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Fonds de dotation OSINTPOL Rapport N°1 Juillet 2015 OSINTPOL La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en œuvre Chantal Lavallée

La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

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RésuméLe rapport s’inscrit dans le débat politique actuel sur le repositionnement de l’Union européenne face aux transformations politiques dans son voisinage tant à l’est, avec la crise en Ukraine et l’intensification des tensions avec la Russie qu’au sud, avec les changements de régime et l’instabilité croissante à la suite des événements du printemps arabe. L’analyse cerne les fondements et les enjeux liés à la Politique européenne de voisinage (PEV) afin d’évaluer ses limites et les défis de sa mise en œuvre, et de proposer des recommandations en vue de sa révision. Plus qu’une politique européenne, la PEV doit devenir une véritable structure de coordination capable de mobiliser efficacement tous les instruments et les politiques ainsi que de coordonner tous les acteurs européens engagés dans le voisinage. En raison de son impact politique important, la PEV doit favoriser davantage l’inclusion des partenaires, voire l’appropriation commune du processus de coopération régionale.SummaryThis report fits into the current discussion on how the European Union should adapt its position to deal with the political transformations observable in its neighbourhood, such as those in the East (Ukraine crisis and growing tensions with Russia) and in the South (regimes changes in several ‘Arab Spring’ countries and growing instability). More specifically, the paper examines the European Neighbourhood Policy’s (ENP) key components as well as the issues the EU currently faces, highlighting its limits and challenges. It also formulates recommendations for the ENP’s review. It notably argues that the ENP should become a truly coordinating structure being able to effectively mobilise all EU tools and policies; also, it should coordinate all EU actors engaged in the neighbourhood. Due to its high political impact, the ENP should promote the better inclusion of all partners, and joint ownership of the regional cooperation process.

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Page 1: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

Fonds de dotation OSINTPOL

Rapport

N°1

Juillet 2015

OSINTPOL

La politique européenne de voisinage : les

défis de la mise en œuvre

Chantal Lavallée

Page 2: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre
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Fonds de dotation OSINTPOL

Rapport

N°1

Juillet 2015

OSINTPOL

La politique européenne de voisinage : les

défis de la mise en œuvre

Chantal Lavallée

Page 4: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

L’intelligence du bien commun

Le Fonds de dotation OSINTPOL est un laboratoire d'idées ou think tank. Il accomplit

une mission d'intérêt général en soutenant la recherche et la diffusion d’analyses en

science politique, notamment sur les domaines liés à la paix et aux relations

internationales. Il agit dans l'intérêt du bien commun en conformité avec les valeurs

humanistes qui sont les siennes et les idéaux de justice et de liberté énoncés dans la

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s'inscrivent pleinement dans les débats parcourant ses sphères d'intérêt. La démarche

est résolument critique et avant tout orientée vers la production et la diffusion aussi

large que possible des savoirs relatifs à ses domaines d'interventions. OSINTPOL ne

saurait accomplir efficacement sa mission d’information et de sensibilisation du

public sans le soutien de donateurs motivés par la défense du bien commun.

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Photographie de la page couverture : un

drapeau géant de l’Union européenne est

déployé sur la place de l’indépendance à Kiev,

en Ukraine, le 27 novembre 2013, lors des

manifestations pro-européennes appelées

Euromaïdan par Radio Free Europe.

Crédit : Mstyslav Chernov, certains droits

réservés, CC-BY-SA-3.0

Page 5: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

Fonds de dotation OSINTPOL

Sommaire

Sommaire ................................................................................. i

Liste des acronymes ................................................................. iii

Liste des figures ....................................................................... iv

Biographie de l’auteure .............................................................. v

Résumé ................................................................................. vii

Summary ............................................................................... vii

Introduction ........................................................................... 1

Chapitre 1. Fondements et limites de la PEV : le vers est dans

le fruit ............................................................................... 5

1.1. Voisins maritimes et terrestres : la création d’une ligne de

démarcation ................................................................... 5

1.2. Une coopération bonifiée sans perspective d’adhésion : une

ambiguïté instrumentalisée ............................................... 7

1.3. L’approche globale : un défi de coordination et de

cohérence .................................................................... 10

1.4. L’approche différenciée et progressive : des principes au cas

par cas pour une politique sur mesure ............................. 14

1.5. Un espace de stabilité, de sécurité et de prospérité sous

haute tension ............................................................... 16

Chapitre 2. Une politique à bout de souffle dans un contexte

régional en pleine mutation ............................................ 19

2.1. Au sud : le partenariat euro-méditerranéen à l’épreuve des

transformations politiques .............................................. 19

2.2. À l’est : le baptême du feu pour le Partenariat oriental ....... 24

Chapitre 3. Une révision une fois de plus mal

engagée .......................................................................... 27

Page 6: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

ii

Chapitre 4. Des recommandations portant sur 5

axes-clés ........................................................................ 33

4.1. La PEV : un instrument politique qui requiert une approche

plus stratégique ............................................................. 33

4.2. Favoriser l’appropriation pour réduire l’asymétrie des

relations avec les partenaires .......................................... 34

4.3. Revoir l’approche différenciée avec flexibilité et nouveaux

paramètres ................................................................... 35

4.4. Renforcer la dimension régionale pour une coopération au-

delà de l’UE ................................................................... 36

4.5. Consolider l’approche globale avec une meilleure inclusion

des instruments en matière de politique étrangère et de

sécurité ........................................................................ 37

Conclusion ........................................................................... 41

Bibliographie ........................................................................... 43

Page 7: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

iii

Liste des acronymes

AA Accord d’association

APC Accord de Partenariat et de coopération

DevCo Développement et Coopération

DG Direction générale

EaPIC Eastern Partnership Integration and Cooperation Programme

EuroMed Partenariat euro-méditerranéen

FMI Fonds monétaire international

HR/VP Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la

politique de sécurité/Vice-président de la Commission

européenne

IEV Instrument européen de voisinage

IEVP Instrument européen de voisinage et de partenariat

LEA Ligue des États arabes

NEAR Neighbourhood and Enlargement Negotiations

OTAN Organisation du traité de l’Atlantique nord

PESC Politique étrangère et de sécurité commune

PEV Politique européenne de voisinage

PSDC Politique de sécurité et de défense commune

RSUE Représentant spécial de l’Union européenne

SIGMA Support for Improvement of Governance and Management

SEAE Service européen pour l’action extérieure

SPRING Support for Partnership, Reform and Inclusive Growth

TAIEX Technical Assistance Information Exchange Office

UA Union africaine

UE Union européenne

UpM Union pour la Méditerranée

Page 8: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

iv

Liste des figures

Figure 1 : carte des États voisins et leurs différents statuts à l’égard de

l’UE.……………………………………………………………………………………………………………. 2

Page 9: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

v

Biographie de l’auteure

Chantal Lavallée est chercheuse associée à OSINTPOL. Elle est également

chercheuse invitée au Centre d’excellence sur l’Union européenne à

l’Université de Montréal. Elle a obtenu son doctorat en science politique à

l’Université du Québec à Montréal (UQAM, Canada), en 2010. Sa thèse

démontre l’émergence d’un champ européen de sécurité et de défense structuré

par l’interaction entre plusieurs acteurs, étatiques et non étatiques. Par la suite,

avec une bourse d’études postdoctorales du Fonds de recherche du Québec –

Société et culture, elle a poursuivi ses recherches à la très prestigieuse

European University Institute, à Florence (2010-2012) sur la contribution de la

Commission européenne dans le champ européen de sécurité et de défense en

matière de réaction aux crises, recherche en sécurité et marché de défense.

Depuis septembre 2013, elle s’intéresse aux défis de la mise en œuvre de

l’approche globale de l’UE dans la réponse aux crises et aux conflits,

notamment au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et à la suite du printemps

arabe en Égypte. Les résultats de ces recherches ont fait l’objet de multiples

publications, dont dans des revues avec comité de lecture comme European

Foreign Affairs Review, Perspectives on European Politics and Society,

Journal of Contemporary European Research et Études Internationales, un

numéro thématique dirigé pour Journal of Contemporary European Research

et un volume dirigé à La Documentation Française, L’Europe de la défense :

acteurs, enjeux et processus. À titre de chargée de cours, elle a aussi enseigné à

l’UQAM, l’Université de Sherbrooke, l’Université d’Ottawa, l’Université de

Montréal et l’Université Laval, des cours sur l’Union européenne, les politiques

étrangères et de sécurité en Europe, les processus d’intégration régionale dans

le monde et les enjeux internationaux.

Page 10: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre
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OSINTPOL La politique européenne de voisinage

vii

Résumé

Le rapport s’inscrit dans le débat politique actuel sur le repositionnement de

l’Union européenne face aux transformations politiques dans son voisinage

tant à l’est, avec la crise en Ukraine et l’intensification des tensions avec la

Russie qu’au sud, avec les changements de régime et l’instabilité croissante à la

suite des événements du printemps arabe. L’analyse cerne les fondements et

les enjeux liés à la Politique européenne de voisinage (PEV) afin d’évaluer ses

limites et les défis de sa mise en œuvre, et de proposer des recommandations

en vue de sa révision. Plus qu’une politique européenne, la PEV doit devenir

une véritable structure de coordination capable de mobiliser efficacement tous

les instruments et les politiques ainsi que de coordonner tous les acteurs

européens engagés dans le voisinage. En raison de son impact politique

important, la PEV doit favoriser davantage l’inclusion des partenaires, voire

l’appropriation commune du processus de coopération régionale.

Summary

This report fits into the current discussion on how the European Union should

adapt its position to deal with the political transformations observable in its

neighbourhood, such as those in the East (Ukraine crisis and growing tensions

with Russia) and in the South (regimes changes in several ‘Arab Spring’

countries and growing instability). More specifically, the paper examines the

European Neighbourhood Policy’s (ENP) key components as well as the issues

the EU currently faces, highlighting its limits and challenges. It also formulates

recommendations for the ENP’s review. It notably argues that the ENP should

become a truly coordinating structure being able to effectively mobilise all EU

tools and policies; also, it should coordinate all EU actors engaged in the

neighbourhood. Due to its high political impact, the ENP should promote the

better inclusion of all partners, and joint ownership of the regional cooperation

process.

Pour citer ce document

Chantal Lavallée, « La politique de voisinage de l’Union européenne : les défis

de la mise en œuvre », Rapport d’OSINTPOL, no1, août 2015.

Page 12: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre
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OSINTPOL La politique européenne de voisinage

Introduction

__________________________________________

L’élargissement à huit pays de l’Europe centrale et orientale ainsi que Chypre

et Malte, en 2004, oblige l’Union européenne (UE) à repenser ses relations

avec ses nouveaux voisins. Avec son cadre novateur, la Politique européenne de

voisinage (PEV), lancée en 2003 et mise en œuvre à partir de l’année suivante

pour accompagner l’élargissement historique, vise ainsi à favoriser l’émergence

d’un « cercle d’amis », évitant de créer de « nouvelles lignes de démarcation en

Europe » susceptibles de susciter un sentiment d’exclusion chez les pays

frontaliers1. La PEV bonifie la coopération existante, mais sans la perspective

d’adhésion à l’UE. Elle n’en vise pas moins à les convaincre de procéder à des

réformes politiques et économiques majeures, s’inspirant de la législation

européenne.

La PEV est donc mise à rude épreuve par les transformations politiques qui

surviennent dans l’environnement immédiat de l’UE et qui testent sa capacité à

accompagner les pays dans la réalisation des réformes. À ce jour, le bilan est

plutôt décevant. Au sud, la PEV ne permet pas à l’UE de jouer un rôle de

catalyseur. En effet, ni la PEV révisée à la suite des événements du printemps

arabe en 2011 ni l’Union pour la Méditerranée (UpM), sa composante régionale

au sud, ne semblent avoir donné l’impulsion nécessaire au lancement de la

dynamique régionale et au processus de démocratisation. La Tunisie qui se

distingue par son contexte interne particulièrement favorable au changement

politique et au rapprochement avec l’UE fait figure d’exception. À l’est, l’UE est

à la fois témoin et actrice, avec le Partenariat oriental, composante régionale de

la PEV, impuissante face aux bouleversements en Ukraine. En outre, elle

semble incapable de freiner l’élan de la Russie, déterminée à protéger sa zone

d’influence.

Avec ses composantes bilatérale et régionale, son budget substantiel et la

panoplie d’instruments tant politiques, économiques que juridiques à sa

disposition, la PEV offre pourtant un grand potentiel qui demeure largement

sous-exploité. La présente étude ambitionne ainsi de cerner les difficultés de la

mise en œuvre de la PEV et les défis que cela implique pour l’action extérieure

de l’UE. Pour pallier ses limites, plus qu’une simple politique, elle doit devenir

une véritable structure de coordination en mesure de mobiliser plus

1 Commission européenne, « L’Europe élargie – Voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud », COM (2003) 104 final, Bruxelles, 11 mars 2003, p. 4.

Page 14: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

2

efficacement les divers instruments à sa disposition et de favoriser l’inclusion

des partenaires, voire l’appropriation commune du processus de coopération

régionale.

Figure 1 : carte des États voisins et leurs différents statuts à

l’égard de l’UE

États membres de l’UE Candidats reconnus et

potentiels à l’adhésion à

l’UE

Accord de partenariat et

de coopération avec la

Russie

Partenariat oriental. La

Biélorussie n’a pas signé de plan d’action et n’est donc pas officiellement un pays actif de la PEV

Autres pays de l’UpM qui inclut les 28 membres de l’UE

et 15 pays de la Méditerranée2. La Libye n’a pas signé de plan d’action et n’est donc pas officiellement un pays actif de la PEV. La coopération bilatérale est suspendue avec le régime syrien depuis mai 2011.

Source : OSINTPOL, d’après Appaches/Flappieh, CC BY-SA 4.0, 2015

2 L’UpM compte 43 membres :les 28 membres de l'UE, l’Albanie, l’Algérie, la Bosnie-Herzégovine, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Mauritanie, Monaco, le Monténégro, l’Autorité palestinienne, la Syrie, la Tunisie et la Turquie.

Page 15: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

3

La note de recherche cerne d’abord les fondements de la Politique européenne

de voisinage. Une première étape qui permet de clarifier son cadre d’action, de

mettre en lumière la continuité de l’approche de l’UE depuis plus de dix ans et

surtout les limites intrinsèques à la PEV. L’étude s’attarde par la suite sur les

principaux enjeux auxquels elle fait face au sud et à l’est qui plaident pour un

examen approfondi et une mise à jour de ses paramètres au regard de la

nouvelle géopolitique régionale. Elle identifie ensuite les éléments clés de sa

révision qui traduisent une volonté de changement même si le processus

semble une fois de plus mal engagé. La rhétorique est somme toute similaire à

celle existante depuis son lancement et ne pose pas clairement les défis de sa

mise en œuvre. L’analyse aboutit ainsi à une synthèse des recommandations en

vue d’alimenter les discussions sur les tenants et les aboutissants de cette

politique ainsi que de l’action de l’UE dans son environnement immédiat.

