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SOPHIE ÉMOND LA REPRÉSENTATION DU GENRE MASCULIN ET DU GENRE FÉMININ DANS LE TÉLÉROMAN QUÉBÉCOIS Le cas de Lance et compte Mémoire de maîtrise présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Communication publique pour l'obtention du grade de maître ès arts (M.A.) DÉPARTEMENT D'INFORMATION ET DE COMMUNICATION FACULTÉ DES LETTRES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2009 © Sophie Émond, 2009

La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

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SOPHIE ÉMOND

LA REPRÉSENTATION DU GENRE MASCULIN ET DU GENRE FÉMININ DANS LE TÉLÉROMAN

QUÉBÉCOIS Le cas de Lance et compte

Mémoire de maîtrise présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en Communication publique pour l'obtention du grade de maître ès arts (M.A.)

DÉPARTEMENT D'INFORMATION ET DE COMMUNICATION FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LA V AL QUÉBEC

2009

© Sophie Émond, 2009

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Résumé

Ce mémoire décrit une analyse de contenu comparative des personnages d'entraîneurs

féminin et masculin des séries Lance et compte 1 et Lance et compte: Nouvelle génération,

respectivement diffusée à la télévision québécoise en 1986 et en 2001. À partir d'une

analyse détaillée des scénarios et des dialogues, ce mémoire questionne les représentations

des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que

celles-ci varient en fonction du genre des personnages. Sur le plan méthodologique, ce

mémoire recourt à une analyse quantitative comparative et s'intéresse principalement aux

dimensions relationnelles et de localisation. Les résultats démontrent que les

représentations des personnages d'entraîneurs varient effectivement en fonction du genre et

conduisent d'ailleurs l' auteure à conclure que la catégorie analytique « genre» permet

d'approfondir davantage les observations et les données obtenues par cette étude que la

catégorie analytique « sexe» privilégiée dans les études antérieures sur le genre

téléromanesque.

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À Véronique, ma directrice, pour ton soutien et tes conseils avisés.

À Diane, la meilleure des mères, pour avoir traversé avec moi les bons et mauvais

moments. À Claire et Jean-Paul pour votre confiance et

vos encouragements.

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Table des matières

Résumé ................................ ................... -.............. ......................................... ............... ... .... ... ii Table des matières ...... ......... ............ .............................................................................. ........ iv Liste des tableaux .................. ........................................... : .... .................................. .... ........... vi Liste des figures .................................................... ................................. .......................... .. .. vii Introduction .......... ............ .. ................................................... .................. : .................. .. .. ......... 1 Chapitre 1 : Problématique de recherche ......................................................................... ....... 3

1.1 Mise en contexte .................. ..................... .......... ........................... .......................... .... . 4 1.2 Présentation de l'objet d'étude .................................................. ........................... .. .. .. .. 4

1.2.1 Soap-Opera: recherches à l'américaine ...................................... ~ ......................... 4 l.2.2 Le feuilleton: recherches à l'européenne ..................................................... ...... ... 6 1.2.3 La naissance d'un· objet d'étude québécois .............................................. .... ... ....... 6

1.3 Recherches consacrées aux téléromans ................................................................. ....... 8 1.3.1 Analyses des caractéristiques régissant le genre téléromanesque .. .... .. .. .. .. .. ......... 8 1.3.2 Analyses de l'image, des modèles et des représentations ...................................... 9 1.3.3 Analyses, du public, de leurs réactions et des discours seconds .................. .. ....... Il

1.4 Les personnages féminins des téléromans ..................................................... ......... .. .. 12 1.5 Problème de recherche .......... ........................................................ .............................. 14

1. ~.1 Question de recherche .... ................................................................... ~ .................. 1 7 1.5.2 Les objectifs de recherche .................................................................................... 18 1.5.3 Présentation et justification du corpus ........ ........................................... ............ .. 19

Chapitre 2 : Le genre téléromanesque au Québec ................................................................ 22 2.1 Téléroman versus télésérie ......................................................................................... . 23 2.2 Les origines du genre téléromanesque au Québec ...................................................... 23 2.3 Popularité, succès et place du téléroman dans l'offre télévisuelle québécoise .. .. ...... . 25 2.4 Définition du téléroman comme genre télévisuel spécifique ...................................... 32

2.4.1 Pour une fiction réaliste ....................................................................................... 32 2.4.2 De la périodicité .......................................... ......................................................... 32 2.4.3 Pour une fiction en continuité .............................................................. .. ..... .. ....... 33 2.4.4 Cadrage temporel et sérialité ................................................ ............................... 34

Chapitre 3 : Cadre méthodologique ........................................................................... .. ......... 37 3.1. Constitution du corpus ............................................................................................... 38 3.2 Approches ................................................................................................................... 39 3.3 Technique choisie: l'analyse de contenu ................................................................... 41

3.3.1 Justification de la technique choisie .................................................................... 41 3.3.2 Hypothèses de recherche ......................... ...... .. .................................................... 42

3.4 Présentation du cadre opérationnel ....................................................................... .... .. 43 3.4.1 Dimensions retenues ........................................................................................... 43 3.4.2 Définitions des dimensions et variables de recherche ......................................... 47

Chapitre 4 : Description et analyse des résultats .................................................................. 57 4.1 Résultats de l'analyse de contenu ............................................................................... 58

4.1.1 Variables d'identification .............................................................. ...................... 58 4.2 Vérification des hypothèses .................................................................................. ...... 60

4.2.1 Confirmation de la première hypothèse 'spécifique ............................................. 61

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v

4.2.2 Confirmation de la deuxième hypothèse spécifique ............... ~ . , .......................... 63 4.2.3 Confrontation des deux hypothèses spécifiques .. ............................. ................ .. . 65 4.2.4 Confirmation de l'hypothèse principale ......................................... : .............. .. .... 68

Chapitre 5 : Discussion et conclusion .................................................................. ... ...... ....... . 70 .5. 1 Retour sur les résultats .... .............................................. .................... .................... ...... 71

5.1.1 Première hypothèse spécifique ................................................... ............. ..... ...... . 71 5.1.2 Deuxième hypothèse spécifique ..................................................... ..... ...... ..... .... . 80 5.1.3 Confrontation des hypothèses spécifiques .. ................ ......................................... 82

5.2 Les femmes de Réjean Tremblay ........... ........................................ .. ..................... ...... 83 5.3 Tradition de recherche sur les téléromans .......... .. .................................. : ........... ... .. .. . 93 5.4 Retour sur la pertinence du concept de genre .......................................... .. ................. 95

Bibliographie .. ....... ........... .................................................................... ..... ........... ... .. .... ... .... 97 Annexe A : Fiche technique Lance et compte 1 ... ............. ... ........... ... ..... .... .. .. ... ..... ... .. .. .... 108 Annexe B : Fiche technique Lance et compte : Nouvelle génération .......................... .. ..... 109

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Liste des tableaux

Tableau 1.1 Présentation des personnages ........................................................................ p. 21

Tableau 2.1 Sommets d'écoute des téléromans entre 1962 et juin 1995 .................... p. 25

Table~u 3.1 Composition du corpus .................................................................................. p. 39

Tableau 3.2 Variables d'identification ... : ........................................................ p. 45

Tableau 3.3 Variables dimension relationnelle .................................................. p. 47

Tableau 3.4 Variables dimension de localisation .............................................. . p. 50

Tableau 3.5 Synthèse des dimensions et variables .............................................. p. 56

Tableau 4.1 Résultats variables d'identification ................................................ p. 58

Tableau 4.2 Répartition des types de relations .................................................. p. 61

Tableau 4.3 Répartition des types d'échanges professionnels ................................ p. 62

Tableau 4.4 Répartition des types de lieux ...................................................... p. 64

Tableau 4.5 Répartition des lieux selon le type de relation convoqué ........................ p. 66

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Liste des figures

Figure 1.1 Évolution des parts d'écoute de la télévision chez les francophones du Québec ................ ~ .................................................................. p. 27

Figure 1.2 Évolution de l'écoute hebdomadaire par téléspectateur de la télévision au Canada ................................................................................... p. 28

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Introduction

« Tenez-vous bien, son personnage Michelle Béliveau, sera assistant entraîneur de l 'équipe, aux côtés des anciens joueurs Marc Gagnon et Robert Martin. Il s'agit là d 'une première mondiale, qui va peut-être "ouvrir l 'esprit des hommes", souhaite Maxim Roy. »

(Santerre, 2002, p.8)

De l'apparition d'un nouveau personnage ...

Après une absence de 15 ans, Lance et compte, la série québécoise culte par excellence,

revenait au petit écran et s' avérait tout aussi- populaire qu'à ses débuts en 1986. Outre la

révolution que les premières moutures de cette série amenèrent sur le plan de la réalisation

télévisuelle et des techniques employées, elles sont aussi reconnues pour leurs personnages

forts et singuliers. (Desaulniers et Nguyên-Duy, 1994, p.17) En 2001 , Lance et compte:

Nouvelle génération était diffusée et trouvait encore le moyen d'innover avec un

personnage féminin hors de l'ordinaire. Alors que Lance et compte l nous présentait le

personnage de Linda Hébert, une journaliste sportive qui suivait l'équipe jusque dans les

vestiaires, l'auteur, ,Réjean Tremblay, renouvelle l'exploit de faire parler de sa nouvelle

série grâce à un personnage féminin qui détonne en regard des représentations

téléromanesques habituelles. Lorsque l'on parcourt la couverture journalistique portant sur

le lancement de cette nouvelle série, l'on constate que c'est ce nouveau personnage

d'entraîneur féminin qui suscita le plus de réactions: « Maxim Roy, ou plutôt son

personnage, Michelle Béliveau, est un des éléments les plus intéressants de la nouvelle

série. Une femme dans l'équipe! » (Cloutier, 2002, p.4) Cet engouement pour le personnage

de Michelle Béliveau, et ce, avant même la diffusion de la série, a éveillé notre curiosité et

a constitué le premier pas vers la réalisation de ce mémoire de maîtrise .

... à un questionnement scientifique

Une brève revue de la littérature scientifique touchant les représentations féminines au petit

écran nous permet de constater que celle-ci est relativement ancienne et que, depuis la fin

des années 80, peu de recherches ont été menées sur ce thème. De plus, contrairement à

d'autres pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France où la tradition

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féministe a laissé place à une interrogation sur les genres - gender studies - , aucune étude

québécoise n'a interrogé les représentations féminines ou masculines des téléromans au

regard du concept de genre. Il nous semble donc pertinent de combler cette lacune en

étudiant la représentation des genres dans les deux séries Lance et compte, cette

investigation scientifique prenant la forme d'une analyse de contenu.

Structure du mémoire

Ce mémoire est divisé en quatre parties. Le premier chapitre présente la problématique de

recherche qui touche la représentation des genres dans les œuvres téléromanesques

québécoises e~ expose la pertinence du téléroman comme objet d'étude. Le deuxième

chapitre dresse le portrait du genre télévisuel au Québec. Le troisième chapitre présente la

démarche méthodologique retenue afin de répondre à la question de recherche énoncée au

chapitre précédent. Le quatrième chapitre consiste en une description et une analyse des

résultats. Le dernier chapitre présente une discussion étoffée de ces derniers et avance une

conclusion quant à la pertinence de recourir au concept de genre dans l'étude des

représentations téléromanesques.

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Chapitre 1 : Problématique de recherche Ce chapitre présente la problématique de recherche. Nous tenterons de comprendre pourquoi le téléroman s'avère être un objet d'étude pertinent lorsque l'on envisage d'étudier et de décortiquer certaines représentations sociales et. culturelles véhiculées dans la société québécoise. Pour cela, nous discuterons entre autres du téléroman et de la fiction comme autant de lieux privilégiés de la production de représentations. Nous commencerons donc par nous intéresser à la naissance du téléroman comme objet d'étude au Québec ainsi qu'aux différents courants de recherche consacrés aux téléromans, tant aux États-Unis qu'en Europe. Nous présenterons ensuite le problème de recherche, la question de recherche, les objectifs poursuivis ainsi que le corpus retenu.

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1.1 Mise en contexte Depuis la diffusion du premier téléroman, La Famille Plouffe, en 1953, le genre

téléromanesque québécois se démarque par son immense popularité et son nombre

imposant de productions . . Pourtant, ce produit culturel populaire a longtemps été boudé par

les chercheurs. Il leur faudra près de 20 ans avant de s'y intéresser. À la fin des années 70,

dans un contexte d'affirmation de la spécificité culturelle des Québécois et de montée du

mouvement féministe, plusieurs études ont cherché à interroger la représentation et l' image

de la femme dans les téléromans produits au Québec. En effet, les téléromans étant des

récits fictifs produits localement et touchant une très large partie de la population, ils sont

apparus incontournables pour l'étude des représentations culturelles et sociales. Des études

recensées, il est frappant de constater que toutes ont analysé la représentation de la femme

selon la variable analytique « sexe» 1 •

1.2 Présentation de l'objet d'étude

1.2.1 Soap-Opera : recherches à l'américaine

Avant même l'avènement de la télévision, le succès des feuilletons radiophoniques « soap

operas », était indiscutable. ·Ce type de feuilleton a été baptisé ainsi en l'honneur de leurs

principaux commanditaires, les compagnies de savon et de détergent, qui souhaitaient

rejoindre les ménagères directement dans leur foyer. Ce produit culturel populaire était

néanmoins considéré avec mépris par les scientifiques. Dans les années 1930, quelques

études de mesure d'audience ont bien été effectuées pour le compte des commanditaires de

ces feuilletons radiophoniques, mais les résultats étaient sans grande valeur scientifique.

D'ailleurs, on peut penser que « [s 1 a très grande popularité, son étroite association avec la

sphère commerciale et le fait qu'il s'adresse à un public essentiellement féminin sont les

trois principaux facteurs qui ont marqué son exclusion de la sphère des productions

1 Le concept de «sexe» renvoi au fait d'être biologique un homme ou une femme et non aux caractéristiques liées au genre féminin ou masculin. (Teixido, 2005, p.54) Les différences entre ces deux notions seront , détaillées lors de la définition du concept de genre.

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légitimes. » (Nguyên-Duy, 1995 (b), p.18) et qui expliquent qu'il ait été SI longtemps

relégué aux oubliettes par les chercheurs.

Au cours des années 70, la culture populaire se voit habilitée aux yeux de plusieurs

sociologues et chercheurs américains. Plusieurs analyses de contenu sont alors entreprises

et celles-ci s'intéressent particulièrement à l'étude des représentations contenues dans les

soaps; celles des différentes classes sociales, des hommes, des femmes, de la violence et

surtout de la sexualité. (Nguyên-Duy, 1995 (b), p. 21) En effet, de nombreuses recherches

dont celles de Abelman, Greenberg et Neuendorf (1981) et de Malcolm (1981) se sont

penchées sur la représentation des « intimates sexual behavior ».

Au début des années 80, de nouveaux courants de recherche font leur apparition. C'est donc

à partir de ce moment que l'analyse des structures narratives, l'analyse de discours et

l'analyse sémiotique son~ employées afin d'étudier les feuilletons d'après-midi. (Nguyên­

Duy, 1995 (b), p. 22) Comme ces recherches ne peuvent être dissociées de la montée du

féminisme en sol américain, plusieurs chercheurs ont tenté de « réhabiliter les pratiques

populaires traditionnellement associées à un public féminin. » (Nguyên-Duy, 1995 (b),

p.23) Cette nouvelle orientation de la recherche comprend les recherches sur la réception,

sur les effets, usages et gratifications ainsi que sur le caractère féminin du feuilleton. À titre

d'exemple, mentionnons les recherches de Tania Modelski (1982), Loving with a

vengeance, de Robert C. Allen (1985), Speaking of Soap Operas, de Nancy L. Buerkel­

Rothfuss et Sandra Mayes (1981), Soap Opera Viewing: The Cultivation Effect et

finalement celle de Ian Ang (1985), Watching Dallas: Soap Opera and the Melodramatic

Imagination.

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1.2.2 Le feuilleton: recherches à l'européenne

C'~st dans les années 80 que les chercheurs britanniques s'intéressent aux produits culturels

de masse et, puisant aux approches structuralistes et critiques afin d'étudier les relations

pouvant exister entre les produits culturels de masse, la constitution ou reproduction de la

culture et des idéologies, ils fondent une tradition de recherche que l'on connaîtra sous le

nom de British Cultural Studies. (Nguyên-Duy, 1995 (b), p.24) En 1980, deux études

d'importance sont publiées; celle de Richard Dyer et al., où était questionné le contexte

critique dans lequel baignait le feuilleton Coronation Street au moment de sa production et

de sa diffusion, et celle de Dorothy Hobson, qui s'interroge sur l'interprétation que font les

téléspectateurs du feuilleton Crossroad et du plaisir qu'ils en retirent.

En sol français, les chercheurs s'intéressent aussi aux idéologies véhiculées par les produits

culturels de masse comme le feuilleton. Un des ouvrages majeurs de ce courant est sans

aucun doute celui de Jean-Marie Piemme, La propagande inavouée. Dans cet ouvrage,

Piemme étudie le feuilleton comme un «terrain privilégié» où transparaîtrait l'idéologie

dominante d'une formation sociale donnée, qui par ailleurs, produit et consomme ces

feuilletons.

1.2.3 La naissance d'un objet d'étude québécois

Identité et spécificité culturelle

Au Québec, le chercheur Jean-Guy Lacroix situe la phase d'émergence de la recherche en

communication entre 1957 et 1968. (1988, p.61) Avant cette période, il n'existait aucune

institution ni aucun organisme de recherche dédié à la communication. Cependant, dans la

deuxième moitié des années cinquante, la situation évolue lorsque les pratiques culturelles

sont bouleversées par l'arrivée de la télévision dans les foyers québécois en 1952. (Lacroix,

1988, p.61) Les communications deviennent, à ce moment, un enjeu sociétal, politique et

économique d'importance au Québec. (Tremblay, 1981, p.7) En effet, l'importance

accordée à la recherche sur les médias est à considérer en regard de la « volonté de l'État

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québécois d'assurer le plus grand contrôle québécois possible sur les médias au Québec. »

(Lacroix, 1988, p.59) Le gouvernement provincial, en voulant répondre à l 'instauration

d'un ministère fédéral des Communications et par volonté d'affirmer son identité et sa

spécificité culturelle, procéda à la création d'un ministère équivalent au niveau provincial.

Ainsi, en 1969, le Québec devint la première province à se doter d'un ministère des

Communications et « son développement fût ponctué d 'énoncés politiques qui affirmaient

la nécessité pour le Québec d 'avoir sa propre politique des communications. » (Lacroix,

1988, p.62)

Ces décisions politiques et l'esprit du temps dont elles sont le résultat contribuèrent

grandement à l'essor des recherches relatives aux inédias et à la communication dans la

société québécoise et ouvrirent la porte à l'institutionnalisation des communications au sein

de la structure disciplinaire des universités au cours des années 70. Sachant cela, nous

devons envisager les premières recherches québécoises portant sur le genre téléromanesque

dans l'optique d'une constante volonté de comprendre, d'affirmer et de préserver la

spécificité culturelle du Québec dans un pays et une Amérique du Nord presque totalement .

anglophone. (Nguyên-Duy, 1995(a), p.34) Dès les débuts de la recherche, les chercheurs

ont donc considéré le téléroman « comme un des produits médiatiques traduisant le mieux

la spécificité culturelle des Québécois. » (Nguyên-Duy, 1995(a), p.34) À ce titre, Roger de

la Garde (1992) n'hésite pas à qualifier le téléroman de « [f]lagship of cultural identity ».

Représentations et montée du mouvement féministe

Plusieurs chercheurs s'intéressant au téléroman québécois se sont attardés à étudier

l'adéquation fiction/réalité. Ces chercheurs se sont penchés sur la correspondance qui existe

entre les représentations téléromanesques et la réalité québécoise. Le téléroman, tout

comme le médium télévisuel, nous permet de représenter plusieurs choses distinctes, telles

que des catégories de personnes ou des émotions, ce qui en a fait un objet d'étude privilégié

par les chercheurs québécois lorsqu'il est question d'étudier les représentations.

Historiquement, une grande partie de ces analyses sont « directement reliées à la question

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de la représentation des femmes. » (Nguyên-Duy, 1995(a), p.34) C'est au cours des années

70, à la suite de l'émergence du mouvement féministe (1968), que cette réflexion s'est

amorcée plus sérieusement. (Eddie, 1979, p.l09). Effectivement, «[aJu Québec, [ .. .]

t'intérêt pour le téléroman est . indéniablement associé à la montée du féminisme. »

(Nguyên-Duy ,1995(a), p.34) L'étude des représentations des femmes occupe d'ailleurs une

place de choix au sein des études consacrées au répertoire téléromanesque.

1.3 Recherches consacrées aux téléromans

Depuis les années 70, plusieurs recherches ont étudié différents aspects du genre

téléromanesque. Outre les répertoires consacrés au genre, nous avons pu répertorier neuf

types de recherches consacrées à l'étude du téléroman québécois2, ces derniers pouvant à

notre avis être à leur tour regroupés en trois grandes catégories. Nous présenterons ces

catégories ainsi que les plus pertinentes des études qu'elles regroupent ci-dessous.

1.3.1 Analyses des caractéristiques régissant le genre téléromanesque

Cette première catégorie englobe les recherches s'étant intéressées à ce qui caractérise et

régit le téléroman en tant que genre télévisuel spécifique, du processus de création au mode

de reconnaissance.

Nathalie Nicole Bouchard, dans son mémoire de maîtrise (1990), a détaillé différentes

stratégies qui servaient de base à la popularité grandissante du téléroman et plus

particulièrement à celle de Lance et compte. Après avoir fait ressortir plusieurs principes et

structures narratives délimitant le genre (absence de fin, histoires parallèles, . thèmes

familiers, personnages accessibles, style de traitement réaliste, etc.) Bouchard en arrive à la

conclusion que Lance et compte «est parvenu à réunir de vastes auditoires en

2 Les neuf types de recherche sont tirés de : Bouchard, Nathalie, N. 2001. «À la recherche des téléromans : Revue de la littérature consacrée aux téléromans québécois». Communication, vol. 20, no 1, p. 217-248.

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s'appropriant certaines des caractéristiques propres aux soap operas américains et en

révolutionnant les règles du genre téléromanesque. » (Bouchard, 2000, p.235)

Comme ce fût le cas en Europe et aux États-Unis, les chercheurs québécois se sont

intéressés aux idéologies que l'on retrouve dans les téléromans. Parmi ces analyses

idéologiques, mentionnons celle de Jean-Pierre Desaulniers (1979) où, en tant que genres

télévisuels, étaient comparés le téléroman et le téléjournal, et ce, pour en conclure à

l'existence d'un code de reconnaissance spécifique à chacun de ces deux genres . Le

téléspectateur peut donc s'y retrouver facilement et se sentir erf terrain familier lorsqu'il

regarde l'un ou l'autre de ces genres télévisuels. Il a aussi fait ressortir les divergences

relatives, notamment, à la manière dont nous sont présentés les évènements; le téléjournal

se contentant. de rapporter des faits avec, dans la majorité des cas, un conflit comme point

de départ, alors que le genre téléromanesque dramatise et privatise tout en proposant « un

rétablissement de l'ordre et des dénouements inévitablement positifs. » 3 (Bouchard, 2000,

p.231)

1.3.2 Analyses de l'image, des modèles et des représentations

Les toutes premières recherches téléromanesques ont. employé l'analyse de contenu pour

étudier les images et représentations véhicu~ées par les téléromans et ce, en s'attardant aux

liens qui sont établis entre ces dernières et la réalité sociale, particulièrement ceux

concernant la question plus spécifique des rôles sexuels. Ainsi, Line' Ross (1976) a tenté de

découvrir quelle était la place occupée par «le social» et ce, en analysant plusieurs

3 Dans cette catégorie, mentionnons aussi les études suivantes: Dominique Drouin a comparé, dans une perspective biographique et très liée au domaine littéraire, la vie de Mia Riddez-Morisset à la saison 1978 du populaire téléroman Terre Humaine dont elle est l'auteure pour conclure que ce téléroman porte effectivement une large «empreinte» du vécu de son auteure. Pour sa part, Paul Warren (1994) mena une étude dédiée à cette «mise en image» du produit téléromanesque afin d'identifier les modalités privilégiées pour y parvenir. Il examina le téléroman Temps d'une paix (1980-1986) et conclut que ce genre privilégiait de loin la parole (texte) par rapport aux images, qui elles, ne font qu'appuyer le texte. Dans une recherche publiée en 1982, Catherine Saouter a analysé Les Filles de Caleb et en est arrivée à la conclusion que le téléroman québécois constitue un « véritable paradigme qui privilégie certains thèmes, structures et rhétoriques visuelles, pour influencer les contenus des autres médias. » (Bouchard, 2000, p.234)

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téléromans qui furent diffusés entre 1960 et 1971. Elle en arrive à la conclusion que le , social est presque totalement évacué de ces récits et fait aussi ressortir que les rares femmes

travaillant en dehors de la maison y sont toujours présentées dans des professions

typiquement féminines telles que secrétaire, infirmière ou hôtesse. Hélène Tardif (1975),

dans son mémoire de maîtrise, a analysé les représentations des conditions féminines et

masculines dans plusieurs téléromans produits dans les années soixante et a démontré que

ces dernières sont extrêmement traditionnelles, au féminin comme au masculin. Ginette

Deslongchamps (1973) a examiné l'image des femmes , qui s ' avèrent être essentiellement

dédiées à leur vie de famille tandis que Fabienne Mercier (1979), dans son étude consacrée

à la place des femmes dans le monde du travail, a démontré que les femmes des téléromans

étaient confinées à des emplois traditionnellement féminins lorsqu'elles ne se consacraient

pas entièrement à leur rôle d'épouse et/ou de mère. Seule Christine Eddie (1979), dans son

étude consacrée à l'évolution de la femme dans le téléroman La rue des pignons, met de

l'avant des résultats divergents en ce qu'ils révèlent un début de changement en matière de

relations hommes-femmes, une redéfinition des rôles associés à l'un et à l'autre. Bien que

ces études soient très intéressantes, elles ne se concentrent que sur le contenu explicite des

téléromans et laissent de côté, selon nous, beaucoup d'informations implicites qui seraient

extrêmement pertinentes dans l'analyse de la représentation des hommes et des femmes.

