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Gymnase Auguste Piccard 26 octobre 2015 La peine capitale aux États-Unis ; des innocents dans le couloir de la mort Travail de Maturité 2014-2015, Géographie: chanson et cinéma engagés pour un monde meilleur Couverture du film La Vie de David Gale Héloïse Mouquin, 3M1, & Catherine Mauron, 3M5 Maître conseiller : Cédric Monod

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La peine capitale aux États-Unis ; des innocents dans le couloir de la mort

 Travail de Maturité 2014-2015, Géographie: chanson et cinéma engagés pour un monde

meilleur    

 Couverture du film La Vie de David Gale

Héloïse Mouquin, 3M1, & Catherine Mauron, 3M5

Maître conseiller : Cédric Monod

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Table des matières 1. Introduction ................................................................................................................. 2

1.1 Motivations ............................................................................................................... 2 1.2. Résumé du film La Vie de David Gale ................................................................. 2 1.3 Problématique ........................................................................................................... 4 1.4 Questions de recherche ............................................................................................ 5 1.5 Méthode et cadre ...................................................................................................... 6

2. Partie théorique .......................................................................................................... 7 2.1 Présentation de la peine de mort dans le monde ................................................... 7 2.2 Présentation de la peine de mort aux États-Unis .................................................. 9

3. Analyse ........................................................................................................................ 13 3.1 Les arguments pour la peine de mort ................................................................... 13 3.2 L’avis et l’influence de la population sur la peine capitale ............................... 16

3.2.1 Les différents avis de la population américaine ................................................. 16 3.2.2 L’influence de la population .............................................................................. 18

3.3 L’influence de la religion sur la peine capitale ................................................... 20 3.3.1 La religion chrétienne aux États-Unis ............................................................... 20 3.3.2 L’influence du christianisme sur la peine de mort ............................................. 21

3.4 La controverse et les arguments contre la peine de mort .................................. 23 3.4.1 La controverse de la peine de mort aux États-Unis ........................................... 23 3.4.2 Les arguments contre la peine capitale .............................................................. 24

3.5 Les failles des procédures de condamnation et les conséquences .................... 31 3.5.1 Les failles du système judiciaire américain ....................................................... 31 3.5.2 Déni des autorités ............................................................................................... 38

4. Conclusion .................................................................................................................. 40

5. Bibliographie ............................................................................................................. 42

6 Annexes ......................................................................................................................... 51

7. Résumé ........................................................................................................................ 65

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1. Introduction 1.1 Motivations C'est un film qui nous a décidées à choisir ce sujet, qui nous a poussées à réfléchir à la question des innocents qui sont accusés à tort et qui sont exécutés, mais aussi à la peine de mort en général. Ce film, c'est La Vie de David Gale. Construit comme un thriller, d'une force et d'une intelligence rares, il raconte l’histoire de David Gale, un militant contre la peine capitale qui se retrouve lui-même dans le couloir de la mort, accusé du viol et du meurtre de son amie et collègue activiste Constance Harraway. Cinq jours avant son exécution, il souhaite donner une interview à une journaliste en vue, Bitsey Bloom, afin de lui raconter sa vie et d’essayer de lui prouver son innocence. Commence alors une course contre la montre pour résoudre le mystère de la mort de sa collègue... Bien sûr, ce n’est qu’à la fin du film que nous réalisons l’ampleur du sacrifice de David Gale ; lorsque nous comprenons qu’il avait, avec sa collègue, organisé ce qui était en réalité un suicide, en le faisant passer pour un meurtre, afin d’être exécuté et de pouvoir prouver que parfois des innocents sont condamnés à tort. Nous avons vraiment été marquées par ce film, que nous avions vu seulement quelques semaines avant le moment de choisir le sujet de notre travail de maturité, et comme ce dernier devait être basé sur une chanson ou un film engagé, nous avons tout de suite pensé à le développer sur le thème des innocents condamnés à mort aux États-Unis. Ensuite, la peine de mort est un sujet très actuel ; elle est vivement critiquée à cause des exécutions inhumaines qui sont pratiquées à travers le monde, que ce soit les décapitations faites par l’État Islamique ou les injections létales ratées des Américains. De plus, c’est un sujet qui touche de nombreux domaines, comme l’économie et la religion, et qui est très controversé. Avant de commencer nos recherches sur le sujet, nous avions déjà connaissance de certains débats, notamment d’ordre économique ou moral. Enfin, nous nous sommes particulièrement intéressées à ce sujet car nous étions incapables de prendre position dans ce débat. En effet, ce qui pose le plus problème au moment de prendre parti, c’est le côté moral du sujet. Condamner une personne à mort revient à la priver du droit à la vie, qui est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. D’un autre côté, la peine de mort soulage beaucoup de victimes et de proches, et c’est apparemment le moyen le plus efficace pour « rendre justice » dans les cas graves. Et, bien que ce ne soit pas facile à concéder, on peut penser que les personnes qui commettent des crimes vraiment graves ne méritent pas de vivre. Mais qui sommes-nous pour décider de qui mérite de vivre ou non ? Nous espérons découvrir au fil de ce travail de maturité d’autres opinions, d’autres arguments que les nôtres, afin de prendre du recul et pouvoir enfin trouver notre propre point de vue à propos de ce sujet si médiatisé et controversé dans notre société actuelle, et dont l’on minimise trop souvent l’importance. 1.2. Résumé du film La Vie de David Gale En 2000, une journaliste au News Magazine nommée Bitsey Bloom apprend que David Gale, un homme condamné à mort, a décidé de lui accorder une interview à cinq jours de son exécution. Il est accusé du viol et du meurtre de son amie et collègue activiste

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Constance Harraway. La journaliste se rend donc au Texas, à Huntsville, accompagnée d’un stagiaire, Zack. Alors que celui-ci ne croit pas à la culpabilité de Gale, ce dernier étant un militant et un « génie », Bitsey, elle, se range à l’avis des tribunaux qui l’ont jugé coupable. Le lendemain, arrivée au pénitencier d’Ellis, Bitsey se voit autoriser deux heures d’interview trois jours de suite seule avec Gale, à l’intérieur du parloir du couloir de la mort. Gale, bien qu’ayant toujours affirmé son innocence, ne cherche pas tellement à la convaincre mais à faire en sorte qu’on se souvienne de la façon dont il a mené sa vie et pas seulement de sa mort. Il lui raconte ainsi certains épisodes de sa vie, qui apparaissent dans le film sous forme de flashbacks ; ses cours à l’université en tant qu’enseignant, son amitié avec Constance Harraway, son affection pour son fils de six ans, Jaimie, le débat télévisé contre le gouverneur du Texas à propos de la peine de mort, et, surtout, comment un rapport sexuel avec une étudiante fraîchement renvoyée s’est transformé en accusation de viol qui lui a valu deux semaines de prison. Au deuxième jour, avant l’interview, Bitsey et Zack vont visiter la scène du crime, mais ne découvrent rien d’utile, la visite ne faisant que leur révéler à quel point la mort de Constance, les mains menottées, la clé avalée de force, asphyxiée avec un sac plastique scotché autour de la tête, fût cruelle. À la prison, Gale lui raconte comment il a sombré dans l’alcoolisme après avoir tout perdu suite à la fausse accusation de viol de cette élève « prête à tout pour pouvoir passer en classe supérieure » : d’abord sa femme et surtout son fils, qu’elle a emmené avec elle en Espagne, lui annonçant par mail qu’elle voulait divorcer et qu’elle vendait la maison, puis son travail d’enseignant, sa réputation, et du même coup sa crédibilité chez DeathWatch, d’où il est également « viré ». Puis d’autres flashbacks nous montrent sa participation aux alcooliques anonymes, ses tentatives infructueuse pour joindre son fils par téléphone, et comment, en partie grâce au soutien de Constance, il a réussi à retrouver un petit travail. En dernier, on apprend comment il a découvert que Constance était atteinte de leucémie, après qu’elle ait été transportée d’urgence à l’hôpital, et le choc qu’il en a ressenti. Avant de se quitter, il confie en pleurant à Bitsey à quel point il s’est senti égoïste en apprenant que Constance était condamnée à mort par sa maladie, mais qu’elle passait son temps à vouloir empêcher que d’autres gens ne meurent. Il lui affirme être victime d’un coup monté, mais ni lui ni Bitsey n’arrivent à imaginer qui pourrait être le véritable auteur du meurtre. Le soir, en revenant à leur motel, Bitsey et Zack découvrent une cassette vidéo anonyme qui leur montre les derniers instants de Constance, nue, le corps plein de bleus, sac sur la tête, se débattant. Choqués, ils remettent la cassette à l’avocat de Gale le lendemain matin, mais celui-ci leur annonce que la vidéo n’est pas une preuve assez nouvelle et fiable pour retarder l’exécution et rouvrir le procès. Bitsey se rend donc à son dernier entretien avec Gale. Il lui parle d’une manifestation de DeathWatch - pour sauver une jeune femme sur le point d’être exécutée - à laquelle il a participé avec Constance après que cette dernière est sortie de l’hôpital, manifestation qui s’est soldée par un échec. Un soir, alors qu’elle allait mieux mais qu’elle se savait condamnée par la maladie, Constance lui avait affirmé n’avoir pas de regrets, sauf peut-être de n’avoir eu que quatre amants dans sa vie. C’est pour cette raison que Gale s’était proposé comme cinquième amant, ce qui avait alors conduit à leur rapport sexuel mutuellement consenti. Gale avait été arrêté la nuit suivante. À la fin de cette troisième entrevue, Bitsey est convaincue de l’innocence de Gale, et lui reproche d’avoir dit la vérité si tard ; mais Gale répond qu’elle n’est pas là pour le sauver lui, mais pour sauver le souvenir que son fils aura de lui. « Peut-être que la mort est un cadeau. Qui sait. Tout ce que je peux vous dire est que demain à la même heure je serai mort. Je ne peux juste pas dire pourquoi. Vous avez vingt-quatre heures pour le

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découvrir. » Après lui avoir fait ses adieux, Gale est ramené dans sa cellule et Bitsey passe la nuit à analyser la vidéo de la mort de Constance à la recherche d’un élément nouveau, sans succès. Ce n’est que le lendemain matin qu’elle se rappelle d’un détail curieux sur la vidéo et, accompagnée de Zack, elle retourne dans la « maison du crime », où elle reconstitue la scène de la mort de Constance en se scotchant un sac plastique autour de la tête et s’attachant les mains, comptant sur Zack pour lui arracher le sac avant qu’elle n’étouffe. Elle comprend alors que Constance s’est suicidée, en faisant passer sa propre mort pour un meurtre, sachant qu’un innocent serait arrêté, dans le but de prouver que des innocents sont victimes du système. Zack et elle comprennent que c’est un complice de Constance, Dusty Wright, qui a déposé la vidéo au motel, et que s’ils arrivent à trouver la vidéo entière chez lui, ils pourront sauver Gale. Ils parviennent à trouver la vidéo, qui montre clairement le suicide de Constance et la participation de Dusty, mais Bitsey arrive juste trop tard à Huntsville ; Gale est annoncé mort. Les jours qui suivent, tout le monde est au courant de l’innocence de Gale grâce à Bitsey, mais celle-ci se sent coupable de ne pas être arrivée à temps. Puis elle reçoit un courrier de l’avocat de Gale contenant une ultime vidéo. Bitsey la regarde seule, et elle découvre, sur les dernières secondes, que Gale était présent lors du suicide de son amie, qu’il faisait partie de ce coup monté, et qu’il avait choisi de mourir exécuté, tout comme Constance avait choisi de se suicider ; tous deux se sont donc sacrifiés d’un commun accord pour leur cause : pour prouver que des innocents sont exécutés par la justice. 1.3 Problématique De nos jours, il reste dans le monde une trentaine d’États appliquant réellement la peine de mort, dont les États-Unis1. En regardant de plus près, on peut observer que ces pays où la peine capitale n’est pas abolie sont souvent des pays très peuplés, en voie de développement, voire atteints de pauvreté extrême. Sauf les États-Unis. Bien qu’étant le troisième pays le plus peuplé du monde, il prospère dans l’abondance alimentaire, technologique, a une grande influence sur les autres pays du point de vue économique et social, bref, on peut dire qu’il est un modèle du progrès. De plus, le système politique américain, basé sur la République, la démocratie et le fédéralisme témoigne d’un gouvernement civilisé. On peut donc facilement imaginer que les États-Unis ont de bonnes raisons de continuer d’exécuter des prisonniers en 2015, surtout qu’ils ne cherchent nullement à le cacher au reste du monde. Par contre, lorsqu’il s’agit d’innocents relâchés après avoir gâché leur vie dans le couloir de la mort, la nouvelle n’est pas criée sur les toits. Et, bien que les enquêtes ne continuent rarement au-delà des exécutions, il existe des preuves concrètes de cas où des innocents ont été exécutés à tort, ce risque étant inévitable, car toutes les procédures juridiques concernant l’exécution d’un condamné sont dirigées par des humains2. Et ceux-ci, même avec la sincère volonté de se montrer justes, ne parviennent pas toujours à se montrer objectifs. Comment dès lors expliquer qu’un État qui prône la liberté du peuple et est censé représenter un monde meilleur continue d’exécuter des prisonniers, au risque de tuer des innocents ?

                                                                                                               1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Application_de_la_peine_de_mort_dans_le_monde 2 Voir des exemples d’innocents condamnés à mort dans l’analyse 3.4.2, point c)

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1.4 Questions de recherche Les cinq questions suivantes concernent différents domaines en rapport avec la peine capitale, et se rapportent toutes aux facteurs qui entraînent des innocents dans le couloir de la mort. La première question porte sur les raisons qui poussent certains États des États-Unis à continuer d’appliquer la peine de mort. Étant donné que de plus en plus d’États américains abolissent la peine de mort, la déclarent anticonstitutionnelle, ou ne la pratiquent simplement plus, il est légitime de se demander pourquoi le reste des États-Unis continue d’exécuter des condamnés, malgré les nombreuses critiques qui leur sont adressées par leurs opposants et par d’autres pays du monde entier. Quels sont donc les arguments utilisés pour défendre la peine de mort ? Après les avoir analysés, les arguments pour la peine de mort peuvent sembler un peu faibles, et pourtant les gouvernements utilisent les mêmes depuis des années. La raison en est simple : leur but n’est pas forcément de convaincre leurs adversaires, mais la majeure partie de la population. Car logiquement, un État, pour adopter une mesure aussi radicale, doit obtenir le soutien de la population ; dans le cas des États-Unis, quelle est l’influence de la population sur le maintien de la peine de mort ? Un des argument principaux en faveur de la peine de mort est la volonté de rendre justice et de venger les proches des victimes, comme il est dit dans le film : « Œil pour œil, dent pour dent », volonté qui est encouragée notamment par la Bible. Cette dernière, avec le Nouveau Testament, enseigne pourtant de pardonner à autrui, ce qui est crucial par rapport à la question de la peine capitale. Étant donné qu’une grande partie de la population américaine est chrétienne et pratiquante, on peut se demander quelle est l’influence de la religion au niveau de la peine de mort ? Alors qu’il y a des milliers d’années, tuer un meurtrier semblait tout à fait normal, on remarque que plus les sociétés et les mentalités évoluent, plus le fait d’exécuter des prisonniers de sang froid paraît dérangeant. Pourtant la volonté de rendre justice et de débarrasser la société des criminels est honorable, mais pour différentes raisons le geste semble moins « humain » à notre époque. Avec cette question de recherche, nous allons mettre en avant les raisons qui font que la peine capitale est vivement controversée aux États-Unis. Toutes les démarches juridiques visant à juger un coupable et éventuellement à le condamner à mort sont menées par des êtres humains, ce qui signifie que même avec la technologie dont nous disposons de nos jours, il est parfois impossible de savoir la vérité sur ce qu’a commis l’accusé, et que des erreurs peuvent êtres commises à différents moments dans un procès. Ce sont ces erreurs, qui, dans le film La vie de David Gale, mènent le protagoniste à sa mort, démontrant qu’il existe de réelles failles dans le système concernant les exécutions aux États-Unis. Cette dernière question tentera d’établir quelles sont les failles qui mènent à la mort d’innocents.

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1.5 Méthode et cadre Méthodologie : Nous avons tout d’abord regardé le film. Ensuite, nous nous sommes demandées quel message le film voulait transmettre et nous avons discuté des faits qui nous ont marqués. Nous avons cherché des informations sur le film et sur la peine de mort aux États-Unis à l’aide de sites internet, puis nous avons rédigé les questions de recherche. Nous avons écrit la partie théorique grâce à différents sites internet, dont des sites d’information comme Wikipédia, mais aussi des sites comme celui d’Amnesty International pour des chiffres comme le nombre d’exécutions. Après cela nous avons commencé nos recherches sur les arguments pour ou contre la peine de mort sur différents sites internet correspondants. Nous avons commandé puis lu des livres tels que l’Exécution de Robert Badinter, et En direct du couloir de la mort de Mumia Abu-Jamal, qui tout deux nous ont permis de compléter nos recherches sur les arguments et de commencer celles sur les innocents condamnés à tort. Pendant le mois de juillet nous avons tenté de contacter Jacques Secrétan, journaliste suisse engagé contre la peine de mort, puis Amnesty Suisse, mais le premier était impossible à joindre et les seconds nous ont appris qu’ils n’accordaient pas d’interview pour des travaux de maturité car cela prenait trop de temps. Nous avons donc continué de rédiger nos analyses tout en nous renseignant sur d’autres spécialistes susceptibles de nous accorder un entretien. Nous avons évoqué le sujet de notre travail de maturité avec notre entourage, afin de collecter d’autres idées et opinions, et nous nous sommes spécialement intéressées aux arguments des gens qui étaient en faveur de la peine de mort, ceux-ci étant moins présents dans nos analyses. Vers le milieu du mois d’août, la présidente d‘Amnesty Suisse, Manon Schick, a gracieusement et exceptionnellement accepté de répondre à nos questions suite à un échange de mails. L’entretien s’est déroulé le 18 août 2015, à Lausanne3. Les réponses de Mme Schick nous ont permis de confirmer certaines de nos informations et de mieux comprendre le fonctionnement du système judiciaire américain, ainsi que la mentalité des partisans de la peine de mort. Les jours qui ont suivi, nous avons encore regardé le film pour être sûres de ne rien omettre d’important, puis nous avons rédigé la conclusion en nous basant sur les connaissances acquises durant ce travail. Cadre: Nous avons cherché à établir pourquoi des innocents se retrouvent dans les couloirs de la mort états-uniens, en étudiant différentes facettes des procédures de condamnations à mort. Nos recherches se sont limitées aux États-Unis pour les analyses, car c’est le pays où se passe l’histoire du film La Vie de David Gale, mais certains exemples évoquent d’autres pays, européens généralement, dans le but de comparer et faire ressortir les particularités du système américain, ou lorsqu’il s’agissait du comportement humain. C’est pour cette raison que nous avons cité L’Exécution de Robert Badinter à de nombreuses reprises dans l’analyse des failles du système, ce livre comportant de nombreuses réflexions sur les comportements des gens, lors des procès, qui peuvent induire des erreurs judiciaires4. Nous avons fixé les limites temporelles de 1990 à 2015, pour pouvoir observer d’éventuels changements entre les années où le film est censé se dérouler et aujourd’hui.

                                                                                                               3 La transcription de l’entretien se trouve en annexe, p.54 4 BADINTER, Robert. (1977). L’Exécution. Paris, Grasset. 192 p. Ce livre, paru en 1973 en France, relate l’affaire Buffet-Bontems, deux hommes condamnés à mort ; l’un, Buffet, avouait le meurtre, et l’autre, Bontems, dont Badinter était l’avocat, était innocent de meurtre, mais a tout de même été guillotiné.

