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La reprise d’une PME par ses cadres dirigeants Mémoire présenté en vu d’obtenir le diplôme MASTER CCA Olivier BOUR Master 2 CCA promotion 2015-2017 Tuteur universitaire : M. Patrice CHARLIER Tuteur de stage : M. Thomas FISCHER

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La reprise d’une PME par

ses cadres dirigeants

Mémoire présenté en vu d’obtenir le diplôme MASTER CCA

Olivier BOUR

Master 2 CCA promotion 2015-2017

Tuteur universitaire : M. Patrice CHARLIER

Tuteur de stage : M. Thomas FISCHER

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier Philippe STEINER, président du cabinet SFA, ainsi que l’ensemble des

associés d’avoir permis ce stage en m’accueillant au sein de leur établissement.

Je remercie également Thomas FISCHER, mon maître de stage pour m’avoir intégré à son

équipe et pour le temps qu’il a consacré à ma formation.

Pour sa disponibilité et ses conseils, je remercie mon responsable de stage, Monsieur Patrice

CHARLIER, Maître de conférences à l’Université de Strasbourg & responsable du master CCA.

Enfin, je tiens à remercier chaleureusement les membres de l’équipe d’ACQ’CESS CONSEILS

qui m’ont aiguillé durant ces quelques mois de stage et aidé dans la recherche de mon sujet

de mémoire.

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LE CABINET ACQ’CESS CONSEILS

Le cabinet ACQ’CESS CONSEILS situé à STRASBOURG a été créé en 2006. Initialement

spécialisé dans l’accompagnement des chefs d’entreprises régionaux dans leurs opérations

de cession et acquisition, la société c’est peu à peu ouverte à l’accompagnement et le

redressement des PME-ETI en difficultés.

L’équipe est à ce jour constituée d’un directeur général, diplômé d’Expertise-Comptable et

de 4 chargés d’affaires, dont deux sont diplômés du DEC.

Intervenant principalement sur le Grand Est, les membres du cabinet font bénéficier aux

chefs d’entreprises leur expertise notamment dans les domaines suivants :

- L’accompagnement à l’acquisition et à la cession (recherche de cibles, valorisation de

la société, aide durant les négociations)

- Le conseil aux entreprises en difficultés

- La réalisation de due diligence

- L’accompagnement à la levée de fonds

Par ailleurs, les chefs d’entreprises bénéficient d’un réel accompagnement afin de leur

permettre d’obtenir un regard extérieur sur leur entreprise, leurs projets et être confortés

dans leurs choix tout en jouissant de conseils d’experts rompus aux problématiques

financières de l’entreprise.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ..................................................................................................................................1

I. ANALYSE DES MOTIVATIONS À L’ORIGINE DE LA TRANSMISSION AUX CADRES DIRIGEANTS ........5

A. RAISONS DE LA VENTE AUX CADRES DIRIGEANTS ....................................................................6

1. Les motivations financières du cédant .................................................................................7

2. Le facteur humain................................................................................................................7

3. Sauvegarder l’identité de l’entreprise ..................................................................................8

4. S’assurer d’une reprise efficace ......................................................................................... 10

5. Pallier la succession d’un héritier ....................................................................................... 12

B. FINALITÉS RECHERCHÉES PAR LE MANAGEMENT ................................................................... 13

1. Les motivations pécuniaires ............................................................................................... 13

2. Les motivations intrinsèques ............................................................................................. 15

3. Profiter du phénomène de la sélection contraire ............................................................... 16

II. ÉTUDE DES DEMARCHES PRÉALABLES À L’OPERATION DE MBO................................................. 18

A. DEMARCHES EFFECTUÉES PAR LES CADRES ACQUEREURS ..................................................... 19

1. La nécessité de « faire le point » ....................................................................................... 19

2. Se préserver des conflits entre les futurs associés .............................................................. 20

3. Prévenir le vendeur ........................................................................................................... 21

4. Réorganiser les organes d’administration de la société ...................................................... 22

5. Cartographier les risques et erreurs jalonnant la reprise .................................................... 23

B. DÉMARCHES PRÉALABLES DU CÉDANT .................................................................................. 27

1. Obligations légales et administratives ................................................................................ 27

2. Préparer une reprise efficace ............................................................................................. 28

C. RECOURIR À UN CONSEILLER EN FUSION-ACQUISITION ......................................................... 29

1. Aspects psychologiques de la transmission d’entreprise .................................................... 29

2. Résoudre la problématique de la sélection adverse ........................................................... 30

CONCLUSION .................................................................................................................................... 32

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................. 35

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INTRODUCTION

“En toute entreprise, il n'y a rien de plus funeste que de mauvais associés.”1

1 Eschyle, Les Sept contre Thèbes p.86.

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Cette citation d’une tragédie grecque représentée en 467 avant Jésus-Christ fait

encore écho dans notre société contemporaine, où les entreprises ne peuvent prospérer

sereinement qu’avec des associés soudés partageant des valeurs et une histoire commune.

Cette problématique du choix des associés accompagne toute la vie de l’entrepreneur et se

renforce encore davantage lorsqu’il s’agit pour le chef d’entreprise de « passer le

flambeau ». En effet, lors de la transmission de son entreprise, l’actionnaire principal

disposera de trois possibilités : céder son entreprise à ses enfants afin garder une main mise

indirecte sur celle-ci et s’assurer d’une reprise conforme à ses valeurs personnelles ; trouver

un acquéreur externe souvent inconnu avant le processus de cession, ou enfin revendre la

société à ses salariés, solution que l’on pourrait qualifier d’ « intermédiaire ».

Afin de connaitre la situation Française en terme de transmission d’entreprise,

intéressons nous à ce que nous disent les chiffres du baromètre CNCFA – EPSILON mis à jour

en mars 2016 concernant le marché des petites et moyennes entreprises (PME – entre 20 et

249 salariés).

D’après les données du baromètre, en France, on remarque que le taux de

transmission intrafamiliale est inférieur à 22%, alors que les cessions extérieures au cercle

familial représentaient 78% des cessions d’entreprises. Ce taux de transmission

intrafamiliale étant deux fois plus faible que dans les principaux pays de la zone euro, on se

rend aisément compte que la transmission intrafamiliale est loin d’être le mode de

transmission privilégié par les dirigeants de PME Français.

De plus, Il est intéressant de noter que la part relative de la France dans le « Capital

Transmission » (ou Leveraged Buy-Out) européen représentait 40,5% de la zone euro.

Nicolas Boschin définit le LBO comme étant « une technique permettant à une ou plusieurs

personnes, de prendre, par l’intermédiaire de une ou plusieurs holdings, le contrôle d’une

société ayant une activité industrielle ou commerciale (la cible), en finançant la plus grande

partie de cette acquisition par un emprunt »2. Cette part de 40,5%, largement majoritaire

dans le LBO small cap en Europe, laisse à penser que le LBO joue un rôle décisif dans la

transmission des PME françaises.

2 BOSCHIN Nicolas (2006), Le guide pratique du LBO, Editions d’Organisation, Paris, 2006, 276 p.

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En outre, en 2016, on constate que 15,2% des cessions-transmissions de PME

effectuées en France sont, dans les faits, des transmissions internes à des salariés. Ce taux

de 15.2% n’est pas sans importance, il révèle une dynamique à laquelle les pouvoirs publics

s’intéressent de très près. En effet, la reprise d’entreprise par les salariés peut jouer un rôle

déterminant dans le paysage économique français. Cette transmission en interne de la

société permet bien souvent d’éviter la délocalisation des activités industrielles, donc un

ancrage de l’activité sur le territoire et, de facto, préserve des emplois français. De surcroît,

la Banque Publique d’Investissement (BPI) nous apprend que le taux de défaillance des

entreprises reprises par les salariés est bien inférieur à celui des reprises externes, ce qui

accroît encore davantage l’attraction pour ce mode de transmission. On comprend donc

bien la raison pour laquelle est née la loi ESS « Economie Sociale et Solidaire » de Juillet

2014 dite « Loi Hamon » rendant obligatoire l’information de tous les salariés lors d’un

projet de cession d’entreprise. Cette mesure légale a pour objectif d’inciter les salariés à

reprendre l’entreprise qui les embauchait afin de préserver certains emplois tout en

donnant au chef d’entreprise l’opportunité de trouver d’éventuels repreneurs qu’il n’avait

pas envisagés. On peut dès lors se demander à juste titre si cette loi est réellement

appliquée et si les chefs d’entreprise ne la considèrent pas uniquement comme une

« contrainte administrative ». Factuellement, le rapport CNCFA – EPSILON nous informe que

91% des dirigeants souhaitant céder leur entreprise avaient déjà ou avaient prévu

d’informer leurs salariés en 20163.