Plusieurs recherches menées selon une approche sémiologique et structuraliste se sont

intéressées à dégager des images ou modèles contenus dans les téléromans. Nicole

Cossette-Vincent (1980) a réalisé une analyse syntaxique et sémantique de 25 épisodes de

téléromans afin d'en dégager un portrait de la femme. Cette image est celle d'une femme

sans jugement ou discernement, naïve, irresponsable, incomplète et faible , tentant

constamment de combler un quelconque manque émotionnel et affectif. (Bouchard, 2000,

p. 228) Dans la même optique, Annie Méar et ses partenaires (1981) ont analysé des

épisodes du téléroman Jamais deux sans toi pour en faire ressortir un modèle d'interaction

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sociale. Ce modèle en est un de «troc» amoureux où les femmes sont perpétuellement en

quête d'objets ou d'attention4.

1.3.3 Analyses du public, de leurs réactions et des discours seconds

Dans une analyse très novatrice en regard de la perspective adoptée, qui considère le

téléroman comme un produit issu d 'un secteur et d'une logique industriels et qui, aussi,

s 'ouvre progressivement aux études de la réception, Christine Eddie (1985) a analysé un

corpus de 56 téléromans diffusés par Radio-Canada entre 1952 et 1977 afin d 'en

comprendre les conditions de production et de réception et, du coup, examiner les réactions

du public et de la critique à l 'écoute de ces mêmes téléromans.

Dans la foulée, plusieurs recherches ont analysé les mesures d'auditoires des téléromans;

Roger De la Garde et Denise Paré (1991) ont analysé une saison télévisuelle complète

(1987) à l'aide des relevés statistiques BBM; Eddie (1982) a tracé le portrait d 'un

téléspectateur moyen à l'aide des données ~BM de l'automne 1980 alors que Line Ross

(1994) a dressé celui du public de 1985 à 1989 en analysant les cotes d'écoute et les

données démographiques du Québec. Plus récemment, Nathalie Nicole Bouchard (1994) a

interrogé des téléspectateurs de Scoop (1992-1995) pour comprendre leur processus

d'interprétation et de construction du sens.

Dans sa thèse de doctorat, Véronique Nguyên-Duy s'est intéressée au réseau discursif

constitué par les discours seconds du gen~e téléromanesque (télévision et presse écrite)

ainsi qu'aux phénomènes commerciaux, touristiques et promotionnels dérivés des

4 Mentionnons aussi dans cette catégorie la recherche d'Annie Méar et de ses acolytes (1981) qui ont interrogé la représentation du Québec dans le téléroman. Elles ont démontré la présence de référents socioculturels proprement québécois tels que des références à certains quartiers connus de Montréal ou au journal Le Devoir, en plus de révéler que l'univers des téléromans est beaucoup plus multiethnique que ne le voulaient alors les idées reçues.

Il

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téléromans. (Nguyên-Duy, 1995 (a), p. 46) Au cours de la même année, avec la

collaboration de Suzanne Cotte, elle analysa plus d'une trentaine d'articles traitant du

téléroman Scoop IV (1995) afin de comprendre de quelle manière le discours journalistique

articule les référents réels et fictifs.

1.4 Les personnages féminins des téléromans Avant même de pouvoir discuter des personnages féminins des téléromans, il nous faut

définir ce concept qui est central à notre étude. Un téléroman étant considéré comme un

récit, les définitions pertinentes du concept de personnage se retrouvent majoritairement en

études littéraires. Dans le cadre de ce projet, le concept de personnage se définit comme

une entité humaine fictive de style réaliste, masculine ou féminine, possédant des

caractéristiques physiques, sociales, culturelles et psychologiques. (Encyclopaedia of the

Novel, 1998, Character, p.197-l98) En considérant le sujet de cette étude ainsi que le fait

que le téléroman soit un récit de style réaliste, nous avons exclu de la définition toute

référence à des personnages dits « humanoïdes ». Afin de pouvoir repérer les personnages

masculin et féminin qu'il nous intéresse d'observer, l'élément à considérer est le sexe

attribue aux personnages, c'est-à-dire le fait qu'ils soient présentés comme étant un homme

ou une femme. (GambIe, 2003, p.ll)

Les premières études menées sur la représentation des femmes dans les téléromans nous

présentent, pour la grande majorité, des femmes au foyer, préoccupées par leur rôle

d'épouse et de mèreS. Lorsque ces femmes occupent un emploi, celui-ci est

traditionnellement féminin (secrétaire, hôtesse, infirmière, etc.). Au cours des années 80 et

90, nous assistons à l'apparition de quelques rôles qui repoussent les barrières

traditionnelles des occupations et des préoccupations féminines comme en témoignent les

personnages de la journaliste sportive Linda Hébert dans Lance et compte et de Stéphanie

5 Ces études sont celles de Nicole Cosette-Vincent (1979), Fabienne Mercier (1979), Chrisitine Eddie (1979), Hélène Tardif (1975) et Ginette Deslongchamps (1973).

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Rousseau, cette journaliste devenue femme d'affaires accomplie dans la saga Scoop.

L'apparition de ce nouveau type de personnage féminin soulève bien des discussions, à la

maison comme dans les médias. En effet, plusieurs ont pu déceler un changement majeur

dans la construction de certains personnages téléromanesques féminins, comme celui de

Martine Poliquin dans Un signe defeu :

Martine Poliquin a dans ce téléroman le rôle le plus «nouvelle génération ». Copropriétaire de l'entreprise, elle mène la compagnie de communications vers les sommets. En engageant notamment ses amies. Au lieu de se faire épouser par Hubert, qui lui avait fait un enfant, elle a obtenu de lui ce partenariat beaucoup plus solide qu'un mariage. Et en plus, elle a deux jeunes enfants. Superwoman en personne, quoi. (Cousineau, 1990, p.D 16)

Depuis ce temps, nous avons fait connaIssance avec d'autres personnages féminins

occupant des postes traditionnellement masculins : Édith Beauchamps la propriétaire de

fromagerie dans Providence, Fannie la propriétaire de bars qui dirige une équipe de videurs

dans Minuit le soir ou Michelle Béliveau qui entraîne des joueurs de la Ligue nationale

dans Lance et compte: Nouvelle génération. Néanmoins, en regard de l'univers

téléromanesque québécois dans son ensemble, ces personnages féminins forts et déterminés

demeurent relativement atypiques. En effet, même si la télévision est en constante

évolution, les femmes des téléromans ont longtemps été reléguées aux fourneaux ou dans

des emplois dits féminins. Comment fait-on pour que le public adopte des personnages

féminins accomplissant des tâches habituellement acquises aux personnages masculins?

Construit-on ces personnages féminins comme des personnages masculins sous une autre

enveloppe corporelle? Quelles sont les caractéristiques psychologiques que l'on attribue à

ces femmes de pouvoir? Ces caractéristiques sont-elles différentes de celles que l'on

attribue aux hommes de pouvoir? Nous nous intéresserons donc à la manière dont est

représentée une femme occupant une fonction traditionnellement masculine au sein d'un

téléroman québécois.

13

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Afin de bien comprendre ce que nous entendons par « représentation », il s'avère essentiel

d'en proposer une définition complète. Le concept de représentation sociale fût introduit en

psychologie sociale au cours des années 60 par Serge Moscovi et servi de point de départ à

l'étude de nombreux groupes sociaux (femmes, ouvriers, etc.) ainsi que de divers concepts

(maladie, santé, espace individuel, etc.). (Dictionnaire encyclopédique des sciences de

l'information et de la communication, 1997, Représentation sociale, p.476) Pris

globalement, ce concept désigne une forme de connaissance qui est socialement élaborée et

partagée et qui concoure à la construction d'une réalité commune à un ensemble social

précis. (Grand Dictionnaire de la psychologie, 1991 , Représentation sociale, p.668) Cette

définition étant trop reliée à l'aspect constituant de la représentation, nous opterons pour

une définition décrivant l'aspect constitué de la représentation, c'est-à-dire les produits et

les contenus. (Mannoni, 2001, p.57) Donc, spécifiquement, le concept de représentation

sociale renvoie à une manière de donner à voir: « l 'acte de représenter, de tenir lieu de,

d 'être à la place de quelque chose ou de quelqu 'un. » (Jodelet, 1992, p.367; Dictionnaire

encyclopédique des sciences de l'information et de la communication, 1997,

Représentation sociale, p.477) Il est possible de représenter plusieurs choses, une personne,

un objet, un concept, une émotion, etc. Cette représentation devient alors «un construit »,

une manière de voir les choses. Un discours médiatique, une représentation télévisuelle,

dans le cas qui nous intéresse, constitue donc non pas la réalité, mais bien une vision de

cette dernière, un discours sur cette dernière; « De nombreuses représentations sont en effet

sociales parce que véhiculées par les médias. Cette relation met en lumière tout l 'intérêt de

l 'analyse du contenu des médias pour l'étude des représentations sociales. » (FaIT, 1992,

p.380)

1.5 Problème de recherche Nous l'avons mentionné, l'étude des représentations des femmes, selon la .catégorie

analytique « sexe », occupe une place de choix au sein des études ayant été consacrées au

répertoire téléromanesque, comme en témoignent les travaux de Nicole Cossette-Vincent

(1979), analysant l'image de la femme, de Fabienne Mercier (1979), explorant la place des

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femmes dans le monde du travail, de Hélène Tardif (1975) analysant la représentation des

conditions féminine et masculine, de Ginette Deslongchamps (1973), traitant du rôle de la

femme, ainsi que de Christine Eddie (1979), sur l'évolution de l'image de la femme. Ces

études, bien qu'informatives, adoptent toutes une posture descriptive visant à relever les

différences dans les rôles (occupations, emplois, diverses situations de manque, etc.) en

fonction de la catégorie analytique «sexe biologique», ce qui en limite à notre avis la

portée heuristique. En effet, « [ .. .) si le genre est d 'emblée pensé comme une construction

sociale, il n 'en est pas de même du sexe, vu comme une donnée naturelle ou plus

probablement ·ïmpensée·: » (Teixido, 2005, p.54)

Afin de bien comprendre la distinction qui existe entre la catégorie analytique « sexe» et la

catégorie analytique « genre », il s'avère essentiel de fournir ici une définition complète de

cette dernière. En sociologie et en études féministes, il existe deux aspects distincts au

concept de genre. En effet, le genre est souvent abordé comme un concept relié à la

dimension du «Development of Human Behavior», c'est-à-dire au processus de

socialisation de l'enfant qui apprend à se comporter et à se définir comme un être masculin

ou féminin. (Encyclopaedia of social theory, 2005, Gender, p.304; International

encyclopaedia of social & behavioral sciences, 2001, Gender and FeministStudies in

History, p.5929)

Le sens du concept de genre qui s'avère le plus pertinent pour la réalisation de notre projet

est celui de l'organisation sociale de la différence sexuelle. (Scott, 1998, p.15;

Encyclopaedia of social theory, 2005, Gender, p.304) Il est donc important de mentionner

que le genre ne réfère pas au sexe biologique, c'est-à-dire à la catégorie

biologique/génétique des mâles et des femelles, mais bien à la catégorie socialement

construite du féminin et du masculin. (Encyclopaedia of social theory, 2005, Gender, p.304;

International encyclopaedia of social & behavioral sciences, 2001, Gender and Feminist

Studies in History, p.5929) Les recherches ayant pour sujet le genre et les rapports de sexe

se regroupent sous l'appellation « Gender Studies ». (Teixido, 2005, p.54) Le concept de

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genre est apparu aux États-Unis au cours des années 70 « d 'une réflexion autour du sexe et

de l'utilisation de. cette variable dans les recherches sociales. » (Teixido, 2005, p.54) Déjà

en 1972, s'étant inspirée des travaux de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss, Anne

Oakley, une sociologue d'origine britannique associe le sexe à la biologie et le genre à la

culture. (Teixido, 2005, p.54) De nombreux questionnements émergeront de cette

association et feront l'objet de plusieurs études. Il existe d'ailleurs deux perspectives

théoriques en ce qui concerne ces études. En effet, il existe une vision essentialiste qui

considère que les différences entre le genre féminin et masculin sont inscrites dans la

nature, alors que la deuxième perspective théorique (à laquelle nous adhérons), le

constructivisme, étudie le genre comme une construction sociale et non comme quelque

chose de programmé biologiquement. (Teixido, 2005, p.54) Cette école de pensée

considère que le genre est une invention humaine, un ensemble de codes que nous

apprenons à identifier dès l'enfance. Donc, à l'occasion de ce projet, nous adoptons la

définition suivante du concept de genre: « those socially constructed feminine and

masculine modes of behavior considered normal and natural for females and males. »

(Encyclopaedia of social theory, 2005, Gender, p.304) Par extension, le genre peut se

définir ainsi: les caractéristiques psychologiques, physiques, sociales et culturelles

socialement associées aux hommes et aux femmes. (GambIe, 2003, p.ll)

Au Québec, ce concept n'est pourtant pas aussi populaire que chez nos cousins français , ni

aussi utilisé qu'il l'a été par nos voisins américains. (Teixido, 2005, p.57) En effet, au

Québec, il n'existe pas de tradition de recherche reliée au concept de genre pour l'étude des

produits culturels populaires. Pourtant, depuis les années 70, plusieurs études canadiennes­

anglaises, américaines, britanniques et européennes ont analysé les représentations des

hommes et des femmes dans diverses productions médiatiques6 en utilisant la catégorie

6 Au Canada anglais, des analyses ont été menées quant à la représentation des genres dans les bulletins de nouvelles (Soderlung, 1989) ainsi que dans les couvertures médiatiques sportives (Sport Canada, 1996) et politiques (Gidengil et Everett, 2003). Aux États-Unis, plusieurs recherches ont touché la représentation des femmes au cinéma (Brown, 1996; Lurh, 1995). En Angleterre, des analyses ont été menées quant à la représentation des genres dans les publicités télévisées (Nassif et Gunter, 2008). Finalement, en Europe, des recherches se sont penchées sur les représentations féminines et masculines des séries fictionnelles du petit écran (Deming, 1992; Office for Official Publications of the European Communities, 1987)

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analytique «genre» qui propose, selon nous, une approche plus compréhensive des

caractéristiques et comportements associés aux hommes et aux femmes. En effet, nous

croyons que la catégorie « genre» permettra de dépasser l'énumération des emplois, des

occupations ou des situations de manque attribuées aux femmes et aux hommes pour

s'intéresser aux caractéristiques associées aux genres dans le téléroman québécois.

Constatant l'absence de recherches de ce type au Québec, nous aspirons donc ici à produire

la première étude québécoise traitant de la représentation des genres féminin et masculin

conduite sur un corpus constitué de séquenc~s téléromanesques.

1.5.1 Question de recherche

Notre problème de recherche est donc fondamentalement théorique et méthodologique dans

la mesure où il vise à combler le manque de connaissances en ce qui a trait à la

représentation des genres dans les téléromans québécois tout en développant une réflexion

quant aux approches les plus pertinentes pour ce faire. La problématique présentée ci­

dessus ainsi que le fondement théorique de notre recherche nous amène à expliciter une

question qui s'énonce comme suit: Quelle est la représentation des genres féminin et

masculin, et quelles sont les différentes caractéristiques associées aux personnages

féminins et masculins dans les téléromans québécois?

Nous croyons qu'en répondant à notre question de recherche, à l'aide du concept de genre,

nous serons ainsi en mesure d'apporter de nouvelles données quant aux comportements,

relations et caractéristiques psychologiques qui sont reliés aux personnages féminins

atypiques et non traditionnels. Enfin, nous croyons que les résultats de cette recherche

pourraient s'avérer très pertinents afin d'établir dans quelle mesure le Québec démontre une

spécificité culturelle dans la manière qu'ont les fictions sérielles de représenter les genres

féminin et masculin. De plus, il ne fait aucun doute pour nous que ces résultats soient

susceptibles d'intéresser les représentants d'organismes gouvernementaux tels que le

Conseil du statut de la femme et le Secrétariat à la condition féminine ainsi que des groupes

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de recherche ou des groupes populaires comme la Fédération des femmes du Québec, qui y

trouveront matière à confirmer ou infirmer leurs positions par rapport aux représentations

proposées par la télévision québécoise (crise de la masculinité, femmes enfants, etc.).

1.5.1.1 Hypothèse générale

En tenant compte de l'absence de données sur le sujet, nous avons choisi de formuler une

hypothèse générale sur notre sujet ainsi que des hypothèses spécifiques relatives à certains

aspects qui, selon nous, méritent d 'être interrogés. Ces aspects ont été sélectionnés à l'aide

des différentes caractéristiques qui définissent le genre, comme nous le démontrerons au

chapitre 3 lors de la présentation des dimensions retenues aux fins d'analyse. Les

hypothèses spécifiques seront également présentées et détaillées au chapitre 3 et elles seront

discutées individuellement et confrontées entre elles au chapitre 5. C'est donc afin de

répondre à la question de recherche énoncée précédemment que nous avons formulé

l'hypothèse générale suivante: la représentation des personnages d'entraîneurs varie en

fonction du genre.

1.5.2 Les objectifs de recherche

L'objectif principal de cette étude réside dans la vérification de notre hypothèse générale de

recherche selon laquelle la représentation des personnages d'entraîneurs varie en fonction

du genre. Ce concept constitue donc le point de départ de notre analyse. Une première

familiarisation avec notre corpus et une première revue des données nous amène à penser

que la représentation, la manière dont on nous « donne à voir» les personnages masculin et

féminin d'entraîneurs diffère effectivement en fonction du genre. Si l'hypothèse générale

est confirmée, il nous serait possible de faire ressortir et d'énumérer plusieurs

caractéristiques associées, soit au genre masculin, soit au genre féminin. Pour infirmer ou

'valider cette hypo~hèse, nous recourons à une analyse de contenu comparative, effectuée de

manière détaillée et méthodique.

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Rappelons-nous que la présente recherche a pour but de révéler les premières données

portant sur la représentation du genre dans le téléroman québécois. Dans les faits , nous

étudions un phénomène nouveau n'ayant réellement jamais été documenté au sein des

universités québécoises. Notre étude prétend donc à produire «des résultats qui ont une

valeur dans la mesure où ils contribuent de façon significative à mieux comprendre une

réalité, un phénomène étudié. » (Mucchielli, 1996, p.265)

1.5.3 Présentation et j~stification du corpus7

Nous avons, jusqu'ici, porté notre réflexion sur la représentation des femmes et des

hommes dans l'univers télévisuel. Il a été démontré que, depuis le milieu des années 80, de

nouvelles représentations atypiques et non traditionnelles des femmes étaient apparues au

petit écran. Aux fins de cette étude, nous aurions pu sélectionner des dizaines de

personnages masculin et féminin différents, provenant de diverses séries télévisées

populaires. Notre intérêt avoué pour les personnages féminins hors normes a guidé le choix

du téléroman dont nous étudierons les représentations. En effet, une très bonne

connaissance du corpus téléromanesque québécois nous permet d'affirmer que l'auteur et

scénariste Réjean Tremblay a une très grande propension à créer des personnages féminins

particulièrement atypiques8. Lance et compte étant sa série la plus connue, la plus populaire

ainsi que celle présentant le plus de personnages féminins atypiques - journaliste sportive,

entraîneuse de hockey ou soigneuse dans la Ligue nationale de hockey - notre choix s'est

donc porté sur cette oeuvre. Afin de mener une analyse comparative qui soit la plus valide

possible, le choix des personnages étudiés s'avère aussi primordial. Nous avons donc

sélectionné un personnage masculin et un personnage féminin que l'on puisse considérer

comme relativement semblables, afin d'être plus à même de faire ressortir les

ressemblances et les différences dans leur représentation. Pour ce faire, nous analyserons le

personnage d'entraîneur masculin, Jacques Mercier, que nous retrouvons dans Lance et

compte 1, originellement diffusé en 1986 (Radio-Canada) ainsi que le personnage

7 La constitution du corpus sera présentée en détail au chapitre 3. 8 Nous faisons référence à ces personnages au chapitre 4, à la section « Les femmes de Réjean Tremblay».

19

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d'entraîneuse, Michelle Béliveau, que nous retrouvons dans Lance et compte: Nouvelle

génération, originellement diffusée en 2002 (TQS).

En plus d'exercer des métiers connexes, de faire partie du même téléroman et de graviter

autour des mêmes personnages, ces rôles ont tous été construits par Réjean Tremblay et mis

en scène par le réalisateur Jean-Claude Lord. De plus, ces deux saisons ont été produites

par Claude Héroux. Aussi, le succès qu'a connu cette série nous porte à croire que les

représentations qui y sont présentées ont été plébicisées par la population québécoise. Nous

croyons donc que le choix de ces personnages s'avère particulièrement pertinent dans la

réalisation d'une étude comparative. En effet, comme ces personnages ont été créés par le

même auteur, pour une même série, qu'ils évoluent dans les mêmes fonctions, dans le

même environnement de travail et qu'ils partagent la même passion pour le hockey, il nous

semble que la comparabilité est grande et que les différences relevées sont susceptibles

d'être tributaires du genre. De plus, le personnage féminin étudié occupe sans aucun doute

une fonction traditionnellement attribuée aux hommes puisque, même dans la réalité,

aucune femme n'a encore eu l'opportunité de diriger une équipe de la Ligue nationale de

hockey.

Avant de présenter plus en détail, au troisième chapitre, la composition de ce corpus, nous

avons jugé approprié de présenter quelque peu les deux personnages que nous étudierons à

partir de celui-ci.

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Tableau 1.1 Présentation des personn ages 9

Jac ues Mercier Emploi: Entraîneur du National de Québec

Emploi précédent: Inconnu

Gagnant de : Une coupe Stanley

Statut: Marié à Judy Mercier

Enfant: Jimmy Mercier (handicapé)

Âge : Inconnu

Michelle Béliveau Emploi: Entraîneuse adjointe du National de Québec

Emploi précédent: Entraîneuse en chef de l'équipe féminine olympique canadienne

Gagnante de : Une médaille d'or olympique

Statut: Célibataire, puis en couple avec Pierre Lambert

Enfant: Aucun

Age : Inconnu

e aux informations connues sur les personnages dans la saison où 9 Cette présentation des personnages se limit nous l ' étudions. Les éléments de la vie du pe rsonnage qui surviennent après les saisons étudiées ne sont pas pris en compte ici.

21

- .

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Chapitre 2 : Le genre téléromanesque au Québec Ce chapitre dresse un portrait du genre téléromanesque au Québec. Nous y traiterons des origines, de la popularité et de la place du genre téléromanesque dans la production télévisuelle québécoise. Nous poursuivrons l'objectif de faire ressortir les caractéristiques de ce genre afm de produire une définition complète et opératoire de notre objet d 'étude, le téléroman.

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2.1 Téléroman versus télé série

Dès sa première diffusion en 1986, l'on remarque que" Lance et compte est une série

différente des autres, et ce, pour plusieurs raisons: beaucoup plus de comédiens, des

images tournées sur un support et! ou selon des codes filmiques, plusieurs séquences

extérieures, un rythme et des images plus rapides ainsi qu'un nombre moindre d'épisodes.