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2. Partie théorique 2.1 Présentation de la peine de mort dans le monde Tuer son ennemi est un acte qui a toujours été présent dans l’histoire de l’humanité, bien que les premiers hommes n’aient tué leurs semblables que pour des raisons de première nécessité ; en effet, des ossements présentant des fentes faites par des objets tranchants laissent penser que la violence entre les humains remonte à environ 430 000 ans, comme en témoigne un crâne datant de cette époque et dont le propriétaire aurait été la victime du plus vieux cas de meurtre recensé5. C’est un instinct qui régit la vie de nombreux animaux, et qui est à la base de la survie des espèces, l’homme n’y faisant pas exception. Par contre, les hommes sont les seuls à choisir d’autres punitions pour leurs ennemis, que ce soit l’emprisonnement ou la torture, ce qui rend l’exécution plus ou moins désirable qu’un autre châtiment. Mais plus la société s’est complexifiée, plus il est devenu compliqué de juger et d'exécuter l'un des leurs, d'où l'apparition de prisons, de tribunaux, de jurys et de la peine de mort6. Mais qu’est-ce que la peine de mort exactement ? Cela consiste à priver une personne de sa vie, son droit le plus fondamental, qui est inscrit notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 19487, et c’est de nos jours lors d’un procès qu’une personne est jugée coupable de ses actes. Les méthodes d’exécutions varient en fonction des époques, des croyances religieuses et des régimes politiques, mais on en dénombre huit utilisées régulièrement depuis le siècle passé: l’électrocution (chaise électrique), la pendaison, l’injection létale, la fusillade (peloton d’exécution), la décapitation, la lapidation, l’asphyxie par gaz et même la crucifixion dans certains pays8. Les premières références à des personnes condamnées à mort suite à un jugement apparaissent dès l’Antiquité. On pouvait trouver la condamnation à mort dans des textes de loi, comme le Code de Hammurabi, datant de 1750 avant J.-C., qui est basé sur la loi du talion9. Les Grecs et les Romains l’employaient pour protéger la société et pour réparer le crime du condamné. Ils considéraient cette peine comme étant la plus ‘’extrême’’, en conséquence de quoi ils essayaient de ne l’utiliser que lorsqu’elle paraissait seule appropriée. En raison des différents régimes politiques appliqués par les États et de l’influence des religions, l’application de la peine de mort a par la suite évolué ; le condamné devait alors servir d’exemple: on le torturait et celui-ci devait se repentir de son crime. Cesare Beccaria, juriste et philosophe italien, est le premier abolitionniste connu10. Il publie en 1764 ‘’Des délits et des peines’’, ouvrage traduit de l’italien dans toute l’Europe, dans lequel il demande que l’on supprime la torture et la peine de mort, ce qui montre que                                                                                                                5 « Des archéologues découvrent la victime du premier meurtre de l’humanité » http://www.atlantico.fr/decryptage/archeologues-decouvrent-victime-premier-meurtre-histoire-humanite-2164671.html 6 Les premiers tribunaux datent de l’époque sumérienne, vers 3300 avant J.-C.6 https://fr.wikipedia.org/wiki/Justice « Justice Antique : Droit et Morale » 7 Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948, article 3, « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » 8 https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thodes_d%27ex%C3%A9cution 9 Code de Hammurabi « Types de peines » https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_de_Hammurabi 10 https://fr.wikipedia.org/wiki/Cesare_Beccaria « Biographie »

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ce sujet était déjà controversé au 18ème siècle. Son ouvrage a également eu un grand impact sur les lois de son époque, car il a inspiré des réformes judiciaires11, et c’est aussi suite à sa publication que la peine de mort a été pour la première fois de l’histoire abolie dans certains territoires d’Italie, dont la Toscane, - le tout premier état abolitionniste du monde ! - en 178612. Une des phrases les plus connues de son ouvrage est la suivante : « Il me paraît absurde que les lois, qui sont l’expression de la volonté publique, qui détestent et punissent l’homicide, en commettent un elles-mêmes, et que, pour éloigner les citoyens de l’assassinat, elles ordonnent un assassinat public13. » Dès la fin du 18ème siècle, la peine de mort est lentement abolie un peu partout dans le monde, et plus nettement à partir des années 1980, date à partir de laquelle presque tous les pays européens la suppriment officiellement. La raison en est que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de nombreux textes internationaux concernant la peine capitale (droits civils, politiques) sont apparus, dont les résolutions de l’ONU et la déclaration des droits de l’homme, qui encourageaient la création d’un moratoire sur les exécutions14. L’appartenance à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe entraîne l’abolition obligatoire de la peine de mort pour les États qui sont concernés.15 La Biélorussie est aujourd’hui le seul pays européen à ne pas avoir aboli la peine capitale, et même à l’appliquer régulièrement16 en toute légalité, puisqu’elle ne fait pas partie du Conseil de l’Europe. Actuellement, la peine de mort est encore largement appliquée aux États-Unis et en Chine, ainsi que dans de nombreux pays des continents africain et asiatique. Selon Amnesty, 2466 personnes au minimum ont été condamnées à mort en 2014, et 607 ont été exécutées par des gouvernements dans le monde. Ces chiffres ne prennent pas en compte les gens condamnés ou exécutés en Chine, qui, selon Amnesty International, représentent deux tiers des condamnations à mort du monde, bien qu’aucun chiffre exact n'ait été divulgué, ce domaine étant un « secret d'État », de même que pour la Corée du Nord17. Dans tous les cas, Amnesty avoue à regret que ses estimations du nombre de personnes exécutées en Chine sont certainement trop « optimistes », et que les chiffres réels atteignent probablement les 4'000 par année18 ! Malgré tout, l’abolition de la peine de mort progresse dans le monde : en 1977, on comptait seize États abolitionnistes ; début 2015, on arrivait à cent cinq, sur un total de 197 États19. À noter que certains États dépendants ou auto-proclamés ne sont pas pris en

                                                                                                               11 https://fr.wikipedia.org/wiki/Cesare_Beccaria « Peine de mort » 12 https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort#Remise_en_question 13 Cesare Beccaria, Des délits et des peines, § 28, p. 237 https://fr.wikipedia.org/wiki/Cesare_Beccaria 14 http://amnistiepdm.org/droits-humains.html 15 https://fr.wikipedia.org/wiki/Application_de_la_peine_de_mort_dans_le_monde « Europe » 16 On dénombre en moyenne 2 exécutions par année en Biélorussie https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort_en_Biélorussie 17 Selon le rapport d’ Amnesty International http://web-engage.augure.com/pub/attachment/395263/02424941827697711427778059482-amnesty.fr/Rapport%20peine%20de%20mort.pdf?id=1449346 18 https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort_en_R%C3%A9publique_populaire_de_Chine « Réforme à venir » 19 https://fr.wikipedia.org/wiki/Application_de_la_peine_de_mort_dans_le_monde

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compte dans ces chiffre car ils ne sont pas reconnus comme tels par L’ONU20. En plus de ces cent cinq pays, six l’ont abolie pour les crimes de droit commun et cinquante et un ne l’appliquent plus depuis au moins 10 ans bien qu’elle soit toujours en vigueur dans leurs lois21. Ce qui ne laisse que trente-cinq États l’appliquant encore dans le monde. D’après les chiffres d’Amnesty International et le graphique du site Le Monde ci-dessous, on constate que l’année 2014 comporte un taux de condamnations à mort particulièrement élevé, comparé aux sept années précédentes. Mais le taux d’exécutions, est, lui, extrêmement variable, - il est donc compliqué d’effectuer une estimation sur une longue période - et était, en 2014, quatre fois inférieur au taux de condamnations à mort. En conséquence, ce sont les couloirs de la mort qui se remplissent.

1. Évolution du nombre de condamnations à mort dans le monde de 2007 à 201422

2.2 Présentation de la peine de mort aux États-Unis Il semblerait que la première condamnation à mort aux États-Unis fût prononcée en 1608 en Virginie, lorsque George Kendall fût exécuté - car on le soupçonnait d’être un espion pour l‘Espagne, ce qui représentait une haute trahison pour les Britanniques23. Dès lors, les exécutions se succédèrent, plus ou moins nombreuses selon les années, jusqu’en 1972, date à laquelle une suspension des exécutions fût décidée par la Cour Suprême des États-Unis, car exécuter des prisonniers était trop cruel et l’on voulait trouver une autre solution pour neutraliser les criminels, mais les exécutions reprirent en 1976.                                                                                                                20 https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_du_monde « Depuis 1945 » 21 http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/01/peine-de-mort-les-executions-en-baisse-en-2014_4606988_4355770.html 22 Graphique tiré du site : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/01/peine-de-mort-les-executions-en-baisse-en-2014_4606988_4355770.html 23 http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/execution/readings/history.html

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De nos jours, il est invraisemblable qu’une personne soupçonnée d’espionnage se fasse condamner à mort. Les crimes passibles d’entraîner la condamnation à mort de l’accusé aux États-Unis sont le meurtre au premier degré avec circonstance aggravante et le « felony murder »24. Certains États prévoient également la peine de mort pour les crimes suivants, sans l’utiliser : parjure ayant entrainé la mort d’un innocent, viol d’enfant, viol d’adulte en récidive, trafic de drogue en grande quantité ou ayant entrainé la mort d’un consommateur, trahison, détournement d’avion, enlèvement aggravé, et conspiration par une organisation criminelle dans le but de faire assassiner un juré, un témoin ou un officier25. Bien que les États-Unis se décrivent volontiers comme étant le pays de la liberté et de l’égalité, ils étaient, en 2014, le quatrième pays au monde à exécuter le plus de condamnés - sans compter la Chine -, c’est-à-dire 35 personnes cette année-là.

2. Le nombre d’exécutions dans le monde par pays en 201426

Depuis longtemps, mais surtout depuis que de plus en plus d’États américains abolissent la peine capitale - on en dénombre de nos jours dix-neuf sur cinquante qui l’ont abolie, dont le Connecticut en août 2015 - on remarque que ce sont les États du sud qui exécutent le plus de condamnés : le Texas à lui seul représente environ quarante pourcent des exécutions du pays ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle La Vie de David Gale se déroule dans cet État ; comme l’a dit Alan Parker, le réalisateur du film : « il fallait tourner

                                                                                                               24 « felony murder » : lorsqu’un groupe commet un crime, un cambriolage par exemple, et qu’un des membres du groupe commet un meurtre, les complices sont également susceptibles d’être condamnés à la même peine https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort_aux_États-Unis#Crimes_capitaux 25 https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort_aux_États-Unis#Crimes_capitaux 26 Graphique tiré du site : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/01/peine-de-mort-les-executions-en-baisse-en-2014_4606988_4355770.html

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au Texas ; la politique du Texas face à la peine de mort est au cœur du sujet27. » Et effectivement, les chiffres en 2014 montraient que 512 personnes ont été exécutées au Texas depuis que la peine de mort y a été rétablie en 1976 (voir carte ci-dessous), ce qui représente plus d’un tiers des exécutions américaines sur la même période, au nombre de 1369.

3. Carte représentant le statut de la peine de mort en 2014 dans chacun des États américains et liste du

nombre d’exécutions aux États-Unis par États de 1976 à 201428 C’est aussi dans le Sud que les prisons sont les plus nombreuses : de nos jours, le Texas en comptent des dizaines, dont des prisons spécifiques, comme des unités psychiatriques, ou même des prisons « privées »29. Cette particularité du Texas a marqué certains acteurs du film pendant le tournage, notamment Kate Winslet, qui joue le rôle de Bitsey Bloom mais n’est pas américaine, et qui a dit à propos des prisons au Texas : « En fait, c’est très dur de filmer tout ça en étant à Huntsville, parmi tant de prisons. Ça fait bizarre de sortir de la ville car les panneaux n’indiquent pas d’endroits précis ou d’autres villes. Ils indiquent tous d’autres prisons, et non des localités. On a l’impression d’être dans une grande prison30. » Pourtant, d’après une étude réalisée au printemps 201531, il y a moins de personnes dans le couloir de la mort qu’auparavant. Depuis le printemps 2005, on constate une baisse des condamnations à mort de 13% en moyenne aux États-Unis. En Pennsylvanie, par exemple, le nombre d’exécutions a chuté de 230 à 184 en dix ans, et en Caroline du Nord de 197 à 157.                                                                                                                27 La Vie de David Gale, bonus du DVD « Death in Texas », commentaires des acteurs et réalisateurs, 0:45 28 Image provenant de : http://www.lemonde.fr/ameriques/infographie/2014/04/30/vingt-etats-pratiquent-encore-la-peine-de-mort-aux-etats-unis_4409832_3222.html 29 https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_Texas_state_prisons 30 La Vie de David Gale, bonus du DVD « Death in Texas », commentaires des acteurs et réalisateurs, 1:44 31 Étude tirée de : http://www.deathpenaltyinfo.org

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Le tableau ci-dessous représente le nombre de personnes exécutées aux États-Unis lors de chaque décennie depuis 1950 jusqu’en 2012. Il n’y a eu aucune exécution entre les années 1967 et 1976, en partie grâce au moratoire de 1972-1976. Entre 2010 et août 2015, il y a eu environ 183 exécutions. Bien que le début des années 2000 ait connu un nombre d’exécution sinistrement élevé, les chiffres entre 2010 et 2015 sont pour l’instant relativement bas.

4. Nombre de personnes exécutées aux États-Unis lors de chaque décennie depuis 195032

                                                                                                               32 https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort_aux_États-Unis « 2.2 Exécutions par décennie »

1950-1959 1960-1969 1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2009 2010-2015

717 191 3 117 518 598 219 (avril 2015)

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3. Analyse 3.1 Les arguments pour la peine de mort En 2015, il reste aux États-Unis trente-et-un États qui exécutent légalement des prisonniers - ou ont légalement la possibilité de le faire -, justifiant l’application de la peine de mort par différents arguments. « Les adversaires de la peine de mort guillotineraient volontiers les partisans de la peine de

mort33. » Bien que de nouveaux États américains aient aboli la peine capitale depuis le début des années 2000, après que La Vie de David Gale a été tourné, elle reste très populaire dans les États qui l’appliquent, les gens pensant non seulement qu’elle permet de libérer de l’espace au niveau des prisons, mais aussi qu’elle rassure la population et fait baisser le taux de criminalité, son rôle étant également de décourager les criminels34. a) L’argument de la dissuasion Dans le film, lors d’un débat auquel participe David Gale, une vision globale des principaux arguments pour la peine capitale est donnée par le gouverneur du Texas, arguments qui sont régulièrement repris par les partisans de la condamnation à mort. Parmi eux, le plus fréquemment mis en avant est celui de la dissuasion : en exécutant un condamné, on espère donner l’exemple et freiner le crime35. Et les exécutions sont généralement assez médiatisées –à cause des débats qu’elles provoquent– en conséquence tout criminel potentiel connaît les risques qu’il encoure et sait à quoi s’attendre comme « représailles ». Comme le dit Manon Schick, Présidente d’Amnesty Suisse, « aux États-Unis, la peine de mort est vraiment très liée à l’idée de la responsabilité individuelle: chaque individu est responsable de ses actes, et c’est aussi pour cela que les États-Unis ne restreignent pas du tout l’accès aux armes à feu [...] : c’est un droit du citoyen d’avoir une arme. [...]. Et je crois que la peine de mort, c’est, pour eux, l’aboutissement de cette responsabilité individuelle. Si on est assez bête pour commettre un acte qui est contraire à la loi, alors on va être condamné à mort et on va l’assumer36. » Les partisans de la peine de mort qui utilisent l’argument de la dissuasion prétendent qu’il est simplement logique que la plupart des meurtriers –qui préméditent leur meurtre– pensent aux conséquences, et qu’il n’est de toute façon pas possible de prouver concrètement que la peine de mort n’a pas d’effet dissuasif. Ils affirment aussi que si une condamnation à mort était immédiate, sans les années d’attente dans le couloir de la mort,

                                                                                                               33 René Barjavel, écrivain et journaliste français du 20ème siècle 34 Depuis 2004, notamment l’État de New York, le New-Jersey, le Nouveau-Mexique et le Connecticut l’ont abolie https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort_aux_États-Unis#De_1996_.C3.A0_2005 35 La Vie de David Gale, la scène du débat avec le Gouverneur du Texas, dès 34:10 Il est possible de visionner la scène sur youtube en VO: https://www.youtube.com/watch?v=O8DruxAjmb8 36 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 3.

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la menace de l’exécution semblerait plus réelle, et le taux d’homicides baisserait37. b) L’argument de la vengeance Le deuxième argument mentionné par le gouverneur dans le film est le droit qu’ont les proches de la victime de se venger. En effet, une des phrase les plus employées par les partisans de la peine de mort est celle-ci, tirée de la loi du talion : « Œil pour œil, dent pour dent », et également présente dans la Bible : « Tu ne jetteras aucun regard de pitié : œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied38 ». Parmi les Américains qui sont pour la peine de mort, certains assurent que les meurtriers doivent mourir, car quelqu’un qui a pris une vie ne mérite pas de continuer à vivre. D’autres pensent que la mort serait trop facile et que les condamnés à mort devraient souffrir autant voire plus que leurs victimes. Dans les deux cas, le désir de vengeance incite les gens - surtout les proches des victimes - à répondre à la violence par la violence, dans le but de rendre justice et de soulager leur chagrin. Cet état d’esprit n’est pas surprenant, venant d’un pays tel que les États-Unis où le christianisme mal compris est si présent dans les traditions et les mentalités des habitants, surtout au sud, là où les exécutions sont les plus nombreuses. Dans tous les cas, les familles de victimes qui militent contre la peine de mort, sont, aux États-Unis, ultra-minoritaires. Leur point de vue est même perçu comme hérétique39. c) L’argument des innocents Dans le film, le gouverneur décide, pour couper court aux accusations de Gale d’avoir assassiné des innocents, de simplement lui demander de citer un seul nom d’innocent qui a été exécuté au Texas depuis le début de son mandat. Évidemment, Gale est dans l’incapacité de répondre, et le débat s’achève de cette manière. Effectivement, bien que de nombreux prisonniers aient été innocentés alors qu’ils étaient dans le couloir de la mort, il n’existait, au moment où le film a été tourné, aucune preuve concrète que des innocents aient été exécutés à tort, car les enquêtes ne sont rarement prolongées au-delà de la mort de l’accusé. De plus, quand il est prouvé que des erreurs ont coûté la vie à un innocent, les gouvernements essaient d’étouffer l’affaire, et ces cas ne sont donc pas très connus. Il existe pourtant des condamnés qui ont été déclarés non-coupables après leur mort, comme par exemple Charles Munsey, condamné en 1993 et exécuté en 1999 pour un crime qu’un autre homme a plus tard avoué avoir commis40. Récemment, le 8 juin 2015, Alfred Dewayne Brown a été libéré du couloir de la mort au Texas, devenant ainsi le 154ème condamné à mort innocenté depuis la réintroduction de la peine de mort aux États-Unis en 197641. Mais tant que les innocents sont libérés avant d’être exécutés, les autorités ne les considèrent pas comme des erreurs du système judiciaire ; au contraire, leur libération prouve que le système fonctionne. d) L’argument du coût                                                                                                                37 « Deterrent in 27 States », http://www.prodeathpenalty.com/OrnellasPaper.htm 38 Deutéronome 19.21 39 Par exemple Bud Welsh, père d’une victime et militant http://www.liberation.fr/evenement/1997/12/26/un-refus-minoritaire-de-la-vengeance-des-familles-de-victimes-militent-contre-la-peine-capitale_223198 40 Détails de l’affaire sur : http://www.deathpenaltyinfo.org/additional-innocence-information 41 http://www.deathpenaltyinfo.org/node/6162

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Un autre argument très souvent utilisé par les partisans de la peine de mort est la différence de coût entre l’exécution et l’emprisonnement. C’est une idée qui touche encore plus la population, puisque ce sont les impôts qui financent les exécutions et les prisons. Dans le film, avant l’exécution de Gale, le chef du service juridique fait un discours devant la prison, il décrit notamment les composants de l’injection létale, puis précise : « ce cocktail coûte à l’État du Texas environ 86,08 dollars par exécution42 ». En effet, l’injection en elle-même n’est pas très chère, quoique sûrement bien plus de nos jours avec la pénurie de produits pour l’injection ; et encore, cette pénurie justifie, dans certains états comme l’Utah, le recours au peloton d’exécution, encore moins cher que l’injection43 ! Mais de toute façon, tant que les chiffres énoncés par les autorités restent raisonnables, la population n’oppose pas d’objections de ce côté-là. e) L’argument de la libération de l’espace pénitentiaire Avec l’argument du coût vient souvent celui de la libération de l’espace pénitentiaire ; la peine de mort permettrait de vider les prisons, nombreuses et surchargées aux États-Unis. Effectivement, comme l’explique Manon Schick, « le problème plus général de la détention aux États-Unis, surtout dans les quartiers de haute sécurité, c’est la façon dont les prisons sont gérées ; il y a un vrai problème du nombre de gens qui sont en prison, ce qu’on appelle l’incarcération de masse ; aux États-Unis, une proportion énorme de la population est en prison, proportion bien plus élevée que dans les pays européens44. Et ils ne connaissent pratiquement aucune alternative à la détention, il y a très peu de système de semi détention, de bracelets électroniques, etc. » En effet, en 2012, environ 2.2 millions d’Américains étaient incarcérés, ce qui représente 0.9% de la population adulte américaine ! Alors qu’à la même époque en France, un peu plus de 67'000 personnes étaient en prison, soit environ 0.1% de la population française45. Ces chiffres peuvent expliquer pourquoi cet argument, tout comme celui du coût de l’emprisonnement, est très populaire chez les partisans américains de la peine de mort, davantage toutefois chez la population que chez les hommes politiques. f) L’argument de la protection de la société Leur dernier argument, incontestable, est que la mort des condamnés assure la protection de la société. Il est absolument vrai que, tant que l’on élimine des meurtriers et des tueurs en série, la société ne peut que mieux s’en porter. En effet, emprisonné, un meurtrier peut s’échapper et récidiver, ou blesser d’autres personnes à l’intérieur de la prison, même faire une prise d’otage désespérée.

                                                                                                               42 La Vie de David Gale, discours du chef du service juridique de l’unité de Hunstville, 1:43:22 43 L’Utah autorise le peloton d’exécution http://www.parismatch.com/Actu/International/L-Utah-autorise-le-peloton-d-execution-731646 44 https://fr.wikipedia.org/wiki/Prison_aux_États-Unis  45 https://fr.wikipedia.org/wiki/Population_carcérale_en_France

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Le risque de récidive est aussi particulièrement important, aux États-Unis, pour les criminels qui ne sont condamnés qu’à une simple peine de prison et sont relâchés au bout de quelques années, étant donné qu’ils ne ne bénéficient pas de mesures de réinsertion. « Pour l’instant, en Suisse et dans des pays européens, on vit encore dans une société où on pense que le risque zéro n’existe pas, et qu’on ne peut pas priver tout le monde de ses droits parce qu’il risque d’y avoir une personne dans le tas qui pourrait récidiver. Mais si les récidives se multiplient, on va arriver à une situation où on va condamner les gens à des peines extrêmement longues, c’est le danger46. » ajoute Manon Schick, et cette situation dont elle parle est justement celle des États-Unis, où la récidive est perçue comme une « trahison » du système judiciaire, et une preuve supplémentaire pour l’opinion publique que la peine de mort est la seule solution pour l’empêcher. La question des innocents vient cependant hanter les bonnes consciences des partisans de la peine de mort ; car il existe indiscutablement un risque qu’une injustice irréparable soit commise, comme le prouve Gale par sa mort dans le film. Et dès le moment où la possibilité existe que des innocents soient exécutés, c’est la société qui est touchée ; car n’importe quel citoyen pourrait être victime d’un coup monté, ou même simplement des circonstances, et se retrouver dans le couloir de la mort. Il faut donc prendre un moment pour se demander si le fait de débarrasser les États-Unis des meurtriers qui y sévissent est assez important pour prendre le risque de sacrifier des innocents. Si oui, alors cet argument est le plus pertinent en faveur de la peine de mort. 3.2 L’avis et l’influence de la population sur la peine capitale Les partisans de la peine de mort sont très nombreux aux États-Unis, mais pour que la peine de mort soit appliquée dans un pays, les gouvernements ont besoin qu’elle soit populaire. « La prise de position d'un homme devant la peine de mort est pour moi un test absolu de

son niveau de civilisation47. » 3.2.1 Les différents avis de la population américaine Il est clair que les opinions d’une personne varient selon son statut social, ses croyances, l’environnement dans lequel elle vit et son histoire personnelle, mais pour ce qui est de la peine de mort, la population n’est, de façon générale, pas aussi bien informée que l’on pourrait l’imaginer. De plus en plus d’associations s’impliquent donc afin que cela change ; Amnesty, par exemple, va souvent dans des écoles faire de l’information au sujet de la peine de mort, et le constat de Manon Schick à ce propos est le suivant : « Je crois qu’il n’y a peu de sujets sur lesquels on voit autant les gens changer d’avis quand on les renseigne ; nous on fait beaucoup d’intervention dans les écoles, sur le thème de la peine de mort, et en fait c’est très intéressant parce qu’au début de nos interventions on demande aux jeunes « est-ce que vous êtes pour ou contre la peine de mort ? », et en général ils sont tous pour. Alors qu’à la fin de l’intervention d’une heure, en général ils sont tous contre. Et

                                                                                                               46 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 9. 47 Maurice Chapelan, journaliste et essayiste français du 20ème siècle

