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La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie

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de revues et d'écrins la Recherche- BP654, chemin iatéra145390 Puiseaux.Tél. :02 38 33 42 89

Peut-onexpliquertoutl'Univers?

Les physiciens sont ambitieux. Ils prétendentqu'ils expliqueront, un jour, l'ensembledu monde avec une « théorie du tout » :quelques lois simples d'où découleraient

la matière, le temps, l'espace. Ils ont des raisonsd'y croire. Depuis Isaac Newton, qui proposaune même explication pour les mouvementsdes astres dans le ciel et pour la chute des

pommes, la physique n'a cessé de trouver

des causes communes à des phénomènesen apparence différents.Le défi n'a toutefoisjamais été aussi important qu'aujourd'hui.

En particulier, parce que les deux grandes

théories de la physique du xxe iècle, la

relativité générale et la mécanique quantique,sont en désaccord quant à la nature du monde.Lune décrit un espace-temps continu, courbé

au gré de la présence de matière;l'autre meten cause des notions telles que la localisation.Quelle que soit la théorie plus fondamentalequi les englobera, elle changera radicalement

notre façonde concevoir l'Univers

.Une révolution est en marche dans l'industrie

pharmaceutique: des cultures de cellules

vivantes commencent à remplacer les réacteurs

chimiques pourproduire des médicaments.Génétiquement modifiées, ces cellulesfabriquent des biomédicaments complexesà l'action thérapeutique très ciblée.

LA RECHERCHE

es titres, les intertitres, les textes de présentation et les légendes sont établis par la rédaction du magazine. la loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisationToute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur, ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article l.122-4 du Code de propriété

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N• 43 • liAI ZO U 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 3

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6 Le saviez-vous ?SIX HISTOIRES DE PHYSIQUE FONDAMENTALE

s ZoomL'UNIFICATION DES FORCES

10 L'avis de l'expert MARC LACHIÈZE-REY«ON CHERCHE UNE DESCRIPTION UNIQUE DE LA NATURE>> 0

14 Les grandes étapes de la recherche é3DE LA POMME DE NEWTON AU BOSON DE HIGGS

4... ~ a v o i r ~

I. Le besoin d'une cause fondamentale

18 « Dieu avait-ille choix en créant l'Univers ? ,,par Bernard carr

22 La nature s'organise comme les poupées russespar Michel Bltbol

28 « Le boson de Higgs, la particule manquante ,,Entretien avec François Englert

32 Pourquoi il faut unifier les forcespar Étienne Klein

36 Six théories pour fonder la physiquepar Philippe Pajot

II. Les réponses des théoriciens40 Théorie des cordes : 4 raisons d'un succès

par Costas Bachas et Franck Danlnos

45 L'Univers comme un hologrammepar Mlchela Petrlnl

48 L'hypothèse des mondes parallèlespar Hélène Le Meur

52 Réinventer les lois de la gravitationpar Luc Blanchet et Françoise Combes

58 « Une bonne théorie doit être féconde ,,Entretien avec Peter Gallson

4 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N' 43

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* ébérence6 SOMMAIRE

Il l

0

_,

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z

:z:

u

...A

...~ = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = 7

::!!

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•••

•...

g •

8 •15ci •

z •"'J<9 •

••

••••••••

••

BiomédicamentsLa biotechnologie

au service

de notre santé

> Repère& P. 82

• Les biomédicamentsen 6 questions

> Initiative& P. 86

• Les cellulesde mammifères,génératricesde médicaments

• De la paillasseà la commercialisation

• Principes actifs dansles globules rouges

> S a v o i r - ~ a i r e P. 90

• Dans une usinede biomédicaments

> Acteur& P. 92

• Chasseursd'innovations

> Avenir P. 96

• " Soigner chacun

selon son patr imoinegénétique ,,

> Pour en &avoir plm P. 98

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N°43 • MAl ZOU ) LES DOSSIERSDE LA RECHERCHE • 5

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Le saviez-vous?

rIl nya quequatre forcesfondamentales

..J

TOUS LES PHÉNOQ MÈNES CONNUS

SONT EXPLICABLESà l'aide de quatre forces

fondamentales :l'électromagnétisme, la forcenucléaire faible, la forcenucléaire forte et la

gravitation. L'interactionélectromagnétique,attractive ou répulsive, agitsur les objets portant

des charges électriques.L'interaction forte retientles quarks dans les protonset les neutrons, et permet

la cohésion du noyau.L'interaction faible est un e

interaction à courte portéeresponsable notamment

de la radioactivité B. Enfin,l'interaction gravitationnelle n'est qu'une forceattractive qui s'exerceentre les particules ou lesobjets dotés d'une masse.

Les théoriciens

proposent régulièrementdes théories avec denouvelles forces :une

cinquième force, qui semanifesterait comme une

déviation par rapport auxmesures prédites par lesinteractions connues,pourrait êt re le signe d'une

nouvelle physique. Maisaucune proposition n'a

résisté très longtemps et

nulle expérience n'a mis enévidence une nouvelleinteraction fondamentale. •

-

,. . . ..,

La gravztatzon

est séparée desautres forces

., j

-

LES DESCRIPTIONS DE L'ÉLEOROMAGNÉTISME

( ) ET DES DEUX INTERAOIONS NUCLÉAIRES sont"" partiellement unifiées au sein du Modèle standard

de la physique des particules. Celui-ci repose surles principes de la physique quantique. la gravitation est,elle, décrite par la relativité générale élaboréepar Einstein. Or, ces deux théories s'expriment dans

des formalismes mathématiques différents, a prioriirréconciliables, car ne reposant pas sur la mêmeconception du monde. Il s'agit presque de deuxdisciplines différentes qui manipulent des entitésfondamentales différentes. Ainsi, en relativité générale,on manipule la matière comme faite d'objets qui sontdes particules localisées, classiques. À l'inverse,en physique quantique, la matière est représentéepar une fonction d'onde, quelque chose de très différentqui oblige à abandonner, par exemple, la notionde position précise d'une particule. Autre exemple,en relativité générale le temps et l'espace sont

des entités qui ne sont pas absolues, alors qu'enphysique quantique on suppose que le temps estune grandeur bien définie.

6 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl Z011 • N• 43

,. Ily aurait1osoo universdifférentsdu nôtre

PLUSIEURS IDÉESDE LA PHYSIQUEmènent à l'hypo-

thèse que notre Universne serait qu'un exemplaireparmi un nombre colossald'univers. L'une d'ellesrésulte du caractère finide la vitesse de la lumière :seul un certain volumed'univers nous estaccessible. Au-delà, un

espace infini existe quicontiendrait, très loinde nous, d'autres univers.

Des physiciens pensentaussi qu'il y aurait en

permanence de grandesphases d'expansion créantune« mousse d'univers »,

de nombreux universchacun doté de constanteset de lois de la physiquedifférentes. En outre,la théorie des cordesn'est en fait pas une loi

unique, mais un corpuscontenant 10soo à 10 1000 loisphysiques différentes,qui chacune pourraits'appliquer dans l'un

de ces univers ..La gravitation quantique

à boucles, une autre despistes pour unifier lesinteractions fondamentales, conduit à l'existenced'enfants univers créés par

les trous noirs. Ce ne sontlà que quelques exemplesdes théories actuelles. •

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Les particulesn'existent pasvraiment

PARMI LESTHÉORIESENVISAGÉES pour

réconcilier ces soeurs

ennemies que sont la

mécanique quantique

et la relativité générale, la

théorie des cordes est

la plus connue et l'une

des plus anciennes. Selon

elle, les entités fondamen

tales de l'Univers ne sont

pas des particules, mais

de petites cordes vibrantes,

ouvertes ou fermées.

Ce que nous percevonscomme des particules

distinctes ne serait que

des cordes vibrant

selon différents modes.

Il existe plusieurs

théories des cordes, mais

toutes ont en commun

un univers avec dix

dimensions spatiales.

Si nous n'en percevons

que trois, c'est que les

autres sont repliées sur

elles-mêmes, si petites que

nous n'y avons pas accès.

Ces théories prédisent

aussi que certains modes

de vibration des cordes

devraient nous apparaître

comme des particules

<< supersymétriques >>,

partenaires des particules

ordinaires par certaines

symétries abstraites de lanature.Ces particules sont

activement recherchées

dans les accélérateurs. •

Le boson de Higgs donneraitleur masse aux particules

LA MEILLEURE DESCRIPTION ACTUELLE

DU MONDE DES PARTICULES est le Modèle

standard, qui réalise en partie l'unification de trois

des quatre interactions fondamentales, excluant la gravité.

Cependant, cette unification ne fonctionne que si les

particules n'ont pas de masse•.. Des physiciens ont proposé

une solution à ce paradoxe. Dans leur scénario, juste après

le Big Bang, les particules étaient sans masse. Lorsque

la température de l'Univers en expansion est passée

sous un seuil, un champ de force invisible baptisé« champ

de Higgs »s'est formé en même temps que le boson

de Higgs, particule qui lui est associée. L'interaction

des particules avec le champ de Higgs serait à l'origine

de l'apparition de la masse inertielle, qui mesure la

résistance à l'accélération . Le problème est que personne

n'a encore observé le boson de Higgs. Comme la théorie

ne prédit pas sa masse, les physiciens ont commencé

à explorer une gamme de masse étendue. Petit à petit,le filet se resserre et ils espèrent repérer sa trace parmi

toutes les données issues des collisions qui se déroulent

dans le grand collisionneurde hadrons du CERN, le LHC.

• Texte : Philippe Pajot

Illustrations : Paul Gendrot

, . . ..,

La gravztatzonaune intensitédérisoire

LORSQUE L'ONCALCULE l'intensité

relative des forces

entre deux protons situés

à une distance donnée, on

trouve 1pour l'interaction

nucléaire forte, 1/137 pour

l'interaction électro

magnétique, 1 0 -6

pour l'interaction nucléaire

faible et 10-39 pour

la gravitation.

Comment se fait-il alors

que la gravitation soit la

force dont la manifestation

est la plus évidenteà notre échelle ? D'une

part, les deux interactions

nucléaires sont à courte

portée : elles sont quasi

inexistantes pour des

distances plus grandes

que le diamètre d'un

noyau atomique. D'autre

part, la matière est globale

ment neutre du point de

vue électrique :la force

électromagnétique a peu

d'occasion de s'exercer

à grande distance.

La force gravitationnelle,

elle, n'es t qu'attractive et

cumulative avec la quantité

de matière. Bien qu'elle soit

la plus faible, elle mène

la danse aux grandes

échelles :nous la ressen

tons ;elle est la cause de la

forme des planèteset

desétoiles, et elle sculpte les

galaxies et leurs inter

actions dans l'Univers. •

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Zoom

8 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

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• Texte : Philippe PajotInfographie : Bruno Bourgeois

L'UNIFICATION DES FORCES

N  43 • MAl ZOl l l LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 9

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Ilavis de l'expert

<<ON CHERCHE UNE DESCRIIL'unification des lois physiques, qui vise

à décrire le monde de façon cohérente,

est loin d'être achevée. Il faudra peut-être

remettre en question des théories établies.

LARECHERCHE.Pourquoi cherche

t-onàunifier les lois de laphysique?

MARC LACHIÎ!ZE-REY. La

physique fondamentale actuelle

est bardée de succès. Pourtant,

elle repose sur une dichotomie

entre, d'un côté, la physique

quantique, qui, en simplifiant,

décrit l'infiniment petit, et, de

l'autre, la relativité générale,

qui décrit la gravitation. Le fait

que ces deux théories s'expriment

dans des formalismes différents

est insatisfaisant du point de vue

intellectuel. Mais, surtout,

ces différences impliquent

deux conceptions du monde

irréconciliables. Ainsi, en relativité

générale, on manipu le la matière

comme faite d'objets classiques,

localisés, alors qu'en physique

L'expertMarc Lachièze-Rey, directeur

de recherche au CNRS, travaille

au laboratoire astroparticules

et cosmologie à l'université Paris-VIl .

Spécialiste de cosmologie et

de gravitation, ce théoricien

s'intéresse aussi à la philosophie .

Ses derniers travaux remettent

en question les propriétés usuelles

du temps et la nature de l'espace.

10 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43

quantique la matière est

représentée par des entités,

des fonctions d'onde et des

champs quantiques, qui ne sont

pas des particules au sens

de corpuscules localisés.

Autre exemple, la relativité

générale es t incompatible avec

un temps et un espace absolus,

alors qu'en physique quant ique

on suppose que le temps est bien

défini. Ce n'est pas admissible,

car il n'y a qu'un monde !

Quelles unifications ont-elles été

réalisées?

M. L.-R. I:unification de la physique

passe par celle de ses interactions

fondamentales. Les physiciens ont

d'abord cherché une version

quantique de l'électromagnétisme.

Cette quantificat ion est apparuelorsque l'on a voulu rendre

compatibles la mécanique

quantique et la relativité

restreinte sous la forme

d'un formalisme général, baptisé

<<théorie de jauge » (un cas

particulier de théorie des champs),

et fondé sur un groupe

de symétries. Cette « électro

dynamique quantique » a connu

un grand succès à partir

des années 1920. Un peu plus tard,

en étudiant les interactions dans

les atomes et dans les noyaux,

les physiciens remarquèrent

une similitude entre certaines

interactions nucléaires et l'électro

magnétisme. Ne pourrait-on pas

quantifier aussi les interactions

nucléaires ?La bonne surprisec'est que, lorsqu'on s'est intéressé

de plus près à l'interaction

nucléaire faible, on s'est aperçu

que non seulement on arrivait à la

quantifier, de la même manière

que l'électromagnétisme,

mais que, de surcroît, on pouvait

les regrouper sous un formalisme

commun: du point de vue

de la physique fondamentale,

électromagnétisme et interaction

faible peuvent être considérés

comme deux aspects d'une même

interaction, que l'on a nommée

« électrofaible ». Celle-ci existait

sous sa forme unifiée

à une époque lointaine,

lorsque l'Univers était

très chaud; depuis elle s'est

scindée -par une brisure

de symétrie - en donnant

d'une part l'électromagnétisme

et d'autre part l'interactionfaible. Les physiciens considèrent

cette avancée théorique

et expérimentale comme une

vraie unification.

LeModèle standardde laphysique

des particules est-i lia poursuitede

cette unification?

M. L.-R. On a tenté de continuer

cette unification avec la troisième

interaction élémentaire qu'est

l'interaction nucléaire forte,ce qui a donné lieu à ce que l'on

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MARC LACHIËZE-REYcosmologiste

UNIQUE DE LA NATURE>>

appelle le Modèle standard.Malheureusement, cela ne marchepas aussi bien. Ce Modèlestandard fournit certes

un formalisme communà ces trois interactions, maisle formalisme de la théorie

des champs, qui le sous-tend, restemal justifié mathématiquement

et on a recours à quantitéd'astuces pour faire fonctionner

cette théorie. À un tel point quemême si elle donne des résultatsparfai tement vérifiés, la plupart

des physiciens considèrentque c'est une théorie effective :i l ne s'agirait pas d'une théoriefondamentale,mais d'une

manière d'exprimerune

théoriefondamentale , encore inconnue,dans nos expériences. >»

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 11

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«ON CHERCHE UNE DESCRIPTION UNIQUE DE LA NATURE»

>» Le Modèle standard serait

donc bancal?M.L.-R. Bancal, le mot est tropfort. Il permet des prédictionsextrêmement bien vérifiéespar les expériences. Disons plutôtqu'il est insatisfaisant.Le formalisme mathématique

qui le sous-tend n'est pascomplètement justifiéaujourd'hui. Surtout, il contientune vingtaine de paramètresarbitraires qui interviennent

sans qu'on ait la moindre idéed'où ils viennent, ni pourquoiils ont les valeurs qu'ils ont :les masses des particulesélémentaires ; les constantesde couplage qui définissent lesintensités respectives desinteractions. De surcroît, dans saversion actuelle, sa cohérence

décrit si bien la réalité du monde,ni

à le rendre plus unifié.Les

<<théories de grande unification»,qui cherchent à faire du Modèlestandard une théorie unifiantvéritablement les troisinteractions fondamentales, nesont pas encore bien établies.

Pour la quatrième interaction, la

gravitation, la relativité générale

est-elle la cc bonne théorie , pour

la décrire?

M.L.-R. La description de lagravitation à l'aide de la relativitégénérale a été vérifiée à maintesreprises avec une grandeprécision. Mais, si l'on chercheune nouvelle théorie unifiée, ondoit être prêt à tout remettre en

cause, y compris cette théorie :la gravitation einsteinienne n'a

requiert l'existence dufameux boson deHiggs. Or, nous

ignorons encore si cedernier existe bien.Samise en évidenceattendue grâce auxexpériences sur leGrand collisionneur dehadrons du CERN

On ignore

encorel'origine desmasses desparticules

pas été vérifiée danstous les domaines.Ainsi, pour les très

petites séparations :nous sommesincapables de fairedes mesuressuffisammentprécises pour évaluer

confirmerait que nous sommessur la bonne voie, mais ne nousaiderait guère à comprendrepourquoi le Modèle standard

l'interactiongravitationnelle qui s'exerce entredes objets massifs distants demoins de quelques micromètres.À l'échelle des galaxies, les étoiles

Entre matière et géométrie

et le gaz interstellaire semblenttourner trop rapidementpar rappor t aux prédictionsdynamiques issues de la théorie.L'argument le plus populaireaujourd'hui évoque la présencede « matière noire » invisible :un moyen de sauver les apparencesen conservant la validitéde théorie de la relativité générale

à ces échelles. Mais on peut aussivoir ce résultat comme un testnégatif de la théorie dansce régime :plutôt que la présencede matière noire, la réponseau problème serait unemodification de la relativitégénérale pour une nouvellethéorie qui, à ces échelles,donnerai t des prédictionsdifférentes . C'est le sens

Leadre actuel dans connexions . Une connexion décrive l'espace·temps et physique unifiéelequel notre physique est ce qui décrit une les interactions offre une ne distinguera plus matière

décrit les interactions interaction en théorie piste remarquable pour la et géométrie : elles sefondamentales est celui des champs. Or la relativité recherche d'unification . fondraient en une nouvelledes théories de jauge. générale décrit aussi Elle suggère le rappro· entité. Nos concepts

Celles·ci se fondent sur la géométr ie de l'espace· chement entre les deux d'espace·temps, de matière,des symétries et sur une temps par une connexion. notions de géométrie et de de rayonnement tels que

géométrie précise : celle Le fait que le même type matière. D'où l'hypothèse, nous les connaissons

des espaces fibrés et des d'objet mathématique encore assez vague, qu'une deviendront caducs.

12 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

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des approches que l'on regroupe

sous le terme de << gravité

modifiée ». Parmi les idées

explorées, certaines envisagent

la gravitation comme

une théorie émergente.

La gravitation ne serait donc pas

une loi fondamentale?

M.L.-R. Cette idée est motivée

par des réflexions sur les trous

noirs,en particulier le fait que

l'entropie d'un trou noir estproportionnelle à sa surface

et non à son volume.En 1994,

ce résultat concret a suggéré

au Néerlandais Gerard 't Hooft

sa conjecture holographique :

l'idée qu'un système physique

pourrait être décrit uniquement

du point de vue de sa surface

(comme un hologramme,qui

contient les informations

sur un objet en trois dimensions

alors qu'il n'en a que deux).Cette conjecture a pris de

l'importance après la découverte

d'une correspondance très

théorique entre un espace-temps

solution des équations de la

relativité générale et une théorie

de champ conforme à la surface

de cet espace-temps.Ce résultat

est toutefois le seul exemple

répertorié pour le moment

de la conjecture holographique.

Des physiciens se font les porte

parole de ces idées de description

thermodynamique de la

gravitation et d'holographie, etc.

C'est peut-être une mode, mais

c'est peut-être aussi un indice

vers une nouvelle manière

d'appréhender la gravitation:

la relativité générale pourrait être

« émergente » d'une théorie

plus fondamentale et encore

inconnue et l a conjectureholographique serait

la manifestation d'une propriété

L'avis de l'expert

fondamentale de la nature.

Tout cela reste spéculatif, mais

c'est une des voies originales

de la recherche d'une nouvelle

théorie fondamentale.

Comment travaillent les physi

ciens qui tentent d'unifier les

interadions fondamentales?

M.L.-R. Il est toujours utile

de se pencher sur l'histoire de

la physique. La théorie de Newton

s'est construite à parti rde la géométrie différentielle ;

la relativité générale à partir

de la géométrie riemannienne

(la géométrie des espaces

courbes) ; la physique quantique

à parti r de la géométrie des

espaces vectoriels et des espaces

d'opérateurs, liée à ce que l'on

appelle « géométrie non

commutative ». D'où l'idée qu'une

nouvelle physique passera par

une nouvelle géométrie,généralisée. Quelle géométrie ?

Peut-on la trouver dans l' arsenal

de ce que nous proposent

les mathématiciens ?

Parmi les pistes explorées,

la théorie des cordes est la plus

connue.Elle utilise des outils

mathématiques déjà éprouvés

(par exemple dans le Modèle

standard) en les généralisant

à un nombre de dimensions

plus élevé qui offrent une grande

richesse mathématique.

Les entités fondamentales

ne seraient pas des particules

ponctuelles (dimension zéro),

mais des cordes vibrantes

de dimension un .La géométrie

spatio-temporelle et la géométrie

de l'espace interne associé

aux particules seraient mêlées

dans celle d'un « fond »

géométrique, sorte d'espacetemps généralisé doté d'un grand

nombre de dimensions.

MARC LACHIÈZE-REY

Y a-t-il d'autres pistes d'uni

fication?M.L.-R. La théorie des cordes est

un courant majeur de la recherche

en physique théorique, mais

beaucoup estiment qu'elle a pris

une telle importance qu'elle

a étouffé les autres tentat ives

d'unification de la physique.

L'une d'elles se développe

néanmoins :la quantification

de la géométrie en vue d'obtenir

une« gravité quantique».Dans cette voie défrichée

notamment par Abbay Ashtekar,

de l'université de Pennsylvanie,

et Carlo Rovelli, de l'université

de la Méditerranée à Marseille,

des travaux récents ont permis

de construire des géométries

quantiques à trois dimensions.

La recherche actuelle (gravité

quantique à boucles, écumes et

réseaux de spins,etc.), très active,

tente d'établir leur dynamiquequantique. Cela constituerait un

«espace-temps quantique>>, un

état quantique gravitationnel de

l'Univers. Cette démarche fournit

déjà un support concret à

certaines idées de cosmologie

quantique tels le« pré-Big Bang,,

ou le« rebond cosmique>>. Bien

d'autres idées sont explorées : la

géométrie non commutative

d'Alain Connes,les twisteurs de

Roger Penrose, etc.Nul ne sait

encore quelle piste se révélera la

bonne, mais je suis persuadé

qu 'elle fera interveni r une

nouvelle géométrie qui

impliquera une nouvelle vision

de l'espace et de l'espace-temps.

• Propos recueillis

par Philippe Pajot

Retrouvez notre &élection

DE LIVRESET DE SITESWEB P. 76

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 13

Page 13: La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie

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Les grandes étapes de

DE LA POMME DE NEWTON AU BOSON DE HIGGS

.....1687 .....1887 .....1913 .....1932 .....1964Isaac Newton Les expériences En se fondant sur Début dela Le mécanisme

publie les Principia d'Albert Abraham les travaux d'Ernest physique nucléaire BEHHGKou

où il expose la loi Michelson et Rutherford, qui avec la découverte << de Higgs » montre

de la gravitation d'Edward Morley avait découvert du neutron par que les bosons W

universelle. montrent que le noyau atomique James Chadwick. et Z, vecteurs

.....

1831

la vitesse de la en 1911, Niels Bohr Werner Heisenberg de l'interaction

lumière dans le élabore la théorie suggère que nucléaire faible,

Michael Faraday, vide ne dépend pas quantique desle noyau d'un atome ont une masse

cherchant à de sa direction de orbites atomiques.est composé de

à condition d'être

comprendre propagation et que.....1926 protons et

en présence

<< la nature de l'éther n'existe pas.de neutrons.

du boson de Higgs.

l'électricité »,.....1899

Erwin Schrodinger

.....1964écouvre propose une formu-.....1933

l'induction électro- Max Planck lation de la théorie Arno Penzias et

introduit le quantique. En 1927,Enrico Fermi

Robert Wilsonmagnétique. Dans

les années quiconcept de quanta Werner Heisenberg présente le premier découvrent,

d'énergie qui présente, indépen- modèle de l'inter-suivent, ses travaux presque par

permet d'expliquerdamment, action faible .n ait

accident, le fondexpérimentaux le rayonnement sa formalisation. appel à un e diffus cosmolo-l'amènent à forger

le concept dedes corps noirs. Il Paul Dirac apporte particule encore gique, rayon-

pose ains i les bases sa contribution imaginaire : nement électro-champ, qui sera au

de la mécanique en1930. le neutrino. magnétique préditfondement de

toutes lesquantique. par la théorie

entreprises.....1905

du Big Bang et

par la physiqued'unification Albert Einstein des particules.ultérieures. publie la théorie

.....1865 de la relativité .....1967restreinte. Sidney Coleman et

James Clerk Il montre que Jeffrey MandulaMaxwell développe la vitesse de publient un articleune théorie du la lumière est qui va permettrechamp unifiant la même dans d'introduirel'électricité et le

t;;

tous les réfé- la supersymétrie,magnétisme, et

>rentiels inertiels. une symétrie "'

"'émontre que la Cette théorie sera entre les fermionslumière doit être étendue aux et les bosons. ffi

décrite comme un référentiels non "'

.....1968champ électro- inertiels en 1915z,;

"'magnétique se sous le no m Gabriele Veneziano 0

;;;,

propageant dans de << théorie trouve une formule 1:!=>

::;un milieu matériel de la relativité mathématique qui :I :

t;:

indéfini, l'éther. générale». décrit l'interactionu.:

19

14 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

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a recherche

nucléaire forte

entre les particules.

Ce qui permettra

à Michael Green et

John Schwarz de

développer la

théorie des cordes

en1984.

1 9 8 3 L'équipe de Carlo

Rubbia et de Simon

van der Meer, du

CERN , découvrent

expérimen

talement

les bosons W et Z,

qui transportent

l'interaction

nucléaire faible.

1 9 8 3 Mordehai Milgrom

propose la théorie

MOND (dynamique

de Newton

modifiée), adaptée

de la physique

classique et qui

permet d'expliquer

la différence entrela vitesse de la

matière dans des

galaxies spirales et

celle attendue selon

la physique

newtonienne.

1 9 8 8 À la suite des travaux

d ~ b h a y Ashtekar

sur les équations

de la théoriede la relativité

générale d'Einstein,

Lee Smolin et

Carlo Rovelli

élaborent la théorie

de la gravitation

quantique

à boucles, une

des principales

concurrentes

de la théorie

des cordes.

1 9 9 4 Le quark top est

découvertau Ferrnilab et

confirme a insi

définitivement

la théorie des

quarks élaborée

par Murray

Gell-Mann

en1964.

1 9 9 5 Edward Witten

propose la

théorieM, qui a

pour but d'unifier

les cinq théories

des supercordesen montrant

qu 'elles sont

• Bruno Scala

en réalité cinq le fonctionnement

façons de regarder des trous noirs.

la même chose. 2 0 0 8 1 9 9 8 LeGrand

Grâce aux travaux collisionneur de

de Leonard hadrons du CERN

Susskind et de (LHC) est mis

Gerard 't Hooft en service. L'un de

sur le principe ses objectifs est de

holographique, mettre en évidence

Juan Maldacena l'existence du

montre que la boson de Higgs,

théorie des cordes qui confirmeraitpermet d'expliquer l'exactitude du

en partie Modèle standard.

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 15

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Le besoin d'une cal

10milliards

d'années est l'âge approximatifque doit avoir un Universobservable : plus jeune, la vien'a pas pu apparaître ; plusvieux, elle a déjà disparu.

10500univers

existeraient selon la théorie M,qui tente de réunirdans un même cadre les quatreforces fondamentalesde la physique.

16 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOll • N' 43

47ans

se sont écoulés depuis laproposition par trois physiciensd'un mécanisme expliquantl'origine de la massedes particules élémentaires.

114gigaéledronvoltsau minimum pour la massedu boson de Higgs. C'est lalimite déterminée par toutesles expériences de physiquedes particules menées jusqu'ici.

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;e fondamentale

10·43secondeest le « emps de Planck »,la durée de vie de l'Univers

en deçà de laquelle la théorieactuelle de la gravitationest impuissante à rien décrire.

ourquoi notre Universest-il tel qu'il est? Existe-t-ilune raison fondamentaleou est-ce dû au hasard ?Certains scientifiquesrépondent à cetteinterrogation en invoquant

l'existence parallèle d'uneinfinité de mondes, chacun régi par des loisdifférentes. Notre Univers n'en seraitqu'un exemple particulier. v o i R P . 1 8 D'autresdoutent que l'on puisse un jour déterminerqu'une série de lois soit réellement la plusfondamentale. v o i R P. 22 Plus concrètement,des physiciens recherchent aujourd'hui

la dernière preuve expérimentale du Modèlestandard de la physique des particules,qui unifie les descriptions de trois des quatreforces fondamentales de l'Univers. v o i R P. 28

Et ils travaillent déjà à l'étape suivante :trouver une théorie qui inclut égalementla gravitation. v o i R P . 3 2 Plusieurs pistes

ont déjà été proposées. v o i R P. 36

> «Dieu avait-ille choix en créant l'Univers »? P.18

f ~ ~ ~ ~ ~ t ~ ~ ' . C ? . t 9 ~ ~ ~ ~ ~ E C ? . ~ ~ ~ ~ ~ ~ P l ? ~ P ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ 2 ~ f ~ ' ? . C ? ~ C ? ~ ~ ~ ! ! ! 9 9 ~ ~ ! ~ P ~ ' ! ( ~ ~ ! . ~ ' ! ' l . ~ ~ q ~ ~ ~ ~ ~ . P. 28

.. t q ~ t ? i .. ! l f ~ ~ ~ ~ i f i ~ t .. ! ~ ~ f i ? t ~ ~ ~ . . . . . . P. 32

.. ? ! ~ ~ ~ ~ C ? . t ~ ~ ~ P l ? ~ t f l ? ~ f J ~ t P ~ Y ~ i q ~ ~ · · · · · P. 36

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 17

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t,avoirt, )

«Dieu avait-ille choix

en créant l'Univers? »En posant cette question, Einstein se demandait si les particularités de

notre monde avaient une explication fondamentale. L'existence possibled'une infinité d'univers différents renouvelle aujourd'hui le débat.

elon la vision newto

nienne du monde, lecosmos fonctionne

telle une gigantesque

machine, insensible à

l'existence de la vie ou d'autre forme

de conscience. Les lois de la physi

que et les caractéristiques de l'Uni

vers ne dépendent pas du fait que

quelqu'un les observe ou non.

Une conception différente a

émergé depuis une cinquantaine

d'années.Son point d'ancrage est

que les caractéristiques de l'Uni

vers semblent très bien« ajustées ''

à notre existence.Cet ajustement,

très précis, concerne les constantes

fondamentales de la physique et

de nombreux paramètres cosmo

logiques. D'où cette idée selon

laquelle certaines caractéristiques

de l'Univers pourraient être liées à

la présence d'observateurs. Elle a

été qualifiée de << principe anthro

pique '' par le théoricien BrandonCarter, actuellement à l'Observa

toire de Paris-Meudon.

Ce principe se décline lui

même de deux grandes façons.

La première, qualifiée de «prin

cipe anthropique faible », soutient que les lois de la nature et

les constantes de la physique sont

fixées. Notre existence impose

alors des contraintes quant au

lieu et au moment depuis lesquels

nous observons l'Univers.

Pourquoi l'Univers a-t-il l'âge

qui le caractérise? L'approche

newtonienne, évoquée au début

de cet article, ne défend pas de

raison particulière. Tout a simple

ment commencé avec le Big Bang,

il y a à peine plus de 10 milliards

d'années.C'est un hasard que nous

l'observions à ce moment-là.

Mais une autre réponse à cette

question a été formulée en 1961

par Robert Dicke, de l'université de

Princeton.nnous rappelle qu'une

condition indispensable à l'appari

tion de la vie est la présence de car

bone.Celui-ci est produit à l'intérieur

des étoiles viaun processus nécessitant environ 10 milliards d'années,

période au terme de laquelle les

étoiles explosent en supernovae.

Le carbone et d'autres éléments

>Selon le« principe anthropique», notre existence impose

des contraintes sur les propriétés de l'Univers.

>Cette idée progresse chez les physiciens, de plus en plus

convaincus qu'il existerait une infinité d'univers différents.

>Nous serions alors simplement dans l'un des univers

régi par des lois physiques qui permettent l'apparition

de la vie.

18 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MA l Z011 • N' 43

Bernard carr

est professeur demathématiques et

d'astronomie à

l'université Queen

Mary de Londres.

chimiques se retrouvent alors libé

rés dans l'espace,où ils peuvent participer à la formation des planètes

et à l'apparition de lavie.

LA VIE NÉCESSITELA PRÉSENCE D'ÉTOILES

Il es t avéré, par ailleurs, que

l'Univers ne peut être beaucoup

plus vieux que 10 milliards d'an

nées, sans quoi la matière qui le

constitue se serait totalement

transformée en des vestiges

d'étoiles, tels des trous noirs, des

naines blanches ou encore des

étoiles à neutrons. Et, puisque

toute forme de vie nécessite la

présence d'étoiles, la vie peut uni

quement émerger dans un uni

vers âgé de 10 milliards d'années.

Celui-ci est nécessairement passé

par des âges différents, mais nous

n'aurions jamais pu y être.

Les tenants du principe anthro

pique« fort"•

pour leur part, vontplus loin. ils soutiennent que l' exis

tence d'observateurs pose des

contraintes sur les constantes phy

siques elles-mêmes. Bon nombre

de ces contraintes concernent les

« constantes de structure »,qui

décrivent l'intensité des quatre

interactions fondamentales de la

physique -les forces gravitation

nelle, électrique,faible et forte.

Beaucoup de physiciens ont

longtemps considéré le principeanthropique fort avec dédain,

car les raisonnements sur les

quels il était fondé étaient très

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différents de la manière dont la

physique trad itionnelle rendait

compte de la valeur des constantes.Le fait que certaines personnes

affichant des croyances religieu

ses interprètent l'ajustement des

constantes comme une preuve de

l'existence d'un Créateur a sans

doute renforcé cette méfiance.

Toutefois, depuis une dizaine

d'années,le principe anthropique

dans son sens général-est devenu

plus populaire et mieux accepté.Ce

n'est pas tant parce que les argu

ments sont rad icalement diffé

rents. Le changement d'attitude

vient plutôt du fait que les cosme

logistes en sont venus à réaliser

que notre Univers ne pourrait être

qu'un exemple particulier d'un

vaste ensemble d'univers « parallèles ", formant ainsi un « mul

tivers ". Les mécanismes qui ont

donné naissance à notre Univers

auraient en effet très bien pu en

générer de multiples autres.

Les hypothèses relatives au

multivers n'ont pas été formulées

pour expliquer les ajustements

découlant du principe anthro

pique.nn'empêche que les deux

concepts semblent à présent inti

mement liés. L'existence possible

d'une multitude d'univers sou

lève la question de savoir pour

quoi nous vivons dans celui-ci

plutôt que dans un autre.Un vaste

ensemble d'univers autorise

toutes les possibilités et toutes lescombinaisons des constantes phy

siques :autre part, et uniquement

par hasard, celles-ci pourraient

très bien permettre l'apparition

de la vie. On peut aussi facilement

concéder que notre propre exis

tence induise des contraintes sur

l'Univers que nous observons.

Par ailleurs, force a été de consta

te r que le concept même d'uni

vers multiples réduit le principe

anthropique fort à un aspect du

principe anthropique faible. Rien

que pour cela, bon nombre de phy

siciens pourraient considérer >»

N• 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 19

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6 a v o i r 6cc Dieu avait-ille choixen créant l'Univers? n

»>l'existence du multiverscomme l'explication la plus natu

relle à l'ajustement des constantes.

Car, s'il n'existe qu'un seul uni

vers, cet ajustement pourrait être

invoqué pour justifier l'existence

d'un« ajusteur >>c'est-à-dire d'une

divinité qui en soit l'origine. Cest

pourquoi le multivers a été décrit

comme « la dernière solution de

l'athée désespéré».

LES CONSTANTESPHYSIQUES ET LE HASARD

Afin d'évaluer l'interprétation

du principe anthropique via l' exis

tence du multivers, une question

essentielle es t de savoir si les

valeurs des constantes dépendent

des caractéristiques aléatoires de

l'Univers ou si ces valeurs peuvent

être prédites par une théorie phy

sique fondamentale .Ce problème

est étroitement lié à une célè

bre question posée par Einstein:

<< Dieu avait-ille choix lorsqu'il a

créé l'Univers ? »

Sila réponse est négative,le prin

cipe anthropique n 'a plus aucun

fondement et l'ajustement des

constantes relève d'une pure coïn

cidence. Si elle est positive, en

revanche, le principe anthropique

devient pertinent . Ce que nous

appelons << es lois de la nature »

devraient alors être considéréescomme autant de phénomènes

locaux. Et les tentatives visant à

prédire la valeur des constantes

seraient aussi << désespérées » que

celle de l'astronome Johannes

Kepler qui cherchait à prédire

l'espacement des planètes en se

fondant sur les propriétés géo

métriques de quelques polyèdres.

Ce projet n'avait aucune chance

d'aboutir,car il était fondé sur des

présupposés faux.Certes, la plupart des scientifi

ques préféreraient que les constan

tes soient déterminées par une

physique plus fondamentale. Maisdans quelle mesure cela serait-il

possible? Actuellement, l'un des

meilleurs candidats pour une théo

rie physique fondamentale est

la théorie M, formulée il y a une

quinzaine d'années. Cette théo

rie implique l'existence de onze

dimensions, où les quatre dimen

sions de l'espace-temps auxquelles

nous sommes habitués émergent

du repliement sur elles-mêmes des

dimensions supplémentaires (lire<< Théories des cordes : quatre rai

sons d'un succès»,p.40).