(Desaulniers et Ngyuên-Duy, 1994, p.17) C'est à ce moment que le vocable «télésérie »

apparaît dans l'univers télévisuel du Québec. Certes, ce produit téléromanesque diffère des

autres; il coûte beaucoup plus cher à produire et le rythme du récit est différent, mais dans

le cadre d'une analyse des représentations, nous croyons que ces différences stylistiques et

techniques ne sont pas significatives, et nous prenons la décision de ne pas en tenir

compte lO. Nous considérons donc, en regard de l'objectif de cette recherche, que notre objet

d'étude doit être considéré et défini comme un téléroman.

2.2 Les origines du genre téléromanesque au Québec

A vant même de nous attarder aux caractéristiques du téléroman comme genre télévisuel,

nous croyons essentiel d'en connaître les origines, et ce, dans l'optique de fournir une

définition qui englobera tous les aspects pertinents de cet 'objet d'étude.

Le téléroman, en tant que récit fictif, a « récupéré la tradition du conte, des feuilletons dans

les journaux et magazines, celle aussi des radio rom ans. » (Desaulniers et Nguyên-Duy,

1996, p.14) Le téléroman se définit donc comme le double héritier de la tradition orale et de

la tradition du feuilleton. (Nguyên-Duy, 1995, p.12) Ainsi, au fil des changements

technologiques, les feuilletons publiés dans les journaux ont pris la forme de feuilletons

radiophoniques et ont ainsi connu un immense succès populaire.

10 Le seul élément qui puisse avoir une certaine incidence sur la construction des représentations est la durée globale des téléséries qui disposent de moins d'épisodes que les téléromans, ce qui pourrait avoir une incidence sur les processus d'adhésion et d'identification abordés plus loin. Cela dit, puisque notre étude ne s'intéresse pas à la réception ou à l'interprétation de ces téléséries, cette question nous a semblé peu significative.

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Avec l'avènement du petit écran, les responsables de la programmation ont misé sur la

popularité de ces radioromans afin d'appâter leurs premiers téléspectateurs. Les réseaux de

télévision ont donc adapté de très populaires radioromans en téléromans. Cette initiative

n'est pas unique aux Québécois et les Américains ont eux aussi adopté cette stratégie afin

d'alimenter une production télévisuelle quasi inexistante. Cependant, ce qui rend particulier

le cas du Québec c'est que ces radioromans étaient tous « originellement, des romans

publiés, parmi les plus célèbres d'une littérature québécoise encore balbutiante. » (Eddie,

1984, p.24) Parmi ces histoires nous retrouvions entre autres les très populaires ,: La

Fam ille Plouffe, Le Survenant, Les Bel~es Histoires des pays d 'en haut et La Pension

Velderil .

Bien qu'héritier des radioromans, il nous faut cependant reconnaître que le téléroman

constitue bel et bien un genre à part entière, une modalité narrative nouvelle et unique:

« L 'adaptation pour la télévision, [ .. .) si elle reprenait le cadre et les personnages du

roman, si elle renouait avec le souffle et le rythme du radioroman, était en vérité, une

œuvre tout à fait indépendante de ses èxistences antérieures. »(Eddie, 1984, p.24) En effet,

à l'instar du cinéma, dont il est aussi le cousin, le médium télévisuel « donne à voir », du

moins partiellement, la réalité diégétique qu'il dépeint. Plus besoin, donc, de fournir au

téléspectateur des outils lui permettant d'imaginer la totalité de cet univers puisqu' il les

voit. Plus besoin, non plus, de tout mentionner dans les moindres détails puisque, comme

le dit Eddie (1984, p. 29), les mots «peuvent et doivent» être remplacés par la gestuelle

des acteurs ou par l'action elle-même. Le téléroman constitue donc une forme de récit fictif

unique, possédant ses caractéristiques propres.

11 Roger Lemelin a publié Les Plouffe (1948) et a rédigé le scénario de la version télévisuelle, La famille Plouffe (1953-1959). Germaine Guévremont a publié le roman Le Survenant en 1945 et en a signé le scénario entre 1954 et 1960. L'œuvre littéraire Les belles histoires des pays d'en haut a été publié en 1933 par Claude Henri Grignon, qui a également signé les textes de la série diffusée entre 1956 et 1970. Robert Choquette a écrit le roman Les Velder en 1941 et en a scénarisé la version télévisée, intitulée La pension Velder, de 1956 à 1961.

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2.3 Popularité, succès et place du téléroman dans l'offre télévisuelle québécoise

Au sein du paysage télévisuel québécois, le téléroman occupe depuis toujours une place de

choix. Depuis la diffusion du premier téléroman, La Famille Plouffe, en 1953, le succès et

la popularité de ce genre télévisuel ne font aucun doute: « Les plus célèbres [téléromans)

ont atteint de très larges auditoires dès le début de l'ère télévisuelle. » (Chaput-Rolland,

1986, p.62) Une des caractéristiques les plus importantes du genre téléromanesque est,

précisément, cette immense popularité. En considérant que ce n'est qu'en 1996 que la

population totale du Québec a franchi la barre des sept millions d'habitants 12, les cotes

d'écoute des téléromans, qui atteignent les 2 ou 3 millions et parfois même les 4 millions de

téléspectateurs, sont tout simplement spectaculaires. Le tableau suivant, relatant les

sommets d'écoute des téléromans entre 1962 et juin 1995, en donne un aperçu convaincant.

Tableau 2.1 Sommets d'écoute des téléromans entre 1962 et juin 1995

La petite vie 4098000 20 mars 1995 SRC Les filles de Caleb 3 664000 31 janvier 1991 SRC Blanche 3 334000 Il novembre 1993 SRC Lance et Compte III 3 227 000 23 mars 1989 SRC Le temps d 'une ~aix 3 021 000 1er décembre 1986 SRC Scoop III 3 008 000 10 février 1994 SRC Les Berger 2971 000 10 janvier 1972 TVA Entre chien et loup 2 765 000 30 octobre 1989 TVA Symphorien 2 750 000 Il janvier 1972 TVA Grand-papa 2 737 000 6 mars 1979 SRC A u nom du père et du fils 2717000 10 mai 1993 TVA Moi et l'autre 2 709 000 12 janvier 1971 SRC Rue des pignons 2 708 000 30 septembre 1975 SRC Terre humaine 2689000 3 février 1981 SRC Les belles histoires des 2686000 novembre 1962 SRC pays d'en haut

• Sommets d'écoute entre 1962 et juin 1995, Recherche SRC, Montréal. Sources: BBM/Nielsen • Tiré de Desaulniers et Nguyên-Duy, 1996, p.18

12 Statistique Canada. Recensement de 1996. [En ligne]. http://www. 12.statcan.ca/français/census96/1ist f.htm#1996 (Page consultée le 15 mars 2007)

25

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Sachant que plusieurs millions de Québécois ont regardé et regardent toujours les

téléromans avec intérêt et régularité, il n'est pas étonnant de constater l'importance de ce

genre dans l'offre globale d'émissions de télévision, et ce, bien que le nombre de

téléromans semble décliner ces dernières années, sous le coup des changements en cours

dans l'univers télévisuel québécois (spécialisation de l'offre, fragmentation des auditoires,

convergence et montée de la télé réalité). Ainsi, pour égaler la production québécoise de

fictions sérielles durant la période 1960-90, et ce toutes proportions gardées (populations),

les Américains auraient dû produire 2 fois et demie plus de séries qu'ils ne l'ont fait.

(Desaulniers et Nguyên-Duy, 1996, p.17) Cette popularité ainsi que les cotes d'écoute

exceptionnelles qui en résultaient sont d'ailleurs reconnues internationalement :

En 1974, l'UNESCO avait mandaté un sociologue scandinave, Tapio Varis, pour réaliser le premier répertoire mondial des émissions de télévision, pays par pays. À la page consacrée au Québec, un tableau indique un nombre démesuré d'heures pour les séries dramatiques, comparativement au reste du monde. Tellement, que ce sérieux sociologue a senti le besoin d'inscrire une petite note au bas de la page disant que les résultats étaient bels et bien exacts, que ce n'était pas lui qui faisait une erreur! (Desaulniers et Nguyên-Duy, 1996, p.17)

En sol québécois, la popularité du téléroman a été consacrée et célébrée lors d'une

exposition intitulée Téléromans, présentée au .Musée de la civilisation à Québec, et ce, sur

une période de plus d'un an 13. Ce musée, inauguré en 1988, est une institution québécoise

grandement reconnue et subventionnée par le ministère de la Culture et des

communications du Québec et constitue un lieu de partage du savoir. Le fait qu'une

exposition de grande envergure du Musée de la civilisation ait été consacrée au téléroman

démontre bien la popularité et l'importance de ce genre télévisuel pour le peuple québécois.

La popularité et le succès du téléroman québécois se reflètent dans les dépenses de

programmation, l'offre télévisuelle ainsi que dans la consommation qu'en font les

téléspectateurs. Depuis le début des années 2000, nous avons pu constater certains

changements quant à la po~ularité du genre téléromanesque. Les téléromans n'atteignent

13 Plus précisément dl:lll décembre 1996 au 8 février 1998.

26

Page 34: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

plus, désormais, les cotes d'écoute astronomiques qui étaient monnaie courante au cours

des années 1980 et 1990. Le genre téléromanesque partage maintenant les premières

positions des décomptes hebdomadaires de cotes d'écoute avec d'autres genres télévisuels,

dont la téléréalité et les émissions d'humour qui rallient de plus en plus de téléspectateurs.

Nous avons recensé plusieurs causes pouvant expliquer ce phénomène; baisse du nombre

d'heures d'écoute hebdomadaire de télévision, morcellement de l'offre, popularité de

nouveaux genres télévisuels et apparition de nouvelles technologies, le tout ayant des

répercussions sur les revenus publicitaires ainsi que sur les stratégies ainsi que les dépenses

en matière de programmation.

L'offre télévisuelle ne cesse de s'accroître avec l'apparition d'un nombre grandissant de

canaux spécialisés et de services payants, ce qui résulte en un morcellement de l'écoute.

Comme l'indique la figure 1.1 , « La part de l'ensemble des canaux spécialisés et des

services payants de langue française (Vrak TV, RDS, Séries +, LCN, Canal D, Super Écran

et autres) auprès des téléspectateurs francophones est passée de 6,3% en 1992 à 36,3% en

2006 [ .. .J. » (Centre d'études sur les médias, 2007, p.2)

Figure 1.1

~volutjOf'l, dèS, par15 d~écoutè dé la télévis ion chez ln francOphone. du Québee

Source : CompllSllliooa réaliaHe per Têlé-Québec è pirir des denné" BBM_

27

Page 35: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

L ____ _

Néanmoins, l'éventail grandissant de produits télévisuels offerts aux téléspectateurs

québécois n'a pas su freiner la diminution du temps accordé à l'écoute du petit écran par

ceux -ci, comme en témoignent les données fournies pour les saisons télévisuelles 2002-

2003 et 2004-2005, qui démontre que, malgré ces efforts pour séduire des auditoires

toujours plus ciblés, les adultes et adolescents ont diminué leur consommation de télévision

d'une heure par semaine, augmentant par exemple le temps consacré à la navigation sur

Internet et à l'écoute de films dans le cadre domestique. (Centre d'études sur les médias,

2007, p.1)

Figure 1.2

35

Evolutk)n de .'écoute hebdomadaire par '''.peel .ur dl la tilévi on au Canada

2002-0\3 003-(14

Source : Donniea BBM sel an la mMhad& de 1'8IJdimitri8~ ~ de dauze mail.

La prolifération des nouvelles technologies transforme aussi la manière dont les

téléspectateurs regardent la télévision. Plus besoin de regarder les émissions en direct et

encore moins de subir les publicités que l'on y présente, comme en témoignent les propos

de Claire Samson, présidente de l'Association des producteurs de films et de télévision du

Québec, tels que rapportés par la journaliste Stéphanie Bérubé: « "Jeudi soir [ .. .), je

n 'étais pas à la maison. J'ai écouté Un Homme mort plus tard, sur Illico et sans publicité.

Cette semaine, je ne me presserai pas pour être devant ma télé jeudi soir... "Ça fait une

téléspectatrice de moins pour Un Homme mort, selon la firme de sondage BBM » (2006, p.

28

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Arts et Spectacles2) Tout cela, sans compter l'engouement pour les emegistreurs DVD, qui

se vendent à des prix très abordables et qui permettent d'escamoter les publicités. Certains

n'ont pu écouter fidèlement une série? Les coffrets DVD, toujours sans pauses

publicitaires, permettent aux téléspectateurs d'écouter les séries au rythme qui leur

convient.

Les facteurs décrits ci-dessus; baisse des heures globales d 'écoute, morcellement de l'offre

ainsi que l'apparition de nouvelles technologies, une fois combinés, résultent en une baisse

considérable des revenus publicitaires des diffuseurs : « .À TVA, on misait sur le printemps

comme une nouvelle niche très intéressante pour les annonceurs à l'approche de l'été, [ .. .).

Mais non. Niet. Les annonceurs ne sont pas au rendez-vous cette fois. » (Corbo, 2006,

p.El6) Le médium télévisuel perd en popularité et en ressources fmancières; les budgets de

production sont donc revus à la baisse et ceux des téléromans écopent aussi de cette baisse

générale des revenus publicitaires.

Afin de remédier à cette situation, les diffuseurs ont développé différentes stratégies visant

à s'arroger de nouveaux publics et à freiner la baisse des revenus. Ceux-ci ont donc

développé de nouveaux genres télévisuels, de nouveaux ,créneaux. Depuis 2003 , plusieurs

de ces émissions «nouveaux genres », telles que des téléréalités ou des émissions de

variétés « revitalisées» ont été incluses dans la programmation des télédiffuseurs et celles­

ci ont connu d'immenses succès populaires. Cette stratégie est donc parvenue à augmenter

quelque peu les cotes d'écoute et à regarnir les coffres des diffuseurs, mais pas sans que le

genre téléromanesque n'en fasse les frais. En effet, il n'est pas rare que des émissions de

téléréalité telles que Star Académie, Occupation double et Loft Story, ainsi que des

émissions de variétés comme Tout le monde en parle, L 'heure de gloire, le Match des

étoi/es ou Dieu merci dament le pion aux téléromans dans les palmarès de cotes d'écoute,

ce qui ne se produisait que très rarement au cours des années 1980 et 1990. De plus, en

2004 « les sommes investies dans les émissions canadiennes d'intérêt général (qui incluent,

outre les émissions de téléréalité, celles portant sur les arts et spectacles [ .. .}) auront donc

29

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dépassé les investissements des télédiffuseurs privés pour Fortier, Annie et ses hommes,

Chemin du golf et autres dramatiques [ .. .j.» (Centre d'études sur les médias, 2005, p.1)

De plus, les diffuseurs misent de plus en plus sur les émissions ayant connu du succès aux

États-Unis, en diffusant les versions françaises achetées à très bas coût, comme par

exemple, celles de Grey's Anatomy, Desperates Housewises, Los!, Ho us e, CSl, Criminal

Minds, Ugly Betty, So you thik you can dance ?, Extreme Makeover Home Edition, The

Biggest Looser, etc. Si ce phénomène a certes toujours existé, il n'a jamais été aussi

important dans toute l'histoire de la télévision québécoise qui, jusqu'à la fin des années

1990, consacrait environ deux tiers de sa programmation aux productions étrangères pour

un tiers de productions québécoises - la consommation des Québécois privilégiant dans une

proportion de 66% les productions locales (De la Garde et Paré, 1991). Les données

récentes indiquent que la proportion de productions étrangères traduites en français n'a de

cesse de s'accroître en regard de l'offre télévisuelle globale.

Plus récemment, en 2007, une vague de «super Jeux» a déferlé sur la télévision

québécoise. En effet, Le Banquier, diffusé deux fois par semaine, Paquet voleur et Tous

pour un occupent une place de choix dans la grille horaire. L'apparition et la popularité de

ces nouveaux genres n'est pas sans changer radicalement l'univers télévisuel québécois qui,

auparavant, était axé autour des téléromans, dont plusieurs à grand déploiement. Certains

chroniqueurs culturels ont d'ailleurs exprimé des craintes quant à cette tendance nouvelle

en matière d.e programmation télévisuelle: « Sij'étais scénariste, je m'inquiéterais. Surtout

que l'automne 2007 amène une vague de jeux et de variétés (Paquet voleur, Le banquier,

Thank God You're Here, Le moment de vérité, Tous pour un) ainsi que le retour de Loft

Story et d'Occupation double. » (Dumas, 2007, p. Arts et spectacles1) En effet, nous

soutenons que l'apparition et la popularité de nouveaux genres sont en grande partie

responsables de la baisse de popularité des téléromans et, partant, du nombre de

productions nouvelles proposées chaque année. Sans prétendre que cela soit le fruit d'une

stratégie délibérée et concertée, nous sommes d'avis que certains aspects de la stratégie des

diffuseurs, visant à accroître leurs cotes d'écoute et leurs profits, ont contribué à accélérer,

voire intensifier, la baisse de popularité du genre téléromanesque. Les réseaux de télévision

30

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misent donc maintenant sur «les "téléromans plus" (entre 250 000 $ et 400 000 $ l'heure)

comme Destinées, Annie et ses hommes ou Providence.» (Dumas, 2007, p. Arts et

spectaclesl) Ceux-ci obtiennent des cotes d'écoute respectables et sont appréciés par le

public québécois, mais ne pourront jamais recréer la période d'abondance de production et

de popularité fulgurante qu'a déjà connue le téléroman québécois. Les chroniqueurs, le

public ainsi que les artisans de la télévision doivent faire le deuil de cette période plus que

prospère du genre téléromanesque: «Retrouverons-nous, un jour, Les Filles de Caleb,

Grande ourse, Temps dur, Scoop, Omertà, Un homme mort, Vice caché, Blanche, Fortier,

Marguerite Volant et Jack Carter, qui ont poussé notre télé un peu plus haut, un peu plus

loin? Où sont ces émissions très proches du cinéma qui nous ont fait vibrer et qui ont écrit

plusieurs pages de notre patrimoine télévisuel? Au cimetière, malheureusement. » (Dumas,

2007, p. Arts et spectacles 1)

Lance et compte, bien que considérée comme une série culte, subit elle aussi les

changements qui touchent l'univers télévisuel québécois. Lors de son retour au petit écran

en 200 1, les saisons de Lance et compte ont dû être restreintes à 10 épisodes au lieu des 13

auxquels les téléspectateurs étaient habitués, et ce, en raison des budgets restreints et des

coûts de production élevés. Plus récemment, la 7e saison qui s'intitule Lance et compte : Le

grand duel, a été reportée à l'automne 2009 alors qu'elle devait d'être diffusée en janvier

2009. Cette fois-ci, les revenus publicitaires sont en cause: « Le diffuseur invoque la

situation économique difficile. {{Ce qu'on remarque, c'est que le marché publicitaire est

vraiment sur les freins ", affirme la porte-parole de TVA, Nicole Tardif. »14

14 Therrien, Richard. « Lance et compte reportée à l'automne ». [En ligne]. Cyberpresse http://blogues.cyberpresse.ca/therri en/?p=421 (Page consultée le 4 décembre 2008)

31

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2.4 Définition du téléroman comme genre télévisuel spécifique Afin de penser les représentations téléromanesques et leur potentiel d'influence, nous

devons énoncer une définition complète de ce genre télévisuel. Depuis le début des

recherches sur le téléroman, plusieurs définitions de cet objet d'étude ont été formulées.

Nous débuterons notre description de ce genre télévisuel à partir de la définition proposée

par Véronique Nguyên-Duy dans sa thèse de doctorat Le réseau téléromanesque : analyse

sémiologique du téléroman québécois de 1980 à 1993.

Émission de télévision à caractère fictif et à description de style réaliste, comportant une série d'épisodes en continuité les uns avec les autres, diffusée à périodicité fixe et présentant un cadrage temporel de type séquentiel épisodique, séquentiel enchaîné, ou séquentiel épisodique et enchaîné.

2.4.1 Pour une fiction réaliste

Nous devons, dans un premier temps, insister sur le caractère fictif du téléroman. Bien que

toujours de style réaliste15, le téléroman n'en demeure pas moins une œuvre de fiction, qui

prend naissance dans l'imaginaire du ou des auteurs. Il est important de garder à l'esprit

que nous nous intéressons à l'analyse des représentations sociales qui sont totalement

construites et mises en scène par les artisans de la télévision et non à une quelconque

reproduction ou interprétation de faits vécus. Nous excluons donc consciemment, dans le

cadre de cette recherche, toutes références aux récits télévisuels dits « biographiques », tels

que Simone et Chartrand ou René Lévesque.

1

2.4.2 De la périodicité

Le genre téléromanesque se définit aussi par sa présentation à périodicité fixe. En effet,

chaque téléroman revient à la même plage horaire, hebdomadairement, et voire même de

façon quotidienne. Il s'agit donc d'un concept essentiel à sa définition.

15 Il nous faut mentionner ici le cas de Grande Ourse, téléroman hybride dérogeant du réalisme de la tradition téléromanesque. Cette seule œuvre ne s'aurait invalider le concept de réalisme, mais permet de penser une possible évolution du genre.

32

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2.4.3 Pour une fiction en continuité

La notion de continuité apparaît dans l'une des premières définitions du téléroman, qui fût

formulée par Line Ross en 1976, dans le cadre de son étude Les représentations du social

dans le téléroman québécois. Véronique Nguyên-Duy (1995) reprend partiellement cette

définition dans le cadre de sa thèse de doctorat. Cependant, nous tenons à insister sur le fait

que Ross ne considère pas comme des téléromans certains genres d' émissions (comédies,

policières) dont l'intrigue se conclut au cours de la même émission. Dans le cadre de son

étude, le téléroman doit absolument présenter une continuité dans' l ' intrigue, ce que, selon

elle, certains genres n'exploitent pas.

Depuis Ross, d'autres auteurs ont classifié les téléromans selon deux types distincts: « [ .. .]

le téléroman avec continuité, dans lequel l 'action se poursuit et se développe au cours des

semaines successives; l 'autre le téléroman sans continuité dans lequel chaque épisode

d 'une demi-heure constitue un récit en lui-même. » (Méar, Bellafiore, Martinez-Mailhot,

Mercier et Pons, 1981, p.159) Christine Eddie, pour sa part, désigne ces mêmes types

comme des téléromans à épisodes à continuité ou téléromans à épisodes indépendants.

(Eddie, 1984, p.27)

Véronique N guyên-Duy a donc repris, en partie, la définition de Ross. En partie, car elle a

effectué une intégration extrêmement pertinente de la définition de Ross ·et de la typologie,

largement reconnue, de Jean-Pierre Desaulniers. Celui-ci va en effet plus loin et intègre au

genre téléromanesque les émissions dites indépendantes excluent par Ross. Desaulniers se

distingue par son postulat voulant qu'il n'existe pas de téléroman qui soit totalement

exempt d'une forme ou l'autre de continuité: « Le téléroman est toujours continu, mais

peut présenter un temps séquentiel épisodique, enchaîné, ou épisodique et enchaîné. »

(Ngyuên-Duy, 1995 (a), p.17)

33

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Pour nous également, tout téléroman présente une part de continuité, que ce soit au niveau

des personnages, des lieux .ou des situations récurrentes qui y sont dépeintes. Les

téléromans peuvent certes présenter des épisodes indépendants en ce qui concerne

l'intrigue, mais les personnages, leurs caractères et les lieux où se situent l'action

constituent des aspects qui viennent réfuter les notions de « sans continuité ou d'épisodes

indépendants ».

2.4.4 Cadrage temporel et sérialité

L'utilisation de la notion de cadrage temporel dans la définition de Nguyên-Duy est

inspirée de la notion de «périodicité », entendue comme les différents types de rapports

temporels instaurés par le téléroman et telle que proposée par Jean-Pierre Desaulniers.

(1982 (a), p. 130-131) Cette notion permet de mener une réflexion quant aux particularités

du geme téléromanesque et de réfléchir la nature de ce qui distingue les différents sous­

genres de téléromans. Dans cette perspective, donc, la temporalité téléromanesque se

définit comme un indicateur ou un critère servant à établir une typologie comp~ète des

sous-gemes. Il s'agit aussi d'une sorte de balise de laquelle le téléroman ne déroge que

rarement, une fois que celui-ci adopte un cadrage temporel donné.