Page 16: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre
Page 17: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

Chapitre 1 1.

Fondements et limites de la PEV : le vers

est dans le fruit

__________________________________________

L’essentiel des principes et des objectifs qui guident la PEV jusqu’à ce jour sont

énoncés dans la première communication de la Commission européenne de

mars 2003 L’Europe élargie – Voisinage : un nouveau cadre pour les

relations avec nos voisins de l’Est et du Sud. Malgré les tentatives d’adaptation

aux changements internes et externes à l’UE, la rhétorique de la PEV est

caractérisée par une très grande constance. Le processus de révision doit donc

cette fois-ci commencer par questionner et revoir les principes de base, afin de

véritablement lui donner un nouvel élan pour faciliter sa mise en œuvre.

1.1. Voisins maritimes et terrestres : la création d’une

ligne de démarcation

Le document d’orientation stratégique de 2003 sur le lancement de la PEV

insiste sur l’interdépendance politique et économique entre l’UE et ses

nouveaux voisins, et par conséquent, sur la nécessité de renforcer la

coopération bilatérale et régionale3. La PEV a ainsi été élaborée explicitement

pour consolider les relations avec les voisins terrestres et maritimes de l’UE.

Elle s’adresse à l’Algérie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Belarus, l’Égypte, la

Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la République de

Moldavie, l’Autorité palestinienne, la Syrie, la Tunisie et l’Ukraine4.

Dès le départ, la PEV suit une démarche plus bureaucratique que politique.

Elle est principalement élaborée et menée par la Commission européenne qui

3 Ibid., p. 3. 4 Les pays du Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) initialement non visés par la PEV, ont finalement été invités en juin 2004 quelques mois après son lancement officiel, en raison de « l’intérêt primordial » que leur stabilité représente pour l’UE. À la suite de la décision du Conseil et sur la base des recommandations de la Commission, du Haut Représentant, du Parlement européen et du représentant spécial de l’UE pour le Caucase du Sud. Conseil, « 2590ème session du Conseil Affaires générales et relations extérieures Affaires Générales », Communiqué de Presse, Luxembourg, 14 juin 2004, p. 11. La coopération bilatérale est suspendue avec le régime syrien depuis mai 2011.

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La politique européenne de voisinage OSINTPOL

6

poursuit la même approche qu’avec les accords bilatéraux déjà en place, soit les

Accords de Partenariat et de coopération (APC) avec les pays à l’est de l’UE, et

les Accords d’association (AA) avec ceux du sud. Elle met ainsi peu d’accent sur

les enjeux politiques, voire géostratégiques, liés aux zones instables desquelles

l’UE élargie s’est rapprochée. Dans le cadre de la PEV, il est vrai que le Conseil

européen a approuvé ses orientations, le Conseil et le Parlement ont adopté la

réglementation, le Conseil a formulé de façon régulière des recommandations

dans le cadre de ses conclusions et que le Haut Représentant de l’Union pour

les affaires étrangères et la politique de sécurité/Vice-président de la

Commission européenne (HR/VP)5 a suivi de près l’évolution des questions

liées à la coopération politique et à la Politique étrangère et de sécurité

commune (PESC). En outre, le HR/VP ainsi que le Service européen pour

l’action extérieure (SEAE) jouent un rôle croissant dans la PEV avec l’adoption

du traité de Lisbonne en 2009. Il n’en demeure pas moins que la démarche est

technique avec la signature d’accords bilatéraux, procédurale avec l’évaluation

annuelle des progrès réalisés par les partenaires dans leur mise en œuvre et

administrative avec la gestion de l’instrument financier de la PEV par la

Commission européenne.

Le cadre bureaucratique de la PEV explique en partie le peu d’engagements des

États membres dans sa mise en œuvre. Toutefois, leur participation concrète

avec une meilleure coordination de leur action dans les pays limitrophes et au-

delà permettrait certainement une plus grande prise en compte des enjeux

géostratégiques dans les régions tant à l’est qu’au sud. En outre, l’approche

bureaucratique a jusqu’à présent occulté les relations avec les pays frontaliers

des États visés par la PEV qui restent traitées séparément. Ils sont pourtant

susceptibles d’avoir un impact, voire d’interférer, sur l’action de l’UE. La

politique doit certes être délimitée géographiquement puisqu’elle s’adresse

explicitement au voisinage européen, mais sa définition comporte le risque de

créer une nouvelle ligne de démarcation et de susciter, voire de raviver, des

luttes d’influence comme avec la Russie, à l’est, et, dans une certaine mesure,

avec les pays du Golfe, au sud. Dans la perspective de l’approche globale

promue par l’UE, il faudrait notamment repenser les relations avec la Russie

dans le contexte de la PEV, en favorisant une meilleure coordination entre le

partenariat stratégique UE-Russie et les relations avec les pays voisins à l’est.

Les relations avec la première ont un impact sur les relations avec les autres et

vice versa. Il s’avère pertinent de les considérer dans leur ensemble et de

préciser les paramètres de la politique, notamment sur la question de

l’élargissement de l’UE qui inquiète la Russie.

5 Intitulé inclus dans le traité de Lisbonne, en 2009, et qui englobe à la fois le poste de Haut Représentant pour la PESC et celui de l’ancien commissaire aux Relations extérieures. Afin de simplifier l’analyse, ce titre est utilisé pour l’ensemble de la période couverte dans la présente note de recherche.

Page 19: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

7

1.2. Une coopération bonifiée sans perspective

d’adhésion : une ambiguïté instrumentalisée

Avec la mise en œuvre de la PEV, à partir de 2004, l’UE vise à étendre aux pays

voisins « les effets bénéfiques de l’élargissement sur la stabilité politique et

économique et à réduire les éventuels écarts de prospérité »6. Toutefois, dans

le contexte du débat sur la capacité d’absorption de l’UE et surtout de la

« fatigue de l’élargissement », la majorité des États membres veulent faire une

pause à la suite de l’élargissement historique de 2004 à dix nouveaux

membres, suivi de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007, puis de

la Croatie en 2013. L’idée est alors de consolider le fonctionnement des

institutions et des procédures de l’UE, composée de 28 États membres qui sont

marqués par une grande diversité politique, voire une disparité socio-

économique. La PEV apparaît ainsi, à l’interne du moins, comme la solution

parfaite qui ouvre une autre option dans les relations avec les voisins. Elle

propose plus que la coopération existante, mais sans nécessairement la

perspective d’adhésion. Il s’agit d’offrir « tout sauf les institutions », selon la

formule désormais célèbre de Romano Prodi alors président de la Commission

européenne7.

Néanmoins, l’ambiguïté est inhérente à la PEV. Bien que la finalité diffère, elle

a recours à l’approche et à la méthode du processus d’élargissement avec les

mêmes instruments. La confusion sur laquelle joue l’UE rend donc son pari

très ambitieux et risqué. Il s’agit de convaincre les pays partenaires qui veulent

s’engager vers l’intégration économique avec l’UE de fournir des efforts

considérables pour remplir des obligations similaires à celles exigées par les

pays engagés dans le processus d’adhésion. Ils sont encouragés à s’aligner sur

la législation européenne, « l’acquis » communautaire8, mais sans pour autant

se voir offrir la récompense ultime, c’est-à-dire l’adhésion. Il n’est alors pas

surprenant que l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie espèrent renforcer leurs

relations avec l’UE et, à terme, obtenir le statut de pays candidats à l’adhésion

compte tenu de leurs efforts pour réaliser les réformes dans le cadre de la PEV.

Angela Merkel, la chancelière allemande, qui a joué un rôle actif avec François

Hollande, le président français, dans les négociations de paix face à la crise en

Ukraine, menant aux accords de Minsk, a tenu à rappeler les paramètres de la

PEV et à rassurer la Russie. À Riga, en mai 2015, lors du sommet du

Partenariat oriental où l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie ont exprimé leurs

attentes, elle a réitéré qu’il « ne s’agit pas d’un instrument d’élargissement de

6 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 9. 7 Romano Prodi, « L’Europe élargie – Une politique de proximité comme clé de la stabilité », SPEECH/02/619, Bruxelles, 6 décembre 2002, p. 6. 8 Principes et objectifs politiques et économiques poursuivis par l’UE, comme autant d’obligations juridiques auxquels sont liés les États membres, selon le traité sur l’UE.

Page 20: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

8

l’UE, mais d’un instrument de rapprochement avec l’UE »9. Par conséquent,

elle a précisé que l’UE ne doit « pas susciter de faux espoirs qui ne pourront

pas être satisfaits plus tard »10. Pour certains, « ce sommet devait surtout viser

à apaiser le Kremlin, à lui assurer que le partenariat, désormais à géométrie

très variable, ne vise nullement à tenter d’encercler son pays »11.

La PEV ne s’adresse ainsi pas, du moins dans sa dimension bilatérale, à la

Turquie avec laquelle l’UE a entamé le processus de négociations en octobre

2005. Elle n’est pas non plus destinée aux pays des Balkans occidentaux alors

que les négociations d’adhésion avec le Monténégro et la Serbie sont en cours.

L’Albanie et la République yougoslave de Macédoine ont le statut de pays

candidats à l’adhésion alors que la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont des

pays candidats potentiels12. Toutefois, la Turquie, l’Albanie, la Bosnie-

Herzégovine et le Monténégro font partie de l’Union pour la Méditerranée

(UpM) sur laquelle repose la coopération régionale de la PEV. Les différences

d’appartenance à la dimension bilatérale et régionale contribuent dès lors à

alimenter la confusion sur les perspectives réelles d’adhésion à l’UE.

Le cas de la Russie est quant à lui particulier. La Commission européenne13 l’a

invitée, dès 2003, à participer à la PEV qui devait être un pilier dans leur

partenariat. Toutefois, Moscou a décliné l’invitation pour ne pas être considéré

comme un pays voisin comme les autres et ainsi encourager une relation plus

égalitaire. En effet, la Russie a très tôt dénoncé la dynamique asymétrique qui

découle de la nature de la PEV, étant une politique européenne. Le partenariat

stratégique UE-Russie, prenant en compte son statut de puissance régionale, a

ainsi été favorisé et consolidé depuis 2004 avec la mise en place de quatre

espaces communs14. Toutefois, la coopération dans ce cadre a donné très peu

de réalisations concrètes malgré plusieurs tentatives de relance15. La réaction

russe aurait dû, à ce moment, être interprétée par Bruxelles comme un signal

d’alarme à l’égard des enjeux stratégiques dans la région et favoriser

l’établissement d’une connexion claire entre le partenariat stratégique et la

PEV. Une passerelle qui aurait dès le départ manifesté la volonté d’inclusion de

l’UE et non donner l’impression de vouloir compartimenter les relations dans

9 Eric Maurice, « Ex-Soviet states accept limited EU perspective », EU Observer, 22 mai 2015. 10 AFP, « Merkel tells Eastern partners not to expect too much », EurActiv, 22 mai 2015a. 11 Jean-Pierre Stroobants, « Le ‘Partenariat oriental’, sujet que les Européens préfèrent éviter », Le Monde, 22 mai 2015. 12 Service européen pour l’action extérieure, Relations de l'UE avec les Balkans occidentaux. 13 Commission, op.cit., 2003, p. 4, 5. 14 Service européen pour l’action extérieure, « Joint Statement on EU Enlargement and EU-Russia Relations », Bruxelles, 27 avril 2004. Les quatre espaces, similaires aux domaines de coopération de la PEV, sont : économique; liberté, sécurité et justice; sécurité extérieure; recherche, éducation et culture. 15 Timofei V. Bordachev, « Les relations UE-Russie à l'ère du jeu à somme nulle », Politique étrangère, no. 1, 2013, p. 165; Tuomas Forsberg, « The power of the European Union. What explains the EU's (lack of) influence on Russia? », Politique européenne, no. 39, 2013, p. 24.

Page 21: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

9

son voisinage. En outre, elle aurait permis de mieux concilier les différentes

perceptions et attentes qui ont eu raison de la coopération UE-Russie.

Par ailleurs, une source d’ambiguïté additionnelle et d’inégalité potentielle

demeure entre les pays participants à la PEV. Les pays du sud de la

Méditerranée n’ont aucune possibilité d’adhérer à l’UE alors qu’il est

envisageable pour certains pays à l’est de l’UE d’espérer obtenir un jour le

statut de candidat à l’adhésion. Contrairement aux pays au sud de la

Méditerranée, ils pourraient éventuellement être considérés comme « État

européen »16. En effet, les limites de l’Europe demeurent floues, voire

discutables pour des pays comme la Moldavie et l’Ukraine, même pour la

Géorgie située à la limite de l’Europe et de l’Asie. Cette différence à l’égard de

la perspective d’adhésion n’est pas anodine. Elle affecte les relations avec l’UE,

sa capacité d’attraction et surtout la motivation des uns et des autres dans la

poursuite des réformes.

L’UE brouille davantage la limite entre la PEV et la politique d’élargissement,

en attribuant la responsabilité des deux politiques au même commissaire

européen, l’Autrichien Johannes Hahn depuis le 1er novembre 201417. Un choix

qui est cohérent au regard des relations avec les voisins comme le confirme le

nouvel acronyme, depuis le 1er janvier 2015, de la direction générale (DG) –

NEAR18. Néanmoins, au nom de l’approche globale promue par l’UE, cette

décision devrait être revue pour placer stratégiquement la PEV, à part. Une

entité autonome qui peut clairement être liée au HR/VP, aux départements

appropriés du SEAE19, aux structures politico-militaires de la Politique de

sécurité et de défense commune (PSDC) ainsi qu’aux directions générales

pertinentes. Par exemple, c’est la DG – Développement et Coopération

(DevCo) qui gère depuis 2007 le principal instrument financier de la PEV20,

soit l’Instrument européen de voisinage (IEV), dont les délégations de l’UE

assurent la mise en œuvre sur le terrain. Les relations existent déjà entre ces

entités, mais une restructuration qui ferait de la PEV une véritable structure de

coordination faciliterait la mise en œuvre de l’action de l’UE, surtout dans

l’optique de l’approche globale, dont elle fait la promotion.

