La responsabilité sociale des entreprises.pdf

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    1/92

    La responsabilit socialedes entreprises:mythes et ralits

    Education ouvrire 2003/1Numro 130

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    2/92

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    3/92

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    4/92

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    5/92

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    6/92

    VI

    et llimination de la discrimination en matire demploi et de profession.Et ce, quils aient ou non ratifi les conventions pertinentes.

    Le dernier rapport annuel de la Confdration internationale des syn-dicats libres (CISL) constate cependant, une fois de plus, lexistence dungrand dficit dans lapplication des normes en matire de libert syndi-cale. Il fait tat de violations dans 134 pays. Plus de 200 syndicalistes ont

    t tus en un an et des milliers ont t licencis en raison de leurs activi-ts syndicales lgitimes.

    Il en ressort que la responsabilit sociale des entreprises ne peut enaucun cas tre considre comme un substitut laction des gouverne-ments en matire de respect total des droits fondamentaux des travailleurs,de lgislation sociale et du contrle de son application. Et si responsabilitsociale des entreprises il y a, celle-ci doit aller au-del du simple respectde la loi. Ses promoteurs soutiennent dailleurs volontiers que la RSE con-cerne limpact des entreprises sur les besoins et aspirations de la socit.Trs bien. Mais attention, respecter les besoins et les aspirations de la so-

    cit est une chose; chercher redfinir ces besoins et ces aspirations enfonction des objectifs propres la RSE en est une autre. Cest pourquoi lerespect des institutions et processus dmocratiques, par lesquels sexpri-ment les besoins et aspirations des socits, devrait se situer au centre duconcept de RSE. Les syndicats indpendants sont des institutions dmo-cratiques et expriment lgitimement les aspirations des travailleurs. LaRSE pourrait donc tre utile si elle ouvre la possibilit pour les travailleursde dfinir et de dfendre leurs propres intrts. Comme le souligne leSecrtaire gnral de la CISL, Guy Ryder, dans un article publi dans cenumro dEducation ouvrire, la responsabilit sociale des entreprises estutile dans la mesure o elle offre aux travailleurs un espace pour prot-ger leurs intrts, et nuisible dans la mesure o elle essaie de remplir cetespace. En dautres termes, il nappartient pas aux entreprises de dciderarbitrairement ce qui est bon ou non pour des gens quelles ne peuvent enaucun cas prtendre reprsenter. Les travailleurs ont besoin de solidarit,pas de charit. Ils ont besoin davoir leur mot dire.

    L o les droits fondamentaux des travailleurs sont pleinement res-pects, le dveloppement durable auxquels les promoteurs de la RSEse rfrent souvent en tant quobjectif, et qui est une proccupation ma-

    jeure des syndicats a aussi plus de chances dtre ralis. Organiss ensyndicats indpendants, les travailleurs peuvent sexprimer et agir libre-

    ment la fois sur leur lieu de travail et dans leur communaut. La par-ticipation des travailleurs et des syndicats est un gage de succs la foisqualitatif et quantitatif dans le combat pour un dveloppement durableet pour la justice sociale.

    La dmocratie demeure ainsi la meilleure garantie que les questionssociales et environnementales seront traites. Et, ct de la lgislation,les initiatives volontaires qui ont le plus de chances de russir sont cellesqui reposent sur les forces et processus de la dmocratie en impliquanttous les intervenants et tous les intresss.

    Ds lors, lexistence de relations professionnelles constructives dans

    lentreprise et la pratique de la ngociation collective avec les syndicatscomptent parmi les indicateurs srieux de lengagement rel dune entre-prise assumer sa responsabilit sociale. Ces repres ne sont pas faciles valuer et cette difficult dvaluation devrait conduire les partisans delaudit social, un secteur en pleine expansion, plus de circonspection.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    7/92

    VII

    En labsence de syndicats libres et de ngociation collective, il ny a pasmoyen de garantir ou de vrifier que la libert syndicale existe. Comme lesouligne en substance un des articles publis dans ce numro, le groupequi est le plus mme de contrler les pratiques sur le lieu de travail estcelui-l mme que les normes du travail cherchent protger: les tra-vailleurs et leurs syndicats (voir article par Philip Hunter et Michael Ur-

    minsky en page 49).Il reste que lun des mrites de la responsabilit sociale des entrepri-

    ses est davoir rendu vident que, lre de la mondialisation, le dialoguesocial national ou local nest plus suffisant. Lconomie mondiale exigequau dialogue social national viennent sajouter de nouveaux espacesde dialogue social, rgional et mondial. Le monologue auquel se livrent

