatement jusqu’au sol etmaintenus à l’aide d’une pièce debois en forme de fourche ou Y inverséen évitant toute blessure, pour êtreensuite recouverts de terre superfi-cielle locale (figure 1 a).

Marcottage aérienLa marcotte aérienne est réali-

sée à partir de jeunes tiges ortho-tropes préférablement lignifiées,issues par exemple de semis ou derejets de souche, ou de branchesbasses aisément accessibles d’indi-vidus plus âgés. La portion de tigechoisie est d’abord annelée sur unelongueur de 3 à 4 cm (Tchoundjeu,Jaenicke, 2002), puis recouverted’un manchon de plastique transpa-rent qui renferme un mélange

74 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 )

FOCUS / VEGETATIVE PROPAGATION

Tableau I. Usages multiples de dix espèces médicinales prioritaires dans le sud-ouest de l’Ouganda (Katende et al., 1995).

Espèce Bois Alimentaire/thérapeutique Environnement

Beilschmiedia ugandensis1, 4 x x x x x x

Erythrina abyssinica1, 4 x x x x x x x x x x

Hallea rubrostipulata1, 4 x x x x x x x

Kigelia africana1, 3, 4 x x x x x x

Myrica salicifolia2, 3, 4 x x x x

Prunus africana1, 4 x x x x x x x x x

Spathodea campanulata1, 3 x x x x x x x x x

Vernonia amygdalina2, 3 x x x x x x x

Warburgia ugandensis1, 3, 4, 5 x x x x x x x x x

Zanthoxylum gilletii1, 4, 5 x x x x

Forme biologique : 1 arbre ; 2 arbuste.Parties utilisées en médecine traditionnelle : 3 feuille ; 4 écorce ; 5 racine.

Chau

ffe

Char

bon

Cons

truc

tion

Out

ils

Frui

t

Légu

me

Boi

sson

Épic

e

Méd

ecin

e

Mie

l

Espè

ce fi

xatr

ice

d’az

ote

Om

brag

e

Mul

ch

Bris

e-ve

nt

Cons

erva

tion

des

sols

Hai

e vi

ve

Orn

emen

tale

Page 5: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

humide de mousse végétale (8volumes – 8V), de terre fertile (1V) etde sciure (1V). L’ensemble est main-tenu autour de la tige par du rubanadhésif de la façon la plus hermé-tique possible afin d’éviter le dessè-chement du substrat (figure 1 b). Cemanchon est laissé en place pendantun à trois mois, période requise enfonction des espèces pour la néofor-mation des racines adventives.

Les techniques de bouturage

Contrairement au marcottageet au drageonnage, le bouturageconsiste d’abord à séparer une por-tion de tige ou de racine de la plante-mère avant d’induire la néoformationde racines ou de bourgeons, selonqu’il s’agisse respectivement de bou-turage de tige ou de racine. Le succèsde l’opération dépend du maintienen vie de l’organe prélevé le tempsnécessaire à la néoformation du pôlecomplémentaire manquant, racineou tige, indispensable au développe-ment d’une nouvelle plante. À cettefin, il importe de réduire les phéno-mènes d’évapotranspiration, particu-lièrement pour les boutures feuillées,en les plaçant sous confinement letemps requis pour la formation desracines adventives.

Bouturage de tigeLes fragments de tige sont préle-

vés sur l’arbre-mère à l’aide d’un cou-teau bien affûté voire d’un sécateur(optionnel car plus coûteux), puistransportés humidifiés et à l’abri dusoleil dans des sacs plastique jusqu’àla pépinière, de préférence aux heuresles moins chaudes de la journée. Letransport doit être le plus rapide pos-sible afin d’éviter le dessèchementdes axes feuillés, qui peuvent êtreenveloppés dans des journaux oudans du coton mouillés à l’intérieurdes sacs plastique. Les boutures, pré-levées sur des arbres-mères sains,

mesurent 15 cm de long et ont un dia-mètre de 0,5 à 2 cm (figure 2 a). Lesfeuilles inférieures de la bouture sontsupprimées, tandis que la surfacefoliaire est réduite de moitié pour lesfeuilles supérieures. Les boutures detige sont placées verticalement en res-pectant la polarité sous une serre rus-tique destinée à maintenir un tauxd’humidité élevé (figure 2 b). Cette

humidité est maintenue par aspersionrégulière d’eau sur les parties feuilléesdes boutures à l’aide d’un vaporisa-teur, ou le cas échéant à la main. Il estindispensable de ne pas détremper lesubstrat constitué d’un mélangehomogène de terre fine (5 volumes, V),de sable (3 V) et de sciure (2 V) pouréviter les risques de pourriture desparties enterrées de la bouture.