Nous avons donc la conjonction de faits économiques et légaux. Les premiers

démontrent la part faible des transmissions intrafamiliales et la prépondérance du LBO dans

le mode de financement des reprises de PME en France ; le second encourage la reprise

d’une PME par ses salariés. Nous sommes ainsi amenés à nous pencher sur une variante

toute particulière du LBO : le Management Buy – Out (MBO).

Le MBO est une opération de rachat d’entreprise par l’équipe de management en

place, via l’aide d’investisseurs extérieurs. Il s’agit de l’un des deux principaux modes de

transmission d’entreprise aux salariés, le second étant une transformation de l’entité en

Société Coopérative Ouvrière de Production (SCOP). Le premier mode de transmission, par

MBO, est particulièrement adapté aux PME ne trouvant pas de repreneur externe ou

3 Baromètre 2016 de la transmission des PME – CNCFA – EPSILON- page 9.

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familial, mais nécessite un management distinct du propriétaire de l’entreprise,

contrairement à une transformation en SCOP.

Ainsi, on comprend bien que le MBO est un mode de transmission amené à se

développer. L’importance des investisseurs extérieurs (banques et fonds de private equity)

dans le financement des reprises en France4 (taux de LBO de 40,5%) et le souci de préserver

les emplois existants, en évitant les restructurations liées aux rachats de PME par de grands

groupes, sont les principaux atouts de cette transmission, dans un contexte où le taux de

chômage atteignait 9,7% de la population active au quatrième semestre de 20165.

On peut d’ores et déjà se demander quels sont les tenants et aboutissants de la

transmission d’une entreprise à ses cadres dirigeants ?

Je me limiterai, dans mon mémoire de fin d’études, à étudier les aspects socio-

émotionnels et organisationnels dans le processus de transmission d'une PME à ses cadres

dirigeants. Pour ce faire, deux parties distinctes seront développées.

Je m’attacherai à vous présenter, dans la première partie, les motivations à l’origine

du projet de transmission aux cadres dirigeants. J’y décrirai les aspects motivationnels, à la

fois du point de vue du cédant et de celui du manager repreneur, ces motivations étant

pécuniaires ou humaines.

Dans une seconde partie, je m’intéresserai tout d’abord aux démarches préalables à

la transmission par MBO, avec pour objectif de permettre une reprise efficace. Par la suite,

je décrirai l’intérêt que les parties concernées peuvent avoir à faire appel à un cabinet de

conseil en fusion-acquisition.

Compte tenu de la largeur du sujet de la reprise d’une entreprise par ses cadres, mon

mémoire se limitera aux questions précitées et n’abordera pas les points concernant le

financement du MBO ainsi que les différentes formalités juridiques qui accompagnent

habituellement le processus de transmission, telles que la lettre d’intention, le protocole

d’accord ou encore la garantie d’actif et de passif.

4 Le taux de financement des reprises par LBO Small Cap selon les données d’Invest Europ 5 Chiffres de l’INSEE – Taux de chômage au sens du Bureau International du Travail – France métropolitaine

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I. ANALYSE DES MOTIVATIONS À

L’ORIGINE DE LA TRANSMISSION AUX

CADRES DIRIGEANTS

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La transmission d’une entreprise à ses salariés, dans le cas présent à une équipe de

direction déjà en place au moment de la cession, nécessite une importante préparation.

Afin de bien comprendre les tenants et aboutissants d’une telle opération, nous

étudierons dans cette première partie les différentes motivations à l’origine du projet de

cession aux dirigeants, que ce soit celles du chef d’entreprise ou celles des différents

repreneurs qui composent l’équipe de management.

Il est intéressant pour commencer cette étude de nous intéresser, d’une part, aux

« déclencheurs » qui amènent le chef d’entreprise à vendre à ses cadres dirigeants, et

d’autre part aux motivations du personnel managérial à vouloir devenir associé de

l’entreprise qui les employait jusqu’à présent.

A. RAISONS DE LA VENTE AUX CADRES DIRIGEANTS

Avant de céder sa société, le chef d’entreprise doit se poser une multitude de

questions concernant son projet professionnel ou personnel après la vente (seul 20% des

dirigeants, dans une étude de 2012 sur près de 300 transactions, avaient un âge proche du

départ à la retraite6). Il faut également que le vendeur s’assure que ses associés et sa propre

famille acceptent sa décision. En effet, il sera extrêmement compliqué de trouver un ou des

repreneurs qui acceptent de ne pas être propriétaires de l’affaire à 100%.

Outre les questions d’ordre patrimonial et fiscal, se pose la question épineuse du

choix du repreneur. Choisir un repreneur n’est pas une tâche aisée, le chef d’entreprise doit

en effet pouvoir imaginer le potentiel acquéreur manageant son entreprise, ce qui implique

de disposer de plusieurs compétences, à la fois humaines et techniques.

En cédant son entreprise à son équipe dirigeante, que le chef d’entreprise a souvent

lui-même constituée, celui-ci va s’éviter de rechercher un repreneur externe qui dans la

plupart des cas mobilise beaucoup de temps et d’énergie au cédant.

6 LECOINTRE Gilles & ANDRE Cyril (2013), Transmettre reprendre et céder une entreprise, Gualino, Mayenne,

2013, 304 p.

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1. Les motivations financières du cédant

Comme indiqué ci-dessus, en choisissant de vendre l’entreprise à ses cadres

dirigeants, le chef d’entreprise n’aura plus à effectuer la recherche des repreneurs potentiels

de son affaire.

Dans la plupart des cas, le cédant n’effectue pas lui-même le ciblage des éventuelles

entreprises ou repreneurs personnes physiques intéressées par l’activité : cette mission est

en effet déléguée à un cabinet spécialisé dans la cession et acquisition d’entreprise. En effet,

la recherche de cibles potentielles peut être extrêmement chronophage et sans grand

intérêt pour le cédant qui pourrait très aisément s’y perdre. Le vendeur n’ayant plus qu’à

indiquer le profil du repreneur idéal selon lui (âge, apport minimum, ancien secteur

d’activité, personne physique ou morale etc.), le cabinet se chargera, lui, de sélectionner

différents repreneurs correspondant aux critères précités.

Ainsi, dans le cas d’une reprise par MBO, la phase concernant la recherche de

repreneur étant évitée, le cédant va économiser d’importants frais de « ciblage »

correspondant aux honoraires reversés au cabinet de fusion-acquisition pour cette tâche en

particulier.

Bien évidemment, la motivation financière n’est pas l’unique raison à l’origine d’une

transmission à ses cadres, d’autant plus que la reprise par les cadres entraîne dans la plupart

des cas une décote sur le prix de cession, les salariés estimant qu’ils n’ont pas à payer la

totalité de la valeur de l’entreprise étant donné qu’ils ont eux-mêmes concourus à la

création de celle-ci durant l’exercice de leur fonction les années précédentes.

2. Le facteur humain

Dans un article du quotidien Ouest-France daté de Janvier 2017, Eric BELILE, patron

d’une entreprise de bureautique dans la région Nantaise, s’exprime sur les motivations à

l’origine de la vente de son entreprise à cinq de ses salariés cadres. Selon lui, ce sont les

valeurs humaines de l’entreprise qui l’ont amenées à effectuer une reprise par MBO : «On a

bâti le projet ensemble, ce n’est pas une démarche altruiste, c’est un juste retour des

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choses»7. Il semblerait que ce dirigeant ait refusé des offres de la part de fonds de pensions

deux à trois fois supérieures à celle des cadres dirigeants. En considérant cette offre

importante, là où le bât blessait, c’était que le dirigeant savait pertinemment qu’en vendant

son entreprise à un fonds de pension, des restructurations entrainant des licenciements

seraient inévitables.

Au cas présent, on peut affirmer que le dirigeant de cette société adopte un

management que les auteurs Robert Blake & Jane Mouton, dans leur grille managériale

datée de 1964, qualifieraient de management paternaliste. On peut noter qu’il règne

souvent une ambiance familiale où la relation hiérarchique est transcendée par un

leadership basé sur les valeurs de l’entreprise, dans les entreprises où est appliqué ce type

de management. La logique voudrait ainsi que ce type d’entreprise soit plus enclin à

effectuer des transmissions de flambeau à l’intérieur même de l’entreprise.

Par ailleurs, la lutte pour la préservation d’un dynamisme économique régional est

également une des raisons poussant les entrepreneurs à une reprise interne. En refusant de

vendre à un fonds étranger, les chefs d’entreprises savent que les emplois seront préservés

et ne seront pas délocalisés dans un pays où le coût de la main d’œuvre est moins cher, dès

lors qu’ils auront choisi avec précaution les cadres qui reprendront l’affaire.

3. Sauvegarder l’identité de l’entreprise

La reprise par des salariés de l’entreprise permettra également d’éviter une mise en

péril de l’identité de l’entreprise, qui pourrait péricliter lors d’un passage de flambeau mal

préparé à un repreneur externe.