    beaucoup dentreprises en adoptant de manire unilatrale des codes deconduite destins saccorder de bons points ne rpond pas cette pr-occupation. Et mme si on fait appel des consultants et auditeurs ext-rieurs pour tenter de certifier lefficacit de tels codes, il sagit toujours

    dun monologue. Le dialogue social exige de parler des interlocuteurslgitimes et aussi daccepter de les couter.Signes visibles dune certaine mondialisation du dialogue social, les

    accords-cadres mondiaux entre entreprises multinationales et fdrationssyndicales internationales (FSI) offrent de meilleures perspectives. Ils de-viennent de plus en plus frquents et cette volution est bienvenue. Ellepourrait mme mener la responsabilit sociale des entreprises franchirun pas. Les accords-cadres sont volontaires (de la mme faon que les n-gociations collectives), mais ils jouissent de la lgitimit des parties qui lesngocient et qui saccordent sur des principes communs. Ainsi, fondessur la reconnaissance de lexistence des conflits entre travailleurs et em-ployeurs, de bonnes relations professionnelles au niveau mondial cons-tituent galement une manire efficace de rsoudre les problmes. Danslintrt des deux parties, les progrs dpendront toujours de la volontde traiter le conflit plutt que dessayer de ltouffer ou de lignorer.

    On le voit, lavenir de la responsabilit sociale des entreprises ne rsidepas dans labdication par les gouvernements de leurs propres responsa-

    bilits en matire sociale. En ralit, pour dvelopper tout son potentiel,la RSE devra pouvoir oprer sur une base saine et sur des rgles univer-selles acceptes par tous les acteurs. Ces rgles ne doivent pas tre inven-tes. Elles existent. Les normes fondamentales du travail de lOIT, qui

    prvoient le respect total de la libert syndicale, le droit la ngociationcollective, la non-discrimination dans le salaire et lemploi, linterdictiondu travail forc et du travail des enfants, constituent des points de repreuniversellement reconnus. La RSE commence par lacceptation de toutesces normes, leur diffusion travers les entreprises et leurs fournisseurs,ladoption dune attitude positive envers les syndicats et lengagementdans un dialogue social actif.

    La Dclaration de principes tripartite de lOIT sur les entreprises mul-tinationales et la politique sociale est aussi un instrument particulirementintressant pour engager la responsabilit sociale des entreprises. Adop-

    te par les gouvernements, les employeurs et les organisations syndicalesdes pays Membres de lOIT, elle cherche maximaliser les contributionspositives que les investissements des multinationales peuvent appor-ter aux progrs conomiques et sociaux et vise rsoudre les difficultsquils peuvent induire. Les principes directeurs de lOCDE lintention

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    8/92

    VIII

    des entreprises multinationales expriment, quant eux, les attentes desgouvernements lgard des bonnes pratiques des entreprises. Ils sadres-sent prioritairement aux entreprises bases dans les pays qui y adhrent1,mais concernent aussi leurs activits partout dans le monde. Davantagede pays sont maintenant engags dans la procdure pour y adhrer. Cesprincipes directeurs sont exhaustifs, avec des chapitres qui couvrent les

    politiques gnrales, la divulgation des informations, lemploi et les rela-tions professionnelles, lenvironnement, la lutte contre la corruption, lesintrts des consommateurs, la science et la technologie, la concurrence etles taxations. La Dclaration de lOIT et les principes directeurs de lOCDEsont les seuls instruments du domaine de la responsabilit sociale des en-treprises qui soient bass sur des principes et normes universels. Cest laune du respect de ces normes et principes que sera mesur lapport ef-fectif des initiatives de RSE en matire de dveloppement durable et de

    justice sociale. Et ds lors leur pertinence, ou pas, pour les syndicats.

    Michael SebastianDirecteur a.i.Bureau des activits pour les travailleurs

    Note

    1 Les adhrents aux principes directeurs sont les 30 membres de lOCDE (Allemagne,Australie, Autriche, Belgique, Canada, Rpublique de Core, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique,Norvge, Nouvelle-Zlande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Rpublique tchque, Royaume-Uni, Slovaquie, Sude, Suisse, Turquie) ainsi que lArgentine, le Brsil, le Chili, lEstonie,

    Isral, la Lituanie et la Slovnie.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    9/92

    1

    La responsabilit sociale des entrepri-ses (RSE) a merg en tant quobjetessentiel de politique publique dans denombreux pays et au niveau internatio-nal. Considre par certains comme lagrande question du XXIe sicle dans lemonde de lentreprise, la RSE occupe uneplace croissante dans les dbats plus lar-ges sur la mondialisation ou le dveloppe-ment durable. Il nexiste pourtant aucunedfinition universellement admise de laRSE. Les diffrences dans sa perceptionont donc dbouch sur de nombreux dia-logues de sourds et ont cr des obstaclespour les syndicats lorsquils ont essay

    de saisir les opportunits et de relever lesdfis lancs par la RSE.