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en fait, on ne leur a pas dit « il faut être contre », on leur a juste présenté les arguments, et puis on les a fait débattre entre eux.48. » On peut donc constater à partir de cela que les enfants n’ont, tout comme la population, pas été assez renseignés sur le sujet pour avoir un avis réfléchi sur le sujet de la peine de mort. Et ce manque de connaissance sur le sujet donne lieu à des préjugés, à des idées toutes faites sur les condamnés à mort, qui peuvent s’avérer totalement fausses. Même la part de population qui a accès à ces renseignements se montre parfois pleine d’idées préconçues. Ainsi, dans le film, une secrétaire du News Magazine dit à Bitsey à propos de Gale: « viol, meurtre, exécution. Peut-être même qu'il est innocent. » et Bitsey lui rétorque: « ouais, c'est ça »49. Puis, plus tard, lorsque elle exprime son refus de croire à l’innocence de Gale : « Trois tribunaux différents l'ont déclaré coupable, Zack. Ça me suffit. »50 La majorité de la population, c’est-à-dire 56% d’Américains, est favorable à la peine de mort en 2015, témoignant donc d’une confiance aveugle en les autorités qui détiennent le droit de vie et de mort sur leurs citoyens51. Bien sûr, comme le rappelle Manon Schick, les sondages sur la peine capitale donnent des chiffres contestables, étant donné qu’ils dépendent des circonstances et des événements. En effet, des abolitionnistes lanceraient plutôt un sondage juste après la libération d’un condamné à mort innocent, alors que des partisans de la peine de mort poseraient la question au gens à la suite d’un meurtre abominable, ce qui signifie qu’aucun sondage de ce genre n’est réellement fiable. D’ailleurs, le problème de la plupart des sondages sur la peine de mort est qu’ils se contentent de demander aux gens s’ils sont « pour » ou « contre » la peine de mort en évoquant différents cas de meurtres, d’enfants par exemple, ce qui incite presque les gens à répondre oui. Pour obtenir des résultats moins influencés, il faudrait également poser les questions inverses, comme : « Votre fils se fait condamner à mort pour un crime qu’il n’a pas commis, êtes-vous pour la peine de mort ? », « Votre fille se fait condamner à mort pour un crime qu’elle a commis, êtes-vous pour la peine de mort ? 52 ». De même que Bitsey, les habitants de Huntsville venus assister à l’exécution se permettent de juger Gale de manière catégorique, sans considérer la possibilité qu’il puisse être innocent : « Il a violé et tué cette femme. En ce qui me concerne, il devrait mourir. », « Ils ont dit à la télé qu’il l’a violée puis étranglée. Il mérite de mourir53. » Ces préjugés sur les condamnés à mort sont souvent engendrés par la peur ; en effet, une des raisons principales pour laquelle la population est en faveur de la peine de mort, selon Amnesty International, est que cela lui permet d’être « libérée du crime ». Elle a besoin d’être rassurée, de nombreuses personnes étant obsédées par le fait que les criminels

                                                                                                               48 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 7. 49 La Vie de David Gale, la secrétaire s’adressant à Bitsey, 4:10 50 La Vie de David Gale, Bitsey s’adressant à Zack, 39:14 51 En 2015, 56% des américains « pour », 36% « contre » http://www.people-press.org/2015/04/16/less-support-for-death-penalty-especially-among-democrats/ 52 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 10. 53 La Vie de David Gale, interview d’un manifestant puis d’une manifestante, 1:51:38

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représentent une menace potentielle pour elles, surtout lorsqu’un crime a provoqué une vive émotion54. Bien souvent cette peur se transforme en une sorte de haine populaire ; dans La Vie de David Gale, nombreux sont les manifestants qui sont pour la peine capitale et qui, lorsque la mort de Gale est annoncée, manifestent leur approbation en « sautant de joie55. » Malgré ces mentalités qui empêchent la majorité de la population américaine d’avoir un regard plus impartial sur la peine de mort, les façons de penser ont changé aux États-Unis ces dernières années, notamment grâce aux médias qui montrent plus fréquemment les défauts de la justice américaine, en particulier lorsqu’ils évoquent le nombre de personnes qui avaient été envoyées dans le couloir de la mort et qui sont ensuite innocentées. On a démontré grâce aux sondages faits dans de nombreux pays et notamment aux États-Unis, que si l’on suggérait la réclusion à perpétuité sans alternative de libération conditionnelle au lieu de la peine capitale, le nombre de personnes favorable à la peine capitale baisse.56 En mai 2006, un sondage réalisé par l’organisation américaine « Gallup » aux États-Unis révélait que « les opinions favorables à la peine de mort avaient passé de 65% à 48% quand la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pouvait s’y substituer. »57 On peut donc conclure qu’une partie des partisans américains de la peine de mort pourrait changer d’avis s’ils étaient mieux renseignés sur le sujet, sur les condamnés, également sur les méthodes d’exécution, et surtout si une punition alternative était proposée. 3.2.2 L’influence de la population Les citoyens américains n’ont pas directement la capacité de changer les lois concernant la peine de mort, mais ils ont le pouvoir de faire entendre leur voix, que ce soit individuellement ou en fondant des associations. Dans le film La Vie de David Gale, c’est l’association DeatchWatch - l’association fictive à laquelle Gale appartient dans le film - qui renseigne la population et milite contre la peine de mort. Que l’application de la peine de mort ne découle pas d’un vote populaire n’est pas une particularité liée aux États-Unis, car, comme l’indique Manon Schick, « il n’y a pratiquement aucun exemple de population qui a voté contre la peine de mort, c’est très rare. Même en Suisse, on n’a pas voté sur la peine de mort. Ça a été aboli, c’est une décision des autorités, c’est une modification de la Constitution et nous on a voté sur la Nouvelle Constitution, où il n’y a pas la peine de mort, mais on n’a pas formellement voté « pour » ou « contre » abolir la peine de mort. En France, la peine de mort a été abolie par un ministre qui a décidé de l’abolir, ce n’est pas une décision populaire. Et je pense que, si on devait avoir une décision populaire, on perdrait dans plein de pays. Parce que dans plein de pays, les gens pensent encore que la peine de mort, ça permet de lutter contre le crime –                                                                                                                54 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., p.75 55 La Vie de David Gale, , 1:52:48 56 Constats fait par Amnesty si l’on proposait la réclusion à perpétuité sans alternative de libération conditionnelle et sur une des principales raisons pour laquelle la population vote pour la peine capitale: http://amnistiepdm.org/mythes-et-reacutealiteacutes.html 57 phrase tirée de http://amnistiepdm.org/mythes-et-reacutealiteacutes.html

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ce qui est faux– et que c’est une façon de lutter contre le terrorisme, ce qui est aussi faux, mais voilà fondamentalement, si on devait aujourd’hui avoir une votation, ce serait compliqué58. » Dans tous les cas, les parts de population favorable et défavorable à la peine capitale ont plus de chance d’avoir de l’impact sur une condamnation ou une exécution particulière que sur les lois concernant la peine de mort. Robert Badinter avait d’ailleurs parfaitement conscience de cette influence de la population sur le verdict du procès de son client, Bontems : « Parfois [...] je m'employais à analyser les arguments qui pouvaient commander l'exécution. [...] La vindicte populaire, qui réclamait la mort des preneurs d'otages ? Là sans doute était la menace, car le président demeurait un homme politique, donc sensible à toutes les fluctuations de l'opinion publique59. » Une condamnation à mort devient ainsi très souvent un acte politique, en fonction de ce que demande le peuple, même si à aucun moment on ne semble lui laisser réellement le choix. Les responsables des condamnations à mort prennent leurs décisions de manière stratégique, et les accusés ne sont plus des humains, mais des pions. Le droit de grâce, qui permet de gracier, commuer des sentences et proclamer une amnistie60, intervient aussi dans cette stratégie, comme le comprend Badinter dans l’Exécution : « Guillotinerait-on Buffet ? À coup sûr, pensait le public. Bontems ? Les avis étaient partagés. Chacun annonçait le choix du président selon son inclination propre. [...] Les habiles évoquaient la proximité des élections. Le président ferait exécuter l'un pour montrer sa fermeté, gracierait l'autre pour illustrer son humanité. Ainsi tout le monde serait content61. » Ainsi aux États-Unis les élections jouent un grand rôle dans les condamnations et les exécutions, comme par exemple celle de Ricky Ray Rector, un handicapé mental exécuté en Arkansas en 1992. Bill Clinton, gouverneur de l’Arkansas à cette époque, faisait campagne pour être président et avait préféré le « laisser » mourir pour des raisons politiques. En effet, comme la majorité de la population était favorable à la peine de mort, il s’était prononcé « pour » également, afin de récupérer plus de votes62. Bill Clinton était pourtant un candidat du parti démocrate, parti dont les membres ne sont plus que 40% à soutenir la peine de mort de nos jours, alors que les partisans républicains de la peine capitale représentent encore 77% de leur parti63. La population américaine a donc peut-être plus d’emprise sur les autorités qu’elle ne le pense, et si, comme dit précédemment, les citoyens étaient mieux renseignés et changeaient d’avis sur la peine de mort, cette dernière pourrait être franchement remise en question par les gouvernements.

                                                                                                               58  Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 7.  59 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., pp.164-165 60 https://fr.wikipedia.org/wiki/Président_des_États-Unis#Droit_de_gr.C3.A2ce 61 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., p.163 62 Description de Ricky Ray Rector, https://en.wikipedia.org/wiki/Ricky_Ray_Rector 63 http://www.people-press.org/2015/04/16/less-support-for-death-penalty-especially-among-democrats/

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3.3 L’influence de la religion sur la peine capitale La religion chrétienne est très présente aux États-Unis, spécialement dans le Sud, mais son rôle par rapport à la peine de mort reste ambigu car elle est utilisée comme argument à la fois par les partisans de la peine capitale et par les abolitionnistes.

« Les Blancs ont conquis l’Amérique une arme dans la main et une Bible dans l’autre. Et ils la dirigent toujours ainsi64. »

C’est le gouverneur, qui, dans le film La Vie de David Gale, énonce la phrase: « Œil pour œil, dent pour dent » en tant qu’argument pour la peine de mort, ce à quoi Gale répond: « Savez-vous ce que Gandhi pensait de ça ? L’ancienne loi revendiquant un œil pour un œil nous rend tous aveugles ».65 Il est bien connu que Gandhi soutenait la non-violence, qu’il définissait comme étant l’ « Amour pur66. » Cette notion de bienveillance et de pardon - l’amour-charité du christianisme -, montre que la religion peut également être utilisée comme argument contre la peine de mort et non pas que pour la soutenir, comme c’est souvent le cas. 3.3.1 La religion chrétienne aux États-Unis Le christianisme est très présent aux États-Unis : en 2014 il y avait 172,8 millions d’Américains qui se proclamaient chrétiens, soit plus de la moitié de la population américaine67. Cependant, il y aurait de moins en moins de protestants et de catholiques, une baisse constatée surtout chez les jeunes, d’après le centre de recherche Pew Research Center. Les non-croyants sont de plus en plus nombreux ; en 2007, ils étaient 36,6 millions et en 2014, 56 millions. Les « nones », ceux qui ne sont membres d’aucune Église, sont même plus nombreux que les catholiques68. Les sondages ont également montré que 76% des Américains vivant dans le Sud des États-Unis sont chrétiens69, ce qui montre que le pourcentage de personnes croyantes est plus élevé là-bas que dans le reste du pays. Au Texas, par exemple, il y a 77% de chrétiens, 4% de croyants non chrétiens, et 18% de « nones »70. Les églises, qui sont des lieux de rencontre, sont nombreuses au Texas, tout comme les prisons. D’ailleurs, comme le fait remarquer Bitsey Bloom dans le film : « On est dans le

                                                                                                               64 Citation d’un membre du « Black Power », mouvement noir créé dans les années soixante aux États-Unis et qui avait pour but de lutter contre la ségrégation raciale et de promouvoir les intérêts des noirs. 65 Il est possible de visionner la scène sur youtube : https://www.youtube.com/watch?v=O8DruxAjmb8 Ou dans le film à partir de 34:10 66 https://fr.wikipedia.org/wiki/Non-violence 67 Le total de la population américaine est de 322'924'557 personnes https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_population 68 Ce paragraphe est basé sur le site de « La Vie », dont l’article traite au sujet du christianisme : http://www.lavie.fr/blog/henrik-lindell/le-christianisme-americain-est-il-en-crise,4136 69 D’après les recherches de « Pew Research Center »: http://www.pewforum.org/religious-landscape-study/region/south/ 70 Dans les « nones », il y a les athées, les agnostiques et les individus qui ne savent pas quoi répondre à la question : « de quelle religion ils se sentent plus proches ». Pour plus d’information aller sur le site : http://www.pewforum.org/religious-landscape-study/state/texas/

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Sud profond quand il y a plus d'églises que de Starbucks. », ce à quoi Zack ajoute : « Et plus de prisons que de Starbucks71. » Le Texas, la Virginie et l’Oklahoma sont les États qui ont exécuté le plus de personnes depuis 1976, année où la peine de mort a été rétablie. Et ces États s’avèrent être des États du Sud et c’est dans ceux-là que l’on constate la plus grande influence religieuse72. C’est donc bien au Sud que la religion a le plus d’impact sur les mentalités ; l’avortement et le mariage homosexuel y sont souvent proscrits, pour des motifs religieux, alors que ces sujets « sensibles » dans le Sud ne posent pas de problèmes au Nord. Il n’est donc pas étonnant que la peine de mort soit également perçue différemment là-bas, comme l’a relevé Guy Bedos : « ceux qui sont contre l'avortement sont ceux-là même qui sont pour la peine de mort.» Cela peut paraître paradoxal étant donné que d’une part on désire enlever une vie et de l’autre on souhaite la garder. 3.3.2 L’influence du christianisme sur la peine de mort Dans le Nouveau Testament, il est noté: « Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.»73 « Vous avez appris qu’il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent,] et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »74 Pourtant, malgré la clarté de ce message transmis par la Bible, la plupart des gens utilisent la religion pour condamner une personne, évoquant la loi du talion, également présente dans la Bible, mais dans l’Ancien Testament : « Tu ne jetteras aucun regard de pitié : œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied75 ». Les personnes qui souhaitent voir un condamné à mort mourir dans d’atroces souffrances en prison débordent d’une haine aveugle, leur désir étant que le meurtrier souffre autant que sa victime. Pourtant la haine et le fait de vouloir le malheur des autres ne sont pas des sentiments qu’encourage le christianisme, religion la plus présente aux États-Unis76. Jean-Pierre Malmendier est contre la peine de mort, même si, sa fille, Corine, a été séquestrée, violée puis assassinée. Ce tragique événement s’est déroulé en Belgique, mais ses déclarations à propos de la peine capitale font écho à celles de certaines familles américaines, qui la perçoivent de la même manière. Selon Malmendier, certaines personnes pensent qu’en montrant toute la haine qu’elles ont envers le condamné, elles peuvent

                                                                                                               71 La Vie de David Gale, Bitsey et Zack à propos du Texas, 11:18 72 D’après le site internet « Bully Pulpit » qui parle de politique, culture et de sciences en Amérique: http://www.bullypulpit.fr/pourquoi-la-peine-de-mort-existe-t-elle-encore-aux-etats-unis/ 73 Tiré de la Sainte Bible, Epître aux Galates, La chair et l’Esprit, 5: 14 : http://saintebible.com/galatians/5-14.htm 74 Ibid., Evangile selon Mathieu, Aimer ses ennemis, 5 : 43-45 : http://saintebible.com/matthew/5-44.htm 75 Deutéronome 19.21 76 http://www.pewforum.org/religious-landscape-study/

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remonter le moral d’un proche de la victime ; mais ceci est faux car la haine anéantit77. Il ajoute que « la peine de mort, c’est comme si on donnait quelque part raison aux assassins, puisqu’on dit qu’à un moment on peut supprimer la vie de quelqu’un. »78 Éprouver de la haine envers un meurtrier ne devrait pas pousser quelqu’un à vouloir se venger. Si on le fait, « on se détruit ».79 Au contraire, le christianisme encourage le pardon. Mais le souhait des proches d’une victime que le coupable soit condamné à mort n’est pas une volonté de pardonner. Et tout ceci n’aide, dans la majorité des cas, ni les proches de la victime à se sentir mieux, ni le condamné à regretter ses actes et à tenter de se racheter. Il paraît juste que le condamné doive payer un prix pour ce qu’il a fait, mais il y a bien d’autres moyens de punir une personne que de la condamner à mort. D’ailleurs, plusieurs publications américaines catholiques, dont « America Magazine », « Our Sunday Visitor », et « National Catholic Reporter », ont déclaré en mars dernier vouloir participer à l’abolition de la peine de mort aux États-Unis80. Ce n’est cependant pas le cas de tous les catholiques. Il en va de même parmi les protestants : alors que certaines mouvances protestantes ont affirmé ne pas vouloir soutenir la peine capitale, la Convention Baptiste du Sud s’est prononcée pour la peine de mort81. Elle ajoute cependant que les condamnés ne doivent pas être punis en raison de leur rang social ou leur race82. Tom Elliff, le président de la « Southern Baptist Convention », déclare que « le fait de ne pas apporter son soutien à la peine de mort est un acte irrespectueux pour la vie humaine83. » Les positions sont donc divisées au sein même des églises chrétiennes au sujet de la peine capitale. La raison en est simple : comme l’explique Manon Schick, « on instrumentalise la religion pour lui faire dire ce qu’on veut, c’est-à-dire : soit on lui fait défendre la peine de mort, soit on lui fait être contre la peine de mort, mais en tout cas, c’est "bien pratique" dans un cas ou dans l’autre84. » Pour éviter d’utiliser la religion comme prétexte dans le débat sur la peine de mort, il faudrait exclure les idées religieuses des listes d’arguments « pour » et « contre ». D’ailleurs, ce n’est pas pour des motifs religieux que de nombreuses associations et ONG, comme Amnesty International, se battent contre la peine de mort. Au bout du compte,                                                                                                                77 Jean-Pierre Malmendier, père de Corine qui a été assassinée: http://www.enseignons.be/upload/secondaire/morale/La-Justice-IV.pdf 78 Egalement de Jean-Pierre Malmendier, père de Corine : http://www.enseignons.be/upload/secondaire/morale/La-Justice-IV.pdf 79 Gino Russo, père de Mélissa, morte à cause d’un pédophile. Gino Russo est pourtant contre la peine de mort, :http://www.enseignons.be/upload/secondaire/morale/La-Justice-IV.pdf 80 D’après le site internet de « New Republic », qui parle de l’impact de la religion et de la race sur la peine de mort: http://www.newrepublic.com/article/121231/national-catholic-publications-announce-opposition-death-penalty 81 La convention Baptiste du Sud, en anglais « Southern Baptist Convention », est la plus importante église protestante aux Etats-Unis. 82 Basé sur le site :http://www.bullypulpit.fr/pourquoi-la-peine-de-mort-existe-t-elle-encore-aux-etats-unis/ 83 Selon le site internet de « Libération », où diverses personnes parlent au sujet de leur position concernant la peine de mort : http://www.liberation.fr/evenement/1997/12/26/un-refus-minoritaire-de-la-vengeance-des-familles-de-victimes-militent-contre-la-peine-capitale_223198 84 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 2.

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comme le rappelle Mme Schick, la religion joue un certain rôle dans les arguments, mais exécuter quelqu’un est surtout un acte politique85. 3.4 La controverse et les arguments contre la peine de mort Les exécutions de condamnés à mort aux États-Unis provoquent de nombreux débats entre partisans et abolitionnistes, ces derniers ayant tout autant d’arguments, voire plus, à leur opposer. 3.4.1 La controverse de la peine de mort aux États-Unis Il suffit d’évoquer la peine de mort au sein d’un groupe de personnes pour que se forment immédiatement deux camps: ceux qui sont contre, ceux qui sont pour, ainsi que l’étalage de tous leurs arguments et leur morale. Depuis Cesare Beccaria, de nombreux écrivains, philosophes, et hommes politiques ont donné leur avis - contradictoires - sur le sujet, offrant aux amateurs de polémique un large éventail de phrases mémorables à citer lors des débats provoqués par la peine capitale. Pour reprendre les mots de personnalités célèbres : « Si l'on veut abolir la peine de mort, en ce cas, que messieurs les assassins commencent86», d’Alphonse Karr. Puis, l’argument contraire: « Il est à peu près évident que ceux qui soutiennent la peine de mort ont plus d'affinités avec les assassins que ceux qui la combattent87», Rémy de Gourmont. La liste de ces réfléxions est longue et fort intéressante, preuve que des centaines de grands penseurs, à l’image de la population, ont essayé de trouver les mots justes pour convaincre leurs adversaires, même si, parfois, quand les mots viennent à manquer, les poings semblent être des arguments plus « frappants ». C’est le cas dans La Vie de David Gale, juste avant l’exécution, lorsque des manifestants des deux partis en viennent aux mains88, montrant l’hypersensibilité de cette controverse. Ce qui la rend particulièrement dérangeante aux États-Unis, et contestée par les pays abolitionnistes, est que le niveau de vie américain est bien plus élevé que celui des autres pays qui appliquent la peine capitale et que l’espérance de vie y est élevée ; alors qu’il y a quelques siècles les gens mourraient facilement de maladies et plus rapidement de vieillesse, exécuter des criminels était presque un acte de routine. Mais avec tous les efforts déployés ces deux derniers siècles pour vivre toujours plus longtemps, et du fait que dans les pays riches il est rare de voir des gens mourir devant soi, les exécutions de criminels ont quelque chose d’assez inhabituel, et c’est une des raisons qui font que tant de gens s’y intéressent et les trouvent pour certains choquantes. Quand La Vie de David Gale est sorti, le réalisateur Alan Parker a dit aux journalistes que ce n’était pas un film « pour » ou « contre » la peine capitale au Texas ou aux États-Unis,                                                                                                                85 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 2. 86 Citation d’Alphonse Karr, écrivain et journaliste français du 20ème siècle 87 Citation de Rémy de Gourmont, écrivain et critique d’art français de la fin du 20ème siècle 88 La Vie de David Gale, manifestations de partisans de la peine de mort et d’abolitionnistes devant l’unité d’Hunstville, ~1:51:50

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bien qu’il soit un réalisateur engagé dans ses films89. Son but était simplement de faire réagir les gens et de les amener à parler du sujet. On peut dire que ça a fonctionné, il suffit d’aller sur des forums parlant du film pour voir les internautes étaler leurs opinions sur la peine de mort et sur le film90. 3.4.2 Les arguments contre la peine capitale

« Ce qui plaide le mieux en faveur de l'abolition de la peine de mort, ce sont les argument

qu'emploient ses partisans, et leur mentalité91. »

Le premier volet de cette étude a permis de mieux situer les arguments en faveur de la peine de mort, cette quatrième analyse a donc pour but d’identifier les arguments des abolitionnistes, mettant ainsi en valeur les raisons qui font que la peine de mort est si controversée aux États-Unis. a) Le contre-argument de la dissuasion L'argument qui prétend que la peine de mort permet de sauver des innocents grâce à son côté dissuasif a beau être le plus fréquemment utilisé par les hommes politiques, il n’a jamais été réellement prouvé que les pays ou les États qui appliquaient la peine de mort connaissaient une baisse du taux de criminalité, ce taux étant influencé par bien d’autre facteurs que la peur d’être exécuté. Ce serait même plutôt l'effet inverse, plusieurs études des taux de criminalité ayant montré qu’aux États-Unis les États du Sud - ceux-là même qui continuent d’appliquer la peine de mort - avaient des taux d’homicides plus élevés qu’au Nord92. Apparemment un gouvernement qui donnerait le bon exemple aurait un effet plus positif sur sa population. C'est le cas du Canada, qui, depuis qu'il a aboli la peine de mort en 1976, a vu son taux d'homicides chuter de plus de la moitié93. « Les taux de criminalité enregistrés récemment dans les pays abolitionnistes n’indiquent aucunement que l’abolition puisse avoir des effets préjudiciables. Au Canada, le taux d’homicides n’a cessé de diminuer depuis l’abolition de la peine de mort en 1976. On aurait pu croire que les criminels allaient s’en donner à cœur joie puisqu’ils ne risquaient plus la mort… Mais non94. » En effet, d’après André Kuhn, professeur à l’université de Lausanne, la peine de mort contribue à ce qu’il appelle le phénomène de brutalisation de la société : « Certaines recherches ont porté sur les États américains qui ont connu la peine de mort, l’ont abolie, puis l’ont réintroduite. On observe qu’il y a plus de crimes de sang dans les périodes où la