L’identité de l’entreprise est constituée de son histoire, de ses valeurs, de son image et

de sa façon d’interagir avec ses parties prenantes, qui constituent des facteurs de

différenciation vis-à-vis de ses concurrents. C’est également ce que l’on pourrait appeler la

« culture » de l’entreprise. Ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que c’est précisément

7 MALIGORNE Clémentine (2017), « Un patron préfère céder son entreprise à ses salariés que la vendre », Le

figaro.fr, rubrique économie, Publié le 06/01/2017 ;

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l’identité de l’entreprise qui pousse les collaborateurs à adhérer au projet entrepreneurial et

à se dépasser pour atteindre les objectifs fixés.

Les travaux de Michèle Ruffat dans les années 90 sur la culture d’entreprise identifient

bien le frein au changement que peut constituer cet aspect psychologique de l’entreprise8.

Selon lui, avant tout changement important dans l’entreprise, il est nécessaire d’évaluer la

« prégnance et la perméabilité » de la culture. La personnalité du dirigeant est de fait un des

principaux marqueurs de la culture d’entreprise, son mode de gouvernance et de

communication influent sur l’efficacité et l’engagement des salariés et sur la cohésion de

l’ensemble des parties prenantes (clients, fournisseurs, syndicats, administration fiscale

etc.). Ainsi, si la vente est attribuée à un repreneur externe, le risque est tout simplement ce

que l’on pourrait décrire, en faisant une analogie entre l’entreprise et le corps humain,

comme « un problème de greffe » où le nouveau dirigeant de l’entreprise ne serait pas

accepté dans l’entreprise et ne pourrait pas mettre en place la stratégie qu’il a élaborée.

Pour pallier ce problème de « rejet » du repreneur externe, un accompagnement du

repreneur par le cédant est souvent prévu dans le protocole d’accord, pour une durée qui

peut varier selon les cas mais qui s’étend souvent sur un horizon de 6 mois.

En cédant l’entreprise à des cadres salariés, le chef d’entreprise sera ainsi assuré que les

repreneurs seront imprégnés de la culture et pourront faire perdurer l’identité de la société.

Bien souvent, un rapport de confiance sera d’ores et déjà établi entre les cadres dirigeants

de l’entreprise et les salariés qu’ils managent. Il n’y aura donc pas de « phase de transition »

à proprement parler, les cadres connaissant déjà parfaitement le fonctionnement de

l’entreprise ainsi que les besoins des salariés en terme de management. Ils connaitront

également la manière de négocier avec les fournisseurs dans le domaine où ils étaient

affectés, comme la division marketing ou commerciale par exemple.

Bien que la reprise par les cadres permette en quelque sorte de « rassurer » les parties

prenantes, car pour certains d’entres eux (les salariés, les fournisseurs) il s’agissait

d’interlocuteurs réguliers, il faudra néanmoins que le chef d’entreprise procède à une

présentation des repreneurs (II.B.2.).

8 RUFFAT Michèle & BELTRAN Alain (1991), Culture d’entreprise et histoire, Les éditions d’organisation, Paris, 1991, 158p.

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4. S’assurer d’une reprise efficace

Le taux de défaillance lors de la reprise d’une société est bien souvent inversement

proportionnel à la connaissance de l’activité effectuée par la société et de ses parties

prenantes. D’après une étude de Wright, Wilson et al.9, sur un échantillon testé de 114

opérations de LBO, les entreprises utilisant un montage juridique de l’ordre du MBO ont une

performance économique plus élevée et un taux de défaillance remarquablement plus

faible.

Une des explications à cette performance plus importante apportée par Andrade et

Kaplan en 1998,10 est la baisse des coûts d’agence. En effet, les coûts d’agence sont

constitués, d’après la théorie de Jensen et Meckling, par les dépenses faites pour contrôler

« l’agent », qui agit en tant que mandataire du « principal », qui lui-même a donné à l’agent

le mandat pour gérer l’entreprise. Lors d’une reprise par MBO, la relation d’agence entre les

deux acteurs n’existera plus, puisque, de facto, le principal et l’agent seront réunis en une

même entité que constituent les cadres repreneurs. A titre d’exemple, les coûts de

fonctionnement d’un conseil de surveillance ayant pour rôle de contrôler la bonne gestion

du directoire et rendant des comptes des comptes aux actionnaires de l’entreprise n’auront

plus lieu d’être, étant donné que les dirigeants seront également actionnaires : il n’y aura

plus de divergence d’intérêts à corriger mais bien une convergence d’intérêts.

La deuxième explication à cette performance supérieure des MBO par rapport aux

LBO « classiques » est simplement la connaissance approfondie de l’entreprise reprise. Les

dirigeants en devenant actionnaires, pourront mettre en œuvre certaines décisions qu’ils ne

pouvaient pas prendre jusqu’alors. Par exemple, les dirigeants pourront décider, lors de la

première assemblée générale, de mettre en réserve certaines sommes plutôt que de les

distribuer en dividendes, afin de réinvestir cet argent dans des domaines qu’ils considèrent

comme porteurs. De plus, il existe souvent une relation de confiance entre les dirigeants et

les salariés, clients et les fournisseurs, qui va permettre à l’entreprise de continuer à

fonctionner normalement. En effet, dans le cas d’un repreneur externe, la relation avec les

9 WRIGHT Mike & WILSON Nick (1996), An analysis of management buy-out failure, Managerial and Decision Economics, Vol. 17, Janvier 1996, p. 50-70 10 ANDRADE Gregor & KAPLAN Steven (1998), How costly is financial (not economic) distress?, The Journal of Finance, Vol. 53, 1998, p. 1443–1493

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parties prenantes étant à créer, il y a toujours un risque pour que la situation lors de la prise

de contrôle se détériore petit à petit à cause d’un manque de compréhension des besoins

des clients, une mauvaise manière de manager les salariés ou encore simplement une

mauvaise compréhension des modes de fonctionnement implicites de l’entreprise.

On peut par ailleurs se demander, assez cyniquement, si le vendeur a réellement un

intérêt à ce que son successeur réussisse à reprendre l’entreprise, ou s’il ne se sentira

simplement plus concerné. On remarque, dans certains cas, que les vendeurs souhaitent

céder leur société uniquement parce qu’ils y sont contraints par des raisons financières,

familiales ou personnelles (problèmes de santé ou autres). On parlera alors de « vendeurs

étranglés » d’après la typologie de Gilles Lecointre. Ces cédants constituaient 22% de la

totalité des cédants en 201311, un chiffre significatif qui pourrait laisser penser que ces

derniers ne cherchent qu’à se défaire de la société qu’ils ont eux-mêmes créée (dans 18%

des cas), acquise (19%) ou qu’ils ont reçue en héritage (40% - on parlera alors du

phénomène de l’héritage empoisonné), sans réellement s’inquiéter du sort futur de cette

société.

La clause d’earn-out vient ici jouer le rôle de garde-fou contre les cessions « hâtives » où

le vendeur pourrait vendre son entreprise sans réellement prêter attention à la qualité du

repreneur, ou sans mettre en œuvre tout ce qu’il est en capacité de faire pour que la

transition ne pèse pas sur l’activité de la société. Cette particularité contractuelle constitue

une véritable garantie supplémentaire pour les acquéreurs, qui vient s’ajouter à la garantie

d’actif et de passif, habituelle dans ce type d’opération. En effet, la clause d’earn-out est un

complément de prix prévu dans le protocole d’accord au moment de la cession. Ce

complément sera calculé en fonction des performances opérationnelles futures de la société

cédée, et peut être un % de l’EBE ou du Chiffre d’affaires par exemple. L’acquéreur sera ainsi

assuré qu’en cas de performance médiocre de l’entreprise, son coût d’achat sera réduit

proportionnellement à ce qui a été prévu dans le contrat. De l’autre côté, le cédant à donc

un intérêt pécuniaire à ce que la reprise de l’entreprise soit efficace, ce qui encourage

l’application de bonnes pratiques de transmission (II.B.2.).

11 LECOINTRE Gilles & ANDRE Cyril (2013), Transmettre reprendre et céder une entreprise, Gualino, Mayenne, 2013, P66-67.

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5. Pallier la succession d’un héritier

La cession d’une entreprise en interne est parfois encouragée par le fait que le cédant

ne trouve pas, au sein de sa famille, de successeur voulant reprendre son entreprise. Ce

point d’attention n’est en aucun cas anecdotique, selon une étude de l’institut Montaigne

sur la transmission des PME, en 2013, 83% des entreprises françaises étaient des entreprises

familiales et parmi elles seules 14% étaient reprises par la génération suivante12.