Contrairement au Modèle stan

dard de la physique des particules•,

qui n'englobe pas la force de gra

vité et qui contient près d'un e

trentaine de paramètres libres,

la théorie M avait suscité l'espoir

de pouvoir prédire la valeur des

constantes, avec pour seul postu

lat l'existence de ces onze dimen

sions. Mais des travaux récents

suggèrent que le nombre de solu

tions aux équations de la théo

rie M est en réalité considérable,

dépassant le chiffre astronomique

20 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

de 10 soo ! Ces solutions correspon

dent à des états énergétiques pos

sibles du vide quantique•, qui for

meraient, selon Leonard Susskind,

de l'université Stanford,un<< pay

sage cosmique » incommensura

blement vaste e t varié.

Une caractéristique impor-

tante de ces états énergétiques

est qu'ils sont associés à un para

mètre qualifié de << constante

cosmologique». Cette constante,

notée << A», avait été introduite en

1916 par Einstein dans ses équa

tions de la relativité. Elle per

mettait de décrire un modèlecosmologique statique, immua

ble, conformément aux connais

sances de l'époque. Mais Einstein

s'est vu contraint de rejeter cette

possibilité après la découverte,

une quinzaine d'années plus tard,

de l'expansion de l'Univers.

Pendant des décennies, les cos

mologistes estimaient ainsi que la

constante Apossédait une valeur

nulle, sans toutefois comprendre

exactement pourquoi. Des phénomènes quantiques semblaient

en effet conduire àune valeur non

nulle - et même très grande - de

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la constante A, même si les phy

siciens ne savaient pas comment

la calculer de manière formelle.

Mais la découverte,en1998, du fait

que l'expansion de l'Univers était

soumise à un mouvement accéléré a changé la donne.Cette accé

lération serait due à l'influence

d'une constante cosmologique

possédant une valeur 10 '20 fois

plus petite que celle prédite par la

mécanique quantique !

UNE VALEUR ÉLOIGNÉE

DE LA MOYENNE

Dans le cadre du paysage

cosmique et pour chaque univers

différent, la constante A devrait

prendre n'importe quelle valeur

comprise entre deux bornes, deux

nombres très grands, l'un positif,

l'autre négatif. Or la valeur obser

vée dans notre Univers est très

éloignée de lavaleur moyenne. Elle

se révèle ainsi, d'un point de vue

statistique, étonnamment petite.

Comme le Prix Nobel de

physique de 1979, Steven

Weinberg, l'a remarqué, la valeurde la constante A est contrainte

par le principe anthropique, car

les galaxies (et donc la vie) ne

pourraient exister si cette valeur

était beaucoup plus importante.

L'application de considérations

anthropiques à un multivers

possédant une large gamme

de valeurs pour la constante A

implique que la valeur que nous

observons dans notre Univers soit

nécessairementplus petite que lavaleur moyenne. Que cela nous

plaise ou non, le concept de pay

sage cosmique vient ainsi renfor

cer le principe anthropique.

Est-ce à dire que les caracté

ristiques de notre Univers

doivent être considérées comme

<< atypiques » ? Les tenants du

principe anthropique soutien-

nent que oui, en estimant que des

formes de vie similaires à la nôtre

ne sont susceptibles d'émerger

que dans une gamme restreinte

d'univers . D'autres formes de

vie seraient possibles au sein

)

LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE

*Le Modèlestandard dela physiquedécrit l'ensembledes particulesélémentaires ainsique les trois forces-électromagnétique,forte et faible-qui régissentleurs interactions.*Le videquantiquecorrespond à un étatoù l'énergie est laplus basse possible.

*La secondprincipede la thermodynamiqueétablit l'irréversibilitédes phénomènes

physiques,lors des échangesthermiquesen particulier.

Cet article est laversionrevue et co rrigéepar son auteur du texteparu dans le n"433de La Recherche.

Temps

d'une gamme un peu plus large,

mais la vie ne pourrait pas appa

raître n'importe où.

En se fondant sur les principes

coperniciens, Lee Smolin, de l'insti

tu t Perimeter, au Canada, pense,aucontraire, que la majorité des uni

vers possèdent des propriétés sem

blables au nôtre, qui, ainsi, devrait

être considéré comme typique du

multivers. Selon ce théoricien, les

constantes physiques auraient

évolué jusqu'à prendre les valeurs

qu'on leur connaît actuellement,

au travers d'un processus appa

renté aux mutations et à la sélec

tion naturelle.Dans le cadre de ce

scénario, la présence de vie joue

rait un rôle totalement accessoire

et il n'y aurait pas de contraintes

de nature anthropique.

Si on lui préfère l'idée d'un ajus

tement lié à la présence d'obser

vateurs dans le multivers, l'inter

prétation du principe anthropique

n'en demeure pas moins problé

matique. Par quels mécanismes les

ajustements sont-ils déterminés?

Autrement dit, qu'est ce qui définitun observateur? Un seuil d'intelli

gence minimale est-il nécessaire?

Précisons ici que même si le mot

grec anthropos désigne bien l'être

humain, les arguments développés

dans le cadre des recherches sur

DES PARTICULESÉLÉMENTAIRES, tels les quarks, aux formesde vie les plus évoluées, des structures de plus en plus corn·plexes sont apparues au cours de l'histoire de l'Univers.Celui-ci obéirait plutôt à un<< principe de complexité>> qu'àun<< principe anthropique».

le principe anthropique n'ont pas

grand-chose à voir avec les êtres

humains en particulier. Brandon

Carter a lui-même admis que le

choix de ce terme n'était pas heu

reux. Les arguments anthropiquesne mettent pas nécessairement l'ac

cent sur le statut des êtres humains,

et ils n'ont pas vocation à confor

ter l'idée religieuse selon laquelle

l'Univers aurait été créé pour e seul

bénéfice des hommes.

L'ORGANISATION

AUGMENTE DANS L'UNIVERS

n serait plus raisonnable d'as

socier les contraintes de nature

anthropique à ce que le physi

cien Paul Davies, de l'université de

l ~ z o n a , qualifie de << principe de

vie». Jusqu'à une période récente,

la science envisageait l'existence

de la vie comme quelque chose

d'accessoire, plutôt que comme

une caractéristique fondamen-

tale de notre Univers. Au cours du

xrx• siècle,la second principe de la

thermodynamique•a par exemple

été utilisée pour affirmer que l'Univers subissait une<< mort lente»,

dès lors que la vie et toutes autres

formes d'organisation se détério

reraient, inexorablement.

Mais les progrès de la cosmo

logie ont conduit à une appro

che inverse. Selon la théorie du

Big Bang, en effet, l'histoire de

l'Univers révèle un degré d'or

ganisation croissant, plutôt que

décroissant. Ce que la physique

moderne est capable d'expliquersans enfreindre le second principe

de la thermodynamique.

La hiérarchie qui résulte de cette

histoire est parfois qualifiée de

<<pyramide de la complexité» [fig.1].

À mon sens, cette pyramide n'a pu

se former qu'en raison du principe

anthropique qui, partant, devrait

plutôt être interprété comme un

<<principe de complexité». La pré

sence d'observateurs deviendrait

alors accessoire, l'existence de

conscience reflétant juste une

forme particulière de complexité

au sommet de la pyramide.•

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La nature s'organise cornLa recherche de lois vraiment fondamentales de la nature est vouéeà l'échec, selon les tenants de la vision cc émergente >>du monde.Pour eux, aucun niveau d'explication n'est plus important que les autres.

E

mars 2005, Robert

Laughlin, Prix Nobel

1998 pour ses travaux

de physique de la

matière condensée, a

lancé un débat passionné, décisifpour notre compréhension du

monde, qui ne cesse de s'amplifier

dans la communauté scientifique.

Dans un livre intitulé Un Univers

différent (Fayard, 2005), il soutient

que toutes les lois de la nature sont

''émergentes».Elles résultent d'un

comportement d'ensemble et sont

pratiquement indépendantes de

celles qui régissent les processus

individuels sous-jacents.

J:affirmation de Lau ghlin paraît

défier le bon sens, parce que si l'on

admet que des lois sont « émer

gentes», il faut bien qu'il y ait un

niveau d'organisation inférieur

d'où elles émergent. Et que, sauf à

amorcer une régression à l'infini,

on doit tenir l'un de ces niveaux

pour ultime et fondamental, les

lois qui le régissent ne pouvant

plus émerger de rien d'autre.

La thèse de Laughlin s'oppose enpremière analyse à une doctrine

née avec le projet de rationaliser la

connaissance :le réductionnisme. Le

réductionnisme consiste à rendre

compte de la grande variété des

phénomènes naturels par un petit

nombre d'entités« élémentaires>>

et de lois« fondamentales>> [fig.1].

Son but, annonçait le physicien

français Jean Perrin au début duxx•siècle, est d'" expliquer du visi-

ble compliqué par du visible simple»,

faisant de la simplicité une mar

que de vérité. !:atomisme grec de

l'Antiquité, fondé par Leucippe et

Démocrite, comptait déjà parmi

ses succès d'expliquer les phéno

mènes de raréfaction (état gazeux)

et de condensation (états liquide ou

solide), en admettant que la matière

soit faite de corpuscules séparés par

des distances plus ou moins grandes

dans le vide. Les propriétés visibles

de la matière étaient ainsi« rédui

tes >> à celles des atomes.

Mais ce n'était là qu'une esquisse.

Au XIX•siècle,un atomisme rénové

s'est montré capable d'unifier un

domaine plus vaste de phéno-

mènes chimiques et physiques.

Il a été utilisé en 1808 par l'An

glais John Dalton pour expliquer

que les substances chimiques secombinent en proportion variant

de manière discontinue.

Puis il a permis, à partir de 1850,

d'interpréter les phénomènes

>Pour certains physiciens, les lois de la nature sont indépen

dantes de celles qui régissent les processus sous-jacents.

>Ils appuient leur thèse notamment sur le fait que des parti

cules au comportement individuel aléatoire ont des compor

tements collectifs déterministes.>Cette vision interdit de considérer un ensemble de lois

comme réellement fondamental.

22 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE jMAl 2011 • N' 43

Michel Bitbolest philosophede la physiqueau Centrede recherche

en épistémologie

appliquée.

*La thermodynamiquese définit commela science

du rapport entre

la chaleur stockéeou échangéepar un systèmeet le travail des

forces exercées

sur lui.

thermodynamiques• comme

la pression des gaz ou le trans

fert de chaleur entre les corps.

Cette interprétation supposait

que la pression et la température

reflètent le comportement statistique d'une immense popu

lation de molécules, individuel

lement soumises aux lois de la

mécanique classique. Les succès

spectaculaires de l'atomisme se

révélaient pourtant ambivalents

pour la doctrine réductionniste.

Car ils faisaient ressortir la dis

tance entre une physico-chimie

atomiste et certains phénomènes

naturels comme la vie.

LA VIE CONTRE

LES PRINCIPES PHYSIQUES

Les êtres vivants apparaissaient

en effet défier les lois de la phy

sique, en particulier celles de la

thermodynamique.Leur compor

tement intentionnel, dirigé vers

un but, n'est-il pas étranger aux

lois causales ? Et leur développe

ment, qui les porte à une orga

nisation croissante, ne semblet-il pas en contradiction avec le

second principe de la thermo-

dynamique, qui impose aux sys

tèmes physiques une tendance à

l'ordre décroissant?

Au moins était-il clair que rien

n 'aurait permis d'anticiper les

phénomènes biologiques à partir

des seules lois physico-chimiques

connues. Mais si la stricte réduc

tion du vivant à la physique appa

raissait hors de portée, fallait-ilfaire intervenir un « principe

vital >> ? Refusant ce dilemme,

un groupe de biologistes et de

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LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE

e les poupées russes

philosophes britanniques pro

posa, autour des années 1920,

une << voie moyenne , entre le

réductionnisme et le vitalisme.

Cette voie neuve à l'époque n'était

autre que l'émergence, ici appli

quée aux êtres vivants. Tout en

posant que rien d'autre qu'une

base physico-chimique d'atomes

n'intervient dans le domaine

biologique, les émergentistes

britanniques soulignaient que

des systèmes complexes de rela

tions entre éléments de cette

base sont susceptibles de faire

surgir des propriétés et des lois

inédites.Les lois qui caractérisent

la vie ; et aussi des lois macro

scopiques intermédiaires, comme

celles qui régissent les fluides et

les solides. Cela était rendu vrai

semblable par l'idée d'une non

linéarité des processus complexes,

résumée dans le slogan : »>

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6 a v o i r 6 ) .

La nature s'organisecomme les poupées russes

»> " Le tout est plus que lasomme des parties. " Du vieux

projet réductionniste on préservait ainsi le pouvoir unificateur,en accordant que le seul fondement du monde est constitué parles atomes et les loisde la physiquemicroscopique. Mais on atténuai tson pouvoir explicatif, puisqu'ondevait admettre l'impossibilitéde prédire, voire de déduire, lespropriétés et lois émergentes à

partir des propriétés et des loissous-jacentes.

CAPACITÉS MATHÉMATIQUES

INSUFFISANTES?

Le statut des propriétés et loisémergentes ne s'en trouvait pasélucidé pour autant. Si c'est en

principe qu'elles ne sont pas dérivables du niveau« élémentaire "•

alors il faut leur attribuer une

autonomie réelle par rapport àce dernier. Si c'est seulement en

raison de nos moyens mathématiques imparfaits qu'on ne parvient pas à les déduire (sauf àfaire appel à des techniques desimulations pas à pas par ordinateur), et qu'elles nous semblent àcause de cela inattendues, les propriétés et lois émergentes ne sontque des épiphénomènes. Dansle premier cas, on reconnaît aux

La « renormalisation »

propriétés et lois émergentes uneforme d'existence absolue (autantqu'aux propriétés et lois << élémentaires»). Dans le second cas,on ne leur concède qu'une formed'existence relative à nos moyensmathématiques.

Vers la même époque, autourde 1920, une réflexion sur les succès du réductionnisme en physique suscitait, paradoxalement,des doutes sur la possibilité de

savoir à quoi les phénomènes sontréduits. Évaluons la démarche dela physique statistique sans préjugé, demandent les physiciensautrichiens Franz Exner et ErwinSchrëidinger, et le mathématicienfrançais Émile Borel. À premièrevue, celle-ci repose sur la conviction que le mouvement des molécules obéit à des lois détermi-

nistes : celles de la mécanique

newtonienne, qui régit égalementle mouvement des corps matérielsmacroscopiques.

Mais on pourrait parfaitementse dispenser de cet acte de foi.En effet, tout ce que montre la

physique statistique, c'est queles lois de la thermodynamiquesont réductibles au comportementdésordonné de myriades de molécules. Qu'on suppose ou non ces

molécules régies individuellement

par des lois déterministes n'a

guère d'importance : a seule chosequi compte pour retrouver les loisde la thermodynamique macroscopique, ce sont les distributions

statistiques, qui pourraient aussibien résulter de processus microscopiques aléatoires.À la fin des années 1920, l'avè

nement de la mécanique quantique a montré le bien-fondé dece scepticisme. On a désormaisde bonnes raisons d'admettre

que non seulement les lois de lathermodynamique, mais aussiles lois de la mécanique classiqueelles-mêmes émergent des lois

quantiques.Or, les lois quantiquessont caractérisées par une formed'indéterminisme microscopique.Il suffit de penser aux relationsd'" incertitude " de Heisenberg•,ou au fait que les états quantiques ne permettent d'évaluer queles probabilités des valeurs desvariables qu'on mesure.

PLUSIEURS ENSEMBLES

DE LOIS ÉLÉMENTAIRES

Une leçon plus générale ressort de là: il y a une multiplicitéde lois élémentaires pouvant servir de base aux lois émergentes.Autrement dit, les lois émergentessont« multiréalisables »,ou« survenantes».Cela impose une cloisonétanche entre les divers niveauxde

lois, puisque la connaissance deslois émergentes ne renseigne presque pas sur les lois élémentaires.

La probabilité pour qu'une particule, interagissant avec d'autres ou

avec elle-même, aille d'un point à un autre se calcule en sommant,au

moyen d'une intégrale, toutes les potentialités pour cette particuleet pour les médiatrices d'interaction de se déplacer, d'être créées ou

annihilées. Cependant, au fur et à mesure que les itinéraires poten-

tiels des médiateurs d'interaction deviennent plus foisonnants en

événements de création-annihilation, l'énergie qu'ils portent aug-

mente, les intégrales divergent et on aboutit à des énergies, des

masses ou des charges infinies.

vers l'infini. Certaines de ces quantités auxiliaires sont appelées«masses nues» des particules sources de champs; on peut en effet

les assimileraux masses qu'auraient les particules dans la situationimaginaire où elles n'interagiraient pas avec elles-mêmes.

La stratégieemployée à partir des années 1940 pourévitercesvaleursinfinies est une technique mathématique appelée la« renormalisa-

tion». Elle consiste à compenser les quantités tendant vers l'infini en

les soustrayant de quantités auxiliaires qui tendent parallèlement

24 o LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 o N' 43

À a surprise de bien des physiciens, cettecurieuse méthode aabouti

à des prévisions admirablementcorroborées par l'expérience. Ainsi,

en 1947-1948, elle permit de rendre compte très précisément d'uneanomaliedu spectrede l'hydrogène appelée le« décalage de Lamb».

Elle est également devenue un guide pour la construction de nou-

velles branches de la théorie quantique des champs, comme la théo-

rie unifiée électrofaible formulée au tournant des années 1970, qui

a valu le prix Nobel1979 à ses créateurs Steven Weinberg, Seldon

Glashow etAbd us Salam.

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Durant les années 1980, StephenWolfram et d'autres spécialistesdesimulation de systèmes complexessur ordinateur ont porté ce constatà son comble. Ils sont parvenus àmontrer que les lois macroscopiques de l'hydrodynamique ou de

la thermodynamique, qu'on suppose fondées sur les lois microsco

piques de la mécanique classiqueou quantique, peuvent aussi bienémerger d'une base beaucoup plussimple. La base de substitution

choisie est un modèle d' << automates cellulaires »,fait d'une grillede << cellules » pouvant se trouverdans un nombre fini d'états (parexemple o ou 1) et changeant

d'état en fonction de l'état descellules voisines [fig. 2] .

Il ressort de cet itinéraire depensée que les lois émergen-

tes sont dans une large mesuredécouplées de leur base présumée.Les lois émergentes restent stables

LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE

*Les relationsd'incertitudede Heisenbergindiquentnotammentque la précisionavec laquelle on

connaît la pos itiond'une particuleest inversementproportionnelleà celle sur sonimpulsion .

sous des variations considérablesde leur base. On dit qu'elles sont<< protégées » des vicissitudes decette base. Ce concept de protection des lois émergentes vis-àvis de la base est crucial. Il a servide guide aux auteurs, comme

Laughlin, qui soutiennent que

les lois dites << fondamentales >>,

celles qu 'on suppose pourtant

servir de base à toutes les autres(telles les lois de la gravitationet de l'électromagnétisme), sontaussi émergentes.

La protection des lois émer-

gentes vis-à-vis du détail de cequi se passe au niveau sous-jacentpermet d'expliquer plusieurs particularités surprenantes des lois fondamentales. Elle explique d'abord

leur remarquable exactitude. Unemoyenne sur un nombre astronomique de processus désordonnésaboutit en effet inévitablementà un comportement global lisse

et ordonné. C'est ce que Laughlinappelle la <<perfection émergeantde l'imperfection ». La protectionexplique ensuite les analogiesformelles entre certaines lois de

la matière condensée que l'on tientpour émergentes, et des lois de lamatière élémentaire qu'on suppose<<fondamentales» . Ainsi, l'analogie entre les << phonons »,modesquantifiés de vibration portés parle réseau d'atomes d'un cristal, etles<< photons», quanta d'énergieélectromagnétique supposés <<fondamentaux ».Ou bien l'analogieentre les trous dans les bandes

de valence de semi-conducteurs,qui se comportent comme desélectrons de charge positive, et lespositrons ou anti-électrons << ondamentaux » de Dirac.

THÉORIE QUANTIQUEDES CHAMPS ET ÉMERGENCE

La rigueur de ces analogies,dont la liste est loin d'être limitative, se révèle tellement remarquable qu'on peut difficilement

croire qu'elle ne traduit pas uneidentité de principe. Une identiténon pas dans le détail des processus sous-jacents, bien sûr ; maisdans la simple circonstance qu'ily a des processus sous-jacents,dont la résultante se manifeste

de manière constante au niveauémergent.

La thèse audacieuse du caractère émergent des lois de la naturea été confortée, ces vingt dernièresannées, par une connaissance

mieux assurée de l'une des théories physiques réputées les plusfondamentales : la théorie quantique des champs. Elle unifie la

théorie quantique et la théoriede la relativité restreinte, et rendraison avec une précision inouïedes interactions entre particules<<élémentaires ». À sa naissance,dans les années 1930, elle a pour

tant manifesté un grave défaut :l'apparition de termes infinis lorsdu calcul de l'auto-interaction desparticules jouant le rôle de sources de champs (par exemple, >»

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6 a v o i r 6La nature s'organisecomme les poupées russes

>» lors du calcUl de l'interactionde chaque électron avec le champélectromagnétique émis par luimême). Une correction mathématique de ce défaut a donc été miseau point vers la fin des années

1940 sous le nom de « renormalisation » (lire « La renormalisation>> , p. 24) .

PAS DE THÉORIE VRAIMENT

FONDAMENTALE

Mais quel rapport peut bien

avoir la renormalisation, présentée au départ comme un simpleartifice de calcul, avec la questionconceptuelle de l'émergence deslois de la physique? Pour le comprendre, il faut être attentif à l'évolution récente des techniques derenormalisation.Àmesure de leurprogrès, on s'est mis à prendre ausérieux les seuils d'énergie qu'onse contentait jusque-là de fairetendre vers l'infini. Ne se peut-ilpas que ces seuils, maintenus àune valeur finie, aient le sens delimites effectives de validité dela théorie? Ne séparent-ils pasle domaine à basse énergie, où lathéorie est valide,d'un domaine àhaute énergie encore inexploré ?

S'il en va ainsi, on peut considérer le domaine à basse énergiecomme un niveau d'organisation

émergent: un niveau de constituants et de lois portéparunniveaud'organisation sous-jacent à hauteénergie dont il est partiellementindépendant , c'est-à-dire dont ilest « protégé >>. Cette hiérarchiede niveaux a des réalisations théoriques bien connues. Supposonsqu'on prenne la théorie quantiquedes champs standard pour base.En fixant un seuil d'énergie finiappelé« énergie de coupure>>, on

sait construire à partir d'elle des« théories de champs effectifs >>

représentant un ensemble de loisémergentes approximatives. Parextension, il est tentant d'admettre que la théorie quantique deschamps standard, qui peut aussifaire appel à des énergies de coupure dans ses procédés de renormalisation,représente elle-mêmeun système de lois physiques

émergentes. Mais cette fois leslois émergentes d 'un niveau sousjacent encore indéterminé.

Aucune théorie fondamentalene serait alors vraiment fondamentale. Toutes les lois acceptées à l'heure actuelle seraientémergentes. Deux conceptionsdu futur s'opposent à partir de là.La première, inspirée par le programme réductionniste, consisteà croire qu'on finira par édifier

Cet article est la versionrevue et corrigée

parson auteur du texteparu dans le n  405de La Recherche.

L'ÉVOLUTION DE CET AUTOMATE CELLULAIRE repose sur une règle simple: chaque cellule cubique estcolorée si, à l'étape précédente, exactement deux de ses 26 voisins (par les faces, les arêtes et les som·mets) sont colorés. Ce type de dispositif permet de retrouver un grand nombre de comportements obser·vés dans la nature. Les règles utilisées sont-elles pour autant des lois fondamentales?

. 26 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N  43

une théorie unifiée fondamentale,qu'on identifiera les particulesélémentaires dont tout le resteest fait, qu'on parviendra à énoncer des lois ultimes de la nature .

Peut-être les lois de la théoriedes supercordes, de la gravitationquantique à boucles ou de l'unede ses héritières.

La seconde conception envisageau contraire la possibilité qu'iln'yait aucun niveau fondamental àatteindre,ni lois ultimes à formu-1er ni éléments au sens strict ;quetous les niveaux soient émergents,que la structure de toutes les loisdérive de leur << protection » vis

à-vis d'un milieu sous-jacent, etque les particules de n'importequel type soient décomposablesà condition d'accélérer suffisamment les particules qui serventà les sonder. La première optiona pour elle le bon sens et l'héritage de la pensée atomiste, maisc'est à elle que revient la chargede la preuve. La seconde optionest vertigineuse, mais elle peut seprévaloir du simple fait de l'inachèvement persistant de la physique, de son allure de « poupéesrusses >> imbriquées et indéfiniment hiérarchisées.

DEUX COMMUNAUTÉS

DE PHYSICIENS S'OPPOSENT

Au-delà de leur valeur intrinsèque, ces deux options on t

aussi un grand pouvoir polémique en raison de l'appui que cha

cune d'entre elles apporte auxdemandes de fonds (publics ouprivés) de deux communautés dis tinctes de physiciens. La premièreoption conforte les intérêts professionnels des spécialistes dephysique des particules et deshautes énergies. Car les créditspublics gigantesques consacrésà leur discipline sont justifiés parle caractère supposé plus fondamental, plus élémentaire et plus

« ultime >> de son objet, à partirduquel on pense pouvoir reconstruire tout le reste. Au contraire,la seconde option sert les intérêts

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de la communauté des spécia

listes de physique macroscopi

que de la matière condensée,

dont fait partie Laughlin.

Car s'il n'existe ni vrai fon

dement ni entités authenti

quement élémentaires, les

études menées à un niveau

intermédiaire ont exactement

autant d'importance que cel

les qui concernent le niveau

tenu {à l'heure actuelle) pour

fondamental.

Pour ma part,je vais choisir

mon camp dans ce débat brû

lant, en concentrant mon

attention sur la secondeoption. Ce choix-là n'est lié à

aucun intérê t professionnel

de physicien, mais à un

désir de philosophe : celui de

mieux comprendre une pos

sibilité intellectuelle inédite.

J'essaierai donc de défendre

l'option du << sans fond » contre

deux objections.

UNIFIER LES LOIS

RESTE POSSIBLE

La première objection cou

ramment faite à l'option d'une

cascade de lois sans fonde

ment est qu'elle annule tout

le bénéfice historique des

approches réductionnistes.

Mais, en vérité, il n'en va pas

ainsi. La possibilité d'unifier

un grand nombre de lois en

les considérant comme por

tées par une même « base » est

préservée ici. Car elle est indif

férente au caractère« ultime »

ou non des lois de cette base,

et au statut «élémentaire » ou

non de ses constituants.

Loption du « sans fond »

a même un avantage sur ce

point.En elle,la question de la

base ne se pose plus en termes

d'existence, mais en termes

de méthode. On n'a plus à se

préoccuper de ce qu'est la baseultime et réelle (ce qui a toutes

les chances de rester indéci

dable), mais seulement de

savoir quelle représentat ion

d'une base intermédiaire

remplit le mieux sa fonction

unificatrice. Les démarches

de la réduction et de l'émer

gence des lois sont ainsi

rendues coopératives dans

une dynamique de recher

che, plutôt que conflictuelles

dans une prise de position

dogmatique.

La seconde objection contre

la thèse des lois toutes émer

gentes est aussi la plus lan

cinante . C'est celle, sou

vent évoquée, du bon sens :

comment l'édifice du monde

peut-il tenir sans fonda tions légales absolues, et

sans « briques » ultimes? La

réponse est déjà contenue,

pour qui sait la lire, dans le

détail de la thèse des lois émer

gentes.Elle revient à transfor

mer, une fois encore,les ques

tions d'existence en questions

de méthode. Selon la thèse des

lois émergentes, ne l'oublions

pas, il n'y a même plus lieu

d'opposer un niveau de base,absolu, à des niveaux supé

rieurs, relatifs et épiphénomé

naux. Car toutes les détermi

nations et toutes les lois sont

relatives à des moyens d'accès

expérimental ou àun domaine

d'énergie exploré.

En allant au bout de ce juge

ment, dire qu'on peut trou

ver pour n'importe quelle loi

une base d'où elle émerge ne

signifie pas que la nature est

un puits sans fond dans l'ab

solu. Cela signifie seulement :

(a) que le cours des recher

ches relativement auxquel

les chaque niveau d'organi

sation est défini n 'a pas de

point d'arrêt prévisible; et {b)

que cela n'a de toute manière

pas de sens de parler de la

nature indépendamment

des recherches qu 'on peut yconduire. Ici, le seul « fonde

ment »,d'ailleurs mobile, de

l'édifice légal des sciences est

la pratique de la recherche. •

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FRANÇOIS ENGLERT

« Le boson de Higgs, laparticule manquante»Plusieurs milliers de physiciens guettent aujourd'hui sa formationdans le Grand collisionneur du CERN. Pourquoi le « boson scalaire >>

est-il devenu la clé de voûte de la physique des particules ?

LA RECHERCHE. Le principal objectif du LHC estl'observation d'une particule dont vous êtes le

co-inventeur. En quoi cette particule est-elle si

importante pour les physiciens?

FRANÇOIS ENGLERT. rhypothèse de son existence est ancienne. Elle a été proposée dans lesannées 1960 par Robert Brout et moi-même, puispe u après, et indépendamment, par le physicien écossais Peter Higgs, dans le contexte d'un

mécanisme permettant d'unifier dans un même

schème théorique des phénomènes apparem-ment distincts. La particule est souvent dénommée « boson de Higgs » - en référence à ce dernier - et aussi << boson scalaire BSS » (BSS pour

brisure spontanée de symétrie) - en anglais SBS

scalar boson. Cette particule a une grande importance pour la physique, car elle est au confluentde plusieurs enjeux concernant la compréhension des lois régissant la structure de la matière.D'abord, le mécanisme permettrai t, s'il étai t pleinement vérifié, d'unifier des forces qui peuventagir à très grande distance à d'autres uniquement

perceptibles à l'échelle subatomique et induiraitainsi une vision plus unifiée des lois de la nature.Ensuite il permettrait de répondre à une question,apparemment simple, mais toujours inexpliquée :comment les particules élémentaires acquièrent-

FrançoisEnglertest professeur

de physique

à l'Université libre

de Bruxelles .

>Dans les années 1960, les physiciens veulent décrire

l'interaction nucléaire faible par analogie avec la force

électromagnétique .

>Ils y parviennent en imaginant l'existence d'une particule

massive, qui donnerait leur masse à toutes les autres.>Si le Grand collisionneurde hadrons du CERN ne l'observe pas,

il faudra corriger le Modèle standard de la physique.

28 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

elles la masse qui les caractérise ? Enfin, la particule, dont la détection confirmerait la validitédu mécanisme, est aussi la pièce manquante duModèle standard de la physique des particules -cette théorie qui décrit l'ensemble des particulesélémentaires connues et les forces qui les relient.Sa découverte constituerait ainsi le parachèvementd'un vaste corpus de résultats théoriques et expérimentaux obtenus depuis des décennies dans plusieurs grandes branches de la physique.

Quel cheminement vous a conduit à ce domaine?P. E. J'ai effectué des études d 'ingénieur avantde me consacrer à la physique théorique et decommencer, au milieu des années 1950, une thèsede doctorat en mécanique statistique à l'Université libre de Bruxelles. Durant cette période, j'aitravaillé sous la direction du physicien françaisPierre Aigrain*.C'est lui qui,après ma soutenancede thèse,m'a recommandé auprès de Robert Brout,jeune professeur à l'université Cornell, aux ÉtatsUnis, qui cherchait un collaborateur. En 1959, jel'ai donc rejoint pour continuer à travailler dans le

domaine de la mécanique statistique. Mais, peu àpeu, nous avons bifurqué vers un autre domaine :la<< théorie des champs »,qui applique les conceptsde la physique quant ique aux particules élémentaires.Selon cette théorie, les particules sont transportées par des << champs » qui transmettent desforces à d'autres particules.Un revirement dans vos activités de recherche ..

P. E. Ce n'est pas un revirement. Robert Brout etmoi considérons la physique comme une tentatived'intelligibilité rationnelle de l'Univers quine sauraitêtre cloisonnée en domaines séparés. En fait, c'estde notre expérience en mécanique statistique quesont nés une intuition et, ensuite, l'espoirde résoudreun problème majeur qui préoccupait les physiciensde l'époque. Pour le comprendre, rappelons que l'on

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interactions fondamentales : es for

s électromagnétiques, propres aux phénomènes

, magnétiques et lumineux; les forces

, qui décrivent l'attraction univer

; les interactions « fortes », respones de la cohésion des noyaux atomiques ;et les

<< aibles »,qui provoquent des désinté

.Les deux premières, dites <<à

», agissent sur des objets quelle que

<<Du tout mécanique au tout

>>, p.66) et de la relativité géné

ale d'Einstein, établies sous leur forme actuelle au

du xx•siècle.Les deux dernières forces sont

à courte portée, car elles

'exercent sur des objets séparés par des distances

'excédant pas la dimension des noyaux.

En 1g6o,la nature des forces àcourte portée appa

t bien différente de celle des forces à longue

à l'échelle macroscopique.

*Pierre Algraln(1924

-2002),

physicien français,

aété pionnierdans la physiquedu solide et des

semi-conducteurs .

Les interact ions faibles et électromagnétiques pré

sentaient tout de même des analogies, raison pour

laquelle les théoriciens ont cherché à établir un rap

prochement. Puisque la force électromagnétique

est transmise par les photons-particules de massenulle faisant partie d'une famille dite des <<bosons

de jauge » - , ils se sont demandé si l'interaction

faible n'était pas communiquée, elle aussi, par des

bosons de jauge. Selon les lois de la mécanique

quantique, ceux-ci devraient être massifs pour

transmettre une interactionàcourte portée.Mais la

nature même des champs de jauge semblait garantir

leur caractère nonmassif. Par ailleurs,les physiciens

ne parvenaient pas à établir une théor ie de la force

faible transmise par des particules massives. Leurs

calculs conduisaient à des aberrations mathéma

tiques qui n 'avaient aucun sens d'un point de vue

physique. Nous avons alors réalisé que le concept

de <<brisure spontanéede symétrie »,bien connu en

mécanique statistique, pouvait être appliqué »>

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«< Le boson de Higgs, la particule manquante n

»> à la théorie quantique des champs de jaugeet, ce faisant, permettre d'avancer dans la compré

hens ion des forces à courte portée.Que recouvre ce concept de cc brisure spontanée

de symétrie ,, ?F.E.Considérons cette analogie: une table ronde

est dressée de telle sorte que chaque verre se situeà égale distance entre les assiettes. Supposons lesconvives ambidextres :ils n'ont aucune raison de sesaisir d'un verre, plutô t que d'un autre . L'ensembleforme un système parfaitement symétrique.Pourtant, si un e personne choisit de prendre leverre placé à sa droite, les autres devront faire demême pour disposer de leur propre verre.Ce résulta t est le fruit du hasard. Et c'est exactement cequi se produit dans les phénomènes physiques debrisure spontanée de symétrie.Ils se manifestent

notamment dans les ferromagnétiques tels que lefer ou le nickel. Ces matériaux sont constitués depetits aimants microscopiques qui ont tendance às'aligner parallèlement lesuns aux autres.À haute

température, ils s'orienten t toutefois dans toutes

les directions de l'espace sous l'effet de l'agitat ionthermique. Lorsque la température diminue audessous d'une valeur seuil, les aimants s'alignent

dans la même direction et le matériau devientaimanté. Si le matériau est suffisamment grand

pour que les effets de surface soient négligeables et

si celui-cin'est soumis à aucun champ magnétiqueextérieur, il est impossible de déterminer quellesera cette direction : il suffit que deux aimants

microscopiques interagissent et s'alignent pour

que tous les autres fassent de même. Et la brisurede symétrie est bien spontanée, car indépendante

de toute considération énergétique.Cela aftederait aussi les forces fondamentales?

F. E. C'est l'intuition que nous avons eue avec

Robert Brout lorsque nous travaillions aux ÉtatsUnis. Nous avons été inspirés pa r le travail de

Yoichiro Nambu (Prix Nobel de physique en 2008},

en 1960, qui introduisait la not ion de brisure spontanée de symétrie en théorie des champs. Aprèsmon séjour postdoctoral, je suis retourné, fin 1961,à l'Université libre de Bruxelles, où je suis devenuprofesseur. Robert Brout m'y a rejoint. Nous avonsalors mis plusieurs années pour élaborer un modèleexpliquant comment une brisure spontanée desymétrie aurait façonné la structure des forces àcourte portée.Labrisure de symétrie postulée- sem

blable à celle qui produit l 'aimanta tion des corpsferromagnétiques- agissait ici sur l'espace même.Dans notre modèle, ce qui joue le rôle de l'aimantation d'un corps ferromagnétique, c'est un champ

30 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

*La polarisationest une propriétédes ondes

vectorielles,telles que la lumière,

qui est ca radé riséenotamment par

une certaine directionde l'espace.

scalaire BSS qui fournit la dynamique nécessaire àcette brisure de symétrie en envahissant l'espace

vide de particules. Il transporte le boson scalaireBSS, qui pourrait être observé expérimentalementet confirmer ainsi le schéma théorique.Quelles sont le s caractéristiques de cette

particule?