16 L’article 49 du traité sur l’UE spécifie que « tout État européen qui respecte les valeurs » démocratiques de l’UE « peut demander à devenir membre », mais ne précise pas ce qui définit un État européen. 17 Commission européenne, Collège (2014-2019) : Les commissaires. 18 Commission européenne, European Neighbourhood Policy and Enlargement Negotiations. 19 Le département PEV est lié aux départements Afrique/Moyen-Orient et Europe/Asie centrale. Voir l’organigramme du SEAE. 20 Commission européenne, International Cooperation and Development.

Page 22: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

10

1.3. L’approche globale : un défi de coordination et de

cohérence

Dès l’origine, la Commission européenne insiste sur la dimension globale de la

PEV, « regroupant les principaux instruments à la disposition de l’Union et de

ses États membres » qui en constituerait sa valeur ajoutée21. Dans cette

perspective, l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP)

remplace, en 2007, le programme communautaire d’assistance technique

TACIS pour les pays d’Europe orientale et MEDA pour ceux de la

Méditerranée. Avec un budget substantiel de 11,2 milliards d’euros pour 2007 à

201322, il doit être utilisé en complément de l’activité des autres instruments

financiers de l’UE. Au 1er janvier 2014, l’IEVP devient l’IEV avec un budget qui

s’élève à plus de 15 milliards d’euros pour la période 2014 à 202023. Un

engagement financier considérable en hausse en dépit des contraintes

économiques de l’UE, à peine remise de la crise économique, qui traduit

l’importance accordée à la PEV24. L’IEV offre une large gamme de programmes

de coopération transfrontalière, en matière de gouvernance, et techniques. À

cet égard, l’IEV apporte une assistance aux pays dans leur rapprochement avec

la législation européenne et le renforcement de leurs institutions, notamment

avec le jumelage institutionnel (TWINNING)25, l’instrument TAIEX26 et le

programme SIGMA27 qui sont également utilisés par les pays dans la phase de

préadhésion à l’UE.

Plus concrètement, les événements du printemps arabe offrent l’occasion à

l’UE de mettre en pratique sa rhétorique sur l’approche globale pour réagir aux

différentes facettes du processus de transition politique et aux besoins socio-

économiques. L’UE additionne notamment les financements de la PEV aux

Fonds européen de Développement, de la Banque européenne d’investissement

21 Commission européenne, 2003, Ibid., p. 3; Commission européenne, « Politique européenne de voisinage, document d’orientation », COM(2004) 373 final, Bruxelles, 12 mai 2004a, p. 8. 22 EU Neighbourhood Info Centre, L’Instrument européen de voisinage. 23 Ibid. 24 Richard Whitman et Ana Juncos, « The Arab Spring, the Eurozone Crisis and the Neighbourhood: A Region in Flux », Journal of Common Market Studies, 50 (Annual Review) 2012. 25 Détachement d’un expert, appelé conseiller résident de jumelage, d’un État membre de l’UE auprès de l’administration d’un pays partenaire pour au moins un an (ou formule allégée 6 mois) afin de faciliter la mise en œuvre de l’acquis communautaire et de permettre l’échange de « bonnes pratiques ». Voir : http://ec.europa.eu/enlargement/tenders/twinning/index_fr.htm. 26 Instrument utilisé à court terme, visant l’assistance technique, l’échange d’informations, d’expertise et de bonnes pratiques pour l’application et le respect de la législation européenne. Il prend la forme de visites d’étude et de missions d’experts. Voir : http://ec.europa.eu/enlargement/tenders/taiex/index_fr.htm . 27 Initiative conjointe UE-OECD afin de renforcer les capacités des administrations publiques. Voir : http://www.sigmaweb.org/.

Page 23: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

11

et de la Banque européenne de reconstruction et de développement, tout en

essayant de les coordonner avec les financements des institutions

internationales comme le Fonds monétaire international (FMI). De plus, elle

combine le potentiel des activités et les budgets de l’Instrument contribuant à

la stabilité et à la paix, de l’Instrument de coopération au développement, de

l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme et de

l’Instrument européen de voisinage afin de soutenir le processus de

démocratisation28.

L’UE consolide également l’approche globale avec des initiatives comme la

nomination d’un Représentant spécial de l’UE (RSUE) et la création de

groupes de travail (Task forces). En juillet 2011, l’UE nomme Bernardino León

comme premier RSUE pour la région sud de la Méditerranée. Il a la

responsabilité de coordonner l’action européenne à la suite des événements du

printemps arabe, en étroite collaboration avec le RSUE pour les droits de

l’homme, Stavros Lambrinidis29. Après l’éviction du président égyptien Morsi

par les militaires au début juillet 2013, il permet d’assurer une présence

européenne en Égypte alors que l’UE reste prudente, voire ambiguë, sur la

reconnaissance et la légitimité du gouvernement par intérim après l’éviction de

Morsi et du retour des militaires dans la vie politique. León a été activement

engagé dans le dialogue avec les acteurs égyptiens, de tous les groupes

politiques et de la société civile, régionaux dont les diplomates des Émirats

arabes unis et du Qatar ainsi qu’internationaux, notamment le secrétaire

adjoint américain, Bill Burns, afin de contribuer à la résolution de la crise30.

Malheureusement, son mandat s’est terminé au 30 juin 2014 et n’a pas été

renouvelé. La région est depuis sans RSUE à même d’assurer une approche

plus politique que les délégations de l’UE qui se retrouvent seules à assurer le

suivi ainsi que les contacts formels et informels dans les pays bénéficiaires au

sud. À l’est, depuis 2011, l’UE a également nommé successivement des RSUE

pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie, en ce moment Herbert Salber,

dont le règlement pacifique est la principale responsabilité31. Bien que l’un de

ses objectifs soit d’« améliorer l’efficacité et la visibilité de l’Union dans la

région », son mandat ne concerne pas explicitement l’ensemble de la région

couverte par la PEV et la politique elle-même comme dans le cas du RSUE

28 Chantal Lavallée, « L’action extérieure de l’Europe à l’épreuve de l’Égypte et de la Corne de l’Afrique », Étude de l’IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire), no. 31, 2014. 29 Conseil, « 2011 Rapport annuel de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen », Bruxelles, 4 octobre 2012b, p. 8. 30 Chantal Lavallée, op.cit., 2014, p. 24; 26. 31 SEAE, « European Union Special Representative for the South Caucasus and the crisis in Georgia », Bruxelles, 2 février 2015.

Page 24: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

12

pour la région sud de la Méditerranée, dont la mission était plus précise à cet

égard32.

L’UE innove aussi avec la mise en place de groupes de travail (Task forces). Il

s’agit d’un cadre de discussion, présenté comme étant « une nouvelle forme de

diplomatie européenne, visant à renforcer l’engagement envers les pays en

transition avec la mobilisation de toutes les ressources de l’UE et la

collaboration avec les secteurs public et privé » pour attirer les investissements

étrangers33. Des groupes de travail ont été organisés en Tunisie (28-29

septembre 2011), en Jordanie (22 février 2012) et en Égypte (13-14 novembre

2012). Avec plus de 500 participants, provenant des secteurs public et privé34,

c’est en Égypte que la Task force est la plus imposante. Les résultats sont par

contre décevants en raison de l’instabilité politique qui caractérise le pays

depuis 201335. L’UE y promet près de 5 milliards d’euros sous forme de prêts et

de subventions pour 2012-201336 qui n’ont pas été versés. L’offre européenne

est notamment conditionnelle à la conclusion de l’accord avec le FMI,

consistant à un plan d’aide de 4,8 milliards de dollars américains, dont les

négociations achoppent depuis 2011 en raison des réformes économiques à

réaliser. Ni le président Morsi ni le président al-Sissi ne sont prêts à les faire

d’autant plus qu’ils peuvent compter sur l’aide financière substantielle et sans

condition des pays du Golfe37.

Dans la perspective de l’approche globale, les relations de l’UE avec les pays du

Golfe, notamment avec le Conseil de coopération des États arabes du Golfe

(Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar),

doivent dès lors être davantage coordonnées avec le volet sud de la PEV afin

d’éviter des effets contre-productifs du genre. En outre, à la suite de l’éviction

32 Union européenne, « DÉCISION (PESC) 2015/332 DU CONSEIL du 2 mars 2015 prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie », Journal officiel de l'Union européenne, 3 mars 2015b. 33 Union européenne, « EU-Egypt Relations », A 424/13, Bruxelles, 21 août 2013, p. 1. 34 Côté européen, sont présents le HR/VP, des représentants des institutions européennes, notamment du SEAE, de la Commission (le président, les Commissaires des DG Élargissement et PEV et DG Entreprise et Industries), du Parlement européen, du Conseil, de la Banque européenne de reconstruction et développement et des États membres ainsi que les représentants spéciaux de l’UE pour les droits de l’homme et pour la région du sud de la Méditerranée, des représentants du secteur privé (102) et de la société civile. Le secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée est aussi présent. Côté égyptien, sont présents des membres du gouvernement, du secteur privé (200) et de la société civile. À la dernière minute, le gouvernement égyptien a annulé l’invitation faite aux ONG. À quelques jours du début des travaux, les représentants européens ont alors proposé une rencontre en marge des discussions.

Susi Dennison, « The EU and North Africa after the Revolutions: A New Start or ‘plus ça change’? », Mediterranean Politics, 18 (1) 2013, p. 123–128. 35 Conseil, « EU-Egypt Task Force », 2012a, p. 1. 36 Ibid., p. 2. 37 Delphine Minoui, « Mission quasi impossible pour le FMI en Égypte », Le Figaro, 22 avril 2013.

Page 25: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

13

du président Morsi, en juillet 2013, les pays du Golfe sont les premiers à offrir

à l’Égypte leur assistance économique avec une aide d’environ 9 milliards

d’euros, et ce, toujours sans exigence particulière38. Le ministre saoudien des

Affaires étrangères met ainsi l’UE sous pression pour l’obliger à réagir, en

déclarant que son pays est prêt à « remplacer l’aide américaine et européenne

si les Occidentaux s’avisaient de couper les vivres au nouveau régime »39. Une

coordination s’impose et doit s’inscrire dans la dimension régionale sur

laquelle insiste déjà l’UE au sud de la Méditerranée. De même, l’UE doit

repenser les relations avec la Turquie dans le contexte de la PEV alors que la

perspective d’élargissement est plus qu’incertaine avec un éloignement des

autorités turques sous l’influence du nouveau président Recep Tayyip Erdogan,

ancien premier ministre de 2003 à 2014. Toutefois, la perte de la majorité

absolue (depuis 2002) de son parti au Parlement, le Parti pour la justice et le

développement (AKP, islamo-conservateur), lors des élections législatives, en

juin 2015, pourrait permettre de relancer la coopération régionale.

Dans la dimension régionale au sud, d’une part, l’UE essaye d’orienter son

action pour s’attaquer aussi aux conséquences de la crise en Syrie et en Libye

sur l’instabilité régionale même si ces interventions restent mineures et ont

très peu de chance d’affaiblir les menaces multidimensionnelles, amplifiées par

l’action de l’État islamique dans la région. La tension croissante aux frontières

de l’Égypte, particulièrement dans le Sinaï à l’est avec la bande de Gaza et

Israël, à l’ouest avec la Libye (après la chute de Kadhafi en 2011), au sud avec le

Soudan et plus largement le voisinage avec la région de la Corne de l’Afrique, le

Yémen et le Sahel amène également l’UE à élaborer des stratégies régionales

pour structurer son action40. Le défi demeure de les mettre en pratique et

surtout de coordonner l’action dans les régions avoisinantes. D’autre part, à la

suite des événements du printemps arabe, elle a renforcé les relations avec les

partenaires régionaux comme le Turquie et les organisations régionales surtout

avec la Ligue des États arabes (LEA) qui a le statut d’observateur auprès de

l’Union pour la Méditerranée. Il s’agit d’ailleurs là d’un développement

notable, concret et très prometteur qui culmine, en juin 2014, au sommet des

ministres des Affaires étrangères des États membres de l’UE et de la LEA avec

l’adoption d’une déclaration commune, officialisant leur coopération41. Une

collaboration ayant un fort potentiel que l’UE doit continuer de valoriser et

38 Le Monde, « Les pays du Golfe volent au secours de l’Égypte », Le Monde, 12 juillet 2013. 39 Pierre Prier, « L’Arabie saoudite monte en première ligne », Le Figaro, 22 août 2013. 40 Chantal Lavallée et Jan Claudius Völkel, « Military in Mali. The EU’s Action against Instability in the Sahel Region », European Foreign Affairs Review, 20 (2), 2015; Chantal Lavallée, op.cit., 2014. 41 Service européen pour l’action extérieure, « Declaration adopted at Third European Union – League of Arab States Foreign Affairs Ministerial Meeting », Athène, Grèce, 10-11 juin 2014. Commission européenne/HR, « Joint staff working document : Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2014, Partnership for Democracy and Shared Prosperity with the Southern Mediterranean Partners Report ». SWD(2015) 75 final, Bruxelles, 25 mars 2015b.

Page 26: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

14

d’approfondir dans le contexte de la refonte de la PEV. Il s’agit comme l’Union

africaine (UA) d’un partenaire essentiel à la dynamique régionale d’autant plus

que la LEA a gagné en crédibilité au cours des dernières années avec un

soutien grandissant des pays membres, dont l’Égypte. Un soutien aux

organisations régionales peut dès lors s’avérer un moyen indirect et efficace

pour encourager les réformes et stimuler la coopération dans la région.

À l’heure du premier bilan sur sa mise en œuvre après la révision de 2011, l’UE

présente la PEV comme un :

Excellent exemple d’approche globale de la politique extérieure. La

coopération avec nos voisins passe par l’ensemble des instruments et

des politiques dont dispose l’UE. Elle combine une association

politique à long terme, la politique commerciale, les politiques

sectorielles et la coopération financière avec des politiques à plus

court terme et des mesures relevant des instruments de la

PESC/PSDC [Politique de sécurité et de défense commune]. Elle

montre qu’il est possible de suivre une approche globale pour générer

une action cohérente associant tous les acteurs concernés de l’UE.42

Une évaluation qui semble somme toute très optimiste et à ce stade, peut-être

prématurée. Le potentiel est réel, mais il n’en demeure pas moins que

transformer l’approche en action globale reste un défi de taille et requiert

encore des ajustements importants. La capacité de l’UE à coordonner

efficacement ses instruments et ses initiatives est à ce jour limitée, en l’absence

de structure de coordination, d’une meilleure connexion entre la PEV et les

autres instruments, politiques, stratégies (par exemple dans la Corne de

l’Afrique et au Sahel, au sud) et partenariats (avec la Russie, à l’est) de l’UE. En

outre, une représentation politique comme un RSUE actif sur le terrain dans

les pays partenaires, assurant la liaison avec Bruxelles et les divers acteurs

européens, locaux, régionaux et internationaux engagés, pourrait renforcer la

dimension régionale encore sous-exploitée, tout en facilitant la coopération

bilatérale promue par l’approche différenciée de l’UE.