Il existe plusieurs possibilités d’explications de ce taux de transmission intrafamiliale

extrêmement faible en comparaison de nos voisins européens (il atteignait en 2013 51% en

Allemagne et 70% en Italie). Outre la question fiscale des droits de mutations très élevés en

France, certains auteurs voyaient dans la réticence des héritiers la manifestation du

désintérêt d’une génération pour la reprise des sociétés de leurs ainés13, ou encore un désir

de protéger la sphère familiale d’une succession tumultueuse (Sharma et al).

Par ailleurs, Wendy C. Handler a identifié dans ses travaux les facteurs psychologiques

personnels et collectifs pouvant venir entraver la reprise de l’entreprise par les héritiers. Le

premier facteur essentiel pour que la reprise intrafamiliale soit un succès est l’intérêt

personnel que les héritiers portent à l’activité de leur parents, intérêt qui peut entrer en

dissonance avec la notion que Handler appelle “psychosocial need fulfillment”14, que l’on

pourrait traduire par un besoin de réalisation personnelle, notion par ailleurs connexe au

besoin d’accomplissement d’Abraham Maslow. Le deuxième facteur pouvant freiner la

transmission intrafamiliale est appelé “life stage”, les étapes de la vie. Si le potentiel héritier

n’a pas atteint un degré de maturité et de préparation suffisant, la reprise de l’entreprise

familiale ne sera pas possible (cela peut être le cas si l’héritier désigné n’à qu’à peine 18 ans

lorsque son père souhaite prendre sa retraite). Il est également nécessaire que l’héritier

possède une “relational influence” c’est-à-dire un certain degré de charisme et de volonté,

ainsi qu’une bonne entente avec ses frères et sœurs et les autres membres de la famille en

règle générale. Enfin, selon Handler, il est absolument nécessaire que le potentiel héritier

12« ORNANO Philippe (2013), « Vive le long terme ! Les entreprises familiales au service de la croissance et de l’emploi », Institut Montaigne, Paris, Rapport Septembre 2013, 128p. ; 13 BAH Thierno (2009), « La transition cédant-repreneur -Une approche par la théorie du deuil », Revue Française de Gestion, N°194, Lavoisier, p123-148 14 HANDLER Wendy C. (1992), « The Succession Experience of the Next Generation », Family Business Review, vol. 5, Issue 3, 1992, p.8 ;

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soit en accord avec les valeurs de l’entreprise familiale, qu’il ait le désir de les perpétuer. Ce

dernier point n’est pas évident, car l’héritier peut avoir envie de se défaire de certaines

pratiques, comme la fidélité auprès de fournisseurs historiques, le respect d’un mode de

management particulier etc.

Après avoir analysé les raisons amenant un chef d’entreprise à céder son affaire à ses

cadres dirigeants, il est intéressant de comprendre ce qui, de l’autre côté, motive le(s)

manager(s) à reprendre l’entreprise qui les employait jusqu’alors.

B. FINALITÉS RECHERCHÉES PAR LE MANAGEMENT

Nous étudierons dans cette partie successivement les motifs pécuniaires puis les aspects

intrinsèques de la motivation, à l’origine de la décision prise par le manager.

1. Les motivations pécuniaires

Un des motifs importants amenant les salariés à devenir propriétaires de leur

entreprise, est la possibilité pour eux d’augmenter substantiellement leurs revenus. En

devenant propriétaires de leur outil de travail, les cadres pourront obtenir de manière plus

directe le fruit de leur labeur, via la distribution des dividendes lors de l’assemblée générale

annuelle (si la société dispose d’un bénéfice distribuable). Le changement de statut social,

induit par la transmission en MBO, va donc permettre au management de ne plus avoir pour

seul revenu qu’un salaire plafonné par les conventions collectives et les décisions du

dirigeant d’entreprise. Reste ensuite à savoir gérer cette nouvelle situation, le risque étant

pour les nouveaux propriétaires de ne pas adapter leur niveau de vie personnelle à des

revenus qui, certes peuvent être plus importants que des revenus salariés, mais qui ont aussi

pour particularité une variabilité qui, mal anticipée, peut perturber la stabilité économique

du foyer du nouveau propriétaire.

Par ailleurs, l’achat des titres de la société dans le cas d’un montage MBO, effectué via

une Holding de reprise, va avoir pour principal avantage de permettre aux salariés de

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devenir propriétaire de l’entreprise, même avec un apport financier très faible. Il s’agit ici

précisément de Leverage Management Buy Out (LMBO). Le rachat de la société sera permis

majoritairement par un emprunt bancaire, qui viendra compléter les apports initiaux du

management, afin d’obtenir la somme négociée entre les deux parties prenantes de

l’opération. Dans le cadre d’un rachat à valeur élevée, ou d’une entreprise innovante avec

peu de garanties de réussite, l’emprunt bancaire devra être complété par des fonds

provenant d’investisseurs institutionnels de « private equity » (ou fonds de capital

investissement) spécialisées dans le développement de portefeuilles d’entreprises, pour des

durées comprises entre 5 et 7 ans. Contrairement aux banques, qui ne seront qu’un

créancier pour les cadres repreneurs, les fonds de private equity deviendront des associés à

part entière et auront un rôle véritablement actif dans la reprise de la société : ils mettront à

la disposition du management leurs savoir-faire juridiques, financiers et stratégiques pour

les accompagner sur l’ensemble de la période. Il sera nécessaire pour les cadres, lors du

montage de la reprise, d’arbitrer entre, d’une part l’emprunt bancaire qui laissera les

repreneurs libres des décisions stratégiques prises, mais qui grèveront les cash-flows de

l’entreprise par la ponction d’un taux d’intérêt et, d’autre part, l’introduction au capital d’un

fonds étranger qui viendra diluer le pouvoir de décision des repreneurs. Néanmoins, ce

montage juridique de reprise via une holding permettra aux repreneurs de bénéficier de ce

que l’on appelle l’effet de levier juridique. Concrètement, financer par exemple le rachat des

titres par de la dette bancaire à 80% et par de l’intervention d’un fonds de capital

investissement à hauteur de 40% des fonds propres, nécessiterait pour les repreneurs un

apport en fonds propres d’à peine 12% du coût d’acquisition de la cible, pour contrôler en

totalité la société.

De plus, comme indiqué au point I.A.4, le taux de défaillance des entreprises reprises en

MBO est bien plus faible que celui des reprises en LBO classique, et la performance

économique dégagée est souvent supérieure. Ce phénomène économique a un double

impact positif pour les cadres repreneurs : d’une part ils obtiendront plus facilement les

financements nécessaires pour conclure l’opération (nb : l’obtention du financement est

systématiquement une des conditions suspensives du protocole d’accord) et d’autre part le

taux d’intérêt prélevé sera d’autant plus faible que le risque sur la société sera amoindri (le

retour sur investissement étant plus rapide sur ce type d’opération).

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Intéressons nous désormais à ce qui, au-delà de l’aspect financier, peut mouvoir le

management à reprendre l’entreprise qui les employait jusqu’à présent.

2. Les motivations intrinsèques

Contrairement au motif pécuniaire, que l’on pourrait qualifier de motivation

extrinsèque, le management d’une entreprise peut être intrinsèquement mû par la reprise,

dans le sens où les salariés seront motivés par l’intérêt et le plaisir que leur procurera cette

« passation de pouvoir », sans prendre en compte le bénéfice financier qu’il pourrait retirer

de l’opération.

Les valeurs personnelles des cadres repreneurs ont une importante influence dans la

décision de reprise de la société. Le désir d’accomplissement personnel, d’élévation sur

l’échelle sociale et la volonté d’être responsable d’un projet collectif (O.MIEIR15) sont des

aspects psychologiques importants de la décision de reprise. Contrairement au cas d’une

transmission à une personne externe, les salariés repreneurs n’auront pas à mettre de côté

leur volonté stratégique pour se concentrer sur la construction du lien social avec les

salariés16, mais, ce lien étant déjà présent, ils pourront directement mettre en œuvre les

changements stratégiques prévus, comme par exemple le développement de l’entreprise sur

de nouveaux marchés, l’extension de certaines activités etc.

En outre, La notion psychologique de « locus de contrôle » développée par Julian Rotter

en 195417 peut également nous aider à comprendre le type de personnalité des salariés

potentiellement intéressés par la reprise d’une société. Ce psychologue Américain a mis en

avant un aspect important de la personnalité que l’on appelle « locus de contrôle ». Selon

Rotter, les individus de manière générale possèdent une dominante de locus interne ou

externe. Ceux disposant d’un locus dit externe auront tendance à penser que les

événements qu’ils subissent sont liés à des causes externes qu’ils ne maitrisent pas alors que

15 MEIER Olivier (2017), « Les motivations des repreneurs dans le cadre de transmission d’entreprise », Revue

de Management et de Stratégie, Media Group, Vol.1, 2017, p.3 16 PIOTET Françoise & SAINSAULIEU Renaut (1994), Méthodes pour une sociologie de l’entreprise, Presses de Sciences Po, 1994, 377p. 17 ROTTER Julian B. (1954), Social Learning and Clinical Psychology, Johnson Reprint Corporation, 1954, 466 p.