F.E.C'estun boson, lui aussi massif. Contrairementaux bosons de jauge, celui-ci est qualifié de << scalaire »,ce qui signifie que le champ qui les transportene comporte pas de directions de polarisation•.Deplus sa charge électrique et son spin (une propriétéquant ique fondamentale} ont une valeur nulle. Parbrisure spontanée de symétrie, ce champ scalaireBSS qui transporte ce boson scalaire BSS structurerait le vide et emplirait tout l'espace. Les particulessensibles à ce maillage seraient ralenties en letraversant.Et plus elles sont ralenties, plus leur massedevient importan te.Le mécanisme dit de « BroutEnglert-Higgs » BEH} transforme ainsi des bosons dejauge sans masse en bosons de jauge massifs.Les for-cesà longue portée qu'elles transmettaient se transforment ainsi en forces à faible portée.De plus cesbosons de jauge massifs conservent certaines propriétés des bosons de jauge de masse nulle qui per

mettent d'éliminer les aberrations mathématiques,ce qui a permis de construire une théorie cohérentede forces fondamentales à courte portée.

Mais l'acquisition de la masse n'est pas limitéeaux bosons de jauge.Elle peut s'appliquer à la plupart des particules constitutives de la matière.Leurs masses, diverses , s'expliqueraient doncpar leurs interactions d'intensité variable avec lechamp scalaire BSS baignant tout l'espace.Connaissiez-vous le travail de Peter Higgs ?

F. E. Notre mécanisme décrivant comment une

brisure spontanée de symétrie transformerait une

force à longue portée en une force à courte portéea été publié en 1964. Quelques semaines plus tard,Higgs publiait deux articles où il aboutissait auxmêmes résultats, mais par une approche mathématique différente.Nous ne nous connaissions pas et

nos travaux ont été réalisés de manière indépendante.n st vrai que notre publication précède cellede Higgs, mais il s'agit bien d'une codécouverte.Certes, le terme de boson de Higgs reste encore plusfréquemment utilisé que celui de boson scalaireBSSou encore de boson BEH. Mais Higgs n'en est pasresponsable: j'explique cela par le fait que Brout et

moi, à l'époque,étantnovices dans le domaine de lathéorie des champs, étions très isolés, en Belgique,de la communauté des physiciens spécialisés dansce type de recherches.

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LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE

Comment vos travaux ont-ils ét é accueillis

en1964?F.E. Convaincus d'avoir fait une découverte impor

tante,je me rappelle notre déception devant le peu

d'intérêt suscité par sa publication. Pour qu'elle

attire toute l'attention, il a fallu attendre plusieursavancées théoriques et expérimentales corroborantnotre hypothèse. En 1967,tout d'abord, 11\méricainSteven Weinberg formulait une théorie unifiant

les forces faibles et électromagnétiques - résulta t récompensé par le prix Nobel de physique en

1979 . En 1972, cette théorie << électrofaible » devenait cohérente sur le plan mathématique et, donc,totalement opérationnelle, grâce aux travaux desNéerlandais Gerardus 't Hooft et Martinus Veltman,eux aussi primés par un Nobel de physique en1999.Puis,en 1983, les deux bosons de jauge médiateurs

de l'interaction faible étaient observés à l'aided'un accélérateur de particules du CERN. lls sontde deux types : « W » et « Z >> qui, selon le principed'équivalence entre la masse et l'énergie,« pèsent >>

8o milliards d'électronvolts et 91 milliards d'électronvolts- soit cent fois plus, environ, que les protons des noyaux (lire« Deux Wet un Zpour décrirel'interaction faible >> p. 62) . En 1983 également, leCERN entamait la construction du LEP (de l'acronymeanglais pour Grand collisionneur électron -positron),accélérateur de particules faisant s'entrechoquer

des électrons et leurs équivalents d'antimatière.L'un des objectifs de cette machine entrée en service en 1989 éta it la détection du boson scalaire SSB.

Puis elle a fini par être démantelée en 2000, alorsque certains signaux suggéraient une découverte

Cet entretien est la

version revue et corrigéepar François Englert de

celui paru dans le n' 419de La Recherche .

possible. Par la suite, le Tevatron, un collisionneurde protons et d'ant iprotons du Fermilab, aux ÉtatsUnis, a pris la relève dans la traque au boson scalaire.Toujours sans succès!Pourquoi la traque est-elle aussi longue ?

F. E. Le Modèle standard ne fournit que des indications très vagues sur la masse possible du bosonscalaire. Les accélérateurs de particules doiventdonc balayer des gammes d'énergie très larges, ce

qui est laborieux sur le plan de l'analyse des résultats et prend du temps. Mais la difficulté principaleest que cette particule semble être très lourde. Pourespérer la détecter, i l faut atteindre des niveauxd'énergie très élevés. Grâce au LEP et au Tevatron,on sait que sa masse est supérieure à 114 milliardsd'électronvolts. Et des considérations théoriquessuggèrent qu'elle ne dépasse pas 180 milliards

d'électronvolts. Or, le LHC, accélérateur du CERN,

est entré en service depuis la fin 2009. À terme,d'ici deux ou trois ans, i l fera s'entrechoquer desfaisceaux de protons à un e énergie allant jusqu'à

plusieurs milliers de milliards d'électronvolts.Quarante millions de collisions par seconde produiront autant de particules. C'est parmi elles que lesdétecteurs du LHC chercheront la « signature >> duboson scalaire.Ils devraient aussi fournir des indications sur sa stabilité et ses interactions. Si cetteparticule existe, le LHC en apportera la preuve.

Et sinon?F. E. Dans son principe, lemécanisme BEH fondé

sur le concept de brisure de symétrie ne serait pasremis en cause, car i l a été vérifié par l'observationdes bosons Zet W et de leurs interactions.Il devraitnéanmoins être plus complexe, et le boson scalairene serait plus un e particule élémentaire, mais un

objet composite constitué d'éléments encore indéterminés. En revanche, et plus généralement, l'absence de découverte du boson impliquerait un e

correction du Modèle standard de la physique

des particules. Beaucoup de physiciens estiment

déjà qu'il faudrait lui intégrer l'hypothèse « supersymétrique »,qui multiplie par deux le nombre departicules élémentaires connues. Mais cette révision devrait aller bien au-delà si le boson n' est pasdécouvert au LHC.

En 2004, vous avez obtenu le prixWoH avec RobertBrout et Peter Higgs, distinction considéréecomme l'antichambre du Nobel .. Vous attendezvous à recevoir bientôt cette consécration?

F. E. Auvu du traitement médiatique réservé cesderniers mois au boson scalaire et au LHC, nousserions certains, avec Brout et Higgs, d'obtenir un

Nobel siles journalistes faisaient partie du comité !Pour le reste, c'est l'avenir et les prochains résultats du LHC qui le diront.• Propos recueillis par Franck Daninos

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Pourquoi il faut unifierLes théories physiques actuelles sont impuissantes à décrire l'Universquand il est très chaud et très dense. Pour y parvenir, il faudraadmettre que l'espace-temps est plus complexe que nous le pensions.

' unification est au cœurde la démarche scientifique. Depuis l'avènement de la physiquemoderne, ceux que

l'histoire a retenus comme degrands physiciens ont tous étéà l'origine d'unifications qui ontchangé le visage et la puissancede la physique: Galilée réconciliant les mondes sublunaire et

supralunaire et leur imposant

une unité législative; Newton

décrivant à l'aide d'une théorieunique les mouvements ter

restres et célestes; Maxwell unifiant l'électricité et le magné

tisme; Einstein mêlantl'espace etle temps dans le concept uniqued'espace-temps ..

Aujourd'hui, un commando

d'avant-garde de la recherchepure cherche à poursuivre cettedémarche aussi loin que possible.Les physiciens qui le constituenttentent d'unifier en un seul et

même corpus théorique la gravitation avec les trois autres

interactions fondamentales, laforce électromagnétique et lesdeux interactions nucléaires,

la « faible » et la << forte », qui,elles, ont déjà été unifiées, il y a

plusieurs décennies, au sein de ce

qu'on appelle la« théorie quantique des champs"·

Les premiers modèles de bigbang qui visaient à décrire l'histoire de l'Univers ne tenaient

compte que d'une seule force de

la nature, la gravitation, décrite àl'aide du formalisme de la relativité générale. Toujours attractiveet de portée infinie, cette interaction domine à grande échelle.Mais, lorsque l'on remonte le coursdu temps, la taille de l'Universobservable se réduit progressivement. La matière finit par rencontrer des conditions physiquestrès spéciales, à très haute température et à très haute densité, quela relativité générale est incapablede décrire seule. Les autres interactions fondamentales doiventalors être prises en considération.En d'autres termes, la relativitégénérale ne donne accès qu'aux« périodes tardives »,si l'on peutdire, de l'Univers primordial.

Comment comprendre ce qui a

pu se passer plus tôt? En tentantde construire un formalisme susceptible d'affronter les conditionsphysiques du« mur de Planck»,un

moment particulierde l'histoire de

>La relativité générale, qui décrit la gravitation, est incom-

patible avec le modèle quantique, qui regroupe les trois autres

interactions fondamentales.

>Il existe pourtant des situations dans lesquelles on doit

prendre en compte ces quatre forces simultanément.>Plusieurs tentatives pour quantifier la gravitation ont étéentreprises. On ne sait pas si l'une d'elles aboutira.

32 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

Étienne Kleindirige le

laboratoire de

recherche sur les

sciences de la

matière du CEA.

l'Univers, une phase par laquelleil est passé il y a 13,7 milliardsd'années et qui se caractérise parle fait que les théories physiquesactuelles sont impuissantes à

décrire ce qui s'est passé avantlui. L'énergie de Planck vaut 10'9

gigaélectronvolts, soit dix milliards de milliards de fois l'énergiede masse d'un proton. La longueurde Planck est égale à quelque 10-3s

mètre, soit dix-sept ordresde grandeur de moins que la taille d'unquark ou d'un électron.

UN UNIVERS

NERVEUX ET SEC

Quant au temps de Planck, ilvaut à peu près 10-43 seconde. Àcette époque, l'Univers était nerveux et sec, minuscule et gorgéd'énergie, et son espace-tempsavait une structure « bizarre >>.

Le défi principal que doiventrelever les chercheurs tient aufait que les interactions électromagnétique et nucléaires sontaujourd'hui décrites à l'aide des

mêmes concepts mathématiquesgrâce au formalisme de la physique quantique, dont les principesne s'accordent justement pas avec

ceux de la .. relativité générale !

Comment élaborer une

« théorie quantique de la gravitation >>,c'est-à-dire des équations qui unifieraient en un seulet même cadre théorique la physique quantique et la théorie de

la relativité générale, ce qui permettrait de décrire ensemble

les quatre forces? L'affaire s'annonce fort délicate, pour une raison simple: l'espace-temps de la

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LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE

les forces

physique quantique est rigide,

plat, complètement découplé de

la matière qu'il contient, tandis

que celui de la relativité géné

rale est souple, courbé et dynamique, en interaction constante

avec la matière et l'énergie qui se

trouvent en son sein.

DES PARTICULES

À UNE DIMENSION

La solution pourrait-elle s'obte

nir en appliquant les procédures

de la physique quantique à la re la

tivité générale ? Ou bien en les

greffant l'une à l'autre? Ou bien

encore en mettant sur pied unenouvelle théorie qui dépasse, en les

incluant, la physique quantique et

la relativité générale? Toutes ces

pistes ont bien sûr été envisagées

durant les années 1970.

Comme la physique quantique

et la relativité générale envisagent

toutes deux un espace-temps

continu, c'est-à-dire lisse, sans

discontinuités, les physiciens ont

conservé cette hypothèse. Mais

toutes leurs tentatives se sont

révélées infructueuses ou pro

blématiques. Constatant l'im

passe, la plupart des chercheurs

en ont conclu que la quantifi

cation de la relativité générale

obligeait à recourir à des postu

lats ou à des principes radicale

ment nouveaux, inclus ni dansla physique quantique ni dans la

relativité générale : dimensions

supplémentaires d'espace-temps,

nouvelles particules, nouvelles

symétries, nouvelles structures

mathématiques ..

La démarche la plus suivie pour

franchir le murde

Planck est cellede la « théorie des supercordes ».

Ce programme de recherche part

d'un postulat très simple, quasi

lapidaire, mais dont les consé

quences sont spectaculaires :

n'importe quelle particule élé

mentaire, que les physiciens consi

déraient jusqu'alors comme un

point matériel de taille nulle, n'est

en réalité qu'une corde vibrante

obéissant aux lois de la relativité

restreinte et de la physique quantique. En d'autres termes, si l'on

pouvait regarder une particule

élémentaire avec une loupe »>

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 33

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Pourquoi il faut unifier les forces

>» extrêmement puissante, on

découvrirait qu'il s'agit d'un objet

unidimensionnel, une sorte de fi l

(s'il a des extrémités) ou de boucle

(s'il n'en a pas).

Cette théorie propose égale

ment une modification de la repré

sentationde l'espace-temps :celui

ci est considéré comme une arène

donnée a priori (c'est le cas dans la

théorie de la relativité restreinte,

mais pas dans celle de la relativité

générale), mais avec un nombre

de dimensions qui devient stric

tement supérieur à quatre. Plus

exactement, la théorie précise que

l'espace-temps serait doté de six,

sept ou vingt-deux dimensions de

plus que ce qui est habituellement

considéré.

UNE THÉORIE

QUI ENGLOBE LES AUTRES

La théorie des supercordes a

ceci de spectaculaire qu'elle s'est

révélée capable de faire apparaître, à partir de ses principes les

plus fondamentaux, les théories

physiques dont les physiciens

se servent pour décrire les phé

nomènes qui se déroulent aux

échelles spatiales auxquelles ils

ont expérimentalement accès. La

théorie des supercordes engendre

notamment la théorie de la rela

tivité générale et la théorie quan

tique des champs, qui résulte du

mariage entre la physique quantique e t la théorie de la relativité

restreinte, et constitue le forma

lisme à la base du Modèle standard

de la physique des particules. De

fait, elle« contient>> ou« englobe >>

les théories physiques connues

par ailleurs. Reste que personne

ne sait encore si cette théorie est

la « bonne ,, : elle n'a pour l'ins

tantproduit aucun effet vérifiable

qui permettrait de la confronter

aux données de l'expérience, à la

réalité physique, tant la taille des

supercordes est petite par rap

port aux dimensions spatiales

auxquelles nous avons expéri

mentalement accès.

Quelques chercheurs ont réagitrès différemment à l'échec des

tentatives précédentes que nous

avons évoquées, notamment les

fondateurs de la << théorie de la

gravitation quantique à boucles >>,

qui se sont demandé si l'hypo

thèse de continuité de l'espace

temps ne serait pas la cause de

cet échec. Que donneraient, se

demandèrent-ils, les travaux déjà

menés si l'on ne supposait plus

que l'espace-temps est continu?

Ils ont commencé par mettre au

point une méthode permettant de

faire des calculs sans supposer que

l'espace est lisse, en prenant bien

soin de ne faire aucune hypothèse

qui aille au-delà des principes déjà

contenus dans les formalismes

respectifs de la physique quan

tique et de la relativité générale.En

particulier, ils ont conservé deux

des principes clés de la théoried'Einstein, qui concernent la struc

ture de l'espace-temps.

Le premier est que la théorie doit

pouvoir être formulée sans réfé

rence aucune à un cadre spatio

temporel donné a priori, à un

arrière-fond préexistant. C'est

ce que les physiciens appellent

d'ailleurs l'<< indépendance de

fond,,: l'espace-temps lui-même

doit être considéré non pas comme

une arène fixée indépendante

de ce qui s'y joue, mais comme

un authentique objet physique

dont la structure et la géométrie

dépendent des effets qu'ont sur lui

la matière et l'énergie. Le second

principe concerne les coordonnées

d'un événement dans l'espace

temps: pour les définir, on doit

pouvoir utiliser n'importe quel

système de coordonnées, autre

ment dit n'importe quel référen

tiel dans l'espace-temps, sans que

le choix effectué change la forme

des équations de la théorie.

Combinant ces deux principes

34 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

avec les techniques de calcul de la

physique quantique,les chercheurs

sont parvenus à élaborer un lan

gage mathématique permet tant

de déterminer si l'espace-temps

est continu, lisse ou discontinu,granulaire, c'est-à-dire constitué

d'entités insécables, de taille non

nulle. La conclusion à laquelle ils

sont arrivés est que l'espace-temps

n'est pas continu, mais granulaire :

il ressemble à un morceau d'étoffe

tissé de fibres distinctes, séparées

les unes des autres.

AIRES ET VOLUMES

SONT QUANTIFIÉS

Cette discrétisation de l'espace

constitue la base de la théorie de

la gravité quantique<< à boucles»,

ainsi appelée car elle débouche sur

l'idée que l'espace-temps serait

structuré en boucles minuscu

les aux très petites échelles. Elle

implique que les aires et les

volumes sont eux-mêmes<< quan

tifiés >>,au sens où ils ne peuvent

prendre que des valeurs particuliè

res, correspondant à des multiplesentiers de quanta élémentaires de

surface ou de volume.

Mais cette théorie pose elle

aussi de redoutables problèmes

techniques qui interdisent là

encore,jusqu'à preuve du contraire,

de la considérercomme<< labonne>>.

La théorie de la gravité quantique

à boucles n'est d'ailleurs pas can

didate à devenir une << théorie du

tout ,,. Dans un premier temps, elle

ambitionne d'élaborer un cadrequantique permettant d'inclure la

gravitation, et non pas d'être une

théorie unifiée des quatre inter

actions fondamentales.

Les perspectives unitaires de

la physique contemporaine sont

donc multiples et toutes en attente

de tests cruciaux. Laquelle débou

chera? L'heureuse élue sera-t-elle

capable, tel un super-acide, de dis

soudre tout ce qui fait écran entre

notre intelligence et la structure

profonde de l'Univers? Personne,

à vrai dire, ne sait répondre à ces

questions. •

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Rech

EXPOSITION DE

PHOTOGRAPHIESSCIENTIFIQUES

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LE JEUDI 16 JUIN 2011

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16 JUIN 2011 - COLLÈGE DE FRANCE, PARIS SËME

LIBRE - WWW.FORUM-SRS.COM . • CENTRAL-<©>

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6 a v o i r 6

Les réponses des thé

10·33centimètreest la longueur d'une corde,élément de base de la théoriedu même nom . Ses modesde vibration sont perçuscomme autant de particules.

1quarkne peut jamais être observéseul. Plus on essaie d'allongerla liaison forte qui unitdeux quarks, plus celle-cidevient intense.

38 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43

46milliardsd'années-lumière de diamètrepour l'Univers observable.La valeur finie de la vitessede la lumière nous interditde savoir ce qu'il y a au-delà.

(1 o1oy15mètresau moins sépareraientdeux zones identiquesde l'Univers . Cette distancepermet de les considérer commedes univers indépendants.

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• •

23pour centde matière noire dans l'Univers,si l'on considère que la théoriede la relativité générale décritcorrectement la gravitationà toutes les échelles.

a théorie des cordes estl'une des pistes les plusprometteuses pour réunirdans un même cadre explicatifles quatre interactionsfondamentales de l'Univers.

Elle n'a pas, pour l'instant,passé de tests expérimentaux,

mais sa cohérence est indéniable .... voiRP.40

Elle sert d'ailleurs de point de départ à desconjectures hardies, telle celle qui apparentenotre Univers à un hologramme .... voiR P. 45

Et elle appuie l'idée qu'il existe une infinité

d'univers différents du nôtre....voiRP.48

Par ailleurs, de plus en plus de physicienspensent qu'il faudrait modifier la théoriede la relativité générale pour rendre

compte de certains comportementsgravitationnels à grande échelle ....voiR P. 52

Quelle théorie l'emportera? Impossibleà dire. Une seule chose est sûre : notre

façon d'expliquer le monde va changerprofondément ....voiR P. 58

> Théorie des cordes: 4 raisons d'un succès P. 40

.. ~ ~ l ! ~ i . Y . ~ ~ ~ .. ~ t ? ! C ? 9 T C 1 . ~ ' ! l . . . . . P. 45

.... ~ ' . ~ Y P C ? ~ ~ ~ ~ ~ ~ ...~ C ? ~ ~ ~ ~ P C l . ~ C l . ! ! ~ l ~ ~ . . . . . . P. 48

~ ! l : ~ ( r l : " ' ( ~ ~ ~ ~ t ! ~ ~ ! ' ? ~ ~ !Cl. 9 ~ { 1 . " ' ( Ï . ~ { l . ~ ~ ' ? ~ . P. 52

.... ~ f ! ~ ~ ~ 9 ~ ~ ~ ~ ~ 9 ~ ~ ...~ 9 i ~ ~ ~ ~ ~ f ~ ~ 9 ~ ~ ~ · · · · · · · · P. 58

N• 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 39

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Théorie des cordes •• 4

Les particules ne sont que les vibrations d'une corde minuscule.C'est le fondement d'une des approches les plus avancées pour donnerun cadre théorique commun à toute la physique.

our ses supporteurs,

la théorie des cordes

est une révolution .

Elle constitue un

grand pas dans la

quête de l'unification des lois dela nature. Grâce à elle, les physi

ciens disposeraient d'une théorie

capable de décrire les briques les

plus élémentaires de la matière,

ainsi que les lois qui régissent

leurs interactions.

Ses détracteurs, au contraire, n'y

voient qu'un domaine de la phy

sique mathématique : un << bel »

édifice, certes, mais qui ne saurait

être falsifié empiriquement .Il

estvrai que cette théorie est toujours

dans l'attente d'une confirma

tion expérimentale. Personne n'a

jamais vu les « cordes » en ques

tion. Et au regard de leur taille sup

posée (10-n centimètre), il est pro

bable que cela n'arrive jamais ..

Le débat prend des allures philo

sophiques, parfois même socio

logiques et culturelles.

La théorie des cordes peut né an

moins se targuer de quelques réussites remarquables. Les problèmes

qu 'elle a surmontés successive

ment lui ont permis d'échapper au

panthéon des concepts farfelus .

Pas de preuves directes, donc,

mais plusieurs résultats théo-

riques, dont l'intérêt semble indé

niable au vu du grand nombre

de physiciens qui ont rejoint cedomaine de recherche et participent encore à son évolution.

Retenons-en quatre.

1. Elle fournitune descriptionquantique dela gravité

La physique moderne repose sur

deux grands édifices théoriques :

la mécanique quantique et le principe de relativité. La mécanique

quantique est un ensemble de lois

régissant le comportement de la

matière au niveau atomique et

subatomique. À cette échelle, les

phénomènes physiques n'ont plus

grand-chose à voir avec ceux dont

nous sommes coutumiers.

Prenons l'exemple d'un postu

lat de la mécanique quantique :le

«principe d'incertitude».Celui-ci

nous dit qu'il est impossible dedéfinir simultanément la posi

tion et la vitesse d'une particule.

Au point que celles-ci ne peu

vent être décrites qu'en termes

>La théorie des cordes, issue de travaux sur l'interaction nu-cléaire forte, donne une description quantique de la gravitation.>Elle permet aussi de retrouver le Modèle standard de la phy

sique des particules et son extension, la« supersymétrie ».

>Des astrophysiciens l'ont utilisée avec succès pour décrireles trous noirs, ce qui appuie l'idée que c'est une théorie

universelle.

40 • LES OOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

CostasBachasest directeur

de rechercheau département

de physiquede l'École normalesupérieure.

FranckDaninosest journaliste.

de probabilités.Cette propriété se

comprend en admettant que les

particules soient continuellement

soumises à des vibrations que les

physiciens nomment « fluctua

tions quantiques».

LE MODÈLE STANDARD

DE LA PHYSIQUE

Il n'empêche que la mécanique

quantique prédit avec une pré

cision remarquable le compor

tement des noyaux atomiques,

des électrons ou des photons.

Combinée au principe de la rela

tivité restreinte d'Einstein (selon

lequel aucun signal ne peut sepropager plus vite que la lumière)

elle permet de réunir dans un

cadre unifié l'ensemble des par

ticules élémentaires, ainsi que

trois des quatre forces fondamen

tales : la « forte »,la « faible » et

l'« électromagnétique». Dans cecadre appelé « Modèle standard

de la physique», chacune de ces

forces est transmise par un type

de particule. C'est le photon, par

exemple, qui sert de médiateur àl'interaction électromagnétique.

La généralisation du prin-

cipe de la relativité a permis à

Einstein de décrire la quatrième

force fondamentale : la gravité.

Contrairement aux trois autres,

elle est la seule qui subsiste à

l'échelle cosmique. C'est pour

quoi elle régit le mouvement

des planètes, des étoiles et des

galaxies. Avec une exactitude

maintes fois vérifiée, la relativité

générale montre que cette force

résulte d'une déformation de la

géométrie de l'espace-temps au

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7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie

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LES RÉPONSES DES THÉORICIENS

sons d'un succèsvoisinage d'un objet. Plus celuici est massif, plus la déformation

est grande et se ressent à grande

distance.

Comment la gravité

se comporte-t-elle à

très petite échelle ?

Qu'obtient-on

si on combine

les équations

de la relati

vité géné

rale avec

celles de la

mécanique

quantique?

L'infini! Des

solutions

mathéma

tiques qui

n'ont aucun

sens physique !

À une distance

subatomiqueappelée '' échelle

de Planck »,la rela

tivité générale perd

ainsi toute capacité

prédictive.

On peut s'en faire

une idée sans avoir

recours aux mathéma

tiques . Car la relativité

générale et la mécanique

quantique proposent deux

descriptions contradictoires dela réalité physique : l'une, une

géométrie lisse et localisée de

l'espace-temps; l'autre, une agi

tation perpétuelle régie par le

principe d'incertitude. Pour la plu

part des physiciens, cette incom

patibilité suggère que la relati

vité générale ne serait pas si ..

« générale » que cela. Une autre

théorie, sous-jacente, resterait

donc à déterminer.

La théorie des cordes ne s'est pas

toutde suite présentée comme une

candidate. Elle a pris naissance à

la fin des années 1960 avec les

Cette formegéométriqueévoque l'espaceà dix dimensionsdans lequel sedéploie la théoriedes cordes.Les dimensions

imperceptiblesseraientenrouléesles unes sur

les autres,à des échellestrèspetites.

travaux

de Gabriele

Veneziano, alors à l 'institut

Weizmann, en Israël. Ce dernier

cherchait à comprendre la nature

de l'interaction forte, interaction

dont l'intensité se fait d'autant

plus sentir entre deux particules

que celles-ci s'éloignent l'une de

l'autre. Un peu comme si elles

étaient reliées par une« corde»,

dont la tension déterminerait l'in

tensité de l'interaction.

Ce qui permit d'interpréter la

théorie des cordes de Veneziano

comme

une théo

rie de la gra-

vité quantique

fut une prédiction inattendue,

et même plutôt embarrassante.

Comme pour les trois forces non

gravitationnelles, les physiciens

supposent l'existence d'une par

ticule médiatrice de la gravité :le

«graviton». Pour rendre compte

des propriétés de cette force, i l 1:::doit transmettre une interaction

attractive, avoir une portée inti-

nie et exister en nombre illimité.

Dans le langage quantique, cela

gsignifie que la masse du graviton

doit être nulle et que la valeur

d'un paramètre quantique fonda-

mental, appelé « spin », >»

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 41

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Théorie des cordes :4 raisons d'un succès

»> soit égale à 2. Or, la théo

rie des cordes prévoit l'existenced'une particule présentant exactement ces caractéristiques. Et

cette prédiction n'a de sens que sila théorie des cordes ne décrit pasuniquement l'interaction forte.

FAIRE DISPARAÎTRELES INFINIS

C'est ainsi que, vers le milieudes années 1970, Joël Scherk, del'École normale supérieure, JohnSchwarz, de l'Institut de technologie de Californie, et TamiakiYoneya, de l'université Hokkaido,au Japon, ont reformulé la théoriedes cordes comme une théorie de

la gravitation quantique. Avecl'aide d'un petit groupe de physiciens, ils l'ont modifiée jusqu'àréussir à faire disparaître lesquantités infinies dans les équa

tions combinant la relativitégénérale et la mécanique quantique. Mais, pour cela, plusieursrévisions radicales sur nos représentations de la réalité physiqueont été nécessaires.

En premier lieu, ces physicienssont partis de l'hypothèse selonlaquelle un objet élémentaire necorrespond pas nécessairementà un point. Ce que nous appelons<<particule » serait la manifesta

tion de petits filaments d'énergieen vibration : des « cordes », quipeuvent être soit ouvertes, soitfermées. La trajectoire d'une cordefermée présente ainsi une formetubulaire et ses interactions formeraient un réseau de tubes

intersectés [fig. 1].Il n'y aurait donc plus une

multitude de particules, mais

un seul objet élémentai re: une

corde vibrante régie par les loisde la mécanique quantique. De

la même manière qu'une cordede violon produit différentes

notes de musique, les modes de

vibration des cordes quantiquesdonneraient lieu à des particules de nature diverse (électron,photon, etc.} et aux caractéristiques variables (la masse, la

charge ..}. Et si elles apparaissentcomme des points lorsqu'on les«observe» dans les accélérateursde particules, c'est parce qu'ellesseraient extrêmement petites :un

milliard de milliards de fois plusqu'un proton.

Ce n'est pas tout. Car la théoriedevient cohérente seulement siles cordes n'évoluent plus dans un

espace-temps à quatre dimensions,mais à dix !Les dimensions «supplémentaires » seraient compactées, enroulées sur elles-mêmesà des échelles infinitésimales oùla gravité quantique se manifesterait. Pour illustrer cette notion,prenons l'exemple d'un tuyau

d'arrosage. Vu de loin, il apparaîtcomme un fil à une dimension.De près, il en occupe deux: l'uneest constituée par les sections de

cercle ;la seconde par le tuyau quis'étend d'une extrémité à l'autre.L'hypothèse d'un espace-temps à

SELON LE MODÈLE STAN-DARD DE LA PHYSIQUE

DES PARTICULES, ces der·nières sont des points (enhaut). Leurs trajectoiressont des droites, qui secroisent quand deux par·ticules interagissent. Parexemple, un électron etun positron forment un Positronphoton, qui se dissocielui·même en un quark etun antiquark. En théoriedes cordes, les particulessont des modes de vibra ·tion d'une corde fermée :leurs trajectoires formentdes tubes, qui fusionnentlors des interactions.

42 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N 43

dix dimensions est parfois l'objetde moqueries par les détracteursde la théorie des cordes. Celle-ci

aurait « perdu pied » avec la réalité que nous connaissons. Maison peut aussi retourner l'argument. Pour quelle raison, en effet,l'espace-temps aurait-il quatredimensions? Pourquoi pas trois,ou cinq? D'une certaine manière,ce nombre s'impose à nous defaçon arbitraire. Ce n'est pas le casavec la théorie des cordes.Pour lapremière fois, un calcul permettrait de déterminer le nombre de

dimensions sans a priori.

2. Elle rend possiblel'unification desforces de la physique

Son développement coïncideavec celui d'une autre activitéde recherche particulièrementambitieuse :réunir, dans un cadreunique, toutes les forces fondamentales.Ces deux activités n'ontpas tardé à se rejoindre. En 1974

- année où la théorie des cordesa été proposée pour la gravitéquantique -, Sheldon Glashowet Howard Georgi, de l'université Harvard, supposaient l'existence d'une « grande force unifiée ». Elle se serait différenciée

Quark

Théoriedes cordes

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peu après le Big Bang. Pour étayer

cette hypothèse, les physiciens

ont calculé les variations de l'in

tensité des forces en fonction de

l'énergie. Et effectivement, dans

les conditions supposées de l'Univers primordial, l'intensité des

trois forces non gravitationnel

les semble avoir la même valeur

pour une énergie dite de « grande

unification ».

DEUX FOIS PLUS DE

PARTICULES ÉLÉMENTAIRES

Or, cette convergence est encore

plus frappante lorsque les calculs

prennent en compte une théorie

qui a été développée par les phy

siciens des cordes avant d'être

reprise, dans d'autres cadres, par

d'autres physiciens: la « super

symétrie» [fig. 2] . Il s'agit d'une

opération qui transforme toutes

les particules du Modèle standard

en d'autres possédant la même

charge, mais un spin différent

et une masse plus élevée. Cette

théorie multiplie donc par deux

le nombre de particules élémentaires. Elle n' a toujours pas été

testée , parce que l'énergie des

équivalents supersymétriques est

très grande. Pour cela, les physi

ciens sont dans l'at tente des résul

tats du nouveau collisionneur du

CERN, le LHC, qui a commencé à

fonctionnerfin 2009 et qui monte

progressivement en puissance.

La supersymétrie est incluse

dans les formalismes de la théo

rie des cordes, renommée pour

cette raison « théorie des super

cordes"· Celle-ci apporte donc un

argument supplémentaire à l'hy

pothèse de Georgi et de Glashow.

Mais elle va plus loin, car elle pré

voit que l'intensi té de la force gra

vitationnelle rejoint celle des trois

autres forces à une valeur proche

de l'énergie de grande unifica

tion. Les quatre forces auraient

ainsi une origine commune. Par

ailleurs, rappelons que la théorie

des cordes est, par essence, une

théorie unifiée. Son postulat est

que les forces et les particules

LES RÉPONSES DES THÉORICIENS

Intensité

Barrière supersymétrique

Force électromagnétique E' . (G V)nerg1e e

101 105 1010 1015

LES INTENSITÉS DES INTERACTIONS forte, faible et électro-magnétique varient avec l'énergie des phénomènes. Si l'onprend en compte la supersymétrie, comme le fait la théoriedes cordes, les trois forces fusionnent en une seule à hauteénergie. Cette situation aurait prévalu très brièvement aprèsle Big Bang.

proviennent toutes d'un objet

élémentaire : une corde infinité

simale en vibration.

C'est la raison pour laquelle la

théorie des cordes es t qualifiée

de<< théorie du Tout». Il est vrai

qu'elle est la seule à fournir uncadre unique pour les quatre for

ces fondamentales. Si elle est cor

recte, elle pourrait donc mettre

un terme à la description de la

matière comme une succession de

poupées russes imbriquées.

3. Elle permettraitd'avancer dansla compréhension

de phénomènesastrophysiques

Elle a attiré pour de bon l'at

tention des physiciens en 1984,

lorsque John Schwarz et Michael

Green, alors à l'université de

Londres, sont parvenus à résoudre

les incohérences mathématiques

qui résultaient de la combinai

son entre la gravité quantique

et le Modèle standard. C'est à cemoment que beaucoup de voca

tions sont apparues. Parmi les

nouveaux arrivants se trouvaient

bon nombre d'astrophysiciens et

autres spécialistes de la relativité

générale.Ce n'était pas très éton

nant au regard des promesses de

la théorie des cordes de décrire

la physique de l'infiniment petit

à l'infiniment grand. Ces phy

siciens ont donné une nouvelle

impulsion à l'origine d'une troi

sième réussite notable : mieux

comprendre les propriétés des

trous noirs.

CE QUI SE PASSE

DANS UN TROU NOIR

Ceux-ci résultent de l'effondre

ment des étoiles massives à la fin

de leur vie. Leur force d'at traction

est tellement grande que rien, pas

même la lumière, ne peut échap

per de leur cœur. Leur géométrie

spatio-temporelle n 'est définie

que par la masse, leur vitesse de

rotation et la charge électrique.

La relativité générale ne dispose

donc d'aucun moyen pour obte

nir des informations relatives à

l'intérieur d'un trou noir.

Vers le milieu des années 1970,

le cosmologiste StephenHawking, alors à l'université de

Cambridge, démontrait que les

lois de la mécanique quantique

impliquent l'existence d'un phé

nomène appelé « évaporation

des trous noirs ». En dépit de

leurs noms, ces derniers émettent

donc, à leur surface,un rayonne

ment d'origine quantique.

Ce phénomène soulevait un

problème théorique important,

car le calcul de Hawking mo ntrait qu'après l'évaporation totale

d'un trou noir des informations

comme le type et le nombre de

particules qui ont conduit à sa

formation étaient définitive

ment perdues. Or, cette prédic

tion viole un principe fondamen

ta l de la mécanique quantique :

la conservation de la quantité

d'informations.

Appelée << entropie >>, cette

quantité est définie comme le

logarithme du nombre d'états

microscopiques d'un sys

tème pour lequel certains »>

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 43

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< S a v o i r < SThéorie des cordes :4 raisons d'un succès

>» paramètres macroscopiques

sont supposés connus. Une théo

rie de la gravitation quantique

devrait être capable d'exhiber

les différents états possibles d'un

trou noir à partir de sa masse, sa

charge et sa vitesse de rotation.

Et, ce faisant, trouver la faille

dans le calcul de Hawking.

C'est précisément ce qu'Andrew

Strominger et Cumrun Vafa, de

l'université Harvard, on t réa

lisé en 1996 pour un type par

ticulier de trous noirs chargés.

Leur modèle microscopique

contient des cordes ainsi que

d'autres objets plus étendus et

plus lourds {appelés « branes »)

prévus par la théorie des cor

des. Il montre que l'évaporation

d'un trou noir de ce type neconduit pas nécessairementà une

perte d'information. Ce résultat a

fait naît re l'espoir de comprendre

un jour d'autres phénomènes

cosmiques, et en particulier ceux

qui sont liés aux tout premiers

instants de l'Univers.

4. Elle donne uneréponse originalesur la naturede l'espace-temps

Au milieu des années 1990, cinq

versions de la théorie des cordes

coexistaient. Laquelle choisir ?

Aucun argument mathémati-

que ne permettait de trancher.

Un problème pour une théorie à

visée unificatrice.

Le dilemme a été résolu grâce,

notamment, à Edward Witten, de

l'Institut des études avancées de

Princeton, Chris Hull, de l'univer

sité de Londres, et Paul Townsend,de l'université de Cambridge.

Ils on t démontré que les cinq

théories n 'étaient que différen

tes facettes d'un même cadre

44 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MA l ZOU • N°43

Cet article es t a version

revue et co rrigée

par ses auteurs du exteparudans le n•411

de aRecherche.

sous-jacent, baptisé« théorie M ».

Les cinq théories entretiendraient

une relation de << dualité »les unes

par rapport aux autres. Toutes

aussi pertinentes, mais plus ou

moins adaptées selon les paramètres considérés {intensité de

l'interaction entre les cordes,

mode de compaction, etc.).