                                                                                                               89 Il a par exemple dénoncé les violences raciales aux États-Unis dans son film Mississipi Burning 90 Aller sur ce site voir les commentaires des internautes à propos du film La Vie de David Gale http://boards.straightdope.com/sdmb/showthread.php?t=164607 91 Arthur Koestler, journaliste et essayiste hongrois, citation provenant de Réflexions sur la Peine Capitale 92 Voir la carte provenant du site http://news.yahoo.com/map-shows-america-s-changing-crime-rate-201122013.html ainsi que le tableau « Regional murder rates, 2001–2013 » http://www.deathpenaltyinfo.org/murder-rates-nationally-and-state#MRalpha en annexe 93 Voir chiffres récents http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/141201/dq141201a-fra.htm 94 « La peine de mort: Justice ou vengeance ? », A.R. Charles Rogier & Lucie Dejardin, p.23 document pdf, « La peine de mort est-elle dissuasive ? » http://www.enseignons.be/upload/secondaire/morale/La-Justice-IV.pdf

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peine de mort existe que dans les périodes où elle est abolie. La peine de mort engendre donc un certain nombre de crimes supplémentaires. On appelle cela la théorie de la brutalisation: cela signifie que quand un État montre l’exemple, il désinhibe le citoyen face à l’acte de tuer95. » Cette volonté de vouloir faire des exemples est d’ailleurs inefficace, car de nombreux meurtres ne sont pas prémédités, et sont souvent commis sous le coup d’une pulsion ou dans des moments de panique - flagrant délit de vol -, ce qui implique que le meurtrier n’est, sur le moment, pas en état de réfléchir aux conséquences et encore moins de s’imaginer passer ses prochaines années dans le couloir de la mort, avant d’être exécuté. D’ailleurs, si la peine de mort était réellement dissuasive, comment expliquer des situations où, comme dans le film, un homme on ne peut plus avisé sur le sujet de la peine de mort, comme l’est David Gale, commette quand même un crime ? Bien sûr, c’était un sacrifice, mais les tribunaux qui l’ont jugé ne pouvaient pas le savoir. En conclusion, le rôle soi-disant dissuasif de la condamnation à mort semble surtout donner bonne conscience aux partisans de la peine capitale. b) Le contre-argument de la vengeance « Parce qu'au bout du compte, la seule manière de mesurer la signification de nos vies est

de chérir la vie des autres96. » Comme il l’a été dit dans l’analyse de l’influence de la religion sur la peine de mort, cet argument de la vengeance, souvent utilisé pour des raisons religieuses, est absurde car il ne découle que de la façon dont les gens interprètent les écritures sacrées. En effet, l’un des dix commandements de la Bible spécifie clairement : « Tu ne tueras pas ». De plus, il n’est pas précisé ce qu’il convient de faire dans le cas où le commandement est violé ; faut-il punir la personne « œil pour œil, dent pour dent », ce qui signifie violer une deuxième fois la loi de Dieu, ou au contraire lui pardonner ? Car il est inutile de nier que la notion du pardon est extrêmement présente dans la Bible, et en particulier dans le Nouveau Testament qui est censé être à la base de la religion chrétienne. Dans la société américaine, profondément marquée par le christianisme, il est impossible d’exclure toute idée religieuse par rapport à la peine de mort, cependant: pour qu’un procès soit plus impartial, il faudrait en exclure les préjugés religieux, qui ne devraient pas jouer un rôle dans la justice97. Ce n’est malheureusement pas le cas, et l’on peut voir à de nombreuses reprises dans La Vie de David Gale des gens, comme le gouverneur ou des manifestants, se baser plus ou moins sur leur religion pour déterminer la culpabilité de Gale. Il existe parallèlement des gens qui encouragent la vengeance, mais sous le prétexte cette fois-ci qu’elle ne fait que rendre justice. Ces gens, qui ne connaissent pour la plupart rien à la douleur ressentie lors du meurtre d’un proche, parlent à la place des familles de victimes, affirmant qu’il leur appartient de décider du sort du tueur. Cette vengance acharnée, qui les                                                                                                                95 Interview d’André Kuhn par Amnesty International : http://www.amnesty.ch/fr/actuel/magazine/2006-4/la-peine-de-mort-provoque-des-crimes 96 La Vie de David Gale, premier flashback, extrait d’un cours de philosophie universitaire donné par David Gale, 21:19 97 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 2.

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pousse à réclamer la mort d’un homme qui n’est pas directement une menace pour eux, illustre avant tout cette haine populaire suscitée par les préjugés des gens par rapport au crime. « J'avais, comme jamais avant, vu à nu le visage de la haine. Et la haine l'avait emporté. Je connais les traits de la haine. [...] Mais elle revêt son pire visage quand elle se pare du masque de la justice. La haine furieuse fait peur. La haine justicière fait honte98. » Cette citation de Badinter fait écho à celle de François Mauriac: « La vengeance déguisée en justice, c’est notre plus affreuse grimace99… » Mais, en plus de bafouer la justice, la vengeance consume les cœurs, elle ne répare rien, elle ne peut ramener la victime à la vie. Au final, peu de familles de victimes affirment s’être senties liberées après la mort du meurtrier. Et encore, bien qu’il soit dit que « la vengeance est un plat qui se mange froid », quand un meurtrier est exécuté plus de vingt ans après avoir assassiné quelqu’un, la vengeance ne doit plus avoir beaucoup de goût pour la famille de la victime. C’est ce que ressent Vicky Schieber, mère d’une victime d’un meurtre : « On dit aux familles des victimes qu’une condamnation à mort va les apaiser mais c’est tout le contraire ; elles attendent 10 ou 20 ans avant une éventuelle exécution100 ». D’autres familles de victimes affirment elles aussi que faire exécuter le meurtrier de la personne qu’elles aimaient ne la ramènera pas, et qu’au contraire cela détruirait leur famille, les transformant à leur tour en assassins. Une fillette américaine âgée de 10 a demandé, en apprenant que son père allait être exécuté : « Ils vont le tuer parce qu’il a tué quelqu’un, donc quand ils l’auront tué, qui devrons-nous tuer ?101 » C’est un cercle vicieux, et ça, Constance l’avait bien compris dans le film: « Quand on tue quelqu’un, on vole les membres de sa famille - pas seulement de l’être aimé, mais de leur humanité. On durcit leur cœur avec de la haine, on leur enlève leur capacité à se comporter avec compassion, on les condamne à vouloir du sang. C’est quelque chose de cruel et d’horrible, mais encourager cette haine n’aidera jamais. Le mal est fait, une fois qu’on a obtenu son dû, on en veut encore. On quitte l’exécution en grommelant que l’injection mortelle était juste trop douce pour le condamné. À la fin, une société civilisée doit vivre avec une vérité difficile: celui qui veut se venger creuse deux tombes102. » C’est la raison même pour laquelle des familles de victimes militent contre la peine de mort ; non pas par compassion pour le meurtrier, mais pour garder leurs mains propres et leur cœur pur, leur devise étant : « Ne laissons pas les meurtriers nous transformer en assassins103. »

                                                                                                               98 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., p.144 99 François Mauriac, journaliste et écrivain français, citation parue dans l’Express, numéro 336 du 28 novembre 1957. 100 Témoignage de Vicky Schieber, mère d’une victime de meurtre : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/8809c112-7ac3-11e2-b199-ff30256d26e6/La_soif_de_vengeance_détruit_les_familles 101 Citation d’une fillette américaine dont le père était condamné à mort : http://amnistiepdm.org/familles-de-victimes.html 102 La Vie de David Gale, discours de Constance Harraway lors d’une manifestation de DeathWatch, 1:17:05 103 Phrase prononcée par Renny Cushing, le fils d'une victime de meurtre aux États-Unis et qui lutte en faveur de l'abolition de la peine de mort, http://amnistiepdm.org/aux-eacutetats-unis.html

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Car c’est bien ce qui arrive lors d’une exécution : chaque personne qui s’est prononcée pour la mort d’un condamné devient elle-même une meurtrière, comme Badinter l’illustre si justement en décrivant les derniers moment de Bontems, son client, avant son exécution: « Il y avait là des gardiens, des policiers, des gendarmes et le bourreau [...] Et puis d'autres encore. Je les regardais. Tous, et sans doute moi aussi, montraient une sorte de rictus. La lumière eléctrique durcissait encore leurs traits. Ils avaient tous, à cet instant, des gueules d'assassins. Seuls le prêtre et Bontems, qui recevait l'absolution, avaient encore des visages d'hommes. Le crime avait, physiquement, changé de camp104. » Ce deuxième argument le plus utilisé en faveur de la peine de mort, à savoir rendre justice par la vengeance, n’est donc pas unanimement considéré comme une raison d’encourager les exécutions. c) Le contre-argument des innocents « On nous avait donné raison, on avait admis qu'il n'avait pas tué. Mais on avait condamné

à mort cet homme dont on admettait qu'il n'avait pas tué105.» Le troisième argument cité dans la première analyse, celui qui certifiait qu'à l'époque du film aucun innocent n'avait été exécuté, pour l’unique et absurde raison qu'il n'en existait pas de preuve, n'est de nos jours plus valable. Il existe en effet de nombreux témoignages et statistiques sur des condamnés qui ont été executés à tort, et sur le nombre d’innocents que contiennent encore les couloirs de la mort. D’après Amnesty International, Alfred Dewayne Brown, condamné à mort innocenté le 8 juin 2015 après dix ans dans le couloir de la mort, était le 154ème condamné à mort innocenté depuis la réintroduction de la peine de mort aux États-Unis en 1976106. Bien que la libération d’un innocent soit une excellente nouvelle, elle ne suffira pas à convaincre les gouvernements que la peine de mort comporte un vrai risque d’exécuter des innocents, étant donné que ces innocents libérés ne sont pas mort. Et c’est justement cette impuissance face au système qui est à la base du sacrifice de Gale: « Même si on trouvait un innocent condamné à mort, après la révision du procès, le Gouverneur irait simplement à la télévision et dirait "Vous voyez, grâce aux gentilles personnes de DeathWatch, le système marche." Si on avait la preuve formelle qu'il a exécuté un innocent, on pourrait exiger un moratoire, comme dans l'Illinois. Mais ça n'arrivera pas. Les morts sont morts et les demi-martyrs [les condamnés à mort libérés] ne comptent pas107. » C’est bien cette phrase qui justifie le raisonnement de Constance et David, cette phrase qui les poussent à se sacrifier, en comptant sur Bitsey pour ensuite démontrer l’innocence de Gale et prouver par là même que le risque d’exécuter des innocents est réel.                                                                                                                104 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., p.188 105 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., p.139 106 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 5. 107 La Vie de David Gale, phrase adressée à Gale par Constance Harraway, 31:51

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Selon un rapport du Registre National des Erreurs Judiciaires réalisé par l’Université du Michigan, ces innocents libérés ne sont que « la partie émergée de l’iceberg», une « petite proportion des erreurs qui, la plupart du temps, ne sont jamais découvertes108. » Une étude de l’Académie des sciences américaine publiée en 2014 suppose qu’au moins 4,1% des condamnés à mort sont innocents, c’est-à-dire une personne sur vingt-cinq109 ! Il est cependant plus difficile de prouver combien d’innocents ont effectivement été exécutés, « parce qu’évidemment on ne peut pas rouvrir tous les dossiers, ça coûterait beaucoup trop cher, ce serait très long,110... ». d) Le contre-argument du coût Cet argument est absurde, car de nombreuses statistiques ont prouvé que la condamnation à mort coûtait extrêmement cher. En effet, le coût moyen de toute la procédure liée à l’exécution serait d’environ 1.26 million de dollars, alors qu’une incarcération à vie coûterait 750'000 dollars111. Évidemment, si le procès pour une condamnation à mort se réglait en 2 jours et que le condamné était ensuite fusillé, le coût ne serait pas très élevé. Mais il se trouve que la somme totale du coût du procès, plus long et plus complexe que pour une incarcération, ainsi que les nombreuses procédures d’appel, le coût de l’entretien du prisonnier dans le couloir de la mort et son exécution représentent au bout du compte jusqu’à dix fois plus cher qu’une incarcération à vie ! « Les habitants de Pennsylvanie vont payer plus de 600 millions de dollars cette année [1994] pour leurs prisons. Les Californiens, quant à eux, vont payer plus de 2,7 milliards de dollars, et l’année prochaine ce poste dépassera celui de l’enseignement supérieur.112 » L’argument du coût est donc mensonger, bien qu’une grande partie de la population soit persuadée qu’il permet de défendre la peine de mort. e) Le contre-argument de la libération de l’espace pénitentiaire Étant donné qu’environ 0.9% de la population adulte américaine est incarcérée aux États-Unis - ce qui représente plus de 2.2 millions d’Américains113 - ce ne sont pas les exécutions des 3’200 condamnés à mort qui peuplent les couloirs de la mort aux États-Unis qui vont libérer de l’espace dans les prisons114.                                                                                                                108 Interview de Samuel Gross sur les erreurs judiciaires, http://www.liberation.fr/monde/2014/02/04/de-plus-en-plus-d-erreurs-judiciaires-debusquees-aux-etats-unis_977671 109 D’après l’article du journal Le Monde présentant les statistiques du nombre d’innocents condamnés à mort, http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/04/29/dans-les-couloirs-de-la-mort-americains-une-personne-sur-25-est-innocente_4408822_3222.html 110 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 5. 111 Voir le paragraphe « Une exécution est-elle plus "économique" qu'une sentence de prison à vie ? » http://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/les-questions-que-vous-n-osez-pas-poser-sur-la-peine-de-mort-aux-etats-unis_589281.html 112 ABU-JAMAL, Mumia. (2006). En direct du couloir de la mort. Traduction de Jim Cohen. Paris, La Découverte Poche, p. 141 113 https://fr.wikipedia.org/wiki/Prison_aux_États-Unis 114 http://www.rfi.fr/ameriques/20140206-etats-unis-une-femme-executee-texas-14e-30-ans

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Cet argument n’est donc qu’une autre de ces « légendes populaires » - tout comme l’illusion que les condamnés à mort coûtent moins cher que les condamnés à perpétuité - la proportion des condamnés à mort comparée au total des prisonniers dans toutes les prisons des États-Unis étant si dérisoire qu’il faudrait en exécuter bien plus pour faire une réelle différence. f) Le contre-argument de la protection de la société Comme il l’a été mentionné dans la première analyse, cet argument serait pertinent s’il n’existait aucun risque de tuer un innocent, et surtout si les condamnés à mort étaient vraiment tous exécutés ; car certains finissent par voir leur peine commuée ou par être innocentés, et c’est dans ces cas-là que le danger de la récidive apparaît, comme l’explique Manon Schick: « Aux États-Unis la détention n’est pas perçue comme une période de privation de la liberté qui sera suivie de la réinsertion de la personne dans la société […], et c’est un vrai problème parce que les gens qui sortent de prison ne peuvent plus être réinsérés dans la société de façon normale, étant donné qu’ils ont été traités comme des sous-humains ; il est très difficile de se réinsérer dans la société quand on n’a pas eu de contacts physiques avec qui que ce soit pendant des années. Ce qui en plus tend à ce que l’ancien détenu récidive115. » Sachant cela, comment une population peut-elle se sentir plus en sécurité dans un État qui applique la peine de mort, augmentant ainsi la violence et la criminalité, et quand elle sait aussi qu’il y a un risque pour que n’importe quel citoyen se retrouve lui-même condamné à mort ? « […] Quelle image renvoie une société qui met à mort ses propres citoyens116 ? » Après avoir répondu aux arguments généralement avancés par les partisans de la peine de mort, voici des arguments supplémentaires souvent cités par les abolitionnistes. 1) L’argument du couloir de la mort

« Tous les couloirs de la mort ont un même but: le stockage des êtres humains dans un monde austère où les prisonniers sont traités comme des corps à maintenir en vie pour être

tués117. » En lien direct avec la condamnation elle-même, une des chose qui choque le plus est l’intervalle de temps entre la sentence annoncée à la fin du procès et l’exécution du condamné : la plupart des prisonniers, qu’ils soient innocents ou non, passent plusieurs années dans le couloir de la mort à attendre leur exécution, tout en sachant qu’il existe une infime possibilité pour qu’ils soient innocentés ou du moins épargnés et condamnés à perpétuité. Gale, dans le film, est condamné en 1994 et exécuté en 2000, après six ans d’attente, ce qui est en dessous de la moyenne ; en effet, lorsque Bitsey et Zack « visitent » l’unité de la prison d’Ellis, le responsable du service juridique de la prison leur apprend qu’ « il y a 442                                                                                                                115 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 8. 116 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, réponse à la question 10. 117 Mumia Abu-Jamal, En Direct du couloir de la mort, pp. 44-45

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condamnés [à Ellis], en moyenne, ils passent neuf ans ici. Certains ont leur peine commuée mais la plupart y passent118. » Ce qui dérange surtout dans le concept des couloirs de la mort, c’est que les vies des condamnés ne valent rien là-bas : ils ne sont pas traités comme des humains, ils n’ont ni le droit de vivre, ni celui de mourir. Et même si cette attente peut permettre à certains prisonniers d’être innocentés, la plupart des autres préféreraient probablement mourir dès le début plutôt que d’endurer plusieurs années119 dans de telles conditions, certains se portant même volontaires pour être exécutés sitôt après leur condamnation à mort prononcée, comme cela a été le cas de Michael Alan Durocher, « condamné à mort, qui a envoyé une lettre au gouverneur pour le supplier, littéralement, qu’on l’exécute120 », demande qui a été exaucée. Mais ces cas sont plutôt rares, l’espoir d’être libéré étant, dans la plupart des cas, plus fort que le désespoir provoqué par la condamnation, bien que celui-ci pousse de nombreux condamnés à des tentatives de suicide au bout d’un certain nombre d’années. Cette manière d’échapper à la justice ne plaît cependant pas aux partisans de la peine capitale. D’ailleurs, le couloir de la mort, qui est en fait une section isolée des grandes prisons, est aménagé de façon à ce que les condamnés soient entièrement isolés, et ce en partie pour les empêcher de se suicider121, même si certains y parviennent122 parfois malgré la haute surveillance qui leur est imposée. Tel est le cas de Robert Barnes, 57 ans, condamné ayant eût des antécédents psychiatriques et ayant fait une précédente tentative de suicide, et qui se suicide en 1990 dans la prison de Huntingdon en s’immolant. « [...] l’homme avait averti les autorités de la prison que si on l’enfermait au "trou" (cachot disciplinaire), il se suiciderait. On la mis au trou. Il s’est suicidé123. » 2) L’argument des méthodes d’exécutions « On peut avoir une certaine indifférence sur la peine de mort, ne point se prononcer, dire

oui et non, tant qu'on n'a pas vu de ses yeux une guillotine124. »

Un autre problème récent lié aux condamnations à mort est la façon dont sont exécutés les prisonniers ; il y a quelques centaines d’années encore, la question ne se posait pas car les méthodes d’exécutions ne manquaient pas, et tout était « permis » : outre les méthodes plus conventionnelles comme la corde ou la guillotine, on n’hésitait pas à noyer les criminels ou à les égorger, la méthode importait peu : le but était qu’ils meurent au bout du compte. Mais nous vivons aujourd’hui avec des lois très strictes sur les droits de l’homme, et la liste des méthodes autorisées s’est considérablement raccourcie. Toujours est-il que d’autres procédés ont été développés, et celui surnommé la « mort douce » est l’injection                                                                                                                118 La Vie de David Gale, « visite guidée » de la prison par le chef du service juridique, 13:49 119 La durée moyenne entre la condamnation et l’exécution et de 10 à 15 ans dans les états qui pratiquent fréquemment des exécutions 120 ABU-JAMAL, Mumia. (2006), op. cit., pp.137-139 121 D’après l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/Couloir_de_la_mort 122 Voir également le cas de Michael Johnson, qui a réussi à se trancher les veines quelques heures seulement avant son exécution : https://en.wikipedia.org/wiki/Michael_Johnson_(criminal) 123 ABU-JAMAL, Mumia. (2006), op. cit., pp.57-58 124 Victor Hugo, Les Misérables, p.12 sur 1061, http://www.ibibliotheque.fr/les-miserables-victor-hugo-hug_miserables/le-mot-de-jean-d-ormesson/page1

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létale, inaugurée au Texas en 1982125. C’est une combinaison de plusieurs produits : un anesthésiant qui provoque l’inconscience, un paralysant pour que le condamné ne bouge pas durant l’exécution et reste digne, et pour finir du chlorure de potassium à haute dose qui provoque un arrêt cardiaque126. De nombreux spécialistes ont avoué que, même lorsque le processus se déroule correctement, le condamné souffrait plus que lors d’une exécution par électrocution ; en effet, il faut environ vingt minutes avant que la personne ne meurt, et les premières minutes où elle est encore consciente sont extrêmement pénibles, car elle se sent s’endormir progressivement, en sachant qu’elle ne se réveillera pas. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Union Européenne a interdit de fournir les États-Unis en thiopental sodique, l’anesthésiant utilisé pour les injections létales, ce qui a conduit à une pénurie du produit. Mais les injections létales ont continué, avec des produits cependant non certifiés, et logiquement jamais testés sur des humains avant le jour de l’exécution, ce qui a récemment entraîné des complications. La compétence des équipes médicales chargées d’administrer les produits aux condamnés a aussi été remise en question. Un cas qui a largement été médiatisé et critiqué est celui de Clayton Lockett127, condamné à mort en 2000 et exécuté le 29 avril 2014 par l’État d’Oklahoma, et dont l’injection létale a été un réel désastre : le sédatif qu’on lui a donné ne s’est pas propagé correctement dans son corps car une veine a éclaté. Et sans l’effet anesthésiant du sédatif, il a pu ressentir toute la douleur causée par l’injection des deux autres produits. Il a mis environ 45 minutes à mourir. 3.5 Les failles des procédures de condamnation et les conséquences Il a été prouvé que des innocents ont été victimes du système judiciaire américain, celui-ci comportant des défauts non négligeables provenant surtout de la subjectivité des personnes chargées des jugements. 3.5.1 Les failles du système judiciaire américain « Le système comporte de trop nombreuses failles. Lorsque la décision finale est la mort,

l'enjeu est trop important pour accepter un système imparfait128. » 154 personnes condamnées à mort ont été innocentées aux États-Unis depuis la réintroduction de la peine de mort en 1976 jusqu’en juin 2015129. Ce qui signifie que parmi les personnes condamnées chaque année, certaines sont accusées à tort et paient le prix

                                                                                                               125 « La peine de mort : Justice ou vengeance ? », A.R. Charles Rogier & Lucie Dejardin, p.5 document pdf, « Les méthodes d’exécution contemporaines les plus courantes » : http://www.enseignons.be/upload/secondaire/morale/La-Justice-IV.pdf 126 D’après l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/Injection_létale 127 Voir l’article en entier sur : http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/04/30/une-double-execution-tourne-mal-aux-etats-unis_4409406_3222.html 128 Jay Inslee, gouverneur de l'État de Washington, 11 février 2014 129http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/04/03/un-americain-disculpe-et-libere-apres-trente-ans-dans-le-couloir-de-la-mort_4608968_3222.html

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d’un acte qu’elles n’ont pas commis130 ; de plus, parmi les gens qui sont exécutés, il y a forcément des innocents. Cette défaillance du système judiciaire américain a de nombreuses causes: des manques de preuves, des expertises douteuses ou bâclées, des erreurs du procureur ou de la police, un manque de subjectivité de la part des juges, des failles dans les lois elles-mêmes, des dépositions de témoins peu fiables ou dont les faux aveux sont extorqués sous la menace, des coups montés, etc. Aux États-Unis en particulier des erreurs judiciaires sont également engendrées par la discrimination et le racisme, profondément enracinés dans les mentalités américaines. 1) Manque de preuves Une faille qui a valu à de nombreux innocents de se retrouver dans des couloirs de la mort jusque dans les années 1980 est tout simplement le manque de preuves. « Les faits doivent être connus aussi précisément que possible par ceux qui doivent juger.