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les locus dits internes, eux, établissent un véritable lien de causalité entre leurs actions et les

événements qu’ils subissent. Il assez logique de penser que les salariés les plus disposés à

reprendre l’entreprise seront ceux ayant un profil psychologique s’apparentant au locus

interne, dans le sens où ces salariés souhaitent construire et décider de leur trajectoire

professionnelle eux-mêmes.

D’autre part, on peut noter que les repreneurs internes que constituent les salariés sont

également mus par un sens des responsabilités et un fort besoin d’utilité sociale et de

reconnaissance. En effet, la reprise par les salariés cadres peut parfois être faite dans des

situations financières très compliquées où les salariés auront à cœur de maintenir les

activités de l’entreprise telles qui les ont connues ainsi que de sauvegarder l’emploi et d’en

assurer la pérennité. La motivation qu’ils ont connues, dans ce cas précis est à la fois

intrinsèque, de par le besoin de se sentir responsable de ses actes, et extrinsèque, par le

besoin d’être reconnu comme une personne de valeur et utile à la société.

3. Profiter du phénomène de la sélection contraire

Les potentiels cadres acquéreurs peuvent en outre trouver une autre motivation dans ce

que la théorie économique appelle le phénomène de « sélection adverse ». D’après George

Akerlof dans son ouvrage référent publié en 197018, lors de toute transaction sur un marché,

le vendeur bénéficie à son avantage d’une asymétrie d’information. Dans le cas de la vente

d’une entreprise aux cadres dirigeants, la situation est inversée. En effet, l’acheteur ayant

« dirigé » au quotidien une partie voire la totalité de l’entreprise, celui-ci disposera

d’informations privilégiées dont l’actionnaire principal lui-même ne disposera pas. Prenons

l'exemple d'une entreprise industrielle. Le cadre repreneur pourrait apprendre, pendant les

négociations pour la reprise, qu'un de ses clients a vu son besoin en approvisionnement

augmenter considérablement. Il pourrait être tenté de conclure avec ledit client un marché,

selon lequel le client obtiendrait une réduction substantielle sur sa commande s'il attendait

le closing de l'opération de reprise avant d'officialiser cette augmentation de commande. En

gardant cette dernière information secrète, le cadre repreneur aura falsifié le carnet de

18 AKERLOF George A. (1970), The Market for “Lemons” : Quality Uncertainty and the Market Mechanism, The quarterly Journal of Economics, Vol. 84, Issue 3, p. 488-500 ;

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commande sur lequel est établi le chiffre d'affaires prévisionnel et donc aura baissé

artificiellement la valeur de la société qu'il veut reprendre. Cet exemple illustre bien le

conflit d'intérêt qui peut exister, dans ce type d'opération, puisque le cadre repreneur n'a

pas intérêt à diffuser l'information d'une augmentation de commande au chef d'entreprise,

car cette information augmenterait la valorisation de l'entreprise et serait donc un poids

supplémentaire dans la négociation du prix de la société.

Recourir à un conseil en cession-acquisition permettra en partie de résoudre le

problème de cette asymétrie d’information et les méfiances qu’elle peut engendrer auprès

des deux parties pouvant amener à la rupture des négociations et à un échec de la

transmission (II.C.2.). Néanmoins, il est important d’avoir à l’esprit que les effets

d’opportunisme sur une telle opération peuvent être une source importante de motivation

chez des repreneurs, sachant qu’ils ne pourront utiliser ces informations privilégiées que

dans l’entreprise dans laquelle ils travaillent et non dans le cas d’une reprise externe.

La première partie de cette étude nous ayant permis de mieux appréhender les diverses

motivations des repreneurs salariés ou du cédant, qu’elles soient financières, émotionnelles

ou purement stratégiques, il nous est désormais crucial de nous interroger sur les préalables

à effectuer par les deux parties de l’opération afin que celle-ci se déroule sans accroc.

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II. ÉTUDE DES DEMARCHES

PRÉALABLES À L’OPERATION DE

MBO

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Nous pouvons énumérer plusieurs démarches à effectuer avant de se lancer dans une

opération de MBO, démarches qui pourront être soit purement intellectuelles (savoir se

poser les bonnes questions & bien appréhender les différents risques de l’opération), soit se

transformer en actions concrètes.

A. DEMARCHES EFFECTUÉES PAR LES CADRES ACQUEREURS

1. La nécessité de « faire le point »

Effectuer un « bilan personnel » s’avère indispensable avant de procéder à une

opération de reprise de société par la voie du MBO. Le repreneur salarié doit prendre

progressivement conscience du travail supplémentaire et des potentielles difficultés que

cette reprise va engendrer.

Prenons l’exemple d’un groupe industriel, dans le cas où l’un des potentiels

repreneurs est le gérant d’un des centres d’activités du groupe. En devenant actionnaire du

groupe, ce gérant ne verra pas son quotidien bouleversé : il continuera de s’occuper de ses

équipes et de la gestion financière et opérationnelle « quotidienne », comme par exemple

les relations avec les banques ou les fournisseurs. Cependant, en accédant à cette position

sociale plus élevée, le gérant sera responsable des décisions stratégiques du groupe, y

compris les plus difficiles, pouvant générer des conflits psychologiques interpersonnels eux-

mêmes source d’un stress parfois intense. En cas de difficultés financières du groupe, le

gérant pourra, en tant qu’actionnaire, être amené à prendre la décision de restructurer ledit

groupe, amenant de facto le licenciement de certains salariés, qui peuvent être des relations

de longue date du gérant. Ce cas est une illustration de ce qu’Anne Loubes définit comme un

conflit de rôles à savoir la « perception de la présence de deux ou plusieurs ensembles de

pressions et/ou d’attentes relatives au travail, tel que l’adaptation de l’une entrave celle des

autres »19. Par ailleurs, le potentiel acquéreur ne doit pas éluder des questions personnelles

sur son rapport à l’argent, au risque, au pouvoir et sur sa capacité à résister au changement

19 LOUBES Anne (1997), Contribution à l’étude des tensions de rôle des agents de maîtrise en milieu industriel – Une étude empirique, Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Université de Montpellier II, soutenue le 7 janvier 1997, 132p.

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qui sera induit par la reprise20. Sachant que le processus de transmission, la période de

transition et d’adaptation peuvent être longs, il est nécessaire pour le cadre repreneur de se

questionner sur sa capacité et celle de ses proches à subir le stress induit par la

transmission.

2. Se préserver des conflits entre les futurs associés

Les conflits entre futurs associés sont une problématique à prendre très au sérieux,

ceux-ci pouvant amener à une réelle paralysie de l’entreprise et pouvant aller jusqu’à une

cessation complète des activités.

La première étape consiste à bien choisir les cadres avec lesquels l’on souhaite

s’associer. Il sera nécessaire d’approfondir de multiples sujets entre futurs associés,

essentiellement sur la conception que l’on se fait de la société, sur sa finalité vis-à-vis des

consommateurs et de l’ensemble des parties prenantes, sur ses évolutions stratégiques

possibles ainsi que sur la vision de l’entreprise que l’on souhaite avoir, à l’horizon d’une

décennie.

Il est possible, en prévention des conflits, de simplement séparer le groupe de société

à reprendre en deux ou plusieurs groupe distincts, de façon à éviter toute discorde entre des

associés qui avaient déjà eu des altercations dans le passé, en tant que collègues. De plus, il

pourra être fait mention, dans la lettre d’intention adressée par les cadres aux cédants, de la

volonté de conclure un pacte d’actionnaires dans lequel l’associé minoritaire, en cas de

mésentente au cours des premières années (nombre à définir), aura la possibilité de se faire

racheter les parts du groupe selon la formule de valorisation définie par ledit pacte. Ce droit

permettra à l’associé minoritaire de ne pas rester « prisonnier » de ses parts en cas de

mésentente et de ne pas paralyser la société par la situation conflictuelle.

20- LECOINTRE Gilles & ANDRE Cyril (2013), Transmettre reprendre et céder une entreprise, Gualino, Mayenne, 2013, P48-49

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3. Prévenir le vendeur

Dans le cas où les cadres acquéreurs seraient à l’initiative de la reprise en MBO, c’est-

à-dire dans le cas où ce serait eux les premiers à faire part au cédant de leur volonté de

reprendre l’entreprise qu’ils savent sur le point d’être cédée, il ne faut en aucun cas tarder à

prévenir le vendeur de leur volonté d’acquisition des parts.