Cette relation rappelle celle qui

décrit la nature de la lumière :soit

comme une onde, soit comme

une particule {le photon). ll s'agit

de deux représentations complé

mentaires d'une même réalité,

plus ou moins commodes selon la

taille du quantum d'énergie pris

en compte.

DE DIX ÀQUATRE

DIMENSIONS

En 1998, Juan Maldacena, alors

à l'université Harvard, est allé

plus loin dans la démonstration

du caractère «dual »de la théorie

des cordes. S'inspirant des tra

vaux du physicien néerlandais

Gerard 't Hooft, de l'université

d'utrecht, Maldacena a montréqu'une théorie des cordes à dix

dimensions contient la même

quantité d'informations qu'une

théorie présentant des caractéris

tiques analogues au Modèle stan

dard dans quatre dimensions {lire

« L'Universholographique >>,p.45).

La première décrirait des phéno

mènes qui se manifestent dans un

espace-temps replié; la seconde

serait pertinente à la surface du

même espace-temps.

Telle pourrait donc être la rela

tion qui lie la réalité décrite par

la théorie des cordes avec celle

que nous connaissons. Une ana

logie tirée de la vie courante aide

à mieux comprendre sa nature :

l'hologramme, où les détails d'une

image en deux dimensions sont

agrandis et reconstitués en trois

dimensions. C'est pourquoi l'hy

pothèse de Maldacena est aussidénommée « principe hologra

phique ».noffre une vision nou

velle et originale de la nature de

l'espace-temps. •

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LES RÉPONSES DES THÉORICIENS

L'Univers comme

un hologrammeLa théorie de la gravitation dans un espace est équivalente à une théoriecomplètement différente sur le bord de celui-ci. Cette correspondancefournit une nouvelle façon d'aborder l'unification des forces fondamentales.

algré les effortsdes théoriciens,toutes les tenta-

tives de combine r mécanique

quantique avec gravitation on t

pour l'instant échoué : ces deux

théories restent incompatibles .Dans la pratique, une telle opposition n'est pas gênante, car leschamps d'application des deux

théories diffèrent. À la relativité

générale la description des objetsmassifs et gros, telles les planètes et les étoiles, et à la mécanique quan tique celle des particulesélémentaires.

Cependant, il est des situationsoù l'on doit tenir compte des effetsquantiques et de la gravitation :lorsqu'une masse importante es tconcentrée dans une toute petiterégion. Le Big Bang ou les trous

noirs sont de telles situations, où

une description unifiée s'imposerait (lire << Pourquoi il faut unifierles forces », p. 32). C'es t en analysant certaines propriétés des trousnoirs qu'une idée ouvrant une voievers la réconciliation a vu le jour.

LA SURFACE

DES TROUS NOIRS

Au début des années 1990, afinde résoudre certains paradoxes

sur la physique des trous noirs,le Néerlandais Gerard 't Hooft et

lJ\méricain Leonard Susskind ont

proposéune conjecture au développement inattendu.Ayant constaté

Miche laPetriniest professeur

à l'Université

Pierre-et-Marie

Curie à Paris.

que l'information contenue dansun

trou noir était codée à sa surface -résultat concret et bien établi - , ilson t supposé que toute l'information sur une théorie gravitationnelle dans un volume d'espace

puisse être décrite par une théoriequantique ordinaire, sans gravitation,définie sur la surface qui enveloppe le volume considéré. Cettehypothèse a été baptisée conjecture

holographique, par analogie avecun hologramme optique, un objetque l'on voit en trois dimensionsalors que l'information est codéesur un film en deux dimensions.

Cette idée aurait pu rester une

curiosité théorique. Mais, en 1997,Juan Maldacena, de l'Institut desétudes avancées de Princeton, auxÉtats Unis, a proposé une correspondance mettanten œuvre le principeholographique. De manière étonnante,cette correspondance permet,dans des cas spécifiques, de réaliserdes calculs jusqu'alors infaisables,notamment surla manière dont les

quarks sont confinés à l'intérieurdes protons et des neutrons.Avant d'aller plus loin, rappe

lons des éléments de base concernant ces particules. D'abord, »>

N' 43 • MA l 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 45

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L'Univers comme un hologramme

L'espace anti de Sitter

COMMENT OBTENIRUN ESPACE ANTI DE SITTER? Partonsd'un espace hyperbolique, soit un espace qui ne satisfait

pas le quatrième postulat de la géométrie euclidienne: enun point Mon peut tracer une infinité de droites parallèles

(d1, d

2, d

3) à une droite donnée O Alors que la sphère a une cour-

bure positive, l'espace hyperbolique a une courbure négative.

Ajoutons à l'espace hyperbolique une dimension temporelle :onobtientun espace anti de Sitter. Lesespaces anti de Sitter ont despropriétés particulières.Àiadifférence de l'espace plat, ils ont

un bord . La correspondance entre ce qui se passe au bordet à l'intérieur est la clé de la dualité holographique.

»> les interactions entre les

quarks sont essentiellement

régies par l'interaction nucléaire

forte (ils portent aussi des char

ges électriques, mais leurs effets

sont négligeables à ces échelles).

Ensuite, la meilleure description

de cette interaction dont nous dis

posions aujourd'hui, dans le cadre

du Modèle standard de la physique

des particules, est une théorie baptisée" chromodynamique quanti

que " (désignée par QCD, son sigle

anglais). Elle décrit l'interaction

forte par des échanges de particu

les nommées des« gluons».

Contrairement à ce qui se passe

dans un atome et dans un noyau,

où l'on peut séparer électrons, neu

trons et protons,on ne voit jamais

de quarks isolés. Si l'on tente de

séparer deux quarks, l'énergie

que l'on doit fournir croît en proportion de leur séparation. Pour

expliquerce confinement, on ima

gine que les quarks sont liés par

une« corde "• une sorte de tube

de flux dû aux gluons. rénergie de

la corde augmente avec la sépara

tion. Quand elle atteint un certain

seuil, l'énergie est transformée

en une paire de quark et d'anti

quark, selon le principe d'équiva

lence entre la masse et l'énergie

énoncé par Einstein. La corde se

brise alors et de nouveaux tubes

se forment entre les nouveaux

quarks. Ce mécanisme a été testé àl'aide de simulations numériques,

mais il n'en existe pas encore de

preuve théorique formelle, car les

techniques mathématiques de la

QCD sont t rop compliquées.

En1974,dans le cadre de la QCD,Gerard 't Hooft avait proposé que,

sous certaines hypothèses (en pre

nant un grand nombre de quarks

et pas seulement les trois familles

du Modèle standard), les particu

les soumises à l'interaction forte,les hadrons, soient considérées

comme des vibrations d'une corde

qui a pour extrémités les quarks.

Cependant, la nature de cette

>Toute l'information d'une théorie gravitationnelleapplicabledans un volume d'espace pourrait être décrite par une théorie

quantique définie sur le bord de cet espace.

> La théorie des cordes fournit un exemple particulier de cette

correspondance entre un espace et son bord.>Cette dualité permet d'envisager d'une nouvelle manière

l'unification de la gravitation avec les autres forces.

46 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IMAI ZOU • N°43

corde de QCD est restée ambiguë

pendant deux décennies, jusqu'à

ce que la théorie des cordes lui

donne un nouveau statut.

Dans la théorie des cordes, les

particules sont remplacées par deminuscules cordes vibrantes. À

l'instar d'une corde de violon qui

vibre suivant différents modes

engendrant différentes notes, les

cordes vibrent selon des modes qui

correspondent aux particules élé

mentaires. ll s'agit d'une théorie en

constructionet loin d'être complè

tement comprise. Mais qu'elle soit

ou non la théorie fondamentale

de la nature, elle a permis d'éla-

borer des méthodes applicables à

d'autres domaines de la physique,

notamment au travers de la corres

pondance holographique.

L'ESPACE

ET SON BORD

Les solutions de la théorie des

cordes sont nombreuses. rune

d'elle prévoit l'existence d'un uni

vers dans lequel les dimensions

observables forment un espaceant i de Sitter. ll s'agit d 'une solu

tion particulière des équations

de la relativité générale que l'on

retrouve comme solution de la

théorie des cordes (lire (( respace

anti de Sitter "• ci-dessus). Lathéorie qui s'applique dans cet

espace (a priori de dimension quel

conque) contient la gravitation

et d'autres types de particules,

mais elle ne ressemble en rien

à ce qu'on observe dans notreUnivers. r espace anti de Sitter a en

outre un bord, qui est lui-même un

espace, mais avec une dimension

de moins que l'espace complet.

Ce qu'a montré JuanMaldacena

en 1997, c'est justement que la

théorie définie sur le bord d'un

espace anti de Sitter est de toute

autre nature que celle qui est à

l'intérieur. Cette théorie sur le

bord est une théorie quantique

des champs. Mais il a aussi déc ou

vert que, malgré leurs différences,

les deux théories (dans l'espace et

sur son bord) sont équivalentes.

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Autrement dit, elles contiennentles mêmes informations, décritesen ermes d'objets physiques totalement différents. Cette correspondance entre un espace et la

surface qui le borde évoque un

hologramme [fig.t] .De même quedans un hologramme toute l'information sur l'image tridimensionnelle est contenue dans la plaqueholographique à deux dimensions,de même toute l'information surla théorie gravitationnelle contenue à l'intérieur de l'espace an i deSitter est contenue dans la théoriedes champs sur son bord.

DES MODÈLES

TRÈS SIMPLIFIÉS

Dans certains cas, la théorie

définie sur le bord est même une

« théorie des champs conforme "(une théorie quantique avec certaines symétries), très proche dela QCD :elle contient les analoguesdes quarks et des gluons. Si l'onconsidère une corde fondamentale qui s'étend dans l'espace anti

de Sitter et dont les extrémités sontfixées au bord, avec la théorie deschamps sur le bord, on peut interpréter ces extrémités comme une

paire de quark e t d'antiquark; lereste de la corde correspond au

tube de flux de gluons liant les deuxquarks.répaisseur du tube de fluxest alors déterminée par la profondeur à laquelle la corde se trouve àl'intérieur de l'espace anti de Sitter.Grâce àcette dualité, on peut inter

préter la corde QCD comme une

corde fondamentale de la théoriedescordes. C'est une première réalisation concrète de l'idée émise pa rGerard 't Hooft en 1974

Depuis sa découverte, la dualitéholographique a permis d'utiliser la théorie gravitationnelle àl'intérieur d'un espace anti deSitter pour explorer certaines propriétés quantiques des théories

des particules. Ainsi, lorsque lesinteractions entre particules sontfortes et que les techniques de

calcul standard de la théorie deschamps ne s'appliquent plus, on

LES RÉPONSES DES THÉORICIENS

peut utiliser cette correspondanceentre les deux théories.Des calculsdifficiles sur le bord sont alors remplacés par des calculs plus facilesdans l'espace anti de Sitter.

Il convient de rester prudent.Même si elles ont plusieurs caractéristiques communes avec la

QCD ou, plus généralement, avecle Modèle standard, les théoriesdes champs que l'on peut défini r sur le bord de l'espace anti deSitter sont des modèles simplifiés.Ils sont même assez éloignés dumonde réel.

Ces modèles simplifiés onttout

de même permis d'analyser plusaisément certaines propriétés dumonde réel dans quelques casconcrets.Ainsi, récemment, dansle Collisionneur d'ions relativistes, le RHIC, situé à Brookhaven,aux États-Unis, les expériencesde collisions de noyaux d'or à trèsgrande énergie ont permis d'explorer un e nouvelle phase de la

matière. Selon la QCD, quarks et

gluons, qui aux basses énergies

sont confinés dans les hadrons,deviennent à très haute énergiedes particules libres qui interagissent très faiblement :elles forment

.s ::, . •:, : .:. .:;• • •.....•1. • ••••;-·:'

LESQUARKS(pointscolorés)évoluantàlasurfaced'unespaceanti de Sitter (figurée ici par une sphère) correspondentà desparticules soumises à la gravité situées à l'intérieur de l'es·pace, telles celles qui forment ici une fleur. Certains calculssont plus faciles à réaliser dans l'espace que sur son bord.

une sorte de gaz, un plasma dequarks et de gluons. Or les résultats du RHIC contredisent cetteprédiction et indiquent que,mêmeà haute énergie, les interactionsentre quarks et gluons restent

fortes : expérimentalement, le

« plasma » se comporterait plutôtcomme un liquide.

GRAVITÉ QUANTIQUE

ET THÉORIE DE CHAMP

Comment réconcilier théorie

et expérience ? Les simulationsnumériques de QCD, habituellementutilisées pour étudier les particules en interaction forte, sontmalheureusement inapplicablesdans ce cas. En utilisant des calculsfaits à l'aide de la théor ie gravitationnelle duale (celle de l'espaceanti de Sitter), Guiseppe Policastro,de l'École normale supérieure, et

ses collègues ont réussi à retrouver des résultats en accord avec lesdonnées expérimentales.Plus surprenant encore, d'autres commencent àutiliser les outils théoriques

de la dualité holographique dansdes domaines très différents dela physique. Par exemple, ceux-ciont été appliqués, en physique dusolide, à l'étude de supraconducteurs à haute température, danslesquels les calculs de mécaniquestatistique réalisés habituelle-

ment ne s'appliquent pas.À ce jour, la correspondance

entre espaces anti de Sitter et théories des champs conformes est le

seul exemple concret de la conjecture holographique. La gravitéquantique dans les espaces anti deSitter est décrite en termes d'unethéorie de champ, qui es t donccompatible avec les propriétés dela mécanique quantique. Certainsy voient une coïncidence, car on

est loin d'avoir des constructionssimilaires pour des modèles réalis- ates de notre Univers. D'autres phy-

siciens pensent que ces construc-tions, qui nous fourniraient une

théorie assez simple de la gravitéquantique, n'attendent que nos 1:2efforts pour les découvrir. •

N' 43 • MA l Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 47

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L'hypothèse

des mondes parallèlesPlusieurs théories physiques, construites sur des bases différentes,convergent vers un scénario qui relevait, il y a peu, de la science-fiction :notre Univers n'est qu'un exemplaire parmi une multitude d'autres.

uste un parmi tant

d'autres! Notre Univers,

pourtant immense, ne

serait qu'une infime

partie d'une structure

cosmique bien plus vaste, un

simple échantillon d'une multi

tude de mondes. La littérature et

le cinéma n'ont cessé d'explorer

cette idée. Et pas seulement la

science-fiction. Par exemple, dans

le film en deux volets Smoking/

No Smoking du réalisateur français Alain Resnais, le début de

l'histoire repose sur la décision de

l'un des personnages de fumer ou

pas. Chaque volet du film propose

ensuite six fins possibles à cha

cun de ces débuts. Douze scénarios

dans douze univers différents, tous

aussi réels les uns que les autres !

La notion d'univers multiples

pousse cette idée à l'infini: tous

les scénarios ont lieu. Celui d'un

monde doté de galaxies, d'étoileset d'une Terre, dans lequel vous

commencez à lire cet article. Celui

du même monde, dans lequel vous

avez déjà fini votre lecture. Mais

aussi celui d'un monde sans étoile,

ni planète, ni lecteur. Et une infi

nité d'autres encore.

La proposition est vertigineuse,

mais est-elle scientifique? ridée

d'une multitude de mondes n'est

pas nouvelle {lire '' Les univers

multiples au fil du temps», p.so).

Anaximandre de Milet, penseur

grec, la défendait déjà il y a vingt

six siècles. Elle a même valu le

bûcher à Rome, en 16oo, au philo

sophe i talien Giordano Bruno, quiavec ses « infinités de mondes »

bousculait une vision du monde

centrée sur not re Terre. Mais il y a

seulement trente ans, les théories

décrivant d'autres univers que le

nôtre étaient considérées comme

de la métaphysique.

Aujourd'hui, bien que l'hypo

thèse demeure spéculative et

controversée, elle a gagné le champ

scientifique.Elle paraît même très

stimulante, à en croire le nombrede scientifiques de renom qui

s'y intéressent. rouvrage qui fait

référence sur le sujet Universe or

Multiverse, publié sous la direction

> L'idée que le monde dans lequel nous vivons appartiendrait

à un paysage beaucoup plus vaste est entrée dans le champ

scientifique au milieu du xx• siècle.

>Des théories cosmologiques aboutissent à l'existence

d'autres mondes séparés du nôtre.> Les théories fondamentales, théorie des cordes ou méca-

nique quantique, sont compatibles avec cette hypothèse.

48 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl Z011 • N' 43

Hélène

Le Meurest journalisteà La Recherche.

du cosmologiste Bernard Carr de

l'université QueenMary à Londres,

en témoigne. Tout autant que les

colloques autour de cette question

qui se multiplient.

Ces dernières années, ils sont

même devenus pour certains physi

ciens théoriciens, comme Thibault

Damour de l'Institut des hautes

études scientifiques, « un outil de

travail dont on ne peut plus Jaire

l'économie". D'autres s'y opposent

fortement, considérant que l'hypothèse ne peut de toute manière être

testée, à l'instar du Prix Nobel de

physique 2004, David Gross.

PLUSIEURS FAÇONSDE CRÉER DES UNIVERS

Toujours est-il que différentes

théories, en cherchant à décrire

l'Univers et les forces qui le gou

vernent, conduisent à l'exis

tence d'univers multiples. Ils

ne sont donc pas tous de mêmenature. Et les visions diffèrent

sur la manière dont émergent ces

univers multiples.

Le multivers, appellation choisie

par opposition à univers, recouvre

donc différents types de multi

mondes. Ce qui entretient parfois

une certaine confusion, reconnaît

Max Tegmark, du MIT, qui a pro

posé une classification des multi

vers pour clarifier les choses.Nous

retiendrons les quatre catégories

le plus évoquées.

Le premier type, le plus élé

mentaire, découle directement

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de l'application de la relativité

générale d'Einstein au cosmos.

L'Univers désigne tout ce qui

nous entoure. Mais, la vitesse

de la lumière étant finie, notre

capacité d'observation est limitée . Seul un certain volume nous

est accessible. Dans le modèle

du Big Bang, en tenant compte

de la distance parcourue depuis

13,7 milliards d'années pendant

que l'Univers s'agrandissait, ce

volume correspond actuellement

à une sphère centrée sur laTerre et

dont le rayon est d'environ 46 mil

liards d'années-lumière [fig.1] .

Or , la relativité générale nous

dit aussi qu'au-delà de cet hori

zon un espace infini peut exister.

LES RÉPONSES DES THÉORICIENS

En tout cas,dans la configuration

d'un espace à courbure nulle, qui

est la géométrie la plus simple

en accord avec les observations,

actuellement.

UNE RÉPARTITION INÉGALE

DE LA MATIÈRE

Lemultivers dans ce cas désigne

l'ensemble de cet espace infini

où les zones situées au-delà du

volume qui nous est accessible

abritent de nouveaux univers :

d'autres volumes de même

format, juxtaposés les uns aux

autres. Suivant cette vision, nous

humains, nous trouvons simple

ment dans une partie du multivers

où sont réunies les conditions très

particulières nécessaires au long

processus qui conduit à l'émer

gence de la vie. Dans ce multi

vers élémentaire, les lois de la

physique sont les mêmes d'une

sphère à l'autre, mais les conditions y diffèrent selon la manière

dont les mécanismes à l'œuvre

lors du Big Bang ont réparti la

matière.Selon Max Tegmark, des

univers jumeaux, copies à l'iden

tique, peuvent exister, mais pas

à moins de (1010) 11s mètres l'un de

l'autre. Peu de chances donc de

rencontrer son double.Le premier

des multivers consiste donc en une

simple juxtaposition d'univers.

La deuxième catégorie est

plus complexe. Elle émane >»

N°43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 49

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( .... ~ a v o i r ~L'hypothèse des mondes parallèles

»> du modèle cosmologique leplus en vogue aujourd'hui pour

décrire l'évolution du tout jeuneUnivers, l'inflation cosmique.

UNE INFINITÉDE BIG BANG

C'est dans les années 1980 quele cosmologiste d'origine russeAndrei Linde, aujourd 'hui à l'université Stanford, a mis au pointun modèle détaillé d'inflation.Selon cette théorie, notre Universa connu une gigantesque phased'expansion, juste après le BigBang : à w ·3s seconde, la taille

du tout jeune Univers extrêmement chaud et dense aurait brusquement été multipliée par un

facteur ws o. Cette accélération

démesurée permet d'expliquerpourquoi l'Univers est si homogène à grande échelle et également de rendre compte de l'apparition des grandes structures

cosmologiques, comme les amasde galaxies, telles qu'elles sont

aujourd'hui observées.Mais la théorie de Linde va

encore plus loin :elle suppose quel'espace-temps est en perpétuelleinflation. C'est l'inflation éternelle.Plus précisément, certaines régionscontinuent à connaître une phased'inflation conduisant à autant

de bulles distinctes et donnant

lieu à une infinité de big bang.Chaque big bang crée un univers.L'hypothèse est très spéculative.Mais il s' agit là d'un multivers bien

plus divers que le précédent.Depuis quelques années, ce« multivers-bulle >> s'est vu renforcé par le développement de lathéorie des cordes, qui cherche,elle, à décrire toutes les inter-

actions fondamentales de la physique :électromagnétisme, forcesnucléaires et, surtout, gravitation(lire <<Théorie des cordes :4 raisonsd'un succès »,p. 40 . Cette théorie

Les univers multiples au fi l du temps

en quête d'unification des lois dela nature, où toutes les particulesapparaissent comme des modes devibration d'une corde élémentaire,à l'instar d'une corde de violon qui

peut générer toutes les notes dela gamme, est encore loin d'avoiratte int son but. Pour l'instant, aulieu de mener à une seule théorie,elle a conduit à 10soo, voire 10100 0

,

théories différentes !

Ainsi lorsque l'inflation éternelle est pensée dans le cadre dela théorie des cordes, la diversitédu multivers-bulle explose. C'estcette version que défend LéonardSusskind, l'un des pères de la théorie des cordes, lui aussi professeurà Stanford. Ce multivers est une

structure gigogne composée d'uneinfinité d'univers-bulles, dotéschacun de ses propres lois de laphysique, et abritant chacun uneinfinité d'univers élémentaires.Làencore, dans cet insondable paysage, nous nous trouverions simplement dans un îlot, particulièrement bien adapté à la vie.

Mais ce type de multivers esttrès critiqué par Lee Smolin, del'institut Perimeter au Canada.Celui-ci est connu pour sa sévéritéà l'égard de la prédominance dela théorie des cordes en physiquethéorique. Selon lui, aucune prédiction ne permet de la tester etelle échappe à toute expérience,le niveau des énergies en jeu

dans ces phénomènes étant tout

VIE SIÈCLE AV. J.·C. Première cosmologie non mythologique : des

mondes apparaissent quand d'autres disparaissent (Anaximandre,

penseur grec).

1110. Multitudedes mondes possibles parmi lesquels notre Univers

est le meilleur (Gottfried Wilhelm Leibniz, philosophe et mathé-

maticien allemand).

VE·IVE SIÈCLE AV. J.·C. Les atomes et les mondes sont en nombre

illimité (Démocrite, philosophe grec).

1440. Pluralité des mondes dont les habitantssedistingueraientpar leur

caractère propre (Nicolas de Cues, philosophe etthéologien allemand).

1552.11 existe plusieurs mondes et, selon le cycle du temps, il tombe des

véritésdanslesmondesdisposéssuivantunestructuretriangulaireautour

des idées platoniciennes (François Rabelais, humaniste français).

1584. Des mondes infinis distincts les uns des autres (Giordano

Bruno, philosophe italien).

1686. Conversations galantes à propos de la pluralité des mondes

(Bernard le Bouyer de Fontenelle, philosophe français).

50 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOll • N' 43

1957. Les mondes parallèles entrent dans le champ de la physique

par l'intermédiaire de la mécanique quantique (Hugh Everett,

physicien américain).

1977. Mondes multiples réels et coexistants, créés par l'usage de

symboles (Nelson Goodman, philosophe am éricain).

1982.1ntroduction de multivers dans le domaine de la cosmologie

avec le scénario d'une inflation éternelle (Andrei Linde, physicien

américain d'origine russe).

1986. Tout ce qui pourrait se produire dans notre monde se

produit réellement dans un autre monde (David Lewis, philo-

sophe américain).

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simplement hors de notre portée.

Pour autant, sa théorie l'a amené

à proposer une autre approche en

1992 : l'hypothèse de la << sélec

tion naturelle cosmologique »,

qui conduit à un troisième typed'univers multiple.

Lee Smolin est l'un des inven

teurs de la << gravité quantique à

boucles », théorie quantique de

la gravitation. Or celle-ci ne pré

dit pas de singularité centrale des

trous noirs, ce lieu où la densité

et la courbure de l'espace-temps

deviennent infinies.Dans ce cas,

très proche du centre, la gravité

devient répulsive. Tout se passe

comme si la matière se contrac

tait vers le centre pour rebon

dir dans un e nouvelle phase

d'expansion.

LA SÉLECTION NATURELLE

DES LOIS PHYSIQUES

Un nouvel univers en expansion

naîtrait ainsi à l'intérieur même

du trou noir. Et chaque trou noir

formé engendrerait lui-même un

univers. Notre monde aurait aumoins 10 '8 enfants-univers créés

par ses trous noirs. Dans ce mul

tivers imbriqué, très inspiré de

l'évolution darwinienne biolo

gique, chaque univers transmet

à sa descendance ses propres lois

de la physique, légèrement modi

fiées par les fluctuations quan

tiques au moment du « rebond »

dans le trou noir,évitant ainsi une

simple réplication à l'identique.

Un te l mécanisme évolutif

favoriserait les lois qui maxi

misent la production de trous

noirs, c'est-à-dire la procréa

tion. Séduisant, ce modèle n'en

demeure pas moins embryon

naire.Il reste en particulier à pré

ciser le mécanisme de la trans

mission des lois de la physique.

Mais, d'après son auteur, il a le

mérite d'établir des prédictions

testables. Il fixe, entre autres, la

masse limite supérieure d'une

étoile à neutrons, étape inter

médiaire entre l'explosion de

supernova d'une étoile massive

LES RÉPONSES DES THÉORICIENS

DEPUIS LA TERRE, nous ne pouvons observer qu'une partie limitée de l'Univers.Dans le cadre du modèledu Big Bang, la lumière la plus lointaine qui nous arrive est celle du fond diffus cosmologique, premierrayonnement émis il y a un peu moins de 13,7 milliards d'années. Mais l'Univers étant en expansion,cet horizon cosmique se situe à environ 46 milliards d'années·lumière.

Cet article est la version

revue et corrigéepar son auteu rdu texteparu dans le n• 433de La Recherche.

et la formation d'un trou noir,

autour de 1,6 masse solaire.Enfin,la dernière catégorie d'uni

vers parallèles nous vient d'un

tout autre horizon.Les précédents

découlaient de théories décrivant

la gravitation,force à l'œuvre aux

plus grandes échelles de l'Univers.

Celui-ci nous vient de la mécani

que quantique, cadre théorique

qui explique le monde de l'infi

niment petit. Longtemps consi

déré comme farfelu, c'est en fait

le premier multivers scientifiqued'un point de vue historique. En

1957, le physicien américain Hugh

Everett, alors à Princeton, propose

une interprétation iconoclaste de

la théorie quantique . Il pousse

jusqu'au boutle principe de super

position des états de la matière

que requiert cette théorie. Selon

ce principe,un système quantique

peut être dans plusieurs états à la

fois. Les mesures de ce système

peuvent conduire à des résultats

différents . Pour Everett, ce prin

cipe n'est pas juste vrai à l'échelle

microscopique, i l l'es t aussi à

l'échelle macroscopique. Les dif

férents résultats de mesure possibles coexistent comme autant de

réalités parallèles : tous les mon

des existent! Celui où l'on fume

et celui où l'on ne fume pas. Et

ils se ramifient sans cesse en de

nouveaux mondes. Pourquoi n 'en

observons-nous alors qu'un seul?

Simplement parce que nous ne

pouvons voir que celui dans lequel

nous nous trouvons.

Si étonnante soit-elle, l'interpré

tation d'Everett est aujourd'huiconsidérée de plus en plus sérieu

sement par certains physiciens.

Pour Thibault Damour : « C'est

même celle qui s'impose désor-

mais. " Et dans la classification

du cosmologiste Max Tegmark,

les univers d'Everett se placent

au même niveau que le multivers

bulle inflationnaire. Ils ajoutent,

selon lui, simplement davantage

encore de copies impossibles à

distinguer.Ce qui paraissait pure

ment métaphysique, il y a peu,

semble donc gagner ses lettres de

noblesse scientifiques. •

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 51

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<Savoir<S )

Réinventer les lois

de la gravitationLa théorie de la relativité générale est l'un des succès de la physiquedu xxe siècle. Mais des astrophysiciens pensent qu'ilfaudraitla modifier pour mieux rendre compte des observations cosmologiques.

u cours de la der

nière décennie,

notre vision de

l'Univers a connu

un profond boule

versement. ll résulte des progrès

de la cosmologie observation

nene qui ont permis de détermi

ner avec précision tous les para

mètres de l'Univers -tels que son

âge, sa structure et, surtout, son

contenu.Ces avancées conduisent

à une conclusion surprenante quia considérablement obscurci le

ciel de la cosmologie et de la phy

sique fondamentale : le modèle

actuel de l'Univers requiert l'exis

tence d'entités invisibles emplis

sant tout le cosmos.

PAS ASSEZ DE MATIÈRE

DANS L'UNIVERS

Dans ce modèle, la relativité

générale- tout comme sa formu

lation à des vitesses faibles devantcelle de lalumière,la théorie new

tonienne de la gravitation-décrit

correctement la dynamique des

galaxies. Mais à condition que les

galaxies contiennent une grande

quantité de<< matière noire», de

nature inconnue et encore jamais

observée de manière directe. Par

ailleurs, une autre entité énigma

tique, baptisée« énergie noire»,

est également nécessaire pour

expliquer l'expansion accélérée

de l'Univers depuis le Big Bang.

La matière visible e t ordinaire ne

rend désormais plus compte que

d'à peine 5% de la matière et de

l'énergie totales présentes dans

l'Univers [fig . t] .

Comment incorporer cette

matière noire et cette éner

gie noire au sein des lois de la

physique ? Deux solutions sont

possibles. La première, qui est au

cœur du modèle cosmologique

actuel, repose ainsi sur l'addi

tion de composants inconnus,

dans le cadre de la relativité

générale et de la dynamique newtonienne

comme théories

de la gravi

t a t ion .

52 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE jMAl 2011 • N' 43

Luc Blanchetest directeurde recherche

à l'Institutd'astrophysiquede Paris.

FrançoiseComllesest astronomeà l'Observatoirede Paris.

La seconde implique une révision

profonde de ces théories. Telle

es t l'approche adoptée par un

nombre de plus en plus important

de physiciens

Une telle révision a déjà eu

lieu au xrx· siècle: pour expli

quer la précession

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anormale de Mercure, Urbain

Le Verrier postulait l'existence de

Vulcain, objet invisible gravitant

entre le Soleil et Mercure. Mais la

bonne solution a été trouvée en

modifiant la loi de Newton et en

la prolongeant dans une théorie

plus fondamentale, la relativité

générale,confirmée par des obser

vations en 1919 .

Une quinzaine d'années plus

tard,les observations ont conduit

à nouveau à postuler l'existence

d'une matière manquante dans

l'Univers . En 1933, l'astronome

suisse Fritz Zwicky constatait

que plusieurs galaxies situées

dans l'amas de Coma se dépla

çaient beaucoup plus vite que

prévu par les lois de la gravi

tation newtonienne . Ces lois

étaient toujours utilisées par les

cosmologistes, car, dans un amas

de galaxies, elles ne

LES RÉPONSES DES THÉORICIENS

>Les observations cosmologiques des dernières décennies

indiquentque la matière ordinaire occuperait une place infime

dans l'Univers.

>Des physiciens réfutent cette interprétation, qui fait intervenir

de la matière et de l'énergie noires, de nature indéterminée.> Ils proposent de nouvelles théories dans lesquelles la gravi-

tation s'exercerait différemment selon les échelles.

sont pas contredites par la relati

vité générale, et leur utilisation,

plus commode, reste pertinente

dans de nombreuses situations.

Pour expliquer cette observa

tion à l'aune de la gravitation new

tonienne, la masse des galaxies

devait être cent fois plus impor

tante que la valeur déterminée à

parti r de la matière visible. Cette

matière manquante a été quali

fiée de << noire >> , faute de mieux.

Par la suite, d'autres as tronomes

ont découvert l'existence d'un gaz

très chaud émettant des rayons X

qui représente en fait l'essentiel

de la matière visible dans les

amas de galaxies. Mais pasassez pour expliquer

les observations

de Zwicky.La

matière

no ire

Les fluctua-

tions du fond dif-fus cosmologique,

premier rayonnement

librement émis dans l'Uni-vers, renseignent notamment sur

les proportions relatives de matière ordi-naire et de matière noire {id une simulation des

observations du satellite Planc1r).

restait encore dominante - six

fois plus importante, environ,que

la matière ordinaire.

Zwicky ne parvint pas à

convaincre ses collègues de l'im

portance desa

découverte. Ellefut d'ailleurs oubliée des décen

nies durant. Cependant, à partir

des années 1970,des observations

concernant la rotation des galaxies

spirales ont mis en évidence l' exis

tence d'une grande quantité de

matière manquante, non plus

seulement au niveau d'un amas

de galaxies, mais des galaxies

individuelles.Là encore, ces obser

vations contredisaient les lois de

la gravitation newtonienne, quine restaient valides que si l'on

estimait que les galaxies étaient

entourées de gigantesques halos

de matière invisible.

LA MATIÈRE NOIRE

EST RÉVÉLÉE

Plusieurs autres éléments sont

venus corroborer son existence.

Depuis une dizaine d'années, par

exemple, les << lentilles gravita

tionnelles » permettent de carto

graphier la matière noire au voi

sinage des grandes structures

galactiques. Les galaxies les plus

éloignées émettent en effet des

rayons lumineux qui, dans la ligne

de visée, sont déviés par la matière,

noire ou ordinaire, avant d'être §détectés par les télescopes (Lire «La

matière noire dévoilée par les len-

tilles gravitationnelles »,p.54).En

analysant la déviation des rayons, gon peut ainsi repérer la matière

noire dans l'Univers. gL'existence de la matière

noire est également étayée >»

N' 43 • MAl ZOl l l LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 53

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6 a v o i r 6Réinventer les lois de la gravitation

>» par les fluctuations du fonddiffus cosmologique, rayonne

ment « fossile » dont la température est de 3 kelvins, émis 380 ooo

ans après le Big Bang.Ces observations constituent

les fondements d'un modèle del'Univers où la matière ordinairen'occupe qu'une place minime.La matière noire serait constituée de particules inconnues - sice n'est qu'elles sont froides et

n'interagiraient pas ou très peuavec la matière ordinaire.BaptiséCDM, sigle anglais de « Matièrenoire froide », ce modèle domineactuellement le champ de la

cosmologie.Fondé sur la relativité géné

rale, ainsi que sur tous les acquisde la physique des particules,i l rencontre de fait un grand

nombre de succès dans sa description de l'Universà grande échelle.L'énergie noire explique l'expansion accélérée. La matière noirejoue, elle aussi, un rôle essentiel,car c'est elle qui aurait façonnél'Univers dès ses premiers instants en entraînant la matièreordinaire dans un effondrementgravitationnel. Sans la matière

51 L'ON DÉCRIT LA GRAVITATION à l'aide de la relativité géné-rale, les mesures cosmologiques indiquent que la matièreordinaire emplit à peine 5% de l'Univers. Ce dernier seraitmajoritairement composé de matière noire (23 %} et d'éner-gie noire (72%} dont la nature est inconnue.

noire, es simulations numériquesse révèlent ainsi incapables dereproduire et d'expliquer la formation des grandes structures del'Univers actuel.

Le modèle CDM présente toutefois plusieurs faiblesses à l'échellegalactique, mises en lumière par

ces mêmes simulations. Selonelles, en effet, la matière noirese concentre beaucoup trop à

La matière noire dévoilée par les lentilles gravitationnelles

l 'intérieur des galaxies . Aupoint que la Voie lactée devraitêtre largement dominée par lamatière noire. Or les observations indiquent le contraire. Les

simulations prédisent aussi unecertaine taille pour les disquesdes galaxies spirales, qui est dix

fois moins importante que la

taille observée en réalité. D'autrepart, le modèle CDM prédit centfois trop de satellites gravitantautour d'une galaxie comme laVoie Lactée.

Confrontés à cette liste, non

exhaustive, des problèmes dumodèle CDM, ses partisans n'en

démordent pas et prétendent queces « anomalies » seront tôt ou tardexpliquées. Elles se résorberontlorsqu'une série de phénomènescomplexes pourront être intégrésaux simulations numériques, telsque l'effet des supernovae• sur lamatière noire ou les modalitésdes

interactions entre la matière noireet la matière ordinaire.

Une seconde solution existenéanmoins.Les cosmologistes neferaient-ils pas en réalité fausseroute en cherchant à extrapolerles lois de la relativité généraleet de la gravitation newtonienneà l'échelle de l'Univers? C'estce que prétend depuis plus de

UNE LENTILLE GRAVITATIONNELLE est un objet massif qui exerce

un fort champ gravitationnel et dévie les rayons lumineux passant

à proximité.les cosmologistes les utilisent pour repérer la matièrenoire au sein des grandes structures de l'Univers, comme dans l'amas

LE PLUS PETIT AMAS (à droite) semble avoir traversé le gros

(à gauche) comme un boulet. la pointe de couleur rouge, à

droite, montre l'onde de choc qui permet de mesurer la vitessede la collision (environ 4 700 kilomètres par seconde). Tous

de galaxies- dit du<< Boulet»- repré

senté sur la photographie ci-contre.