Les téléromans, quel que soit le type de temporalité adopté, nous sont toujours présentés en

sérialité, c'est-à-dire en une série d'épisodes diffusés séparément. La sérialité du téléroman

ou sa quotidienneté ainsi que les cadrages temporels utilisés permettent aux téléspectateurs

d'adhérer plus facilement aux représentations sociales qui y sont présentées. Nous ·utilisons

ici le terme «adhérer» non dans le sens «d'adopter» les représentations et de les

reproduire dans la vie de tous les jours, mais bien dans le sens de juger plausibles,

vraisemblables, acceptables, les représentations qui sont données à voir. Donc, la sérialité et

la temporalité du téléroman facilitent l'acceptation des représentations et des valeurs qui y

sont présentées: « Derrière une façade de divertissement, le téléroman se manifeste

clairement comme un système d'influence beaucoup plus large qui transmet des valeurs,

des modes de vie et de pensée, des modèles d'interaction sociale. »(Méar, 1981, p.159)

34

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Seront définis ici les trois sous-genres de téléroman, et ce, afm de comprendre les différents

rapports temporels induits par le téléroman et afin de découvrir le registre de notre objet

étude. Le fait d'en identifier le registre temporel nous permettra de mieux comprendre

comment les intrigues sont construites et de nous renseigner sur la manière d'interroger les

séquences de notre corpus. Chaque épisode de Lance et compte constitue-t-il un récit en soi

ou est-ce l'intégralité des séquences qui contribue à l'avancement global du récit?

Temps séquentiel épisodique

Les téléromans à temps séquentiel épisodique mettent « en situation les protagonistes dans

une totalité d'action qui comporte une histoire par épisode. Ce type se rapproche d 'une

joute sportive où une situation d'équilibre est donnée à chaque début de joute. »

(Desaulniers, 1982 (a), p. 130) Cette définition rejoint celle d'Annie Méar et de ses acolytes

quant au téléroman sans continuité, ainsi que celle proposée par Christine Eddie par rapport

au téléroman à épisodes indépendants. Dans la perspective de Desaulniers, ces émissions

sont donc considérées comme des téléromans à part entière. La majorité des émissions qui

font partie de cette catégorie temporelle ont pour créneau l'humour, et plus spécifiquement

les comédies de situation telles qu' Histoires de filles, Km/h et Catherine.

Temps séquentiel enchaîné

Dans le cas du téléroman à temps séquentiel enchaîné, « chaque émission n'est alors que la

portion d'une trame dont l 'enchaînement est continu. » (Desaulniers, 1982 (a), p.131) C'est

précisément ce type de téléroman que Méar et Eddie définissent comme étant «à

continuité ». Nous y retrouvons une intrigue principale qui se développe sur une longue

période de temps. Celle-ci renferme plusieurs sous-intrigues qui se déploient et trouvent

leur dénouement après quelques émissions. Parmi ·les téléromans qui adoptent ce cadrage

temporel, mentionnons: L 'auberge du chien noir, Annie et ses hommes, Rumeurs et Lance

et compte. Il s'agit donc ici du cadrage temporel que nous devrons étudier tout au long de

cette recherche.

35

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Temps épisodique et enchaîné

Le temps épisodique et enchaîné est le temps le plus rareJI1ent exploité dans les téléromans

québécois. Chacun des épisodes présente une action qui trouve sa solution et se résout à la

fin de l'épisode, « mais en plus chaque solution donne lieu à 1 J évolution globale du .

feuilleton.» (Desaulniers, 1982 (a), p.131) Ce cadrage est surtout utilisé lorsqu'un

téléroman tente de procéder à un changement de registre. Il s'agit surtout de comédies de

situation à temps séquentiel épisodique qui s'engagent graduellement vers une temporalité

épisodique et enchaînée dans le but d'augmenter leur potentiel dramatique. (Nguyên-Duy,

1995 (a), p.17) Donc, lorsque des téléromans québécois ont recours au temps épisodique en

enchaîné, il s'agit presque qu'exclusivement de téléromans hybrides effectuant un

changement de registre, comme cela a été le cas pour Poivre et sel et Chop-Suey.

36

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Chapitre 3 : Cadre méthodologique Le présent chapitre présente le cadre méthodologique. La première partie traite de la constitution du corpus d'analyse. La deuxième partie présente les hypothèses de recherches retenues et les objectifs poursuivis. La troisième partie présente et décrit la technique de recherche employée. La quatrième partie présente les dimensions, variables et catégories analytiques utilisées.

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3.1. Constitution du corpus Notre ensemble de données est constitué des séquences du téléroman Lance et compte où

l'on retrouve chacun des personnages étudiés ainsi que les séquences où il est question de

ces personnages. Ces séquences ont donc été tirées des treize épisodes de Lance et compte 1

et des huit derniers épisodes de Lance et compte: Nouvelle génération. En effet, le

personnage de Michelle Béliveau n'apparaît qu'au troisième épisode de cette série qui en

comporte dix au total. D'ailleurs, ces saisons consti.tuent les premières apparitions

télévisuelles de ces. deux personnages. Dans le cas de Jacques Mercier, il s'agit de la seule

saison où le personnage occupe le poste d'entraîneur du National dans tous les épisodes, car

il quittera ses fonctions dans les premiers épisodes de Lance et compte Il. Ainsi, les autres

saisons de la série ont été écoutées et prises en compte afin de rehausser notre connaissance

de l'univers diégétique du récit qu'est Lance et compte et pour connaître l'évolution des

personnages que nous étudions. La constitution du corPus s'est faite en privilégiant comme

unité d'analyse la séquence, entendue comme: « une unité de scénarisation [qui) constitue

l'organisation de plans autour d'un même lieu et d'un même moment.» (Grand

dictionnaire tenninologique, 1983) Toutes les séquences dans lesquelles apparaissent les

personnages étudiés ou, encore, où ces derniers sont directement évoqués, ont été jugées

pertinentes aux fins d'analyse. Ces séquences seront d'ailleurs considérées comme la trame

d'une histoire qui se développe dans le temps et non traitées comme des séquences dont les

contenus sont sans liens. En effet, nous avons démontré au deuxième chapitre que Lance et

compte est un téléroman à temps séquentiel enchaîné qui présente une intrigue principale

qui se développe sur une longue période de temps. Dans les deux saisons étudiées, 111

séquences ont été retenues pour le personnage de Jacques Me~cier alors que 92 séquences

ont été retenues pour le personnage de Michelle Béliveau. Le tableau suivant présente la

répartition des séquences composant notre corpus, et ce, selon les personnages.

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Tableau 3.1 Composition du corpus

Répartition des séquences du corpus

Lance et compte 1 Lance et compte: Nouvelle génération

Jacques Mercier Michelle Béliveau

Numéro de l'épisode Nombre de Numéro de Nombre de séquences séquences l'épisode

1 8 1 0 2 13 2 0 3 9 3 9 4 13 4 15 5 5 5 9 6 7 6 8 7 3 7 8 8 3 8 Il 9 3 9 15 10 5 10 17 Il 10 12 Il 13 21

Total des séquences: 111 Total des séquences: 92

Il va sans dire que, considérant le support sur lequel se retrouve notre ensemble de données,

nous avons dû procéder à un traitement préalable à l'analyse. En effet, une transcription des

dialogues et des actions a été effectuée et le verbatim s' est avéré pour nous un outil

essentiel afin de mener à bien l'analyse du corpus décrit ici. De plus, nous considérons

l'étape de la transcription comme étant très importante, car elle « marque un temps d 'arrêt

qui force le chercheur à la réflexion. » (Deslauriers, 1987, p.146)

3.2 Approches . La notion d'objectivité est-elle mieux desservie par une analyse de nature qualitative ou

quantitative? Au sein de la communauté scientifique existent deux écoles de pensée: les

tenants de l'approche quantitative et les tenants de l'approche qualitative. Pour le premier

39

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groupe, l'analyse quantitative consiste à réduire le contenu étudié à des catégories

analytiques qui permettent d'effectuer un traitement statistique: distribution de fréquence,

corrélation, analyse factorielle, etc. (Landry, 2002, p. 341) Les adhérents à cette approche

affirment que les liens, corrélations, ressemblances et différences qui émergent des

traitements statistiques effectués sur les données étudiées sont « la seule façon de

déterminer objectivement la signification des messages analysés. » (Landry, 2002, p.342)

Les défenseurs de l'approche qualitative, pour leur . part, formulent des catégories

analytiques qui sont employées aux fins de description des particularités des données

étudiées. Ceux -ci « cherchent à déterminer la signification du matériel analysé en restant

fidèles aux particularités des contenus». (Landry, 2002, p.342) Ils sont d'avis que c'est

dans les significations qui s'en dégagent que se trouve la spécificité des messages et non

dans le dénombrement systématique de certaines caractéristiques.

Ainsi, il apparaît quasi impossible de réconcilier ces deux écoles de pensée que tout semble

opposer. Cependant, cette dichotomie tend à s'estomper au profit du courant appelé

«mixed methods»: « [ .. .] mixed methods research, employing the data collection

associated with both forms of data, is exp an ding. » (Cresswell, 2002, p.208) De Bonville

est d'avis que ces àpproches ont effectivement tout à gagner à s'inspirer l'une de l'autre.

(2006, p.12) Landry adhère également à cette position en affirmant que découvrir la

signification des messages exige le concours des deux approches : « l'analyse quantitative

permet d'éviter le piège de la subjectivité en s'éloignant des particularités des contenus

alors que l'analyse qualitative permet de rester fidèle aux particularités des contenus au

prix d 'une certaine subjectivité. » (2002, p.342) Dans le cas présent, bien que nous

reconnaissions les avantages de l'approche des « mixed methods », nous avons choisi, pour

des raisons plus pragmatiques qu'idéologiques, de limiter notre recherche à la seule

perspective quantitative.

40

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3.3 Technique choisie: l'analyse de contenu Plusieurs techniques de recherche sont utilisées pour les études en communication, mais

très peu ont été développées pour ce champ d'études spécifique. Par exemple, l 'analyse de

discours est régulièrement employée par les chercheurs en communication, mais celle-ci

tire son origine des disciplines telles que la linguistique et les études littéraires. Pour sa

part, l ' analyse de contenu se classe dans la catégorie peu fréquentée des techniques créées

avec le seul objectif d'interroger les faits de communication. C'est d'ailleurs une des

raisons qui explique que «depuis plus d 'un demi-siècle, c 'est une des techniques de

recherche les plus fréquemment employées par les chercheurs en communication. » (De

Bonville, 2006, p.9) Bien que les règles de l'analyse de contenu aient été véritablement

énoncées au cours des années 40 et 50, c'est indéniablement au début du XXe siècle que

celle-ci voit le jour « avec l 'essor de la prodt!ction de masse des quotidiens américains. »

(Landry, 2002, p.339) Selon la définition émise en 1952 par Berelson, l'analyse de contenu,

en tant que technique, vise la description du contenu manifeste des médias, et ce, de

manière systématique, objective et quantitative. (De Bonville, 2006, p.9) « Le corol/aire

nécessaire de l'objectivité de l'analyse de contenu est son caractère systématique. [ .. .)

Tous les messages doivent être soumis aux mêmes règles, de manière identique. » (De

Bonville, 2006, p.ll) Une analyse dite objective doit donc pouvoir être reproduite, dans les

mêmes conditions que l'étude initiale, et parvenir à des résultats identiques.

3.3.1 Justification de la technique choisie

Notre corpus téléromanesque se prête-t-il à l'utilisation de l'analyse de contenu? Selon Jean

de Bonville (2006, p. 13) ce type d'analyse a pour objet le contenu même du message,

celui-là que l 'on peut capturer et immortaliser sur différents supports physiques, comme le

papier, les microfilms, les films et les bandes magnétoscopiques ou magnétiques. La

technique retenue semble donc, sur ce point, convenir parfaitement à la forme de notre

objet d'étude.

41

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Comme il a été mentionné au chapitre 1, nous · aspirons aussi à produire la première étude

québécoise traitant de la représentation des genres féminin et masculin conduite sur un

corpus constitué de séquences téléromanesques. Et, dans l'optique où la technique de

l'analyse de contenu « aide à produire un savoir original, des connaissances nouvelles;

[ .. .) contribue à établir les faits, à élargir les perspectives ou à corriger des perceptions »,

nous considérons que le recours à l'analyse de contenu s'avère un excellent moyen

d'atteindre cet 0 bj ectif. (De Bonville, 2006, P .11 )

Il existe d'autres avantages à recourir à cette technique d ' analyse. En effet, elle revêt

certaines caractéristiques qui en font une technique tout indiquée pour être utilisée selon

divers contextes de recherches. (De Bonville, 2006, p.15) Les données contenues dans

notre corpus sont non structurées; elles se prêtent donc parfaitement à l'analyse de contenu,

car « les messages analysés sont considérés dans leur forme originale. C 'est le p rocédé

analy tique qui s'adapte à la réalité de la communication plutôt que l 'inverse.» (De

Banville, 2006, p.16) De plus, notre corpus est composé de quelque 203 séquences ayant

été diffusées, pour les plus anciennes, il y a 22 ans. L'analyse de contenu s'avère donc

pertinente en ce qu'elle se prête à l'étude des médias de masse, des données nombreuses et

aux études de types diachroniques. (De Banville, 2006, p.16)

3.3.2 Hypothèses de recherche

Afin de répondre à la question de recherche présentée au premier chapitre, nous avions

énoncé une hypothèse principale. Cette hypothèse est que la représentation des personnages

d'entraîneurs varie en fonction du genre. Nous allons également énoncer deux hypothèses

spécifiques relatives à certains aspects en lien avec les caractéristiques définissant le genre

et qui, selon nous, méritent d'être interrogés. En effet, ces hypothèses spécifiques sont

requises, car l'hypothèse principale est trop générale pour la vérifier telle quelle. (De

Banville, 2006, p.57)

42

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,..----------- - - --- -------~--

Les hypothèses spécifiques s'énoncent comme suit:

1. Les personnages d'entraîneurs masculin et féminin sont impliqués dans des échanges interpersonnels et professionnels de types différents.

2. Les personnages d'entraîneurs sont présentés dans des types de lieux différents.

La pertinence des aspects retenus et des hypothèses spécifiques énoncées ici sera démontrée

dans la partie suivante, lors de la présentation des dimensions retenues aux fins d'analyse.

3.4 Présentation du cadre opérationnel « Le cadre opérationnel forme un élément central [. . .) du travail de recherche dans la

mesure où il spécifie ce que nous allons analyser précisément pour vérifier notre

hypothèse. » (Mace et Pétry, 2000, p.53) La partie qui suit présente et définit les deux

dimensions d'analyse que nous avons utilisées. Sont ensuite formulées les défmitions

opératoires de nos variables et de leurs valeurs respectives. Nous y présenterons ensuite un

tableau synthèse regroupant toutes les dimensions, variables et valeurs de notre étude.

3.4.1 Dimensions retenues 16

Le concept de genre, tel que défini au premier chapitre, englobe les aspects psychologiques,

sociaux, physiques et culturels des personnages féminin et masculin étudiés. Nous avons

retenu deux de ces aspects afin d'en constituer nos dimensions de recherche. En effet, nous

allons concentrer notre attention sur les aspects psychologiques et sociaux de nos

personnages. Nous sommes d'avis que ce sont les deux aspects qui nous permettront

d'analyser la représentation des genres avec le plus de précision et c'est pourquoi nous

avons énoncé nos hypothèses spécifiques sur la base de ces deux aspects. Comme nous

étudions des personnages téléromanesques et que nous n'avons pas accès à leurs pensées,

mais bien à leurs actions et paroles, nous avons choisi, afin d'examiner la psychologie des

) 6 Sont présentées ici les dimensions retenues et leur pertinence. Celles-ci sont cependant définies plus en détail lors de la présentation des variables s'y rattachant.

· 43

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personnages étudiés, de nous attarder à la dimension relationnelle, c'est-à-dire aux types de

relation qu'ils entretiennent ainsi qu'aux types d'échanges verbaux dans lesquels ils sont

impliqués. Il va sans dire que cela touche aussi la dimension sociale dans la mesure où les

relations interpersonnelles ne s'actualisent pas ex nihilo et s'inscrivent dans des contextes

sociaux plus larges qui définissent des modalités relationnelles adaptées. Ainsi en va-t-il,

par exemple, des relations professionnelles qui, bien que tributaires des compétences et

attitudes (inter)personnelles, sont néanmoins balisées par des normes sociales permettant,

d'évaluer la pertinence d'adopter tel ou tel comportement dans un tel contexte, ce jugement

pouvant s'appliquer à soi-même ou à autrui. Afin, donc, de développer plus amplement cet

aspect, nous avons élaboré la dimension de la localisation. Grâce à celle-ci, nous pourrons

situer les personnages selon les lieux où ils sont présentés et, nous espérons ~insi, améliorer

notre compréhension des liens qui se tissent entre le contexte social dans lequel évoluent

les personnages et la nature même des rapports relationnels qu'ils y entretiennent.

L'aspect physique des personnages comme constituant du concept de genre n'a pas été

totalement rejeté au cours de notre analyse. Nous avons en effet inclus dans nos variables

d'identification présentées ci-après, le type de présence des personnages, c'est-à-dire s'il

s'exprime verbalement ou non dans les séquences analysées. Nous pourrons donc examiner

si les personnages féminin et masculin sont présentés dans des échanges non verbaux qui

impliquent une communication dite «physique» et lorsque s'avère être le cas, quelles sont

les émotions qu'ils expriment physiquement. Nous avons consciemment choisi de ne pas

. nous attarder aux qualités physiques des protagonistes, telles que la beauté, la laideur, la

grosseur, etc. En effet, nous jugeons plus pertinent, dans l'optique de produire de nouvelles

données à l'aide .du concept de genre, de nous attarder à la communication non verbale des

protagonistes plutôt que de décrire leurs caractéristiques physiques.

Pour ce qui est de l'aspect culturel des personnages, nous avons consciemment décidé de ne

pas nous y attarder dans le cadre de cette recherche. Comme nous ne connaissons ni l'âge

exact, ni la région d'origine de nos protagonistes, et que ceux -ci évoluent dans le même

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environnement de travail et dans le même milieu culturel, nous ne croyons pas que cet

aspect puisse nous en apprendre autant que les autres aspects reliés au genre en ce qui

concerne la construction des personnages. Ceci pris en compte, nous avons choisi de nous

concentrer exclusivement sur la dimension relationnelle et la dimension de localisation.

Dans le cadre de notre étude, nous avons utilisé deux types de variables afin de vérifier nos

hypothèses. Aux fins de repérage et de classification, nous avons utilisé des variables

d'identification et pour interroger notre corpus nous avons élaboré des variables de

recherche, découlant des dimensions retenues.

3.4.4.1 Les variables d'identification

Tableau 3.2 Variables d'identification

Types de variables Variables

Nom du téléroman

Identification du personnage

Type de présence Variables d'identification

Numéro de l'épisode

Numéro de la séquence

Temps de la séquence

Valeurs

Lance et compte 1, Lance et compte : Nouvelle génération

Mercier Béliveau Verbal Non-Verbal Absent(e)

1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12,13.

1,2,3 ........................... 111

Unité de temps (ex: 02 :33)

Les variables d'identification réfèrent aux informations de classification et de repérage.

Elles permettent de classer et de repérer efficacement les données d'une analyse. Chacune

des séquences contenues dans notre corpus s'est donc vue attribuer un code

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d'identification. Pour ce faire, six catégories analytiques ont été utilisées et celles-ci sont

décrites ci-dessous.

Le « nom du téléroman » renvoie à la saison de Lance et compte dont il est qùestion. Les

deux possibilités sont: Lance et compte 1 et Lance et compte: Nouvelle génération.

« L'identification du personnage» réfère au personnage d'entraîneur dont il est question

dans cette saison du téléroman. M réfère au personnage masculin Jacques Mercier

(première saison) et B réfère au personnage féminin Michelle Béliveau (quatrième saison).

Le « type de présence» décrit la manière dont le personnage est exploité dans une séquence

précise; lorsque le personnage s'exprime, la séquence . est classée sous V, pour verbal,

lorsque le personnage ne s'exprime pas verbalement la séquence est classée sous NV, pour

non verbal. Lorsque que le personnage d'entraîneur est absent et que d'autres personnages

s'expriment à son sujet, la séquence est classée sous A, pour absent(e). Le «numéro de

l'épisode» réfère aux numéros identifiant chacun des épisodes des deux séries analysées.

Dans le cas de Lance et compte 1, il existe 13 épisodes identifiés de 1 à 13 et dans le cas de

Lance et compte: Nouvelle génération, il existe 1 0 épisodes identifiés de 1 à 10. Le

«numéro de la séquence» sert à identifier les séquences contenues dans chacun des

épisodes identifiés précédemment. Cette variable pourra donc nous renseigner sur le

nombre de séquences consacrées à chacun des personnages étudiés. Le « code temporel de

la séquence» renvoie au temps précis du début d'une séquence; cette même séquence étant

contenue dans un épisode précis, d'une des deux saisons étudiées. Cette dernière indication

n'a ici d'autre utilité que de nous permettre un repérage rapide et systématique de nos

données lors de l'étape de l'analyse.

Chacune des séquences répertoriées est donc identifiée par un code qui permet de la repérer

facilement. Le code B-V-3 :1 (13 :25) identifie le personnage de Michelle Béliveau (Lance

et compte: Nouvelle génération), nous informe qu'il s'agit d'une séquence où elle

s'exprime verbalement et nous permet de la situer, en indiquant qu'il s'agit de la première

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séquence du troisième épisode de cette saison et que celle-ci débute à treize minutes vingt­

cinq secondes.

3.4.2 Définitions des dimensions et variables de recherche

3.4.2.1 Dimension relationnelle

Tableau 3.3 Variables dimension relationnelle

Types de variables Variables Valeurs

Professionnelle: Variables de recherche Échap.ges axés sur la tâche

Échanges de mentorat

Types de relations .Échanges conflictuels

Dimension relationnelle Personnelle

Le concept de relation renvoie à un rapport existant entre des personnes. (Multi

Dictionnaire de la langue française, 2003, Relation, p.1259-60) Ici, le « type de relation»

réfère à la relation qui se tisse entre les personnages, dans chacune des différentes

séquences répertoriées lors de la constitution du corpus. Nous croyons que le fait de nous

attarder aux types de relation dans lesquelles nous sont présentés les personnages masculin

et féminin que nous étudions nous permettra de faire ressortir les différences et/ ou les

similitudes dans la manière dont ils sont construits et dont ils évoluent. Nous croyons

pertinent de concentrer nos efforts d'analyse sur les relations professionnelles et

personnelles en regard du type de données que nous étudions et de la visée. que nous

poursuivons dans cette étude. En effet, nous étudions une œuvre téléromanesque qui,

comme l'impose le média, doit présenter des personnages qui entretiennent divers types de

relations. Nous savons déjà que Lance et compte dépeint le monde du hockey professionnel

ainsi que la vie personnelle de certains personnages clés, ce qui vient appuyer nos choix

quant aux deux types de relations que nous privilégions.

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Sont présentées ici les définitions opératoires du système catégoriel utilisé pour le

classement des séquences, et ce, en fonction du type de relations convoquées.

La catégorie relationnelle «professionnelle» comprend les séquences où le discours ainsi

que les échanges non verbaux (regards, attitudes) sont spécifiquement reliés à la sphère

professionnelle. Cette catégorie englobe trois sous-catégories, définies ci-dessous.

La sous-catégorie des « échanges axés sur la tâche» réfère à des échanges professionnels

harmonieux qui ont pour but de mener à bien les tâches pour lesquelles les employés

impliqués ont été engagés. Sont donc exclus de cette catégorie les échanges entre employés

axés sur d'autres sujets que le travail à accomplir, comme la famille ou les amours, ou tous

les échanges professionnels de nature conflictuelle. Sont inclus dans cette catégorie les

échanges professionnels survenant lors de réunions de travail, comme lorsque l'équipe

d'entraîneurs prépare le prochain plan de « match» ou qu'un agent rencontre son client, les

échanges survenant dans un contexte de prises de décisions importantes, comme le choix

du proc~ain repêchage, ainsi que dans le cadre de l'annonce d'une directive, comme celle

annoncée par un entraîneur, soit dans le vestiaire ou lors d'une partie ou d'une séance

d'entraînement.

La sous-catégorie des «échanges conflictuels» réfère à des échanges professionnels

disharmonieux entre employés, quel que soit leur rang hiérarchique. Sont donc exclus de

cette catégorie, les échanges conflictuels axés sur d'autres sujets que le travail, comme la

famille ou les amours, ou tous échanges professionnels de nature harmonieuse. Sont inclus

dans cette catégorie les échanges conflictuels résultant de la contestation d'une décision ou

du rejet d'une directive, comme lorsque l'entraîneur rejette systématiquement une demande

répétée de la haute direction ou qu'un joueur refuse de suivre les directives de son agent.

Sont aussi inclus les échanges conflictuels prenant la forme d'attaques dirigées vers un

employé, comme dans le cas où l'entraîneur s'en prend à un joueur dans le vestiaire, devant

48

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ses coéquipiers ainsi que les échanges conflictuels prenant la forme d'un ultimatum,

comme dans le cas où un joueur, en référant à l'entraîneur, afftrme que «c'est lui ou moi ».