Or la réalité est souvent complexe, ambiguë, contradictoire131. » Un innocent se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. Il est inculpé pour meurtre, tout tend à prouver qu’il est coupable. Le procès est vite expédié, le jury ne va pas chercher plus loin ; on leur tend un assassin sur un plateau d’argent. L’accusé est condamné à mort. Ce pourrait être n’importe qui. Ce schéma est heureusement moins plausible de nos jours, grâce aux avancées de la science qui permettent de procéder à des tests ADN pour prouver l’innocence d’un accusé. Plusieurs associations, dont l’ « Innocents Project », ont d’ailleurs pour but de faire rouvrir des dossiers de condamnés innocents en y apportant des preuves ADN les disculpant qui n’existaient pas à l’époque132. C’est grâce à cette association et à l’aide de sa sœur avocate que Kenny Waters a été innocenté après presque vingt ans en prison133 ; il avait été condamné à perpétuité pour meurtre, car l’État du Massachusetts dans lequel il vivait avait déjà aboli la peine de mort. Un film, Conviction, a été réalisé à propos de son histoire et celle de sa sœur. On y entend cette remarque terrible, faite par sa sœur à sa nièce: « Si la peine de mort était légale ici, ton père serait déjà mort134. » Cependant, certains cas plus complexes d’innocents condamnés à tort ne peuvent pas être résolus de cette manière. C’est le cas de David Gale dans le film, si l’on omet le fait qu’il a volontairement provoqué sa condamnation à mort. Mais cela, les juges ne pouvaient pas le savoir. Ils l’ont condamné car il y avait la moitié d’une de ses empreintes digitales sur le sac en plastique qui avait étouffé Constance. Ils l’ont condamné parce qu’il n’était pas                                                                                                                130 Voir la quatrième analyse, sur le contre-argument des innocents : au moins 1 condamné sur 25 serait innocent 131 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., p.35 132 D’après l’article Wikipédia sur la peine de mort aux États-Unis : https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort_aux_États-Unis#Lutte_contre_la_peine_de_mort 133 Lire l’histoire de Kenny Waters en détail sur : http://www.innocenceproject.org/cases-false-imprisonment/kenny-waters 134 GOLDWYN, Tony (réal.). Conviction. Twentieth Century Fox, 2010. 1 dvd vidéo, 1h47min.

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« politiquement correct » en raison de son précédent procès pour viol, même s’il avait été innocenté de cette affaire135. Dans d’autres cas, les preuves ADN ne sont pas suffisantes pour rouvrir un procès, car, comme l’explique Manon Schick : « On ne peut pas rejuger quelqu’un pour le même crime, aux États-Unis. Ça veut dire, que si une première fois quelqu’un a été reconnu coupable de meurtre, on ne peut pas rouvrir le procès sans un élément extrêmement nouveau, comme une preuve ADN, ou l’aveu d’un témoin d’avoir fait un faux témoignage ; et même dans ces cas-là, il est très difficille d’obtenir la révision du procès. Il y a plein de situations où la réouverture du procès a été refusée parce qu’un juge trouvait que les éléments n’étaient pas assez nouveaux. Cette façon de faire, très particulière aux États-Unis, conduit donc a des décisions injustes. Fondamentalement fausses, et injustes136. » C’est contre ces aberrations du système que Gale militait, et comme il le dit au Gouverneur lors du débat télévisé: « Ce système, Gouverneur, est défaillant, irrationnel, incohérent. Et un système défaillant conduit des innocents à la potence137 !» 2) Partialité Une deuxième faille, très liée cette fois-ci à l’influence de la population, est celle de la non-objectivité dont les juges font preuve lors des procès ; en effet, comment pourraient-ils se montrer entièrement impartiaux alors qu’ils sont humains ? « Juger un homme, quand on attendait un monstre, quelle déception ! Mais juger celui qui

se veut monstrueux, quelle rare harmonie entre le projet et la réalité138. » Mais c’est leur humanité qui dans de nombreux cas perd des innocents. Les gens ont peur des meurtriers, mais s’il arrive par exemple qu’ils voient des photos choquantes d’une victime, c’est la haine qui prend le dessus. Le processus d’identification entre les jurés et les victimes crée une faille ; « [...] le criminel demeure pour le jury menace ou objet d'horreur. Or l'accusé est un criminel ou fortement soupçonné de l'être. À ce titre, il est hors de la société des autres hommes. Ceux qui le jugent instinctivement éprouvent qu'il est d'une autre race qu'eux. Il y a ainsi sous-jacente, dans une audience d'assises, une sorte de racisme judiciaire, inconscient, inavouable, omniprésent qui fait qu'il y a d'un côté les honnêtes gens, et d'abord ceux qui jugent, et de l'autre côté le sacrilège, celui qui a violé les interdits139. » Dans ce cas, si un innocent est condamné pour un meurtre particulièrement violent ou choquant, comme celui d’un enfant, il y a beaucoup plus de risques que le procès ne soit pas impartial. De plus, les jurés sont sélectionnés avant les procès, raison pour laquelle le jury ne

                                                                                                               135 La Vie de David Gale : c’est ce que lui dit un embaucheur qui ne veut pas l’engager à cause de sa “réputation“ : « Vous ne comprenez pas. Vous n’êtes pas politiquement correct, Mr Gale. », 50:33 136 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, p.3, §4 137 La Vie de David Gale, la scène du débat avec le Gouverneur du Texas, dès 34:10 Il est possible de visionner la scène sur youtube en VO: https://www.youtube.com/watch?v=O8DruxAjmb8 138 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., p.76 139 Ibid., p.53

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comporte pratiquement jamais de personnes noires ou faisant partie d’une minorité raciale, peu de femmes, et peu d’abolitionnistes140 . Selon Dennis Longmire, professeur de criminologie de l'université de Huntsville, « les catholiques et les juifs, connus pour leurs opinions abolitionnistes, ne sont pas les bienvenus dans les jurys. Régulièrement, on leur préfère des citoyens blancs protestants baptistes ou évangélistes, ceux dont la morale ne les empêchent pas de voter pour la peine capitale141. » Les jurys sont donc constitués de manière à ce que l’accusé ait le moins de chances possibles de s’en sortir ! Robert Badinter a analysé avec beaucoup de justesse ces comportements lors du procès de son client, Bontems, et il n’est pas difficile de comprendre dans le film que David Gale ait été victime de ce même genre de préjugés lors de son procès ; en effet, quand Bitsey et Zack vont « visiter » les lieux du crime, ils ne peuvent s’empêcher de ressentir une profonde horreur en pensant à la façon dont Constance a été tuée : étouffée, les mains menottées, mais, surtout, la clé des menottes à l’intérieur de l’estomac, ce qui signifie que le meurtrier présumé, Gale, l’aurait forcée à l’avaler. Ce détail aura forcément été mentionné lors de sa condamnation, et l’on peut supposer qu’il aura fait penché la balance en défaveur de Gale. Ce dernier dit d’ailleurs, lors de sa première rencontre avec Bitsey : « Les gens qui regardent à travers cette vitre ne voient pas une personne. Ils voient un crime. Je ne suis pas David Gale. Je suis un meurtrier et un violeur... à quatre jours de son exécution142. » 3) Préjugés Très liée à ce problème du manque d’objectivité lors d’une condamnation, la troisième faille est celle des préjugés, indépendamment de la race de l’accusé ou de la victime, mais axés sur les préjugés attribués aux criminels. « Instinctivement, chacun ressent devant le rituel judiciaire qu'on ne réunirait pas ainsi tant

de monde, avec ce cérémonial, pour rien. Et ce rien, c'est justement l'innocence de l'accusé143. »

Cette citation de Badinter résume parfaitement le problème des préjugés de la population : elle a une confiance aveugle en les autorités responsables de l’arrestation d’un suspect, et en conséquence elle ne considère même pas le fait que l’accusé puisse être innocent. En relation avec la déshumanisation de l’accusé vécue par ceux qui le jugent - et qui ne voient pas une personne, mais un crime - le processus juridique lui-même conduit à déshumaniser le suspect ; l’amorce de la défense est marquée par le fameux « “Accusé, levez-vous…” Pourquoi appeler cet homme accusé ? C’est un adjectif, pas un nom. C’est une condition, pas une personne144. » Un innocent, lors de son jugement, part donc avec un désavantage vu que tout autour de lui

                                                                                                               140 Les jurés sont des citoyens lambda choisis pour rendre un verdict dans un procès https://fr.wikipedia.org/wiki/Jury#Aux_.C3.89tats-Unis 141 « Is this division by origin reflected in the compositions of juries? » http://watchingamerica.com/WA/2011/10/17/in-the-united-states-the-death-penalty-is-a-continuation-of-racial-segregation/ 142 La Vie de David Gale, première interview de Gale dans la prison, séparé de Bitsey par une vitre, 18:22 143 BADINTER, Robert. (1977), op. cit., p.45 144 Ibid., p.44

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tend à prouver qu’il est coupable. De plus, les magistrats, « eux, ont déjà le plus souvent pris leur décision avant même d'ouvrir l'audience. Ils ont lu le dossier, ou l'ont parcouru, ils se sont fait une certaine idée de l'affaire, et toi [l'avocat], tu ne viens là que pour les déranger145, » Bien qu’encore une fois, aucune mention du déroulement du procès de David Gale n’est faite dans le film, on peut imaginer que ces préjugés sont également intervenus lors de sa condamnation, étant donné qu’il a été jugé au Texas. 4) Discrimination raciale et sociale Un des facteurs d’erreurs judiciaires qui peuvent être récurrent non seulement lors du procès mais aussi pendant tout l’intervalle entre la condamnation et l’exécution est celui de la discrimination. La forme de discrimination qui apparaît en premier est la discrimination raciale, qui influence bien plus que le procès lui-même, vu qu’elle apparaît déjà lors de l’arrestation d’une personne faisant partie d’une minorité raciale. Aux États-Unis c’est dans les États du Sud - et ce n’est clairement pas une coïncidence - que les personnes de couleur ont le plus de risque d’être arrêtées, comme l’ont prouvé les récents événements de Ferguson, avec l’exécution en pleine de rue de Michael Brown, par exemple. Et un an après ce drame, le 9 août 2015, lors de manifestations à Ferguson, des dizaines de manifestants ont été arrêtés par la police146. Ainsi, en moyenne, un afro-américain sur trois fait de la prison au moins une fois dans sa vie, alors que la proportion pour les hommes blancs est de un sur dix-sept147. Et en plus de ces arrestations exagérées de personnes de couleur, leurs procès sont souvent discriminatoires, et comme « un noir ou un latino a cinq fois plus de chances d’être condamné à mort qu’un blanc148 », ces deux races sont surreprésentées dans les couloirs de la mort. Alors que les afros-américains ne représentent que 12.6% de la population américaine, environ 41% des prisonniers dans les couloirs de la mort sont noirs149 ! « Il y a plus d'hommes noirs derrière les barreaux aujourd'hui qu'il n'y en avait en esclavage en 1850150. » a déclaré John Legend, un chanteur Afro-Américain, lors de la cérémonie des Oscars de 2015, durant laquelle il a interprêté la chanson Glory, musique du film Selma évoquant la marche de Martin Luther King. Évidemment, la population afro-américaine est bien plus nombreuse aux États-Unis de nos jours qu’en 1850, mais cette phrase interpelle sur la question du racisme... « Le problème aux États-Unis c’est que beaucoup de procès sont encore basés sur des jurés, donc ça veut dire que n’importe qui peut être tiré au sort et faire partie d’un jury, et                                                                                                                145 Ibid., p.93 146 http://www.romandie.com/news/Nouvelles-violences-et-nombreuses-arrestations-a-Ferguson/619988.rom 147 Voir l’image « Lifetime Likelihood of Imprisonment » sur le site : http://mic.com/articles/89699/locking-up-black-men-is-having-a-disastrous-impact-on-america-but-not-the-one-you-d-think 148 La Vie de David Gale, phrase prononcée par une journaliste après l’exécution de Gale, quand tout le monde est au courant qu’il était innocent, 1:54:30 149 https://death.rdsecure.org/article.php?id=86 150 http://www.lefigaro.fr/cinema/ceremonie-oscars/2015/02/23/03021-20150223ARTFIG00116-oscars-2015-une-ceremonie-tres-politique.php

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évidemment qu’on y va avec tous nos préjugés. Donc si c’est un noir qui est condamné pour le meurtre d’un blanc, il a plus de chances de se retrouver condamné à mort que dans le cas inverse. Et il est arrivé souvent, malheureusement, que des jurys soient entièrement composés de blancs, où il n’y avait personne de la communauté noire151. » Ce n’est évidemment pas un hasard, le droit de récusation permettant aux avocats de sélectionner en partie les jurés152. Ce n’est cependant pas de ce genre de discrimination dont David Gale est victime dans le film, étant donné qu’il est blanc. La seconde forme de discrimination apparaissant lors des procès et pouvant mener des innocents à la mort est la pauvreté : en effet, de nombreux condamnés à mort proviennent de zones très pauvres, ce qui implique que ces personnes n’ont pas les moyens économiques nécessaires pour se défendre153 ; celles qui n’ont pas les moyens de se procurer un avocat s’en voient attribuer un commis d’office, mais ces avocats sont souvent moins compétents, vu qu’ils sont moins bien payés. Dans La Vie de David Gale, on apprend par l’intermédiaire de Zack que l’avocat et ami de Gale, Belyeu, est un « nul ». « Lors de la détermination de la peine, il aurait pu utiliser des circonstances atténuantes mais ne l’a pas fait. […] Pourtant Gale lui a fait confiance pendant l’appel, où il a aussi été nul154. » Bien sûr, dans le film, Belyeu fait exprès d’être incompétent à la demande de Gale, sans doute, mais dans la vraie vie il y a vraiment des avocats « nuls » qui ne se soucient pas du sort de leur client et ne vont pas tout mettre en œuvre pour le disculper, surtout si ce dernier est pauvre. Bien sûr, ces deux formes de discriminations sont très liées, car, sur l’ensemble des Afro-Américains, 27.2% vivent au-dessous du seuil de pauvreté.155 De plus, les gens pauvres ou marginaux n’ont pas forcément eu accès à des études, et, d’après des estimations datant de 1994, 60% de la population carcérale était illettrée156. Les chiffres ont sûrement changés depuis, mais le fait est qu’une grande partie des condamnés à mort n’ont pas reçu d’éducation, il leur est donc bien plus difficile de se défendre en justice ! Dans le film, après une manifestation de DeathWatch qui s’avère vaine - la jeune femme qu’ils voulaient sauver s’étant quand même fait exécuter -, Constance, dévastée, déclare avec un profond désespoir : « Regardez ces nullards [DeathWatch détient une liste de photo des condamnés à mort]: des péquenauds, des dealers, des camés, des schizophrènes ! Des meurtriers ! On s’en fout qu’ils meurent ! On s’en fout si le cycle ne s’arrête jamais157 ! »

                                                                                                               151 Voir interview électronique du 18 août 2015 en annexe, p.3, §3 152 « Is this division by origin reflected in the compositions of juries? » http://watchingamerica.com/WA/2011/10/17/in-the-united-states-the-death-penalty-is-a-continuation-of-racial-segregation/ 153 http://www.amnesty.ch/fr/pays/ameriques/etats-unis/docs/2010/etats-unis-pour-labolition-de-la-peine-de-mort-aux-etats-unis 154 La Vie de David Gale, Zack informe Bitsey de ses découvertes sur la condamnation de Gale, 1:04:18 155 Par rapport à l’année 2012, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/noirs-contre-blancs-les-chiffres-de-la-discrimination-aux-etats-unis_1625824.html 156 ABU-JAMAL, Mumia. (2006), op. cit., p.91 157 La Vie de David Gale, phrase de Constance à propos des gens exécutés, 1:17:45

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Et effectivement, ce sont presque toujours des condamnés venant de milieux défavorisés ou ayant des problèmes mentaux qui sont exécutés. Parallèlement, la question des handicapés mentaux condamnés à mort s’est longtemps posée: est-il juste d’exécuter des meurtriers qui n’ont pas la capacité de discernement ? Dans un sondage publié par le National Law Journal et LEXIS et réalisé en 1989 par Penn And Schoen Associates, de New York, on constatait que 69% des Américains étaient opposés à la peine de mort appliquée aux personnes attardées mentales158. Pourtant, des handicapés mentaux sont régulièrement condamnés à mort, comme Abdullah Askari Muhammad, qui avait une maladie mentale grave159. Selon Amnesty, « même s’il est généralement admis que les personnes souffrant de handicap mental peuvent être dépourvues de discernement et dès lors ne peuvent être présentées devant un tribunal, certains États […] n’ont pas transcrit cette règle dans leur législation ou leurs pratiques. De plus, la représentation légale est souvent inadéquate, la peine de mort est parfois une sentence obligatoire et, la plupart du temps, les ressources manquent pour établir à temps des certificats médicaux indépendants160. » 5) Corruption La dernière faille importante, cette fois-ci très évoquée dans le film, est celle du « coup monté », ou plus généralement de la corruption du système judiciaire, dont le but est franchement d’envoyer des gens à la mort.

« Mlle Bloom, j’étais le leadeur de la lutte contre la peine de mort dans cet État, et maintenant je suis dans le couloir de la mort ! Ça ne vous semble pas anormal161 ? »

De nos jours encore, la peine capitale est utilisée pour supprimer des gens qui « dérangent », ceux qu’on aimerait faire taire à cause de leurs croyances, de leurs opinions politiques, de leur influence sociale162. Ces cas sont évidemment plus rares aux États-Unis, où engager un tueur à gages est une solution plus rapide pour se débarrasser d’un ennemi ; mais dans La Vie de David Gale, l’hypothèse du coup monté n’est pas à écarter. Dans le film, Bitsey ne croit d’abord pas Gale quand il affirme avoir été victime d’un coup monté destiné à le faire taire. Puis, plus elle en apprend sur l’affaire, plus elle comprend qu’il n’a rien d’un assassin, et elle finit par appréhender l’ampleur de la situation : « Et si Constance avait été tuée pour éliminer Gale ? Pas seulement pour l’éliminer mais pour discréditer sa cause. “Bien sûr qu’il compatit avec les meurtriers, il en est un.” Il passe six ans dans le couloir de la mort pour viol et meurtre, puis il meurt, sachant que son souvenir

                                                                                                               158 ABU-JAMAL, Mumia. (2006), op. cit., pp.124-125 159 https://www.amnesty.ch/fr/themes/peine-de-mort/docs/2014/journee-mondiale-des-pays-continuent-d-executer-des-handicapes 160 http://www.letemps.ch/Page/Uuid/b27160ee-4fca-11e4-a701-a0e5a8a72efd/Il_faut_renoncer_à_la_peine_de_mort_sil_existe_un_handicap_psychique 161 La Vie de David Gale, phrase dite par David Gale à l’intention de Bitsey Bloom, qui refuse de croire qu’il est innocent, 44:46 162 « La peine de mort : Justice ou vengeance ? », A.R. Charles Rogier & Lucie Dejardin, p.10 document pdf, « La peine de mort : moyen de répression» : http://www.enseignons.be/upload/secondaire/morale/La-Justice-IV.pdf

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n’inspirera que le dégoût. On détruit sa vie, son travail, son souvenir, devant ses yeux163. » Zack : « Il faut vraiment le haïr. » En effet, en tant que militant contre la peine de mort, Gale avait beaucoup d’ennemis, et le « coup monté » semblerait une solution certes longue mais idéale pour se débarrasser de quelqu’un sans attirer les soupçons sur soi. Le plus effrayant est que dans la plupart des cas d’innocents condamnés à mort par des gens corrompus, les fautifs sont des policiers ou des acteurs du procès. Un bon exemple est celui de Fred Zain, un médecin légiste qui pendant treize ans aurait systématiquement déformés les résultats de ses expertises en défaveur des accusés, modifiant les procès des 4’500 affaires qu’il a traitées durant ce laps de temps, et envoyant au moins 180 innocents dans les couloirs de la mort164 ! « Selon des experts en médecine légale dans les deux États (Virginie de l’Ouest et Texas), Zain écrivait des rapports sur la base de tests qui n’avaient jamais été effectués, rapportait des résultats “positifs” là où un résultat négatif aurait innocenté l’accusé et présentait comme “concluants” des résultats qui ne l’étaient pas. Ses efforts pour plaire aux policiers et aux procureurs ont peut-être permis d’envoyer en prison des milliers d’innocents qui purgent des peines pour des siècles. Certains d’entre eux sont dans le couloir de la mort165. » 3.5.2 Déni des autorités La somme de ces failles dans le système judiciaire aboutit souvent à la mort des condamnés innocents, parfois à leur libération. Dans les deux cas, les autorités responsables d’avoir ruiné leur vie essaient d’étouffer l’affaire, ou de décliner toute responsabilité dans ces affaires Dans le film, après la mort de David Gale, alors que tout le monde sait qu’il était innocent, le Gouverneur du Texas dit dans une interview : « C’est une terrible tragédie. Une enquête va démarrer. Je vous assure que nous arrêterons ce Dusty Wright et nous le jugerons. Les Texans n’ont pas changé d’avis. Nous soutenons la peine de mort car elle marche. On ne peut pas reprocher au système les actes d’un individu dérangé cherchant à se venger. Il ne faut pas tout mélanger166. » Malgré la responsabilité de l’État dans l’exécution fautive de Gale, le Gouverneur arrive encore à faire porter le chapeau à quelqu’un d’autre. Mais ce qu’il ne peut pas nier, c’est que Gale affirmait être innocent jusqu’à la fin, et qu’un État devrait toujours prendre en compte ce genre d’affirmation et essayer d’établir la culpabilité des accusés sans aucune marge d’erreur. De même, dans les cas où des condamnés à mort sont innocentés et libérés, l’État qui les avait condamné devrait leur verser une indemnisation et créer un programme d’aide à la réinsertion des anciens détenus dans la société, pour éviter justement ce risque de récidive qui leur fait si peur. Ce n’est pourtant pas le cas, et seuls les ex-condamnés qui ont encore la force et le courage de traîner en justice les autorités responsables d’avoir gâché leur vie

                                                                                                               163 La Vie de David Gale, Bitsey réalise que Gale est innocent, 1:11:03 164 https://en.wikipedia.org/wiki/Fred_Zain 165 ABU-JAMAL, Mumia. (2006), op. cit., pp.134-136 166 La Vie de David Gale, justification du Gouverneur par rapport à l’exécution de David Gale, 1:54:50

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ont une chance de recevoir une somme en compensation. Les autres voient leur vie anéantie à la sortie du couloir de la mort ; ils n’ont plus de travail, et souvent plus de contact avec qui que ce soit, y compris leur famille. Ainsi de Jay Smith, condamné à mort innocenté après douze ans dans le couloir de la mort: «Lorsqu’un journaliste lui a demandé quels étaient ses projets, il a répondu : “Sais pas. Je lutte depuis si longtemps que j’ai fait aucun projet d’avenir. J’ai soixante-quatre ans. Dans un an peut-être, je pourrai toucher ma retraite (social security).” Mais quelle « sécurité » dans un système qui a comploté, menti, dissimulé des preuves d’innocence pour détruire sa vie et lui en a retranché douze ans, le coupant ainsi de sa profession et de sa famille167 ? ». De nombreux détenus ayant passé plusieurs années, voire décennies, à l’isolement sont remis directement en liberté en n’étant guère aidés pour réintégrer la société. Des études ont démontré que les effets négatifs de l’isolement prolongé peuvent perdurer longtemps après la libération. « En règle générale, l’expérience prouve qu’une période d’une dizaine d’années correspond plus ou moins à la durée maximale qu’un être humain normal peu supporter derrière les barreaux sans que sa personnalité se détériore, que sa volonté disparaisse et que ne diminue progressivement sa capacité à réintégrer la société à se débrouiller seul et à devenir un citoyen utile168. » Il est dur de réintégrer la société quand on a été traité comme un sous-humain pendant des années, qu’on n’espérait plus être libéré et que par conséquent on n’a fait aucun projet pour l’avenir, qu’on souffre de troubles psychologiques et de crises d’angoisses dus à la peur constante d’être exécuté et au manque de contacts humains. En fait, si les innocents condamnés à tort en raison des failles du système finissent par échapper au couloir de la mort, c’est dans la plupart des cas par leur mort, et non par leur libération. En tous les cas, une vie a été gâchée injustement, et rien ne peut racheter une telle violation des droits humains.