L'AMAS DU BOULET est en fait consti

tué de deux amas en collision. À la

photographie optique de l'ensemble

est superposée, en rouge, l'émis

sion de rayons Xdu gaz chaud qui

se trouve dans chaque galaxie; et,

;Q en bleu, la masse totale projetée sur

le ciel qu'observent les astronomes.

la distribution de cette masse cor·

respond à la masse cumulée desdeux amas reconstruite par lentilles

gravitationnelles.

54 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE I IIAI ZOU • N' 43

les composants de l'amas ne réa·

gissent pas de la même manière.

les galaxies et la matière noires'interpénètrent sans quasimentinteragir. le gaz chaud est, quant àlui, toujours freiné, si bien que les

composantes gazeuses des deux

amas sont plus rapprochées que

les deux centres de masse. la dif

férence de comportement entre les

galaxies, les gaz chauds et la matièrenoire permet de séparer ces diffé

rents constituants et, partant, de

cartographier la matière noire.

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vingt-cinq ans l'astrophysicien

Mordehaï Milgrom, de l'institut

Weizmann, en Israël. Au début

des années 1980, il cherchait à

expliquer l'origine des fortes

concentrations apparentes dematière noire au voisinage des

galaxies.Ses travaux l'ont conduit

à constater que la dynamique

« anormale » des galaxies pouvait

très bien s'expliquer, non pas en

postulant l'existence de la matière

noire, mais en modifiant les lois

de la gravitation.

UN CHAMPGRAVITATIONNEL LIMITÉ

L'intensité de la force de gra

vité évoluerait d'une manière dif

férente de ce que Newton avait

établi. Elle ne diminuerait pas

de façon proportionnelle à l'in

verse du carré de la distance sépa

rant deux objets massifs. Selon

Milgrom, il existerait en fait un

champ gravitationnel limite,noté

•• a.» (établià1,2x10 -10 ms--:z),autre

ment dit une accélération, délimi

tant deux régimes distincts.Dans le régime des grandes

accélérations, supérieures à a.

-celui auquel nous sommes habi

tués, vérifié sur Terre et dans le

système solaire - ,la loi de Newton

demeurerait exacte. Mais dans

le régime des faibles accéléra

tions, inférieures à a•• cette loi ne

serait plus valable. Elle devrait

être remplacée par une formule

établie en1983par Milgrom-bap

tisée MOND, acronyme anglais

de « dynamique newtonienne

modifiée ».Dans le cadre de cette

formule, qui relie l'intensité de

la force de gravité à la masse et

à l'accélération limite, a•• celle-ci

est considérée comme une nou

velle constante fondamentale de

la physique.

La formule deMilgrom n'est pas

une théorie physique à propre

ment parler.Ce n'est qu'une équation empirique, une « recette »

ad hoc très controversée au

moment de sa formulation, qui

ne rentre pas dans le cadre des

*Une supernovacorrespondà l'ensembledes phénomènesqui résultentde l'explosiond'une étoile .

*Une métriqueest une fonctionmathématiquequi définit les

distances séparantles différentsévénements dans

l'espace-temps .*Un champscalaire est unefonction qui associeun nombre à chaque

point de l'espace-temps.*Un champvedoriel est une

fonction qui associeun vecteur, pointant

dans une directionspécifique, à chaque

point de l'espace

temps.

LES RÉPONSES DES THÉORICIENS

lois physiques les mieux établies.

Pour que cette formule constitue

une alternative crédible à la gra

vitation newtonienne, la relativité générale devait elle-même

être remaniée.

Modifier les équations de cette

théorie n'est toutefois pas une

chose aisée. La seule possibi

lité est d'ajouter de nouveaux

champs associés à la force gra

vitationnelle. Les théoriciens

Jacob Bekenstein, de l'univer

sité hébraïque de Jérusalem, et

Robert Sanders,de l'université de

Groningue, aux Pays-Bas, y sont

parvenus entre 2004 et 2005, au

prix de nombreuses années de

recherches.

LA RELATIVITÉ GÉNÉRALESANS MATIÈRE NOIRE

Baptisée TeVeS, pour Tensor

Vector Scalar Theory, cette

théorie conserve la métrique•

de l'espace-temps propre à la

relativité générale. Mais elleadjoint deux nouveaux champs

- l'un scalaire*, l'autre vecto

riel* - , répondant à une série

d'équations.TeV S est le premier

exemple d'une théorie relativiste

décrivant la gravitation newto

nienne modifiée dans un Univers

sans matière noire. Elle a donnéun nouvel élan et de nouvelles

justifications à cette approche,

recrutant ainsi de nouveaux

partisans.

Plusieurs succès sont à mettre

au crédit de MOND et de son

extension relativiste. Leurs for

malismes reproduisent très bien

la dynamique de rotation des

galaxies, des plus grandes, peu

concernées par le problème de

la masse manquante, aux plus

petites, qui semblent entière

ment dominées par la matière

noire.En 2008, à l'Observatoire de

Paris,Olivier Tiret etl'une d'entre

nous (Françoise Combes) ont corn

paré les résultats des simulations

numériques réalisées à partir

du modèle CDM et du forma

lisme de MOND, concernant la

formation des galaxies. À quel

ques différences près, les deuxmodèles reproduisent les mêmes

formes et le même nombre de

galaxies embryonnaires. D'une

manière plus générale, »>

N• 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 55

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Réinventer les lois de la gravitation

ces simulations indiquentque M ON D- et donc TeVes

reproduit toutes les observations astrophysiques relativesaux galaxies individuelles.

MOND rencontre toutefois

ses limites à une l'échelle plusgrande des amas de galaxies.Dans cet environnement, MOND

rend compte d'une partie de la<<masse manquante ••, mais pasde sa totalité. Ses défenseurs

pensent que ce problème pourrait être résolu de deux manières. L'une fait appel à des particules de matière ordinaire,

dénommées « neutrinos )), trèsnombreuses dans l'Univers. Leurmasse a longtemps été supposée nulle, mais elle serait en

fait de l'ordre de l'électronvolt•.Les expériences en cours su r

la masse exacte des neutrinos

devraient bientôt confirmer

ou infirmer cette hypothèse, etce faisant, indiquer si ces particules constituent la part dematière noire que MOND es t

toujours incapable d'expliquer.L'autre issue possible est fondéesur l'existence hypothétique de« baryons• noirs ,, ,des particuleselles aussi de matière ordinaire,certes, mais qui ne rayonnent

pas et demeurent du coup indétectables via nos télescopes.À côté des modèles CDM et de la

gravitation modifiée de Milgrom,une troisième solution au problème de la matière noire est pro

posée et affinée depuis 2007 parl'un d'entre nous (Luc Blanchet)et Alexandre Le Tiec, de l'Institutd'astrophysique de Paris. Elle estconnue sous le nom de « matièremodifiée ••. Cette théorie suppose que la matière noire es t

dotée de propriétés différentes àcelles prévues par le modèle CDM.

Elle explique aussi la phénoménologie de MOND, sans modifiertoutefois la relativité générale qui

reste valable avec sa limite newtonienne classique.

Cette nouvelle approche es t

fondée sur une analogie avec

56 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

*L'électronvolt estune unité de masse

en physique desparticules fondéesur le principed'équivalence entrela masse et l'énergie.

*Les baryonsreprésentent une

famille de particulescomposites, dontl'assemblage formeles atomes, ainsi quela quasi·totalité de la

matière ordinaire .

Cet article est la versionrevue et corrigéepar ses auteurs du texteparu dans le n 435de la Recherche.

la physique des dipôles électrostatiques. Dans un matériau isolant, les atomes se comportentcomme des dipôles électriques,qui se polarisent en présence d'un

champ électrique extérieur. Ilsdeviennent eux-mêmes la sourced'un nouveau champ électrique.Le champ total correspond alorsà la somme du champ extérieuret du champ induit par la polarisation des atomes. MOND apparaît comme une sorte d'analoguegravitationnel au phénomène de

polarisation.Dans le cas gravitationnel, la polarisation entraînerait, localement, l'augmentationde la force de gravitation.

L'HYPOTHÈSE

DE LA MASSE NÉGATIVE

Se pourrait-il que la matièrenoire soit constituée d'un

ensemble de « dipôles gravitationnels ,, polarisés dans lechamp de gravitation? En poursuivant l'analogie avec l'électrostatique, le dipôle gravitation

nel devrait alors être constituéd'une masse « positive )) et d'unemasse « négative •• . L'existencede masses négatives est difficilement réconciliable avec larelativité générale. À l'échellemacroscopique, il est néanmoinspossible d'élaborer un modèlede matière noire dipolaire dontle comportement est régi par larelativité générale. Des calculsrécents ont ainsi révélé que ce

modèle reproduisait les observations relatives à la répartitionde la matière noire à l'échelle des

galaxies et que ses prédictionsétaient en accord avec les fluctuations du fond diffus cosmologique à grande échelle.

Seules de nouvelles observations sur les composantes noiresde l'Univers, comme celles queréalisera bientôt le satellite européen Euclid et son homologue

américain, JD EM, permettront de

trancher entre tous ces modèlesexplorant les aspects méconnusde la force de gravité. •

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432 juille1-aoû12009SPÉCIAL :Mémoire, nouveauxregards sur le cerveau

N" 439 mars 201 oDossier : L'émergence de la conscienceÉvénement : a matière noire au boutdu tunnel.

N" 440 avrii201DDossier : Cancer, la révolutionÉvénement :une hormone fait sortirdes autistes de l'isolement.

No 441 mai 2010SPÉCIAL :40 ANS de scienœ

Événement :cycle solaire, enfinça redémarre !

14Recherche'actuallt' des sciences

N"447 décembre 2010Dossier :Dieu et la scienœÉvénement : modéliser la qualitéde l'eau de la planète.

N" 448 janvier 2011Dossier :Les 10 découvertesde l'annéeCahier spécial, ce qu'il faut suivreen2011.

N" 449 février 2011Dossier :Comment le cerveau

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Dossier : Le temps n'existe pas : ''Événement: le réveil des wlcans N°450 mars 2011 No 12 : Le corps humain

433 septembre 2009 1l!i ! !l!IB'Ili!U!Jijl\li•iil!l;h'!I!IIIJivDossier :Notre Univers est-ilunique ? L'hypothèse des mondesparallèles

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Portable et cancer :pourquoi l'étudeInterphone est un échec.

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~ a v o i r ~PETER GALISON

«Une bonne théorie

doit être féconde»Les différents modèles proposés pour tenter d'unifier la physiquesont aujourd'hui tous spéculatifs :comment savoir lesquels ontdes chances d'aboutir?

LA RECHERCHE.Les théories qui tentent d'unifier

les forces sont très spéculatives. Qu'est-ce qu'une

théorie vraie aujourd'hui?

PETER GALISON. Je crois qu'il faut distinguer

vérité ultime et productivité. La productivité d'une

théorie me semble un critère d'évaluation de perti

nence plus intéressant. ll faut du recul pour aborder

la question de la véracité :la théorie sera-t-elle reje

tée dans dix, vingt ou cinquante ans? Sera-t-elle

remplacée par une autre ? Comment pourrai t-on

le savoir?La

notion de fécondité est plus immédiate. Prenons l'exemple de la théorie de Newton,

remplacée par les équations d'Einstein. Au sens

strict, elle est fausse, mais elle reste productive. On

l'applique toujours dans beaucoup de domaines.nserait ridicule de la jeter à la poubelle.

Le prisme de la productivité serait un moyen de

sortir du paradoxe actuel, où les théories que l'on

sait étudier on t été réfutées, tandis que les autres

ne peuvent pas être vérifiées.

P. G. Oui, mettre la réfutabilité ou la vérifica

tion d'une théorie au centre du débat me semble

une mauvaise idée. Mieux vaut se demander sila théorie ouvre de nouvelles voies, si elle crée

des connexions entre domaines ou encore si

elle fournit des concepts qui font progresser nos

connaissances.

Peter Galisonest professeur

d'histoiredes sciences à

l'université Harvard.

Il est spécialiste

de l'histoirede la physique.

*La théoriedes champs un ifie la

théorie quantique et

la relativité restreinte .*Le concept depaysage désignela multitude deversions poss ibles dela théorie des cordes.

>Les physiciens doivent s'intéresseraux capacités des théories

à engendrer de nouveaux concepts, plus qu'à leur validité.

> Ainsi,la théorie des cordes reste spéculative, mais elle a déjà

changé la façon dont les physiciens voient le monde.

> La physique continue d'évoluer en établissant des connexionsavec d'autres disciplines et avec des approches radicalement

nouvelles.

SB • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N• 43

La théorie des cordes a-t-elle été productive?

P. G. Très productive. Elle a généré des concepts

et une nouvelle façon de voir. Elle a mené à une

compréhension bien plus profonde des fonde

ments de la théorie des champs•.Le calcul de l'en

tropie des trous noirs a aussi été important (lire

<<Théorie des cordes :4 raisons d'un succès>>, p.40 .

Il éclairait un domaine à la frontière entre la phy

sique des particules et la théorie de la gravitation.

La façon dont cette théorie a profondément changé

le rapport entre la physiqueet

les mathématiquesme paraît plus remarquable encore. Dans le passé,

d'autres avancées en physique ont lancé des rai

sonnements mathématiques, mais elles ne cancer

naient pas des quest ions centrales pour cette dis

cipline. Or les théories des cordes impliquent des

interactions avec des domaines comme la topo

logie géométrique et algébrique qui, eux, sont au

cœur des mathématiques.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret?

P. G. Dans les années 1980, des physiciens des

cordes on t découvert les symétries miroirs. Ils

ont montré que la même théorie des cordes pouvait se réaliser sur deux espaces aux caractéris

tiques mathématiques très différentes. De telles

connexions entre les deux espaces étaient ina ten

dues. Et, grâce à elles, on pouvait résoudre dans un

espace des problèmes quasi insolubles dans l'autre.

Ce petit groupe de physiciens a ainsi apporté des

réponses à des questions de géométrie énuméra

tive - comme compter des courbes dans certains

espaces -, que les mathématiciens se posaient

depuis des décennies.La facilité déconcertante avec

laquelle les physiciens calculaient ces nombres a

poussé les mathématiciens à s'y intéresser. Au

départ,les deux communautés ne se comprenaient

pas .Pour les mathématiciens, les concepts des phy

siciens sont mal définis, pas assez rigoureux. Pour

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les physiciens, les mathématiciens ne comprennent

pas le pouvoir de leurs intuitions.Mais la nécessité

d'inventer des outils pour expliquer ces concepts les

a conduits à collaborer. Edward Witten a ainsi été

le premier physicien à recevoir la médaille Fields,

la plus haute distinction en mathématiques.

Laphysique est-elle en crise ?

P.G. En crise non, en évolution profonde certai-

nement. Chaque fois que j'entends une phrase du

type :"Ce n'est pas de la physique ", à propos de

travaux sérieux, je tends l'oreille. Cela traduit, en

général, un changement important et profond.

Aujourd'hui, certains théoriciens des cordes ne

reconnaissent pas la physique dans le concept de

<<paysage , •, d'autres physiciens ne voient dans

les nanosciences qu'un creuset technologique,

mais pas une voie de recherche fondamentale. Je

crois que l'on est dans une période de restructura-

tion de la physique.Depuis vingt ans, les rapports

entre les divers domaines évoluent :des théori-

ciens travaillent désormais dans des départements

de physique appliquée , d 'astrophysique , »>

N' 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 59

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' ' Une bonne théorie doitêtre féconde n

» > voire de biologie. Au -delà du discours, de nouvelles connexions on t vu le jour à la frontière des

disciplines. C'est particulièrement vrai en nanc

sciences, en biophysique et en théorie des cordes.

La façon même d'appréhenderles problèmes n'a

t-elle pa s toujours évolué ?

P. G. I:histoire montre que cette évolution estmême

nécessaire. Kepler cherchait à expliquer le nombre

de planètes existantes.Newton n'apas résolu ce pro

blème, il en a inventé un autre.Il a trouvé une théo

rie qui explique à la fois les marées, la position des

lunes de Jupiter, etc. Ce faisant, il a changé la façon

de faire de la physique. Du poin t de vue de Descartes,le travail de Newton, qui réintroduisait la notion de

forces occultes, non locales, était un désastre. Si on

avaitlaissé les cartésiens décider,la physique n'aurait

pas avancé.Même chose quand Ludwig Boltzmann

propose sa théorie fondée sur des probabilités. Pour

d'excellents physiciens comme MaxPlanck,nonseu

lement c'était faux, mais c'était une incompréhen

sion totale de ce qu'il fallait faire en physique : ces

prédictions non déterministes lui paraissaient une

hérésie.Quant à la héorie générale de la gravitation

d'Einstein, les critiques ont fusé. Là encore,«la phy

sique ne devait pas être aussi mathématique"· En

dépit d'un fort conservatisme, la physique n'est pas

une enti té stable, et c'est heureux!

Parler d'une cc théorie du tout, a-t-il un sens?

P. G. Le concept d'une théorie qui expliquerait le

monde, de l'infiniment pe tit à l'infiniment grand,

semble bien dépassé. Et plus encore, l'image de la

pyramide au sommet de laquelle la «théorie du

tout »,reconnue de tous, domine les autres domaines

a fait long feu.Ce n'est pas pourautant que la héorie

des cordes est inutile ou devrait être abandonnée.

Pensez-vous, comme Lee Smolin,que le systèmeacadémiquene favorise pa s les idées révolution

naires et ne prend pa s assez de risque?

P. G. Peut-être suis-je trop optimiste? Mais

quelqu'un d'aussi créatif que Juan Maldacena a

été recruté à Harvard, avant de partir à l'Institut

des études avancées de Princeton. Bien sûr, il y a

toujours des idées trop innovantes pour être recon

nues.Je salue donc l'objectif de l'institutPerimeter,

où travaille Lee Smolin, qui favorise les recherches

aux frontières les moins explorées. Mais je pense

que c'est aussi possible ailleurs. Les directeurs du

Fermilab, le grand accélérateur de particules près deChicago, veilla ient toujours à privilégier une expé

rience à risque, que n'aurait pas retenue la procé

dure conventionnelle de sélection des projets. La

60 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl Z011 • N°43

Ce t entretien est la

vers ion revueet corrigéepar Pe ter Ga lison deceluiparu dans le n• 411

de LaRecherche.

gestion des grands équipements comme le CERN,

où des milliards d'euros sont en eu et les ressources

limitées, exige néanmoins des systèmes de contrôle.

La difficulté est de parvenir à ménager un espace

pour explorer les questions les moins évidentes.

Dans les années 1980, la théorie des cordes étaitpleine de promesses. Quellessont les motivations

des cc cordistes, aujourd'hui?

P. G. Beaucoup sont toujours fascinés par les

structures qui émergent de cette théorie, qui leur

semblen t ouvrir d'énormes possibilités en dépit du

manque de preuves. La façon dont les défenseurs

des cordes comme ceux qui les contestent s'ap

proprient l'exemple d'Einstein est intéressante.

Les premiers se reconnais sent dans la situationdu

jeune Einstein quand, entre 1905et 1915, il dévelop

pait la théorie générale de la gravité, sans appui

expérimental. Ils pensent posséder une théorie

capable de révolutionner la physique.

Les autres les voient plutôt dans la position du

vieil Einstein, entre 1940 et la fin de sa vie . Au

moment où il cherchait cette théorie de force uni

fiée qui n'a pas laissé beaucoup de traces. S'il avait

prêté plus d'attention à ce qui se passait autour de

lui, il aurait pu contribuer à un e physique émer

gente. Mais cela ne l'intéressait pas.Deux visions

de l'histoire, deux visions d'Einstein!

Faut-il se méfier de la beauté d'une théorie?

P. G. En science comme ailleurs, les critères de

beauté évoluent. Appréhender une théorie d'un

point de vue esthétique s'apprend. Le Modèle stan

dard de la physique des particules paraît très beau

aux physiciens, parce qu'ils comprennent la diver

sité des phénomènes qu'il décrit. Mais, entre 1967

et 1971,personne ne mettaiten avant cet aspect.Pour

beaucoup, la théorie d'Einstein n'avait au départ

rien de beau. Aujourd'hui, c'est l'une des créations

les plus belles de la science. Que dira-t-on de la théo

rie des cordes dans cent ans ?Si elle continue à pro

duire de nouvelles choses en mathématiques, ou

ailleurs, on la verra peut-être comme une théoried'une beauté remarquable.Si ce n'es t pas le cas, elle

restera une bizarrerie.

Il n'y a donc pas de réponse générale. La beauté

peut être décisive, mais dans un sens comme dans

l'autre . Paul Dirac, pa r exemple, a toujours été

convaincu que le succès de son équation qui gou

verne l'électrodynamique quantique, si centrale en

physique moderne, était lié pour une grandepart à

sa beauté. Tout y était symétrique.Il a ensuite tenté

de généraliser ses idées de beauté.Et il est passé à

côté des t ravaux de Richard FeyrLman parce qu 'il ne

les trouvai t pas esthétiques.Avec le recul, il aura it

dû se méfier de la beauté en 1947. Mais s'il l'avait

fait en 1925 , aurait-il trouvé son équation?

• Propos recueillis par Hélène Le Meur

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0 HISTOIRE DES SCIENCES Deux W et un Z pour décrire l'interaction faible

$ DOCUMENT Du tout mécanique au tout électromagnétique

8 EN SAVOIR PLUS Lesmeilleurs livres et sites Web

*

n physique, que vaut

une théorie sans confirmation

expérimentale ? Le cadre

quantique commun imaginépour décrire l'électromagnétisme

et l'interaction nucléaire faible

a ainsi acquis véritablement ses

lettres de noblesse au début des

années tg8o, grâce à l'observation des bosons Z

et W dans un collisionneur du CERN. ... voiR P. 62

D'autres propositions, fondées sur la mécaniquede toutes les forces connues, comme le voulait

James Clerk Maxwell à la fin du XIXe siècle,

ou la théorie du tout électromagnétique

qu'Einstein tenta d'élaborer ont,

elles, fait avancer la physique par leurs

insuffisances . ...voiR P. 66

z UN BOSON z, à peine formé, s'est désintégré en un électron et un positron qui partentel à l'opposé l'un de l'autre (en jaune}. Cette représentation très colorée est issue de la@) reconstitution d'un enregistrementdu détecteur UA1, installé au CERN entre 1981 et 1993.

N' 43 • l iA I ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 61

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*r é ~ é r e n c e < \

DEUX WET

UN ZPOUR DÉCRIRE

L'INTERACTION FAIBLEÀ la fin des années 1970, les physiciens du CERN font un parien transformant leur tout nouvel accélérateur en collisionneur proton-antiproton. À la clé, trois nouvelles particules et un prix Nobel.

cette théorie, parmi les quatre interactions fondamen

tales de la physique, deux sont en réalité les deux facet

tes d'une seule et même force : l'interaction électro-magnétique et l'interaction dite «faible "• impliquée

dans certains processus de désintégration radioactive.

Mais la théorie postule pour cela l'existence de trois nouN

ël1982. Une poignée de chercheurs du

département de physique des particules

élémentaires du Commissariatà l'énergieatomique {CEA), à Saclay, sont bien t rop

occupés pour préparer le réveillon. ls par

ticipent tous à l'expérience UAl, alors en cours au Centre

européen de recherche nucléaire {CERN), à

Genève, dont ils analysentla montagne de don- Par MathieuGrousson es t

nées engrangées durant l'automne. Quelques

velles particules, les bosons intermédiaires,

dits «W+ ,W-» et «Z».

jours avant la Saint-Sylvestre, leur acharne-journaliste scientifique.

La découverte des bosonsW+, W-et,quelques

mois plus tard, celle du boson Z marquent

ment est récompensé. ls mettent enfin la main

sur ce qu'ils cherchent :"Nous avons débusqué les 5pre-

miers bosons W+ etW- de l'histoire "• se souvient Daniel

Denegri, l'un des responsables de cette équipe.

La détection de ces particules élémentaires suscite

immédiatement l'enthousiasme. Et pour cause, c'est la

confirmation expérimentale de la théorie électrofaible,

imaginée à la fin des années 1960 par les physiciens

Sheldon Glashow,Abdus Salam et Steven Weinberg.Selon

62 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N°43

donc une étape clé en physique des particu

les.La preuve :dès 1984, en un laps de temps exception

nellement court, Carlo Rubbiaet Simonvan der Meer, les

deux physiciens du CERN à l'origine de cette aventure,

partagent le prix Nobel de physique.

AUJOURD'HUI, LA THÉORIE ÉLECTROFAIBLE est

l'un des deux piliers incontestables du Modèle dit« stan

dard ",qui décrit comment les particules élémentaires de

matière, quarks et leptons, interagissent en échangeant

des bosons intermédiaires. Mais dans le courant des

années 1970, la théorie des particules est en chantier.Et

c'est au tour des expérimentateurs d'y mettre de l'ordre.

Ces derniers sont néanmoins confrontésà un problème

de taille. En effet, le seul moyen de valider expérimenta

lement la théorie électrofaible est de mettre en évidencel'existence des bosons WetZ.Or, comme nombre de par

ticules élémentaires, les bosons intermédiaires sont par

ticulièrement instables :leur durée de vie ne dépasse pas

un dixième de millionième de milliardième de milliar

dième de seconde ! Pour espérer les détecter, il faut donc

commencer par les produire dans des conditions qui per

mettent de traquer les produits de leur décomposition.

En physique des particules, ce schéma est classique.

Mis en œuvre dans un accélérateur, il consiste à commu

niquer à des particules incidentes une énorme quantité

d'énergie cinétique, avant de les projeter sur une cible

fixe. Dans la collision entre ces particules et les atomesde la cible, en vertu de l'équivalence entre masse et

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énergie, cette énergie cinétique se matérialise sous la

forme de nouvelles particules.

Au milieu des années 1970, les deux accélérateurs les

plus puissants en service sont le Supersynchrotron à pro

tons {SPS}du CERN et l'accélérateur du Fermilab,à Chicago.

Sous l'effet combiné d'un champ électrique et d'un champ

magnétique, ils communiquentà des protons une énergie

d'environ400 gigaélectronvolts. Pour autant, projetées sur

ciblefixe {dont l'énergie ciné tique est nulle}, ces particules

ne permettent de recueillir, in fine, qu'une trentaine de

HISTOIRE DES SCIENCES

gigaélectronvolts (GeV} pour en produire de nouvelles.Or,

selon des mesures indirectes et les modèles théoriques en

vigueur,la masse des WetZ doit être supérieure à 6o GeV.

Autrement dit, les physiciens n'ont pas la moindre chance

de les dénicher avec les machines existantes.

Pour cette raison, en 1976, Carlo Rubbia propose une

idée radicale :transformer e SPS du CERN,un accélérateur

annulaire de 7 kilomètres de circonférence,enun collision

neur proton antiproton.Le principe ?Ces deux particules

étant de charge électrique opposée, deux faisceaux, » >

N' 43 • l iAI ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 63

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*r é ~ é r e n c e 6

DEUX W ET UN ZPOUR DÉCRIRE L'INTERACTION FAIBLE

>» l'un de protons et l'autre d'antiprotons, pourraienttourner en sens inverse dans l'anneau de l'accélérateur

sous l'effet du même champ magnétique, avant d'entrer

en collision frontale .Ainsi, c'est l'intégralité de l'énergie

de deux particules incidentes qui pourrait être transfor

mée en matière, soit,d'après les calculs,540 GeV.De quoi

mettre les W et Z à portée de main.

SAUF QUE LE SPS VIENT À PEINE D'ENTRER ENSERVICE. La direction du CERN a donc un peu de mal

à accepter l'idée que son nouvel instrument soit « bri

colé» en vue d'une expérience qui,de l'avis de la majorité

des experts, n'a que très peu de chances de fonctionner."Pour Bo% des spécialistes des machines, l'idée de Rubbia

était une folie "• se souvient Daniel Denegri. De plus, à

l'époque, le LEP, un collisionneur d'électrons de 27 kilo

mètres de circonférence, finalement décidé en 1981 et

inauguré en 1989, est déjà en discussion.La direction du

CERN n'a donc pas très envie de se '' disperser ».

Comme l'explique DanielDenegri ,« 'ac-

en œuvre un faisceau d'antiprotons aussi homogène etfocalisé. Concrètement, on obtient ces antiparticules en

projetant des protons sur une cible fixe .Les antiprotons

sont alors émis dans toutes les directions, la difficulté

consistant à réduire les mouvements aléatoires dont ils

sont initialement animés lesuns par rapport aux autres,

afin de les rassembler en un faisceau concentré.

Pour ce faire, le physicien néerlandais imagine une

méthode appelée «refroidissement stochastique ».

Appliquée dans un petit anneau accumulateur d'anti-

protons, elle consiste à mesurer la forme du faisceau en

différents points de l'anneau et à modifier les champs

électrique et magnétique afin de réduire la distribution de vitesse des antiprotons qui composent ce fais

ceau. Courant 1978, l'expérience de van der Meer est

un succès. Et, dans la foulée, le conseil du CERN adopte

l'ensemble du projet.

Une fois la décision prise, un autre défi de taille attend

les physiciens : construire les deux détecteurs capables

de recueillir les débris des collisions entre

ceptation du projet doit énormément

à la force de conviction de Rubbia, qui

n'a d'égale que ses capacités intellectuelles hors du commun"· Un avis par

tagé par Pierre Darriulat, un des respon

sables de l'expérience UA2 {qui avec UA1

a codécouvert les bosons intermédiaires)

qui,dans un article publié en 2008 à l'oc

casion des vingt-cinq ans de la découverte,

écrit : «L'un des plus grands mérites de

Carlo Rubbia est d'avoir poussé son idée

de collisionneur proton-antiproton avec

PourBo%protons et antiprotons, parmi lesquels ils

espèrent découvrir les précieux bosons.

De tels détecteurs doivent atteindre une

taille colossale.En effet, l'énergie en jeu

dans les collisions étant gigantesque,les

instruments doivent avoir des dimen

sions suffisantes pour détecter des par

ticules jusqu'à plusieurs mètres du lieu

de la collision.De plus, pour ne passer à

des spécialistesdes accélérateurs,l'idée de CarloRubbia était

une folie

une inlassable détermination dans un climat défavorable." Il faut ajouter que Rubbia disposait d'un argu

ment de poids :bien qu'européen,en cas de refus duCERN,

il n 'aurait pas manqué de vendre son idée au Fermilab .«Cette menace était claire et a beaucoup compté lorsque

la décision a été prise au CERN "•poursuit le physicien.

Un autre argument a présidé à la décision finale :la

réussite d'une expérience préliminaire baptisée ICE {de

l'acronyme anglais pour «expérience de refroidissement

initial»), mise en œuvre au CERN par l'autre grand arti

san du projet proton-antiproton, Simon van der Meer.

Celle-ci consiste à démontrer la possibilité de contrôler

des faisceaux d'antiprotons, sans lesquels l'aventure

s'arrêterait net.

En effet, s'il est facile d'obtenir un faisceau de pro

tons, des particules présentes dans les noyaux de tousles atomes, c'est une tout autre affaire que de mettre

64 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IMAI ZOU • N°43

côté d'aucune particule, il faut les cap

turer dans toutes les directions de l'es-

pace :une première.

RÉSULTAT, LE PREMIER DÉTECTEUR, UAl, pèse

2ooo tonnes et mesure 10 mètres de long pour 6 mètres

de hauteur. D'un coût total de 30 millions de francssuisses, investissement sans précédent dans la disci

pline, il aura impliqué 130 physiciens de 12laboratoires à

travers le monde.

Et un seul détecteur ne suffit pas.Car, en physique des

particules, pour être validé, le résultat d'une expérience

doit être confirmé par au moins deux équipes indépen

dantes, donc par deux détecteurs différents . D'où la

construction d'un instrument plus modeste en taille,UA2,

qui nécessite tout de même le travail conjoint de 6o phy

siciens de 6laboratoires.Et dont les performances ne sont

pas loin d'égaler celles de son partenaire et concurrent.

Michel Spire, actuel prés ident du conseil du CERN et

ancien coresponsable de UA1, rappelle l'enthousiasme

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du projet :"Dans cette aventure, tous les aspects

t nécessité des innovations technologiques: la mise

œuvre de l'idée de Rubbia de provoquer des collisions

des protons et des antiprotons circulant en sens

dans le même anneau. La méthode de refroi

imaginée par van der Meer. Les détecteurs,

de détecter les centaines de particules engen

lors d'une collision. " Sans oublier les moyens

s inouïs,nécessaires afin d'identi fier quelsur quelques milliards. La

des bosons intermédiai res a aussi déclenché des

géantes en physique des particules, alors

une expérience ne rassemblait qu'une dizaine

. «Je me souviens aussi d'une ambiance

, avec une motivation formidable allant

physiciens jusqu 'au x techniciens et câbleurs tra

sur les installations!», ajoute le physicien.

L'enregistrement des premières données

HISTOIRE DES SCIENCES

vu leur probabilité de matérialisa tion, l'expérience n'a

pas encore duré assez longtemps. ll faut donc attendre

fin 1982 pour qu'ils se manifesten t enfin. "C'était le 30ou le 31 décembre, se souvient Daniel Denegri. Dès que,

avec Michel Spiro, nous avons été convaincus qu'il s'agis

sai t bien des 5 premiers W, j'ai téléphoné à Carlo Rubbia.

Nous sommes convenus de présenter ces résultats lors

d'une réunion du groupeUAl, dès la réouverture du CERN,

début anvier. Cette présentation a été l'un des plus beaux

moments de ma vie. "

QUELQUES SEMAINES PLUS TARD, la collaboration

UA2 confirme l'annonce faite par UAl :lesW+ et W- sont

désormais une réalité pour les physiciens.Puis en mai, c'est

au tour du Z,une particule dont la probabilité de productionest encore plus faible, d'être pris au piège des expérimenta

teurs."C'était une nuit, durant le mois de mai, se rappelle

Marie-Noëlle Minard, aujourd'hui au laboratoire d'Annecy

le-Vieux de physique des particules et ancien membre de

la collaborationUA! .J'étais auCERNen train d'analyser des

données quand j'ai repéré un candidat. J'ai appelé Carlo

Rubbiaà7heures du matin pour le lui annoncer!" Encore

une fois UAl devance UA2 d'à peine quelques semaines.

Et les résultats des deux collaborations sont publiés dans

la foulée l'un de l'autre. «Nous avons écrit notre article

le 5 juin, lejour de la finale de Roland-Garros gagnée par

Yannick Noah!», poursuit la chercheuse.

L'expérience est donc un énorme succès.Non seulement

elle confirme sans le moindre doute possible la validité de

la théorie électrofaible, mais elle assied l'approche théo

rique qui sous-tend tout le Modèle standard de la phy

sique des particules. Pour Michel Spiro :"La découverte

des W et du Z a été un moment trèsfort de la physique des

particules. Le couronnement d'une période commencée

à la fin des années 1960 par les théoriciens lancés dans

l'élaboration d'une théorie des interact ions ondamenta

les entre particules élémentaires." Et Daniel Denegri de

renchérir :"Depuis cette aventure, je ne crois pas avoirconnu de moment professionnel plus intense. "

De l'avis de nombreux spécialistes, seule la découverte

du boson de Higgs aura la même saveur. Cette particule

prédite par le Modèle standard est censée conférer leur

masse aux W et auZet, par conséquent, à toutes les autres

particules. Pour tenter de le débusquer, les physiciens,

comme trente ans auparavant, ont à nouveau dû franchir

un palier dans le gigantisme. Ainsi,les collaborations qui

s'affairent autour du LHC, le nouvel accélérateur

en décembre 1981. Présentées l'été sui

à Paris, elles sont encourageantes, sans

e toutefois la moindre trace des bosons

ntermédiaires ait été détectée. Et pour cause :

Cet article est la versionsurpuissant du CERN, comptent plusieurs mil

liers de scientifiques. Et si le Higgs se matéria

lise, il couronnera l'aventure expérimentale de

la théorie électrofaible.•

revue et corrigée

par son auteur du texteparu dans le n' 441de La Recherche.

N• 43 • l iAI ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 65

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*r é ~ é r e n c e < \ ,

DUTOUT

METOUT ELECTRG

Pl. XlV.

DEUX CYLINDRES magnétisés transversalement créent un champ (en bleu).Cette illustration est tiréed'un traité de James Clerk Maxwell, qui reconnut le caractère commun du magnétisme et de l'électricité .

66 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IMAI ZOU • N 43

1ÉTABLIR LES LOISDES FORCESÀ DISTANCEPAR James Clerk MaxwellExtrait d'une conférence de 1873 ;in The Scientific Letters and Papersof James Clerk Maxwell , P M. Hartman,Cambrige University Press, 1990,traduit par Françoise Bali bar.

P.69

2LA THÉORIEDE MAXWELLPAR Henri PoincaréExtrait de La Science et l'Hypothèse,

Paris, Flammarion , 1902.

~ P . 71

3VERS LES LOISULTIMES DELA PHYSIQUEPAR Steven WeinbergExtrait de R. P Feynman etS. Weinberg, Elementary Particlesand the Laws of Physics,Cambridge University Press, 1987,

traduit par Franço ise Balibar.~ P . 7J

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DOCUMENT

AU

finner qu'il est possible de fonder la phy

sique sur une théorie unique sous-jacente,

fondamentale, dont toutes les autres et tous

les énoncés qu'elles produisent pourraient

être déduits, repose sur deux hypothèses.

remière hypothèse :l'unité de la nature (dont la physique

st étymologiquement!'étude}.Secondehypothèse :l'unité

es mathématiques, constitutives de la physique. ll n'est

as sûr que les deux hypothèses soient indépendantes.En

cas, il suffirait que l'une d'entre elles soit contreditese qui consiste à chercher une théorie

de la physique perde tout son sens.