Figure 2. Bouture de tige (a) chez Zanthoxylum gilletiiplacée sous serre rustique (b) et bouturesde racine (c) chez Spathodea campanulata placées à l’air libre. Photos Q. Meunier.

a b

c

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 ) 75MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR…

Page 6: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Bouturage de racineLes fragments racinaires sont

prélevés après excavation partiellede racines superficielles d’un arbre-mère adulte. Les tronçons de racinemesurent généralement 15 à 20 cmde long pour un diamètre de 2 à 4 cm(figure 2 c). Ils sont placés horizonta-lement (Le Bouler et al., 2000 ; Nsibiet al., 2003 ; Nsibi, 2005) dans desbassines exposées à l’air libre ; ilssont recouverts de terre fertile, detexture fine, sur une hauteurmoyenne de 3 à 4 cm. Afin de réduireau maximum les coûts, les tronçonsde racine peuvent être directementplacés sur le lieu définitif de planta-tion. Dans les deux cas, la mise enplace des boutures de racine s’effec-tue juste après leur prélèvement surl’arbre-mère afin d’éviter tout dessè-chement des tissus. Si ces expé-riences sont réalisées en saisonsèche1, il est conseillé d’arroser lesfragments de racine une à deux foispar semaine.

Les techniques l iées au drageonnage

Le drageonnage est uneméthode naturelle de propagationvégétative qui peut être stimuléeconsécutivement à un stress plus oumoins important de l’arbre-mère.L’étape première est l’induction etl’initiation de bourgeons adventifs denovo à partir de racines superficielles.Ces bourgeons vont ensuite se déve-lopper en pousses aériennes pourdonner des drageons. Ceux-ci peuventrester longtemps reliés au systèmeracinaire du pied-mère d’où ils pro-viennent, ou devenir indépendants ettotalement autonomes (Noubissié-Tchiagam, Bellefontaine, 2005).

Induction du drageonnageLa formation de drageons est sti-

mulée par sectionnement complet deracines superficielles de 1 à 4 cm dediamètre (figure 3 a), maintenues enplace mais dégagées de la terre etlaissées à l’air libre sur une longueurde 5 cm (Meunier et al., 2006 a). Ledrageon est qualifié de proximal oudistal s’il apparaît sur la partie du sys-tème racinaire respectivement reliéeou séparée de l’arbre-mère. L’aptitudeau drageonnage pourrait varier aucours de l’année selon les espèces, en

fonction de leur mode de croissance,éventuellement rythmique, et desconditions pédoclimatiques. Tout celademanderait à être précisé par desobservations poussées pour chacunedes espèces concernées.

Transplantation et sevrage de drageons existants

Le sevrage consiste à séparerles drageons de l’appareil racinairede la plante-mère originelle, de façonà ce qu’ils deviennent des plantesautonomes qui peuvent être trans-plantées dans des emplacementspréalablement déterminés, sanssouffrir de la concurrence des adven-tices. Cette opération a été effectuéesur des drageons naturels trouvésautour d’un arbre-mère ou à la suitede drageonnages induits artificielle-ment (figure 3 b).

Ces six techniques de multiplica-tion n’ont pu malheureusement êtreappliquées que sur un nombre réduitd’individus et d’espèces disponibles.Certaines essences ne sont en effetreprésentées que par quelques indivi-dus en réserve forestière, où ils attei-gnent des hauteurs de 35 à 40 m, rendant parfois difficiles, voire impos-sibles, les techniques de marcottageet de récolte de boutures de segmentsde branche.