La reprise par les cadres dirigeants pose une problématique supplémentaire pour les

repreneurs vis-à-vis d’un repreneur externe. Cette situation peut en effet mettre en porte-à-

faux les cadres dirigeants aussi longtemps qu’ils garderont secrète leur volonté d’acquisition

des parts, voire dans une situation que l’on pourrait qualifier de « conflit d’intérêt »21. Selon

le Code de Commerce « : « Les administrateurs et le directeur général sont responsables

individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des

infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés

anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion »22. Il

résulte de cet article de loi que le dirigeant est tenu d’une obligation de non concurrence et

d’une obligation d’information et de transparence vis-à-vis des actionnaires de la société. En

vertu de ce texte de loi et de l’article L 225-37 alinéa 5 du Code de Commerce stipulant que

« les administrateurs sont tenus à la discrétion à l’égard des informations présentant un

caractère confidentiel » il conviendra de conseiller aux cadres repreneurs de ne pas

divulguer en amont certaines informations jugées sensibles sans un accord préalable des

actionnaires. Lorsque les cadres contacteront des cabinets de conseil spécialisé, pour

valoriser la société et pour les guider dans la démarche de reprise, les cadres pourront être

amenés à fournir des informations chiffrées n’étant pas obligatoirement rendue publique

par force de loi, comme par exemple un carnet de commande ou encore des informations

sur la masse salariale.

Outre le fait de risquer de commettre ce qui pourrait être qualifié « d’erreur de

gestion », les cadres repreneurs auront un intérêt stratégique à prévenir au plus tôt le

cédant de leurs intentions d’achat. En faisant part dans un délai convenable de leur volonté

21 JACCARD Michel & EMERY Jean Baptiste (2011), « Le management dans un processus de MBO », L'expert comptable suisse, 2011, p.457-459 22 Art. L. 225-251 C. com

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d’acquisition, les cadres se verront intégrés dès le début du processus de MBO, si le cédant

est intéressé par cette possibilité, transformant ainsi une démarche individuelle en véritable

projet collectif, qui permettra une réelle transmission de l’information voire un favoritisme

vis-à-vis de potentiels repreneurs extérieurs.

4. Réorganiser les organes d’administration de la société

Dès lors que processus de MBO sera enclenché, c’est-à-dire au moment où

l’opération de rachat par les salariés cadres se concrétisera par le début des pourparlers, il

sera nécessaire de revoir l’organisation des organes d’administration de la société. A titre

d’exemple, dans le cas d’une SA moniste avec un conseil d’administration (CA), cet organe

étant en charge des décisions stratégiques et, de facto, du choix du repreneur, si les cadres

dirigeants siégeaient déjà au CA lors de l’enclenchement du processus de cession, il est

nécessaire de prévoir des règles de fonctionnement spécifiques durant la durée de

l’opération, afin d’éviter tout conflit d’intérêt.

Michel Jaccard & Jean Baptiste Emery, dans un article de l’Expert-Comptable Suisse

daté de 2011, nous expliquent que cette réorganisation des organes d’administration pourra

prendre la forme de règles de comportements, inscrites dans la lettre d’intention conclue

entre les parties. En effet, ce document facultatif permettra d’encadrer les négociations de

la transaction sans engager formellement les parties. L’une des conditions suspensives de

ladite lettre d’intention sera, par exemple, une interdiction pour les cadres administrateurs

de participer aux décisions du CA concernant la transmission, aussi longtemps que

l’opération ne sera pas définitivement conclue. Les conditions de reporting informationnel

vers le CA pourront également être réajustées : on pourra les prévoir plus fréquemment,

afin de s’assurer d’une transmission des informations envers les actionnaires la plus

complète et encadrée possible.

Cette réorganisation des organes d’administration concernera majoritairement les

sociétés où les organes de décision, où siègent généralement les cadres dirigeants, ne sont

pas séparés des organes de surveillance. Dans le cadre d’une SA dualiste composée d’un

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directoire et d’un conseil de surveillance, ces « règles de comportements » n’auront donc

pas lieu d’être définies.

5. Cartographier les risques et erreurs jalonnant la reprise

Avant de se lancer dans la reprise de leur société, les cadres repreneurs doivent

prendre connaissance des éventuels pièges et erreurs, qu’ils soient d’ordre managérial ou

financier, à ne pas commettre lors de la transmission du flambeau.

a) Ne pas désigner de leader

Un des écueils à éviter est la non désignation de leader, à travers une prise de

participation identique par chacun des cadres repreneurs. Ce mode de reprise, où chacun

des futurs associés disposera des mêmes droits sociaux et donc des mêmes pouvoirs de

décision, a le mérite d’être démocratique mais n’est pas pour autant le plus efficient. En

effet, le problème de ces entreprises dites « collaboratives » est par définition leur manque

de hiérarchie qui induit une frontière poreuse entre la responsabilité de chacun des

collaborateurs, là où Max Weber voyait dans le système hiérarchique la vertu d’une

définition connue des rôles des acteurs de l’organisation, accompagnée d’une clarté et

d’une lisibilité des organisations.

Il est de ce fait préférable, lors de la répartition des parts, de désigner un leader «

naturel » qui saura prendre les décisions stratégiques en temps voulu et fédérer les salariés

autour d’un projet commun. Le choix de ce leader pourra se faire d’un commun accord entre

les cadres, en prenant en compte l’influence que le cadre aura déjà exercée durant l’exercice

de ses fonctions vis-à-vis des salariés. La « nomination » d’un dirigeant unique permettra

ainsi d’assoir plus simplement une politique envisagée, en évitant notamment une dualité

des ordres qui serait contre-productive.

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Par ailleurs, Marie-Hélène Masse conclue en 2013, dans thèse de recherche23, que

« les pratiques de leadership sont liées fortement et significativement à l’engagement des

membres envers les objectifs d’équipe, jouant un rôle médiateur complet dans la relation

entre les pratiques de leadership et la performance d’équipe ». Les résultats de cette thèse

de recherche nous informent ainsi que le leader désigné devra non seulement être légitime

auprès des salariés mais également auprès de la totalité des cadres repreneurs, l’équipe

dirigeante ne pouvant pas fonctionner efficacement dans le cas contraire.

b) Sous-estimer les difficultés induites par la reprise

La deuxième erreur que les cadres repreneurs peuvent commettre concerne la

prévision des dividendes futurs. Il ne faut pas que les repreneurs prévoient de sortir des

dividendes trop importants dans les premières années de la reprise. C’est notamment le

risque s’ils font appel à des fonds de capital investissement, qui les encourageront à les

rémunérer abondamment dès les premières années. Les reprises sont en effet fréquemment

accompagnées d’investissements élevés pour mettre en œuvre les modifications que les

repreneurs souhaitent instaurer dans la société, notamment dans la recherche et

développement, le marketing ou encore la production s’ils souhaitent lancer de nouveaux

produits, ou simplement agrandir le business initial. Cette prise de conscience par les cadres

et par leur entourage est nécessaire pour ne pas se bercer d’illusion, le niveau de vie des

repreneurs n’étant pas obligatoirement supérieur à celui de leurs anciens statuts de cadres

durant les premières années de reprise.

D’autre part, il faut souligner que les négociations entre les deux parties pour la

transmission seront certainement semées d’embuches. La complexité de la négociation lors

d’une cession d’entreprise n’est évidemment pas spécifique au cas du MBO, mais l’on peut

cependant relever trois points particulièrement complexes liés à cette modalité de rachat.

La première difficulté viendra des cadres, qui n’accepteront que difficilement le montant de

la valeur définie par les modèles classiques d’évaluation, comme ceux basés sur la rentabilité

23 MASSE Marie-Hélène (2013), Les effets des pratiques de leadership sur la performance de l’équipe : rôle médiateur de l’engagement des membres envers les objectifs d’équipe, Thèses et mémoires électroniques de l’Université de Montréal , 2013, 121p. ;

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ou la méthode des multiples. Ces méthodes vont en effet se baser sur des résultats passés,

qui, d’une certaine manière, ont été permis par la force de travail des cadres eux-mêmes,

qui ont de cette façon concouru directement à la création de valeur de la société. Cela

implique, pour les cadres, une décote appliquée sur la valeur résultant de l’évaluation par

l’une dédites méthodes, ceux-ci se refusant à rémunérer une valeur à laquelle ils ont eux-

mêmes concouru, ce qui pourra créer un point de discorde avec le cédant.