1.4. L’approche différenciée et progressive : des

principes au cas par cas pour une politique sur

mesure

En ce qui a trait aux relations entre l’UE et les pays partenaires dans le cadre

de la PEV, la forme et le financement sont nouveaux, mais son contenu

s’appuie sur les accords bilatéraux déjà existants, c’est-à-dire les Accords de

42 Commission européenne/HR, « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat », Bruxelles, 20 mars 2013a, p. 22.

Page 27: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

15

Partenariat et de coopération (APC) avec les pays à l’est de l’UE, et les Accords

d’association (AA) avec ceux du sud. L’une des principales caractéristiques de

la PEV est ainsi l’adoption, et ce, dès sa conception, d’une approche

différenciée qui est présentée comme la base de la nouvelle politique43. Elle

explique la prédominance de la dimension bilatérale de la PEV malgré son

cadre régional. Il s’agit d’abord et avant tout de relations qui reposent sur des

plans d’action, adaptés à l’état d’avancement de la coopération, à la situation

de chaque pays avec des objectifs à court et à moyen terme de trois à cinq ans,

signé et négocié avec chaque partenaire au regard de leurs besoins et de leurs

capacités44. Une approche justifiée par la grande hétérogénéité politique et

économique parmi les pays tant à l’est qu’au sud. Toutefois, il apparaît à

présent nécessaire de mieux équilibrer les deux dimensions, bilatérale et

régionale, de la PEV afin de prendre en compte et de stimuler aussi la

dynamique régionale, encore sous-développée, qui s’avère pourtant un

puissant levier d’action.

De plus, l’approche différenciée va de pair avec l’idée d’un engagement qui soit

« progressif et subordonné au respect d’objectifs de réforme préalablement

fixés. [Ainsi, selon l’UE] l’octroi de nouveaux avantages devrait aller de pair

avec les progrès réalisés par les pays partenaires dans la mise en œuvre des

réformes politiques et économiques. En l’absence de progrès, aucune nouvelle

perspective » ne devrait être offerte45. Cette approche liée à la performance et à

la réalisation des réformes n’est cependant pas particulière à la PEV et s’inscrit

dans le contexte du tournant des années 2000. L’UE amorce alors une période

de restructuration et de rationalisation importante de ses instruments

d’assistance extérieure. Désormais, elle entend allouer les ressources aux

partenaires en fonction des résultats obtenus, en faisant le suivi de la

performance et de l’atteinte des objectifs fixés dans les documents

stratégiques46. Les effets de la conditionnalité de l’aide financière dans le cadre

de la PEV n’en soulèvent pas moins des critiques, car l’approche incitative est

jugée contre-productive, surtout en Égypte après les événements du printemps

arabe47. Elle renvoie aussi au dilemme traditionnel de l’UE. D’une part, elle

veut faire la promotion de ses valeurs, dont la démocratie, avec une approche

incitative pour stimuler le changement. De l’autre, elle est confrontée à la

43 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 16; Commission européenne, op.cit., 2004a, p. 8. 44 Il n’existe pas de plans d’action avec la Libye (sans accord d’association) ni avec le Bélarusse (l’accord de partenariat et de coopération est gelé depuis 1997 en raison de la situation politique), et la Syrie a été suspendue de la PEV, en 2011. 45 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 17. 46 Commission européenne, « Communication from the Commission to the Council and the European Parliament on the Instruments for External Assistance under the Future Financial Perspective 2007-2013 », COM (2004) 626 final, Bruxelles, 29 septembre 2004b, p. 7. 47 Chantal Lavallée, « La réponse de l’UE au printemps arabe, quelles leçons pour le Canada ? ». Policy Paper Series (Dialogue transatlantique Canada-Europe), février 2015b; Jan Claudius Völkel, « More for More, Less for Less – More or Less: A Critique of the EU’s Arab Spring Response à la Cinderella », European Foreign Affairs Review, 19 (2), 2014a.

Page 28: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

16

nécessité d’assurer la stabilité régionale, en coopérant par défaut avec des

régimes autoritaires et ainsi, en favorisant le statu quo. L’application d’une

logique deux poids deux mesures qui insiste à différents degrés ou non sur la

conditionnalité démocratique, selon l’importance stratégique des pays

concernés, a d’ailleurs souvent été critiquée48. Un dilemme que l’UE semble

vouloir dépasser, en ambitionnant à tout faire en même temps dans le cadre de

la PEV, c’est-à-dire soutenir le processus de démocratisation, assurer la

sécurité et soutenir le développement économique dans son voisinage. Des

objectifs qui ont connu un succès variable selon les dispositions des pays

partenaires et surtout des nombreux bouleversements politiques des dernières

années tant à l’est qu’au sud. À la suite des événements du printemps arabe,

l’UE doit donc veiller à construire un climat de confiance, si elle veut créer un

cercle d’amis autour d’elle et rester une partenaire crédible.

1.5. Un espace de stabilité, de sécurité et de prospérité

sous haute tension

L’expression clé au cœur de la PEV qui fait presque office de slogan est, en

effet, celle de favoriser l’émergence d’un espace « de stabilité, de sécurité et de

prospérité » dans l’environnement immédiat de l’UE49. Ils constituent les trois

volets des objectifs poursuivis dans le cadre de la PEV : politique, sécuritaire et

économique, tant au niveau bilatéral que régional. Dès le lancement de la PEV,

la Commission souligne l’importance que l’UE accorde à « l’appropriation

commune du processus, fondée sur la prise en compte de valeurs et d’intérêts

communs […] L’UE ne cherche pas à imposer des priorités ou des conditions à

ses partenaires. La réussite des plans d’action [signés avec chaque partenaire]

dépend de l’existence manifeste d’intérêts réciproques au regard des thèmes

prioritaires à traiter »50. Toutefois, la PEV est d’abord et avant tout une

politique européenne. Elle repose sur un budget européen imposant, venant

des contribuables européens auprès desquels la Commission européenne est

redevable dans la gestion auprès du Parlement européen et de la Cour des

comptes européenne comme l’a confirmé le rapport très critique sur

l’engagement européen en Égypte, en juin 201351. Bien que l’intention soit

aussi de stimuler la dynamique régionale, l’UE n’en consolide pas moins sa

48 Karen Del Biondo, « EU Aid Conditionality in ACP Countries: Explaining Inconsistency in EU Sanctions Practice », Journal of Contemporary European Research, 7 (3), 2011. 49 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 4. 50 Commission européenne, op.cit., 2004a, p. 8. 51 Cour des comptes européenne, « Aide de l’UE à la gouvernance en Égypte : ‘un soutien bien intentionné, mais inefficace’, selon les auditeurs externes de l’UE », Communiqué de Presse, ECA/13/18, Luxembourg, 18 juin 2013.

Page 29: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

17

position et poursuit ses intérêts dans les régions voisines. « L’UE demeure le

premier partenaire commercial de presque tous les pays du voisinage »52.

Dans l’optique de consolider cet espace « de stabilité, de sécurité et de

prospérité », la PEV comprend aussi une dimension multilatérale qui repose

sur des partenariats régionaux existants. Au sud, elle s’appuie d’abord sur les

fondations du Partenariat euro-méditerranéen, lancé en 1995, à Barcelone

donc mieux connu sous le nom du processus de Barcelone qui consolide les

relations de plusieurs pays membres de l’UE avec les pays au sud de la

Méditerranée. À l’est, le Partenariat oriental est plus tardif et demeure moins

institutionnalisé. Il s’inscrit à la suite des changements géopolitiques, la chute

de l’URSS et l’indépendance des anciens pays satellites, puis les élargissements

de l’UE en 2004 et 2007 qui la rapprochent de cette zone et de la Russie en

pleine transformation. L’élément déclencheur de sa mise en place est

certainement la relance du processus de Barcelone qui, sous l’impulsion du

président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, devient l’Union pour la

Méditerranée (UpM), en 2008. La « réponse stratégique » à la consolidation

du partenariat au sud vient de la Pologne et de la Suède qui proposent de

développer à l’est un cadre de coopération leur permettant aussi de renforcer

leurs relations avec leurs partenaires naturels, liés à la proximité

géographique53. Le projet est ainsi mis à l’agenda européen par la République

tchèque qui est responsable de la présidence de l’UE à partir du 1er janvier

2009. Il s’agit du premier pays centre européen à assumer cette responsabilité.

Le Partenariat oriental est lancé en mai lors du sommet européen de Prague. Il

s’adresse aux six pays : de l’Europe orientale, soit la Biélorussie, la Moldavie et

l’Ukraine, et du Caucase du Sud, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie54. En

outre, dans le contexte du conflit russo-géorgien en août 2008, la perception

de menaces face aux prétentions russes dans le voisinage européen est un

facteur non négligeable55. Le partenariat oriental marque ainsi un tournant

politique à l’égard de la PEV jusque-là relativement technique. Il suscite

rapidement la méfiance de la Russie déjà attisée par les élargissements,

complétés et prévus, de l’UE et de l’OTAN aux pays considérés comme faisant

partie de sa zone d’influence.

Par conséquent, les deux composantes de la PEV sont le reflet des différences

d’intérêts et de priorités de l’agenda européen au sein de l’UE à 28. Elles

confirment aussi que la PEV s’adresse non pas à un, mais à deux espaces

distincts et hétérogènes, confrontés à des enjeux spécifiques. Dès lors, il y a

52 Commission européenne/HR, « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat », JOIN(2013) 4 final, Bruxelles, 20 mars 2013a, p. 11. 53 Florent Parmentier, « L’UE à l’épreuve du Partenariat oriental : perspectives sur le sommet de Vilnius (novembre 2013) », Policy Paper (Notre Europe), no. 103, 2013, p. 3. 54 SEAE, EU Relations with Eastern Partnership. 55 George Christou, « European Union Security Logics to the East: the European Neighbourhood Policy and the Eastern Partnership », European Security, 19 (3) 2010.

Page 30: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

18

lieu de remettre en question l’espace au singulier stable, sécuritaire et prospère

que l’UE souhaite voir à ses frontières et qui peine à émerger. D’une part, l’UE

a clairement favorisé le bilatéralisme au détriment du régionalisme initial

prévu par le processus de Barcelone, par exemple, pourtant porteur d’une plus

grande appropriation du processus de coopération56. D’autre part, l’UE n’est

évidemment pas seule responsable, car plusieurs facteurs, liés aux enjeux de

politiques intérieures des pays visés et des conflits dans les régions à l’est et au

sud, freinent les divers processus de transition politique. Le « cercle d’amis »57

qu’a voulu créer l’UE dans son environnement immédiat s’est transformé au

cours des dernières années en véritable « cercle de feu » (Ring of Fire)58. En

somme, l’UE fait face à de nombreux enjeux externes qui doivent également

être pris en compte dans la refonte de la PEV pour l’adapter à la nouvelle

géopolitique régionale.

56 Federica Bicchi, « The Union for the Mediterranean, or the Changing Context of Euro-Mediterranean Relations », Mediterranean Politics, 16 (1) 2011; Michelle Pace, « The European Union, security and the southern dimension », European Security, 19 (3) 2010. 57 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 4. 58 Charlemagne, « How to be good neighbours », The Economist, 1er mars 2014; « Europe’s ring of fire », The Economist, 20 septembre 2014.

Page 31: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

Chapitre 2 2.

Une politique à bout de souffle dans un

contexte régional en pleine mutation

__________________________________________

L’enthousiasme qui accompagne le lancement de la PEV a rapidement fait

place à une mise en œuvre complexe tant au regard de sa dimension bilatérale

que régionale. Au sud et à l’est, les bouleversements politiques des dernières

années, les difficultés économiques et les nombreux enjeux liés à la sécurité

régionale sont autant de défis auxquels est confrontée la PEV qui plaident pour

un examen approfondi et la mise à jour de ses paramètres.

2.1. Au sud : le partenariat euro-méditerranéen à

l’épreuve des transformations politiques

Le partenariat euro-méditerranéen (EuroMed) qui s’appuie sur le processus de

Barcelone, comprend 3 axes prioritaires : 1) un partenariat politique et de

sécurité, 2) une coopération économique et financière, visant la mise en place

d’une zone de libre-échange et 3) un dialogue sur les enjeux sociaux, culturels et

humains. Toutefois, ne donnant pas les résultats escomptés, le partenariat

EuroMed est repensé et relancé sur de nouvelles bases, en 2008, et devient

l’Union pour la Méditerranée (UpM)59. Les principales innovations visent à

atténuer l’asymétrie des relations souvent dénoncée au sud. Une coprésidence

est notamment mise en place afin de permettre la codécision. Elle est d’abord

assurée au nord par la France, car le président Nicolas Sarkozy est à l’origine

du projet, et au sud par l’Égypte. En 2012, avec la fin du mandat présidentiel

de Sarkozy, la présidence au nord est transférée à l’UE qui espère ainsi

accroître la cohérence de sa position avec la mise en œuvre du traité de

Lisbonne60. Au sud, à la suite de la démission du président égyptien

59 L’UpM comprend les 28 États membres de l’UE, la Commission européenne et 15 États partenaires l’Albanie, l’Algérie, la Bosnie-et-Herzégovine, l’Égypte, Israël, la Jordanie, Liban, la Mauritanie, Monaco, Monténégro, Maroc, l’Autorité Palestinienne, la Syrie (suspendue depuis mai 2011), la Tunisie et la Turquie. La Ligue des États arabes et la Libye ont un statut d’observateur. 60 Conseil, « 2012 — Annual report from the High Representative of the European Union for Foreign Affairs and Security Policy to the European Parliament », Bruxelles, 16 octobre 2013, p. 32.

Page 32: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

20

Mohammed Hosni Moubarak et l’incertitude de l’évolution de la situation dans

le contexte du printemps arabe, la présidence a été attribuée à la Jordanie qui

l’assume depuis 2012. La coprésidence de l’UpM ajoute une valeur qualitative

indéniable à la coopération euro-méditerranéenne, en équilibrant les relations

et en contribuant à l’appropriation du processus par les partenaires de l’UE au

sud. En outre, après de longs débats, le secrétariat demeure à Barcelone. En

contrepartie, le secrétaire général provient d’un des pays au sud et à l’est de la

Méditerranée, actuellement le Marocain Fathallah Sijilmassi. Avec le maintien

de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne61, héritée du processus de

Barcelone, il doit aussi favoriser la participation politique au sud. D’ailleurs,

une démarche similaire devrait aussi être suivie au sein du Partenariat oriental

qui, pour l’instant, repose surtout sur des dialogues informels et des rapports

asymétriques entre l’UE et ses partenaires.