Figure 3. Induction du drageonnage (a) et sevrage de drageon (b) chezSpathodea campanulata. Photos Q. Meunier.

a b

76 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 )

FOCUS / VEGETATIVE PROPAGATION

1 La saison correspondant au repos de lavégétation est apparemment la saison la plusadaptée pour les boutures de racine. Pourchaque espèce, la période optimale devra êtredéterminée.

Page 7: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Vulgar isation des techniques auprès

des communautés rurales

Ces techniques de multiplicationà faible coût ont été mises en œuvreavec l’implication de 60 agriculteurset tradipraticiens de la région afind’assurer leur vulgarisation au sein dela province. Ce transfert de techniquesa eu lieu dans le cadre d’ateliers d’ap-prentissage d’une journée, qui repren-nent les aspects théoriques desméthodes de multiplication végéta-tive et proposent des sessions pra-tiques guidées (figure 4 a). En sus desoutils et matériels adaptés mis à dis-position des partenaires locaux,notamment pour la réalisation deconfinements rustiques avec desmatériaux locaux (figure 4 b), un guidetechnique abondamment illustré quidétaille six techniques de multiplica-tion végétative (Meunier et al., 2006b) a été distribué.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 ) 77MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR…

Figure 4. Ateliers d’apprentissage auprès des partenaires locauxpour la réalisation de marcottes aériennes (a) et laconstruction de confinements rudimentaires (b). Photos Q. Meunier.

Tableau II. Matériaux, coûts et investissements temporels nécessaires à la mise en œuvre des différentes techniquesde multiplication végétative utilisées dans le sud-ouest de l’Ouganda, en 2005-2006.

Matériels nécessaires Coût des Investissement Investissement pour le suiviDisponibles1 À acquérir achats temporel Type Fréquence Durée

par L10PM2 par L10PM2 par mois (mois)

Marcottage Couteau Sac plastique 0,10 € 1 heure Réparation du sac 1 fois 1 à 3 aérien et substrat et ruban adhésif et ajout d’eau

Marcottage Pièces de bois 45 minutes Désherbage 1 fois 1 à 2terrestre en Y

Induction du Couteau 2 à 3 heures avec Désherbage 1 fois 1 à 6drageonnage et houe l’excavation

Sevrage de Couteau 10 minutes Arrosage en 2 fois 1 à 2drageons saison sèche

Bouturage Couteau. Terre Pots, plastique 0,25 € Installation de la Arrosage 4 fois 3 à 5 de tige et sable. Tiges transparent serre, 1 heuresous serre de bois flexible pour la serre rustique (serre) Vaporisateur 6 €3 Boutures

et coton3 1 €3 10 minutes

Bouturage Couteau Bassines3 2,50 €3 Excavation Arrosage léger 2 fois 2 à 6 de racine et houe 2 heures et désherbage

Boutures10 minutes

1 Généralement disponibles dans chaque foyer.2 Lot de dix plants multipliés.3 Matériel préférable mais optionnel car plus coûteux.

a b

Page 8: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Résultats

Le tableau II récapitule les coûtset investissements humains estiméspour tester chaque technique de mul-tiplication végétative étudiée. Il per-met de comparer les moyens requispour la mise en œuvre de chaquetechnique en fonction des ressourcesdisponibles de chaque agriculteur outradipraticien. Ces estimations peu-vent être utiles en vue de leur applica-bilité à d’autres contextes similaires.

Les résultats présentés corres-pondent à 18 mois d’expérimenta-tion (Meunier, 2005 ; Meunier et al.,2006 b). Le tableau III indique, enface des effectifs mis en œuvre pour

chaque technique et chaque espèce,le taux de réussite correspondant(colonne TR). Une expérience estconsidérée comme réussie si les cri-tères suivants sont satisfaits :▪ Production massive de racinesadventives au niveau des portions detiges ou branches sollicitées pour lesmarcottes aériennes et terrestres.▪ Néoformation de racines pour lesboutures de tige et de poussesfeuillées pour les boutures de racine.▪ Obtention de drageons indépen-dants suite à l’induction du phéno-mène et à la séparation de la plante-mère (sevrage).