À ses débuts, la physique, celle inaugurée par Galilée,

e s'est pas posé la question de son unité laquelle allait

soi.Comment imaginer, dansun monde qui se voulait

le monothéisme, que la nature, facilement

eu, puisse ne pas être une? Dans ces condi

ion des mathématiques, dans l'étude de

courbe expérimentale à une allure fonctionnelle (dont on

aurait toute une variété en stock}.Les relations qu'établit

la physique mathématique ontun caractère de nécessité

absolue qui leur vient de ce qu'elles dérivent de façon

contraignante d'un certain nombre de principes qui appa

raissent comme plus fondamentaux que ces lois elles

mêmes.De là l'idée qu'il existe des principes ultimes,dont

la recherche s'apparenterait à l'exploration de couches de

plusen plus profondes,un peu à la manière dont Heinrich

Schliemann est censé avoir découvert les ruines de Troie,enfouies sous les décombres de neufvilles superposées.

DE FAÇON MÉTAPHORIQUE, on peut dire que la pre

mière couche, celle qu'ont explorée Galilée, Newton et

leurs successeurs, est celle du mouvement d'un corps

matériel, dont l'étude fondée sur le principe physico

mathématique de relativité apparaissait, et est longtemps

apparue, comme une description du monde." Venons-en à

mathématiques dont le statut excep

l au sein de la connaissance n'a jamais

de doute, ne pouvait que renforcer l'idée

icite de l'unité du discours sur la nature.

FrançoiseBalibar

la physique, telle qu'elle se présentaità l'époque

[19001écrit Einstein dans son autobiographie

de 1947. En dépit des succès engendrés dans

beaucoup de domaines, il régnait en matièrede principes un dogmatisme figé: au commencement (sijamais ily en eut un), Dieu avait créé

Ces banalités épistémologiques ne disent

de l'essentiel. À savoir que si les mathé

est physicienneet philosophedes sciences.

es jouent un rôle déterminant dans la recherche

'une théorie physique unitaire, c'est parce que la mathé

de la physique ne consiste pas en 'introduction

valeurs numériques dans un discours qui se propose

décrire la nature. Les mathématiques ont en physique

e de construction qu'elles n'ont dans aucune autre

on à allure mathématique.Certes, les lois qu'énonce

ique prennent en général la forme de fonctionsil ne s'agit pas alors d'ajuster une

les lois de Newton, ainsi que les masses et lesforces qui leur

sont nécessaires. C'est tout; le reste est obtenu par déduc

tion, grâce à la mise au pointde méthodes mathématiquesappropriées[ ..]La construction d'une mécanique des masses discrètes, prise comme base de la physique tout entière,

fut l'œuvre du XIX' siècle.Ce qui fit la plus forte impressionsur l'étudiant [que j'étais], ce furent ses accomplissementsdans des domaines qui n'avaient apparemment rien à voir

avec elle », et singulièrement (( la théorie mécanique de

la lumière où celle-d était conçue comme un mouvementondulatoire affectant un éther élastique quasi rigide"· >»

N' 43 • liAI 10111ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 67

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!

1

* ébérence6

»> C'était l'époque du<< tout mécanique», comme on a

dit plus tard, une '' Theory OfEverything " (TOE, pronon

cer<<

tout ») avant la lettre, reposant sur les principes dela mécanique, les lois de Newton.

LA THÉORIE DE LA LUMIÈRE dont parle Einstein, c'est

à-dire la théor ie électromagnétique de Maxwell, a ouvert

un nouveau champ à l'étude de la nature. Avec l'introduc

tion, à côté des concepts de la mécanique, du concept de

champ, continu, porteur d'énergie mais sans support maté

riel, elle a obligé, toujours selon Einstein, '' les physiciensà renoncer, lentement etaprès bien des hésitations, en leur

d'une tentative, un peu oubliée aujourd'hui mais qui en

a séduit plus d'un, à laquelle on a donné le nom de <<tout

électromagnétique »,consistant à tout expliqueren ermesde champs. C'est ainsi qu'en 1912-1913, Gustav Mie avait

tenté de rendre compte de l'existence de l'électron {alors

considéré comme une particule; c'était avant la théorie

quantique) à l'aide d'une généralisation non linéaire des

équations de Maxwell faisant apparaître des zones de très

fortes concentrations de l'énergie du champ, susceptibles

de représenter l'électron. Cette théorie a connu un regain

de popularité dans les années 1920 sous la houlette de

Hermann Weyl, au moment où l'on cherchait à inclure

foi en la possibilité de fonder l'ensemble de

la physiquesur la mécanique de Newton"·

Quela ransition ait été longue, c'estce quemontre l'attitude de Maxwell lui-même,

pourtant grand << unificateur » puisqu'il

a commencé pa r unifier l'électricité et

le magnétisme en une théorie électro

magnétique à laquelle il a rattaché la

théorie de la lumière et qu'il compare son

unification avec les travaux de Newton,

La théorieélectromagné-tique de Maxwellest fondée

l'électromagnétisme au sein de la théo

rie de la relativité générale, elle-même

une théorie du champ.

À PLUSIEURS REPRISES, EINSTEINest revenu sur cette idée d'un tout élec

tromagnétique (sans toutefois accep

ter la théorie de Mie). Elle lui apparais

sait comme une alternative possible

et ardemment souhaitée à la théorie

quantique qu'il a toujours jugée << non

satisfaisante »,raison pour laquelle il

sur une analogiede nature

comme ille raconte dans les extraits de " •mecanzquela conférence de 1873 présentés ici.

Maxwell a fondé sa théorie sur ce qu'il

appelle un e <<véritable » analogie de nature mécanique.

Certes, Maxwell ne dit jamais que l'électromagnétisme

<<est» d'origine mécanique. On peut se demander toute

fois si l'objectif de Maxwell, en faisant le détour par la for

mulation lagrangienne de la mécanique, comme l'expli

que Poincaré dans le second texte, n'était pas de préserver

le statut fondateur de la mécanique, considérée comme

théorie unificatrice, sous-jacente, garante de l'unité de la

physique. D'où le rôle attribué par lui à l'éther, éther sur la

base duquel il entrevoyait la possibilité d'une troisième

unification, d'ordre supérieur, englobant forces électro

magnétiques et force de gravitation.

Jamais Maxwell,n' a accepté ce qu'Einstein appelleune<<dualité » (la dualité des particules et des champs), état

'' peu satisfaisant », au dire d'Einstein, car '' l'ensemblemanque d'une base unique"· En 1905, cet état peu satis

faisant sera rendu en partie plus supportable avecla héo

rie de la relativité restreinte.<< En partie »,car la relati

vité restrein te, si elle a fait entrer la théorie de la lumière

sous la juridiction du principe de relativité (jusqu'alors

réservéau mouvement de la matière),n'a pu le faire qu'en

dégageant le concept de champ de toute référence à un

support matériel (suppression de l'éther), accentuant la

dualité ontologique entre champs et particules.

Lemême désir d'unification, contrariépar la découvertede la dualité des champs et des particules, est à l'origine

s'est tant acharné à chercher une théo

rie unitaire généralisant sa théorie de la relativité. Les

théories unifiées qu'Einstein a poursuivies comme un

rêve n'ont plus aujourd'hui qu'un intérêt historique.Ne

serait-ce qu'en raison de la découverte des interactions

nucléaires, faible et forte, dont il n'avait pas idée, et qui

rendent d'avance incomplètes ses tentatives en vue d'uni

fier l'interaction électromagnétique et la gravitation.

Mais ce qui reste d'actualité dans les idées d'Einstein

(et de Hermann Weyl), c'est l'importance des principes

d'invariance, ainsique nous l'explique Steven Weinberg

dans le troisième texte de cette sélection. '' C'estEinstein, écrit Eugen Wigner, en 1979, dans Symetries

and Reflections, après avoir rappelé la part prise parPoincaré dans l'appréciation du rôle des symétr ies, quia reconnu l'importance et l'universalité de ces principes.Ses articles fondateurs de la relativité restreinte marquentun renversement de tendance: jusqu'alors les principesd'invariance étaient déduits des lois du mouvement. Le

travail d'Einstein a donné aux anciens principes d'inva-

riance uneassise si solide qu'il faut aujourd'huiJaire un

effort pour se remémorer qu'ils sont fondés seulementsur l'expérience. Il semble naturel aujourd'hui d'utiliserles lois d'invariance pour à la fois déduire les lois de la

nature et tester leur validité, plutôt que de déduire les

lois d'invariance de ce que nous pensons être les lois dela nature. " •

.• LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU.•. 43 .

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DOCUMENT

...

ETABLIR LES LOIS...

DES FORCES A DISTANCE

wton a établi que la force qui Par James Principia, adopta un point de vue tout à fait

agit sur chacun des corps céles- Clerk Maxwell différent.Pour lui,de même que nous inférons

tes dépend de la distance et de 1831-1879 d'expériences réalisées en Europe la manière

la position des autres corps et dontse comportent les corpsen Amérique,de

qu'elle est dirigée vers ces corps- en sorte même de ce que nous observons que tous les corps connus

qu'elle peut être décrite comme une force d'attraction. gravitent les uns vers les autres,nous sommes en droit

u moment de son énonciation, cette théorie nouvelle d'affirmer que la gravitation est une propriété essentielle

rencontra l'opposition farouche des philosophes contem- de la matière[..].Or, lorsque la philosophie de Newtonpo rains les plus modernes. Ils y voyaient en effet un se répandit sur toute l'Europe,c'est l'opinion de Cotes,et

retour à la méthode hautement discréditée qui consiste non celle de Newton, qui prévalut. Jusqu'à ce qu'enfin

à tout expliquer par des causes occultes, et autres ver- Boscovichproposeunethéoriedanslaquelleonsupposait

us attractives. que les corps étaient constitués d'un

Newton lui-même, animé par cet grand nombre de points mathémati-

espritde modération qui caractérise l'en- ques munis d'un pouvoir d'attraction ou

semble de ses spéculations, a répondu de répulsion à l'égard des autres points,

qu'il n'avait nullement la prétention de pouvoir régi par des lois fixes mais pre-

ouloir expliquer par quel mécanisme nant des formes différentes selon ladis -

es corps célestes agissent les uns sur tance.Boscovich et ses adeptes n'expli-

es autres. Il n'avait fait que déterminer quent pas comment un ensemble dea direction et la grandeur de la force points mathémat iques,une fois mis en

ag issant sur chaque corps, déduites de branle, peut entretenirces mouvements

a connaissance de leurs positions res- jusqu'aumoment où on les fait cesser.

ectives .Telestceenquoiconsistelepas Je prends le risque d'affirmer qu 'une

ccompli par Newton.Expliquer la cause telle explication ne pourra jamais être

e cette action représenterait, selon lui, produite tant qu'on se contentera d'at-

n nouveau pas qu'il n'avait pas tenté tribuer à des points mathématiques des

'accomplir dans ses Principia . [. ..] pouvoirs d'attraction et de répulsion,

Loin de considérer la loi de la gra- aussi sophistiqués soient-ils.

ation finale des phénomènes

uxquels il s'intéressait, Newton pensait que si cette

pouvait être expliquée comme résultant de l'actione quelque chose qui serait situé dans l'espace entreles

eux corps,cette explication représenterait une nouvelle

tape qu'il était prêt à accueillir avec bienveillance dans

otre connaissance des choses.

Newton a tenté de franchirce pas mais il s'est aperçu

u'ilne pouvait y parvenir,faute de disposer des moyens

onvenables.Inutile de dire qu'aujourd'hui encore,alors

ue nous disposons d 'une réserve de méthodes scienti

us vaste,l'entreprise n'a été que rarement

entée; elle n'a jamais été menée à bien.

Or, Roger Cotes, l'un des disciples les plus brillants

e Newton, qui établit pour lui la seconde édition des

SI L'ON ENVISAGE L'HISTOIRE de la science du point

de vue de son étendue etde ses frontières,laissant provisoirement de côté le développementde ses idées, on voit

qu'il était important que l'immense progrès accompli par

Newton soit étendu à toutes les branchesde la science où

c'est possible ;cela ne pouvait être réalisé qu'en étudiant

les effets des diverses forces entre corps séparés par une

certaine distance, sans chercher à expliquer comment les

forces se transmettent.À cet égard, les hommes les mieux

adaptés à la réalisation de la première partie de ce pro

gramme étaient ceux pour qui la seconde partie n'avait

aucun caractère de nécessité.Raison pour laquelle ceux

qui,au cours du siècle dernier et dans la première partiede

celui-ci, ont étudié avectant de succès les lois de l' électri

cité et du magnétisme, Cavendish,Coulomb,Poisson, >»

N• 43 • liAI ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 69

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*r é ~ é r e n c e 6

>» on t délibérément ignoré les notions d '<< effluve

magnétique »et d'<< tmosphères électriques »proposées

au XVII• siècle, se consacrant exclusivement à la détermination des lois selon lesquelles les parties des corps

électrisés ou magnétisés s 'atti rent ou se repoussent les

unes les autres. C'est ainsi que les véritables lois de ces

actions ont été découvertes, par des hommes qui n 'ont

jamais douté que l'action s'exerce à distance,sans qu 'in

tervienne un quelconque milieu - qui, s'il avait été mis

en évidence, aurait été considéré comme une complica

tion,plus que comme une explication,de ce phénomène

indubitable qu'est l'attraction.[ ..]

La question qui vient naturel lement à l'esprit est alors

la suivante : est-il possible de déterminer la vitesse de

cette transmission de la force magnétique d'un point àun

autre? Par tant des résultats obtenus par le Prof. W. Weber,

collaborateur de Gauss, il est possible de déterminer la

vitesse de transmission de la force magnétique ; le calcul

donne 314000000 mètres (ou 19 miles) par seconde.

Or, la vitesse de la lumière telle qu'elle est donnée par

les mesures directes de Foucault est de 298 millions de

mètres par seconde. Les mesures à la fois de la vitesse

de la lumière et des grandeurs dont dépend la vitesse de

transmission de la force magnétique sont des mesures

très délicates à réaliser [ ..]. La conclusion qui s'impose

est que indépendamment de ce qu 'est la lumière et dece que l'électricité et le magnétisme peuvent être, l'un

et l'autre phénomène dépendent de la même chose ; la

lumière est en réalité un phénomène électromagnétique

et les ondes de lumière sont de petites perturbations

magnétiques oscillantes.

La théorie de la lumière débouche directement sur

l'explication des phénomènes de polarisation.Elle est en

tout point en accord avec la théorie ondulatoire, à ceci

près que là où la théorie ordinaire voit une rotation des

molécules d'éther, notre théorie voit une force magné

tique dirigée selon l'axe de rotation.

James Clerk Maxwell en quelques dates

En conséquence, nous ne cherchons pas à remplir

l'espace d'une superposition de trois ou quatre éthers,

chacun chargé d'assurer telle ou telle fonction ; nouscherchons plutôt à comprendre en quoi l'éther que le

phénomène de la lumière nous a contraints à admettre

est susceptible d'autres modalités d'action dont les phé

nomènes lumineux et électromagnétiques sont des

manifestations.

MAIS IL NE FAUT PAS considérer l'éther comme une

forme de vapeur aux tourbillons aériens, impuissants à

modifier quoi que ce soit. L'éther,même lorsqu'il n'a pour

fonction que de transmettre les rayons du soleil, doit

supporter des forces considérables.La force magnétique

ordinaire terrestre, sous nos latitudes,est équivalente à

la pression qu 'exerce un huitième de << grain weight »

(poids d'une masse de o,o6 g) réparti sur une superfi

cie d'un pied carré(== gao cm 2) :certains des aimants de

M.Joule peuvent produire une force magnétique équi-

valente à la pression exercée par 200 livres avoir-du

poids [poids d'une masse de 450 g] sur une superficie

de 0 ,1 inch carré(== o, 65 cm 2) . L'éther exerce et supporte

des forces tout à fait considérables .

J'ai déjà indiqué que quasiment aucun progrès n'avait

été enregistré dans l'explication de l'attraction de la gra

vitation. Si pourtant on cherche à en rendre compte ens'inspirant du modèle de ce qui a été fait pour le magné

tisme, il faut admettre de remplacer les tensions par

des pressions s'exerçant, en chaque point d'une ligne

de force,dans la direction perpendiculaire ; par ailleurs,

là où nous nous trouvons,l'éther supporte une pression

verticale de plus de 37 ooo tonnes par inch carré. La force

de l'acier n 'est rien en comparaison.Je ne présente pas

cela comme un fait, mais bien plutôt comme un exem

ple du genre de résultats auxquels devrait conduire une

théorie qui nécessite d'être vérifiée avant que l'on puisse

y croire.•

> 13 juin 1831 : naît à Édimbourg, Écosse.

> 1850: après trois ans à l'universitéd'Édimbourg, commence ses travaux

> 1861 : élu à la Royal Society ;

réalise la première photographie en couleurs.> 1864 : présente ses 20 équations

sur la couleur.> 1854 : diplômé en mathématiques,commence ses travaux sur l'électromagnétisme.> 1856 : publie son premier article surle magnétisme.> 1860 : récompensé de la médailleRumford de la Royal Society pour ses travauxsur la couleur.

70 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N• 43

décrivant l'électromagnétismeà la Royal Society.

> 1867 :formule la théorie cinétique des gaz.> 1873 : publication du Traité sur l'électricité

et le magnétisme dans lequel il réécrit

sa théorie de l'électromagnétismesous formede 8 équations.> 5 novembre 1879 : décède à Cambridge.

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DOCUMENT

--LA THEORIE DE MAXWELL

Cest, on le sait, Maxwell qui a rat ta- Par Henri pas, et qu'on n'y cherche pas le fond des choses,

ché par un lien étroit deux parties Poincaré être toutes deux d'utiles instruments de recher-

de la physique, jusque- là complè- 1854·1912 ches, et peut-être la lecture de Maxwell serait-elle

tement étrangères l'une à l'autre, moins suggestive s'il ne nous avait pas ouvert

l'optique et l'électricité.En se fondant ainsi tant de voies nouvelles divergentes.

dans un ensemble plus vaste, dans une harmonie supé- Mais l'idée fondamentale se trouve de la sorte un peu

rieure, l'optique de Fresnel n 'a pas cessé d'être vivante. masquée.Elle l'est si bien, que dans la plupart des ouvra-

Ses diverses parties subsistent, et leurs rapports mutuels ges de vulgarisation, elle est le seul point qui soit complè-

sont toujours les mêmes. Seulement, le langage dont tement laissé de côté.

nousnousservonspourlesexprimerachangé ,etd'autre Je crois donc devoir, pour en mieux faire ressortir

part,Maxwell nous a révélé d'autres rapports, jusqu'à lui l'importance, expliquer en quoi consiste cette idée fon-insoupçonnés, entre les différentes parties de l'optique damentale. Mais pour cela une courte digression est

et le domaine de l'électricité. [. ..] nécessaire.

Maxwell ne donne pas une explication mécanique de

l'électricité et du magnétisme ;il se borne à démontrer

que cette explication est possible.

Il montre également que les phé

nomènes optiques ne sont qu'un cas

particulier des phénomènes électro

magnétiques.De toute théorie de l'élec

tricité, on pourra donc déduire immédia

tement une théorie de la lumière.

LA RÉCIPROQUE N'EST MALHEUREUSEMENT PAS VRAIE; d'une expli

cation complète de la lumière, il n'est

pas toujours aisé de tirer une explication

complète des phénomènes électriques.

Cela n'est pas facile, en particulier, si

l'on veut partir de la théorie de Fresnel;

cela ne serait sans doute pas impossi

ble ;mais on n'en arrive pas moins à se

demander si l'on ne va pas être forcé

de renoncer à d'admirables résultatsque l'on croyait définitivement acquis.Cela semble un

pas en arrière ; et beaucoup de bons esprits ne veulent

pas s'y résigner.

Quand le lecteur aura consenti à borner ses espérances,

il se heurtera encore à d'autres difficultés, le savant

anglais ne cherche pas à construire un édifice unique,

définitif et bien ordonné, il semble plutôt qu'il élève un

grand nombre de constructions provisoires et indépen

dantes, entre lesquelles les communications sont diffi-

ciles et quelquefois impossibles.

On ne doit donc pas se flatter d'éviter toute contra

diction ;mais il faut en prendre son parti. Deux théoriescontradictoires peuvent en effet pourvu qu'on ne les mêle

DE L'EXPLICATION MÉCANIQUE DES PHÉNOMÈ-NES PHYSIQUES. Dans tout phénomène physique, il

y a un certain nombre de paramètres

que l'expérience atteint et qu'elle per

me t de mesurer. Je les appellerai les

paramètres q. L'observation nous fait

connaître ensuite les lois des varia-

tians de ces paramètres et ces lois peu

vent généralement se mettre sous

la forme d'équations différentielles

qui lient entre eux les paramètres q

et le temps.

Que faut-il faire pour donner une

interprétation mécanique d'un pareil

phénomène?On cherchera à l'expliquer

soit par les mouvements de la matière

ordinaire, soit par ceux d'un ou de plu

sieurs fluides hypothétiques.Ces fluides

seront considérés comme formés d'un

très grand nombre de molécules isoléesm. Quand dirons-nous que nous avons une explication

mécanique complète du phénomène ?Ce sera d'une part

quand nous connaîtrons les équations différentielles

auxquelles satisfont les coordonnées de ces molécules

hypothétiques m,équations qui d'ailleurs devront être

conformes aux principes de la dynamique ; et d'autre

part quand nous connaîtrons les relations qui définis

sent les coordonnées des molécules m en fonction des

paramètres q, accessibles à l'expérience.[. ..]

Que nous enseigne le principe de moindre action? Il

nous enseigne que pour passer de la situation initiale

qu'il occupe à l'instant t0 à la s ituation finale qu 'il occupeà l'instant t,, le système doit prendre un chemin tel »>

N°43 • lU I ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 71

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* r é ~ é r e n c e 6

>» que dans l'intervalle de temps qui s'écoule entre les

deux instants t0

et t, la valeur moyenne de l'« action »

(c'est-à-dire de la différence entre les deux énergies, T[énergie cinétique] et U [énergie potentielle]) soit aussi

petite que possible.

Si l'on connaît les deux fonctions T et U, ce principe

suffit pour déterminer les équations du mouvement

[ces équations, obtenues à partir de l'expression du

Lagrangien de ce système, faisant intervenir la diffé

rence entre les fonctions Tet U, sont appelées équa

tions de Lagrange]. Dans ces équations, les variables

indépendantes sont les coordonnées des molécules

hypothétiques m; mais je suppose maintenant que l'on

prenne pour variables les paramètres q directement

accessibles à l'expérience.Les deux parties de l'énergiedevront alors s'exprimer en fonction des paramètres

q et de leurs dérivées ; ce sera évidemment sous cette

forme qu 'elles apparaîtront à l'expérimentateur. Cela

posé, le système ira toujours d'une situation à une autre

par un chemin tel que l'action moyenne soit minima.

Peu importe que T et U soient maintenant exprimés à

l'aide des paramètres q et de leurs dérivées,le principe

de moindre action reste toujours vrai.[Peu importe éga

lement le choix des quantités mesurées auxquelles on

fait jouer le rôle des paramètres q; il suffit qu 'on puisse

le faireen

accord avec le principe de moindre action,pour qu'une explication mécanique soit possible, sans

que l'on ait à préciser en quoi consiste le système des

masses m.][. .]MAXWELL S'EST DEMANDÉ s'il pouvait faire le

choix des deux énergies T et U,de façon que les phéno

mènes électriques satisfassent au principe de moindre

action. L'expérience montre que l'énergie d'un champ

électromagnétique se décompose en deux parties,

l'énergie électrostatique et l'énergie électrodynamique.

Maxwell a reconnu que si l'on regarde la première

Henri Poincaré en quelques dates

> 29 avril1854 : naît à Nancy.

comme représentant l'énergie potentielle U,la seconde

comme représentant l'énergie cinétique T; si d 'autre

part, les charges électrostatiques des conducteurs sontconsidérées comme des paramètres q et les intensités

de courants comme les dérivées d'autres paramètres

q;dans ces conditions, dis-je, Maxwell a reconnu que

les phénomènes électriques satisfont au principe de

moindre action. Il était certain dès lors de la possibi-

lité d'une explication mécanique.[.. ] Si donc un phéno

mène comporte une explication mécanique complète, l

en comportera une infinité d'autres qui rendront égale

ment bien compte de toutes les particularités révélées

par l'expérience. [. ..]

Il est maintenant facile de comprendre quelle est l'idée

fondamentale de Maxwell.Pour démontrer la possibilité d'une explication

mécanique de l'électricité,nous n'avons pas à nous pré

occuper de trouver cette explication elle-même, l nous

suffit de connaître l'expression des deux fonctions T

[énergie cinétique] et U [énergie potentielle],qui sont les

deux parties de l'énergie,de former avec ces deux fonc

tions les équations de Lagrange et de comparer ensuite

ces équations avec les lois expérimentales.

Entre toutes ces explications possibles,comment faire

un choix pour lequel le secours de l'expérience nous fait

défaut? Un jour viendrapeut

-être où les physiciens sedésintéresseront de ces questions, inaccessibles aux

méthodes positives, et les abandonneront aux 11léta

physiciens .Ce jour n'est pas venu ;l'homme ne se rési-

gne pas si aisément à ignorer éternellement le fond des

choses.Notre choix ne peut donc être guidé que par des

considérations où la part de l'appréciation personnelle

est très grande ; l y a cependant des solutions que tout

le monde rejettera à cause de leur bizarrerie et d'autres

que tout le monde préférera à cause de leur simplicité.

En ce qui concerne l'électricité et le magnétisme ,

Maxwell s'abst ient de faire aucun choix.•

de mathématiques organisé par le roi

> 1880 : publie Sur les courbes définies

par une équation différentielle dans lequel

il propose une nouvelle nomenclature

relative aux équations différentielles.

de Suède et de Norvège pour sa contribution

au problème des trois corps.

> 1895 : publie le premier des six articles qui

posent les bases de la topologie algébrique.

> 1901 : premier lauréat de la médaille

Sylvester de la Royal Society.

> 1881 : devient professeur à la Sorbonne;

obtient ses premiers résultats marquants en

mathématiques ; s'intéresse à l'application

des mathématiques pour la physique.

> 1887 : élu membre de l'Académie des sciences.

> 1888: remporte le premier prix du concours

72 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N' 43

> 1905 :publie« Sur la dynamique de

l'électron», dont les résultats se rapprochent

de ceux de la théorie de la relativité restreinte.

> 17 juillet 1912 : meurt à Paris.

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VERS LES LOIS ULTIMESDE LA PHYSIQUE

'est-cequidansla physique actuellepermet d'imaginer la forme queprendra la théorie ultime sousjacente, celle, encore à découvrir,

ParStevenWeinberg,

né en 1933

À l'instar des explorateurs espagnols qui,partisà la recherche des sept cités d'or de Cibola,ne lesont pas trouvées mais ontt rouvé des tas d'autres

sur laquelle repose la physique?Tout d'abord, que faut-il entendre par théorie ultime

sous-jacente? Au cours des derniers siècles, le système

d'explications enchaînées qu'a construit la science aparcouru l'échelle des ordres de grandeur vers le bas,des objets de la vie courante jusqu'à un monde de plusen plus microscopique. À des questions éternelles telles que :pourquoi leciel est-il bleu? Pourquoi l'eau mouillet-elle? on a d'abord répondu en invoquant les propriétés des atomes et dela lumière ; puis ces propriétés ellesmêmes ont été expliquées en termes

de particules élémentaires: quarks,leptons, bosons de jauge et quelquesautres. Simultanément se faisait jourune tendance à toujours plus de simplicité . Non pas qu'au fil du temps ,les mathématiques impliquées soientdevenues de plus en plus faciles, ou quele nombre des particules élémentairessupposées ait diminué d'une année sur

l'autre ;mais plutôt parce que les principes ont acquis une plus grande cohérence logique ; ils apparaissent comme porteurs d'une

inévitabilité de plus en plus marquée. Mon collègue à

l'Université du Texas, John Wheeler, prétend que le jouroù nous découvrirons enfin les lois ultimes,nous seronsétonnés de ne pas y avoir pensé plus tôt, tant elles nousparaîtront évidentes.Quoi qu'il en soit,nous en sommeslà,à la recherche d'un ensemble de principes physiquessimples, porteurs d'un degré d'inévitabilité maximum,dont tout ce que nous savons en physique puisse en

principe être déduit.

JE NE SAIS PAS si nous y arriverons ; en réalité, je nesuis même pas certain de l'existence de quelque chosequ'on pourrait appeler l' « ensemble des lois simples et

ultimes de la physique >>. En revanche,je suis certain quechercher ces lois ultimes ne peut qu'être une bonne chose.

choses fort utiles, le Texas par exemple.Je dois aussi dire ce que ne sont pas, à mon sens, les

lois ultimes sous-jacentes de la physique. Il ne peut en

aucun cas s'agir d'une version ultime de la physique des

particules élémentaires, qui menacerait de remplacerun jour les autres branches de la physique. L'exemplede la thermodynamique est à cet égard éclairant. Les

molécules d'eau sont aujourd'hui bienconnues. Imaginons qu'unjour,dans un

futur lointain, tout ce qu 'il y a à savoirsur les molécules d'eau soit connu et

que, grâce aux progrès accomplis dansle domaine des ordinateurs, l soit possible de calculer la trajectoire de chacunedes molécules d'eau contenues dans un

verre . (Cela n 'arrivera probablement

jamais, mais faisons comme si c'était

déjà arrivé.)À supposer qu 'il soit possible de prédire le comportement de chaque molécule dans unverre d'eau, il fautbien voir que ce n 'est pas dans la montagne de listings débités par les ordinateurs que se trouvent les grandeurs relatives à l'eau vraiment intéressantes, latempérature et l'entropie par exemple.

Ces grandeurs doivent être traitées dans les termes quileur sont propres ;et la science de la thermodynamique

est là pour ça- elle traite de la chaleur sans la réduire àchaque instant à des propriétés moléculaires.Personnene doute aujourd'hui que si la thermodynamique estce qu 'elle est c'est, ultimement, en raison des propriétés de la matière au niveau microscopique ; la thermodynamique dérive, en un sens particulier, de principesplus fondamentaux- ce qui n 'empêche pas qu'elle soit,ait toujours été et reste à jamais, une science ayant sapropre légitimité [. . ].

Je ne suis pas non plus en train de dire que la physiquedes particules élémentaires est plus importante que lesautres branches de la physique Je dis simplement que,en

raison de l'intérêt qui y est porté aux lois sous-jacentes,la physique des particules élémentaires est d'une »>

N• 43 • MA l 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 73

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*r é ~ é r e n c e ~

>» importance particulière, même si elle ne brille pasnécessairement par son utilité pratique immédiate. Il est

bon que cela soit dit de temps en temps, en particulierlorsque les physiciens des particules élémentaires sontà la recherche de financements a ssurant la poursuite deleurs expériences. [. ..]

LA MÉCANIQUE QUANTIQUE SURVIVRA-T-ELLE au

sein d'une théorie ul time de la physique à venir? Pourma

part, je pense que oui,en partie à cause de son incomparable succès dans les soixante dernières années, mais surtouten raison de l'impression d'inévitabilité qu'elle dégage.Une chose mérite d'être remarquée.Alors que la littératurescientifique abonde en récits des efforts entrepris en vuede tester de façon quantitative telle ou telle théorie bienétablie, comme la relativité générale ou

la théorie des interactions électrofaibles,ou la théorie des interactions fortes, on

ne trouve nulle part mention de tenta

tives visant à tester quantitativementla mécanique quantique. On peut comprendre pourquoi. Pour évaluer quant itativement la validité d'une théorie, ilfaut disposer d'une théorie plus généraledont la théorie que l'on veut tester soit

un cas particulier.Sachant ce que préditla théorie plus générale, il est alors possible de voir si les observations sont en

accord avec ces prédictions généralesou avec les prédictions particulières dela théorie restreinte à laquelle on s'intéresse. Et en effet, il est possible de fabriquer des généralisations de la théorie dela relativité générale ou des généralisations de la théorieélectrofaible.Ces généralisations ne sont pas bien belles

raison, entre autres, pour laquelle nous faisons confianceà la relativité générale et à la théorie des interactions élec

trofaible; néanmoins, ces généralisations sont utiles entant qu'hommes de paille faciles à abattre lorsque l'oncherche à tester la validité de la relativité générale ou dela théorie des interactions faibles.

À ma connaissance, il n'existe pas de généralisationde la mécanique quantique, un tant soit peu sérieuse.Jeveux dire qu'il n 'existe pas à ma connaissance de théoriecohérente englobant la théorie quantique en tant que casparticulier. En général, lorsqu'on essaie de généraliser lamécanique quantique, on aboutit à une ''théorie » où lasomme des probabilités n'est pas égale à 1, ou avec desp r o b a b i l i t é s négatives . Je pense qu'il conviendrait degénéraliser la mécanique quantique, même sans y croire,

@; de façon à ce que les expérimentateurs aient quelque

74 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N°43

chose à abattre. Si ce n'est pas possible, alors il faut serésoudre à considérer que la mécanique quantique se

situe très haut sur l'échelle de l'inévitabilité.Le problème est que la mécanique quantique ne suf

fit pas. Ce n'est pas, en elle-même, une théorie dynamique. C'est une scène vide à laquelle il faut ajouter desacteurs, c'est-à-dire qu'il faut spécifier l'espace de configuration, espace complexe de dimension infinie, ainsique les règles dynamiques indiquant de quelle façon le

vecteur d'é tat effectue une rotation dans cet espace au

cours du temps .

BEAUCOUP D'ENTRE NOUS en sont venus à penserque finalement ce qui manque à la mécanique quantique c'est un principe,ou plusieurs principes, de symétrie.

Un principe de symétrie est un énoncéindiquan t qu'il existe certaines façonsde changer la manière dont on regardela nature qui, bien que modifiant ladirection du vecteur d'état, ne changentpas les règles selon lesquelles ce vecteur d'état tourne au cours du temps.À l'ensemble de tous ces changementsde points de vue, on donne le nom degroupe de symétrie de la nature . Il est

de plus en plus évident que le groupede symétrie de la nature constitue lachose la plus profonde que nous savonsd'elle aujourd'hui. Je voudrais faire iciune suggestion, dont je ne suis pas

totalement assuré mais qui constitueau moins une éventualité possible : ilse pourrait que spécifier le groupe de

symétr ie de la nature soit la seule chose qu'il soit nécessaire de dire à propos du monde physique- en dehors desprincipes de la mécanique quantique, évidemment.

Il va de soi que le groupe des symétr ies de l'espace et

du temps constitue un paradigme des symétries de lanature. Les symétries de l'espace et du temps s tipulentque les lois de la nature sont indifférentes à l'orientationdu« laboratoire >>, à sa position dans l'espace, à la manièredont y sont réglées les zéros des horloges ainsi qu'à lavitesse à laquelle ce laboratoire se déplace. [. ..]

Il existe beaucoup de symétries qui n 'ont rien à voiravec l'espace et le temps; elles sont dites internes. La

conservation de la charge électrique résulte d 'une symétrie de ce type, à laquelle les physiciens ont donné le

nom d'invariance de jauge.Soit dit en passant, certainesde ces symétries peuvent être brisées. Par symétriebrisée, on entend une symétrie qui, bien que vraieau niveau des équations fondamentales ultimes, ne

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VERS LES LOIS ULTIMES DE LA PHYSIQUE DOCUMENT

vaut pas pour les équations correspondant à des éta ts

physiques observables. J'ai moi-même beaucoup

travaillé sur ces symétries brisées, mais ce n'est pas cedont je parlerai ici.

Il est clair qu'un principe de symétrie est également un

principe de simplicité. Après tout, si les lois de la nature

dépendaient de l'orientation du laboratoire, comme on

le pensait du temps d'Aristote, elles devraient bien évi

demment faire référence à l'orientation du laboratoire

par rapport à autre chose et ce serait plus compliqué

trop compliqué peut-être. Ne pas avoir à tenir compte de

l'orientationdu laboratoire rend les lois de la nature plus

simples. Néanmoins, on pourrait penser a priori que le

nombre des théories compliquées qui sont compatibles

avec toutes les symétrieset avec la mécanique quantiqueest encore énorme, en dépit de l'existence d'un grand

nombre de principes de symétrie simplificateurs.

JE PENSE QUE LA SITUATION n'est pas aussi

désespérée - et ce, pour deux raisons. La première est

que l'une de ces symétries semble être presque incom

patible avec la mécanique quantique. Il s'agit de l'inva

riance de Lorentz qui est l'un des éléments de la théorie

de la relativité restreinte développée par Einsteinen 1905 :

cette invariance exige que les lois de la nature ne dépen

dent pas de l'état de mouvement du laboratoire, pour

autant que ce mouvement soit uniforme et soit décrit

de la manière dont Einstein le faisait. Que cette exigence

soit presque incompatible avec la mécanique quantique

fait que la combinaison des deux théories impose aux lois

de la nature des restrictions draconiennes. Par exemple,

on sait aujourd'hui que dans toute théorie de ce type, à

chaque espèce de particules doit correspondre une autre

espèce, celle de ses antiparticules, possédant la même

masse, le même spin, mais des charges électriques oppo

sées.Il existe des électrons ; l doit donc y avoir des antié

lectrons (ou positrons) -ils ont été découverts en 1932.

Steven Weinberg en quelques dates

Il existe des protons ; l doit donc y avoir des antiprotons, ils

ont été découverts lors d'expériences effectuées en1955[. .).

D'autres conséquences, ayant trait au comportement desparticules lorsqu'elles sont à plusieurs dans un même état,

résultent également de façon nécessaire de l'alliance entre

mécanique quantique et relativité restreinte.[. .]

EN GÉNÉRAL, ET BIEN qu'il ne s'agisse pas là d'un

théorème, on s'accorde à penser qu'il est impossible de

concilier les exigences de la mécanique quantique et

celle de la relativité autrement que dans le cadre d'une

théorie quantique des champs. Par théorie quantique

des champs, on entend une théorie dont les principaux

ingrédients sont les champs, et non des particules, les par

ticules étant alors considérées comme des petits paquetsd'énergie du champ. l y a alors un champ pour l'électron,

un champ pour le photon, bref un champ fondamental

pour chaque particule vraiment élémentaire.