Malgré ces innovations, le dialogue politique au sein de l’UpM reste difficile et

fragile, car polarisé entre les pays arabes et Israël ce qui contribue à la

politisation du partenariat EuroMed62. À l’exception de l’Égypte, la Jordanie et

le Maroc, pratiquement aucun gouvernement arabe n’entretient de contact

officiel avec la délégation d’Israël. Par ailleurs, le printemps arabe semble

l’occasion manquée par l’UE de mettre à profit ses atouts pour accompagner le

processus de démocratisation. À l’exception de la Tunisie qui se distingue par

son contexte politique interne favorable aux réformes et sa volonté de

rapprochement avec l’UE. En effet, la Tunisie obtient le statut avancé, en

novembre 2012, rejoignant la Jordanie et le Maroc vers un partenariat

privilégié avec l’UE qui doit notamment aboutir à un accord de libre-échange63.

Elle avance dans le processus de transition politique de façon positive et

devient ainsi l’un des premiers bénéficiaires de l’aide de l’UE. Par contre,

l’aboutissement du processus de transition politique reste incertain dans la

région, surtout avec le retour des militaires au pouvoir et d’un régime autoritaire

en Égypte avec le président al-Sissi, élu en mai 2014. En outre, la capacité

d’attraction et surtout de transformation du modèle européen reste variable à

travers les pays de la région, dont la plupart n’ont aucune perspective d’adhésion

à l’UE.

Par ailleurs, dans le cadre de l’UpM, la coopération est surtout basée sur des

projets à l’échelle régionale et sous régionale en matière de migration, d’énergie,

d’environnement, d’infrastructure, de santé et de culture64. L’UpM est ainsi

souvent décrite comme une union de projets. Là encore, le bilan est décevant.

61 L’Assemblée, dont le pouvoir est consultatif, est composée de parlementaires des 28 États membres de l’UE, des pays méditerranéens partenaires et du Parlement européen. Voir : http://www.europarl.europa.eu/intcoop/empa/content_en.html. 62 Federica Bicchi, op.cit. 63 Centre d’information pour le voisinage européen (EU Neighbourhood Info Centre), L'UE et la Tunisie concluent un partenariat privilégié avec un accord sur un nouveau plan d'action, 19 novembre 2012. 64 Union pour la Méditerranée, Liste de projets UpM.

Page 33: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

21

Les projets sont souvent sous-financés. L’augmentation du financement alloué

aux projets de l’UpM est donc impérative et c’est d’ailleurs l’une des

recommandations formulées par les participants de la conférence ministérielle

de l’UpM, à Beyrouth, le 24 juin 2015, dans la perspective de révision de la

PEV65.

De façon plus spécifique ce qui revient à l’agenda euro-méditerranéen c’est la

coopération en matière de sécurité. L’UE a manifesté dès le départ un intérêt

particulier pour assurer la sécurité dans son voisinage, en luttant contre

l’immigration illégale, le terrorisme, le crime organisé et les trafics d’armes, de

drogues et d’humains, par une externalisation croissante de sa sécurité

intérieure66. Dès 2003, la Stratégie européenne de sécurité souligne clairement

le lien entre les aspects intérieurs et extérieurs de la sécurité européenne et

insiste ainsi dans la section « Construire la sécurité dans notre voisinage » sur la

coopération en matière de sécurité avec les voisins67. Puis, en 2005, la

Commission européenne confirme et renforce ce lien avec la communication la

Stratégie relative à la dimension externe de l’espace de liberté, de sécurité et de

justice et le lancement de l’Approche globale pour la migration et la mobilité68.

Ces initiatives offrent un cadre politique avec des objectifs précis qui permet de

renforcer la coopération avec des pays tiers dans ces domaines. À cet égard, en

2005, les parties du Partenariat euro-méditerranéen acceptent de rajouter aux

axes prioritaires du processus de Barcelone un quatrième axe « migration et

sécurité intérieure » et adoptent le Code de conduite euro-méditerranéen en

matière de lutte contre le terrorisme69. Toutefois, ces initiatives reçoivent un

accueil mixte et donc une mise en œuvre variable parmi les partenaires de l’UE

qui n’ont alors pas nécessairement les mêmes priorités politiques ni les mêmes

moyens70. Au niveau bilatéral, certains plans d’action de la PEV comprennent

néanmoins un volet « justice, liberté et sécurité », notamment ceux de la

Tunisie, la Jordanie et l’Égypte. En ce qui a trait aux accords d’association dans

le cadre du partenariat EuroMed, les accords avec l’Égypte et l’Algérie sont les

65 Union pour la Méditerranée, Les pays arabes méditerranéens, l’UE et l’UpM discutent de l’avenir de la Politique européenne de voisinage à Beyrouth, 24 juin 2015. 66 Isabelle Ioannides, « Inside-out and Outside-in: EU Security in the Neighbourhood », The International Spectator: Italian Journal of International Affairs, 49 (1) 2014; Florian Trauner et Helena Carrapiço, « The External Dimension of EU Justice and Home Affairs after the Lisbon Treaty: Analysing the Dynamics of Expansion and Diversification », European Foreign Affairs Review, 17 (1/2) 2012; Christian Kaunert et Sarah Leonard, « EU Counterterrorism and the European Neighbourhood Policy: An Appraisal of the Southern Dimension », Terrorism and Political Violence, 23 (2) 2011; Sarah Wolff, « The Mediterranean Dimension of EU Counter‐terrorism », Journal of European Integration, 31 (1) 2009. 67 Conseil européen, « Une Europe sûr dans un monde meilleur. Stratégie européenne de sécurité », Bruxelles, 12 décembre 2003. 68 Commission européenne, Affaires intérieures. 69 Partenariat euro-méditerranéen, « Sommet euro-méditerranéen organisé à l’occasion du 10e anniversaire du partenariat euro-méditerranéen (Barcelone, les 27 et 28 novembre 2005) », EURO-MED 2/05, Bruxelles, 29 novembre 2005, p. 22-25. 70 Bicchi, op.cit.

Page 34: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

22

seuls qui mentionnent explicitement la coopération dans la lutte contre le

terrorisme, mais elle reste encore largement à développer71.

Par conséquent, en matière de coopération dans la lutte au terrorisme et au

crime organisé, les préoccupations sont clairement exprimées dès 2003 au

moment du lancement de la PEV en raison de la proximité géographique, mais

la mise en œuvre reste problématique72. Toutefois, les attentats à Paris, au

début janvier 2015, ont ravivé la volonté politique de relancer les discussions

avec les voisins sur ces enjeux. Le 19 janvier 2015, les ministres des Affaires

étrangères se sont entendus pour accroître la coopération en matière de

sécurité et de renseignement avec les partenaires de l’UE, dont la Turquie et les

pays d’Afrique du Nord, y compris avec la Ligue des États arabes73. Il reste à

voir comment et quand elle se concrétisera.

Pour ce qui est de la coopération en matière de migration, le dossier revient

aussi à l’avant-plan des discussions. Depuis 2011, la hausse spectaculaire de

l’immigration illégale d’abord à la suite des événements du printemps arabe,

puis avec l’intensification de la crise en Libye et en Syrie, a entraîné la

multiplication des naufrages en mer Méditerranée. Elle est malheureusement

devenue l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde. L’année

2015 s’annonce déjà pour être une année record avec 137 000 personnes ayant

déjà traversées clandestinement la Méditerranée du 1er janvier au 1er juillet,

soit 83 % de plus que pour la même période en 2014, dont 1 867 au prix de leur

vie (1 308 seulement pendant le mois avril)74. La lutte contre l’immigration

illégale est ainsi plus que jamais la priorité de l’agenda européen et de la

coopération avec les pays du sud.

En effet, l’approche globale pour les migrations et la mobilité de l’UE qui met

l’accent sur la dimension externe du phénomène migratoire est renforcée et

constitue la priorité numéro un de la Task force pour la Méditerranée, créée à

la suite du naufrage au large de Lampedusa, en 201375. La signature des

accords de réadmission est déjà au cœur des partenariats pour la mobilité,

conclus avec certains pays de la PEV pour permettre le retour des migrants

illégaux dans leurs pays d’origine ou de transit. À ce jour, seuls le Maroc (juin

71 Alexander MacKenzie et al., « EU Counterterrorism and the Southern Mediterranean Countries after the Arab Spring: New Potential for Cooperation? », Democracy and Security, 9 (1-2) 2013. 72 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 6. 73 Nikolaj Nielsen, « EU to increase intelligence sharing with Arab states », EU Observer, 19 janvier 2015. 74 AFP, « L’Europe confrontée à un afflux inédit de migrants traversant la Méditerranée, selon l’ONU », Le Monde, 1er juillet 2015c. 75 Commission européenne, « Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les travaux de la task-force pour la Méditerranée », COM (2013) 869 final, Bruxelles, 4 décembre 2013a, p. 6.

Page 35: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

23

2013)76, la Tunisie (mars 2014)77 et la Jordanie (octobre 2014)78, ont signé un

tel partenariat de mobilité avec l’UE. En Égypte, le président Morsi et, à

présent, le président al-Sissi refusent d’ouvrir les négociations79. L’inclusion

d’un accord de réadmission qui vise la coopération dans la gestion des flux

migratoires et l’accueil obligatoire des migrants irréguliers, égyptiens ou ayant

transité par l’Égypte dans ce cas-ci, est particulièrement problématique et

continue de bloquer les discussions80. En mai 2015, la Commission européenne

a proposé un Programme européen sur la migration qui encourage de

poursuivre la coopération avec les États tiers, surtout en matière de

réadmission81. Le Conseil européen de juin 2015 abonde en ce sens et insiste

« sur la base du principe ‘donner plus pour recevoir plus’ [en réitérant que]

l’assistance et les politiques de l’UE seront utilisées pour inciter à la mise en

œuvre des accords de réadmission existants et à la conclusion de nouveaux

accords de ce type »82. L’externalisation de l’enjeu migratoire soulève toutefois

des inquiétudes d’autant plus que Dimitris Avramopoulos, l’actuel

commissaire européen pour la Migration et les Affaires intérieures, s’est dit en

faveur de la coopération avec tous les pays africains dans le cadre des

processus de Rabat et de Khartoum, y compris par défaut avec les régimes

autoritaires83.

Le défi est à présent de mettre à profit les composantes existantes des plans

d’action et de la coopération dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen

afin de les transformer en leviers d’action dans ce domaine. Il faut actualiser la

PEV en conséquence pour en faire une véritable structure de coordination et

ainsi faciliter la mise en œuvre qui reste problématique en matière de sécurité.

76 Commission européenne, « L’UE et le Maroc signent un partenariat pour gérer la migration et la mobilité », Communiqué de Presse, Bruxelles, 7 juin 2013. 77 Commission européenne, « L’UE et la Tunisie établissent leur partenariat de mobilité », Communiqué de Presse, Bruxelles, 3 mars 2014c. 78 Commission européenne, « UE-Jordanie: un nouveau partenariat pour une meilleure gestion de la mobilité et de la migration », Communiqué de Presse, Bruxelles, 9 octobre 2014b. 79 Commission européenne/HR, « Joint staff working document: Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2013 Regional report: A Partnership for Democracy and Shared Prosperity with the Southern Mediterranean Partners », SWD (2014) 100 final, Brussels, 27 mars 2014. 80 Jan Claudius Völkel, « Money for Nothing, the Cricks for Free. Five Paradoxes in EU Migration Policy », Comparative Migration Studies, 2 (2) 2014b, p. 159. 81 Commission européenne, « A European Agenda on Migration », COM(2015) 240 final, Bruxelles, 13 mai 2015a. 82 Conseil européen, « Réunion du Conseil européen (25 et 26 juin 2015) – Conclusions », EUCO 22/15, Bruxelles, 26 juin 2015a, p. 3. 83 AFP, « Avramopoulos: We cooperate with dictatorial regimes to fight migration », EurActiv, 5 mars 2015b; Nikolaj Nielsen, « EU looks to African dictators for migration solutions », EU Observer, 8 décembre 2014.

Page 36: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

24

2.2. À l’est : le baptême du feu pour le Partenariat

oriental

À l’instar de la coopération régionale avec le sud de la Méditerranée, la

coopération multilatérale dans le cadre du partenariat oriental s’organise sur la

base de quatre plateformes : 1) démocratie et État de droit, 2) intégration

économique et convergence avec les politiques de l’UE, basées sur l’accord

d’association et de libre-échange, 3) sécurité énergétique et 4) mobilité des

personnes84. Elles sont les composantes clés des accords d’association qui

devaient être signés au sommet de Vilnius, en novembre 2013, et marquer une

étape importante dans la mise en œuvre du partenariat. À partir de juin 2012,

des dialogues informels ont d’ailleurs été instaurés afin de rapprocher les

parties

Au niveau de la haute représentante/vice-présidente, du commissaire

chargé de la politique européenne de voisinage et des ministres des

Affaires étrangères des six pays partenaires. L’idée est que ces

dialogues portent sur toute question de politique étrangère d’intérêt

mutuel pour l’UE et ses partenaires, traitent de l’état d’avancement

de la mise en œuvre de la feuille de route pour le partenariat oriental

et, s’il y a lieu, incluent un dialogue sectoriel.85

Le thème qui guide ce partenariat est de « supporter les réformes, promouvoir

le changement » et du changement, il y en a eu beaucoup depuis novembre

2013. Malgré les dialogues informels, le président ukrainien Viktor Yanukovich

a fait volte-face, en refusant de signer l’accord d’association. Une décision qui a

exacerbé les divisions entre Prorusses et Pro-européens en Ukraine, entraînant

une crise majeure qui a conduit à la chute du gouvernement et à l’instabilité du

pays. L’accord d’association, pièce maîtresse du partenariat, a finalement été

signé avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, en juin 2014. Toutefois, la crise

en Ukraine qui se poursuit, malgré les accords de paix de Minsk, confirme que

la confrontation avec la Russie est loin d’être dissipée.

En effet, l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, les affrontements

entre les militaires ukrainiens et les rebelles séparatistes Prorusses à l’est de

l’Ukraine ainsi que les conflits gelés entre la Russie et la Moldavie en

Transnistrie, et la Géorgie en Ossétie du Sud et en Abkhazie témoignent des

tensions qui demeurent avec Moscou. Une situation qui a aussi relancé le débat

sur la capacité des Européens à assurer la sécurité dans leur voisinage. L’UE

conduit certes des missions civiles PSDC en Ukraine, en Moldavie et en

Géorgie, et, en 2014, l’essentiel du budget de l’IVE a servi à soutenir l’Ukraine.