À défaut d’un recul satisfaisantdans le temps, les taux de réussite necorrespondent pas assurément à l’ob-tention d’un nouvel individu autonomeet indépendant, mais au succès del’expérience de sevrage. Cependant, lagrande vigueur et la vitesse de crois-sance des plants issus de multiplica-tion végétative, notamment pour lesmarcottes et les drageons, facilitentnotablement leur survie. Les expé-riences qui restent apparemmentsaines mais qui n’ont pas réagi aprèssix mois sont comptées comme deséchecs dans les résultats présentésdans le tableau III.

Tableau III. Récapitulatif des différentes techniques de multiplication végétative à faible coût testées sur dix espèces ligneusesmédicinales dans le sud-ouest de l’Ouganda (2005-2006) et taux de réussite correspondants.

Espèce (par Marcottage Marcottage Bouturage Bouturage Induction du Sevrage de ordre de priorité aérien terrestre de tige de racine drageonnage drageonsselon les NE NR TR NE NR TR NE NR TR NE NR TR NE NR TR NE NR TRtradipraticienslocaux)

Zanthoxylum 31 12 40 – – – 168 80 48 65 0 0 21 0 0 – – –gilletii

Hallea 95 74 78 40 40 100 181 107 59 105 0 0 40 0 0 7 6 86*rubrostipulata

Warburgia 12 7 58* 2 2 100* 222 195 88 8 0 0* – – – – – –ugandensis

Prunus 15 0 0* – – – 83 18 22 60 0 0 – – – – – –africana

Erythrina 47 28 60 – – – 31 2 6 4 0 0* 30 0 0 – – –abyssinica

Myrica 60 36 60 – – – 207 5 2 42 0 0 15 0 0* – – –salicifolia

Spathodea 46 0 0 – – – 110 25 23 37 27 74 51 36 70 26 26 100campanulata

Kigelia 8 0 0* – – – 57 12 21 29 0 0 – – – – – –africana

Beilschmiedia – – – – – – 48 29 60 20 0 0 – – – – – –ugandensis

Vernonia 31 24 78 – – – – – – – – – – – – – –amygdalina

– : technique non testée, faute de matériel végétal disponible.NE : nombre d’expériences réalisées. NR : nombre d’expériences réussies.TR : taux de réussite.* Taux à relativiser, faute d’un nombre suffisant d’expériences (NE).

78 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 )

FOCUS / VEGETATIVE PROPAGATION

Page 9: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Le marcottage aérien s’est avéréêtre la technique la plus efficace pourde nombreuses espèces. Cette tech-nique, bien que légèrement plus coû-teuse que les autres, est unanime-ment appréciée des agriculteurs ettradipraticiens qui l’ont adoptée. Ellepermet, entre autres, de produire rapi-dement (entre 20 et 70 jours selon lesespèces) de nouveaux plants vigou-reux (en moyenne de 60 cm de hau-teur) présentant les mêmes caractéris-tiques que la plante-mère initiale dontils sont issus.

Les taux de réussite pour lesautres techniques sont globalementplus irréguliers, avec de grandes dif-férences interspécifiques selon lestechniques utilisées. Certainesespèces, telles que Spathodea cam-panulata, présentent de plus grandes

dispositions au clonage au niveau deleur système racinaire par productionde drageons ou bouturage deracines. Dans d’autres cas commepour Hallea rubrostipulata, les tech-niques sollicitant les partiesaériennes sont plus concluantes.Chacune des dix espèces testées amontré une aptitude différente à lamultiplication végétative entre l’ap-pareil racinaire et l’appareil cauli-naire : certaines sont plus réactivesau niveau des racines, les autres auniveau des tiges.

La vulgarisation de ces tech-niques a connu un franc succès puis-qu’en trois mois plus de 2 000 essaisont été mis en place par les 60 parte-naires formés (figures 5 et 6). Toutesles techniques ont été testées, avec làencore une nette préférence pour le

marcottage aérien et le bouturage detiges, en raison des faibles investisse-ments financier et temporel (tableauII) et du taux de réussite (tableau III).