                                                                                                               167 ABU-JAMAL, Mumia. (2006), op. cit., p.73 168 https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2014/10/entombed-life-usa-s-cruel-isolation-chambers/

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4. Conclusion La problématique de ce travail de maturité tentait d’établir les raisons pour lesquelles les États-Unis continuent en 2015 d’exécuter des prisonniers, des citoyens faisant partie de leur propre population, alors que de plus en plus de pays ont aboli la peine de mort et qu’il existe un vrai risque de condamner à mort des personnes innocentes du fait que le système judiciaire n’est pas entièrement fiable. Cinq questions de recherche découlaient de cette problématique : - Quels sont les arguments utilisés pour défendre la peine de mort ? - Quelle est l’influence de la population sur le maintien de la peine de mort ? - Quelle est l’influence de la religion au niveau de la peine de mort ? - Quelles sont les raisons qui font que la peine capitale est vivement controversée aux États-Unis ? - Quelles sont les failles du système judiciaire qui mènent à la mort d’innocents ? Les réponses apportées à ces questions peuvent être résumées de la manière suivante : Les arguments en faveur de la peine de mort sont qu’elle permet de dissuader les criminels, de venger les proches des victimes, qu’elle coûte moins cher qu’un emprisonnement à vie, et qu’elle protège la société des récidivistes. La population américaine n’a pas directement le pouvoir de changer les lois concernant la peine de mort, d’ailleurs la majorité de la population est pour le maintien de la peine de mort d’après les derniers sondages169. Mais les gouvernements restent à l’écoute de leur population, et des manifestations abolitionnistes font parfois pencher la balance avant une exécution, surtout si les médias s’y intéressent. La religion chrétienne tient un rôle important dans la justice américaine, bien que son utilisation en tant qu’argument dans le débat tournant autour de l’application de la peine de mort soit ambiguë ; la religion est tantôt utilisée par les partisans de la peine de mort, tantôt par les abolitionnistes. La controverse provient de l’évolution différente des mentalités au sein des États-Unis ; alors que le Nord a adopté un mode de vie plus européen, le Sud reste très conservateur. La religion et les progrès de la médecine entrent parallèlement en jeu, et les multiples exécutions ratées aux États-Unis ont également alimenté la controverse. Enfin, les arguments des partisans de la peine capitale se heurtent à ceux, nombreux, des abolitionnistes. Le système judiciaire aux États-Unis comporte de nombreuses imperfections, que ce soit dans les lois qui traitent des jugements ou dans les mentalités et comportements des intervenants avant et lors des procès. Ainsi, le manque de preuve, le manque d’objectivité, les préjugés, la discrimination raciale et sociale, et enfin la corruption sont tous des facteurs qui peuvent aboutir à la condamnation à mort de personnes non coupables. Un certain nombre de difficultés ont été rencontrées durant ce travail, notamment celle d’illustrer la peine de mort avec des images pertinentes, ou celle d’intégrer le film dans les analyses ; en effet, le cas du personnage de David Gale est exceptionnel car son but était de mourir exécuté, ce qui ne correspond pas au profil standard de l’innocent condamné à mort. Mais la plus grande difficulté a été de trouver les informations désirées : les chiffres ou

                                                                                                               169 61% des américains étaient soutenaient la peine de mort en 2011 http://washington.blogs.liberation.fr/2011/10/13/usa-35-des-americains-contre-la-peine-de-mort/

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citations provenant d’une certaine source devaient toujours être vérifiés sur au moins une autre source fiable, et les renseignements d’ordre psychologique étaient pratiquement impossibles à trouver. De plus, l’abondance d’informations peu sérieuses provenant d’Internet n’ont pas rendu la tâche aisée. Enfin, étant donné que la peine de mort est encore largement appliquée aux États-Unis en 2015, de nouveaux scandales et affaires liés à ce sujet se produisent tous les jours, ce qui nous a forcé à souvent mettre à jour notre travail de maturité. Le travail à deux a également représenté un défi. En effet, nous ne travaillions pas de la même manière et n’étions pas disponibles en même temps pour travailler ensemble. Avec le recul, il a été possible de se rendre compte que les analyses étaient variées mais pas assez développées. Il aurait peut-être été plus judicieux de ne se baser que sur deux des questions de recherche mais de les développer plus profondément. Pouvoir interviewer une personne américaine directement concernée par la peine de mort aurait également rendu ce travail plus authentique. Pour aller plus loin sur le thème de la peine de mort, nous pourrions distribuer des questionnaires afin d’avoir l’avis de la population, ce qui nous permettrait de récolter des avis plus variés et personnels que les échantillons trouvés sur Internet. Interviwer un partisan de la peine de mort serait également très intéressant : les arguments en faveur de la peine de mort sont tellements absurdes et mensongers que nous aimerions savoir quelles sont les vrais raisons qui poussent des gens à la soutenir. Notre motivation principale lorsque nous avons décidé de mener notre travail de maturité sur ce sujet était d’en apprendre plus sur la peine capitale aux États-Unis et de pouvoir en parler en toute connaissance de cause. Nous sommes satisfaites car cet objectif a été atteint - du moins sommes-nous à présent capables d’en débattre et d’argumenter pertinemment sur le sujet. Au commencement de ce travail, nos positions étaient incertaines quant à la peine capitale ; désormais, après des dizaines d’heures de recherches et de délibérations entre nous à ce propos, nous ne pouvons que nous déclarer défavorables à la peine de mort. C’est en particulier l’entretien avec Manon Schick qui nous a fait réaliser à quel point il était absurde de soutenir la peine de mort. Pour boucler ce travail, nous aimerions suggérer aux lecteurs de réfléchir à la citation suivante : « Nombreux sont ceux qui vivent et méritent de mourir. Et certains qui meurent méritent la vie. Pouvez-vous la leur donner ? Alors ne soyez pas trop prompts à dispenser la mort en jugement170. » - J.R.R Tolkien, Le Seigneur des anneaux.

                                                                                                               170 http://www.dicocitations.com/citations/citation-94810.php

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5. Bibliographie 1. Les ouvrages ABU-JAMAL, M. (2006). En direct du couloir de la mort. Traduction de Jim Cohen. Paris, La Découverte Poche. 252 p. BADINTER, R. (1977). L’Exécution. Paris, Grasset. 192 p. JOHNSON, R., CARROLL, J. (1985). Litigating Death Row Conditions : The Case for Reform, in Prisoners and the Law, New York, Ira P. Robbins. KOESTLER, A., CAMUS, A. (1986). Réflexions sur la Peine Capitale. Paris, Pocket. 2. Les articles - Article dans une revue, un magazine : WALDER, P. (février 2015). Avec une arme et la Bible. Amnesty, le magazine des droits humains, numéro 80, pp.14. - Article PDF trouvé sur internet : FISCHBACH, J. (22 septembre 2011). La peine de mort: justice ou vengeance ? Enseignons.be, La cité et la loi, degré d’orientation-1ère année-module II, A.R. Charles Rogier & Lucie Dejardin, pp.1-27. http://www.enseignons.be/upload/secondaire/morale/La-Justice-IV.pdf GRAHOVAC, A. (8 décembre 2014). Number of Abortion Restriction Per State in 2013. Source : The Guttmacher Institue, 2013, Mainland States Projection. https://en.wikipedia.org/wiki/File:Number_of_Abortion_Restrictions_Per_State_in_2013.pdf Amnesty International. (avril 2015). Condamnations à mort et exécutions en 2014. Ce rapport est basé sur l’édition originale écrite en anglais, publiée par Amnesty International Publications en 2015, Secrétariat international, Peter Benenson House, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, www.amnesty.org, © Amnesty International, pp.1-75. http://web-engage.augure.com/pub/attachment/395263/02424941827697711427778059482-amnesty.fr/Rapport%20peine%20de%20mort.pdf?id=1449346

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3. Les sites internet BRUENIG, E. (2015). The Catholic Church Opposes the Death Penalty. Why Don't White Catholics? http://www.newrepublic.com/article/121231/national-catholic-publications-announce-opposition-death-penalty, consulté le 19 octobre 2015. (Positions des religions concernant la peine capitale et les discriminations) CHAN, H. (2011) In the U.S., Death Penalty Is a Continuation of Racial Segregation. http://watchingamerica.com/WA/2011/10/17/in-the-united-states-the-death-penalty-is-a-continuation-of-racial-segregation/, consulté le 19 octobre 2015. (Ségrégation raciale présente lors de la peine capitale) CHENEY-RICE, Z. (2014). Locking Up Black Men Is Having a Disastrous Impact on America, But Not the One You'd Think. http://mic.com/articles/89699/locking-up-black-men-is-having-a-disastrous-impact-on-america-but-not-the-one-you-d-think, consulté le 19 octobre 2015. (Texte à propos de la discrimination des noirs et les conséquences qu’elle cause, accompagné d’une image qui démontre cela) DICKSON, C. (2015). Interactive map shows America’s changing crime rate. http://news.yahoo.com/map-shows-america-s-changing-crime-rate-201122013.html, consulté le 19 octobre 2015. (Carte des taux de crime aux États-Unis à partir de l’année 2004 jusqu’à l’année 2013 et constats faits à partir des résultats obtenus) FAURE, H. (2011). Pourquoi la peine de mort existe-t-elle encore aux Etats-Unis ? http://www.bullypulpit.fr/pourquoi-la-peine-de-mort-existe-t-elle-encore-aux-etats-unis/, consulté le 20 octobre 2015. (Raisons qui expliquent pourquoi la peine capitale est encore soutenue aux États-Unis et constats divers relatifs à la peine de mort) GOUËSET, C. (2014). VIDEO. Noirs contre Blancs: les chiffres de la discrimination aux Etats-Unis. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/noirs-contre-blancs-les-chiffres-de-la-discrimination-aux-etats-unis_1625824.html, consulté le 19 octobre 2015. (Discrimination aux États-Unis) JAMET, C. (2015). Oscars 2015 : une cérémonie très politique. http://www.lefigaro.fr/cinema/ceremonie-oscars/2015/02/23/03021-20150223ARTFIG00116-oscars-2015-une-ceremonie-tres-politique.php, consulté le 24 octobre 2015. (Cérémonie des oscars 2015 et les déclarations des stars) LAMPRIÈRE, L. (1997). Un refus minoritaire de la vengeance. Des familles de victimes militent contre la peine capitale. http://www.liberation.fr/evenement/1997/12/26/un-refus-minoritaire-de-la-vengeance-des-familles-de-victimes-militent-contre-la-peine-capitale_223198, consulté le 19 octobre 2015.

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(Des membres de familles de victimes expliquent leur position en défaveur de la peine de mort) ORNELLAS, L. DEATH PENALTY ARGUMENTS: Deterrent or Revenge (Pros and Cons). http://www.prodeathpenalty.com/OrnellasPaper.htm, consulté le 19 octobre 2015. (Arguments pour ou contre la peine capitale et explication qui montre en quoi la peine capitale peut-être dissuasive) POUCHARD, A. (2015). Peine de mort : les exécutions en baisse en 2014. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/01/peine-de-mort-les-executions-en-baisse-en-2014_4606988_4355770.html, consulté le 19 octobre 2015. (Diminution des exécutions en 2014, graphiques montrant l’évolution de la peine capitale et les condamnations à mort et les exécutions en 2014 dans le monde) REGGIO, H.M. (1997). History of the Death Penalty. http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/execution/readings/history.html, consulté le 19 octobre 2015. (Histoire de la peine de mort) ROUSSELOT, F. (2011). USA : 35% des Américains contre la peine de mort. http://washington.blogs.liberation.fr/2011/10/13/usa-35-des-americains-contre-la-peine-de-mort/, consulté le 24 octobre 2015. (Soutien des Américains pour la peine de mort en 2011) XANDRY, V. (2014). Les questions que vous n'osez pas poser sur la peine de mort aux Etats-Unis. http://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/les-questions-que-vous-n-osez-pas-poser-sur-la-peine-de-mort-aux-etats-unis_589281.html, consulté le 19 octobre 2015. (Manières dont est appliquée la peine capitale) http://amnistiepdm.org/aux-eacutetats-unis.html, consulté le 19 octobre 2015. (Au sujet de la peine de mort et des exécutions aux États-Unis) http://amnistiepdm.org/droits-humains.html, consulté le 19 octobre 2015. (La peine de mort ne respecte pas les droits humains) http://amnistiepdm.org/familles-de-victimes.html, consulté le 19 octobre 2015. (Divers témoignages de personnes appartenant aux familles de victimes et qui sont contre la peine capitale) http://amnistiepdm.org/mythes-et-reacutealiteacutes.html, consulté le 19 octobre 2015. (Les arguments pour la peine de mort démontés par Amnesty) http://boards.straightdope.com/sdmb/showthread.php?t=164607, consulté le 24 octobre 2015.

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(Commentaires des internautes concernant le film La Vie de David Gale) https://death.rdsecure.org/article.php?id=86, consulté le 25 octobre 2015. (Proportions d’Afros-Américains dans les couloirs de la mort) http://evene.lefigaro.fr/citation/adversaires-peine-mort-guillotineraient-volontiers-partisans-pe-12562.php, consulté le 23 octobre 2015. (Citation de René Barjavel, écrivain et journaliste français du 20ème siècle) http://evene.lefigaro.fr/citation/devrait-jamais-condamner-homme-mort-parce-savons-mort-29371.php, consulté le 25 octobre 2015. (Citation de Julien Green, écrivain français du 20ème siècle) http://evene.lefigaro.fr/citation/peu-evident-soutiennent-peine-mort-affinites-assassins-combatte-21257.php, consulté le 19 octobre 2015. (Citation de Rémy de Gourmont, écrivain et critique d’art français de la fin du XXème siècle) http://pastoralefamiliale.free.fr/Chapters/05.19.Deuteronome.html, consulté le 24 octobre 2015. (Deutéronome 19) http://saintebible.com/galatians/5-14.htm, consulté le 19 octobre 2015. (Texte tiré de la Sainte Bible, Epître aux Galates, La chair et l’Esprit, 5: 14) http://saintebible.com/matthew/5-44.htm, consulté le 19 octobre 2015. (Texte tiré de la Sainte Bible, Evangile selon Mathieu, Aimer ses ennemis, 5 : 43-45) https://en.wikipedia.org/wiki/Fred_Zain, consulté le 19 octobre 2015. (A propos de Fred Zain) https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_Texas_state_prisons, consulté le 19 octobre 2015. (Liste des prisons se trouvant dans le Texas) https://en.wikipedia.org/wiki/Michael_Johnson_(criminal), consulté le 19 octobre 2015. (Informations concernant Michael Johnson et les raisons pour lesquelles il devait être exécuté) https://en.wikipedia.org/wiki/Ricky_Ray_Rector, consulté le 19 octobre 2015. (Explication des étapes menant à l’exécution de Ricky Ray Rector) https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Marc_et_Corine, consulté le 19 octobre 2015. (Explication de l’affaire Marc et Corine) https://fr.wikipedia.org/wiki/Application_de_la_peine_de_mort_dans_le_monde, consulté le 19 octobre 2015. (Pays où la peine de mort est appliquée)

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(Handicapés mentaux condamnés à mort) https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/death-penalty/?utm_source=supporters&utm_medium=banner&utm_content=globe_2008&utm_campaign=death_penalty, consulté le 25 octobre 2015. (Citation utilisée dans la page de résumé) http://www.atlantico.fr/decryptage/archeologues-decouvrent-victime-premier-meurtre-histoire-humanite-2164671.html, consulté le 19 octobre 2015. (La découverte de la victime du plus ancien cas de meurtre recensé) http://www.citation-celebre.com/citations/47953, consulté le 24 octobre 2015. (Citation de Maurice Chapelan, journaliste et essayiste français du 20ème siècle) http://community.fansshare.net/pic113/w/david-orr--businessman-/1200/1735_life_of_david_gale_the.jpg, consulté le 25 octobre 2015. (Couverture du DVD La Vie de David Gale) http://www.deathpenaltyinfo.org, consulté le 19 octobre 2015. (Publication des affaires récentes ou de constats concernant la peine de mort) http://www.deathpenaltyinfo.org/additional-innocence-information , consulté le 19 octobre 2015. (Noms d’innocents condamnés et explication des affaires dans lesquelles ces personnes sont impliquées) http://www.deathpenaltyinfo.org/murder-rates-nationally-and-state#MRalpha, consulté le 19 octobre 2015. (Tableaux des taux de meurtres régionaux et nationaux) http://www.deathpenaltyinfo.org/node/6162, consulté le 23 octobre 2015. (Alfred Dewayne Brown, un condamné à mort innocenté) http://www.dicocitations.com/citations/citation-51947.php, consulté le 23 octobre 2015. (Citation de François Mauriac, journaliste et écrivain français) http://www.dicocitations.com/citations/citation-94810.php, consulté le 25 octobre 2015. (Citation de J.R.R. Tolkien, tirée du Seigneur des Anneaux) http://www.ibibliotheque.fr/les-miserables-victor-hugo-hug_miserables/lecture-integrale/page12, consulté le 19 octobre 2015. (Les Misérables, de Victor Hugo) http://www.innocenceproject.org/cases-false-imprisonment/kenny-waters, consulté le 19 octobre 2015. (L’histoire de Kenny Waters, ses dix-huit années passées en prison et sa libération)

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http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/04/29/dans-les-couloirs-de-la-mort-americains-une-personne-sur-25-est-innocente_4408822_3222.html, consulté le 19 octobre 2015. (Nombre d’innocents condamnés à mort) http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/04/03/un-americain-disculpe-et-libere-apres-trente-ans-dans-le-couloir-de-la-mort_4608968_3222.html, consulté le 19 octobre 2015. (A propos d’Anthony Ray Hinton, un condamné à mort innocenté) http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/04/30/une-double-execution-tourne-mal-aux-etats-unis_4409406_3222.html, consulté le 19 octobre 2015. (Exécution ratée et ses conséquences sur le condamné à mort ; Carte du monde indiquant le statut de la peine de mort dans chaque pays) http://www.lemonde.fr/ameriques/chat/2010/05/25/dans-quelles-mesures-la-peine-de-mort-est-elle-en-recul-aux-etats-unis_1362558_3222.html, consulté le 22 octobre 2015. (Réponses de Sandrine Ageorges-Skinner, épouse d’un condamné à mort, à des questions posées dans un chat crée par le journal « Le Monde » au sujet de sa vision sur la peine de mort) http://www.lemonde.fr/ameriques/infographie/2014/04/30/vingt-etats-pratiquent-encore-la-peine-de-mort-aux-etats-unis_4409832_3222.html, consulté le 19 octobre 2015. (Image illustrant l’application ou non de la peine de mort en 2014 dans les divers États des États-Unis) http://www.letemps.ch/Page/Uuid/b27160ee-4fca-11e4-a701-a0e5a8a72efd/Il_faut_renoncer_à_la_peine_de_mort_sil_existe_un_handicap_psychique, consulté le 19 octobre 2015. (Au sujet des personnes handicapées psychologiquement qui sont condamnées à mort) http://www.letemps.ch/Page/Uuid/8809c112-7ac3-11e2-b199-ff30256d26e6/La_soif_de_vengeance_détruit_les_familles, consulté le 27 juin 2015. (Témoignage de Vicky Schieber, mère d’une victime de meurtre) http://www.liberation.fr/monde/2014/02/04/de-plus-en-plus-d-erreurs-judiciaires-debusquees-aux-etats-unis_977671, consulté le 19 octobre 2015. (Des erreurs judiciaires conduisant des innocents dans le couloir de la mort aux États-Unis) http://www.linternaute.com/citation/44462/si-l-on-veut-abolir-la-peine-de-mort--en-ce--alphonse-karr/, consulté le 22 octobre 2015. (Citation d’Alphonse Karr, écrivain et journaliste français du XXème siècle) http://www.parismatch.com/Actu/International/L-Utah-autorise-le-peloton-d-execution-731646, consulté le 19 octobre 2015. (L’Utah réintroduit le peloton d’exécution)

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http://www.people-press.org/2015/04/16/less-support-for-death-penalty-especially-among-democrats/, consulté le 23 octobre 2015. (Le soutien des Américains pour la peine de mort) http://www.pewforum.org/religious-landscape-study/, consulté le 22 octobre 2015. (Étude de la répartition des religions dans les États-Unis) http://www.pewforum.org/2014/03/28/shrinking-majority-of-americans-support-death-penalty/, consulté le 20 octobre 2015. (Soutien des américains pour la peine de mort et tableaux montrant le soutien selon diverses manières) http://www.rfi.fr/ameriques/20140206-etats-unis-une-femme-executee-texas-14e-30-ans, consulté le 24 octobre 2015. (Nombre de condamnés à mort aux États-Unis) http://www.romandie.com/news/Nouvelles-violences-et-nombreuses-arrestations-a-Ferguson/619988.rom, consulté le 24 octobre 2015. (La colère des manifestants à Ferguson en 2015) http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/141201/dq141201a-fra.htm, consulté le 20 octobre 2015. (Nombre d’homicides en 2013 au Canada) http://www.un.org/fr/documents/udhr/ , consulté le 20 octobre 2015. (Déclaration universelle des droits de l’homme) 4. Les interviews SCHICK Manon, présidente d’Amnesty Suisse dont le siège est à Berne, entretien du 18 août 2015. 5. Les films PARKER, Alan (réal.). La Vie de David Gale. Universal Pictures, 2003. 1 dvd vidéo, 2h10min. Drame, Thriller. Américain, britannique, allemand. PARKER, Alan (réal.). La Vie de David Gale, Bonus, Death in Texas Universal Pictures, 2003. 1 dvd vidéo, 2h10min. Drame, Thriller. Américain, britannique, allemand. GOLDWYN, Tony (réal.). Conviction. Twentieth Century Fox, 2010. 1 dvd vidéo, 1h47min. Drame, Thriller. Américain.