    Signification de la responsabilitsociale des entreprises

    Certains syndicalistes considrent la RSEcomme un objectif souhaitable, dautrescomme une dangereuse tentative de rem-

    placer les rles traditionnels des gouverne-ments et des syndicats. De nombreux syn-dicalistes considrent aussi la RSE commeun simple exercice de relations publiques.Cet article prendra en considration diff-

    rents aspects de la RSE et leurs implicationspour les travailleurs et leurs syndicats. Ilne fait pas de recommandations concernantdes initiatives ou organisations spcifiquesmais il identifie certaines questions sous-

    jacentes que les syndicalistes devraientprendre en compte. Il se base sur les con-clusions dune runion spciale du grou-pement Global Unions (Stockholm, avril2003) organise pour rflchir aux implica-tions de la RSE pour les syndicats.

    Les syndicalistes ne peuvent plus igno-rer la RSE. Elle a engendr une nouvelleindustrie de consultants et dentreprisesoffrant des services de cotation sociale aux

    entreprises. Elle a modifi lindustrie desgestionnaires de fonds qui orientent les fi-nancements et les placements de capitaux,lanc de nouveaux dfis aux agences qui of-frent aux investisseurs des informations surles entreprises. Elle est prsente dans desdpartements nouvellement crs dans denombreuses socits, se retrouve dans desinitiatives parties prenantes multiplesimpliquant des organisations non gouver-

    nementales (et parfois des organisationssyndicales) ainsi que dans les partenariatspublic-priv liant les entreprises et les gou-vernements. Les gouvernements et les or-ganisations intergouvernementales comme

    Concept et phnomne dela responsabilit sociale des entreprises:

    dfis et opportunits pour les syndicalistes

    La no t ion selon laquel le les ent reprises sont non seulement respon -sables vi s--v is de leu rs par t ies prenan t es (les pr op ritair es) maisgalement f ace un ensembl e p lu s vast e de part ies pren ant es et

    la socitau sen s le p lus lar ge est l une des ides essen t iel les ducon cept de responsabil itsociale des ent rep rises (RSE). Tou t ef oi s,les per cept io ns de la RSE d if fren t . Ell es amnen t des df is et desoppor t un its pour les syn d icats (et pour lOIT). Relev er ces df is etsaisir ces opport un its ex ig era une appro che nuance.

    Dwight W. JusticeDparte ment des en treprises multinat iona les

    Confdration internationale des syndicats libres

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    10/92

    2

    lUnion europenne ont mis au point desplans de travail et ont cr des units sp-ciales pour promouvoir la RSE. Les colesde commerce et les universits ont gale-ment cr des dpartements et des unitsRSE. Elle est le sujet de nombreux livres, ar-

    ticles, sites Web et des journaux entiers luisont consacrs. Des milliers dentreprisesont adopt des codes de conduite, des prin-cipes thiques et des directives en son nom.La RSE a aussi donn naissance une pro-lifration de rapports de plus en plus la-

    bors tablis par des entreprises au sujet deleur responsabilit sociale ou de leur per-formance en matire de dveloppementdurable. Le phnomne sexplique en par-

    tie par une industrie daudits dentreprisesqui sattend voir les gouvernements exi-ger des socits des rapports sur limpactsocial et environnemental de leurs activitsen plus des rapports financiers quelles doi-vent dj fournir. Toute une srie dagencesde notation et certification sociales ont djcommenc occuper ce terrain et vendreleurs services aux entreprises.

    Les syndicalistes ne peuvent pas ignorerle concept qui se cache derrire ce phno-mne de RSE. En tant que concept, la RSEa en effet t utilise pour contrer ou com-plter les objectifs syndicaux et elle fait lob-

    jet dun dbat sur la relation des entreprisesavec la socit, dont lissue affectera les tra-vailleurs et leurs syndicats. Le terme de res-ponsabilit sociale des entreprises nest pasnouveau, du moins dans la littrature tho-rique, mais le concept a volu, comme entmoignent les cinq dfinitions suivantes:

    La responsabilit des entreprises impli-que un engagement de la part dune en-treprise grer son rle dans la socit(en tant que producteur, employeur,acteur du march, client et citoyen) demanire responsable et durable. Cet en-gagement peut inclure un ensemble deprincipes volontaires (qui vont au-deldes exigences lgales applicables) cher-chant assurer que lentreprise aura un

    impact positif sur les socits dans les-quelles elle fonctionne 1.