Les événements confirment néanmoins que la PEV ne peut pas être conduite

84 SEAE, The Eastern Partnership Multilateral Platforms. 85 Commission européenne/HR, op.cit., 20 mars 2013a, p. 18.

Page 37: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

25

comme une simple politique européenne à partir du moment où elle est

déployée dans un environnement sous haute tension. Dès lors, elle doit aussi

être repensée dans le contexte des relations avec la Russie. À ce jour, l’adoption

de sanctions économiques demeure la principale action européenne coercitive

contre le Kremlin, accusée aussi de soutenir les rebelles séparatistes prorusses

dans l’est de l’Ukraine. En plus d’avoir un impact discutable, les sanctions sont

remises en question par les premiers ministres hongrois, Viktor Orbán, et grec,

Alexis Tsipras86.

À l’égard des six partenaires du partenariat oriental, les chefs d’État et de

gouvernement européens insistent, à Riga, en mai 2015, sur la doctrine de la

différenciation au cœur de la PEV. La Déclaration de Riga réitère ainsi le

recours à l’approche incitative selon la réalisation des réformes réalisées et à

l'approche différenciée avec chaque partenaire87. L’UE entretient des relations

plus étroites avec l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie qui souhaitent

approfondir leurs relations alors que l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Biélorussie

restent associés avec la Russie, notamment avec le lancement de l’Union

économique eurasienne, au 1er janvier 2015. Cette union comprend l’Arménie,

la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Fédération de Russie.

Largement inspirée de l’Union européenne, cette Union eurasienne,

qui regroupe 183 millions d’individus et couvre près de 15 % de la

surface terrestre, montre bien que la Russie non seulement cherche,

mais a réussi à constituer son propre bloc économique. Avec un PIB

de 4 000 milliards de dollars, l’Union eurasienne est appelée à

devenir un partenaire incontournable à cheval entre l’Europe et

l’Asie et sera certainement une superpuissance énergétique.88

Au sein de l’UE, les points de vue sur l’Union économique eurasienne sont

contradictoires ce qui rajoute à la confusion quant aux objectifs réels de la

PEV. En France, on prétend que le partenariat oriental ne s’oppose pas à

l’Union économique eurasienne89. Pourtant, dans leur communication

conjointe de 2013, la Commission européenne et le HR/VP précisent que :

Cette Union est perçue comme offrant un autre modèle de

développement politique et économique, à côté de l’intégration avec

l’UE. Un choix doit cependant être fait. Par exemple, l’adhésion à

l’union douanière qui fait partie de l’Union eurasienne ferait obstacle

86 Chantal Lavallée, « L’Union européenne doit-elle se donner une armée ? », Le Devoir, 27 Avril 2015a. 87 Union européenne, « Joint Declaration of the Eastern Partnership Summit (Riga, 21-22 May 2015) ». Riga, 22 mai 2015, p. 5. 88 Mathieu Jacques, « Une Union eurasienne est née », Le Devoir, 7 avril 2015. 89 Aline Robert, « À Riga, l’UE veut différencier les pays du Partenariat Oriental », EurActiv, 20 mai 2015.

Page 38: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

26

à toute intégration économique avec l’UE au moyen d’un accord de

libre-échange approfondi et complet.90

L’UE ne peut pas faire fi des rapports de force et des luttes d’influence qui se

jouent dans la région et qui placent les pays en position délicate, coincés entre

l’UE et la Russie. Elle devrait plutôt veiller à atténuer cette opposition, surtout

si elle veut éviter la confrontation, et ce, avec une meilleure coordination entre

le partenariat oriental et le partenariat stratégique UE-Russie qu’elle doit

essayer de relancer sur de nouvelles bases.

Par ailleurs, l’approche différenciée s’applique également entre l’Ukraine, la

Géorgie et la Moldavie. Par exemple, la Moldavie bénéficie d’un accord sur la

libéralisation du régime de visas avec l’UE depuis avril 2014 alors que

l’Ukraine et la Géorgie espèrent aussi se voir attribuer ce privilège. Toutefois,

les chances de l’Ukraine sont limitées. Depuis la crise, elle est parmi les six

pays d’origine des réfugiés les plus importants avec la Syrie, l’Érythrée, la

Somalie, le Niger et l’Irak bien que la majorité entre dans l’UE de manière

légale91. L’enjeu migratoire se pose donc aussi à l’est, avec moins d’acuité qu’au

sud, mais il a quand même amené la signature de partenariats pour la mobilité

avec la Moldavie (2008), la Géorgie (2009), l’Arménie (2011) et l’Azerbaïdjan

(2013)92.

En somme, tant au sud qu’à l’est, des changements majeurs émergent dans une

nouvelle géopolitique régionale, dont découlent des défis qui plaident à présent

pour une révision en profondeur de la PEV. À l’aube du cadre financier

pluriannuel 2014-2020, la nouvelle Commission Juncker en a ainsi fait l’une

de ses priorités pour l’année 201593. Malgré une volonté affichée de réformer la

PEV de façon substantielle, force est d’admettre que le processus de révision,

lancé en mars 2015, reprend, pour l’instant du moins, une rhétorique très

similaire à celle existante depuis son lancement.

90 Commission européenne/HR, op.cit., 20 mars 2013a, p. 25. 91 Georgi Gotev, « Le nombre de demandeurs d’asile ukrainiens explose », EurActiv, 2 juin 2015. 92 Commission européenne, « UE-Jordanie… », op.cit. 93 Commission européenne, « Commission Work Programme 2015. A New Start: Annex 1 », COM(2014) 910 final, Strasbourg, 16 décembre 2014a, p. 4.

Page 39: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

Chapitre 3 3.

Une révision une fois de plus mal

engagée

__________________________________________

L’UE a procédé à une première révision de la PEV en 2011 afin d’en évaluer

l’apport et les limites durant la période 2004-2009 en plus de prendre en

compte les innovations du traité de Lisbonne, entré en vigueur au 1er décembre

2009. Le processus de révision débute au printemps 2010, mais avec les

manifestations sans précédent en Tunisie, en décembre, puis, en Égypte, en

janvier 2011, la démarche de l’UE prend vite une signification particulière.

L’UE entend alors prendre en compte le nouveau contexte pour réagir

rapidement aux événements, en procédant à un « changement fondamental »94

de sa stratégie à l’égard de la région, voire à une « refonte en profondeur de sa

politique européenne de voisinage »95. Cependant, la révision de la PEV en

2011 ne modifie pas de façon substantielle le contenu, les principes et les

objectifs (exposés ici dans la partie 1), des communications antérieures96.

Dès le 8 mars 2011, la Commission européenne et le HR/VP proposent un

« nouveau » cadre stratégique pour lancer un partenariat pour la démocratie

et une prospérité partagée avec le sud de la Méditerranée. Il ambitionne à

adapter les relations à la nouvelle réalité régionale97. L’UE souhaite enfin

pouvoir mettre en œuvre, comme il a déjà été mentionné dans la partie 1,

l’approche globale qui doit permettre de mobiliser tous les instruments et les

ressources nécessaires. Elle entend surtout insister sur le principe de

conditionnalité pour encourager le processus de démocratisation. Elle favorise

94 Commission européenne/HR, « Un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée avec le sud de la méditerranée », Bruxelles, 8 mars 2011b, p. 5. 95 Commission européenne/HR, « Tenir les engagements de la nouvelle politique européenne de voisinage », JOIN(2012) 14 final, Bruxelles, 15 mai 2012, p. 24. 96 Susi Dennison, op.cit.; Ingeborg Tömmel, « The New Neighborhood Policy of the EU: An Appropriate Response to the Arab Spring? », Democracy and Security, 9 (1-2) 2013; Rasmus Boserup et Fabrizio Tassinari, « The Return of Arab Politics and Europe’s Chance to Engage Anew », Mediterranean Politics, 17 (1) 2012; Andrea Teti, « The EU’s First Response to the ‘Arab Spring’: A Critical Discourse Analysis of the Partnership for Democracy and Shared Prosperity », Mediterranean Politics, 17 (3) 2012; Patricia Bauer, « The Transition of Egypt in 2011: A New Springtime for the European Neighbourhood Policy? », Perspectives on European Politics and Society, 12 (4) 2011. 97 Commission européenne/HR, op.cit., 2011b.

Page 40: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

28

toujours une approche basée sur la performance des pays bénéficiaires et sur

une logique différenciée, selon la réalité et les capacités de chaque partenaire.

Elle prétend avec la nouvelle formule « Plus pour plus, moins pour moins »

modifier la PEV, mais la substance reste pour l’essentiel la même que celle

énoncée dans la communication de 2003. L’UE veut aussi établir un nouveau

partenariat, basé notamment sur un « dialogue politique renforcé », axé sur les

droits de l’homme et la transparence, et la création de zones de libre-échange

dites « approfondies et complètes ». L’UE forte des acquis de la PEV, incluant

le partenariat euro-méditerranéen désormais basé sur l’UpM, réitère sa volonté

de jouer un rôle de catalyseur dans le processus de transition politique, en

conditionnant son assistance financière à la capacité des pays partenaires à

réaliser les réformes politiques et économiques, et à atteindre les objectifs fixés

par les plans d’action et à adopter les recommandations des rapports annuels

de la PEV.

Toutefois, rien de vraiment nouveau n’apparaît dans le document du 25 mai

2011 Une Stratégie nouvelle à l'égard d'un voisinage en mutation. Examen de

la Politique de voisinage qui doit concrétiser le nouveau cadre stratégique avec

les priorités et les objectifs d’une PEV révisée98. Il y a certes une plus grande

place accordée aux relations avec la société civile, notamment avec la Facilité

de soutien à la société civile au sud et le Forum pour la société civile du

partenariat oriental qui soutiennent les réformes démocratiques avec le

nouveau Fonds européen pour la démocratie. La révision est aussi

accompagnée de nouveaux financements, au sud SPRING (Support for

Partnership, Reform and Inclusive Growth) et à l’est EaPIC (Eastern

Partnership Integration and Cooperation Programme), dans les deux cas

attribués selon l’approche progressive et différenciée. Dans la perspective de

l’approche globale sur la question des migrations et de la mobilité, l’UE insiste

également davantage sur la mobilité des personnes. Elle souligne la nécessité

de renforcer la capacité de gestion des frontières, la coopération en matière de

migration et d’asile ainsi qu’entre les services répressifs. Il s’agit d’ailleurs d’un

des éléments clés des communications conjointes de mars et mai qui fait l’objet

quelques semaines plus tard d’une communication spécifique, intitulée un

dialogue pour les migrations, la mobilité et la sécurité avec les pays du sud de

la Méditerranée99. Elle présente notamment un plan d’action avec une série de

recommandations, dont un rôle et des ressources accrus pour FRONTEX,

l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux

frontières extérieures des États membres, dans la collaboration avec les pays

tiers. Néanmoins, il s’agit pour l’essentiel de renforcer et de mettre en œuvre

les composantes existantes de la PEV. L’évaluation de la PEV révisée conclut

ainsi dans la communication de 2013 sur la Politique européenne de

98 Commission européenne/HR, « Une Stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation », Bruxelles, 25 mai 2011. 99 Commission européenne, « Un dialogue pour les migrations, la mobilité et la sécurité avec les pays du Sud de la Méditerranée », COM (2011) 292 final, Bruxelles, 24 mai 2011.

Page 41: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

29

voisinage : vers un renforcement du partenariat que « sa mise en œuvre

demeure le principal défi à relever par l’UE et ses partenaires »100.

L’UE a certes renforcé la PEV comme cadre d’action avec un budget substantiel

et une plus grande inclusion de la société civile, mais le processus de révision

de 2010-2011 n’a ni transformé en profondeur la PEV ni amélioré sa mise en

œuvre. Le changement des régimes en place et la transition politique qui

s’amorce dans les pays voisins à surtout offert l’occasion à l’UE d’insister de

façon plus stricte sur la réalisation des réformes démocratiques. Ainsi, dans

l’approche différenciée apparaît la nouvelle logique « moins pour moins » qui

semble vouloir être appliquée avec rigueur, mais encore là avec plus ou moins

de succès101. La mise en œuvre de la PEV faisant face à de plus en plus

d’obstacles dans le contexte régional actuel et la révision de 2010-2011 n’ayant

pas su l’adapter aux défis politiques, économiques et sécuritaires, une seconde

révision s’impose.

Dans le cadre de son programme de travail pour 2015, la Commission sous la

nouvelle présidence de Jean-Claude Juncker a ainsi décidé de réviser la PEV

pour renforcer le rôle de l’UE comme acteur sur la scène internationale102. Le

document de consultation vers une nouvelle politique européenne de

voisinage, présenté par la Commission et le HR/VP en mars, donne les lignes

directrices qui doivent guider son « réexamen approfondi »103. La Commission

et le HR/VP admettent avec raison que la « PEV n’a pas toujours permis

d’apporter des réponses adéquates [aux] situations nouvelles, ni à l’évolution

des aspirations des partenaires de l’UE »104. Le document propose donc une

révision en profondeur à la suite d’une large consultation publique, incluant les

rencontres ministérielles en avril à Barcelone et en juin à Beyrouth pour

discuter de la relance du partenariat euro-méditerranéen ainsi que le sommet

des chefs d’État et de gouvernement de l’UE et des pays du partenariat

oriental, en mai, à Riga.

Le document de consultation identifie quatre domaines prioritaires à évaluer

dans le processus de révision qui doit mener à l’élaboration d’une

communication avant la fin de l’année 2015. 1) D’abord, il propose la prise en

compte de la variation dans l’intérêt des partenaires qui pourrait mener à une

géométrie variable, à une plus grande différenciation. Pourtant, la promotion

d’une approche différenciée est présente depuis la communication de 2003 et

permet déjà d’ajuster le niveau de la coopération selon les capacités et intérêts

des partenaires. Le document soulève toutefois la possibilité de créer de

100 Commission européenne/HR, op.cit., 20 mars 2013a, p. 4. 101 Jan Claudius Völkel, op.cit., 2014a. 102 Commission européenne, « Commission Work Programme 2015. A New Start: Annex 1a », COM(2014) 910 final, Strasbourg, 16 décembre 2014a, p. 4. 103 Commission européenne/HR, « Document de consultation conjoint : Vers une nouvelle politique européenne de voisinage », JOIN(2015) 6 final, Bruxelles, 4 mars 2015c, p. 4. 104 Ibid., p. 2.