Les résultats obtenus en matièrede multiplication végétative à faiblecoût peuvent être complétés par desinformations relatives à la disponibi-lité en graines et aux taux de germina-tion usuels de celles-ci pour chaqueespèce envisagée (tableau IV).L’ensemble permet de mieux appré-hender l’intérêt d’opter pour la multi-plication végétative à faible coût afind’assurer la propagation d’espècespour lesquelles la reproduction pargraines reste problématique.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 ) 79MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR…

Mar

cott

age

aéri

en (

%)

Mar

cott

age

terr

estr

e (%

)

Bou

tura

ge

de ti

ge (

%)

Bou

tura

gede

raci

ne (

%)

Indu

ctio

n du

drag

eonn

age

(%)

Sev

rage

de

drag

eons

(%)

Tableau IV. Taux de réussite (défini précédemment) des différentes techniques de multiplication végétative testéessur les dix espèces ligneuses prioritaires dans le sud-ouest de l’Ouganda (2005-2006), en regard des possibilités de multiplication par graines.

Espèce (par ordre Reproduction sexuée Multiplication végétativede priorité selon les Obtention Taux de tradipraticiens locaux) de graines germination

Zanthoxylum gilletii Difficile Faible 40 – 48 0 0 –

Hallea rubrostipulata Facile Très faible 80 100 59 0 0 86*

Warburgia ugandensis Très difficile Bon 58* 100* 88 0* – –

Prunus africana Difficile Bon 0* – 22 0 – –

Erythrina abyssinica Facile Très bon 60 – 6 0* 0 –

Myrica salicifolia Moyen Faible 60 – 2 0 0* –

Spathodea campanulata Moyen Faible 0 – 23 74 70 100

Kigelia africana Très difficile Très faible 0* – 21 0 – –

Beilschmiedia ugandensis Très difficile Moyen – – 60 0 – –

Vernonia amygdalina Facile Moyen 78 – – – – –

– : technique non testée, faute de matériel végétal disponible.Non satisfaisantPeu satisfaisantSatisfaisant

* Taux à relativiser, faute d’un nombre suffisant d’expériences.

Page 10: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Discussion

Cette étude, bien que limitée,montre néanmoins que des tech-niques économiques de multiplicationvégétative peuvent permettre de pro-pager – et donc d’assurer la conserva-tion – dix essences prioritairement uti-lisées par les populations rurales dusud-ouest de l’Ouganda, et donc

menacées. La production d’individusidentiques par voie végétative permetde sélectionner des arbres-mères inté-ressants pour leurs critères médici-naux. Toutefois, il est bon de s’assurerdu potentiel des plants produits, quiprésentent un matériel plus jeune, etdonc certainement des concentrationsde molécules actives quelque peu dif-férentes des plants adultes.

À l’exception d’Erythrina abyssi-nica, toutes les espèces sélection-nées par la population présententdes difficultés de reproduction parvoie sexuée du fait de quantités insuf-fisantes de graines disponibles ou defacultés germinatives trop faibles. Deplus, pour une même espèce, lesquelques plants issus de semis ontmontré en Ouganda une vigueur etune croissance juvénile bien infé-rieures aux plants issus de marcottes,drageons ou boutures (figure 7).

Les techniques de multiplica-tion végétative développées permet-tent de remédier efficacement et àpeu de frais aux insuffisances de larégénération par graines pour chaqueespèce. Les observations recueilliesà ce jour s’enrichissent de nouvellesinformations émanant de la pour-suite des expériences entreprises en2005 et 2006. Mais de nombreuseslacunes persistent, notamment en cequi concerne l’influence des saisonset de cycles biologiques éventuelssur l’aptitude à la multiplicationvégétative des espèces considérées.De plus amples analyses sont doncindispensables pour mieux cernerces paramètres spécifiques. Les acti-vités se poursuivent dans ce sensdans le même secteur géographique,et plus spécifiquement sur Spatho-dea campanulata, en vue d’améliorerla production de drageons au profitdes communautés rurales (Meunieret al., 2006 a).