La sous~catégorie « échanges de mentorat» 17 a été élaborée d'après les travaux de Janet

Holmes (2003, 2005) qui, s'inspirant des propositions de Kram (1988), de Murray (1991),

de Mink et coll. (1993) et de Dymock (1999), visaient à produire une déftnition

opérationnelle et moins restrictive de ce concept. Holmes déftnit donc le mentorat comme

étant un discours « intented ta pra vide suppart and guidance ta a subardinate far the..

purpose or enhancing the progress of their career, while a/sa furthering the goals of the

organisation. » (Holmes, 2005, p.1782) Cette déftnition englobe d'ailleurs spéciftquement

les activités de «coaching», de « conselling » et de « career guidance. » (Holmes, 2005,

p.1782) En effet, les relations de mentorat permettent aux protagonistes impliqués

d'échanger sur des sujets relevant de la sphère privée, si cela a une incidence sur leur

rendement professionnel, comme lorsque le rendement d'un joueur est affecté par une

séparation amoureuse et tout ce qui en découle. Donc, lorsque des problèmes personnels,

amoureux ou familiaux sont abordés entre l'entraîneur et le joueur aftn d'améliorer le

rendement professionnel du joueur en question, cette relation est considérée comme étant

professionnelle. Les échanges de mentorat peuvent être très directs et aller droit au but,

c'est-à-dire énoncer clairement des conseils visant à atteindre le but fixé ou être plus. subtils

et indirects et se produire dans un contexte «of routine interactions as opposed ta within

'official ', explicit mentoring or performance session review. » (Holmes, 2005, p.1783) Les

échanges inclus dans cette catégorie n'ont donc pas pour préalable de se dérouler de façon

. statutaire, mais peuvent tout aussi bien avoir lieu au restaurant ou à l'aéroport entre deux

aVIons.

La catégorie relationn~lle «personnelle» réfère à tous les échanges ayant pour sujets les

relations privées, amoureuses ou familiales des personnages étudiés. Sont donc inclus dans

17 Le terme mentorat étant reconnu par l'Office québécois de la langue française comme l'équivalent du term~ anglais « mentoring », nous utiliserons donc ce terme dans la rédaction du présent docuf!1ent.

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cette catégorie tous les échanges de nature amoureuse ou familiale des protagonistes,

comme dans le cas où un personnage déjeune avec sa famille ou soupe avec son conjoint ou

sa conjointe ou encore lorsqu'un personnage visite un membre de sa famille à l 'hôpital.

Sont donc exclus de cette catégorie tous les échanges poursuivant un objectif professionnel

ainsi que tous les échanges de mentorat abordant des sujets de nature privés.

Il est à noter que, dans de très rares cas, certaines séquences ne pourront être classées à

l ' aide de ces catégories et seront donc considérées comme «non pertinentes ». En effet,

dans le cas de séquences où le personnage étudié est seul ou dans les cas où il n'a aucun

contact verbal, ni même visuel avec les autres protagonistes, il devient alors impossible de

catégoriser ces séquences en regard des variables de la dimension relationnelle, telles que

définies ci-dessus.

3.4.2.2 Dimension de la localisation

Tableau 3.4 Variables dimension de localisation

Types de variables Variables Valeurs

Variables de recherche de production

Lieux de pouvoir d'habitat

Dimension de localisation d'échange extérieurs

La dimension de la localisation fait ici référence aux lieux où évoluent les personnages

étudiés dans chacune des séquences répertoriées. Nous croyons que le fait de nous attarder

aux lieux où nous sont présentés les personnages pourra nous en apprendre beaucoup sur la

manière dont ils sont construits. En effet, effectuer une description spatiale permet

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d'inscrire les faits en les situant: tout espace produit un discours. 18 Nous tenterons donc

d'articuler le discours des personnages au discours spatial. Notre but premier étant de nous

attarder à l'analyse du récit que constitue Lance et compte, cela implique de faire la

distinction entre la diégèse, « c'est-à-dire l 'histoire et le monde construit par le texte et

n'existant que par ses phrases, son organisation, etc. , et le référent, c 'est-à-dire le "hors­

texte". » (Reuter, 2000, p.12) Ce« hors-texte» constitue le monde réel dans lequel nous

vivons ainsi que nos catégories de saisie du monde qui existent en dehors du texte singulier,

mais auxquels ce texte renvoie. (Reuter, 2000, p.12) Donc, il est primordial de préciser que

nous analysons la diégèse du téléroman Lance et compte, c'est-à-dire l'univers fictif qui y

est présenté. Nous devons considérer les lieux de cet univers diégétique du point de vue des

personnages qui y évoluent et non du point de vue du monde réel. En effet, pour les gens de

Québec, le Colisée est un lieu de jeu où la plupart des espaces, à l'exception de

l'amphithéâtre, sont inaccessibles, alors qu'une fois considéré du point de vue des

personnages, le Colisée devient un lieu de production où il est facile d'accéder.

Dans un premier temps, nous avions tenté de classifier les lieux selon la typologie décrite

par Jean-Pierre Desaulniers dans son livre La télévision en vrac (1982). Cependant, après

réflexion, nous avons décidé de ne pas nous y référer car plusieurs aspects de cette

typologie sont, selon nous, inadéquats pour nous renseigner sur la vraie nature des usages

des lieux. Nous pouvons produire comme exemple le fait que tous les lieux où l'on retrouve

des échanges de production et de collaboration y sont classés sous le terme «Lieux

domestiques ». Le livre de Desaulniers ayant été écrit en 1982, la typologie des lieux qui

s 'y retrouve a été élaborée selon les téléromans produits à cette époque, ces derniers étant

reconnus comme des «téléromans de cuisine» dans lesquels les conversations et les

rebondissements touchent particulièrement la sphère personnelle et familiale et desquels la

sphère professionnelle est presque totalement évacuée. En 1976, Line Ross dans son article

«Les représentations du social dans les téléromans québécois» démontre bien que le

monde du travail est absent de la thématique des téléromans et que « le travail n'existe que

18 Didier, Dominique. Quand on parle de lieux ... [En ligne]. http://www.trigofacile.com/ jard ins/chronica/curiosité/0302-lieux.html (page consultée le 29 mars 2006)

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sous l'aspect du statut occupationnel, sans référence à l'activité quotidienne concrète. »

(p.226) Jacqueline Ascah dans son texte «Les téléromans, ces contes bien-aimés des petits

et des grands» (1986) démontre que, même si, avec le temps, les téléromans nous ont

présenté d'autres lieux que la cuisine, tels le salon et le bureau, les conversations demeurent

tout de même centrées sur la vie personnelle des protagonistes. Nous comprenons donc

pourquoi Desaulniers avait classifié les lieux de production et de collaboration sous le

terme « domestiques ».

Cependant, une rupture téléromanesque importante apparaît au milieu des années 80. En

effet, à partir de cette période plusieurs téléromans ont intégré des lieux de travail et des

conversations professionnelles à leur scénario: le monde du hockey professionnel dans

Lance el compte, l'univers du journalisme dans Scoop, le monde de la politique provinciale

dans Monsieur le ministre ou de la politique municipale dans Marilyn, l'univers du milieu

hospitalier dans Urgence ou celui de la télévision dans Réseau. Donc, depuis que les

histoires des téléromans se sont diversifiées et sortent de la cuisine et de la sphère

personnelle, le terme « dome~tique » ne semble désormais plus approprié afin de décrire les

lieux où l'on retrouve des relations de production et de collaboration.

Pour catégoriser les différents lieux convoqués dans le téléroman étudié, nous nous sommes

inspirées des' cinq catégories de lieux décrites par Armand Frémont dans son livre La

géographie sociale (1984). Ce livre traite particulièrement des rapports entre les hommes et

les lieux. Selon Frémont, la géographie sociale « se définit comme une géographie des faits

sociaux et comme une sociologie des faits géographiques. » (1984, p.16) Les catégories

élaborées par Frémont ont pour but de classifier les lieux selon leur usage ou leur fonction

sociale, ce qui s'avère extrêmement pertinent pour nous, dans l'optique où nous tentons

d'établir un lien entre le type de relation convoqué et les lieux où ces relations le sont. Les

catégories possibles de la dimension de localisation sont: lieux de production, lieux

d'habitat, lieux d'échange, lieux de pouvoir et lieux extérieurs.

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Sont ici présentées les définitions opératoires du système catégoriel utilisé pour le

classement des séquences, et ce, en fonction du lieu où se situe l'action.

La catégorie « lieux de production» réfère à des lieux de travail où des employés exercent

la fonction pour laquelle ils sont rémunérés. La pratique de ces lieux se traduit par les

horaires, déplacements et modalités de travail s 'y rattachant ainsi que par l'expression de

solidarités et de conflits. Sont inclus dans cette catégorie les bureaux d'entraîneurs, les

salles de réunion, de conférence de presse ou de visionnement vidéo, le vestiaire des

joueurs, le salon des joueurs ainsi que la patinoire, que ce soit pour un entraînement ou une

partie. Aussi, comme le travail d'entraîneur et de hockeyeur implique de nombreux

déplacements ainsi que des modalités de travail spécifiques, nous incluons dans cette

catégorie tous les lieux servant aux déplacements, tels que l'aéroport, les avions et les

autobus. Même si la fonction sociale d'un autobus ou d'un avion est de transporter les gens

d'un endroit à un autre, dans le cas présent, son usage ,en est aussi un de production, car

plusieurs discours ou échanges de nature professionnelle, entre les membres de

l'organisation, ont lieu lors de ces déplacements. De plus, les horaires et les déplacements

reliés à leur travail obligent les équipes de hockey à loger très souvent dans des complexes

hôteliers. Nous intégrons donc à cette catégorie les chambres d'hôtel dans lesquelles les

personnages doivent séjourner à cause de leur travail ainsi que les lobbys d'hôtel où les

personnages se rassemblent, soit pour prendre possession de leur chambre ou pour

rencontrer quelqu'un, et où l'entraîneur s'installe afin de faire respecter le couvre-feu. Nous

intégrons ici un lieu que nous pouvons qualifier de « cas limite », soit la salle de traitement

(hôpital) où se rend souvent le fils de Jacques Mercier. Nous le considérons comme un lieu

de production, car le personnel hospitalier qui gravite et interagit avec Jimmy, Jacques et

Judy, exerce la fonction pour laquelle il est rémunéré. De plus, il s'agit d'un lieu de

production dans la mesure où Jimmy Mercier, avec le support de Jacques qui agit en

quelque sorte comme son entraîneur personnel, tente de retrouver l'usage de ses jambes et

que cela constituerait leur ultime rémunération à tous les deux. Il est à mentionner

qu'aucune des autres catégories de lieux présentées dans notre système catégoriel ne peut

53

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englober, de près ou de loin ce lieu particulier. Il s'agit donc du seul cas limite répertorié

dans notre corpus.

La catégorie «lieux d'habitat» renVOIe à l'univers des relations familiales et de la

maisonnée. Il s'agit de lieux où s'exprime l'affectivité et où les travailleurs régénèrent leur

« force de travail» par le repos. Nous incluons dans cette catégorie toutes les pièces de la

maison familiale d'un personnage: vestibule, cuisine, chambre à coucher, salon, salle à

manger.

La catégorie « lieux de pouvoir» réfère aux lieux « où le pouvoir s'affiche ». Ces lieux se

concrétisent par une actualisation symbolique du pouvoir et de l''lutorité (objets d 'art,

bureaux avec secrétaires) et ne font l'objet d'un usage fréquent que pour un groupe très

restreint d'individus. Ces lieux sont les bureaux des membres de la direction et de

ministres, où il y a des secrétaires, et où tous doivent s'annoncer pour que l'accès leur soit

accordé. De plus, nous intégrons à cette catégorie la passerelle de la direction dont l'accès

est extrêmement restreint et dont l'emplacement privilégié en hauteur exprime l'autorité.

La catégorie « lieux d'échange» englobe les lieux sociaux où s'expriment la sociabilité et

le besoin de communication. Il peut s'agir d'échanges liés à la sphère professionnelle, mais

surtout d'échanges sur des sujets relevant de la sphère privée. Les lieux d'échange incluent

les restaurants, bars et quelquefois, les lieux qui peuvent y mener. En effet, le centre

commercial que les personnages doivent traverser afin de se rendre au restaurant 7 de Marc

Gagnon est inclus dans cette catégorie, car les échanges s'amorcent souvent à cet endroit et

se poursuivent au restaurant. Nous y incluons aussi les bars et les restaurants d'hôtel, parce

que comparativement aux lobbys et aux chambres d'hôtel qui constituent des modalités de

travail spécifique à l'emploi de coach et de hockeyeur, rien n'oblige les protagonistes à se

rendre au restaurant (et non à recourir au service aux chambres) ou au bar de l 'hôtel, si ce

n'est que le besoin de communication et l'envie de socialiser. Les échanges téléphoniques

font aussi partie de cette catégorie dans la mesure où nous sommes d'avis que, dans les

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séquences répertoriées, les lieux où se trouve chacun des protagonistes, au moment de

l'appel téléphonique, n'apportent aucune information supplémentaire au récit.

La catégorie « lieux extérieurs» renvoie à des lieux où les indices visuels permettent sans

aucun doute d'affirmer que l'environnement présenté est extérieur, c'est-à-dire dehors, hors

des périmètres habituels où sont tournées les séquences. Cette catégorie a été retenue sur la

base des écrits de Frémont (1984) et parce que notre corpus comporte des séquences

extérieures, mais nous avons constaté, dans les séquences répertoriées, qu 'elle ne porte

aucun discours particulier et c'est pourquoi nous la limitons aux indices visuels.

Les variables présentées sont opératoires dans le sens où elles répondent aux trois

exigences posées pour y arriver. (Mace et Pétry, 2000, p.62 ; De Bonville, 2006, p.69) Les

définitions opératoires de nos variables sont, comme le demande la première exigence,

pertinentes et exhaustives, c'est-à-dire qu'elles sont énoncées dans le sens même donné à la

variable dans le cadre de cette recherche spécifique et qu'elles en couvrent tous les aspects,

de ce qui y est inclus jusqu'à ce qui en est exclu. Ensuite, nos variables sont opératoires, car

elles nous permettent de repérer et de dénombrer leurs différentes manifestations.

Finalement, nos définitions opératoires offrent un repérage uniforme, c'est-à-dire qu 'elles

sont suffisamment précises « pour permettre la réplication exacte par d 'autres

chercheurs. » (Mace et Pétry, 2000, p.63)

Le tableau 3.5 présente une synthèse de toutes les dimensions, variables et catégories

analytiques retenues pour notre analyse de contenu.

55

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56

Tableau 3.5 Synthèse dimensions et variables

Types de variables Variables Valeurs

Variables d'identification Nom du téléroman Lance et compte l , Lance et compte.' Nouvelle génération

Identification du personnage Mercier Béliveau Verbal

Type de présence Non-Verbal Absent(e)

Numéro de l'épisode 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12,13.

Numéro de la séquence 1,2,3 ........................... 111

Temps de la séquence Unité de temps (ex: 02 :33)

Variables de recherche

Professionnelle: Dimension relationnelle Types de relations Échanges axés sur la tâche

Échanges de mentorat Échanges conflictuels

Personnelle

Dimension de localisation Lieux De production De pouvoir D'habitat D'échange Extérieurs

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Chapitre 4 : Description et analyse des résultats Ce chapitre décrit et analyse les résultats obtenus grâce à l'analyse de contenu. La première partie décrit les résultats relatifs aux variables d'identification. Ensuite, la deuxième partie traite spécifiquement des types de relations dans lesquels sont impliqués les personnages, ce qui a servi à la validation de la première hypothèse spécifique. En troisième partie sont présentés les résultats touchant aux types de lieux où sont montrés nos personnages, ce a qui été utilisé afin de confirmer la deuxième hypothèse spécifique. Les résultats relatifs à ces deux hypothèses spécifiques sont ensuite confrontés afm d'approfondir leur analyse. Finalement, est défendue la confirmation de l'hypothèse générale énonçant que la représentation des personnages d'entraîneurs varie en fonction du genre. Étant donné l'absence totale de connaissance sur la représentation des genres dans le téléroman québécois, la présentation des résultats tente "de se constituer en une description qui soit la plus exhaustive possible.

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4.1 Résultats de l'analyse de contenu Cette partie présente et décrit les résultats obtenus à la suite de notre analyse de contenu.

Nous y verrons premièrement les résultats reliés aux variables d'identification. Dans un

deuxième temps sont présentés les résultats reliés aux deux hypothèses spécifiques. Nous

proposons ensuite un tableau confrontant les résultats de chacune de ces hypothèses et

finalement, nous procéderons à la vérification de notre hypothèse générale.

4.1.1 Variables d'identification

Bien que notre analyse porte en priorité sur la caractérisation des relations personnelles et

professionnelles, telles qu'établies par les actions et les propos des entraîneurs ainsi que par

l'analyse des lieux où ces relations s'actualisent, il demeure néanmoins que certaines

informations pertinentes sont fournies à propos des personnages alors même qu'ils sont

absents ou encore totalement silencieux. En effet, certains autres protagonistes nous

fournissent des informations sur les personnages d'entraîneurs alors que les comportements

non verbaux de ceux-ci en laissent aussi filtrer certaines. Ces deux types d'information ont

donc été pris en considération lors de notre analyse, et ce, grâce aux variables

d'identification.

Tableau 4.1 Résultats variables d'identification

Jacques Mercier

13,5% (15/111)

7,2% (8 / 111)

(A) Absent( e)

(NV) Non verbal

Michelle Béliveau

13,0% (12/92) 20,7%

(19/92)

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La variable «Absent (e)>> regroupe les séquences où l'un des personnages étudiés est

évoqué, sans que celui-ci soit présent. Lorsque d'autres personnages s'expriment à propos

de Jacques Mercier ou encore de Michelle Béliveau en leur absence, les séquences sont

codées sous «Absent (e) ». Jacques Mercier est évoqué dans quinze séquences où il

n'apparaît pas; cinq de ces évocations sont faites par des joueurs qu'il dirige; trois par des

journalistes et trois par ses patrons. Nous retrouvons aussi trois séquences où Jacques

Mercier est évoqué par des mises en abyme19. C'est-à-dire qu'à deux reprises, Maroussia

Lambert est chez elle et écoute, à une occasion la télévision et à une autre la radio, et les

commentateurs s'expriment par rapport à Jacques Mercier. La troisième mise en abyme se

déroule dans l'appartement de Pierre Lambert. Celui-ci écoute une émission de sport à la

radio et les auditeurs expriment leurs opinions sur l'entraîneur du National.

Michelle Béliveau est évoquée dans un total de douze séquences. Sept de ces séquences

présentent des joueurs qui parlent d'elle, mais toujours de manière négative. Ces séquences

deviennent de moins en moins fréquentes au fil de la série, comme si les joueurs

s'adaptaient au fait qu'une femme soit entraîneuse adjointe dans la Ligue nationale de

hockey. Elle est évoquée en trois occasions par ses collègues de travail ainsi qu'à deux

reprises par Pierre Lambert. Ce dernier parle de Michelle Béliveau à titre d'agent de

joueurs et, une autre fois, en tant qu'ami de cœur de Michelle Béliveau.

La variable «non verbal» regroupe les séquences où les personnages étudiés sont présents,

mais où ils n'interviennent pas verbalement, c'est-à-dire qu'ils sont présents à l'écran, ils

échangent des regards, laissent échapper des soupirs, mais ne parlent pas. À ce moment, les

échanges sont catégorisés de non verbaux. Force est de constater que Michelle Béliveau

(20,7 0/0) apparaît dans beaucoup plus de séquences où elle communique de façon non

verbale que Jacques Mercier (7,2 %). Elle est d'ailleurs souvent présentée comme étant une

19 Le procédé de mise en abyme renvoie à la représentation d'une œuvre dans une œuvre: « cité ou enchassé à l'intérieur d'une œuvre. » Encyclopédie Encarta: En abyme. [En ligne]. http ://fr.encarta.msn.com/encnet/features/ dictionarviDictionaryResu lts.aspx?refid=20 160 1 0302 (Page consultée le 1 er novembre 2008)

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observatrice, qui tente elle-même de déchiffrer le non verbal des joueurs. Il s'agit aussi

d'une des compétences pour lesquelles Marc Gagnon l'a embauchée. Il est donc cohérent,

en regard des caractéristiques attribuées à son personnage, qu'elle ne prenne pas la parole à

chacune de ses apparitions.

Séquence B-V-4 :7

Marc Gagnon : « Qu'est-ce que tufais là? »

Michelle Béliveau: «La façon dont ils se sont installés pour t'écouter parler est révélatrice; Fortier pis Ludano sont restés derrière; y voulaient pas t'écouter c'est clair. Tu vas savoir à quoi t'en tenir. Si ça t'intéresse là! »

Marc Gagnon : «Ben oui, ça m 'intéresse. Ben oui, je t'ai engagé pour ça! Tu dis Ludano pis Fortier? »

Dans la plupart des séquences où Jacques Mercier est présent, mais où il n'y a pas

d'échange verbal, l'entraîneur tente d'imposer son autorité. En effet, dans plusieurs

séquences où la foule réclame ou même ses patrons commandent la présence d'un joueur

spécifique sur ·la glace, Jacques Mercier refuse de répondre aux demandes des autres et

demeure ostensiblement impassible, l'air de dire « c'est moi qui décide ».

4.2 Vérification des hypothèses Cette partie présente la vérification des hypothèses de recherches énoncées lors de la

présentation du cadre méthodologique. Nous confirmerons la validité de nos deux

hypothèses spécifiques ainsi que de notre hypothèse générale de départ. Une discussion de

ces résultats suivra au chapitre 5.

60

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4.2.1 Confirmation de la première hypothèse spécifique

Au regard des résultats obtenus, nous pouvons affirmer que les types de relations dans

lesquels sont impliqués nos deux protagonistes diffèrent de manière importante, c'est-à-dire

dans une proportion de Il % et de 13 %, ce qui confirme notre première hypothèse

spécifique. Le tableau 4.2 nous permet de visualiser la division des séquences selon le type

de relations convoqué.

Tableau 4.2 Répartition des types de relations

Répartition des types de relations

Jacques Mercier

Lance et compte 1

Relations personnelles

Relations professionnelles

10 0/0

90 0/0

Michelle Béliveau

Lance et compte: Nouvelle génération

22,99 0/0

77,01 0/0

Relations personnelles

Relations professionnelles

Le tableau 4.2 démontre que le personnage masculin est présenté ou évoqué à 90 % dans

une relation professionnelle et à 1 ° % dans une relation personnelle. En ce qui concerne le

protagoniste féminin, elle est présentée ou évoquée à 77,01 % dans une relation

professionnelle et à 22,99 % dans une relation personnelle. La proportion beaucoup plus

élevée de relations professionnelles convoquées chez le personnage masculin démontre que

celui-ci est représenté comme accordant plus de temps à son travail qu'à ces relations

personnelles. Bien que Michelle Béliveau accorde elle aussi plus de temps aux occupations

professionnelles que personnelles, est représentée comme établissant un meilleur équilibre

entre les deux.

61

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Tableau 4.3 Répartition des types d'échanges professionnels

Répartition des relations professionnelles

Jacq ues Mercier Michelle Béliveau

Echanges- Tâches Echanges- Tâches

58,6% 59,7%

Echanges - Echanges -mentorat mentorat

8,1% 16.4 %

Relations Relations Echanges- Professionnelles Pro fessi onnelles Echanges-

conflictuels 90% 77,01% conflictuels

21,2% 13,4%

Echanges Echanges professionnels non professionnels

pertinents (A) non-pertinents 1

12.1 % (A)

10,5 %

Le tableau 4.3 présente la répartition des échanges de type professionnel, selon que ces

échanges soient liés à la tâche, au mentorat ou qu'ils soient de nature conflictuelle. La

catégorie «échanges professionnels non pertinents» fait référence au fait que nous ne

comptabilisons pas les échanges professionnels lorsque le personnage étudié est absent, et

que d'autres parlent de lui. Effectivement, nous voulons ici seulement traiter les types

d'ééhanges dans lesquels sont impliqués les protagonistes étudiés, car nous sommes d'avis

que l'interrogation des données relatives à l'évocation des personnages d'entraîneurs en

leur absence sera plus pertinente et informative une fois confrontée à la répartition des lieux

où ces évocations prennent place. Nous y reviendrons donc lors de la confrontation de nos

deux hypothèses spécifiques.