Page 42: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

30

nouvelle structure. Il semble préférable d’adapter celle existante. 2) Le

document propose avec justesse de préciser l’orientation de la PEV, en

revoyant les véritables domaines d’intérêts communs. Les discussions

préliminaires et informelles entre l’UE et ses partenaires indiquent que le

commerce et développement économique, la connectivité dans les domaines

des transports et de l’énergie, la sécurité liée aux conflits, la criminalité

organisée et le terrorisme, et le développement de capacités de gestion

conjointe des crises et de catastrophes, de gouvernance de même que les

enjeux liés à la migration et la mobilité seraient ces intérêts communs. 3) Il

suggère également d’évaluer la flexibilité des instruments de la PEV,

notamment l’évaluation des progrès accomplis au regard de certains facteurs

internes et externes. Il s’agit là d’une dimension fondamentale qui doit figurer

dans la PEV révisée comme l’a d’ailleurs souvent souligné le Parlement

européen dans ses résolutions à la suite du printemps arabe. En effet, les plans

d’action doivent prendre en compte et s’adapter avec souplesse aux pressions

politiques, socio-économiques et régionales que subissent les pays

bénéficiaires et maintenir un contexte favorable qui encourage la réalisation

des réformes. 4) Enfin, il incite à revoir les moyens pouvant favoriser

l’appropriation des partenaires vers un partenariat plus égalitaire, une plus

grande participation des États membres dans l’élaboration et la mise en œuvre

ainsi qu’une meilleure visibilité de la PEV auprès du grand public.

Le document semble innover, en proposant, notamment l’association de pays

au-delà de la zone, l’évaluation de la capacité de l’UE à « réagir aux crises et

aux situations de conflits », en prenant mieux en compte le contexte

géopolitique dans lequel ses partenaires évoluent. Pour accroître l’efficacité de

la PEV, la Commission et le HR/VP suggèrent également qu’elle soit

« étroitement intégrée dans une politique étrangère générale de l’UE,

caractérisée par une approche globale permettant le recours à l’ensemble des

instruments de l’UE ainsi que des États membres »105. En outre, le Conseil

Affaires étrangères du 20 avril 2015 appelle au renforcement du volet sécurité,

notamment avec la réforme du secteur de la sécurité et une coordination plus

étroite avec la PSDC. Toutefois, ces suggestions reprennent les objectifs et les

recommandations inscrites dès 2003 dans la Stratégie européenne de sécurité

et dans les communications successives de la PEV. Dans l’évaluation de la PEV

en 2013, la communication souligne à cet effet que

Les changements d’orientation des pays partenaires en matière de

politique étrangère et l’intervention croissante d’autres acteurs dans

les régions concernées sont susceptibles de rendre l’UE moins

attrayante en tant que modèle et partenaire. Dès lors, l’UE devra

réfléchir aux moyens de suivre une approche plus multilatérale,

faisant intervenir plus systématiquement les autres acteurs opérant

105 Ibid., p. 3.

Page 43: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

31

dans les pays concernés, pour résoudre, avec les pays partenaires

eux-mêmes, les problèmes présentant un intérêt commun.106

Par conséquent, le processus de révision entamé en mars 2015 donne

l’impression de lancer une refonte en profondeur alors qu’il reprend, pour

l’essentiel, plusieurs questionnements laissés en suspens, plusieurs initiatives

jamais mises en œuvre et nombre d’objectifs encore à concrétiser dans le cadre

de la PEV. L’intention européenne est louable, mais les termes sont mal posés.

Il ne s’agit pas vraiment de réviser encore moins de réinventer la PEV, mais de

cerner clairement les limites et les défis de sa mise en œuvre afin d’apporter

des propositions concrètes pour atténuer les blocages.

106 Commission européenne/HR, op.cit., 20 mars 2013a, p. 25.

Page 44: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre
Page 45: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

Chapitre 4 4.

Des recommandations portant sur 5

axes-clés

__________________________________________

À la lumière des fondements de la PEV (partie 1), des enjeux politiques et

économiques auxquels elle fait face au sud et à l’est (partie 2) et des

orientations données au processus de révision en cours (partie 3), il s’agit à

présent de faire la synthèse des critiques et des recommandations présentées,

en détaillant des mesures précises.

4.1. La PEV : un instrument politique qui requiert une

approche plus stratégique

De façon générale, la révision de la PEV doit être l’occasion pour l’UE d’en

prendre réellement la mesure. Elle « n’est pas un instrument technique, mais

un instrument politique opérant dans un environnement hautement politisé où

des conflits majeurs prennent place »107. La particularité du contexte dans

lequel la PEV opère et sa portée en fait dès lors une politique particulière qui

ne peut pas se limiter à une procédure administrative et bureaucratique. La

réorientation stratégique demande l’engagement de tous les acteurs de l’UE,

les institutions européennes et les États membres, surtout. À cet égard, la PEV

révisée doit veiller à une meilleure cohérence avec les politiques des États

membres comme l’encourage d’ailleurs le document de consultation. Par

exemple, d’une part, les rapports annuels de la PEV sont très critiques à l’égard

de l’absence de réformes en Égypte en matière de réforme du secteur de la

sécurité108. De l’autre, en juillet 2014, le groupe naval français DCNS, dont

l’État français est actionnaire à 65 %, a signé un contrat, le premier accord

militaire d’envergure depuis 20 ans, d’une valeur d’un milliard d’euros pour la

107 Ulrich Speck, « EU faces tough choices in the neighbourhood », UE Observer, 18 mai 2015. 108 Commission européenne/HR, « Joint staff working document: Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2013 Regional report: A Partnership for Democracy and Shared Prosperity with the Southern Mediterranean Partners », SWD(2014) 100 final, Brussels, 27 mars 2014; Commission européenne/HR « Joint staff working document: Implementation of the European Neighbourhood Policy in Egypt Progress in 2014 and recommendations for actions », SWD (2015) 65 final, 25 mars 2015a, p. 7.

Page 46: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

34

vente de quatre frégates, et ce, grâce à l’aide financière de certains pays du

Golfe à l’Égypte109. De même, en février 2015, la France a endossé la signature

des contrats d’armement pour l’achat de 24 avions de combat Rafale de

Dassault Aviation avec l’Égypte du président al-Sissi, qui seront aussi

principalement financés par les pays du Golfe110. Un exemple qui témoigne de

la dichotomie en la démarche de l’UE et celle de certains États membres. Selon

Zajac, la contradiction entre les principes démocratiques liés à l’identité

européenne promue par l’UE et les intérêts États membres n’est pas nouvelle

et explique l’inefficacité depuis l’origine de la politique méditerranéenne111. Par

conséquent, une plus grande cohérence et cohésion entre l’action de l’UE et

l’action des États membres dans le voisinage européen seraient bénéfique à

l’efficacité sur le terrain. À ce titre, le Conseil européen devrait davantage

étoffer ses indications dans l’élaboration de la PEV et le Conseil Affaires

étrangères devrait, lors de la prise de décision, veiller à la cohérence entre

l’action extérieure à l’échelle européenne et nationale. Un plus grand

engagement des États membres pourrait aussi contribuer à une implication

plus importante des pays partenaires dans la coopération régionale.

4.2. Favoriser l’appropriation pour réduire l’asymétrie

des relations avec les partenaires

Il ne fait aucun doute que la PEV révisée doit aussi permettre une plus grande

appropriation du processus de coopération par les partenaires pour renforcer

la dimension régionale, comme l’ont exprimé les pays de la Méditerranée à la

conférence de Beyrouth, en juin 2015112. Au sud, cette politique est encore trop

souvent perçue comme étant « adoptée par l’UE pour ses voisins non avec

eux », confirmant le sentiment d’exclusion croissant dans plusieurs pays

arabes à l’égard des objectifs poursuivis par l’UE113. En effet, les intérêts

européens sont clairement mis de l’avant dans la rhétorique officielle, le ton

doit changer pour être plus inclusif comme l’admet Federica Mogherini,

l’actuelle HR/VP, dans son discours du 13 avril 2015 lors de la rencontre

ministérielle, à Barcelone114. Il faut donc faciliter et surtout concrétiser cette

109 Alain Ruello, « Armement : la France reprend pied en Égypte grâce à DCNS », Les Échos, 3 juin 2014. 110 Noah Rayman, « The Real Reason Egypt Is Buying Fighter Jets From France », Time, 14 février 2015. 111 Justyna Zajac, « The EU in the Mediterranean: Between Its International Identity and Member States’ Interests », European Foreign Affairs Review, 20 (1) 2015. 112 Union pour la Méditerranée, Les pays arabes méditerranéens, l’UE et l’UpM…, op.cit. 113 Ligue des États arabes, « Evaluation of European Union Policies towards the Arab World », Political Sector Europe and Europe-Arab Cooperation Department, LEA, juin 2014, p. 9. 114 Federica Mogherini, « Opening Speech of the High Representative and Vice president Federica Mogherini at the Informal Ministerial meeting with Southern partners on the future of European Neighbourhood Policy, Barcelona », Barcelone, 13 avril 2015.

Page 47: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

35

appropriation par les partenaires. Comme le souligne Pace, « l’UpM n’a pas été

capable d’offrir aux partenaires du sud une voix égale et dans la pratique, ils

ont été largement exclus du processus décisionnel »115. Le renforcement de la

coprésidence de l’UpM et son établissement au sein du partenariat oriental

pourrait favoriser un engagement plus grand dans la coopération régionale

avec l’UE. La formule de groupes de travail doit certainement être conservée.

En stimulant la discussion entre tous les acteurs engagés dans le voisinage, elle

peut réellement contribuer à l’appropriation du processus de coopération

régionale par les pays participants. Par conséquent, la PEV doit dépasser les

limites d’une politique européenne classique pour devenir un véritable forum

de discussion sur les enjeux communs et un cadre d’action dans lequel tous les

partenaires doivent être égaux, mais en revanche s’y engager de façon

constructive.

4.3. Revoir l’approche différenciée avec flexibilité et

nouveaux paramètres

L’approche différenciée, voire progressive « plus pour plus, moins pour

moins », repose sur l’idée fausse que l’UE est nécessairement le modèle, voire

le seul exemple, à suivre pour ses voisins. Elle fait également abstraction des

enjeux stratégiques dans la région à l’est et au sud. Au sud, plusieurs exemples,

surtout en Égypte, confirment que l’aide sans condition des pays du Golfe a

permis d’éviter et même de contourner les réformes exigées par l’UE. Ce

constat rejoint ainsi la proposition d’une plus grande inclusion des voisins des

voisins, formulée dans le document de consultation116. Toutefois, il faut aller

beaucoup plus loin, en coordonnant les relations avec ces pays, comme ceux du

Golfe, et ceux au sud de la Méditerranée. En outre, il faut mieux prend en

compte la fluctuation de la motivation parmi les partenaires à poursuivre les

réformes en raison des différentes perspectives d’adhésion à l’est et au sud, en

raison de facteurs externes, mais aussi internes. En effet, la différence à l’égard

du processus de transformation n’existe pas seulement qu’entre les pays, mais

aussi au sein des pays. Certains reprochent d’ailleurs avec raison à l’UE de ne

pas avoir de stratégie pour faire face aux luttes de pouvoir internes chez ses

partenaires117. La présence d’un RSUE au sud et à l’est pourrait permettre à cet

égard de mieux appréhender et connaître les forces politiques internes, en plus

de renforcer la dimension régionale.

115 Michelle Pace, op.cit., p. 434. 116 Commission/HR, op.cit., 2015c, p. 5. 117 Ulrich Speck, op.cit.

Page 48: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

36

4.4. Renforcer la dimension régionale pour une

coopération au-delà de l’UE

Le document de consultation de mars 2015 soulève également la pertinence de

maintenir la PEV et son cadre unique. Force est d’admettre que si l’UE parle

« d’un espace », la PEV fonctionne déjà en deux partenariats, oriental et euro-

méditerranéen, distincts à l’est et au sud avec peu, voire pas de synergies, entre

les deux régions. À l’est contrairement au sud, les pays ont à terme l’espoir de

devenir candidat à l’adhésion, car comme déjà souligné, ils sont éligibles à

partir du moment où ils sont situés en Europe. Le rapport de force entre l’est et

le sud repose sur une question de priorités et de programme politique des pays

membres de l’UE qui poussent les dossiers et les initiatives. Les enjeux

diffèrent à l’est, la menace russe domine les préoccupations de la Pologne, des

Pays baltes et nordiques. Au sud, c’est surtout l’arrivée massive d’immigrants

illégaux, depuis les événements du printemps arabe, en Italie et en Grèce qui

préoccupe aussi la France, l’Espagne et l’Allemagne, entre autres. La PEV

gagnerait pourtant en qualité en favorisant les synergies, l’échange

d’expérience et les complémentarités entre l’est et le sud. Une critique qui vaut

aussi pour la démarche de l’UE au sein de chaque région.

En effet, l’UE a favorisé jusqu’à présent une politique bilatérale avec les plans

d’action signés et négociés avec chaque partenaire. Elle a ainsi eu tendance à

marginaliser le régionalisme initial prévu par le processus de Barcelone118. Une

approche qui semble contradictoire avec d’autres volets de l’action extérieure

de l’UE qui encouragent l’intégration régionale et le dialogue multilatéral, voire

interrégional, comme avec l’UA et la LEA. Le Partenariat oriental et l’UpM ont

pourtant un réel potentiel pour agir comme catalyseur dans la transformation

politique, la modernisation économique et technique ainsi que la dynamique

régionale dans leur zone géographique respective avec des projets

mobilisateurs, dont le financement doit être revu à la hausse. Renforcer le rôle

de l’UpM pourrait aussi permettre de mieux faire face aux enjeux qui touchent

plusieurs pays, comme l’immigration clandestine, et offrir une façon plus

inclusive à l’échelle régionale de les aborder119. Lors du sommet du Partenariat

oriental à Riga, les participants ont réaffirmé dans la déclaration commune

leur attachement au partenariat « comme une dimension spécifique de la

Politique européenne de voisinage »120. Il y a une reconnaissance du potentiel,

il faut à présent concrétiser la dimension régionale avec des initiatives

concrètes qui misent davantage « sur les synergies et complémentarités de la

région »121 et entre elles. Le renforcement de la coopération régionale passe

118 Federica Bicchi, op.cit.; Michelle Pace, op.cit. 119 Christian Rioux, « À quoi sert l’Europe ? », Le Devoir, 25 avril 2015. 120 Conseil européen, « Joint Declaration of the Eastern Partnership Summit (Riga, 21-22 May 2015) ». Riga, 22 mai 2015, p. 1. 121 Union pour la Méditerranée, Les pays arabes méditerranéens, l’UE et l’UpM…, op.cit.