La modicité des coûts de revientainsi que le faible investissementhumain requis par les techniques demultiplication végétative proposéessont deux atouts remarquables pourles opérateurs locaux, aux conditionsde vie précaires (tableau II). La pro-duction de 2 000 arbres et arbustesmédicinaux en trois mois témoignede l’efficience de ces modes de pro-pagation en milieu rural. La participa-tion des communautés locales estégalement un facteur déterminantpour pérenniser les actions engagéeset assurer par là même la conserva-tion voire la restauration des res-sources ligneuses locales.

a b

c

13

64

25

59

25 30

8 0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Marcottageaérien

Marcottageterrestre

Bouturagede tiges

Bouturagede racines

Inductionde drageons

Sevragede drageons

Opérateurs sansproduction

Techniques testées par les partenaires

Util

isat

ion

des

tec

hniq

ues

(%)

80 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 )

FOCUS / VEGETATIVE PROPAGATION

Figure 5. Transfert des techniques demultiplication végétative à faible coûtaux populations locales : bouturage detige de Hallea rubrostipulata sous serrerustique (a) ; induction de drageonnagechez Spathodea campanulata (b) ;marcottage terrestre chez Ficus sp. (c). Photos Q. Meunier.

Figure 6. Diverses techniques de multiplication végétative à faible coût utiliséespar les partenaires locaux au cours des trois premiers mois d’activité (dernier trimestre 2006).

Page 11: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Les efforts consacrés à la multipli-cation végétative ne sauraient malgrétout occulter l’intérêt de la reproduc-tion sexuée, afin surtout de maintenirune variabilité génétique grandementmenacée par le clonage. En effet, laproduction de clones par reproductionvégétative conduit à un nivellement ouappauvrissement de la diversité géné-tique d’une population (ensemble d’in-dividus d’une même espèce), la ren-dant notamment plus vulnérable auxagents pathogènes ou encore auxchangements brutaux des conditionsenvironnementales. Aussi le dévelop-pement et la vulgarisation des tech-niques de multiplication végétativedoivent-ils être accompagnés d’unesensibilisation à la notion de diversitégénétique intraspécifique, afin d’infor-mer les partenaires locaux sur l’impor-tance du choix et du nombre d’arbres-mères à multiplier végétativement,mais aussi par graines, pour créer denouveaux génotypes, nouvelles têtesde clones potentielles.

Conclusion

Bien que testées sur un nombreencore relativement limité d’espècesligneuses tropicales, les techniques demultiplication végétative à faible coûtont montré leur utilité pour assurer laconservation et la reproduction d’es-sences prisées par les populationslocales. La nécessité d’intégrer cesmoyens d’action dans les plans d’amé-nagement forestier semble de plus enplus justifiée, particulièrement dansdes pays africains tels que l’Ougandaoù la biodiversité est de plus en plusmenacée par les pressions anthro-piques croissantes. Concrètement,leur mise en œuvre nécessite d’impli-quer les communautés rurales, quijouent un rôle primordial dans l’amé-lioration des conditions sociales, éco-nomiques et environnementales deleur région. Il est donc indispensableque les mesures de conservationprises soient en adéquation avec cecontexte socio-économique, afin depouvoir viser, puis atteindre, un sys-tème durable d’utilisation des res-sources naturelles.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 ) 81MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR…

Figure 7. Différence de développement à trois mois entre quatre boutures de racines en bassine et une plantule issue de semis en potpour Spathodea campanulata (a), une marcotte aérienne et une plantule issue de semis pour Erythrina abyssinica (b).Ouganda, 2006. Photos Q. Meunier.

a b

Page 12: La multiplication végétative d’arbres et arbustes 1 …BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N 296 (2)73 MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE / LE POINT SUR… Figure 1. Marcottage terrestre

Référencesbibliographiques

BELLEFONTAINE R., MONTEUUIS O.,2002. Le drageonnage des arbreshors forêt : un moyen pour revégétali-ser partiellement les zones arides etsemi-arides sahéliennes ? In : VergerM. (coord.). Multiplication végétativedes ligneux forestiers, fruitiers etornementaux. Troisième rencontre dugroupe de la Sainte Catherine,Orléans, 22-24 novembre 2000.Cédérom Cirad-Inra. Montpellier,France, Cirad.