La répartition des échanges liés à la tâche est relativement semblable pour les deux

protagonistes. En effet, Jacques Mercier est impliqué dans 58,6 % de séquences traitant de

62

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sujets liés à la tâche, alors que pour Michelle Béliveau la proportion est de 59,7 0/0. Outre le

cas des échanges liés à la tâche, lorsque les personnages étudiés sont impliqués dans une

relation de type professionnel, la proportion des types d'échanges diffère selon le genre du

protagoniste, ce qui vient aussi appuyer la confirmation de notre première hypothèse

. spécifique. Par exemple, pour ce qui est des échanges de mentorat, Michelle Béliveau est

impliquée dans deux fois plus d'échanges professionnels de mentorat que Jacques Mercier,

et ce, même si elle est montrée dans douze séquences de moins que lui. En effet, Michelle

Béliveau exerce son mentorat dans 16,4 % des séquences, alors que Jacques Mercier

l'exerce dans seulement 8,1 % des séquences. Michelle Béliveau semble donc beaucoup

plus encline à adopter une philosophie de gestion misant sur les relations interpersonnelles

que son homologue masculin qui, lui, reconnaît beaucoup plus de vertus aux échanges

conflictuels qu'à ceux de mentorat. En effet, le personnage féminin est impliqué dans

se~lement 13,4 % de séquences où les échanges professionnels s'avèrent de nature

conflictuelle, alors que le personnage masculin prend part à 21,2 % de séquences où les

échanges sont conflictuels.

4.2.2 Confirmation de la deuxième hypothèse spécifique '

La deuxième hypothèse spécifique est que les personnages d'entraîneurs sont présentés

dans des types de lieux différents. Le tableau 4.4 présente la répartition des séquences selon

le lieu où elles se déroulent. Les types de lieux dans lesquels sont présentés les personnages

sont différents dans une bonne proportion des séquences, bien que cette deuxième

hypothèse spécifique soit confirmée de manière beaucoup moins éloquente que la première.

Ainsi, nous traiterons des ressemblances reliées aux proportions quasi identiques de

présences des personnages dans les lieux d 'habitat et les lieux extérieurs tout en considérant

que les autres résultats semblent toutefois appuyer notre énoncé de départ.

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Tableau 4.4 Répartition des types de lieux

Répartition des lieux

Jacques Mercier Michelle Béliveau

Lance et compte 1 Lance et compte: Nouvelle génération

Li eux de pouvoir 13 ,5% 2,2% Lieux de pouvoir Lieu x de production 72)% 70,6% Lieux de production

Lieux d'habitat 8,1% 8,7% Lieux d 'habitat L ieux d'échange 5,4% 16,3% Lieux d'échange L ieux extérieurs 0,9% 2,2% Lieux extérieurs

Dans ce tableau, on remarque que dans 13,5 % des séquences où le personnage masculin

est présent, il est mis en scène dans un lieu de pouvoir et son vis-à-vis féminin l'est dans

seulement 2,2 % des séquences. Lorsque Michelle Béliveau est présentée dans un lieu de

pOUVOIr, Il ne s'agit pas d'un de ceux que l'on retrouve dans son milieu de travail. Le lieu

de pouvoir (visité dèux fois) où est présenté le personnage féminin est le bureau de la

ministre Caroline Bertrand dans lequel elle se rend afin de solliciter un appui dans une

histoire de discrimination liée à sa nationalité québécoise. En ce qui concerne Jacques

Mercier, il est souvent présent ou évoqué dans les lieux de pouvoir reliés à son milieu de

travail, c'est-à-dire la passerelle ou les bureaux de la direction du National.

La proportion de lieux de production est relativement semblable pour les deux entraîneurs.

Jacques Mercier est montré dans des lieux de production pour 72,1 %. des séquences et

Michelle Béliveau y est présentée dans une proportion de 70,6 %. Bien que nous ne

constations qu'une minime différence entre les deux personnages, c'est Jacques Mercier qui

est présenté dans plus de lieux de production que Michelle Béliveau, tout comme il est

celui qUI est impliqué dans le plus de relations professionnelles. Sa VIe gravite

majoritairement autour du travail, alors que le personnage féminin accorde plus de temps à

sa VIe personnelle.

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Finalement, le taqleau 4.4 permet de constater que Michelle Béliveau est présentée pour

16,3 % dans des lieux d'échanges et Jacques Mercier, pour 5,4 %. Le fait que le personnage

féminin soit présenté dans plus de séquences prenant place dans des lieux d'échanges

s'explique par le fait qu'elle participe à plusieurs réunions dans des restaurants avec son

agent et aussi parce qu'elle pratique, à une occasion, son travail de mentorat en dehors des

lieux de production, ce que Jacques Mercier ne fait jamais. En effet, elle va au restaurant

avec le capitaine Mike Ludano. Celui-ci vit des problèmes personnels et professionnels et

veut en parler avec Michelle. Elle est d'une grande aide dans ce moment douloureux de sa

VIe.

4.2.3 Confrontation des deux hypothèses spécifiques -

Après avoir terminé la compilation de nos résultats, nous les avons analysés en profondeur.

Nous avons jugé pertinent, sans toutefois en faire une hypothèse à part entière, de

confronter les résultats de nos deux hypothèses spécifiques afin de voir si cela nous

permettrait d'étayer nos observations. Le tableau 4.5 présente ce croisement des données.

65

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Tableau 4.5 Répartition des lieux selon le type de relation convoqué

Jacques Mercier Lance et compte 1 Michelle Béliveau Lance et compte: Nouvelle génération

Type de relation Lieux Lieux Type de relation Lieux de pouvoir Lieux de pouvoir

100% 100% Lieux de production Lieux de production

97,47% 87,5% Professionnelle Lieux d'échange Lieux d'échange Pro fessi onnelle

90% 50% 46,67% 77,01 %

Lieux d'habitat Lieux d 'habitat 33,33% 42,86%

Lieux extérieurs Lieux extérieurs 100% N on pertinent

Lieux de pouvoir Lieux de pouvoir 00/0 0%

Lieux de production Lieux de production 2,53% 12,5%

Personnelle Lieux d'échange Lieux d'échange Personnelle 10% 50% 53 ,33% 22,99%

Lieux d'habitat Lieux d'habitat 66,67% 57,14%

Lieux extérieurs Lieux extérieurs 0% Non pertinent

Le tableau 4.5 démontre la répartition des séquences présentant les protagonistes dans des

relations interpersonnelles professionnelles et personnelles, ainsi que la répartition des lieux

selon le type de relation qui y est convoqué. Dans ce tableau, nous comprenons que pour

Jacques Mercier, 90 % des séquences où il est présent ou évoqué montrent des relations de

type professionnelles. Ensuite, le tableau permet de constater, toujours pour Jacques

Mercier, que pour 97,47 % des séquences se déroulant dans un lieu de production, la

relation dans laquelle il est mis en scène ou évoqué est professionnelle et que 2,53 % des

séquences se déroulant dans un lieu de production montrent une relation de type

personnelle. Chez nos deux figures d'entraîneurs, nous retrouvons des résultats semblables

en ce qui a trait à la présence dans les lieux de pouvoir; 0 % lorsque la relation convoquée

est personnelle et, du fait même, 100 % lorsque la relation convoquée est professionnelle.

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Jacques Mercier est présenté dans des lieux d'échanges dans la même proportion (50 %)

pour chacun des types de relations alors que pour Michelle Béliveau, la proportion est de

46,67 % lorsqu'il s'agit d'une relation professionnelle et de 53,33 % pour une relation

personnelle. Cependant, pour ce qui est de la fréquentation des lieux d'échange par le

personnage masculin, les séquences répertoriées sous «relation personnelle» s'avèrent

toutes être des séquences où celui -ci est évoqué par d'autres personnages, qui eux se

trouvent dans un lieu d'échange. Donc, ces résultats nous démontrent que celui -ci ne se

trouve jamais dans un lieu d'échange lorsqu'il est impliqué dans une relation de nature

personnelle alo.rs que .le personnage féminin est réellement représenté en ces lieux et non

seulement évoqué par d'autres protagonistes.

Lorsque Jacques Mercier se retrouve dans un lieu de production ou qu'il est question de lui

dans un lieu de production d'où il est absent, dans 97,47 % des cas, une relation

professionnelle y est établie. Donc, pour ce qui est du personnage masculin, 2,53 % des

séquences se déroulant dans un lieu de production montrent une relation de type

personnelle. Dans le cas du personnage féminin, cette proportion augmente de 10 %

(12,5 %) ce qui s'avère relativement prévisible, compte tenu qu'elle vit une histoire

d'amour avec Pierre Lambert, qui évolue dans le même milieu professionnel. Michelle

Béliveau est ainsi représentée comme n'ayant aucune objection à ce que sa vie personnelle

et sa vie professionnelle se recoupent en quelques occasions, ce que Jacques Mercier

semble vouloir éviter. En effet, en une seule occasion sa femme le visite au travail et il

s'agit d'un cas de force majeure.

Le personnage féminin (42,86 %) a près de 10 % plus de séquences qui se tiennent dans des

lieux d'habitat et qui présentent une relation professionnelle que Jacques Mercier

(33,33 %). Dans les faits, le personnage masculin n'est jamais réellement impliqué dans

une relation professionnelle se tenant dans un lieu d'habitat, mais bien évoqué dans trois

séquences de mise en abyme. Comme mentionné précédemment, il s'agit de deux

commentaires de journalistes à la radio et d'un commentaire de journaliste à la télévision.

67

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Ces commentaires sont explicités sur Jacques Mercier à travers les ondes radio et

télévisuelles, et sont reçus dans le salon de Maroussia et de son fils Pierre Lambert. Donc,

en plus de ne jamais être réellement impliqué dans une relation personnelle se tenant dans

un lieu d'échange, Jacques Mercier n'est jamais impliqué dans un échange de nature

professionnelle se déroulant un lieu d'habitat. Ces faits diffèrent grandement du personnage

féminin qui, lui, est véritablement mis en scène comme entretenant des relations

professionnelles à un moment où à un autre dans les lieux d'échanges et d'habitat.

Aussi, Jacques Mercier est montré en un seul lieu extérieur (0,9 %) et cette séquence est

marquée par un échange professionnel axé sur la tâche. En effet, pendant leur séance de

jogging extérieur, Mercier et son patron, Gilles Guilbault, argumentent sur la manière de

diriger l'équipe. Par contre, pour le personnage féminin, la confrontation de la dimension

relationnelle et de celle de la localisation s'avère non pertinente: En effet, cette mise en

commun est non pertinente . au niveau du type de relation qui y est convoquée, car le

personnage de Michelle est seul dans les deux séquences extérieures, et qu'elle ne participe

donc à aucun échange interpersonnel.

4.2.4 Confirmation de l'hypothèse principale

Nous venons de faire la démonstration de la confirmation de nos hypothèses spécifiques, ce

qui, par le fait même, confirme aussi notre hypothèse générale de recherche. En effet, la

représentation des personnages d'entraîneurs varie en fonction du genre. Cependant,

connaissant les particularités de nos objets d'études, il serait réducteur de nous en tenir à

cette confirmation sans nous poser davantage de questions. Nous estimons en effet que les

résultats bruts décrits ici, considérés individuellement ou encore dans leurs recoupements,

doivent faire l'objet d'une interprétation nuancée, fruit, notamment, d'un effort de

contextUalisation. Il nous semble nécessaire, par exemple, d'interpréter nos résultats à la

lumière de l'évolution qui a marqué la société québécoise durant les quinze années qui se

sont écoulées entre les moments de diffusion des deux téléromans étudiés. Consciente des

limites de notre analyse, nous n'avons pas l'intention de faire de la question du genre le

68

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facteur explicatif unique, ou même principal, des disparités observées. N'ayant pas, durant

cette étude, analysé la totalité des éléments pouvant jouer un rôle significatif dans la

construction de représentations fictives, nous nous refusons donc de considérer que la

confirmation de nos hypothèses nous autorise à formuler quelque conclusion générale que

ce soit quant à ce processus de représentation. Puisque nous postulons que les œuvres

téléromanesques proposent un produit réaliste .qui, à des degrés divers, correspond aux

normes sociales et aux mentalités de son époque, nous estimons nécessaire d'interpréter nos

résultats à la lumière, précisément, de ces mêmes facteurs sociaux. Cette entreprise, qui fait

l'objet du chapitre de discussion qui 'suit, bien que nécessaire, ne doit cependant pas être

considérée comme une remise en cause de la validité interne de notre recherche. En effet, la

validité d'une analyse de contenu quantitative comme la nôtre repose sur la pertinence, la

précision et l'exhaustivité de ses composantes méthodologiques. (De Bonville, 2006,

p.317) Notre cadre méthodologique nous a permis de « mesurer réellement les faits de

communication» que nous avions définis au préalable. (De Bonville, 2006, p.317) En

somme, la discussion · menée dans le prochain chapitre doit être considérée comme la

manifestation de notre volonté d'apporter un éclairage davantage qualitatif à l'interprétation

des données obtenues et ce, sans que cela ne soit le fruit d'une analyse qualitative à

proprement parler.

69

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Chapitre 5 : Discussion et conclusion

Ce chapitre présente la discussion des résultats et par le fait même, la conclusion de ce mémoire . . La première partie analyse plus en profondeur les résultats et propose des interprétations à la lumière des dimensions et variables retenues. En deuxième partie, nous élargirons notre discussion à l' œuvre téléromanesque de Réjean Tremblay et, en troisième partie, nous confronterons nos résultats à la tradition de représentation des œuvres téléromanesques québécoises. Finalement, en quatrième partie, nous conclurons en revenant sur la pertinence du concept de genre dans l'étude des représentations du petit écran.

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5.1 Retour sur les résultats Même si l'on observe quelques ressemblances entre les représentations des personnages

d'entraîneurs féminin et masculin, celles-ci varient indéniablement en fonction du genre, ce

qui confirme notre hypothèse générale. Effectivement, il ressort des résultats obtenus que

les personnages étudiés tiennent des échanges liés à la tâche dans des proportions quasi

identiques; 58,6 % pour Jacques Mercier et 59,7 % pour Michelle Béliveau. Outre

l'importance qu'ils attachent à la réalisation de leurs tâches respectives, les protagonistes

partagent aussi la même propension à se voir mis en scène dans des lieux extérieurs (0,9 %

pour le personnage masculin et 2,2 % pour le personnage féminin) et dans des lieux

d'habitat (8,1 % pour Jacques Mercier et 8,7 % pour Michelle Béliveau). De plus, les

personnages nous sont présentés comme n'ayant aucun cercle d'amis en dehors du travail et

comme n'entretenant aucune relation avec les membres de leurs familles élargies (mère,

père, frère, etc.). Nous reviendrons sur la question de l'absence de liens amicaux et

familiaux élargis au cours des discussions relatives à nos hypothèses spécifiques.

5.1.1 Première hypothèse spécifique

5.1.1.1 Relations professionnelles et personnelles

Nous avons pu observer que les types de relation dans lesquels sont impliqués nos

protagonistes diffèrent de manière significative, ce qui a confinné notre première hypothèse

spécifique. En effet, la proportion des types de relations convoqués varie grandement entre

les deux personnages étudiés; Michelle Béliveau est impliquée dans 77,01 % de relations

professionnelles et dans 22,09 % de relations personnelles, alors que Jacques Mercier se

retrouve impliqué dans 90 % de relations professionnelles et dans seulement 1 ° % de

relations personnelles.

Outre le fait que Michelle Béliveau soit représentée deux fois plus souvent dans une

relation personnelle que Jacques Mercier, celle-ci ne l'est pas dans un environnement

familial comparable à l'entraîneur masculin. Effectivement, lorsque . celui-ci se retrouve

71

Page 79: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

dans des relations personnelles, il s'agit toujours de relations avec sa famille immédiate,

alors que Michelle Béliveau nous est présentée comme vivant seule et sans aucune relation

familiale de - quelque nature que ce soit. Cette représentation de la femme s'avère

vraisemblable, comme le veut la définition du genre téléromanesque, car en 200 1, année de

diffusion de Lance et compte: Nouvelle génération, les statistiques québécoises démontrent

que près de 13,2 % des femmes vivent seules et sans enfants2o. D'un autre côté, le fait que

le personnage masculin soit plus souvent présenté dans son environnement familial que le

personnage féminin diffère quelque peu des résultats des recherches sur les différences

reliées à la représentation des genres à la télévision: « Men on TV are more often portrayed

in employment [ .. .) and are less likely to be shown in the home. » 21

Bien que les résultats démontrent que le protagoniste masculin accorde une grande

importance à son travail, celui-ci semble tout de même jouir d'une vie familiale

relativement stable et heureuse avec sa femme, Judy, et son fils handicapé, Jimmy. Jacques

Mercier offre un véritable support à son fils et s'implique dans les visites à l 'hôpital et les

traitements médicaux douloureux que se voit infliger celui-ci. Il laisse à quelques reprises

ses problèmes professionnels empiéter sur sa ,vie familiale en n'étant pas totalement présent

mentalement ou en étant particulièrement irritable, mais il n'y a qu'une seule occasion où

les contraintes de la vie d'entraîneur viennent officiellement ébranler la vie de famille de

Jacques Mercier. En effet, pendant que l'équipe de hockey est isolée dans un hôtel pour la

durée des séries éliminatoires, Judy vient le rencontrer pour lui demander d'appeler leur

fils, Jimmy, qui ne fait aucun progrès pour retrouver l'usage de ses jambes depuis que

Jacques est parti de la maison pour se consacrer aux séries. Il semble donc que, bien que la

famille revête une grande importance pour le protagoniste masculin, ce dernier n'est pas

toujours en position de la faire primer sur les exigences professionnelles.

20 Institut de la statistique du Québec. Condition de vie et bien-être: Familles et ménages. [En ligne].http://www.stat.gouv.gc.ca/donstat/soci ete/faml s mengs 11iv vie/menage famille/men fam enf/menag es/tableau 08.htm (Page consultée le 20 mai 2008) 2 ] Claude Chandler. 2003. Television and Gender Roles. [En ligne]. http://www.aber.ac.uk/media/Modul es/TF331 20/gendertv.html (Page consultée le 2 novembre 2008)

72

Page 80: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

Les séquences où le personnage féminin entretient des relations personnelles sont

particulièrement liées au développement de sa relation amoureuse avec Pierre Lambert.

Cette relation lui permettra de s'intégrer, dans le dernier épisode, à la sphère familiale de

celui-ci. Même les dialogues semblent indiquer que le fait de pratiquer le métier

d'entraîneur la condamne à en payer le prix au niveau de sa vie personnelle:

Séquence B-V-9 :11 : Michelle Béliveau à Pierre Lambert:

« J 'ai eu quelques chums, le dernier ça a duré 3 ans. In and out. Y m 'ajlushé y 'a 6 mois. J 'étais

jamais à la maison. Je veux pu jamais revivre ça. »

La relation qu'elle est en train de développer avec Pierre Lambert qui, lui, ne fait aucun cas

de ses absence,s ou de ses horaires, est beaucoup plus simple, car Pierre est un ancien joueur

de hockey maintenant devenu agent qui comprend ce qu'implique la profession

d'entraîneur. Ces données nous démontrent donc que le protagoniste masculin n'a pas eu à

hypothéquer sa vie personnelle pour arriver à être entraîneur du National de Québec, alors

que le personnage féminin n'arrive à trouver le bonheur qu'avec quelqu'un du milieu, qui

comprend l'investissement que demande ce métier pour une femme. Cette manière de

construire un personnage féminin s'avère quelque peu atypique en regard des

représentations habituelles de la vie professionnelle, amoureuse et familiale des femmes du

petit écran.

De plus, nos deux protagonistes ne sont jamais représentés dans une relation personnelle

d'amitié. Ceux-ci sont montrés sans environnement autre que professionnel, familial ou

amoureux. Nous pouvons expliquer cette ressemblance dans la constitution de nos

personnages d'entraîneurs par le travail exigeant qu'ils pratiquent. Dans les faits, il est

démontré que, pour ce qui est des gens qui occupent des postes de professionnels ou de

gestionnaires, ceux-ci doivent faire certains sacrifices afin de réduire les conflits entre le

travail et la vie personnelle. Par exemple, « il semblerait que ces personnes sacrifient le

temps qu J elles passeraient normalement à socialiser et à dormir pour satisfaire aux

73

Page 81: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

exigences de leur famille et de leur emploi [ .. .}. »22 Nous avons donc ici une piste

d'explication en ce qui a trait à l'exclusion des relations d'amitié dans la construction des

représentations d'entraîneurs, qui ont, force est de le men~ionner, des modalités de travail

particulièrement complexes et exigeantes.

5.1.1.2 Types d'échanges professionnels

L'étude des types échanges professionnels dans lesquels sont impliqués nos deux

protagonistes nous permet d'approfondir notre connaIssance de la représentation des

genres. Nous discuterons ici des faits saillants ressortant de la confirmation de notre

première hypothèse spécifique.

Échanges de mentorat

Michelle Béliveau, bien que présente dans douze séquences de moins que Jacques Mercier

au total, est impliquée dans deux fois plus d'échanges de mentorat que celui-ci (16,4 %

comparativement à 8,1 %). La littérature traitant du leadership et du mentorat tend à

affirmer que ce dernier concept « [ .. .) has traditionnally been associated with men [ .. .} »,

bien que plusieurs études démontrent maintenant que les styles de mentorat varient selon le

genre de celui qui le pratique. (Holmes, 2005, p.1779) En effet, les hommes optent pour des

stratégies de' mentorat « which are more 'masculine', 'up front' and 'on record' [ .. .) », ce

qui se traduit concrètement par l'énoncé de directives claires et par le «challenge ».

(Holmes, 2005, p.1783 et 1796) Les femmes, pour leur part, pratiquent « a more 'feminine '

style of mentoring [ .. .) which engage the men tee, which are more appreciative, more

indirect, and more negotiative. The association of indirectness and supportiveness, in

particular, with 'feminine ' ways or interacting in one-to-one informaI interactions, is weil

established. » (Holmes, 2005, p: 1796)

22 Santé Canada, Santé de l 'environnement et milieu de travail. [En ligne]. http: //www. hc-sc.gc.ca/ewh­semt/pubs/occup-travail/balancing-e9ui libre/S-l coping-compose-fra. php (Page consultée le 7 juillet 2008)

74

Page 82: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

Il apparaît clairement que les représentations étudiées ici viennent appuyer la majorité des

prétentions de la littérature quant à l'i~cidence du genre sur la pratique du mentorat. Le fait

que Jacques Mercier, en vrai homme de hockey des années 80, ne semble pas tellement

croire aux avantages de cette technique pour diriger une équipe de hockey est le seul aspect

qui diffère des données citées plus haut, qui relient traditionnellement la pratique du

mentorat aux hommes. Nous verrons ci-dessous que plusieurs différences existent entre les

deux personnages quant à la pratique du mentorat. Seulement, il nous faut nuancer quelque

peu ces observations. Les différences semblent en effet être plus liées à un clivage

générationne1 en ce qui a trait à la formation des entraîneurs qu'à un clivage lié au genre.

Jacques Mercier est un entraîneur formé « dans le milieu », par des gens du milieu et selon

les méthodes employées dans les années 1970 et 1980, contrairement à Michelle Béliveau,

formée à l'université et selon les théories les plus récentes en matière de psychologie

sportive.

Dans les faits, la différence la plus notable réside dans la stratégie utilisée par les

entraîneurs pour pratiquer le mentorat. Jacques Mercier opte pour une stratégie où il

s'adresse à tout le groupe, soit dans le vestiaire ou la salle de visionnement. Il ne pratique

de mentorat individualisé qu'à une seule occasion, contrairement à Michelle Béliveau qui

privilégie grandement cette approche. Nous sommes conscientes que le fait de s'adresser

aux joueurs dans le vestiaire ou la salle de visionnement fait partie intégrante du travail

d'entraîneur, mais en fonction de la définition de nos dimensions et variables, les propos

tenus dans les séquences sélectionnées doivent être considérés comme des échanges de

mentorat. En effet, les conseils constructifs et les encouragements qu'il prodigue en ces

occasions ne peuvent être considérés comme des directives, mais bien comme du mentorat.

Cependant, si nous avions défini autrement nos variables et que nous avions intégré les

interventions de support et de conseils que l'entraîneur effectue devant tout le groupe, nous

pourrions affirmer qu'en réalité, Jacques Mercier ne pratique d'échange de mentorat qu'en

une seule occasion. Cela n'aurait en aucun cas modifié les données reliées au personnage

féminin qui elle, recourt fréquemment à ce type de relation et ce, toujours sur une base

individuelle. En effet, celle-ci ayant une formation de psychologue sportive et ayant suivi

75

Page 83: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

une multitude de séminaires sur les techniques modernes de hockey, elle met en pratique un

mentorat axé sur l'écoute et les rencontres individuelles non formelles. Afin que le joueur

soit plus à l'aise pour discuter, Michelle Béliveau pratique son mentorat dans les lieux

autres que de production ou, à la rigueur, dans des lieux de production moins formels que le

vestiaire des joueurs ou le bureau de l' entraîneur, comme nous le verrons plus loin dans

cette partie. Son expérience de psychologue, son écoute, son bon jugement et ses conseils

avisés nous sont présentés comme des caractéristiques facilitant le contact et la

collaboration des joueurs bénéficiant de son soutien professionnel23. Devant cela, nous

pouvons donc affirmer que le personnage masculin est moins enclin à supporter les joueurs

dans leurs divers problèmes et conflits que le personnage féminin. Jacques Mercier semble

moins disposé à soutenir les joueurs dans leurs épreuves, car il compte sur ces problèmes et

conflits pour faire progresser et gagner son équipe.