Le deuxième point d’attention concerne la relation de confiance entre les cadres

repreneurs et l’actuel chef d’entreprise. En effet, la relation entre l’actionnaire principal et

les cadres dirigeants, impliquant une asymétrie d’information, peut créer un conflit d’intérêt

dans une situation du MBO. L’actionnaire principal pourra s’inquiéter que les salariés

repreneurs ne soient pas entièrement coopératifs dans le processus de cession et ne

transmettent pas volontairement des informations sensibles afin de ne pas augmenter le

prix de vente de la société. L’actionnaire principal pourra également se préoccuper d’une

éventuelle baisse volontaire de productivité, une sorte de « débrayage » dans le seul but de

ne plus augmenter la valeur potentielle de la société. Par exemple, les cadres dirigeants

peuvent simplement ne plus relancer de clients potentiels ou arrêter toute prospection à

partir du moment où le processus de cession est lancé, afin de dégrader volontairement le

carnet de commande prévisionnel. Ces éléments peuvent, mêmes s’ils ne sont pas fondés,

créer un doute chez le cédant qui aura naturellement tendance à vouloir vendre son

entreprise à un prix supérieur à la valeur indiquée par le modèle de valorisation utilisé.

La dernière particularité de la négociation du prix dans le cadre d’un MBO concerne

le « chantage au départ » des cadres salariés. Très sommairement, les repreneurs peuvent

simplement faire savoir à l’actionnaire principal que s’ils décident de partir et de laisser

l’entreprise en l’état, l’entreprise cessera immédiatement de fonctionner et sera assez

rapidement, selon les réserves de l’entreprise, en cessation de paiement ce qui impactera

irrémédiablement la valorisation de la société. Ce moyen de pression peut paraitre assez

rude mais il peut s’avérer efficace lorsque les discussions entre les deux parties s’étirent en

longueur.

Enfin, les cadres ne doivent pas sous estimer les dépenses liées à la reprise, lors de la

construction du plan de financement de la reprise. Ce document permet de s’assurer que les

cadres disposent des capitaux nécessaires (apports personnels, crédit bancaire, investisseurs

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extérieurs, prêt d’honneur) pour financer la reprise de l’activité (variation du BFR et

nouveaux investissements). Dans les charges à financer lors de l’opération de transmission, il

ne faut pas oublier de prendre en compte les frais juridiques de clôture, qui peuvent être de

nature et de montant différents. Il est difficile d’effectuer une statistique du montant des

honoraires généralement prélevés par les différents conseils de l’entreprise, on peut

néanmoins estimer les honoraires du notaire entre 1.5% et 3% du prix de transaction et

entre 2,5% et 6% pour les avocats24. Sans compter les honoraires de l’expert-comptable qui

accompagnera les repreneurs sur la totalité de l’opération, les frais juridiques peuvent

atteindre jusqu’à 9% du montant de l’opération, il est donc absolument nécessaire de les

intégrer au plan de financement de reprise, sans quoi l’on risque d’empêcher le closing de

l’opération et de rendre difficile la signature du protocole d’accord. De plus, Juliette

Ronfard-Haret, Responsable du pôle transmission au sein du réseau « entreprendre PACA »

dans « Transmettre, reprendre et céder une entreprise » (5e édition, Gualino) nous rappelle

l’importance de ne pas sous financer une reprise. Selon elle, il est même nécessaire de

prévoir un matelas de sécurité financière en cas d’aléas financiers post reprise, comme par

exemple le départ de clients après un changement de politique de fidélisation, pouvant

générer des risques importants et un stress supplémentaire.

Après avoir étudié les différentes démarches que les salariés repreneurs doivent

effectuer, il est intéressant de savoir ce qui, de l’autre côté, doit être prévu par le cédant,

autant d’un point de vue juridique qu’organisationnel.

24 VAUTIER Jacques « Cession et reprise : combien coûtent les honoraires ? » L’express, notaire à Joué-lès-Tours, publié le 09/11/2007 ;

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B. DÉMARCHES PRÉALABLES DU CÉDANT

1. Obligations légales et administratives

La cession de l’entreprise à certains salariés-cadres dirigeants ne fait pas sortir le

cédant de son obligation d’information de l’ensemble des salariés de l’entreprise, prévue par

l’article L. 23-10-1 du Code de Commerce selon lequel le cédant doit informer l’ensemble de

ses salariés de sa volonté de procéder à la vente de la majorité de ses parts sociales ou de

son fonds de commerce, et de leur possibilité de présenter une offre de rachat, et cela au

moins 2 mois avant la cession de la société. Il est important de comprendre que cette

obligation est d’avantage un formalisme qu’une réelle contrainte pour le cédant. En effet,

bien qu’il s’expose à de réelles poursuites en responsabilité civile s’il n’exécute pas cette

obligation, « La loi n’impose la transmission d’aucune autre information et d’aucun

document relatif au fonctionnement, à la comptabilité ou à la stratégie de l’entreprise »25 et

surtout le vendeur est libre de rentrer ou non en négociation avec les salariés présentant

une offre, il est libre de ne pas répondre à une offre formulée et son refus d’accepter une

offre n’a pas à être motivé.

Par ailleurs, il est possible que des activités cédées soient soumises à certaines

autorisations administratives. C’est par exemple le cas d’activités exercées dans la cadre

d’une délégation de service public (DSP), qui nécessiteront un accord préalable de l’autorité

publique délégante, en amont de la cession sur la personne même du repreneur, au risque

qu’une fois le cession effectuée la société se voit exclue de la DSP et son activité donc vidée

de sa substance, le contrat de délégation n’étant pas automatiquement transmis lors de la

cession d’entreprise. Il est donc important, en préparation de la transmission, d’organiser

une rencontre entre les salariés cadres dirigeants de la société délégataire et la personne

habilitée à représentée l’autorité publique délégante, afin de permettre la reconduction de

la DSP sans accroc. Sachant que seul l’actionnaire principal changera et non les dirigeants de

la société, la reconduction de la DSP ne devrait en principe pas soulever de problème.

25 Guide pratique gouvernemental suite à la loi n°2015-990 du 6 Août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, p.6.

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2. Préparer une reprise efficace

Les obligations administratives et légales ne sont pas les seules motivations

engendrant des démarches préalables de la part du cédant. Afin de permettre une reprise

efficace par les repreneurs cadres, il est nécessaire que le cédant communique un message

clair aux parties prenantes du projet de cession. Outre les salariés et le cercle familial du

cédant, celui-ci aura tout intérêt à prévenir ses fournisseurs et sous-traitants stratégiques de

longue date, voire d’organiser une rencontre entre les cadres repreneurs et lesdits

fournisseurs, afin de contractualiser certaines pratiques avantageuses, qui jusqu’alors

étaient du l’ordre de l’usage commercial, ce qui permettra de rassurer les salariés

repreneurs vis-à-vis de la pérennité de la relation commerciale26.

Il en est de même pour les clients identifiés comme stratégiques pour l’entreprise. Il

est préférable d’organiser une rencontre préalable entre les clients stratégiques et les cadres

repreneurs, qui peuvent pour certains ne les avoirs jamais rencontrés, dans le cas du

directeur ou du directeur financier. Cette rencontre permettra aussi de clarifier la position

du cédant vis-à-vis de son ancienne clientèle, expliquer la raison de la cession, qu’il s’agisse

d’un départ en retraite ou de la création d’un nouveau business. Dès lors qu’un nouveau

business sera créé, il faudra prévoir avec les repreneurs d’insérer dans le protocole d’accord

une clause dite de « non-concurrence » dans laquelle le cédant s’engagera à ne pas

détourner la clientèle du fonds de commerce qu’il a précédemment vendu.

26 VIELA Delphine (2013), « Dirigeants : communiquez lors de la cession de votre entreprise », Chambre des Métiers et de l’Artisanat Pyrénées, p17.

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C. RECOURIR À UN CONSEILLER EN FUSION-ACQUISITION

1. Aspects psychologiques de la transmission d’entreprise

La transmission de l’entreprise par le chef d’entreprise sera l’un des moments les plus

compliqués de sa vie professionnelle. Cette transmission peut être perçue par le chef

d’entreprise comme une perte de son statut social, de son activité, de sa position

hiérarchique et de sa principale source de revenue. Il est de ce fait absolument crucial que

celui-ci se fasse accompagner durant l’ensemble du processus de cession.

L’accompagnement par un cabinet de conseil permettra tout d’abord au chef

d’entreprise de se retrouver moins seul face à la décision qu’il souhaite prendre. Bien

souvent, le chef d’entreprise est absorbé par son quotidien, lui laissant peu de temps pour

s’occuper réellement de la transmission de son entreprise. Disposer d’un conseil lui

permettra de profiter d’une oreille attentive face aux diverses questions qu’il pourra se

poser. Le chef d’entreprise ne disposant pas de conseil pour l’accompagner se trouvera

d’autant plus en difficulté que le sujet de la cession de l’entreprise est difficile à aborder en

interne. En effet, l’évocation de la cession de l’entreprise peut être réellement déstabilisante

pour les salariés, ayant peur de se retrouver sans emploi, mais également pour les clients ou

encore les fournisseurs qui appréhenderont de voir les relations économiques qui les

unissent se rompre après la cession de l’entreprise à l’un des membres de l’équipe

dirigeante.