BELLEFONTAINE R., BOUHARI A., EDE-LIN C., COATES-PALGRAVE M., SABIRM., 2003. Plea for the use of sucke-ring and layering in dry tropical andMediterranean zones. During certainperiods, on some sites, and with cer-tain species. Vitri/Etfrn/Iufro-SpdcInternational Workshop, « Trees,Agroforestry and Climate Change inDryland Africa » (TACCDA), Hyytiälä,Finlande, 29 juin - 4 juillet 2003,19 p. Édité et diffusé fin 2004 sousforme d’un cédérom par l’Etfrn.http://www.etfrn.org/etfrn/works-hop/degradedlands/index.html

HARTMANN H., KESTER D., DAVIES JrF., GENEVE R., 1997. Plant Propaga-tion : Principles and Practices. Engle-wood Cliffs (NJ), États-Unis, PrenticeHall International, 6e édition, 770 p

JAENICKE H., 2003. Nursery manage-ment and seedlings production. In :Tree domestication in agroforestry.Icraf Headquarters, Nairobi, Kenya,17-22 novembre 2003, 10 p.

KATENDE A. B., BIRNIE A., TENGNÄSB., 1995. Useful trees and shrubs forUganda. Identification, propagationand management for agricultural andpastoral communities. Nairobi,Kenya, Regional Land ManagementUnit (Relma), 710 + 24 p.

LE BOULER H., RONDOUIN M., LEBOULER M., VERGER M., 2000. Ledrageonnage du merisier : une tech-nique pour produire des plants oupour rajeunir des pieds-mères ? In :Verger M. (coord.). Multiplicationvégétative des ligneux forestiers, frui-tiers et ornementaux. Troisième ren-contre du groupe de la Sainte Cathe-rine, Orléans, 22-24 novembre 2000.Cédérom Cirad-Inra. Montpellier,France, Cirad.

MEUNIER Q., 2005. Soutien tech-nique aux tradipraticiens pour la mul-tiplication végétative d’espècesmédicinales dans le Sud-Ouest del’Ouganda. Dess gestion des sys-tèmes agro-sylvo-pastoraux en zonestropicales, université Paris XII,France, 59 p. + annexes.

MEUNIER Q., BELLEFONTAINE R.,BOFFA J.-M., 2006 a. Le drageonnagepour la régénération d’espèces médi-cinales en Afrique tropicale : cas duSpathodea campanulata enOuganda. VertigO - revue électro-nique, 7, 2 : L’Afrique face au déve-loppement durable, 10 p.

MEUNIER Q., BELLEFONTAINE R.,BOFFA J.-M., BITAHWA N., 2006 b.Low-cost vegetative propagation oftrees and shrubs. Technical hand-book for Ugandan rural communities.Ed. Rural Partnership Workshop forRural Development, Ouganda,Nairobi, Kenya, WAC, Paris, Fonda-tion Nicolas Hulot, Montpellier,France, Cirad, 67 p.

NOUBISSIE-TCHIAGAM J. B., BELLE-FONTAINE R., 2005. Pour unemeilleure gestion des forêts commu-nautaires. Appui à l’étude desdiverses formes de régénération. In :Gouvernance et partenariat multi-acteurs en vue d’une gestion durabledes écosystèmes forestiers d’Afriquecentrale. Actes de la cinquième Con-férence sur les écosystèmes de forêtsdenses et humides d’Afrique centrale(Cefdhac), Yaoundé, Cameroun, 24-26 mai 2004. Yaoundé, Cameroun,Uicn, p. 245-254.

NSIBI R., 2005. Sénescence et rajeu-nissement des subéraies de Tabarka- Ain Draham avec approches écolo-giques et biotechnologiques. Thèse,université de Tunis II, faculté dessciences, 156 p.

NSIBI R., SOUAYAH N., KHOUJA M. L.,KHALDI A., REJEB M. N., BOUZID S.,2003. Le drageonnement expérimen-tal du chêne liège (Quercus suber L.,Fagaceae). Effets de l’âge et desconditions de culture. Geo-Eco-Trop,27, 1-2 : 29-32.

OMULEN L., ACERE-LERVICK K.,NDYABAREMA R., TUMWIJUKYE A., ASIOS., 1997. District environment profile :Bushenyi. NORPLAN and Bushenyi Dis-trict. Internal Report, 100 p.

TCHOUNDJEU Z., JAENICKE H., 2002.Layering principles and techniques. In :Vegetative tree propagation in agro-forestry. Nairobi, Kenya, Icraf, 132 p.

82 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 )

FOCUS / VEGETATIVE PROPAGATION