Échanges conflictuels

Dans les faits , Jacques Mercier nous est présenté comme impliqué dans des échanges

conflictuels dans 21,2 % des séquences répertoriées alors que Michelle Béliveau ne prend

part à ce type d'échange que dans 13,4 % des séquences, ce qui équivaut à une différence

de 7,8 % entre les deux personnages. La nature et les raisons de ces échanges conflictuels

varient aussi selon les personnages. En effet, l'entraîneur masculin est montré comme

prenant part à beaucoup d'échanges professionnels conflictuels, que ce soit avec son patron

ou avec ses subordonnés. Ce personnage ne supporte pas de se faire dire quoi faire ou

comment diriger son équipe, ce qui explique qu'il soit souvent impliqué dans des échanges

conflictuels avec ses patrons, car il ne tient pas compte de leurs demandes et en fait

toujours à sa tête. Cette situation crée aussi beaucoup d'échanges conflictuels entre les deux

patrons de Jacques Mercier, le directeur général Gilles Guilbeault et le propriétaire Allan

Goldman.

23 Des exemples seront donnés dans la partie discutant de la deuxième hypothèse.

76

Page 84: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

~~~~~ ~~ ~~~~~~~~~----,

De plus, comme nous y avons fait allusion plus haut, une grande majorité des 21,2 %

d'échanges conflictuels dans lesquels il est présenté le personnage d'entraîneur masculin

s'expliquent par le fait que, pour lui, le succès de l'équipe et sa quête de la coupe Stanley

reposent sur le conflit. Il se sert des malheurs individuels ou collectifs des joueurs de

l'équipe afin de « les fouetter », ce qu'il avoue sans détour :

Séquence numéro M-V-ll :10

Jacques Mercier: « Ah t'as raison, y'a des jours où je le sais que je suis trop rough, mais je la veux la coupe Judy, tu m'entends je la veux! »

Judy Mercier: « Do you still think that you have to terrorise those players to get something out of them? »

Jacques Mercier: « Y vont tellement m 'haïr d'ici la fin de l'année qui vont être obligés de jouer ensemble, de se regrouper, de former une équipe, une équipe d'enragés, une équipe d'enragés autour de Pierre Lambert. »

Comparativement à cela, le personnage féminin ne prend part qu'à 13,4 % de séquences où

les échanges s'avèrent être de nature conflictuelle. Pour Michelle Béliveau, les échanges

professionnels conflictuels par lesquels elle est concernée consistent en des confrontations

avec un joueur et avec un collègue, Marc Gagnon. Ce collègue entraîneur ayant été rejeté

par Michelle lorsqu'il lui a avoué ses sentiments amoureux, cela se répercute au travail et

donne place à des échanges professionnels conflictuels entre ces deux personnages. Quant

au joueur avec lequel elle vit un conflit, il s'agit d'un conflit en lien avec le sexe de

l'entraîneur. En effet, le joueur en question ne semble aucunement accepter le fait d'être

dirigé par une femme. Il fait plusieurs remarques dégradantes à ce sujet avec ses confrères, .

et . prend part à deux confrontations directes avec Michelle Béliveau. Il tente même de la

séduire en voulant l'inviter à « prendre une bouchée ensemble, une bonne bouteille de vin,

pis finir ça que je te montre c'est quoi un joueur de hockey.» Bref, c'est clairement son

statut de femme qui est à l'origine des conflits, et non pas son style de « coaching» ou tout

autre trait de sa personnalité.

77

Page 85: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

5.1.1.3 Synthèse première hypothèse spécifique

L'interprétation des résultats liés à la première hypothèse nous permet d'affirmer que celle­

ci est confirmée, que les personnages masculin et féminin sont représentés dans des types

de relations différents et que cela est relié en grande partie au genre. Toutefois, nous

sommes consciente que plusieurs des faits observés peuvent aussi s'expliquer par

l'évolution du contexte social québécois. En effet, il semble opportun de rappeler que

quinze années séparent les deux séries étudiées (1986-2001). La femme a maintenant accès

plus facilement au marché du travail et occupe des emplois qui lui étaient avant

inatteignables. Effectivement, « la proportion de femmes a augmenté dans 17 des 20 ordres

professionnels à dominante masculine, entre 1995-1996 et 2005-2006. » (Ministère de la

Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2007, p.105) Sans affirmer que

tout est acquis pour les femmes au plan professionnel, notre analyse démontre aussi que

celles-ci doivent affronter des conflit~ reliés à leur statut de femme, le fait demeure que

l'évolution générale des mœurs en ce qui concerne les activités professionnelles et les

genres a certainement une incidence sur leurs représentations téléromanesques. Ainsi, s'il

est toujours résolument atypique et hautement improbable qu'une femme puisse exercer la

fonction d'entraîneur dans la Ligue nationale de hockey, il est aussi indéniable que les

divisions professionnelles selon le sexe sont de plus en plus remises en question, ouvrant

ainsi la porte à ce type de représentations fictives.

Il existe également une différence reliée au genre en ce qui a trait aux types échanges

professionnels dans lesquels sont impliqués les personnages. Ici aussi, nous devons

reconnaître les responsabilités du contexte social, de l'évolution des mentalités ainsi que de

considérations purement artistiques. Dans un premier temps, nous avons pu observer que

les échanges de nature conflictuelle auxquels prennent part les personnages diffèrent en

fonction du genre de l'entraîneur. Seulement, il nous faut reconnaître que la personnalité

attribuée à Jacques Mercier est dure, agressive et impassible, bien au-delà du seul fait du

genre. En effet, d'autres personnages œuvrant dans le même milieu et possédant autant

sinon plus d'autorité que lui font preuve de beaucoup moins d'agressivité et de dureté. Par

exemple, Gilles Guilbeault, son patron, ou Marc Gagnon, l'entraîneur qui le remplacera,

78

Page 86: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

ont tous deux des personnalités beaucoup plus nuancées. Ils démontrent de la colère et de

l 'agressivité en quelques occasions certes, mais non de façon systématique. Jacques

Mercier est en effet représenté, dans les échanges professionnels, comme porteur d'une

personnalité déshumanisée qui contraste grandement avec les autres protagonistes

masculins de la série et ceci, dans la recherche d'un effet dramatique. Il s'agit en quelque

sorte de la «signature» de ce personnage téléromanesque, définissant ainsi un horizon

d'attente particulier chez le téléspectateur. Certaines séquences le mettant en vedette dans

un accès de colère sont d'ailleurs considérées comme des classiques · de la télévision

québécoise24. Bien qu'au niveau de la personnalité, ce personnage soit différent de Gilles

Guilbeault et de Marc Gagnon, ils ont en commun la façon d'envisager le « coaching ». En

effet, ils privilégient un style direct et, s'ils n'obtiennent pas le rendement attendu,

l'échange de joueurs est vite la solution envisagée, et ce, sans chercher à comprendre les

causes profondes de ces mauvaises performances et/ou attitudes des joueurs. Quant à

Michelle Béliveau, elle plaide au contraire de prendre tout le temps nécessaire pour

approfondir la situation et régler les situations qui nuisent au rendement du joueur. Bien

que cela soit aussi lié à l'évolution des techniques et au contexte temporel des deux séries,

nous croyons que, parmi toutes les différences que nous avons jusqu'à 'présent pu constater

en termes de représentation des genre, c'est la question du style de gestion associé à chaque

personnage d'entraîneur qui nous est la plus révélatrice. Nous sommes d'avis que les

personnages créés par Réjean Tremblay sont en fait des représentations de deux styles de

gestion bien distincts : le féminin et le masculin.

L'écart grandissant entre les diplômés universitaires masculin et féminin explique

l'augmentation des femmes dans les milieux traditionnellement masculins. Les femmes

constituaient, en 2003, 59,1 % des diplômés universitaires alors que les hommes n'en

représentaient que 40,9 %. Ce phénomène · est décrit comme une féminisation de · l' effectif

étudiant. On peut donc penser que l'augmentation de la présence des femmes sur le marché

du travail et dans les postes d'autorité favorise une présence et une valorisation accrue du

24 En particulier la scène où, dans la chambre des joueurs, il ordonne que soit retiré le chandail de Pierre Lambert. Cette scène est souvent reprise à des fins humoristiques ou de référence à la série.

79

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style de gestion «féminin» qui, selon les spécialistes, diffère grandement du style de

gestion « masculin» : « L'autorité, le pouvoir, la direction et la décision sont des éléments

attribués au principe masculin. Par contraste, le principe féminin tient compte du {(oui

mais ", du relationnel, d'un quelque chose de flou qui tient compte du contexte des

personnes, d'un élément local, moins abstrait. » (Lapointe, 2004, p.6)

Le style féminin se traduit aussi par « la création d 'un espace propice pour que se

développent d'autres personnes. » (Lapointe, 2004, p.6) Cet aspect rejoint selon nous le

type de mentorat que préconise le protagoniste féminin, qui mise sur la connaissance des

besoins et problèmes de chacun ainsi que sur l'accompagnement individuel. Donc, après

avoir décrit et analysé les types de relation professionnelle qu'entretiennent les personnages

d'entraîneurs, il nous apparaît, sans l'ombre d'un doute, que ceux-ci cadrent parfaitement

avec la description des styles de gestion féminin .et masculin. Effectivement, le caractère

autoritaire et directif de Jacques Mercier a été clairement établi, tout comme l'importance

de l'aspect relationnel pour Michelle Béliveau, ce qui étaie notre proposition voulant que

ces personnages puissent être considérés comme représentant deux types de gestion

différents, en lien avec le genre de celui qui le pratique.

5.1.2 Deuxième hypothèse spécifique

Cette partie présente la discussion concernant notre deuxième hypothèse spécifique. Nous

en avons consciemment exclu les données relatives aux lieux extérieurs et aux lieux

d'habitat, car celles-ci sont semblables pour les deux entraîneurs et ont fait l'objet d'une

discussion précédente. De plus, certains aspects reliés aux lieux seront seulement traités

lors de la prochaine partie, parce que plus pertinents lorsque mis en relafion avec les

données de la première hypothèse spécifique.

80

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5.1.2.1 Lieux de pouvoir

Jacques Mercier est présent ou évoqué dans 13,5 % des séquences se déroulant en ces lieux

alors que Michelle Béliveau est présentée dans des lieux de pouvoir dans seulement 2,2 %

des séquences. Absente des lieux de pouvoir reliés au National de Québec, Michelle

Béliveau n'est jamais convoquée dans les bureaux de la direction du National,

comparativement à Jacques Mercier, qui lui, y est souvent présenté et où ses conseils sont

pris en compte et où il prend part aux décisions importantes. Ces représentations rejoignent

la réalité québécoise, comme le démontrent les données répertoriées par le Secrétariat à la

condition féminine25 : « Au Québec, comme ailleurs dans le monde, les femmes demeurent

généralement sous-représentées dans diverses institutions ou à différents postes

décisionnels, que ce soit dans les domaines politique, économique et social ou dans la

fonction publique. » Bien que le personnage féminin ne soit pas représenté comme étant

intégré au processus décisionnel qui existe au sein de l'organisation, notons cependant que

le travail de Michelle Béliveau n'a jamais été remis en question par quiconque au sein de la

direction du National. En effet, bien que Jacques Mercier prenne part aux décisions portant

sur le repêchage et sur les échanges de joueurs, celui-ci est souvent critiqué par le

propriétaire en ce qui concerne sa manière de diriger l'équipe.

5.1.2.2 Lieux d'échange

Lors de la présentation des résultats, nous avons découvert que la fréquentation des lieux

d'échange variait considérablement entre les deux personnages d'entraîneurs. En effet, le

personnage féminin y est représenté presque trois fois plus souvent que son homologue

masculin. Outre . cette différence de fréquentation, elle n'est jamais, à l'instar de Jacques

Mercier, représentée dans un lieu d'échange ou dans tout autre lieu avec des amies ou des

membres de sa famille. Michelle Béliveau y rencontre son amoureux à quelques reprises,

alors que la vie familiale de Jacques Mercier ne prend place qu'à la maison ou à l'hôpital

lors des séances de physiothérapie de Jimmy.

25 Secrétariat à la condition féminine, Partage du pouvoir. [En ligne]. http://scf.gouv.gc.ca/index.php?id=13 (Page consultée le 7 juillet 2008)

81

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5.1.3 Confrontation des hypothèses spécifiques

Le tableau 4.5 situé au chapitre 4 présente la résultante de cette confrontation et les

quelques paragraphes ci-dessous, ce que nous y avons découvert de nouveau. Dans certains

cas, ces observations viendront appuyer et approfondir celles énoncées lors des discussions

relatives aux deux hypothèses spécifiques.

5.1.3.1 Lieux de pouvoir

Le personnage féminin est quasi absent des lieux de pouvoir contrairement à son vis-à-vis

masculin. De plus, les rares fois où elle y est mise en scène, il ne s 'y déroule pas une

conversation professionnelle en lien avec son poste au sein du National de Québec, ce qui

est aussi en opposition avec le personnage masculin. En effet, celui-ci est souvent présent

dans le bureau de Gilles Guilbault, directeur général du National. Les sujets qui alimentent

les conversations des deux protagonistes dans ce Heu de pouvoir sont toujours reliés à la

sphère professionnelle, comme les choix au repêchage et les divers problèmes qui existent

au sein de l'équipe. De plus, Gilles Guilbault et Allan Goldmann, le propriétaire de

l'équipe, parlent souvent de Jacques Mercier dans des lieux de pouv"oir comme la passerelle

de la direction ou le bureau du directeur général, Goldmann remettant souvent en question

son travail d'entraîneur. Il est aussi important de mentionner que, pour les deux

protagonistes étudiés, la totalité des séquences qui se déroulent dans un lieu de pouvoir

consistent en une relation professionnelle. Donc, toute relation personnelle e.st évacuée des

lieux de pouvoir proposés dans ces deux séries de Lance et compte.

5.1.3.2 Lieux d'habitat

La différence entre les résultats reliés à chacun des personnages d'entraîneurs s'explique

aussi par le fait que Michelle Béliveau, nous le savons, pratique son mentorat en dehors des

lieux de production" ce que ne fait jamais Mercier. Michelle se rend chez un joueur, Dany

Bouchard, à deux reprises afin de l'encourager et de l'appuyer dans une histoire

d'accusation de possession de cocaïne, histoire à laquelle elle ne croit pas, un tel

82

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comportement ne correspondant pas, selon son évaluation professionnelle, à la personnalité

du joueur. De plus, le capitaine Mike Ludano se rend chez elle à une occasion afin de

partager les progrès qu 'il a accomplis dans sa vie personnelle depuis le début de leurs

discussions. Ces progrès ont d'ailleurs des répercussions sur son jeu, ce qui fait de cette

situation un parfait exemple du concept de mentorat tel que défini précédemment dans ce

mémoire.

5.1.3.3 Lieux d'échange

Selon les observations énoncées lors de la présentation des résultats, le personnage féminin

fréquente les lieux d'échange dans une proportion beaucoup plus importante que son vis-à­

vis masculin et .ce, parce qu'elle y rencontre à l'occasion son amoureux et aussi les joueurs

dont elle souhaite faciliter la confidence en les plongeant dans un contexte différent que

celui, de production, où ils se côtoient quotidiennement. Nos résultats démontrent donc que

Michelle Béliveau pratique un mentorat de type individuel, comme les femmes sont

reconnues pour le faire, et qu'elle le pratique majoritairement dans des lieux autres que

ceux reliés au travail, ce qui cadre avec l'aspect plus «relationnel» que développent les

femmes lors des situations de gestion et de mentorat. De plus, en ce qui concerne Jacques

. Mercier, les séquences où une relation personnelle est convoquée dans un lieu d'échange se

déroulent toujours en l'absence de l'entraîneur. Ce dernier étant évoqué par d'autres

personnages se trouvant dans un lieu d'échange, il n'est jamais véritablement impliqué dans

une conversation personnelle se déroulant dans un lieu d'échange, ce qui étaie le fait qu'il

ne fréquente aucun cercle d'amis et qu'on ne lui connaît aucun univers familial élargi.

5.2 Les femmes de Réjean Tremblay Dans '1' œuvre étudiée, Lance et compte, la représentation des personnages d'entraîneurs

varie en fonction du genre. Nous avons aussi convenu que le personnage d'entraîneur

féminin s'avère quelque peu atypique en fonction des autreS représentations proposées par

la télévision québécoise. Ce personnage est-il atypique en regard de l'œuvre générale de

83

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son créateur? La partie suivante présente l'auteur de la série, Réjean Tremblay, ainsi qu'une

description des représentations de quatre personnages féminins construits par celui-ci.

Seront ensuite discutées les ressemblances entre ses quatre représentations.

D'abord connu comme journaliste sportif, Réjean Tremblay s'est rapidement ,imposé

comme un prolifique et populaire auteur de fiction télévisuelle. Détenteur de deux

baccalauréats obtenus en 1965, l'un en lettres et l'autre en pédagogie, Réjean Tremblay

s'est toujours passionné pour l'écriture. Journaliste au quotidien La Presse depuis 1974, il a

reçu le prix Jules Fournier de l'Office de la langue française du Québec en 1983. C'est peu

de temps après, en 1986, que les Québécois découvrent l'autre facette du talent de Réjean

Tremblay: l'écriture télévisuelle. Il affirme: « J'ai pensé à la jictio,! dans les années 80

parce que [ ... ] la section des sports était très littéraire dans les années 70-75 à La Presse.

En réalité, on oubliait parfois de rapporter le score, pour raconter des histoires. Et c'est ce

que j'ai fait pour la télévision par la suite. » (Tremblay cité dans Beaunoyer, 2006, p.7) En

2006, avant même la diffusion de la dernière série de Lance et compte: La Revanche,

Réjean Tremblay avait atteint un nouveau sommet dans sa carrière: « le 8 mars prochain,

celui-ci en sera exactement à sa 200e heure d'écriture télévisuelle, toujours à l 'intérieur

d 'une {(série lourde" [ .. .J. » (Beaunoyer, 2006, p.7) Notons, outre les nombreuses heures

produites et les très respectables cotes d'écoute obtenues par les œuvres télévisuelles de

Réjean Tremblay 6 , sa grande contribution à l'évolution du genre téléromanesque:

« L 'histoire de la télévision retiendra qu'il a écrit la première série lourde du Québec,

Lance et compte, qui allait changer radicalement le rythme et le contenu de la téléjiction

québécoise. » (Beaunoyer, 2006, p.7)

Il écrit et scénarise la première saison de Lance et compte avec Louis Caron et collabore

ensuite avec Jacques Jacob pour la scénarisation des saisons II et III. En 1988, pour Lance

et compte II, Réjean Tremblay remporte le premier prix Gémeaux de sa carrière, celui de

26 Le 23 mars 1989, l'auditoire de Lance et compte III atteint les 3 227000 téléspectateurs et le 10 février 1994, l'auditoire de Scoop III atteint les 3 008 000 téléspectateurs. (Desau1niers et Nguyên-Duy, 1994, p.18)

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Page 92: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

Meilleure série dramatique. Il en gagnera trois autres, dans la même catégorie pour Scoop

IL III et IV, avec Fabienne Larouche. Sa collaboration avec Fabienne Larouche, sa

compagne de l'époque, s' avèrera particulièrement fructueuse pour la télévision québécoise.

Officiellement, ils ont écrit ensemble les quatre saisons de Scoop, Miséricorde, Innocence,

Urgence 1 et II, Le Masque et Paparrazp7. Cependant, selon plusieurs sources, bien que

son nom ne soit à aucun moment apparu au générique de la série, Fabienne Larouche aurait

participé à l'écriture de certaines scènes de Lance et compte III et du téléfilm Le Choix . En

2006, à l'occasion de la sortie . du livre de Claude Héroux et de Martine Pagé, Lance et

compte: Les Dessous d'une grande réussite, Fabienne Larouche affirme au journaliste

Richard Therrien avoir été rayée de 1 'histoire de la série. Claude Héroux écrira ensuite dans

une lettre adressée au journaliste: « Lors d 'un entretien avec Réjean Tremblay, j 'ai partagé

mon étonnement de voir que madame Larouche s 'est toujours attribué la co-scénarisation

de la série à travers les années, à un point tel que plus personne dans les médias ne semble

questionner cette affirmation. »28 Cependant, selon Richard Therrien, Réjean Tremblay

corrobore la version de Madame Larouche: « Réjean Tremblay a bel et bien affirmé au

Soleil que son ex-conjointe avait pris part aux textes du téléfilm HLe Choix" après

l'infarctus de Jacques Jacob, ainsi qu'aux versions finales de HLance et compte 3 ",

corroborant en partie la version de Fabienne Larouche. Voilà unfait indiscutable. » 29 Quoi

qu' il en soit, ce duo d'auteurs a connu d'immenses succès critiques et populaires. Une fois

leur relation amoureuse terminée, Réjean Tremblay écrira Réseaux 1 et II, Lance et compte:

Nouvelle génération, Lance et compte: La reconquête, Lance et compte: La revanche et

Casino 1 et II: « Après cette rupture, j'ai toujours écrit seul. Elle aussi d 'ailleurs. »

(Beaunoyer, 2006, p. 7) Fabienne Larouche a aussi connu sa part de succès populaires à la

suite de cette rupture amoureuse et professionnelle; Music Hall 1 et II, Fortier L IL III et VI,

Un homme mort, et bien sûr, Virginie, la quotidienne qu'elle écrit depuis 1996. Fortier lui a

valu en 2001 et 2003 le prix Gémeaux de la Meilleure série dramatique.

27 Radio Canada, Auteurs. [En ligne]. www.radio-canada.ca/television/casino/bio/index.shtml et www.radio­canada.ca/television/virginie/bio/index.shtml (Pages consultées le 15 novembre 2007) 28 Héroux, Claude et Richard Therrien. «Madame Larouche n'ajamais été engagée pour participer à l'écriture de la série». La Presse [En ligne]. (Vendredi, 17 novembre 2006) http://www.cyberpresse.ca/articl e/2006 1117/CPSOLEIL/6 11 17041/5034/CPOPINIONS&cp adsublabel=rss (Page consultée le 20 mai 2007) 29 Idem

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Page 93: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

Au cours de ces centaines d'heures de télévision, Réjean Tremblay a créé de nombreux

personnages féminins qui ont marqué l'univers télévisuel et la mémoire collective des

Québécois. Ainsi, les commentaires évoquant les «fantasmes féminins» auxquels Réjean

Tremblay donnait vie dans ses séries sont nombreux. Les personnages de Lucie Baptiste,

Natasha, Dominique Cartier, Vanessa Faulkner ou Valérie Nantel incarnaient-elles

vraiment des fantasmes de Réjean Tremblay? Chose certaine, elles incarnaient ceux de la

majorité des commentateurs de télévision, car pour désigner un fantasme, encore faut-il le

considérer comme tel. Outre les fantasmes incarnés par ces personnages, plusieurs autres

personnages féminins de Tremblay se sont démarqués parce qu'elles étaient des femmes

fortes qui brisaient le moule - d'aucuns dirait le carcan - dans lequel étaient enfermés les

personnages féminins des téléromans québécois. En effet, loin de proposer des femmes au

foyer et des mères de famille comme la plupart des téléromans l'ont fait au cours des

années, Réjean Tremblay semble croire que les femmes fortes et occupant des fonctions

non traditionnelles (journaliste sportif, P.D.G., entraîneuse dans la Ligue nationale) ont leur

place au petit écran. Seulement, il semble croire aussi que ces femmes ne peuvent être des

femmes fortes et indépendantes sans en payer le prix, c'est-à-dire sans sacrifier certains

aspects de leur vie. Nous présentons ci-dessous le portrait de quatre des plus populaires et

atypiques personnages féminins ayant été créés par Réjean Tremblay et ses collaborateurs:

Linda Hébert, Stéphanie Rousseau, Michèle Imbeault et Michelle Béliveau. Une dis~ussion

sur ces représentations hors normes du genre féminin suivra.

Linda Hébert

Le personnage de Linda Hébert est le premIer véritable personnage féminin atypique

attribué à la plume de Réjean Tremblay. Linda Hébert est présente dans les séries Lance et

compte 1, II et III, respectivement diffusées en 1986, 1988 et 1989, en plus d'être le

personnage central d'un téléfilm intitulé Envers et contre tous, diffusé en 1991.

Personnifiée par Sylvie Bourque, Linda Hébert est journaliste. Ce qui confirme le caractère

atypique de ce personnage c'est le fait que cette journaliste est la première et la seule

journaliste affectée à la couverture du hockey de la Ligue nationale de hockey: « [ .. .) le