Le conseiller donnera donc la possibilité au chef d’entreprise d’étudier avec lui les

différentes hypothèses de la transmission à la fois sur le plan patrimonial, juridique et fiscal.

Par ailleurs, l’un des principaux freins à la transmission est bien souvent la gestion de

« l’après cession ». Le conseiller devra pousser le chef d’entreprise à se questionner sur ce

qu’il fera après cette cession, à concevoir un projet professionnel ou personnel autre, afin

que ce dernier ne prenne pas peur du « vide » que la cession peut engendrer. Si cette

question de du projet personnel après la vente n’est pas résolue lors des négociations,

d’après Gilles Lecointre, « Il n’est pas inhabituel dans un tel cas de figure de voir le vendeur

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se rétracter sous des prétextes irrationnels, qui traduisent en fait sa peur du changement, son

angoisse d’un autre avenir ».

2. Résoudre la problématique de la sélection adverse

Comme nous l’avons vu au point I.B.3. les cadres repreneurs peuvent être motivés

par ce que Akerlof nomme « la sélection adverse » qui profite au cas présent aux acheteurs,

étant donné qu’ils sont cadres de la société transmise. Cependant, cette asymétrie

d’information peut aussi empêcher toute négociation entre les deux parties, même si les

cadres sont de « bonne foi » et transmettent la totalité des informations en leur

connaissance.

L’asymétrie d’information pouvant créer un malaise quant à la négociation du prix, il

est fortement conseillé que chaque partie fasse appel à un expert en fusion-acquisition, qui

sera souvent un expert-comptable, qui donnera une évaluation neutre de la valeur de la

société et de permettra des échanges constructifs entre les parties, basés sur des éléments

chiffrés et tangibles. Les deux parties et notamment le cédant seront rassurés sur la valeur

de la société grâce à ce regard extérieur et indépendant. L’expert-comptable valorisera

l’entreprise en se basant sur une ou plusieurs méthodes qu’il jugera adaptée. Il pourra s’agir

soit de méthodes basées sur la rentabilité de l’entreprise, à savoir sa capacité à générer des

bénéfices à l’avenir, soit plus exceptionnellement d’une méthode patrimoniale évaluant

l’ensemble des biens possédés par l’entreprise. Pour effectuer son évaluation, l’expert-

comptable s’appuiera sur différents éléments tels que les informations sur la clientèle et le

chiffre d’affaires (évolution, répartition par activités, cyclicité), les informations sur les

achats et les fournisseurs (existence de contrat d’exclusivité, de licence), le détail des stocks

et leur valorisation, la nature de l’actif immobilisé et son mode de détention (liste des

crédits-baux, valeur vénale des immobilisations), la liste des emprunts, la répartition du

capital et l’ensemble des comptes annuels et autres éléments budgétaires. Par ailleurs, il

faut noter que la valeur de la société résultera également de sa situation concurrentielle soit

l’état de l’offre et de la demande sur ce secteur car, plus la demande sera forte, plus la

valeur de la société sera importante. La bonne structuration du management de la société,

le climat social ou encore la nature même de l’activité seront également des éléments à

analyser qui pourront avoir une influence considérable sur la valeur de la société.

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L’incertitude liée à la situation d’asymétrie d’information selon la théorie de la

sélection adverse pourra en outre être diminuée grâce à la réalisation de ce que l’on appelle

un « audit d’acquisition ». Ce terme générique regroupe en réalité différents types d’audits

pouvant être effectués : audit stratégique, financier, organisationnel, juridique, fiscal, social

ou encore environnemental. Ces audits d’acquisition permettront au cédant et aux

acquéreurs, mais surtout au cédant (car les acquéreurs dans l’optique d’un MBO travaillent

au quotidien dans l’entreprise), d’obtenir une « certification » sur la validité des

informations financières servant de base aux méthodes d’évaluation de l’expert-comptable.

Les « due diligence » rassureront également le cédant quant à la valeur de cession de sa

société en s’assurant qu’il ne cède pas son entreprise en dessous de sa valeur réelle, en

vérifiant, d’un point de vue financier, si la totalité des produits ont été enregistrés, si des

stocks et immobilisations n’ont pas été abusivement mis à rebus pour baisser la valeur

patrimoniale ou encore si le carnet de commande reflète bien la réalité des transactions

envisagées dans le futur par le management.

Enfin, on peut également relever que le recours à un conseil permettra, pour les

cadres repreneurs, de crédibiliser la démarche de reprise, et d’être soutenus sur les

principaux points de négociation et sur l’écriture d’une garantie d’actif et de passif adaptée,

nécessaire pour protéger les intérêts de repreneurs.

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CONCLUSION

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Cette étude sur les origines motivationnelles d’une opération de Management Buy -

Out nous a appris que les motivations pécuniaires n’étaient de loin pas les seuls motifs

entrant en ligne de compte. L’aspect humain et la recherche de certaines valeurs propres à

l’entreprise cédée comme l’esprit d’équipe, la loyauté, l’excellence ou encore l’intégrité sont

autant de qualités qui peuvent être recherchées chez le repreneur par le cédant. En

effectuant un MBO, le chef d’entreprise aura vu à l’œuvre dans le travail au quotidien son ou

ses successeurs et aura pu se faire une idée précise des qualités de la personne. J’ai par

ailleurs utilisé différentes théories de psychologie sociale et de la personnalité, afin

d’appréhender au mieux, l’origine de la motivation des repreneurs ou encore les difficultés

qui peuvent apparaitre lors d’un MBO. D’un point de vue organisationnel, cette étude a mis

en avant l’importance d’anticiper les différentes étapes nécessaires à la mise en place d’une

transmission à un cadre. Ces étapes peuvent être intellectuelles, l’acquéreur devant

s’interroger sur sa capacité à changer de statut social et de niveau de responsabilité, a

contrario du cédant, qui devra accepter de perdre ce statut. Ce mémoire pourra enfin

permettre aux éventuels cédants et repreneurs de faire le point sur les démarches

administratives et stratégiques permettant une reprise efficiente de l’entreprise.

Afin d’élargir notre réflexion sur la reprise interne d’une entreprise par ses salariés, il

serait intéressant de se pencher sur les cas des Sociétés Coopératives de Production (SCOP).

En ayant focalisé mon étude sur la reprise de l’entreprise par une partie des salariés

uniquement, j’ai sciemment fait abstraction des reprises internes via la transformation en

SCOP, en raison de son mode de fonctionnement et de l’origine de cette transformation, qui

sont différents du cas du MBO. Dans l’introduction, j’indiquais que 15,2% des transmissions

d’entreprises s’effectuaient en interne en 2016. Ce chiffre significatif englobe à la fois des

opérations dites de MBO et la transformation de sociétés en SCOP. On peut alors se

demander dans quelles situations et pour quels motifs des salariés peuvent être amenés à

reprendre en entreprise en SCOP ?

Le 26 Avril 2017, le tribunal de commerce s’est prononcé sur le projet de reprise de la

société MIM en SCOP par une dizaine d’employés du groupe dont deux dirigeants. Il

s’agissait de la dernière chance de sauver les emplois de cette grande entreprise française

du textile, avant sa mise en liquidation judiciaire, mais cette transformation a été annulée

faute de moyens financiers. Ce fait d’actualité constitue un début de réponse à notre

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question d’ouverture. Bien souvent, la transformation de société en SCOP est très

médiatisée lorsque celle-ci est effectuée en situation d’urgence afin de permettre à la

société de se remettre sur pied. Ces sociétés à gouvernance démocratique, où chaque

homme et femme bénéficie d’une voix lors des assemblées générales, peuvent en effet être

constituées par des salariés désireux de continuer l’activité de la société en difficulté, en

devenant propriétaires collectivement de leur outil de travail.

On remarque néanmoins qu’il ne s’agit pas de la seule raison qui poussent les

salariés à reprendre leur entreprise par le biais d’une coopérative. D’après l’organisation du

réseau des SCOP françaises, « Sur les quelques 200 Scop créées chaque année en France,

moins de 5% sont issues de redémarrages d’entreprises en difficulté ». Il semblerait dès lors

que ce mode de reprise soit majoritairement utilisé lors du départ en retraite du chef

d’entreprise, qui céderait son entreprise à l’ensemble de ses salariés pour les mêmes raisons

que celles évoquées dans la sous partie I.A. pour un MBO. Par ailleurs, les salariés des SCOP

n’étant pas tous obligatoirement associés, il serait intéressant de comparer les avantages et

inconvénients induits par la dualité du statut d’associé et de salarié vis-à-vis du statut de

« simple » salarié, ainsi que les implications quotidiennes organisationnelles d’un tel mode

d’administration de la société.

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