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6. Annexes

Annexe 1 : Cartes et graphiques ..................................................................................... 52 1. L‘application de la peine de mort dans le monde ....................................................... 52 2. Le taux de criminalité aux États-Unis ......................................................................... 52 3. Soutien des groupes religieux et raciaux à la peine capitale ...................................... 53

Annexe 2 : Retranscription de l’entretien avec Manon Schick ................................... 54

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Annexe 1 : Cartes et graphiques 1. L‘application de la peine de mort dans le monde

5. Carte du monde indiquant les pays qui appliquaient encore la peine de mort en 2012171

2. Le taux de criminalité aux États-Unis La peine de mort n’est pas dissuasive, au contraire, les taux de criminalité les plus élevés sont généralement relevés dans les États du Sud et de l’Ouest, ceux-là même qui continuent d’appliquer la peine de mort.

6. Carte des États-Unis montrant quels étaient les États américains les plus sûrs (en vert) et les plus

dangereux (en rouge) en 2013172                                                                                                                171 Carte : http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/04/30/une-double-execution-tourne-mal-aux-etats-unis_4409406_3222.html

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7. Tableau montrant l’évolution du taux de criminalité entre 2001 et 2013 dans chaque région des États-

Unis, ainsi que le nombre d’exécutions menées dans ces régions173.

3. Soutien des groupes religieux et raciaux à la peine capitale On peut remarquer sur le site internet du « Pew Research Center », que les américains de couleur blanche sont plutôt pour la peine capitale - 63% en 2013 - , contrairement aux afros-américains, qui n’étaient que 36% à l’encourager. Cela peut être expliqué par le fait que les personnes blanches ont beaucoup moins de risques de se retrouver condamnées à mort174.

8. Pourcentage des adultes américains qui soutiennent/s’opposent à la peine capitale, en fonction de leur

religion ou de leur race/ethnie (2013)175.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               172 Carte http://news.yahoo.com/map-shows-america-s-changing-crime-rate-201122013.html  173  Tableau « Regional murder rates, 2001–2013 » http://www.deathpenaltyinfo.org/murder-rates-nationally-and-state#MRalpha  174 http://www.pewforum.org/2014/03/28/shrinking-majority-of-americans-support-death-penalty/ 175 http://www.pewforum.org/2014/03/28/shrinking-majority-of-americans-support-death-penalty/

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Annexe 2 : Retranscription de l’entretien avec Manon Schick Entretien avec Manon Schick, directrice d’Amnesty Suisse, 18 août 2015, Lausanne 1. La peine de mort est-elle plus controversée de nos jours qu'il y a quelques centaines d'années (Il y avait déjà bien sûr des abolitionnistes, comme Cesare Beccaria, mais on ne demandait pas son avis à la population) ? Si oui, pourquoi ? Je pense qu’effectivement la perception de l’individu, de la torture, de la peine de mort a beaucoup évolué depuis le Moyen-Âge, ça c’est clair. Entre deux, il y a eu la Révolution Française, avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (qui ne concernait que l’homme, pas la femme, mais disons que c’était déjà une première revendication pour les droits des individus), et donc ça veut dire qu’aujourd’hui on est vraiment dans un rapport à l’État qui est très différent par rapport au Moyen-Âge, où on acceptait que l’on écartèle les gens ou qu’on les brûle sur un bûcher. Donc je pense qu’effectivement ça a beaucoup évolué, heureusement, et ça a aussi beaucoup évolué sur ces trente dernières années ; c’est à dire qu’il y a trente ans, il y avait encore beaucoup d’États qui pratiquaient la peine de mort, y compris dans des pays européens, ou qui en tout cas ne l’avaient pas abolie, et puis ça c’est quelque chose qui a beaucoup changé. Donc je crois qu’on peut dire effectivement qu’on est très loin de la perception qu’il y avait à l’époque. Donc je dirais: il y a une tendance à l’abolition, même s’il y a des hauts et des bas ; l’année passée c’était une année ou Amnesty International avait recensé moins d’exécutions, mais cette année il y en a beaucoup plus: déjà rien que pendant les six premiers mois de l’année, l’Arabie Saoudite a exécuté beaucoup de gens, le Pakistan a repris les exécutions, l’Indonésie aussi, donc il y a vraiment des hauts et des bas, mais sur une période très réduite car en fait si on regarde sur les trente dernières années il n’y a jamais eu aussi peu d’États qui pratiquent la peine de mort. Donc on est vraiment dans une tendance mondiale qui va vers l’abolition. (En tout cas c’est ce qu’on espère dit-elle en riant). Donc il n’y a plus qu’une minorité des pays qui exécutent. 2. Quel est le rôle de la religion dans l'application de la peine de mort (autant chez les partisans que chez les abolitionnistes) ? En tout cas ce qu’il faudrait éviter de dire, c’est ... (elle réfléchit) il n’y a pas que des États qui se basent sur la religion, qui exécutent leurs ressortissants. Donc il y a évidemment l’Arabie Saoudite, il y a évidemment l’Iran, il y a le Pakistan, où on peut trouver des raisons religieuse derrières les exécutions, mais justement: il y a aussi le Japon, il y a aussi les États-Unis, en fait il y a plein de pays avec des religions très différentes qui pratiquent la peine de mort. Donc la peine de mort n’est pas liée à une religion d’État, par exemple, ce ne sont pas que les pays musulmans ou comme ça. Après, c’est vrai qu’il y a des mouvements pour l’abolition de la peine de mort aux États-Unis, qui sont très liés à la religion chrétienne, bon, c’est la religion majoritaire aux États-Unis. Il y a des abolitionnistes qui pensent qu’on ne devrait pas exécuter parce que la Bible l’interdit, et en même temps il y a des gens qui défendent la peine de mort exactement pour la même raison. "Oeil pour oeil, dent pour dent" ?

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Oui. Donc en fait moi je crois que la religion est toujours utilisée comme une instrumentalisation, donc on instrumentalise la religion pour lui faire dire ce qu’on veut, c’est à dire, soit on lui fait défendre la peine de mort, soit on lui fait être contre la peine de mort, mais en tout cas, c’est „bien pratique“ dans un cas ou dans l’autre. Ce qui est sûr c’est qu’il y a des gens qui se revendiquent de la religion dans les deux camps, et il y a aussi des gens qui se revendiquent d’aucune religion qui sont dans les deux camps, parce qu’il y a aussi des gens qui sont pour la peine de mort pour des raisons pas du tout religieuses, et, de même, Amnesty es un mouvement qui est contre la peine de mort pour des raisons pas du tout religieuses. Ça veut dire que la religion, ça peut jouer un rôle dans les arguments, mais en fait, c’est d’abord un acte politique, d’exécuter quelqu’un. Donc dans un procès, par exemple, il faudrait exclure tout idée religieuse pour être plus "impartial" ? Et bien, la justice n’est jamais complétement indépendante de la société, donc elle est aussi influencée par la religion ; on voit ça aussi notamment aux États-Unis sur la question de l’avortement: la religion est très présente dans toutes les discussions là-dessus, mais par contre ça ne devrait pas jouer un rôle dans la justice, dans la façon dont la justice est rendue, ça non. 3. Pourquoi un pays comme les États-Unis (du moins certains de ses états) qui prône la liberté du peuple, continue d'exécuter des condamnés, alors qu'il a les moyens de les enfermer à perpétuité ou de leur permettre de se racheter ? Il faut savoir qu’aux États-Unis il y a beaucoup, beaucoup de gens qui sont condamnés à la perpétuité, et puis quand on parle de perpétuité aux États-Unis, ce n’est pas comme chez nous [en Suisse, en Europe], où au bout de vingt ans on peut se racheter si on montre que l’on a changé, et que des psychiatres disent qu’on ne représente plus un danger. Aux États-Unis, des gens –et y compris des jeunes– qui sont condamnés à perpétuité, sont vraiment condamnés à perpétuité, donc ils vont mourir en prison. Et cela même s’ils sont entrés en prison à l’âge de seize ans, donc il vont mourir à 85 ans en prison. Donc, aux États-Unis, la perpétuité existe, et ce n’est, pour les mouvements qui luttent contre la peine de mort, pas vraiment une alternative, parce que le fait que les gens restent toute leur vie en prison, ce n’est pas une solution non plus. Il y a même des condamnés qui affirment qu’ils préféreraient mourir plutôt que de rester condamnés en prison. S’ils étaient vraiment condamnés à mort, je ne crois pas qu’ils diraient ça, mais il est vrai que les prisons notamment de haute sécurité aux États-Unis, ont vraiment des conditions épouvantables ; des gens sont détenus à l’isolement, 24h sur 24, sans contacts physiques, ils peuvent parler une fois par mois à quelqu’un à travers une vitre, ils n’ont plus aucun contact avec qui que ce soit, ils peuvent toucher personne, .. Il faut imaginer: c’est pas une vie, c’est vraiment pas une vie. Donc nous [Amnesty International], on n’est pas non plus pour la perpétuité comme une sorte d’alternative. En fait, aux États-Unis, la peine de mort est vraiment très liée à l’idée de la responsabilité individuelle: chaque individu est responsable de ses actes, et donc c’est aussi pour cela que les États-Unis ne restreignent pas du tout l’accès aux armes à feu. On a vu tous ces drames

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qui se sont passés, ces dernières années, ces jeunes qui tuent la moitié de leur classe, bref des choses épouvantables, mais les États-Unis continuent à dire: c’est un droit du citoyen d’avoir une arme. Donc ils ne prennent aucune mesure de restriction pour cela, parce que, dans leur idéal, ça fait partie de la liberté individuelle d’avoir une arme. Et je crois que la peine de mort, c’est, pour eux, l’aboutissement de cette responsabilité individuelle. Si on est assez bête pour commettre un acte qui est contraire à la loi, alors on va être condamné à mort et on va l’assumer. Je pense que c’est vraiment ce discours sur l’individu qui prime, qui fait que pour eux la peine de mort c’est juste la fin de cette responsabilité individuelle. Moi c’est comme ça que j’interpréterai ça: chacun doit assumer ses actes, et c’est pour ça qu’ils continuent à condamner des gens à la peine de mort. 4. De même, comment est-il possible que les procès menant à des condamnations à mort aux USA puissent-être aussi discriminatoires et mal menés (je pense à des cas connus comme Mumia Abu-Jamal, mais aussi à des cas similaires plus récents) ? Je pense que les procès et la justice aux États-Unis ne sont que le reflet de la société telle qu’elle existe: la société américaine est une société profondément discriminatoire ; la police mène des actions anti-noirs, anti-musulmans, en bref toute personne qui a un vague air autre que blanc américain est dans le collimateur de la police, du coup il y a sans arrêt des bavures, sans arrêts des gens qui se retrouvent victimes d’exécutions en pleine rue, ce qui est aussi une sorte de peine de mort, si l’on veut, de se faire tirer dessus alors que l’on est innocent. Donc évidemment que la justice va aussi refléter cela ; si on est dans une société totalement discriminatoire: quand on n’a pas d’argent on n’a pas accès à un avocat qu’on peut payer soi-même, mais à un avocat commis d’office, qui sont des avocats, souvent, qui n’ont aucune expérience, et qui ne sont pas très bons, donc on a toutes les chances de perdre. Le problème, c’est qu’aux États-Unis, beaucoup de procès sont encore basés sur des jurés, donc ça veut dire que n’importe qui peut être tiré au sort et faire partie d’un jury, et évidemment qu’on y va avec tous nos préjugés. Donc si c’est un noir qui est condamné pour le meurtre d’un blanc, il a plus de chances de se retrouver condamné à mort que dans le cas inverse. Et il est arrivé souvent malheureusement que des jurys soient entièrement composés de blancs, où il n’y a personne de la communauté noire. Donc c’est effectivement une justice discriminatoire, je crois qu’il faut vraiment voir ça comme ça, et voir que, jusqu’à présent, les États-Unis ont été incapables de réformer leur justice et leur police pour arriver à une situation où l’on puisse se dire que les procès ont été menés de façon correcte. On ne peut aussi pas rejuger quelqu’un pour le même crime, ce qui est très particulier aux États-Unis. Ça veut dire, que si une première fois quelqu’un a été reconnu coupable de meurtre, on ne peut pas rouvrir le procès sans un élément extrêmement nouveau, comme une preuve ADN, ou l’aveu d’un témoin d’avoir fait un faux témoignage, et même dans ces cas-là, il est très difficille d’obtenir la révision du procès. Il y a plein de situation où la réouverture du procès a été refusée parce qu’un juge trouvait que les éléments n’étaient pas assez nouveaux. Cette façon de faire, très particulière aux États-Unis, conduit donc a des décisions injustes. Fondamentalement fausses, et injustes. Donc évidemment que si tout le système dysfonctionne, la peine de mort aussi

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dysfonctionne, parce que c’est le bout de la chaîne. Donc ce n’est pas que dans la peine de mort que ça disfonctionne, c’est dans toutes les étapes avant. 5. Existe-il des preuves concrètes qui montrent que des innocents ont été exécutés ces dernières années (aux USA) ? Oui, l’Université de Michigan et le Centre des Erreurs Judiciaires de l’Université de Chicago ont publié un projet, le Registre National des Erreurs Judiciaires, qui étudie les cas de personnes qui ont été exécutées, afin de vérifier leur culpabilité. Ils mettent à jour la façon dont ces personnes ont été reconnues coupables alors qu’elles ne l’étaient pas. Parfois, avec des tests ADN, ils ont pu prouver l’innocence de certaines personnes qui étaient déjà mortes. C’est difficile de dire exactement combien de personnes ont été exécutées alors qu’elles étaient innocentes, parce qu’évidemment on ne peut pas rouvrir tous les dossiers, ça coûterait beaucoup trop cher, ce serait très long, etc. Il y a plein d’associations qui se battent pour faire libérer les gens avant qu’ils soient exécutés, ce qui fait plus de sens. Il y a eu, le 8 juin 2015 au Texas, un condamné nommé Alfred Dewayne Brown qui a été innocenté d’un double meurtre pour lequel il avait été condanmé en 2005, et cela a fait de lui le 154ème condamné à mort innocenté depuis 1976, depuis la réintroduction de la peine de mort aux USA. Donc il y a eu, avec lui, 154 personnes condamnées à mort puis innocentées, ce qui veut dire que, formellement, parmi les gens qui ont été exécutés, il y avait forcément des innocents. Sinon, avec Amnesty International, il y a quelques années, on avait fait une tournée de témoignages sur la peine de mort aux USA, et on avait fait venir une femme, Sunny Jacobs ; elle-même et son mari avaient été condamnés à mort pour le meurtre de leur voisin: elle, elle a passé environ 7 ans en prison, son mari, lui, a été exécuté. Mais ils ont réussi à faire rouvrir son procès à elle, et il s’est avéré que le policier qui avait témoigné contre eux - seul témoignage contre le mari - a reconnu qu’il avait menti. Donc son mari a été exécuté, mais ce n’était clairement pas lui, car le policier avait menti là-dessus. Donc voilà un exemple d’exécution d’innocent. La femme, elle, a pu sortir de prison, et maintenant elle fait des témoignages contre la peine de mort. Donc les exemple existent, mais il est difficile d’avoir des chiffres exacts. 6. Comment voyez-vous l'évolution de l'application de la peine capitale dans les prochaines années ? Y a-t-il des chances pour que les États- Unis l'abolissent entièrement et définitivement ? Oui. Il y a quelques jours, le Connecticut a aboli la peine de mort (13 août 2015), c’est une décision de justice, de toute façon ce n’est presque jamais la population qui vote, ce sont toujours des décisions de justice ou du gouverneur, ou d’un parlement. Donc pour le Connecticut, c’est la justice qui a déclaré que c’était anticonstitutionnel et qu’il fallait l’abolir. Cette année il y a eu aussi le Nebraska qui l’a aboli, et la Pennsylvanie a annoncé qu’ils suspendaient toutes les exécutions, mais ils ne l’ont pas encore abolie. Actuellement, il y a 20 États sur 50 qui l’ont abolie, et qui ont suspendu toutes les exécutions, et on n’a jamais été à un nombre d’États aussi élevé, donc ça c’est déjà la première bonne nouvelle. La deuxième, c’est que le nombre d’exécutions diminue constamment, il n’a jamais été aussi faible aux USA depuis 20 ans. Il est en diminution année après année, ce qui laisse

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penser qu’on va arriver vers une abolition définitive. Le problème c’est les États qui pratiquent le plus, notamment le Texas, ça diminue, mais ils continuent d’exécuter chaque année. Dans les années 70, il y avait eu un moratoire, mais les exécutions ont repris, donc on ne peut jamais savoir si les abolitions sont définitives ? On ne peut jamais savoir si ça va reprendre, effectivement. Ce qu’il y avait eu, c’est que dans les années 70, c’était une décision de la Cour Suprême des USA, et puis la même Cour Suprême est revenue sur sa décision. Là, ce qui est intéressant, c’est que c’est des États séparés qui l’abolissent les uns après les autres, donc ils n’attendent pas la décision de la Cour Suprême mais ils décident eux-mêmes, donc on peut espérer qu’ils maintiennent ça. Après, évidemment qu’il peut y avoir n’importe quoi comme drame comme au Pakistan, 140 enfants qui se font tuer dans une école, et le pays reprend les exécutions après plusieurs années en disant « il faut exécuter tous ces terroristes ». Donc il pourrait se passer quelque chose comme ça aux USA, et des États qui avaient aboli la peine de mort pourrait recommencer les exécutions. Mais il existe aussi la possibilité que la Cour Suprême rechange d’avis, ce ne serait pas impossible. Le fait est qu’ils doivent se prononcer presque chaque année sur un sujet lié à la peine de mort, à cause de recours, ou d’États qui interpellent la Cour Suprême, etc. En fait, à un moment donné, ils vont en avoir assez : on ne peut pas se prononcer chaque année sur la même chose et dire « Oui, oui, bien sûr, on continue, on continue. » Surtout que maintenant, c’est une Cour Suprême qui est quand même plus progressiste, dans laquelle Obama a pu nommer des juges qui sont un peu plus progressistes, même si Obama n’a jamais clairement appelé à l’abolition de la peine de mort. Donc peut-être que la Cour Suprême pourrait de nouveau faire basculer la décision, et que du coup ce serait définitif. Il y a deux autres raisons qui font penser que ce serait peut-être possible. Premièrement, les coûts : ça coûte extrêmement cher, en fait, la peine de mort. L’idée qu’un emprisonnement à vie coûte plus cher est très répandue, mais fausse. Peut-être que dans certains pays où les prisonniers condamnés à mort sont traités de façon épouvantable, les garder dans le couloir de la mort ça coûte moins cher. Mais aux USA, les personnes condamnées à mort ont quand même droit à plusieurs recours, souvent les procès sont plus longs, il y a plus d’avocats impliqués, donc tout ça coûte cher, bien plus cher que d’emprisonner les gens à vie. Il y a aussi des prisons spéciales, le couloir de la mort est un endroit réservé aux condamnés à mort, qui ne peuvent pas être mélangés avec d’autres détenus, enfin le fait est qu’il y a plein de choses qui font que ça coûte très cher. Et comme beaucoup d’États ont des problèmes financiers aux USA, ils sont en train de se dire que ça coûte trop cher. Ce serait une très mauvaise raison d’abolir la peine de mort, mais disons que c’est une des raisons qui existent. L’autre raison, c’est qu’ils arrivent de moins en moins à trouver les produits pour faire les injections létales, car l’Europe a arrêté de fournir. L’Europe a passé une décision au Parlement pour dire « il n’y a plus de produits qui sont livrés aux USA », et la Suisse, pour une fois, a suivi le mouvement après quelques années. Donc en fait c’est très compliqué ; ils n’ont plus ces produits, visiblement ils ne les fabriquent pas eux-mêmes pour une raison inconnue, mais le résultat c’est que ça a conduit à plein de ces exécutions ratées de condamnés qui meurent de façon horrible au bout de plusieurs heures, ce qui fait que ça fait beaucoup de bruit. C’est très dérangeant, évidemment, quand tous les médias parlent de ça, et donc tout d’un coup le gouverneur d’un État peut se retrouver mis sur la sellette parce que quelqu’un a agonisé pendant 2 heures.