personnage de Linda Hébert, la journaliste bitch et déterminée de Lance et compte, laissait

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présager l'apparition de femmes impitoyables dans le monde du sport. » (Therrien, 2002,

p.el) Directement inspiré de la journaliste Liza Frulla-Hébert, le personnage de Linda

Hébert est une représentation de l'émergence des femmes journalistes dans le milieu du

sport au cours des années soixante-dix: « Au Québec, les Marcelle St-Cyr, Liliane Lacroix

et Liza Hébert - immortalisée par Linda Hébert, de la série « Lance et compte» - ont les

premières signé des reportages vers 1972 et 1973. Elles ont quitté et leurs héritières font

partie du paysage bien que leur présence soit encore limitée. » (Jury, 1993, p.72) Bien

qu'elle soit très compétente en tant que journaliste sportive, Linda Hébert doit toujours

lutter contre certains personnages qui utilisent sa féminité pour l'attaquer ou bien pour la

rendre plus productive. En effet, lorsque Linda ne livre pas ce qu'il demande, son patron,

Ben Belley lui dit qu'il aurait donc dû engager un homme. Ce type de remarque, quoique

sexiste et injuste, a toujours un effet sur Linda, qui tente de se dépasser afin de prouver à

son patron et aux autres journalistes qu'elle est aussi compétente, sinon plus qu'un homme.

Elle confie aussi à Pierre Lambert, lors du neuvième épisode de la première série : « Tu

sais Pierre c 'est pas toujours très drôle d'être obligée de courir d'un bout à l 'autre du

continent pour suivre une bande de joueurs de hockey. Surtout quand t'es une femme, pis

que tu peux pas trop le montrer. »

Ce personnage non traditionnel, même vingt ans après sa création, n'a pas vécu que des

jours heureux. Si Linda Hébert a surmonté les obstacles professionnels reliés au fait d'être

une femme qui évolue dans un milieu exclusivement masculin et si elle a sans conteste

réussi sa carrière journalistique - elle deviendra directrice de l'information dans Lance et

compte III -, Réjean Tremblay affirme que les téléspectateurs sont fascinés « par Linda

Hébert qui flambe sa vie pour la job. » (Lemay, 1989, p.B4) En effet, Linda Hébert, bien

qu'elle ait entretenu des relations amoureuses au cours de son existence télévisuelle, n'a

jamais pu échapper aux problèmes conjugaux provoqués par son emploi non traditionnel.

Dans Lance et compte 1 elle confie aussi à Pierre Lambert: « Mon chum commence à plus

supporter tellement de me voir rentrer aux petites heures du matin. D'ailleurs, je suis mûre

pour un autre déjeuner causerie. » Par la suite, elle vivra trois relations qui, à cause de son

emploi, tourneront plutôt mal. Son aventure amoureuse avec l'écrivain Éric Murdoch

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prendra des allures de constante et malsaine compétition dans Lance et compte II, elle

trahira ensuite son amoureux Frédéric Tanner dans sa quête journalistique de la vérité au

cours de la troisième saison. Les périples amoureux de Linda Hébert trouveront leur apogée

lors de sa dernière apparition télévisuelle dans le téléfilm Envers et contre tous, alors

qu'elle devra faire le choix ultime: « Dilemme plus classique mais combien plus déchirant

pour Linda Hébert dans Envers et contre tous: l 'amour ou le journalisme. La vie est

cruelle. » (Lemay, 1990, p.5) Elle choisira fmalement l'amour.

Stéphanie Rousseau

Peu après le succès de Lance et compte, Réjean Tremblay développe l'univers du

journalisme plus en profondeur et présente aux téléspectateurs, en collaboration avec

Fabienne Larouche, les quatre saisons de Scoop, en 1992, 1993, 1994 et 1995. Scoop lui

permet de créer un autre très intéressant personnage féminin, la journaliste Stéphanie

Rousseau, interprétée par Macha Grenon. L'aspect atypique de ce personnage n'est pas ici

relié aux sujets qui alimentent la plume de Stéphanie Rousseau, mais bien à son évolution

et aux responsabilités grandissantes qui seront siennes. Ex-championne de tennis et fille de

milliardaire, Stéphanie Rousseau deviendra successivement journaliste, columnist30,

rédactrice en chef, propriétaire de journal et P.D.G. de Roussac, une multinationale fictive

comparable à Power Corporation, ce qui rend ce personnage féminin unique et

particulièrement atypique: « [ .. .] Stéphanie Rousseau, probablement la plus jeune

rédactrice en chef d'un quotidien en Amérique. » (Lemay, 1994, p.3) Cette ascension se

produira graduellement au cours de quatre années où ce personnage alimentera l'univers

téléromanesque. Seulement, de ces multiples succès professionnels résulteront de

nombreux problèmes familiaux. Son amoureux, le journaliste Michel Gagné avait déjà des

critiques à formuler quant au temps que Stéphanie consacrait à sa carrière lorsqu'elle était

rédactrice en chef. Cette relation se solde donc inévitablement par une rupture alors que

Stéphanie s'adapte plutôt bien à son nouveau statut de chef d'entreprise. Michel n'accepte

plus de s'occuper seul de leur fils et de passer ses soirées seul à la maison. Il répète souvent

30 L'auteure est consciente que le terme «columnist» est un anglicisme qui devrait être remplacé ici par « chroniqueuse ». « Columni~t » est ici utilisé afin de coller aux écrits de Réjean Tremblay et de Fabienne Larouche qui l'utilisent afin de définir le poste occupé par Stéphanie Rousseau.

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« avoir perdu sa blonde »" et n'avoir jamais été consulté relativement aux changements qui

se produisent dans leur vie familiale. Dans le dernier épisode de Scoop IV, Michel se rend

au bureau de Stéphanie pour lui annoncer qu'il les quitte, elle et le bébé. Il part en Europe,

car il n'en peut plus. La scène finale de cet épisode nous présente Stéphanie qui se rend à

l'aéroport afin de le retenir. Celui-ci pàrtira tout de même, laissant Stéphanie - et les

téléspectateurs - en larmes. Sa carrière aura eu raison de sa vie amoureuse.

Michèle Imbeault

En 1996 et 1997, Réjean Tremblay et Fabienne Larouche délaissent le milieujoumalistique

de Scoop pour explorer celui du milieu hospitalier dans les séries Urgence 1 et II. C'est à ce

moment que le Québec découvre le personnage de Michèle Imbeault « une femme de tête,

chirurgienne cardiaque, entièrement dévouée à sa profession », interprétée par Marina

Orsini. (Joanisse, 1996, p.3) Michèle Imbeault a entièrement consacré sa vie à l'étude et à

la pratique de la chirurgie cardiaque. Elle n'a jamais connu l'amour et son orientation

sexuelle semble être un mystère, pour elle comme pour son entourage: « [ .. .) sa

compétence dans le bloc opératoire ne fait aucun doute. Mais sa sexualité est un secret. »

(Cousineau, 1996, p.C6) Après avoir repoussé les avances de la seule amie qu'elle n'ait

jamais eue, elle découvrira finalement l'amour et la sexualité auprès d'un collègue

médecin, Daniel Trudeau, personnifié par Serge Postigo. Son propre travail de médecin lui

permettra de comprendre les efforts qu'un emploi de chirurgienne cardiaque peut demander

ainsi que les grandes responsabilîtés qui en découlent. Par son style d'écriture, Réjean

Tremblay vient lui-même accentuer ce sentiment intense de responsabilité: « Dans mes

séries, il y a toujours un gagnant ou un perdant comme dans le sport. À l 'hôpital, le

médecin va réussir à sauver une vie ou rater son intervention. » (Beaunoyer, 2006, p.7) Son

copain comprendra les exigences de l'emploi de Michèle jusqu'au jour où elle tombera

enceinte. Il voudra alors qu'elle réduise le temps qu'elle consacre au travail dès le tout

début de sa grossesse. Ses inquiétudes s' avèreront fondées, car le personnage de Michèle

Imbeault sera victime d'ùn malaise au beau milieu d'une chirurgie. Une fois la mère et

l'enfant hors de danger, elle mettra son travail de côté afin de mener sa grossesse à terme.

89

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La deuxième et dernière saison d'Urgence se termine alors avec le mariage de Daniel et de

Michèle, qui attendent toujours cet enfant.

Michelle Béliveau

Ce personnage central de notre étude représente un des personnages féminins s'étant le plus

démarqués par la pratique d'une profession atypique. Elle nous est présentée pour la

première fois dans Lance et compte: Nouvelle génération. Victime de discrimination basée

sur la langue, Michelle Béliveau perd son poste d'entraîneuse de l'équipe canadienne de

hockey féminin, même après avoir remporté l'or aux Jeux olympiques. Alors qu'elle tente

de retrouver son poste, une offre se présente; elle devient alors la première femme

entraîneuse de la Ligne nationale de hockey: « Il s'agit là d'une première mondiale [ .. .) »,

mentionne son interprète, Maxim Roy. (Santerre, 2002, p.8) Cette nomination ne fait

malheureusement pas le bonheur de tous: « C'est un mélange de toutes sortes de réactions,

il y aura des gars respectueux, d'autres qui ne le prennent pas» observe la « coach ».

(Santerre, 2002, p.8) En plus de devoir vivre des frictions avec certains joueurs, Michelle

Béliveau devra tenir tête à son collègue, Marc Gagnon, qui la brime dans son travail depuis

qu'elle a refusé ses avances.

Sur le plan amoureux, Réjean Tremblay nous présente d'abord une femme célibataire, sans

enfant et sans amie proche. Les dialogues nous conduisent à conclure que le fait de

pratiquer le métier d'entraîneur l'a condamnée à en payer le prix dans sa vie personnelle.

Elle affirme clairement [B-V -9 : Il] : « J'ai eu quelques chums, le dernier, ça a duré 3 ans.

In and out. Y m 'a jlushé y'a 6 mois. J'étais jamais à la maison.» Cette période de sa vie

semble maintenant révolue, car Michelle développera « comme de raison », une relation

avec Pierre Lambert, la vedette de la série. (Cousineau, 2006, p.2) Celui-ci est maintenant

agent de joueur, veuf et père de quatre enfants. Ayant évolué toute sa vie dans le milieu du

hockey, il comprend bien les particularités reliées au travail de Michelle, ce qui permet à

leur relation de perdurer. L'année suivante, dans Lance et compte: La reconquête, elle

tombe enceinte. À la suite d'un malaise survenu lors d'un voyage à l'étranger avec

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l'équipe, elle cessera son travail et sera au repos forcé. Dû à cela, le personnage de

Michelle Béliveau affirmera lors du neuvième épisode : « y' en a une gang de macho qui

vont être contents de dire qu 'une femme peut pas coacher dans la Ligue nationale. » Elle

dispensera bien quelques conseils téléphoniques à Marc Gagnon, mais elle ne retournera

plus « sur le terrain », et ce, même après avoir accouché: « Au lieu d'être derrière le banc

des joueurs, elle trônera derrière une barricade de couches. » (Cousineau, 2006, p.2)

4.2.1 Synthèse: Les femmes de Réjean Tremblay

Après avoir dressé le portrait télévisuel de quatre personnages féminins créés par Réjean

Tremblay, il appert qu'ils ont de nombreux points communs. Dans le milieu professionnel

où elles évoluent, les occupations attribuées à ces femmes s'avèrent être non traditionnelles

et atypiques. Cependant, en dépit des obstacles auxquels elles ont dû faire face pour

occuper ces emplois, elles mènent toutes de brillantes et florissantes carrières. Les

personnages de Linda Hébert et de Michelle Béliveau ont spécialement dû affronter les

réticences de leurs collègues et résoudre des problèmes en lien avec leur genre dans des

milieux de travail traditionnellement masculins. Que ce soit des collègues qui remettent en

cause leurs qualités professionnelles en raison de leur féminité ou bien le fait qu'elles

doivent affronter les répercussions liées au refus des avances d'un collègue, ces

personnages féminins ont eu à se tailler une place dans leur milieu respectif. Dans le cas de

Stéphanie Rousseau et de Michelle Imbeault, les obstacles ont été moins nombreux, mais

leur ascension s'avère toutefois hors du commun. En effet, dans les milieux professionnels

dépeints dans les téléromans québécois, aucune autre femme n'a atteint le niveau

professionnel qu'elles occupent. En regard de cela, nous croyons que Réjean Tremblay a

construit quatre personnages féminins forts, déterminés, passionnés par leur fonction et qui

diffèrent véritablement du type de représentations féminines habituellement construit pour

les téléromans québécois.

Les protagonistes créés par Réjean Tremblay, bien qu'ayant surmonté de nombreux

obstacles liés à leur occupation, n'en sont toutefois pas au bout de leur peine. En effet, nous

91

Page 99: La représentation du genre masculin et du genre féminin ... · des personnages d'entraîneurs et ce, afm de vérifier l 'hypothèse générale voulant que celles-ci varient en fonction

avons démontré que la vie amoureuse et familiale de ces quatre protagonistes n 'a pu être

épargnée par le milieu professionnel. Michelle Imbeault a occulté toute trace de sexualité et

d'amour de sa vie afin de pouvoir réussir ses études et pratiquer le métier de chirurgienne

cardiaque. Linda Hébert, Stéphanie. Rousseau et Michelle Béliveau ont toutes vu une ou

plusieurs relations amoureuses se terminer à cause de considérations reliées à leur fonction.

Il a été mentionné que Michelle Béliveau et Michelle Imbeault ont finalement trouvé

l 'amour véritable et durable. Cependant, elles ont rencontré leur amoureux dans un contexte

professionnel et ses hommes sont plus aux faits des particularités reliés au métier de leur

conjointe. Serait-ce qu'il s'avère totalement impossible, à cause des exigences de leur

travail, que ces femmes puissent trouver l'amour en dehors du travail? Réjean Tremblay

semble, consciemment ou non, étayer ce point de vue par ces écrits télévisuels. Que Réjean

Tremblay adopte ce point de vue intentionnellement ou non, celui-ci rejoint entièrement les

conclusions des études portant sur la représentation du genre féminin à la télévision :

« Where women are shown as successful outside the domestic sphere they are frequently

portrayed as unhappy in their personallives ».31

Michèle Imbeault et Michelle Béliveau n'ont pas seulement trouvé l'amour sur leur lieu de

travail, elles sont aussi tombées enceintes et ont toutes deux étés victimes de malaises, soit

en pleine opération, soit en voyage à l'extérieur pour une joute de hockey. Elles ne peuvent

donc pas mener leur grossesse et leur carrière de front. Elles quitteront respectivement leur

emploi à la suite de ses malaises et nous ne les reverrons jamais retourner au travail. Il

s'avère particulièrement intéressant de constater que les deux derniers personnages

féminins attendent la maladie - qui compromet leur grossesse - pour effectuer une certaine

prise de conscience en termes d'équilibre général dans leur vie. Pouvons-nous ici déceler

un propos éditorial de la part de Réjean Tremblay? Il semble bien, en effet, que dans les

œuvres décrites ici, la règle générale veut qu'une femme qui sort quelque peu des sentiers

31 Claude Chandler. 2003. Television and Gender RaIes. [En ligne]. http://www.aber.ac.uk/mediaiModules/TF33 120/gendertv.html (Page consultée le 2 novembre 2008)

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battus quant au travail qu'elle effectue ne puisse le faire sans devoir renoncer à certains

autres aspects de la vie et que seule la maternité soit à même de freiner leur ambition

professionnelle.

En considérant notre questionnement initial, nous pouvons affirmer que la représentation

proposée par Réj ean Tremblay via le personnage de Michelle Béliveau n'est pas atypique

en regard de l'œuvre sérielle globale de son auteur. Mais l'est-elle en regard de la tradition

téléromanesque québécoise?

5.3 Tradition de recherche sur les téléromans La tradition de recherche en ce qui concerne la représentation des femmes remonte au début

des années 70. Une 'fois la recension de ces études effectuées32, nous remarquons que ces

études ont toutes analysées les représentations à l'aide du concept «sexe »et qu'il s'en

dégage une représentation des femmes relativement homogène. Sans conteste, celle-ci est

montrée comme étant, avant tout, heureuse dans son rôle d'épouse et de 'ménagère. Cette

femme du petit écran préfère graviter en permanence autour de la sphère familiale; celles

qui s'en éloignent sont célibataires, veuves, séparées ou divorcées. (Mercier, 1979) Dans

les cas où elle côtoie la sphère professionnelle, la femme occupe des professions qui lui

sont traditionnellement dévolues; infirmière, secrétaire, hôtesse, etc., alors que les hommes

sont cadres ou professionnels. (Ross, 1976) Les caractéristiques que l'on attribue à la

femme sont loin d'être flatteuses: sans jugement, ni discernement, irresponsable, faible,

naïve, et sans initiative. Elle est aussi constamment en quête d'attention, d'amour, de

protection ou de tendresse. (Cossette-Vincent, 1979 ; Méar, 1981)

Grâce au concept de genre et de ses différents aspects constituants nous concluoI1s que

notre personnage féminin ne correspond aucunement à l'image traditionnelle qui se dégage

32 Cette recension est présentée au premier chapitre.

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de la recension des études québécoises. Loin de soutenir la représentation de la séparation

des sphères familiale et professionnelle et de l'incompatibilité de celles-ci, Michelle

Béliveau représente à la fois la femme qui priorise sa vie professionnelle au détriment de sa

vie personnelle, mais qui parvient à trouver l 'équilibre en conciliant finalement les deux.

En effet, sa relation avec Pierre Lambert, son agent et ancien joueur, vient harmoniser le

tout et lui permet d'assumer son rôle d 'entraîneur tout en vivant pleinement ceux

d'amoureuse et de belle-mère. La séparation des sphères familiale et professionnelle est

donc exclue de la repré~entation du genre féminin que nous présentent les téléromans

québécois. Cela est d ' autant plus vrai que les lieux dans lesquels se déroulent maintenant

les échanges professionnels ne sont plus limités aux lieux de production, mais prennent

aussi place dans les lieux d'échange et d'habitat.

De plus, les caractéristiques habituellement associées aux personnages féminins des

téléromans ne correspondent pas à celles que nous avons observées chez Michelle

Béliveau. À ce niveau aussi, cette représentation vient donc déroger à la représentation

traditionnellement véhiculée. Michelle est dépeinte comme ayant plusieurs responsabilités

d'importance au travail et comme faisant preuve d'un très bon jugement. Effectivement,

psychologue de formation, elle a la capacité de juger de manière très juste les gens et les

situations, ce qu'elle démontre dans plusieurs séquences analysées. Elle sait détecter un

joueur qui a des problèmes et le soutenir avec succès, et elle prend l'initiative de plusieurs

échanges de mentorat qui se tiennent, la plupart du temps, dans des lieux d'échanges

(restaurant, maison). Cette représentation est celle d'une femme capable de s'affirmer et de

se défendre devant les obstacles et la discrimination, que celle-ci soit liée à son origine

québécoise ou à son statut de femme.

Il est donc clair que. le personnage d'entraîneur de Michelle Béliveau se distance de la

traditionnelle représentation de la femme et dénote par le fait même une évolution sociale

dans la manière de percevoir les femmes, et surtout, celles qui oeuvrent dans des milieux

majoritairement masculins. Michèle Béliveau est une fière représentante des personnages

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féminins forts et atypiques créés par Réjean Tremblay. D'autres diront que des personnages

tels que Émilie Bordeleau (Les Filles de Caleb), Blanche Pronovost (Blanche) et Pauline

. « La louve» Leblanc (L'ombre de l'épervier) ont aussi défié les barrières du genre et de la

société, mais il s'agit là de représentations d'un autre temps et d'un contexte social

différent. Notre recherche démontre aussi que a séparation et l'opposition systématique

entre les représentations des hommes et des femmes s'amenuisent. Les deux genres peuvent

maintenant travailler dans les mêmes milieux et occuper des postes d'autorité. Le contexte

social se reflète donc dans les représentations téléromanesques qui transmettent les modèles

et les valeurs d'aujourd'hui. L'entrée dans l'univers professionnel et l'accessibilité à de

nouvelles professions qu'ont connues les personnages féminins, tout comme l'évolution

dans la manière de les caractériser a pu s'observer au fil des années télévisuelles.

5.4 Retour sur la pertinence du concept de genre Nous avons longuement traité de nos prétentions à l'égard de l'utilisation du concept de

genre aux fins d'analyse de représentations fictives. Cette recherche étant maintenant

achevée, le temps est venu de revenir sur ces prétentions et de valider ou non l'apport

supplémentaire de ce concept en opposition à l'utilisation du concept de « sexe ».

Nous avons déjà mentionné que les recherches québécoises antérieures ont toutes interrogé

l'image de la femme à l'aide de la catégorie « sexe ». Sauf exception, la majorité de celles­

ci se limite à dénombrer l'état matrimonial des personnages ou la proportion des hommes et

des femmes qui travaillent et dans quel secteur ils le font, ce qui résulte, selon nous, d'une

lacune de la catégorie « sexe» à nous renseigner adéquatement ou d'un problème dans la

manière de l'opérationnaliser. Nous sommes d'avis que le concept de genre nous permet de

comprendre plus globalement ces représentations en étudiant diverses facettes

(psychologique, social, physique) et en les approfondissant davantage. Nous avons

effectivement appris plusieurs choses sur la construction des personnages féminins et

masculins des téléromans, et ce, en étudiant les différents types de relations dans lesquels

ils sont impliqués, les types de lieux dans lesquels ils sont mis en scène et, de plus, la

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confrontation de ces deux aspects nous a permis d'étayer encore plus les résultats découlant

de nos hypothèses spécifiques. Aussi, au-delà du simple fait de dénombrer les professions

ou les intérêts des personnages, nous croyons avoir démontré que le concept de genre

permet d'aller plus loin dans nos observations et dans nos interprétations. Plusieurs des

recherches antérieures dont nous avons discuté ont, selon nous, fait des affirmations sur les

représentations des hommes et des femmes sans avoir de données pertinentes ou suffisantes

pour le faire. Certaines chercheuses apposent des caractéristiques négatives aux

personnages féminins, et ce, sans nous démontrer comment elles en sont arrivées à ces

conclusions. La simple écoute d'un téléroman et le dénombrement de types d'occupation en

fonction du concept de sexe ne parviennent pas, selon nous, à démontrer scientifiquement

quelles sont les différences entre les représentations féminines et masculines dans la mesure

où le concept de genre le permet. Nous croyons donc que certains chercheurs auraient tout à

gagner à utiliser ce concept afin d'approfondir les données scientifiques concernant la

culture télévisuelle québécoise. Notons que, bien que nous ayons utilisé une méthode

d'analyse qui se prête aux études de type diachronique, comme démontré au chapitre 3,

nous avons dû relativiser certaines observations relatives au genre à cause des années qui

séparent les séries étudiées. Il serait pertinent de mener une autre étude comparative à l'aide

de personnages provenant de téléromans diffusés au cours de la même année. Soulignons

que les connaissances produites dans ce mémoire pourraient être mises à contribution par

certains enseignants universitaires s'intéressant aux hommes et aux femmes dans les

médias. Aussi, il ne fait aucun doute pour nous que ces résultats soient susceptibles

d'intéresser des représentants d'organismes gouvernementaux et de groupes de recherche

qui y trouveront matière à confirmer ou infirmer leurs positions par rapport aux

représentations proposées par la télévision québécoise. Nous croyons également que les

résultats de cette recherche pourraient être repris et comparés avec des recherches menées

ailleurs afin d'établir dans quelle mesure le Québec démontre une spécificité culturelle dans

la manière qu'ont les fictions sérielles de représenter les genres féminin et masculin. Enfin,

il serait particulièrement intéressant de refaire cet exercice d'analyse comparative avec

deux personnages créés, cette fois-ci, par une femme et de vérifier si le genre de l'auteur a

une incidence sur la représentation des personnages féminins et masculins.

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Annexe A : Fiche technique Lance et compte 1

Producteur Claude Héroux

Réalisateur Jean-Claude Lord

Auteurs et scénaristes Réjean Tremblay, Louis Caron

Diffusion 1986

Diffuseur Radio-Canada

Nombre d'épisode 13

Durée 1 h 00 (avec pauses publicitaires)

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Annexe B : Fiche technique Lance et compte: génération

Nouvelle

Producteur Caroline Héro ux

Réalisateur Jean-Claude Lo rd

Auteur et scénariste Réjean Tremb lay

Diffusion 2001

Diffuseur TQS

Nombre d'épisode 10

Durée 1 h 00 (avec pauses pu blicitaires)