Mais il existe une autre raison de penser que les symé

tries sont fondamentales et qu'il se pourrai t que ce soit

la seule chose qu'il faille savoir du monde physique

- en dehors de la mécanique quantique elle-même.

Examinons la manière dont est décrite une particule

élémentaire.Comment la distinguons-nous d'une autre?

Réponse : par la donnée de son énergie, de sa quantité

de mouvement, de sa charge électrique, de son spin (et

quelques autres nombres) .Ces nombres décrivent en réa

lité la manière dont les particules se comportent lorsqu'on

leur fait subir certaines transformations de symétrie .

Par exemple, l'énergie d'une particule indique comment

change le vecteur d'état associé lorsqu'on modifie l'heure

de la pendule du laboratoire, etc.De ce point de vue, on

peut dire que ce que l'on trouve au niveau le plus pro

fond ce sont seulement des symétries et les réponses à

ces symétries. La matière se dissout et l'univers appa

raît comme une représentation irréductible du groupe

de symétrie de la nature .•

> 3 mai 1933: naissance à New York. > 1969: professeur au MIT.

> 1957 : soutient sa thèse sur les effets de

l'interaction forte dans les processus dominés par

l'interaction faible, à 'université de Princeton.

> 1959 : à l'université de Berkeley, il travaille

sur les diagrammes de Feynman et les courants

de seconde classe des interactions faibles.

> 1961 :premiers travaux en astrophysique.

> 1967 : chercheur-invité MIT, il commence ses

travaux qui le mèneront àdécouvrir l'unificationdes interactions électromagnétique et faible.

> 1973: professeur à Harvard.

> 1979 : avec le Pakistanais Abd us Salam

et l'Américain Sheldon Glashow, il reçoit

le prix Nobel de physique pour l'élaboration

de la théorie de l'interaction électrofaible.

> 1982 : professeur à l'université du Texas

à Austin.

> 1991 :reçoit la médaille nationale de la

science pour sa contribution à la découvertedes forces fondamentales de la nature.

N' 43 • MAl ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 75

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*r é ~ é r e n c e < \ EN SAVOIR PLUS

Notre sélection de livres et de sites Web aide à explorer les théoriesqui tentent d'unifier les forces fondamentales de l'Universet qui permettent de comprendre pourquoi il est ce qu'il est.

* **Entretiens surla multitude du mondeThibault Damour etJean-Claude Carrière

Odile Jacob, 2002, 256 p., 21,40 €.

Lphysique quantique

et la théorie de la

relativité peuvent parfoissembler bien conceptuelleset peu intuitives.Par le biais d'un dialogue,Thibault Damour, physicienthéoricien, et Jean-ClaudeCarrière, écrivain,rendent ces thématiquesaccessibles. Les nombreusesallégories favorisentla compréhension desnotions de théorie physiquede base. À la fin du dialogue,le scientifique expliqueau profane le principedes théories unificatrices,chose qu'i l avoue difficileà réaliser.Sans entrerdans les détailscompliqués, on comprend

les grandes lignesde la problématique.

* **Matière sombreet Énergie noireAlain Bouquetet Emmanuel Monnier

Du nod, 2008, 240 p., 22 €.

Un des grands défisaujourd'hui pour

les cosmologistes

est d'arriver à résoudre

l'énigme de la matièrenoire, dont ils supposentl'existence, mais qu'ilsn'ont encore jamaisdétectée. Pourtant ,

il semblerait que celle-cireprésente prèsde go% de la matièretotale de l'Univers.Le journaliste scientifique

Emmanuel Monnieret le chercheur du CNRS

Alain Bouquet relatentles différents épisodesqui ont conduit la

communauté scientifiqueà la recherche de cettematière noire et fontle point sur les pistessuivies aujourd'hui.

Temps etEspace

TEMPS ET ESPACEDa L'ANTIQUITt À NOS IOUIIII

SCIENCES

Carlo Rovelli est l'un des fon

dateurs de la gravitationquantique à boucles, théorie

concurrente de la théorie des

cordes. Dans ce livre audio,

à écouter au calme, il nous

livre d'abord un historique

des découvertes de la physique théorique. Tout com

mence dans la Grèce antique avec Anaximandre de Milet

(W siècle avant J.-(.), que Carlo Rovelli considère comme

le premier scientifique (et auquel il a consacré un livre).

C'est lui qui proposa le premier l'idée que laTerre flotte dansl'infini etne repose sur rien.Letempset l'espace sont ensuite

abordés par l'orateur qui s'attarde notamm ent sur la gravitation universelle de Newton, les équations de Maxwell ou

la relativité d'Einstein. la fin estconsacrée à la gravité quan

tique. l'auteurexplique pourquoi il est nécessaire de trouver un modèle qui unifie les lois de la gravitation et celles

de la physique quantique. Il expose sa théorie, la gravita

tion quantique à boucles, en insistant sur la façon dont elle

considère le temps et l'espace.

Carlo Rovelll, De Vive Voix, 2007, durée : 79 minutes, 9,90 €.

http ://www.devivevoix.fr/sciences/temps -et-espace

Niveau de difficulté * **=pour débuter *** =pour approfondir ***=pour étudier

76 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N• 43

* **Qu'est-ce que le temps?Qu'est-ce que l'espace?Carlo Rovelli

Bernard Gilson, 2006, 119 p., 12 €.

Cercheur globe

trotteur,Carlo Rovelli s'est passionnétrès jeune pour lesquestions de temps et

d'espace. Cette passions'est renforcée lorsde ses voyages - d'Italieen France, en passantpar l'Angleterre etles États-Unis- et de sesrencontres avec desphysiciens. Sur fond debiographie, ce livre racontel'évolution de ses penséeset de ses travaux, enparticulier dans le cadrede la théorie des boucles -concurrente de la théoriedes cordes. À la fin del'ouvrage, Carlo Rovelliouvre la réflexion sur

la science dans le mondeet son enseignement.

* **le Vrai Roman desparticules élémentairesFrançois Vannucci

Du nod, 2010, 220 p., 18 €.

F rançois Vannucci,professeur à

l'université Paris-II, nous

propose une fresque

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historique. Son<< oman »

commence à la fin duXIX• siècle, lorsque lord Kelvin

déclare qu'il n'y a plus rienà découvrir en physique.Et montre qu'il se trompaitlourdement :le xx· sièclea été plutôt richeen découvertes. On suit ainsiles principales étapesde la recherche en physiquedes particules et de l'élaboration des grandes théoriesde la physique moderne,comme celle de la relativité.

Les thématiques les plusrécentes sont égalementtraitées, comme le Modèlestandard ou encore la théoriedes cordes. Dans le dernierchapitre, l'auteur s'interrogesur notre capacité à expliquerun jour tous les mécanismesqui régissent l'Univers.

***Même pas fausse !PeterWoit

Du nod, 2007, 328 p., 26,50 €.

L recherche sur la théoriedes cordes occupe un bon

nombre de chercheurs en

physique théorique et récolteune grande majorité dessubventions depuis plusieursdécennies. Pourtant, ellen' a jamais débouché sur

une prédiction testable :si on ne peut pas prouver quecette théorie est vraie,on ne peut pas non plusprouver qu'elle est fausse.Sa qualité de théoriescientifique est pour cetteraison sujette à cautionselon le théoricien américainPeter Woit, l'un de ses plusfervents opposants. Aprèsavoir rappelé l'historique

de cette théorie et du Modèlestandard de la physiquedes particules, il insiste sur

la marginalisation promiseaux jeunes chercheursvoulant travailler sur d'autres

théories de l'espace-temps,ainsi que sur le manque demoyens qui leur sont alloués.

***Rien ne va plusen physique !LeeSmolin

Dunod, 2007,488 p.,26,50 €.

L e Smolin est professeurde physique à l'Institut

Perimeter au Canada.Tous ses travaux portent surla recherche d'une théoriede gravitation quant ique et

il a longtemps travaillé surla plus connue d'ent re elles :la théorie des cordes. Maisselon lui, cette théorie estscientifiquement bancale et

socialement dévastatrice.En effet, elle ne sera jamaistestable et donc jamai svalidée. En outre, il accusele système académique de luidonner trop d'importance,en lui allouant tropde financements au détrimentde travaux sur d'autresthéories prometteuses.Il fustige les tenants de cettethéorie, qui ont tendance,selon lui, à l'accepter pourdes raisons émotionnelles

plutôt que rationnelles.

***Au-delà de l'Espaceet du tempsMarc Lachièze·Rey

Le Pommier, 2008,418 p., 27€ .

M arc Lachièze-Reyexplique les

fondements de la cosmologieactuelle. Pour cela, il rappelle

les bases des deux théoriesincompatibles queles physiciens veulen t »>

EN SAVOIR PLUS

CE

QU'EINSTEIN NE SAVAIT PAS ENCOREVersion française de L'Univers élégant,

série documentaire en 3 parties de Brian Greene,physicien américain de l'université Columbia,largement inspirée de son livre du même nom

et diffusée en France par Arte.

http://tinyurl.com/einstein greene·thttp://tinyurl.com/einstein·greene·2http://tinyurl.com/einstein·greene-3

SI DIEU NE JOUE PAS AUX DÉS,SAUTE-T-IL À LA CORDE?

Universcience-vod propose une vidéode témoignages et d'entre tiens de physiciensde l'Institut des hautes études scientifiquesà Bures-sur-Yvette, dans l'Essonne, sur la questionde l'existence d'une théorie unificatrice.

http://tinyurl.com/des-corde

LES PARTICULES ET LEURS SYMÉTRIESCours de physique des particulesde Gérard Smadja et Guy Chanfray, chercheursà l'Institut de physique nucléaire de Lyon.

http://tinyurl.com/SmadjaChanfray

VOYAGE VERS L'INFINIMENT PETITUn site, réalisé par l'École normale supérieurede Paris et le ministère de l'Enseignementsupérieur et de la Recherche, sur la physiquethéorique, expliquant les différentesforces régissant l'Univers et les théoriesqui visent à les unifier.

http://d.iftusion.ens.fr/vip

LA THÉORIE DES SUPERCORDES

Cours d'introduct ion sur la théorie des supercordes par différents physiciens théoriciensrenommés.

http://tinyurl.com/supercordes

CONFÉRENCES À LA CITÉ DES SCIENCESEn 2005, la Cité des sciences a proposé un cyclede conférences autour d'Albert Einstein.Plusieurs thématiques ont été abordésautour de la physique théorique, dont la

théorie des cordes (par Pierre Binetruy)et celle de la gravitation quantique à boucles

(par Carlo Rovelli)http: / tinyurl.com/conf·cite

N" 43 • liAI ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 77

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*r é ~ é r e n c e < \

Niveau de difficulté * ** =pour débuter *** =pour approfondir ***=pour étudier

>» unifier :la théorie

quantique et cellede la relativité.ll s'attardeaussi sur la géométriedu cosmos, et notamment

sur la dimension du tempsdont il expose l'histoireet les théories. Enfin,il recense les différentesthéories unificatrices-les cordes, supersyrnétrieet supercordes, théorie M,

gravitation quantique -et décortiqueleurs caractéristiques.

***

Y a-t-il un grandarchitectedans l'Univers?Stephen Hawkinget Leonard Mlodinow

Odile Jacob, 2011, 242 p., 22,90 €.

Cest dans le dernier

chapitre, où lephysicien de renom

Stephen Hawking et

Leonard Mlodinowréfuten t catégoriquementl'existence de Dieu, quele titre du livre prend

tout son sens. La phrase" nul besoin d'invoquer

Dieu pour[ .. qu'il fasse

naître l'Univers " reprisepar tous les médias lors

de la sortie du livre,en est d'ailleurs tirée.Mais l'objectif de l'ouvrageest surtout de nous exposerles différentes théorieset avancées de la physique,et de répondreà la question suivante :pourquoi l'Universest-il comme il est ?La théorie M, qui découlede la théorie des cordes,permet, selon les auteurs,d'élucider les mystèresde l'Univers. Elle serait

" l'unique candidate

au poste de théorie complètede l'Univers "·

***

Supercordeset Autres FicellesCarlos Calle

Dunod, 2004, 608 p., 38 €.

V oici un ouvrage assezgénéraliste qui passe

en revue les grands thèmesde la physique, des lois dela mécanique à l'électricité,en passant par la structurede la matière et la thermodynamique. La dernièrepartie concerne la physiquemoderne :la relativitéd'Einstein et la mécaniquequantique.Carlos Calle,spécialiste de la physiquenucléaire à la NASA,nous

présente la courbure del'espace-temps, la structuredes atomes ou encorel'antimatière.ll fait aussile point sur les théoriesunificatrices, en particulierla théorie des cordes.

***

Le facteur temps nesonne jamais deux foisÉtienne Klein

Flammarion, 2009, 268 p., 8 €.

A u cours de sa carrière,le physicien et

philosophe Étienne Kleins'est beaucoup interrogésur le temps. Dans ce livre,il aborde cette thématiqueaussi bien du point de vuede la physique que de celuide la philosophie. Le tempsest-il quelque chosede passif? A-t-il besoindes événements qui s'ydéroulent pour s'écouler?

78 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N" 43

L'auteur relate la façon

dont le temps a été perçuau cours de l'histoire,par les philosophes ou

a un gros défaut :

les scientifiques.ll revisiteensuite l'histoire de

elle existe sous environ10 soo formes différentes.Leonard Susskind, l'undes pères de cette théoriepropose une solution.

la physique en suivant le fi ldirecteur du temps. Enfin, ilpasse en revue les dernièresthéories qui reconsidèrentcette dimension.

Il considère que chacunede ces théories possiblescorrespond en faità un univers particulier.L'ensemble de ces universforment dans le paysagecosmique ce que l'auteurappelle le« mégavers >>.

Après avoir rappelé

***Le Paysage cosmiqueLeonard SusskindGallimard, 2007 ,640 p., 11,50 €.

L théorie des cordes,qui a pour objectif

de simplifier la physiqueen unifiant les théoriesde la gravitation et

les bases de la physiquethéorique dans les premierschapitres, Leonard Susskinddétaille le mécanismede sa théorie. ll revientaussi sur le différendqui l'avait opposé

de la mécanique quantique, au physicien britannique

La Magie du cosmos

En termes de vulgarisation, Brian

Greene, physicien de l'Univer

sité Columbia, à New York, n'en

est pas à son coup d'essai. En

1999, L'Univers élégantaconnu

un franc succès, du moins au

~ t a t s - U n i s . Dans ce nouvel

ouvrage, l'auteur use de compa·raisons et d'allégories pour abor

der avec pédagogie les bases

complexes de la physique théo-

rique, et plus particulièrement la théorie des cordes. Dans

un premier temps, il revient sur les concepts du temps et

de l'espace. Puis il s'attarde sur quelques thèmes impor

tants de la cosmologie : symétrie, matière noire, etc. Ces

bases ainsi posées, il expose le cœur de son travail : la

théorie des cordes. Brian Greene explique comment cette

dernière et la théorie M, une de ses variantes, tententd'unifier la physique quantique et la relativité.

Brian Greene, Robert Laffont, 2005, 670 p., 24 €.

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Stephen Hawking pendant

plusieurs décennies

à propos de la structure

des trous noirs.

***l'Univers en rebondMartin Bojowald

Albin Michel, 2011,320 p., 29 €.

M artin Bojowald,

physicien

à l'université de Pennsylvanie,

est un tenant de la gravitation

quantique à boucles,l'une

des principales théoriesconcurrentes de la théorie

des cordes. Celle-ci reconsidère

entièrement la structure de

l'espace-temps :à la différence

des cordes qui sont

dans l'espace, les boucles

forment l'espace. L'auteur

propose de remplacer

la notion de Big Bang par celle

de Big Bounce (grand rebond).

Selon lui, cet événement

ne marquerait pas le début

de la matière et du temps,

mais le début d'un cycle

sans cesse renouvelé.

Il serait la transition entre

l'effondrement de l'Univers

et sa renaissance.

***The Hidden RealityBrian Greene

Knop/AIIen Lane,2011, 384 p.(en anglais), 29,95 $.

D ernier opus du

physicien théoricien

et grand vulgarisateur

Brian Greene. Après L'Univers

élégant et La Magie du cosmos,

The Hidden Reality (la réalité

cachée) traite également

de physique théorique.

Mais, dans cet ouvrage,

l'auteur insiste davantage

sur la notion d'universmultiples. Il part d'un postulat

simple :si l'Univers est infini,

sans limite, i l existe alors

une infinité d'univers et,

donc, il existe aussi

forcément une infinitéd'univers semblables

au nôtre où vivent nos alter

ego. Selon le cheminement

théorique que l'on emprunte,

neuf types d'univers multiples

(ou multivers) sont possibles

d'après l'auteur qui les décrit

tout en s'interrogeant

sur la pertinence de formuler

des hypothèses non

réfutables. Il fait également

le point sur les dernièresavancées concernant

la théorie des cordes.

***Un Univers différentRobert B. Laughlin

Fayard , 2005, 330 p., 22 €.

R bert Laughlin est

professeur à l'université

Stanford et a reçu le prix

Nobel de physique en 1998.

Au début des années 1990,

i l a commencé à s'intéresser

au concept d'émergence.

Ille définit comme

un principe physique

d'organisation: d'éléments

n'ayant apparemment

aucune organisation

particulière émerge

un ensemble qui est

organisé et répond à des loisphysiques connues.

Ce principe s'oppose

au réductionnisme qui

considère que toutes

les lois physiques peuvent

être déduites de lois

plus fondamentales.

Le réductionnisme

ne peut pas être appliqué

concernant l'organisation

de l'Univers, selon l'auteur.

En outre, il en prédit la fincomme méthode d'analyse

du monde.

.."'

EN SAVOIR PLUS

LE MODÈLE STANDARDAlain Connes, mathématicien et chercheur à

l'Institut des hautes études scientifiques, interrogé

par Arte sur la thémat ique du Modèle standard.

http:/ tinyurl.com/mod-strd

LOOP QUANTUM GRAVITYConférence de Carlo Rovelli sur la gravitation

quantique, une théorie concurrente des cordes.

http://tinyurl.com/Rovelli-LQG

CERN -SCIENCES

L'organisation européenne pour la recherchenucléaire (CERN) traite sur cette page

de la physique atomique, rappelant les principes

du Modèle standard et des théories unificatrices,

notamment la théorie des cordes.

http://tinyurl.com/cem-PhTh

l'UNIVERS SUR UNE CORDEConférence filmée de Brian Greene, physicien

théoricien partisan de la théorie des cordes,

expliquant cette dernière avec pédagogie

(en anglais).

http:/ tinyurl.com/Greene-cordes

THE OFFICIAL STRING THEORY WEBSITEPatricia Schwarz, chercheuse au Caltech,

explique en version « débutant » ou « expert »

les bases de la théorie des cordes (en anglais).

http:/ superstringtheory.com/

THEORETICAL PHYSICS FUNUn autre s ite de Patricia Schwarz, mais qui ne

se limite pas aux cordes.On y parle aussi de

physique théorique, de relativité, etc. (en anglais).http://tinyurl.com/th4fun

LEE SMOLIN SUR LA THÉORIE DES CORDESLee Smolin, un des plus fervents opposants

à la théor ie des cordes, est interviewé sur la BBC

et explique son raisonnement (en anglais).

http:/ tinyurl.com/smolin-itw

THE SECOND SUPERSTRING REVOLUTIONJohn Henry Schwarz, un des pères de la théorie

des cordes, revient sur les bases de cette dernière

et sur les avancées récentes (en anglais).

http://tinyurl.com/jh-schwarz

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N• 43 • IIAI2011 I LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 79

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BiomédicamentsLa biotechnologie au

service de notre santéne grande partie des progrèsde la médecine au xxe sièclesont dus aux succès de la

chimie de synthèse. Celle-ci

a en effet permis de produire

en grande quantitédes médicaments efficaces,aux compositions bien

définies. Les molécules qui les composentavaient été, pour nombre d'entre elles,

identifiées dans des champignons,telle la pénicilline, ou dans des plantes,telle l'aspirine. Mais le vivant n'étaitqu'une source d'inspiration. Aujourd'hui,les cellules vivantes se sont invitées dansles chaînes de production. Génétiquementmodifiées, elles fabriquent des moléculesbien plus complexes que celles que noussavons faire dans des réacteurs chimiques.Et l'action de ces molécules sur nos

organismes est mieux ciblée. La nouvellerévolution pharmaceutique a commencé.

> Repère& P. 82

• Les biomédicamentsen 6 questions

> Initiative& P. 86

• Les cellulesde mammifères,génératricesde médicaments

• De la paillasse à lacommercialisation

• Principes actifsdans les globulesrouges

> Savoir-taire P. 90

• Dans une usinede biomédicaments

> Acteur& P. 92

• Chasseursd'innovations

> Avenir P. 96

• « Soigner chacunselon son patrimoinegénétique »

> Pour en &avoir plm

•Internet

• Livres

N' 43 • lU I JOU1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 81

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BIOMÉDICAMENTS / Repère6

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••

Les biomédicaments•

en 6 questionsLa biotechnologie est aujourd'hui à la pointe de l'innovationpharmaceutique. En jeu, des médicaments mieux adaptésà chaque patient pour de nombreux types de maladies.

0 Qu'appelle·t·onbiomédicaments?

Ils peuvent être définis commel'ensemble des substances théra

peutiques dont la conception fait

appel aux biotechnologies, c'est

à-dire aux techniques qui uti lisent

des éléments du vivant (cellules, tis

sus ou éléments de la cellule}.Cette

définition inclut des traitements

très variés, allant de nouveaux

modes de délivrance de principes

actifs connus (lire << Principes actifs

dans des globules rouges», p. 89}

aux antibiotiques produits pa r des

bactéries améliorées.

La plupart des études portant

sur les biomédicaments, ou médi

caments biologiques, se concen

trent sur les molécules issues de la

technologie dite de<< l'ADN recom

binant ».Cette technologie consiste

à insérerun gène étranger dans une

bactérie ou dans une cellule d'un

autre type pour lui faire fabriquer

une protéine qu'elle ne produiraitpas naturellement [fig.1].

Le premier médicament élaboré

avec cette technique est apparu

sur le marché américain en 1982 :

il s'agit de l'insuline recombinante,

fabriquée par des bactéries dans

lesquelles on a transféré un gène

de l'insuline humaine. Jusqu'alors,

l'insuline destinée au traitement

des diabétiques était extraite de

pancréas de porcs, mais elle était

mal tolérée par le corps humain.

L'insuline recombinante, analogue

à la protéine humaine et par consé

quent mieux acceptée, a fortement

contribué à améliorer la qualité de

vie des patients.

À la suite du succès de ce premier

biomédicament, les sociétés de

biotechnologies ont utilisé la tech

nologie de l'ADN recombinant pour

fabriquer toutes sortes de molé

cules thérapeutiques, impossiblesà synthétiser chimiquement : des

hormones de croissance, des fac

teurs de croissance des cellules du

sang comme les érythropoïétines,

ou encore des cytokines, sorte de

messagers, impliqués notamment

dans l'immunité.

L'autre grande famille des médi

caments biologiques est apparue

plus tardivement : ce n'est qu'en

1997 queles premiers anticorpsmonoclonaux ont été mis sur le

marché. Les anticorps sont des

protéines naturellement fabri

quées par le corps humain pour se

défendre contre les pathogènes.

Les anticorps monoclonaux sont,

eux, produits dans des cellules ani

males, grâce à la technologie de

l'ADN recombinant. Un anticorps

monoclonal est capable de blo

quer un récepteur ou un média

teur impliqué dans une patho-logie en se fixant sur un motif

moléculaire spécifique. En 2007,

les anticorps monoclonaux repré

sentaientun tiers du marché mon

dial des biomédicaments, contre

deux tiers pour les protéines

recombinantes.

8 Commentfabrique·t·on

un biomédicament?

Sl 'on s'en tient à la définition la

plus restrictive, il s'agit d'une

protéine issue de la technologie

82 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43

Page 82: La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie

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0 Le plasmide qui portele gène est intégré dansune bactérie

· ~ 1

La bactérie elit •le gèneet fabrique la protéinecorrespondante

La protéine est purifiéeet isolée afin d'élaborerle médicament

. . ,"' ',

0Un gène ayantun potentielthérapeutique

0Le médicamentest injecté au malade

••••

OGrâceàdesenzymes,ce gène estdécoupéet isolé du restedu génome

A Le gène est inséréV dans une portion d'ADN

circulaire appelée«plasmide»

est identifié

chez l'homme

1

LES MÉDICAMENTS BIOLOGIQUES sont issus de la technologie de l'ADNrecombinant. Elle consiste à insérer un gène humain (1, 2) dans une portion d'ADN (3), placée dans une cellulevivante(4),1e plus souventune bac-

térie ou une cellule animale. Celle-ci fabrique alors une protéine ayant unintérêtthérapeutique(S).Après extraction et purification (6 , cette protéineest administrée aux patients (7), généralement en milieu hospitalier.

de l'ADN recombinant Pour l'ob

tenir, on commence par identifier

chez l'homme le gène qui la code.

On insère ensuite ce gène dans une

cellule qui va le « lire » et fabri

quer la protéine. On dit alors de la

cellule productrice qu'elle a subi

un e recombinaison génétique :

c'est pourquoi on parle de protéi

nes« recombinantes».

Les biomédicaments ont d'abordété produits dans des bactéries,

telle Escherichia coli. Elles ont en

effet!' avantage d'être bien connues

des chercheurs et de se multiplier

rapidementMais, depuis, les voies

de production des biomédicaments

se sont multipliées (lire «Les cellu

les de mammifères, génératrices de

médicaments »,p. 86}. Les cellules

animales sont aujourd'hui les plus

utilisées, car elles permettent de

produire des molécules complexes

et bien tolérées par l'homme.

Les cellules génétiquement

modifiées sont d'abord cultivées

dans des bioréacteurs, dans des

conditions contrôlées, pour qu'elles

se multiplient et produisent la pro

téine recherchée. Une fois obtenue

en quantité suffisante, celle-ci es t

isolée du matériel cellulaire et récu

pérée. Elle subit ensuite diverses

phases de contrôle qui permettent

de s'assurer de sa pureté, avant

d'être conditionnée.

La production d'un biomédi-cament est un processus complexe

et très spécifique, et la construc

tion d'une unité de bioproduction

nécessiteun investissement impor

tant C'est pourquoi la plupart des

sociétés de biotechnologies sous

traitent la production de leurs lots

destinés aux essais cliniques auprès

de sociétés spécialisées, qui fabri

quent des protéines à façon pour

leurs clients. Les entreprises du

médicament justifient le prix élevé

des biomédicaments par leur coût

de production, plus important que

celui d'une synthèse chimique.

8 Pour quellesmaladiessont-ils prescrits?

Fin mars 2008,107 médicaments

biologiques étaient commercia

lisés en France, d'après un recense

ment effectué pour le compte du

syndicat des entreprises de l'indus

trie pharmaceutique,Les entrepri

ses du médicament (Leem} [fig. 2].Une classification par aires thé-

rapeutiques de ces médicaments

révèle qu'ils couvrent un large

spectre d'indications.Les biomédi

caments sont utilisés dans 16 spé

cialités médicales :18 % d'entre eux

sont prescrits en cancérologie et en

hématologie, c'est-à-dire dans le

traitement des maladies du sang,

13% en infectiologie, 9% contre le

diabète, 9% en endocrinologie et

7% pour l'hémostase, c'est-à-dire

pour l'arrêt d'hémorragies.

Les biomédicaments permettent

de soigner des pathologies >»

N• 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 83

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BIOMÉDICAMENTS /Repère&

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••

Les biomédicamentsen 6 questions

»> pour lesquelles il existe de

forts besoins médicaux non satisfaits : cancers, pathologies neure

dégénératives et maladies auto

immunes. Une autre de leurs

caractéristiques est de cibler un

nombre restreint de patients,

pa r rapport aux médicaments

classiques. En 2004, sur go bio

médicaments commercialisés en

France, 44 étaient indiqués dans le

traitementde maladies considérées

comme orphelines, c'est-à-dire qui

touchent moins de 30 ooo patientsfrançais, d'après l 'évaluation faite

parle Leem.

Les autres médicaments bio

logiques sont indiqués dans des

pathologies plus répandues, mais

ils ne sonten général efficaces que

sur un certain type de patients.

Cela tient à la conception même

de ces médicaments, adaptée aux

caractéristiques génétiquesde cha

cun. Par rapport aux médicaments

classiques, les biomédicaments

orientent donc les soins vers une

médecine personnalisée.

Enfin, comme ces médicaments

servent pour la plupart à trai ter des

maladies graves, ils sont généra

lement administrés dans le cadre

de l'hôpital. Un biomédicament

sur trois est même réservé auxprescripteurs hospitaliers. Il existe

cependant des médicaments bio

logiques qui peuvent être pres

crits par des médecins de ville, par

exemple pour le traitement de la

polyarthrite rhumatoïde.

Ocommentles teste·t·on ?

Avant d'être commercialisés,

les biomédicaments, commeles médicaments chimiques, doi

vent faire la preuve de leur effica

cité et de leur innocuité grâce à une

série d'essais cliniques. Chaque

candidat médicament est d'abord

testé auprès de volontaires sains,

afin de s'assurer qu'il est bien

toléré. La deuxième phase des

essais consiste à prouver l'effica

cité du médicament sur des per

sonnes atteintes par la maladie

et à trouver à partir de quelle dose

il permet une amélioration des

symptômes, sans entraîner d'effets

secondaires indésirables. Enfin,

la troisième phase des essais est

menée sur un plus grand nombre

de patients, en général plusieurs

DEPUIS LA COMMERCIALISATION EN 1984 d'une insuline recombinante, destinéeaux patients diabétiques, le nombre de biomédicaments différents disponibles sur

12 le marché français n'a cessé d'augmenter. Cette croissance devrait se poursuivre, car:;: de nombreux médicaments de ce type sont actuellement à l'essai dans le monde.

L - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ~

84 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43

milliers, afin de déterminer ses

bénéfices et risques potentiels.

Les essais menés sur les biomédi

caments ont toutefois quelques

particularités par rapport auxmédi

caments traditionnels. Commeils sont spécifiquement conçus

pour agir sur des cibles humaines,

ils ne peuvent pas faire l'objet

d'études précliniques, normale

ment menées sur des animaux. Il

est donc nécessaire d'accompagner

les essais cliniques d'études immu

nologiques complémentaires.

Par ailleurs, en raison de leur

spécificité, il es t parfois diffi

cile de trouver suffisamment de

patients pour tester l'efficacitédes nouveaux biomédicaments.

Les laboratoires utilisent donc

la même approche que pour les

maladies rares : ils font appel à

des associations de malades pour

recruter des volontaires.

Si les essais cliniques se révèlent

concluants, la société qui a déve

loppé le médicament monte un

dossier de demande d'autorisation

de mise sur le marché et le soumet

à l'autorité sanitaire compétente.

En Europe,les autorisations natio

nales ne sont pas suffisantes : les

médicaments biologiques doivent

obligatoirement être évalués par

l'Agence européenne des médica

ments (EMEA) .

La mise à disposition des

patients d'un nouveau biomédi

cament est un processusde longue

haleine.En 2004, l'enregistrement

d'une nouvelle molécule auprès del'EMEA prenait 464jours environ;

490 jours supplémentaires étaient

ensuite nécessaires pour assurer

la commercialisation du produit.

En tout, il s'écoulait donc près de

deux ans et demi entre le début

de l'enregistrement d'un biomédi

cament et sa mise sur le marché.

Ce délai est plus long que pour les

médicaments classiques, ce qui

peut s'expliquer par le fait que la

production des biomédicamentsest plus complexe en termes de

qualité et de sécurité que celle des

médicaments chimiques.

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eQui c o n ~ o i t lesbiomédicaments?

Alors que la recherche sur lesmédicaments classiques se

fait au sein de grandes entreprisespharmaceutiques, a mise au pointde nouveaux biomédicaments

relève majoritairement de petitessociétés innovantes ou start-up.Elles servent d'intermédiaires

entre la recherche académique,dont sont souvent issus les biomédicaments e t l'industrie.Les start-up sont des sociétés

au développement risqué. Ellesont besoin d'investissements

importants pour mettre en évidence les bénéfices d 'un nou-

veau médicament, et ne réalisent un chiffre d'affaires qu'aprèsplusieurs années d'activité. Lestrès petites entreprises de moinsde 20 salariés représentaient àelles seules près de la moitié desentreprises actives dans la recherche en biotechnologie en Franceen 2004, d'après un rapport du

Conseil économique, social etenvironnemental.Certaines sociétés spéciali

sées dans les médicaments biologiques sont aujourd'hui devenues des acteurs majeurs du

marché pharmaceutique : parmiles plus connues, on peut citerAmgen, Genentech,NovoNordiskou encore Genzyme. Toutefois,la plupart des petites sociétés debiotechnologies cherchent plutôt

à valoriser leurs découvertes enles vendant à des grands groupespharmaceutiques.Les géants du secteur cherchent

effectivement de plus en plus àacquérir les droits sur des molécules issues des biotechnologies afinde compenser la faible productivité de leur propre recherche etdéveloppement, et pour préparerle déclin annoncé des recettestirées des médicaments qu i

tombent dans le domaine public.Cest ainsi qu'en février dernierle laboratoire français SanofiAventis a annoncé qu'il allait

racheter la société de biotechnologies américaine Genzyme pourprès de 15 milliards d'euros.La France, premier pays produc

teur européen de médicaments

traditionnels, a pris du retard surle marché des biomédicaments :sur les 107 molécules commercialisées en France en 2008, seules10 d'entre elles étaient issues d'entreprises françaises. Le marché

des médicaments biologiques estlargement dominé par les ÉtatsUnis, et l'écart devrait continuerà se creuser, car les traitementsissus de sociétés européennes nereprésentent qu'une petite partiede ceux qui sont actuellement en

essai clinique dans le monde.

G Quelleestleur importancesur le marchépharmaceutique?

Les biomédicaments repré-

sentent au niveau mondial un

chiffre d'affaires compris entre

8o et 100 milliards de dollars, soitenviron 10% du marché pharmaceutique global. Mais ils connaissent depuis plusieurs années uneforte croissance (autour de 15%

par an), beaucoup plus importante que celle des médicamentstraditionnels. Les médicamentsbiologiques sont aujourd'hui àl'origine de profits importants

pour les sociétés qui les commercialisent :en 2007,24 de ces molé

cules ont généré un chiffre d'affaires annuel supérieur à 1 milliardde dollars.

Pour l' industrie pharma-

ceutique , les biomédicaments

représentent également une

source d ' innovation théra-

peutique. Ces dernières années,ils ont représenté environ 30% desnouvelles molécules mises sur lemarché. Cette part devrait encoreprogresser à l'avenir, puisqu'un

grand nombre de molécules actuellement à l'essai sont des biomédicaments. Beaucoup d'entre euxsont efficaces dans des pathologies

à forts besoins médicaux non satis

faits,notamment dans le domainede la cancérologie.Enfin, ces médicaments appor

tent de réels bénéfices en matièrede santé publique, si l'on en croitl'analyse de la commission detransparence de la Haute Autoritéde la santé.Cette instance, chargéed'évaluer les molécules avant leurinscription sur la liste des médicaments remboursables, publiedepuis 2001 ses évaluations de

l'amélioration du service médicalrendu par les nouveaux médicaments, par rapport aux traitements déjà disponibles. D'aprèsces évaluations, 4 biomédicamentssur 10 apportent une améliorationmajeure ou importante du servicemédical rendu, ce qui représenteune forte contribution à l'amélioration de l'offre thérapeutique,par rapport aux médicaments

traditionnels.• Pascaline Minet avec la col laboration

deDominique Deblais, directrice des

affa ires gouvernementales chez Amgen France

et membre du co mité biotechnologiesdu

syndi cat Les entreprises du médicament.

N' 43 • MAl ZOU ! LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 85

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BIOMÉDICAMENTS /Init iative&

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Les cellules de mammifères,génératrices de médicamentsL'essentiel des protéines entrant dans la composition demédicaments est aujourd'hui produit par des cellules animales,cultivées avec soin dans des réacteurs biochimiques.

e 16 novembre 2010, la

lutte contre le lupus,

maladie du système

immunitaire qui touche

5 millions de person

nes dans le monde, a connu une

avancée historique : un comité

d'experts de l'Agence américaine

des médicaments a approuvé

l'autorisation de mise sur le mar

ché du Benlysta. S'il franchit les

dernières barrières réglemen-

taires, ce médicament, une pro

téine développée par les labora

toires GlaxoSmithKline et Human

Genome Sciences, sera le premier

remède commercialisé contre le

lupus depuis cinquante-deux ans.Ce n'est en outre pas la seule ori

ginalité du Benlysta: il est en effet

produit par des cellules de mammi

fères génétiquement modifiées

Du début des années 1980

au milieu des années 1990, les

protéines utilisées à des fins thé

rapeutiques on t été fabriquées

principalement par des bacté

ries. Ainsi, c'est grâce à des gènes

humains insérés dans la bactérie

Escherichia coli que l'on produit

notamment l'insuline humaine

administrée aux diabétiques.

Avantages des bactéries : elles

se multiplient rapidement (leur

population double toutes les vingt

minutes) et leur culture est relati

vement facile à maîtriser.