Page 49: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

37

aussi par les organisations régionales telles que la Ligue des États arabes,

l’Union africaine, le Conseil de coopération des États arabes du Golfe122. Le

document de consultation pose timidement la question123. Il s’agit là d’un

élément central sur lequel doit être axée la relance de la composante régionale

de la PEV et qui peut contribuer à concrétiser l’approche globale, un objectif

clé de l’action extérieure de l’UE depuis l’adoption du traité de Lisbonne.

4.5. Consolider l’approche globale avec une meilleure

inclusion des instruments en matière de politique

étrangère et de sécurité

Le lien entre PEV et PESC/PSDC semble original à la lecture du document de

consultation124. De la même façon, le Conseil Affaires étrangères du 18 mai

2015 sur la PSDC insiste sur la coopération en matière de sécurité dans le cadre

de la PEV comme s’il s’agissait d’une nouvelle option. Pourtant, cette

recommandation figure dans la rhétorique européenne dès 2003. La PEV s’est

toujours inscrite dans les intérêts de l’UE en matière de sécurité, mais la

coopération concrète a toujours été plus ardue à réaliser. La difficulté réside

dans sa mise en œuvre à cause des logiques de sécurité poursuivies par l’UE,

avec un discours qui tend vers la sécurisation à l’égard des voisins125. En outre,

l’UE n’est pas nécessairement perçue comme un acteur crédible dans le

domaine de la sécurité par plusieurs de ses partenaires, comme la Russie.

Selon Hélène Blanc, « Poutine méprise l’UE, car elle n’a pas d’armée »126. Une

opinion qui va dans le sens de celle exprimée par Juncker qui propose, dans le

contexte de la crise en Ukraine, de créer une armée européenne pour accroître

la crédibilité de l’UE face à la Russie127. L’UE avec la PEV n’assure pas

suffisamment la protection aux pays du Partenariat oriental et surtout aux

États membres de l’UE comme la Pologne, les pays baltes et nordiques qui ont

exprimé leurs craintes dans les derniers mois à l’égard de la Russie. D’ailleurs,

« les troubles sur les flancs est et sud de l’UE poussent les gouvernements à

augmenter leurs dépenses militaires après des années de compressions

budgétaires »128. Pour l’instant, l’UE s’en remet à nouveau à l’OTAN qui

122 Chantal Lavallée, op.cit., 2015b. 123 Commission/HR, op.cit., 2015c, p. 6. 124 Commission européenne, op.cit., 2004a, p. 14. 125 M. Pace, op.cit. 126 Marion Candau, « Hélène Blanc : “Poutine méprise l’UE car elle n’a pas d’armée” », EurActiv, 20 mai 2015. 127 Honor Mahony, « EU commission chief makes case for European army », EU Observer, 9 mars 2015. 128 Timothy Spence, « Trouble on Europe’s flanks lift interest in drones and military aircraft », EurActiv, 19 juin 2015.

Page 50: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

La politique européenne de voisinage OSINTPOL

38

renforce sa présence dans la région129. Pour Juncker, une armée commune

renforcerait la légitimité de l’UE comme force militaire face à la Russie, dans la

mesure où certains États membres de l’UE ne font pas partie de l’OTAN.

Solana a nuancé le propos de Juncker, car selon lui :

Nous parlons d’une union du même genre que l’union monétaire,

l’union de l’énergie ou l’union numérique. Quelque chose qui met en

commun ce que nous avons, l’intégrant davantage et le mobilisant

d’une façon mieux coordonnée. Voilà ce que nous avons en tête. Ce

sera une étape très importante dans la construction de l’Union

européenne.130

Les États membres qui s’opposent à la proposition de Juncker prétendent que

la PESC/PSDC sert déjà de cadre pour la coopération intergouvernementale en

la matière. Pourtant, aucune mission militaire PSDC n’a été envisagée pour

intervenir en Ukraine et la proposition du président ukrainien Petro

Porochenko de lancer une mission de police PSDC à la frontière russe est

restée sans réponse. Par conséquent, « il ne s’agit pas seulement pour l’UE

d’avoir une armée, mais la volonté politique de s’en servir » et ça, Poutine le

sait de toute façon131. Delcour a mentionné bien avant la crise en Ukraine que

le problème de l’action de l’UE en matière de sécurité réside dans le manque de

cohérence dans sa mise en œuvre132. « Les documents du partenariat oriental

ne prévoient aucune condition liée à la résolution de conflit »133. Toutefois,

dans la Déclaration commune du sommet Riga, les participants encouragent le

rôle de l’UE dans la résolution des conflits, en Transnistrie, par exemple. « Les

participants du sommet sont d’accord pour renforcer, le cas échéant, le

dialogue bilatéral et multilatéral en matière de sécurité et la coopération

pratique avec la PSDC »134. Une ouverture qui devrait être exploitée dans la

révision actuelle pour concrétiser le recours et la coordination de la

PESC/PSDC dans le cadre de la PEV.

La mise en œuvre de la PEV en matière de sécurité passe non seulement par la

PESC/PSDC, mais aussi, et surtout par un meilleur usage du potentiel de la

PEV avec les éléments déjà en place comme l’axe « politique et sécurité » et

l’axe « migration et sécurité intérieure » dans le cadre des coopérations

régionales. Elle requiert une volonté politique des États membres et des

129 AFP, « L’OTAN se défend de toute ‘course aux armements’, juge la Russie ‘agressive’ », Libération, 24 juin 2015d. 130 Daniel Tost, « Solana: A wake-up call for a European Defence Union », EurActiv, 19 juin 2015. 131 Chantal Lavallée, op.cit., 2015a. 132 Laure Delcour, « The European Union, a Security Provider in the Eastern neighbourhood? », European Security, 19 (4) 2010. 133 Ibid., p. 541. 134 Union européenne, « Joint Declaration of the Eastern Partnership Summit (Riga, 21-22 May 2015) », op.cit., p. 8.

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OSINTPOL La politique européenne de voisinage

39

institutions de l’UE de renforcer la collaboration en la matière, dans un climat

de confiance avec les partenaires, au-delà du discours. Il faut mieux exploiter

les acquis au lieu d’élaborer de nouveaux plans d’action conjoints spécifiques

comme le suggère le Programme européen en matière de sécurité pour la

période 2015-2020135. L’objectif premier de ce document est de renouveler la

stratégie de sécurité intérieure de 2010 pour faire face aux « nouvelles »

menaces au sein de l’UE, dont les effets de l’instabilité dans son voisinage.

Elles proposent ainsi différentes façons d’approfondir la coopération en

matière de sécurité avec les partenaires de l’UE. Les propositions seront

complétées et approfondies dans la Stratégie européenne de sécurité en cours

de révision par la HR/VP. Le document sert de cadre général en favorisant

l’approche globale avec le recours aux multiples instruments de l’UE, mais il

est attendu que la PEV fournisse des actions spécifiques. Néanmoins quelques

suggestions sont faites comme l’envoi d’experts de sécurité dans les délégations

de pays tiers participant à la PEV136.

En somme, il semble que la PEV offre un potentiel encore sous-exploité. Il ne

s’agit ainsi pas de multiplier les structures et les instruments, mais de

consolider ceux existants et de mettre en place les moyens pour les gérer de

façon cohérente et adaptée aux besoins. L’enjeu est de mieux utiliser et

coordonner les instruments à la disposition de l’UE pour les mettre au service

de la PEV. L’UE doit cesser de compartimenter son action extérieure et de

doubler les initiatives. Par exemple, l’Instrument contribuant à la stabilité et à

la paix a déjà financé plusieurs projets, y compris en matière de réforme du

secteur de la sécurité, de prévention et lutte au terrorisme et pourrait être

utilisé davantage dans le voisinage. La PEV doit ainsi être plus qu’une politique

et devenir une véritable structure de coordination qui réunit tous les acteurs

pertinents pour faciliter la mise en œuvre et synchroniser les actions. Une

entité doit être dédiée à l’identification des instruments appropriés, à la

coordination de leur utilisation et du suivi sur le terrain pour favoriser les

synergies et les complémentarités. La révision de la PEV devient une sorte de

laboratoire pour l’approche globale. Elle teste la capacité de l’UE à agir dans

son environnement immédiat, en mettant à profit une vaste gamme

d’instruments économiques, politiques et juridiques. Elle doit à présent

apprendre à mieux les équilibrer et les coordonner au sein d’un cadre politique

cohérent et structuré.

135 Commission européenne, « Le programme européen en matière de sécurité », COM(2015) 185 final, Strasbourg, 28 avril 2015b, p. 5. 136 Ibid.

Page 52: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre
Page 53: La politique européenne de voisinage : les défis de la mise en oeuvre

OSINTPOL La politique européenne de voisinage

Conclusion

__________________________________________

Le débat politique actuel sur la position de l’UE à l’égard des transformations

politiques dans son voisinage à l’est, avec la crise en Ukraine et l’intensification

des tensions avec la Russie, et au sud, à la suite des événements du printemps

arabe alimente et justifie la révision de la PEV. Toutefois, il semble que les

termes du processus de révision en cours soient mal posés. Il doit aussi et

surtout être l’occasion d’une évaluation critique des tenants et des aboutissants

de cette politique, qui plus de dix ans après son lancement, n’a toujours pas

donné les résultats escomptés. Comme exposé dans l’analyse, plusieurs limites

dans sa mise en œuvre sont intrinsèquement liées à ses fondements auxquelles

se rajoutent de nouveaux enjeux politiques et économiques dans les régions

avoisinantes. L’étude a proposé plusieurs idées à explorer pour améliorer les

différentes facettes de cette politique et faciliter le passage de la rhétorique à la

pratique. Elle suggère surtout la mise en place d’une structure de la PEV qui

aurait pour principale fonction l’identification et la coordination des différents

instruments déployés pour garantir la cohérence d’ensemble et l’efficacité sur

le terrain une fois la ligne politique établie.

Au-delà des enjeux liés à la mise en œuvre de la PEV à proprement parler, l’UE

doit aussi veiller à rester une partenaire crédible et attirante. Pour ce faire, elle

doit surmonter deux enjeux internes cruciaux pour sa crédibilité. 1) Elle doit

gérer la possibilité de retrait du Royaume-Uni de l’UE et de la Grèce de la zone

euro. L’incapacité de prévenir ces retraits deviendrait un échec politique et

économique majeur pour l’UE. D’une part, elle doit parvenir à trouver un

compromis pour satisfaire les demandes de réformes de l’UE et de révisions du

statut du Royaume-Uni, exigées par le premier ministre britannique David

Cameron. Fort de sa victoire aux législatives du 7 mai 2015, il brandit la tenue

d’un référendum fin 2016 sur l’appartenance de son pays à l’UE. D’autre part,

la question est sur toutes les lèvres, celle de savoir jusqu’où les partenaires

européens sont prêts à aller par solidarité et par intérêt pour maintenir la

Grèce dans la zone euro et ultimement dans l’UE alors que le pays est au bord

de la faillite. Il s’agit aussi de la volonté et la capacité des Grecs à réaliser les

réformes importantes exigées par l’UE pour rester dans la zone euro. La

réponse européenne apportée à ces deux situations ouvre plusieurs scénarios

possibles. Toutefois, c’est la manière de les gérer qui affectera positivement ou

non la crédibilité de l’UE face à ces partenaires, en matière de capacité de

réformes des institutions et des États membres. Force est aussi d’admettre que

les débats épineux sur le « Brexit » et le « Grexit » mettent en lumière les luttes

d’intérêts et les rapports de force au sein de l’UE et renvoient une image

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La politique européenne de voisinage OSINTPOL

42

nettement moins attirante de l’intégration européenne. 2) L’autre type d’enjeu

interne clé auquel est confrontée l’UE réside dans la montée de

l’euroscepticisme et du retour des nationalismes en Europe. À cet égard, l’UE

doit résister à la tentation d’une sécurisation poussée de la coopération avec

ses partenaires et surtout d’une externalisation excessive des enjeux de

migration et de lutte au terrorisme auxquels elle fait face. De plus, la période

qui s’ouvre à l’horizon 2020 doit permettre autant aux institutions

européennes nouvellement formées qu’aux États membres de relancer

positivement la construction européenne malgré les mouvements contraires.

En somme, la crédibilité de l’UE dans son voisinage comme sur la scène

internationale repose aussi sur la façon, dont elle gère les défis internes.

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OSINTPOL

Questionner, informer, éduquer, innover

L’action d’OSINTPOL est axée sur la production et la diffusion aussi étendue

que possible des savoirs relatifs à la sphère politique au sens large. L’organisme

participe pleinement via ses analyses aux débats contemporains parcourant ses

domaines d’intervention. Un des objectifs poursuivis est de contribuer au

renouvellement des idées politiques dans le monde francophone et même au-

delà, en favorisant les échanges avec les chercheurs-es de tous horizons. Parce

qu’innover c’est aussi inévitablement questionner l’ordre établi, la démarche

d’OSINTOL est résolument critique. Par son action, ce laboratoire d’idées au

service de la société civile entend renforcer la capacité des décideurs politiques

et de tous les citoyens à faire leurs choix.

OSINTPOL s’est donné pour premiers objectifs de couvrir les enjeux liés à la

paix, à la défense et à la sécurité en croisant, en autres, les domaines de la

science politique, du droit, de l’économie, de la sociologie et de l’histoire. Les

expertises indépendantes en cette matière sont d’autant plus précieuses

qu’elles sont rares.

Quatre premiers observatoires ont ainsi été mis sur pied sur les enjeux :

de l’action de l’Union européenne en matière de sécurité

des armements conventionnels ;

de la dissuasion nucléaire ;

de la géopolitique énergétique.

Le soutien de citoyen(ne)s engagé(e)s

OSINTPOL ne saurait accomplir efficacement sa mission d’information et de

sensibilisation du public sans le soutien de donateurs motivés par la défense du

bien commun. En soutenant OSINTPOL, vous contribuez au renforcement

d’une recherche indépendante et de qualité au service de la société civile sur de

nombreux sujets qui sont parfois malheureusement monopolisés par des

organismes publics ou privés en lutte pour leur budgets ou leurs profits. Vous

permettez aussi aux chercheurs d’OSINTPOL de s’investir dans la formation

d’une relève étudiante, en fournissant un encadrement propice à la

transmission des savoirs et, surtout, des compétences nécessaires à l’analyse

critique des enjeux de société. Rejoignez-nous sur osintpol.org.