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En même temps c’est absurde ; on est en train de parler de quelqu’un qui est condamné à mort, qui meurt. C’est moins affreux s’il meurt en une minute que s’il meurt en deux heures, oui, mais il meurt quand même. Comment est-ce possible de rater des injections létales alors qu’on endort un chien rapidement et sans souffrance chez un vétérinaire ? C’est très bizarre. Je pense qu’effectivement il y a des problèmes liés aux produits qu’ils utilisent ; ils ont peut-être dû se fournir ailleurs et le « médicament » n’a pas agi comme ils l’imaginaient. Ça me paraît aussi extrêmement étrange que cela ne fonctionne pas. Ce qu’il y a, c’est qu’ils ne peuvent évidemment pas faire des tests, donc finalement ils font ces tests directement sur les personnes condamnées à mort. Donc du coup pour ça aussi il y a eu toute une série d’États où ils ont suspendu les exécutions, où ils ont fait un moratoire, en attendant de savoir s’ils allaient pouvoir utiliser le produit, il y a des États où ils ont décidé qu’ils fallait de nouveau tirer sur les gens, donc utiliser des pelotons d’exécutions. C’est quand même très différent de tirer sur quelqu’un, il faut imaginer ce que ça produit sur la personne qui pratique ce travail ! Quand on fait une piqûre à quelqu’un, sous les yeux d’un médecin, on peut même avoir l’impression qu’on fait un acte médical, ce qui n’est évidemment pas le cas, c’est une mise à mort, mais la façon dont c’est fait, ça paraît très anodin, et les USA avaient réussi à montrer sous un jour tout à fait banal, un acte médical. Si tout d’un coup il faut réintroduire un peloton d’exécution avec des gens qui tirent sur quelqu’un d’autre, et bien ce sont des gens qui sont traumatisés, des gens qui vont avoir du stress post-traumatique, en fait comme les soldats qui sont envoyés à la guerre, après quand ils reviennent ils sont à moitié fous, il faut les soigner, ça coûte, bref. C’est cynique ce que je dis, mais avec le peloton d’exécution ils ne sont plus dans un système d’exécution qui leur permettait d’avoir le contrôle, donc ça, ça va peut-être aussi faire qu’ils vont renoncer dans certains États. Donc ce sont deux très mauvaises raisons, de ne pas avoir les moyens économiques ou les produits adéquats, mais si on gagne là-dessus, le résultat est le même, on aura quand même aboli la peine de mort, et c’est ça notre objectif. 7. La Biélorussie est le seul pays en Europe à ne pas avoir aboli la peine de mort ; comment est-ce possible ? Quels sont les projets d’Amnesty par rapport à ce pays ? On a mené toute une longue campagne sur la Biélorussie, avec je pense à peu près zéro impact. Ce qu’il faut bien voir c’est que c’est un pays dictatorial, c’est un pays qui n’a aucune liberté d’expression, donc les organisations sur place qui essaient de se battre contre la peine de mort notamment, et une association des mères de condamnés à mort se font sans arrêt harceler, convoquer au poste de police, on essaie de les empêcher de communiquer avec l’extérieur, etc. Donc il n’y a pas un mouvement fort à l’intérieur du pays, ce qui fait que c’est difficile. Aux USA, même si beaucoup de gens sont pour la peine de mort, il y a un mouvement très fort pour l’abolition. Donc en fait c’est plus difficile dans les pays où, à l’intérieur du pays il n’y a pas de mouvement fort pour l’abolition. Et en Biélorussie c’est très difficile parce que, malheureusement, ils font taire toute personne qui essaie de se dire contre la peine de mort. Donc là pour l’instant, on n’a encore pas du tout réussi à bouger les autorités, mais ce qu’il faut dire c’est qu’on n’est pas du tout dans le même genre de proportions : en 2014, ils ont exécuté deux personnes si je me souviens bien, alors oui, c’est grave, mais on n’est pas en train de parler de cinquante personnes comme aux USA ou de sept cent personnes comme en Iran. Ce qu’il faut aussi dire, c’est que la Biélorussie, à cause de sa situation politique, qui est une dictature, et à cause de la peine de mort, ne fait pas partie du Conseil de l’Europe.

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C’est le seul pays qui en est exclu, parce que formellement, tous les pays qui adhèrent au Conseil de l’Europe doivent avoir aboli la peine de mort, et donc même la Russie, qui est un pays très problématique pour les droits de l’homme, a aboli la peine de mort. Donc une population a beaucoup d’influence sur les lois de son gouvernement ? Ce n’est pas seulement la population. En fait, les gouvernements arrivent à faire croire que la situation est en leur faveur. Donc en Biélorussie, quand le Président dit « la population est pour la peine de mort », personne ne peut le contredire ! Il n’y a pas de sondages, les mères des condamnés à mort ne peuvent pas faire de conférence de presse et dire « non, nous on est contre la peine de mort ». Ce qui fait qu’il peut toujours se baser sur sa population, mais c’est un prétexte. De nouveau, c’est comme pour la religion, il instrumentalise sa population, il manipule les gens, et personne ne peut le contredire. Ce qui est souvent le cas avec la peine de mort, mais ceci dit, il y a quelques centaines d’années, à Florence, les gens avaient voté pour l’abolition de la peine de mort, dans les années 1700 et quelques. Mais à part ça il n’y a pratiquement aucun exemple de population qui a voté contre la peine de mort, c’est très rare. Même en Suisse, on n’a pas voté sur la peine de mort. Ça a été aboli, c’est une décision des autorités, c’est une modification de la Constitution et nous on a voté sur la Nouvelle Constitution, où il n’y a pas la peine de mort, mais on n’a pas formellement voté « pour » ou « contre » abolir la peine de mort. En France, la peine de mort a été abolie par un ministre qui a décidé de l’abolir, ce n’est pas une décision populaire. Et je pense que, si on devait avoir une décision populaire, on perdrait dans plein de pays. Parce que dans plein de pays, les gens pensent encore que la peine de mort, ça permet de lutter contre le crime –ce qui est faux– et que c’est une façon de lutter contre le terrorisme, ce qui est aussi faux, mais voilà fondamentalement, si on devait aujourd’hui avoir une votation, ce serait compliqué. En Suisse, j’espère que non. Il y a cinq ans, en Suisse, il y a eu une proposition, une initiative pour réintroduire la peine de mort. Cette initiative a duré deux jours, car la personne qui l’avait lancée s’est tellement faite mettre sous pression par les médias et par plein de gens, qu’elle a retiré l’initiative. C’était un tout petit comité, autour d’une famille qui avait été victime d’une erreur judiciaire, qui était très remontée contre la justice, et du coup ils ont voulu lancer cette initiative mais ils ne se sont pas rendus compte qu’ils allaient se faire laminer par les médias, par tout le public, etc. Donc ils avaient à peine commencé à récolter des signatures qu’ils ont retiré leur initiative. Donc je pense qu’aujourd’hui en Suisse une initiative comme ça n’aurait pas beaucoup de chances. Il y a toujours des fous ou des imbéciles ; il y a un avocat genevois, un polémiste, qui s’appelle Charles Poncet, et qui a écrit dans l’Hebdo qu’il fallait réintroduire la peine de mort pour les djihadistes qui partent de Suisse et qui vont combattre pour l’État Islamique ; c’est absurde ! Pourquoi pour eux et pas pour des criminels en Suisse ? C’est plus grave d’aller tuer des gens à l’étranger que de les tuer en Suisse ? Qu’est-ce qui justifie ça ? Bref tout ça c’est de la polémique, ou des gens dérangés qui font ce genre de proposition. Personne de sérieux ne vient avec la proposition de rouvrir la peine de mort. Heureusement. Donc les gens sont mal renseignés ? Ce n’est pas qu’une question de mentalité ou de tradition (comme aux USA, dans les coins reculés du Sud) ? Je crois qu’il n’y a peu de sujets sur lesquels on voit autant les gens changer d’avis quand on les renseigne ; nous on fait beaucoup d’intervention dans les écoles, sur le thème de la peine de mort, et en fait c’est très intéressant parce qu’au début de nos interventions on demande aux jeunes « est-ce que vous êtes pour ou contre la peine de mort ? », et en général ils sont tous pour. Alors qu’à la fin de l’intervention d’une heure, en général ils

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sont tous contre. Et en fait, on ne leur a pas dit « il faut être contre », on leur a juste présenté les arguments, et puis on les a fait débattre entre eux. Et en fait quand on débat, on se rend compte que ce n’est juste pas possible, que les arguments pour la peine de mort peuvent tous être renversés, par les arguments sur l’innocence, les arguments sur le fait que ce n’est pas dissuasif, toutes les études qui ont été faites, bref il y a tellement d’éléments qui montrent que c’est… tous les arguments peuvent être renversés. Le seul argument qui ne peut pas être renversé, c’est quand quelqu’un dit « si mon enfant est tué, je voudrais tuer moi-même cette personne qui a tué mon enfant », car c’est une réaction tout à fait normale, de qui que ce soit qui verrait son enfant tué, mais c’est justement pour ça que la justice existe, c’est pour qu’on ne fasse pas nous-mêmes la justice. Si on faisait nous-mêmes la justice, on ne vivrait pas dans un état de droit et dans une démocratie, mais on vivrait au Moyen-Âge, ou on irait nous-mêmes à la tribu d’à côté, ou à la mafia, on tue quelqu’un de leur clan, alors ils vont tuer quelqu’un de l’autre clan, bref. Mais ça ce n’est pas un état de droit, et c’est pour ça que la justice existe, c’est pour que, quand quelqu’un a été victime dans sa famille d’un crime, ce crime soit réparé par la société et la personne coupable doit aller en prison. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a beaucoup de parents d’enfants qui ont été tués qui ont aussi rejoint des rangs de mouvement abolitionnistes, en disant « Ne tuez pas quelqu’un à cause de moi. Ne tuez pas quelqu’un pour réparer un crime, ce n’est pas moi qui vous le demande. » Et en Europe il y a aussi eu dans plein d’affaires horribles –comme l’affaire Marc Dutroux, ce pédophile qui a tué une demi-douzaine de filles en Belgique il y a une dizaine d’années–, où les parents, comme les parents des fillettes tuées par ce type, se sont prononcés contre la peine de mort, en disant « Mais à quoi ça sert ? Ça ne va pas nous rendre nos enfants, et on ne va pas se sentir mieux après ça. » Donc ça c’est le seul argument émotionnel auquel il faut répondre par des arguments rationnels, ce qui est très difficile. Il faut donc entendre la douleur des gens qui disent que « si ça leur arrivait à eux, ils trouveraient ça horrible », oui, mais en même temps on vit dans un état de droit, où on ne peut pas aller soi-même faire la justice. 8. Pour ce qui est des enfants de parents condamnés à mort, qui ont souvent de gros problèmes psychologiques liés à ça, est-ce qu’Amnesty fait des campagnes ou propose des soutiens ? Non, on ne travaille pas du tout là-dessus, mais je pense qu’aux USA il y a quand même des associations qui sont plus proches, comme l’association Lifespark, une association suisse, qui fait de la correspondance avec les condamnés à mort eux-mêmes, après il y a d’autres associations qui travaillent avec les familles, soit de victimes, soit de condamnés à mort. Nous on ne travaille pas directement dans le soutien psychologique, ou des choses comme ça, donc on n’a pas travaillé avec les enfants des condamnés à mort. Mais j’imagine que c’est un peu le même genre de situation dont je parlais tout à l’heure : ce sont des gens qui savent qu’ils vont perdre un des leurs, parfois pour un crime qu’il n’a pas commis, donc ils vont se retrouver dans la même situation que des parents dont l’enfant a été tué. [À propos des contacts interdits entre les condamnés et leurs proches] Le problème plus général de la détention aux USA, surtout dans les quartiers de haute sécurité, c’est la façon dont les prisons sont gérées ; il y a un vrai problème du nombre de gens qui sont en prison, ce qu’on appelle l’incarcération de masse ; aux USA, une proportion énorme de la population est en prison, proportion bien plus élevée que dans les pays européens. Et ils ne connaissent pratiquement aucune alternative à la détention, il y a très peu de système de semi détention, de bracelets électroniques, etc. Et ils continuent encore à condamner de

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façon exponentielle, donc on peut imaginer que si quelqu’un est condamné une fois pour un problème, s’il est condamné une deuxième fois ça peine va spectaculairement augmenter, et s’il est condamné une troisième fois, certaines personnes sont condamnées à 250 ans de prison. Pour, par exemple, avoir vendu trois fois de la drogue, et s’être fait attrapé trois fois. Mais, même quand on vend de la drogue, on ne mérite pas 250 ans de prison (en riant) ! On mérite la prison, certes, mais pas 250 ans de prison. C’est un système de justice qui est vraiment très problématique, et qui devrait en fait être complètement révisé, de fond en comble, notamment la question de la détention et celle de l’accès des familles aux prisonniers : beaucoup de gens sont détenus dans des endroits très éloignés des villes, donc des gens qui sont pauvres ne peuvent pas aller voir leur famille, ou alors seulement une fois par mois. On utilise aussi beaucoup la discipline en prison ; priver les détenus de leur droit de visite, parce qu’ils n’ont pas rangé leur cellule par exemple. Donc la détention n’est pas perçue comme un moment où l’on prive quelqu’un de liberté, et ensuite on va devoir remettre cette personne dans la société, ce n’est pas du tout cela, aux USA, et ça c’est un vrai problème de compatibilité qui fait que les gens qui sortent de prison ne peuvent plus être réinsérés dans la société de façon normale, parce qu’ils ont été traités comme des sous-humains, et il est très difficile de se réinsérer dans la société quand on n’a pas eu de contacts physiques avec qui que ce soit pendant des années. Ce qui en plus tend à ce que l’ancien détenu récidive, soit un danger. 9. Justement, l’argument de la récidive n’est-il pas un autre argument imparable quant à la peine de mort ? Des gens diraient « Si on tue ce pédophile, il n’y a aucune chance qu’il recommence » Oui, mais aux USA par exemple, ce n’est pas un argument, car les personnes condamnées pour des crimes graves ont une perpétuité incompressible, donc elle restent en prison. Il faudrait vraiment qu’elle s’évade, et les évasions sont très rares dans les prisons américaines. Mais cet argument est plus valable chez nous, dans les pays européens, car y compris une personne qui a commis un crime très grave, comme agresser des enfants, peut un jour sortir de prison. Mais normalement, c’est seulement si elle est reconnue comme sans danger pour la société. Pour les cas très graves qu’il y a eu ces dernières années, les personnes mises en prison, en règle générale, sont encore en prison. Mais c’est vrai, il y a eu deux affaires récentes de détenus qui étaient sortis de prison et qui ont tué quelqu’un, ce qui rappelle que le risque de récidive n’est jamais nul, même si des experts avaient affirmé que ces personnes pouvaient sortir. Pour l’instant, en Suisse et dans des pays européens, on vit encore dans une société où on pense que le risque zéro n’existe pas, et qu’on ne peut pas priver tout le monde de ses droits parce qu’il risque d’y avoir une personne dans le tas qui pourrait récidiver. Mais si les récidives se multiplient, on va arriver à une situation où on va condamner les gens à des peines extrêmement longues, c’est le danger. 10. Dans le journal Le Monde, un sondage réalisé en France montrait que la majorité des gens étaient pour la peine de mort, comment cela se fait-il ? Déjà, il faudrait savoir comment ce sondage a été réalisé : est-ce qu’ils ont simplement mis la question sur leur site, où les gens pouvaient cliquer, ou bien est-ce un sondage réalisé sur un échantillon vraiment représentatif de la population française, etc. Parce qu’il ne faut pas oublier que les sondages en ligne peuvent être manipulés informatiquement, ou bien certaines personnes demandent à tous leurs contacts d’aller voter pour/contre la peine de mort sur ce site, donc ce n’est pas très représentatif si c’est juste mis sur leur site internet. Il faut toujours vérifier les conditions de réalisations des sondages. En plus, les résultats du

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sondage dépendraient des événements de l’actualité : s’il y a eu un drame épouvantable juste avant, et qu’on entend même les avocats dire qu’ils sont pour la peine de mort, ça peut énormément influencer les gens. Ou au contraire s’il ne s’est rien passé depuis plusieurs mois, les gens réfléchissent avant de réagir avec les émotions. Mais il est vrai que la question de la perception publique sur la peine de mort est une question derrière laquelle peuvent vite se cacher les gouvernements, parce qu’ils pourraient certainement se justifier en disant « une majorité de notre population est pour la peine de mort ». Cela pourrait justifier de ne pas l’abolir ou même de la réintroduire. (Généralement, ce genre de sondage est lancé justement parce qu’il y a eu une affaire grave. Quand il ne se passe rien, les gens n’en parlent presque pas.) Ce qu’il faudrait toujours faire, après avoir posé la question « Êtes-vous pour ou contre la peine de mort ? », c’est d’enchaîner par des questions du genre « Votre fils se fait condamner à mort pour un crime qu’il n’a pas commis, êtes-vous pour la peine de mort ? », « Votre fille se fait condamner à mort pour un crime qu’elle a commis, êtes-vous pour la peine de mort ? ». Si on pose aux gens des questions en lien avec les émotions [les partisans de la peine de mort demandent toujours aux abolitionnistes s’ils seraient encore contre la peine de mort si on tuait leurs enfants (Badinter)], posons aussi ce genre de questions. Il y a en fait beaucoup de gens qui ne seraient pas tout-à-fait pour si on condamnait leur enfant à mort, même s’il avait commis un crime, même si c’était prouvé. Les gens vont rarement dire « Si mon enfant a commis un crime, qu’on le condamne à mort, eh bien je serai le premier à aller actionner la guillotine. », personne ne va dire ça. Les gens diront « Oui, ce serait horrible que mon enfant commette un crime, mais j’irais quand même le voir en prison, parce que ça reste mon enfant. » Pour info, il y a un journaliste lausannois, Jacques Secrétan, qui est un peu insaisissable parce qu’il est tout le temps en train de faire des allers et retours entre la Suisse et les USA, parfois il nous envoie un mail pour nous demander « Est-ce que Amnesty peut faire quelque chose pour ce condamné à mort qui est tout à fait innocent ? (en riant) », moi je lui dis « Jacques (en riant), merci pour l’info mais on ne peut rien faire. » Mais il a fait plusieurs enquêtes, notamment reportages, en film ou livres, sur des condamnés à mort où il a essayé d’établir si oui ou non ils étaient coupables ; lui en tout cas était persuadé que ces personnes n’étaient pas coupables, ou condamnées à tort. Il y a eu pas mal de films, en fait, aux USA, sur la peine de mort. C’est ça qui est assez intéressant quand même : de se rendre compte que, de même qu’aujourd’hui avec la torture, ces sujets influencent les réalisateurs, que ce soit de documentaires ou de fictions. Par exemple, juste après les attentats du onze septembre aux USA, quand il y a eu une sorte de vague anti-musulmans, les USA ont ouvert la base de Guantanamo à Cuba, et des prisons secrètes au Pakistan, en Afghanistan, etc. et très vite on a vu des séries américaines, comme 24 heures chrono, qui justifiaient le recours à la torture, parce que les USA pratiquaient la torture et qu’il fallait faire passer un message dans la population en faveur de la torture. Actuellement, il y a eu un changement de régime aux USA, depuis que ce n’est plus Bush le président, il y a une révision de ce qui a été fait par les services secrets américains, qui ont dû se justifier car ils sont vraiment accusés d’avoir utilisé la torture, bref, tout d’un coup il commence à y avoir des films contre la torture, qui disent que c’est inacceptable. Donc on peut voir que souvent les films accompagnent ces mouvements de société en reflétant l’état de la discussion. Donc si d’un coup il commence à y avoir des films pro peine de mort aux USA, il faut se méfier car cela signifie qu’il y a peut-être une sorte de tendance en faveur de la réintroduire dans les États où elle a été abolie.

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(il est inquiétant de se dire qu’il y a peut-être des manipulations derrière ça, pour favoriser certains scénarios plutôt que d’autres..) Encore une info : un prof d’uni à Lausanne, nommé André Kuhn, a travaillé sur des questions de peine de mort aux USA, et il disait : « En fait, la peine de mort, ça fait partie de ce système aux USA, d’une société qui est très brutale, où il y a beaucoup de crimes qui sont commis, où du coup on exécute les personnes coupables, et où personne ne se pose la question de savoir si la peine de mort ajoute encore à cette brutalité », et que dans les États qui ont aboli la peine de mort, non seulement certains ont moins de crimes violents, –en tout cas la peine de mort ne dissuade pas de commettre des crimes, c’est évident– et le fait de ne pas mettre à mort les personnes qui ont commis des crimes, ça pourrait contribuer à débrutaliser la société, à montrer que le crime n’est pas acceptable, et que l’État, lui non plus, ne condamne pas à mort. Voilà ce qu’il appelle le phénomène de brutalisation de la société, la peine de mort renforce la brutalisation de la société. (couper la main des voleurs, lapider les femmes adultères et brûler les homosexuels n’a jamais rien empêché..) De toute manière, lors des meurtres non prémédités, le tueur ne réfléchit pas aux conséquences de ses actes, au couloir de la mort, etc. Et même quand ils sont prémédités, il faut toujours essayer de voir, pour la société, si c’est mieux que cette personne soit condamnée à une peine de perpétuité, ou bien vingt ans de prison et ensuite elle est réexaminée, ou sinon, si on l’exécute, quelle image renvoie une société qui met à mort ses propres citoyens ? Pourquoi est-ce qu’un État a le droit de vie et de mort sur ses citoyens ? Qui décide ? Et ça c’est vraiment très problématique, surtout quand c’est appliqué de façon tout à fait discriminatoire.

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7. Résumé Le film La Vie de David Gale, du réalisateur britannique Alan Parker, est à la base de ce travail de maturité : il évoque de façon remarquable le problème des innocents condamnés à mort aux États-Unis, et celui de la peine de mort en général, tout en laissant au spectateur la possibilité d’avoir sa propre opinion sur le sujet. Effectivement, la peine capitale est très problématique aux États-Unis ; les opinions étant divisées, chaque nouvelle exécution provoque des débats et la remise en question de cette peine, cette dernière ayant été abolie depuis de nombreuses années dans les pays européens - 1981 en France, par exemple. Pourtant, aux États-Unis, elle est encore légale dans trente-et-un États sur les cinquante que compte le pays. Et les taux d’exécutions les plus élevés sont principalement enregistrés dans le Sud, au Texas, là où le film est censé se dérouler. Les États-Unis sont d’ailleurs le quatrième pays au monde à exécuter le plus de condamnés à mort - sans compter la Chine.

« La peine capitale est le symptôme, et non la solution, d’une culture marquée par la violence. » Amnesty International

L’objectif de ce travail est de comprendre comment des innocents peuvent encore se retrouver dans les couloirs de la mort américains en 2015, et également de comprendre pourquoi les États-Unis continuent d’exécuter des membres de leur propre population, dont certains sont innocents, tout en s’auto-proclamant le « pays de la liberté ». Les cinq questions de recherche développées au cours du dossier évoquent les arguments en faveur de la peine capitale, l’influence de la population et de la religion sur la peine de mort, les arguments des abolitionnistes, ainsi que les failles du système judiciaire américain qui mènent des innocents aux couloirs de la mort. Nous avons eu la chance de pouvoir interviewer à ce propos Manon Schick, présidente d’Amnesty Suisse. Notre travail de réflexion nous a amenées à constater que la peine de mort est appliquée pour des raisons absurdes, et qu’elle est hautement discriminatoire ; alors que les Afros-Américains, par exemple, ne représentent que 12.6% de la population américaine, environ 41% des prisonniers dans les couloirs de la mort sont noirs ! Nous avons compris au cours de ce travail de maturité qu’une condamnation à mort n’est utile ni pour le condamné, ni pour la société. Le condamné gâche sa vie dans un couloir de la mort et n’a aucune possibilité de racheter ses erreurs. Nous comprenons que la peine de mort puisse dans certains cas soulager les proches des victimes, mais pas la population ; un condamné réinséré dans la société ne présente pas plus de danger qu’un autre citoyen. Il faut savoir faire la différence entre une personne qui est apte à se faire pardonner et qui pourrait reprendre une vie « normale » et une personne en qui l’espoir de devenir quelqu’un de meilleur est nul. Dans tous les cas, « On ne devrait jamais condamner un homme à mort parce que nous ne savons pas ce qu’est la mort. » Julien Green