Mais, aujourd'hui, les sociétés

de biotechnologies privilégient

les cellules de mammifères pour

fabriquer des protéines thérapeu

tiques: 6o % de ces biomédica

ments sont produits à partir de

cellules animales; 30 % sont issusde bactéries ou de levures; les10 %

restants proviennent de plan-

tes et d'animaux transgéniques

vivants. La raison de cette préfé

rence? " Les bactéries, organismesprocaryotes•, ne peuvent pas pro-

duire parfaitement des protéinestrop complexes "• explique Roland

COMPARAISON DES PRINCIPAUX MODES DE PRODUCTION

BACTÉRIE CELLULE DE MAMMIFÈREConditions de cultures Peu exigeantes Conditions chimiques

et thermiques précises 1

Introduction du gène · Facile Complexe

Capacité de production Importante Limitée

1oût de revient Bon marché Onéreux

Extraction de la protéine Désintégration Protéine sécrétéeindispensable de la bactérie . dans le mme. de "''"re 1

Production de protéines Impossible Possible

complexes

LESPREMIERS MÉDICAMENTS BIOLOGIQUES, apparus dans les années 1980, étaientproduits par des bactéries. Faciles àcultiver, celles·ci permettenten effet de fabriquer

des protéines thérapeutiques en grande quantité et à faible coût. Mais aujourd'hui,

1ce sont les cellules animales qui sont les plus utilisées en bioproduction, car ce sontles seules capables d'élaborer les molécules les plus complexes.

Béliard, responsable du dévelop

pement préclinique et biopharma

ceutique au Laboratoire français du

fractionnement et des biotechno

logies (LFB) . En outre, précise-t-il,

"au lieu de sécréterà l'extérieur les

protéines d'intérêt, elles les gardentà l'intérieur. Il faut alors détruire

la bactérie pour récupérer ces pro-

téines, ce qui complexifie les étapes

d'extraction et la purification, et

diminue les rendements "·

Proches des protéines hu-

maines. Les cellules de mammi

fères, organismes eucaryotes•,per

mettent de résoudre en partie ces

problèmes. Les plus utilisées pourproduire des biomédicaments sont

des lignées initialement isolées

dans des ovaires ou des reins de

hamsters.Disposant d'une machi

nerie cellulaire plus perfectionnée,

elles peuvent produire des protéines

plus complexes, dont les anticorps

monoclonaux, biomédicaments deplus en plus utilisés notamment

dans la lutte contre le cancer et les

maladies inflammatoires

D'autre part, les protéines fabriquées par ces cellules ne contien

nent pas seulement les bons

enchaînements d'acides aminés :

elles subissent aussi des modifi

cations propres aux mammifères,

telle la glycosylation, série de réac

tions enzymatiques qui ajoute des

glucides sur la chaîne principale dela protéine. Ces transformations

leur confèrent une structure plus

proche de celle des protéines natu

relles humaines. Résultat : d'une

part, le système immunitaire ne

réagit pas (ou peu) contre ces molé

cules et, d'autre part, celles-ci sont

86 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43

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plus efficaces. Autre avantage descellules animales : elles sécrètentleur production dans le milieu deculture, ce qui facilite la récupération de celle-ci.

Les cellules animales ont toutefois quelques inconvénients. Pourleur faire produire des protéinesparticulières, il faut bien entenduy introduire les gènes correspondants.Or c'est plus difficile qu'avecdes bactéries.Elles sont aussi moinsfaciles à cultiver, car elles sont trèssensibles à leur environnement

chimique et thermique."Leur mul-tiplication doit être réalisée dansun environnement stérile et avec

une concentration en oxygène, unetempérature et une addité très pré-

cises "• indique Roland Béliard.Par conséquent, la capacité de

production industrielle est faible :de l'ordre de quelques centaines demilliers de litres de bioréacteursdans lemonde."Les investissements

industriels et les coûts de production

sont élevés, ajoute le spécialiste, etles délais de construction et de miseen service des unités de production

sont longs. "

Laitde chèvres transgéniques.Pour pallier ces inconvénients,uneautre technique émerge : l'usaged'animaux transgéniques , pour

produire des protéines théra-

peutiques dans le lait, le sang oule plasma séminal de l'animal.

Le système le plus avancé est la

production de protéines dans lelait de chèvres transgéniques ." Linvestissement pour élever et

traire des chèvres est moindre quepour cultiver des cellules en bio-

réacteurs. Et l'on peut rapidementproduire des protéines thérapeu-

tiques àgrande échelle "• expliqueYann Echelard, spécialiste de la

production de protéines dans

le lait de mammifères dans la

filiale américaine du LFB, GTC

Biotherapeutics. Le premier desdeux seuls médicaments produitsde cette façon dans le monde,Atryn,une antithrombine humaine éla

borée par GTC Biotherapeutics, aété homologué en Europe en 2006

et aux États-Unis en 2009 .

"D'autres technologies encoresont expérimentées, comme l'utili-

sation de cellules aviaires, de cellules

d'insectes, de plantes transgéniques

ou non transgéniques pour la pro-

duction de vaccins ou de protéines

recombinantes "• précise JoëlleDumas, chargée de mission bioproductions au Genopole d'Évry.Les techniques qui mènent aux biomédicaments sont donc multiples.Elles sont appelées à coexister et

à se diversifier, chaque type d'organisme de production ayant desavantages et des inconvénientsspécifiques.• Florence Helmburger

*Les

organismesprocaryotessontconstitués

de cellulesdépourvuesde noyau.

*Les

organismeseucaryotessontconstituésde cellulespourvuesd'un noyau.

N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 87

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BIOMÉDICAMENTS / Initiative&

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De la paillasseà la commercialisationRecherche fondamentale, tests sur animaux, essaissur l'homme .. de la théorie d'un chercheur fondamentalau traitement d'une maladie, la route est longue.

ix-huit ans de tra-

vail et 28 millionsd'euros: ces deux

chiffres illustrent

l 'ampleur de la

tâche accomplie pour transfor-

mer un concept issude la recherchefondamentale en médicaments

potentiels, aujourd'hui testés surl'homme. En 1993, donc, DanielZagury, immunologiste à l'université Pierre-et-Marie-Curie, fondel'entreprise Néovacs pour mett reau point des médicaments qui

neutralisent les cytokines :ces protéines permettent à nos cellulesimmunitaires de communiquer,

mais elles sont impliquées danscertaines pathologies lorsqu'ellessont en excès. L'idée originale, baptisée Kinoïde, est de lier une cytokine particulière à une protéine

Cytokine TNFa

Protéine KLH

non humaine. Cette combinaisondevrait être considérée comme un

corps étranger à combattre par l'organisme et induire la productiond'anticorps naturels contre la cytokine mise en jeu.

5 millions d'euros. Premièreétape : mettre au point une technologie performante. " Protéines

porteuses, produits opérant la com-

binaison, traitement supprimant

l'action biologique des cytokinescombinées .. nous avons testé de

nombreuses options, indique GuyCharles de La Ho rie, directeur général de Néovacs. Ce premier chantier

a nécessité dix ans de travail etprèsde 5 millions d'euros . "

En 2003, grâce à plusieurs millions d'euros fournis par un fondsde capital-risque, Néovacs met la

TNF - Kinoïde

priorité sur le TNF-Kinoïde.Objectif :réduire l'excès de la cytokine TNFobservé dans la maladie intestinalede Crohn et la polyarthrite rhumatoïde, actuellement traitées par desanticorps anti-TNF générant desrésistances. Le TNF est combinéavec la protéine KLH,extraite d'unmollusque marin, connue pour

sa capacité à stimuler le systèmeimmunitaire humain [fig. t].

Pour en faire un médicament,il fallait vérifier son innocuité, etsa capacité à générer une réponseimmunitaire ciblée. Durant cinqans, le produit est testé sur descellules humaines sensibles auTNF,

injecté à des souris transgéniquessynthétisant du TNF humain, àdes lapins, des chiens, des singes ..

Autant d'opérations coûteuses,requérant des compétences

POUR FABRIQUER SON MÉDICAMENT, le TNF-Kinoïde, la sociétéNéovacs combine une protéine non humaine, la KLH, avec des molécules de notre système immunitaire, les cytokines TNFa, présen

;;; tes en excès chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn.

L'administration du TNF-Kinoïde induit la fabrication d'anticorps contre ces cytokines. Àdroite, sur une photographie du TNF-

Kinoïde prise en microscopie électronique,on voit les protéines KLH

(carrés), avec à l'intérieur les cytokines TNFa, plus sombres.~ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ~

88 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MA l 2011 • N' 43

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spécifiques et des fournisseurs

fiables en TNF et en KLH de qualité. " Il a ensuite fallu développerune chaîne de production garantissant le respect des normes pour

des essais sur l'homme : raçabilitétotale, produits de haute qualité,

composition constante, indique

Olivier Dhellin, directeur du développement pharmaceutique. En

vue de produire quelques grammesde TNF-Kinoide nécessaires à ces

essais, nous avons également dû

développer et adapter du matériel

répondant à ces normes. "

Levée de fonds. Octobre 2008 :

le TNF-Kinoïde est enfin testé sur

21 patients atteints de la maladie

de Crohn. Deux ans plus tard, lesrésultats sont encourageants :bien

toléré,il indui t une réponse immuni aire ciblée et améliore l'état desmalades.Étape suivante :comparerl'efficacité du produit à un placebo.En janvier2011,un nouvel essai a étélancé.Au total, il devrait impliquerquelque 10 0 patients dans 7 pays

européens.Parallèlement , leTNF-

Kinoïde est évalué sur 48 patients

souffrant de polyarthrite rhuma

toïde. " Mise au point d'un proto

cole très rigoureux, contrôle de sa

bonne application, recueil et analyse des données :ces essais néces

sitent des embauches et l'implica

tion de très nombreux partenaires,indique Guy-Charles de La Horie.D'où notre introduction en Bourse,

en avril2010, qui nous a permis de

lever plus de 9 millions d'euros. "Mais , avant sa commercia

lisation, tout médicament doit

avoir passé un essai sur plusieursmilliers de patients. Une opération qui nécessite des moyens dontne dispose pas encore la société.Cette ultime étape, puis l 'éven

tuelle commercialisation pour

raient donc être confiées à une

compagnie pharmaceutique aveclaquelle Néovacs passerait un

accord de licence. La mise sur lemarché est espérée pour 2015.

• Jean-Philippe Braly

Principes actifs dans

les globules rougesUne enzyme de chimiothérapie estconvoyée dans le sang à l'insu

des défenses naturelles de l'organisme.

envoyeurs naturels

des gaz respiratoires,mobiles plusieurs moisdans le circuit sanguin,protégés pa r une mem

brane..

Pourquoi ne pas utiliser lesglobules rouges pour transporter

les médicaments vers leur cibledans le corps humain ? C'est le pari

d'ERYtech Pharma.Au cœur du procédé mis au

point par cette société, un appareil nommé Erycaps. Celui-ci placed'abord dans une solution aqueusepauvre en sels,un mélange de globules rouges et d'une molécule thérapeutique. L'eau pénètre alors dans

les globules rouges: ils gonflent, despores s'ouvrent dans leur mem

brane et la molécule s'y engouffre.Puis,une solution plus riche en selsest ajoutée : les globules rétrécissent et les pores se ferment.

Double avantage. La moléculethérapeutique est ainsi encap

sulée. " Ce procédé automatisépermet d'obtenir un biomédica-ment de qualité et de composition

constantes pour une utilisation chez

l'homme, précise Yann Godfrin,vice-président d'ERYtech Pharma.

LErycaps s'adapte à la fragilité de

la membrane des globules, qui varie

d'un individu à l'autre. "Candidat-médicament phare

d'ERYtech Pharma, le Graspa est

testé notamment su r 8o leucémiques.Issus de donneurs compatibles, les globules rouges renfermentun e enzyme de chimiothérapie .Dans le sang du malade, ils pompent naturellementun acide aminéindispensable au développementde certaines tumeurs, acide aminé

que l'enzyme détruit. L'avantageest double :l'encapsulation protègel'enzyme des défenses naturellesde l'organisme et la toxicité de l'en

zyme est réduite.Doses plus faibles,moins d'effets indésirables .. Les

premiers résulta ts sont positifs.Le Graspa est aussi en test pré

liminaire sur des patients atteintsde cancer du pancréas. ERYTech

Pharma travaille aussi sur l'encapsulation d'un principe actif permettant aux globules de larguer plusd'oxygène dans l'organisme.Enfin,la société expérimente des techniques afin de faire réagir spécifi

quement certaines cellules immunitaires avec la molécule encapsulée.• J.-P.B.

N°43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 89

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BIOMÉDICAMENTS / S a v o i r - ~ a i r e

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JI.

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••

•Dans une us1ne

de biomédicamentsDe la réception des matières premières au conditionnementdes lots, la synthèse de médicaments par des cellules vivantesest strictement encadrée.

LES MÉDICAMENTS D'ORIGINE BIOLOGIQUE ne sont pas des spécialités pharmaceutiques comme les autres.Les caractéristiques du matériel vivant imposent de prendre des précautions lors de la production.ll s'agit d'évitertoute contamination et de s'assurer de l'identité et de la pureté du produit, souvent plus difficile à caractériserque pour une molécule obtenue par synthèse chimique. Des contrôles stricts, garants des caractéristiques du produit,sont donc effectués sur les lots finaux, comme dans toute usine de médicaments, mais aussià chaque étape de la fabrication .

ÉTAPES DE PRODUCTION

ÉTAPES DE CONTRÔLE

O Accès

contrôlésLES MATIÈRES PREMIÈRESlivrées sur le site,en particulier les milieuxde culture qui accueillerontles cellules lors de leurmultiplication, sontsoumises à une phase dite«de contrôle à réception».Il s'agit notammentde vérifier leur stérilitéen déposant un échantillonsur des boîtes de culturefavorisant la croissance desprincipaux contaminants.

8 Stockage des cellulesLES CELLULES destinées à jouer le rôle d'usines à médicaments

sont conservées dans l'azote liquide. Avant d'être mises enculture, elles sont décongelées dans un local séparé des zones deproduction. Cette ségrégation évite tout risque de contaminationdes lignées les unes par les autres.

Mise en cultureDES RÉACTEURS DE TAILLE CROISSANTE accueillentles cellules productrices au fur et à mesure de leurmultiplication. Aussi appelés fermenteurs, ils sontnettoyés très soigneusement et leur conformité auxexigences réglementaires est vérifiée régulièrement.

Pour limiter ces opérations de maintenance,des matériels à usage unique, généralement enplastique, remplacent de plus en plus fréquemmentles équipements traditionnels en verre et en inox.

90 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl Z011 • N' 43

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0 Purificationde la protéineLE SURNAGEANT, produit parles cellules en culture , contientla protéine destinée à devenirun médicament. Pour l'extra ireet éviter la présence de toute autre

substance dans les lots finaux,la purification repose notammentsur des chromatographiessuccessives .

· Productionsous surveillanceLA QUALITÉ, l'efficacité,l'identité, la puretéet la sécurité du produitsont garanties grâce auprélèvement d'échantillonstout au long de la chaînede production. Certains testsélémentaires ont lieu surplace. Les analyses pluspoussées sont effectuéesdans un laboratoire,situé dan s un local dédié.

0 Conditionnementet expéditionLE MÉDICAMENT estconditionné en milieustérile. L'emballagedo it garantir sa stabilitéet son intégrité.

LE CLOISONNEMENT DES SALLEScorrespondant aux différentesétapes de la production minimisele risque de contamination.L'échange de matérield'une salle à une autre eststrictement contrôlé, notammentgrâce à des sas ou à des échangespar

des poches stériles reliantdeux salles, les« transmurs ,,.

MÊME L'AIR NE CIRCULE PAS LIBREMENT

D'UNE SALLE ÀL'AUTRE! Pour limiter le risquede contamination croisée entre les cultures

de cellules qui en sont à des stades différentsde production, chaque salle fonctionnecomme une unité indépendante. Chacunedispose de sa centrale de traitement de l'air.Les installations de production d'eaupurifiée et les zones de stockage sontégalement autonomes. La collecteet le traitement des déchetsse font salle par salle.

• Texte : Muriel de Verlcourt

Infographie: YuvanoéRemerciementsà JoëlleDumas, Genopole;

Sté phanie Co l aud, PX'Therapeutics,

Maj id Mehta li,Vivalis, et Pasca l Reber, Genzyme .

N• 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 91

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BIOMÉDICAMENTS / Acteur.s

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Repérer l'innovation dans un laboratoire, trouver des fondspour tester une nouvelle molécule, la produire dans de bonnesconditions :la conception d'un biomédicament fait intervenir

des professionnels qui associent de multiples compétences,avant tout scientifiques, mais aussi juridiques et financières .

Chasseursd'innovations

MatthieuCollin repèreles inventionsbrevetables

cce "Meetic" de la

recherche médi-

cale." C'est ainsi

que Matthieu.____ Collin définit sa

fonction de directeur adjoint de

la propriété intellectuelle au sein

d'Inserm Transfert, société de

70 personnes chargée de valoriser

les travaux de l'Inst itut national de

la santé et de la recherche médi

cale (Inserm).

Cet ingénieuren génie biologique

de 34 ans, spécialiste du droit de la

propriété industrielle, cherche en

effet à croiser offres et demandesd'innovations médicales. Comme

sur le site Internet de rencontres,

il est régulièrement question de

problèmes de cœur, mais ceux-là

s'appellent alors athérosclérose ou

hypertension artérielle. " Le credo

de l'Inserm est: "Protégez vos résul-

tats." Ma mission est de repérer,

dans les travaux des 10 ooo cher-

cheurs et ingénieurs de l'Institut,

ce qui peut donner lieu à un brevet

dont nous proposerons la licence

d'exploitation à un industriel. Et ce,

dans les deux sens :sur proposition

du chercheur ou sur demande de

l'industriel "• décrit MatthieuCollin.

Le problème, c'est que le chercheur

ne pense pas toujours à valoriser

une découverte sous forme de bre

vet."Dans un cas sur trois, c'estàmoi

de le rattraper à la dernière minute,

à la veille d'un congrès où ilfera partde ses avancées, pour lui demander

s'ily amatièreàbrevet.narrive aussi

qu'un chercheur m'appelle 24 heures

avant lapublication de ses recherches

dans une revue spécialisée. J'ai la

journée pour déposer la demande de

brevet "• raconte MatthieuCollin.Le

jeune homme s'installe alors devant

son ordinateur pour rédiger cette

demande, en anglais, en agrémen

tant parfois son texte de figures et

de séquences ADN .

Avec en moyenne de 8o à100 bre

vets déposés par an, sa «chasse aux

innovations» s'est beaucoup déve

loppée ces dernières années. "n yaencore sept ou huit ans, "industriel"

était un gros motpour les chercheurs.

Aujourd'hui, ilsontcompris. L'objectif

92 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

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est qu'une invention ne dorme pas

su rune étagère", explique-t-il. Pour

cela, Matthieu Collin s'appuie sur

une équipe d'ingénieurs brevets,

qui évaluent le caractère innovant

d'un résultat de recherche au regardde ce qui existe déjà sur le marché,

de «business développeurs», mis

sionnés pour «vendre » les bre

vets aux industriels, et de chargés

d'affaires scientifiques, envoyés

dans les congrès spécialisés pour

«flairer» les bonnes idées.

Avocat de l'innovation.

Matthieu Collin effectue parfois

ce travail, comme lors de ce dépla

cement à Montpellier pour une

rencontre de gynécologues sur le

thème de l'améliorationdes proces

susde fécondation in vitro, d'autant

que "ces innovations donneront sans

doute lieu à création d'entreprise".

ll se rend aussi souvent à l'Office

européen des brevets, notamment

àLaHaye, auxPays-Bas,en tantque

«mandataire européen», une fonc

tionqui s'apparente à celle d'un avo

cat :«Jedois défendre l'Inserm devantun examinateur, montrer en quoi nos

brevets sont innovants ", décrit-il.

De même, il est parfois amené à

défendre l'organisme sur des actes

de contrefaçon. Ce qui le motive

dans ceposte ?"L'impression d'avoir

contribué à l'avancée de la science."Suprême récompense : «Lorsqu'un

chercheur dont j'ai protégé les tra

vaux est publié dans Science ou

Nature et que, en plus, ces travaux

sont exploités par un industriel. Je

ne peux pas rêver mieux », conclut

Matthieu Collin.

• Guillaume Malncent

Bio expreM

1977 Naissance à Châteaubriant

(Loire-Atlantique) .

2001 Ingénieur en génie biologique

de Polytech Clermont-Ferrand .2002 3' cycle en propriété industrielle

à Strasbourg.

2003 Entrée à l'Inserm à Paris.2006 Passage chez Inserm Transfert

comme ingénieur brevets.2009 Directeur adjoint d'Inserm

Transfert.

Emmanuellecoutanceauinvestit dans

des start-upmmanuelle Coutanceau

es t une parieuse. Res

ponsable d'un fonds de

capital-risque à Crédit

Agricole Private Equity,

cette ingénieure agronome de

30 ans, docteur en microbiologie,

repère les jeunes entreprises inne

vantes en biotechnologies au stade

de la recherche clinique, pour y

placer de l'argent. En espérant

qu'elles prennent de la valeur!

Avec ses trois collègues chargés

des nouvelles technologies de l'in

formation et de la communication,

ils reçoivent environ 400 dossiers

par an et en retiennent de 8o à100.

Il arrive aussi que d'elle-même,

ou sur les conseils d'une autre

banque, elle démarche une start

up pour lui proposer un apport de

capital. "C'est une vraie prise derisque :nous misons en moyennede 3 à 4 millions d'euros au premier

tour de table, mais on peut monter

jusqu'à 12 millions. Le placementest censé nous rapporter cinq à dix

fois la mise de départ au bout de

cinq ans, mais un tiers des projets

avortent", explique Emmanuelle

Coutanceau.

Audit complet. Commence

ensuite la phase d'audit :l'équipedirigeante vient se présenter à

elle, puis la jeune ingénieure se

rend dans le laboratoire de l'en

treprise, où qu'il soit en Europe.Le

dossier est aussi passé au peigne

fin avec l'aide d'un expert métier,

choisi pour sa neutralité. Si cette

évaluation es t positive, Crédit

Agricole Private Equity entre au

capital. Exemple : cette société

spécialisée dans le traitementdesmélanomes, soutenue en 2003,

et que l'un de ses collègues vient

de vendre pour 1 milliard d'euros

à un groupe américain. «J'ai fait

mes premiers investissementsen 2009 et 2010, il faudra atten

dre 2015 pour voir ce qu'ils don-

nent ", explique Emmanuelle

Coutanceau. " Le capital-risqueoffre une vue imprenable sur la

recherche et l'innovation. Dans une

mêmejournée, on me parle d'ostéo-

porose et de matériel chirurgical",apprécie la jeune femme.

Autre composante de son tra

vail :suivre les sociétés qu'elle a

en portefeuille, quatre principales

dans son cas. "Il faut aller sur

place pour un conseil d'administration, prendre des nouvelles

au téléphone, négocier un projetde vente, s'accorder sur le prix le

moment venu", décrit-elle. Sans

oublier le reporting à effectuer

pour les souscripteurs des fonds,

dont Crédit Agricole effectue une

levée deux fois par an.

• G.M.

Bio expreM

1980 Naissance à Poitiers (Vienne) .

2003 Diplôme d'ingénieur agronome

d'Agrocampus Ouest à Rennes, stage au

sein de l'unité de génétique moléculaire

bactérienne de l'Institut Pasteur.

2006 Thèse sur la bactérie responsable

de l'ulcère de Buruli, «cousin >>de la lèpre.

2007 Master spécialisé en management

médical à I'ESCP, entrée à Crédit Agricole

Private Equity.

N° 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 93

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BIOMÉDICAMENTS /Acteur&

Sandrine Charroin supervise la fabricationd'un produit pour greffés

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l fu t un temps, durant

sa thèse, où Sandrine

Charroin se passionnait

pour le rouge des figueset le vert des «raquettes "•

le nom qu'on donne aux tiges dufiguier de barbarie et que certainespopulations du Mexique mâchentcomme complément alimentaire.L'univers de cette jeune femme doc-

teur en pharmacie est aujourd'huifait de salles blanches et de combinaisons bleues.À 34 ans, SandrineCharroin est en effet responsable << support production » dans

une usine du groupe américain

Genzyme, à Lyon, consacrée à la

fabrication de thymoglobuline.Il s'agit d'un immunosuppres-

seur, utilisé pour la prévention

des rejets lors des greffes d'organes. ll a notamment été utilisé surIsabelle Dinoire, première grefféedu visage en 2005.

Lamission de Sandrine Charroin :<< Veiller au zéro défaut » sur la

chaîne de product ion de ce sitede 300 personnes, dont une centaine opèrent autour des machines.Mais comme elle le dit elle-même,

94 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43

«nous qui utilisons des molécu-

les issues du vivant savons bienque l'anomalie fait partie de la vie,

nous devons composer avec cetteévidence" ·Aussi commence-t-elletoutes ses journées, à 9 h 15,par un

point avec les équipes sur les éventuels incidents de fabrication de laveille. «Une anomalie donne lieu

à une investigation conduite parmon équipe support de huit per-

sonnes.Par exemple, un mode opé-

ratoire qui n'est pas conforme aux

procédures "• explique SandrineCharroin.Un travail de veille à ne

pas confondre avec la qualité, autreservice de l'entreprise, qui s'intéresse au produit lui-même.

Bonnes pratiques. La jeune

femme a également en chargel'amélioration des processus defabrication. Il lui faut par exemple imaginer de nouvelles façons

de nettoyer les équipements deproduction (flacons, automates),voire commander de nouveaux

équipements. De même, elle définit le mode opératoire que les prestataires de nettoyage des zones

de travail doivent suivre, du sol au

plafond. <<On vise le perfectionne-ment constant "• commente-t-elle.Elle assure également l'activitédocumentaire du service production, en l'occurrence fournir et

mettre à jour toutes instructionsde fabrication pour les opérateursen poste. <<On a fait un gros tra-vail de convivialité :nous conver-

tissons le plus possible l'écrit en

diagrammes "• explique SandrineCharroin. Cette veille s'accompagnede l'organisation, une fois par

mois, d'une réunion interservices (production, qualité, marketing, etc.) où sont passés en revueles incidents du mois et rappeléesles règles applicables, qui tiennenten trois lettres :BPF, pour<< bonnespratiques de fabrication ».

Enfin, la jeune femme est en

contact avec l'extérieur pour deswebconférences réunissant plu

sieurs groupes de travail propres àGenzyme sur l'organisation de laproduction, par exemple à la veillede la mise en production d'un nouveau produit. La langue est alorsl'anglais. Mais l'extérieur, ce peutaussi être l'Agence française desécurité sanitaire des produits de

santé, qui vient inspecter les locaux.<<Je suis leur interlocuteur pour toute

question relative à la production "•

explique Sandrine Charroin, qui,

charlotte sur la tête et gants auxmains, apprécie ce métier «fait de

technique, de terrain et d'action" ·• G.M.

Bio expreM

1977 Naissance à Sainte·Foy·lès·Lyon(Rhône) .2001 Diplôme de l'École polytechniquede Montréal (Canada).2002 Docteur en pharmaciede l'université Claude·Bernard à Lyon .

2003 Entrée chez Genzymecomme responsable assurancequalité fabrication .

2008 À a tête du service supportproduction.

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BIOMÉDICAMENTS /Avenir

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Grâce aux progrès de l'analyse du génome, les médecins adapterontbientôt leurs traitements aux besoins de chacun. Pour AndréChoulika, les bio médicaments auront un rôle majeur à jouer

dans cette nouvelle approche de la médecine. Celle-ci représenteaussi une formidable opportunité de croissance économique .

'' Soigner chacunselon son patrimoine

génétique >>

LA RECHERCHE.Quel est le princi

pal défi. à relever clans les années à

venir pour les biomédicaments?ANDRÉ CHOULIKA. Les bio-

médicaments doivent profi-

te r des progrès technologiques

actuels pour s'adapter à un des

enjeux majeurs de la médecinedu futur: la mise au point de traitements personnalisés. On estimequ'aujourd'hui 70 % des médicament s prescrits dans le monde nesont pas adaptés aux besoins despersonnes qui les consomment.

Mais,à l'avenir, chaque patient sera

car ces informations seront utilestout au long de la vie et permettron t d'avoir accès aux traitementsles plus innovants.De quelle manière les bio

médicaments contribuent-ils à

cette approche personnelle de la

médecine?A.C. Dans certaines pathologies,les patients ont des symptômescommuns, mais des besoins thérapeutiques différents, en fonction de

leur patrimoine génétique.Les biomédicaments permettent de traiter spécifiquement certains sous-

La baissedu coût du

groupes de patientsÀ titre d'exemple, je

,

soigné en fonction de ses caractéristiques génétiques: c'est le

principe de lamé-

decine personnalisée. Selon moi,cette approche vaprochainementsedévelopper, grâceà la baisse annoncée du coût du

sequençage

peux vous citer lecas de l'Erbitux, un

anticancéreux dontle principe actif estun anticorps monoclonal*. Cet anti-

corps se fixe spécifiquement sur desrécepteurs situés àla surface de cellules

du génomepermettraune médecinepersonnalisée

séquençage du génome. n a falluinvestir 3 milliards de dollars surtreize ans pour obtenir, en 2003,la première séquence complèted'un génome humain: dans troisans, on estime qu'il faudra payer1ooo dollars pour connaître sonpatrimoine génétique! C'est peu,

tumorales, ce qui retarde leur croissance. L'Erbitux donne de très bonsrésultats dans le traitement decancers, notamment colorectaux, maisil n'est efficace que chez les personnes porteuses d'une séquencegénétique particulière. C'est pourquoi, avant de le prescrire, on

effectue chez le patient un test

diagnostic, qui permet de s'assurerque le patient possède une versionnon mutée du gène et donc que le

tra itement sera efficace.À l'avenir, faudra-t-il toujours

faire une analyse génétique avant

de prendre un biomédicament?A.C. Il est vrai que l'administration de la plupart des biomédicaments actuellement en

essai clinique est précédée d'un

test diagnostic. Ces « tests compagnons » permettent aux laboratoires pharmaceutiques de sélectionner la population qui répondrale mieux au médicament et ainsid'avoir les meilleurs résultats possible à l'issue de leurs essais. Mais

si, comme je l'imagine, le séquençage du génome se démocratisedans le futur, ces tests n'auront pluslieu d'être. En revanche, je pensequ'il restera un marché pour destests génétiques plus sophistiqués.lls pourraient servir, par exemple,à déceler les modifications de certaines molécules appeléesARNm*.Il arrive que ces molécules, copiesde séquences d'ADN, subissent destransformations après leur formation, ce qui entraîne la productionde protéines déficientes et peut

causer certaines pathologies. Cestce qui se passe, par exemple, dans la

96 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MA l Z011 • N' 43

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schizophrénie :des travaux récents

suggèrent que la tendance au sui-

cide des personnes qui souffrent de

cette maladie est liée à des modifi-

cations subies par certains de leurs

ARNm . Si on disposait d'un test

permettant de détecter ces modi-

fications,on aurait alors un moyen

objectif d'évaluer l'état du patient,afin d'adapter au mieux son traite-

ment.Des recherches seront encore

nécessaires pour comprendre fine-

ment les mécanismes en jeu, mais

il existe déjà des sociétés actives

dans la détection de ces transfor-

mations des ARNm, notamment

pour le diagnostic dans le domaine

des maladies psychiatriques.

Quelles sont les autres tendances

pour la conception des biomédi

caments du futur?

A.C. Le « protein design », ou

fabrication de protéines à façon,

est aussi un domaine d'avenir.

Cette approche consiste à concevoir

en laboratoire des protéines qui

n'existent pas naturellement et qui

ont des fonctions spécifiques.C'est

ce que nous faisons chez Cellectis,

la société que je dirige.Nous élabo-

rons des sortes de « ciseaux molé-

culaires » appelés méganucléases,

en fait des protéines capables decouper l'ADN à un endroit précis du

génome.Notre technologie est uti-

lisée par des sociétés actives dans

divers domaines, de la recherche

médicale aux biotechnologies

végétales.Nous sommes capables

de fournir à nos clients des méga-

nucléases « sur mesure », spéci-

fiques de la zone du génome qu'ils

souhaitent découper.Nous y parve-

nons en combinant des molécules

jusqu'à obtenir la protéine dont ils

ont besoin. De la même manière

qu'on sait aujourd'hui fabriquer

ces méganucléases à la demande,je

pense qu'on pourra demain fabri-

quer toutes sortes de protéines

thérapeutiques spécialisées.

Dans le contexte technologique

que vous décrivez, comment

pensez-vous que le marché desbiomédicaments va évoluer?

A.C. J'estime que les biotechno-

logies au sens large sont actuelle-

ment au même stade de développe-

ment que le secteur de la chimie à

la fin duXIX• siècle.À cette époque,

on s'est aperçu qu'il é tait possible

de combiner toutes sortes d'élé-

ments chimiques pour fabriquer

de nouvelles molécules d'intérêt :

des plastiques, des engrains, des

pesticides, etc. La chimie a alors

connuun âge d'or.TIest aujourd'hui

terminé, car le seuil maximal de

combinaisons chimiques a été

atteint. D'après moi, les conditions

sont désormais réunies pour que

les biotechnologies prennent le

relais de l'innovation, notamment

dans le qomaine médical. Le sec-

teur des biotechnologies est à la

veille d'une vague de croissance

très importante, qui va générerpour certains acteurs des profits

considérables.

Pensez-vous que laFrance auraun

rôle à jouer sur ce marché?

A.C. Actuellement, les grands

acteurs de la génomique sont,pour

la plupart, américains.1epense par

exemple à la société Illumina,spé-

cialisée dans le séquençage géné-

tique à haut débit, qu i est bien

placée pour emporter une bonne

part du gâteau. Mais cela ne veutpas dire que nous n'aurons pas un

grand champion français de la bio-

technologie: les jeux ne sont pas

encore faits! Nous avons certes une

petite industrie, de 200 à 300 socié-

tés, mais tous les secteurs des bio-

technologies y sont représentés.

Il faut choisir des secteurs clés,

dans lesquels nous pourrions avoir

une carte à jouer au niveau inter-

national, et fournir aux sociétés qui

disposent d'une technologie inté-

ressante l'investissement néces-

saire à leur développement.

• Propos recueillis par PascalineMinet

AndréChoullkaest directeurgénéralde la sociétéCellectiset présidentde France

Biotech,

l'associationfrançaisedes sociétésde biotechno -logies .

*Un antl·corps mono·clonai estune substancethéra-

peutiquefabriquée

dans descellules demammifèrespourreconnaîtreun motifmoléculaireparticulieret s'y ixer.

*LesARNmsont des

moléculesqui serventd'inter-médiaires

entreles gènes,

constituésd'ADN, etla synthèsedes protéines .

N' 43 • MA l 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 97

Page 97: La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie

7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie

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Livre&

Biol

Éric Levacher (dir.),IMT Éditions, 2010,463 p., 130 €.

L'Institut des métiers etdes technologies, centrede formation pharmaceutique etbiotechnologique, a réunidans cette somme les travauxd'auteurs internationaux,universitaires et professionnelsde l'industrie, sur la production

et les champs d'application desbiotechnologies. Le propos clairet organisé ainsi que lesnombreux schémas définissentce que sont les biomédicamentset en expliquent le cycle, de leurconception à leur productionen passant par la réglementation.Complet, l'ouvrage s'adresseaux étudiants et professionnelsqui cherchent à parfaireleurs connaissances sur le sujet.

Les Biotechnologiesen débatSuzanne de Cheveigné,

Daniel Boy etJean-Christophe Ga lioux,Balland, 2002, 254 p., 22 €.

Comment la société perçoit-ellele développement des biotechno·logies? Retraçant l'histoiredu génie génétique et de saréglementation, les auteursproposent une réflexionsociologique, politique etjuridique sur les processus quiconduisent une société à adopterou à rejeter une technique.Ils soulignent l'importancede l'information et du débat

Surie Web

ADEBIOTECHLa base de données du ministère de la Recherchesur les acteurs de la biotechnologieen France est miseà jour sur le site de cette association qui se veut un réseaud'organismes aussi bien privés que publics. Elle publieégalement son agenda et ses communiqués.

www.adebiotech.org

FRANCE BIOTECHL'association des entreprises françaises de biotechnologiespropose des articles d'actualité, des offres d'emploi,

un agenda, des dossiers thématiques et des informationsutiles pour les entrepreneurs.

www.france-biotech.org

GENOPOLE D'ÉVRYPremier« bio parc» français, le Genopole d'Évry regroupesur le même site des laboratoires de recherche, des centresuniversitaires et des entreprises. Il présente les servicesqu'il est susceptible de rendre et propose des articlesscientifiques thématiques.

www.genopole.fr

CELLECTIS

Pionnière mondiale de l'ingénierie des génomes, cette sociétéprésente ses produits utilisés en santé et en agriculture.

www.cellectis.com

NÉOVACSCette société de biotechnologies française est spécialiséedans le traitement de maladies auto-immunes,inflammatoires et cancéreuses. Elle met en ligneson agenda et ses publications scientifiques.

www.neovacs.fr

ERVTECHUne animation explique la méthode d'encapsulationbrevetée par cette entreprise qui développe de nouveaux

La Biotechnologie :de la science au médicamentJean-Paul Clozel,Fayard, 2007, 50 p., 10 €.

Comment sont nées les bio·technologies? Quelle placeont-elles dans l'économieactuelle? Comment peut-ondécouvrir de tels médicaments?Jean-Paul Clozel aoccupéla chaire d'innovationtechnologique du Collègede France en 2006 et 2007.Sa leçon inaugurale, accessibleau néophyte, proposeun panorama historique etéconomique de ces sciencesde demain. L'accent est missur l'innovation scientifiqueet la commercialisationdes biomédicaments.

De la transgenèse animale à

la biothérapie chez l'hommeMoshe Yaniv, éditionsTee &Doc, 2003, 268 p., 44 €.

L'Académie des sciences a réuni

un groupe d'experts nationauxdont les travaux d'expérimentation animale s'orientent versle développement de nouvellesthérapies. Après quelqueschapitres expliquant les manipulations qui permettentde modifier génétiquementdes organismes vivants,le rapport expose les applicationsmédicales potentiellesde ces biotechnologies d'origineanimale. Sans oublier d'évoquerles réglementations et considérations éthiques qui encadrent