    La responsabilit sociale des entre-prises regroupe des actions qui vont

    au-del de celles qui sont exiges parla loi 2.

    Il ne sagit pas de bien faire, ni mmede vouloir montrer quon fait bien. Ilsagit de considrer que lentreprise aune responsabilit vis--vis de toutes

    les parties prenantes et quelle se doitdagir au mieux de leurs intrts 3.

    La responsabilit sociale des entrepri-ses est la relation globale de lentrepriseavec toutes ses parties prenantes. Cel-les-ci incluent les clients, les employs,les communauts, les propritaires/investisseurs, le gouvernement, lesfournisseurs et les concurrents. Par le

    biais de pratiques de RSE efficaces, lesorganisations parviendront un qui-libre entre les impratifs conomiques,environnementaux et sociaux dunepart, et dautre part elles rpondrontaux attentes des parties prenantes, leurs exigences et leurs influencestout en soutenant le cours des valeursdtenues par les actionnaires 4.

    La RSE est un concept grce auquel lesentreprises intgrent des problmes so-ciaux et environnementaux dans leursoprations commerciales et dans leurinteraction avec les parties prenantessur une base volontaire 5.

    Parmi les lments les plus rcurrentsdes diffrentes dfinitions de la RSE, citonssa nature volontaire, laccent mis sur lesinitiatives prises par la direction et sur lagestion de limpact social ainsi que lide

    selon laquelle les entreprises ont des par-ties prenantes dont les intrts doivent trepris en compte.

    Les questions sur la signification de laRSE conduisent parfois se demander siRSE est bien le terme adquat. Certainsprfrent utiliser RE (responsabilit desentreprises) car ils pensent que le motsocial ninclut pas environnemental.Dautres prfrent RO (responsabilit

    des organisations) ou RS (responsa-bilit sociale) parce quils ne pensent pasque les entreprises devraient tre traitesdiffremment des autres organisations oumme des gouvernements. Dautres en-

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    11/92

    3

    core prfrent le terme entreprises ci-toyennes qui suggre quune entreprisedoit tre considre comme une entitayant la fois des droits et des responsa-

    bilits. Quoi quil en soit, le terme respon-sabilit sociale des entreprises est utilis

    plus frquemment que les autres termes.

    Les sources du concept actuel de RSE

    La RSE sous sa forme actuelle a pris nais-sance dans les annes quatre-vingt-dix etreprsente une convergence dides et dedveloppements. La source la plus signi-ficative du concept actuel de RSE vient

    de linquitude concernant lenvironne-ment. Elle est lie lide de dveloppe-ment durable, dveloppe par la Commis-sion Brundtland la fin des annes qua-tre-vingt et accepte par le Sommet de laTerre de Rio en 1992. Les syndicalistes ont

    jou un rle crucial dans ltablissementdun rapport entre lenvironnemental et lesocial pendant cette priode. Ils sont ga-lement parvenus faire reconnatre que ledveloppement durable avait une dimen-sion sociale.

    Lun des principaux moteurs de la RSEest lide quil y a un argument conomi-que, un avantage conomique la res-ponsabilit sociale et environnementale.Parmi les origines de cette ide se trouvelopinion largement partage selon la-quelle des mesures qui sont bonnes pourlenvironnement peuvent galement tre

    bonnes pour les performances financi-

    res dune entreprise. Un autre aspect delinfluence environnementale sur le con-cept de RSE sexprime par lide rpan-due selon laquelle les performances nonfinancires dune entreprise peuvent tremesures objectivement, faire lobjet derapports, daudits et tre certifies par desmthodes similaires celles utilises pourmesurer, faire des rapports, des audits etcertifier les performances financires dune

    entreprise. Cette rflexion a nourri la no-tion de triple bottom line qui fait rf-rence la dernire ligne du rsultat finan-cier (la bottom line) dune entreprise enestimant quun triple rsultat simpose

    dsormais et quil lierait les performancesfinancires, environnementales et socialesdes entreprises. Toutefois, un autre aspectde linfluence de lenvironnement fut lap-proche cologique des questions socia-les reprsente dans le concept de par-

    ties prenantes. Sont considrs commeparties prenantes toute personne ou toutgroupe affects par les activits dune en-treprise. On attend ds lors des entreprisesquelles approchent les questions socialesen valuant limpact de leurs activitstout comme les environnementalistes exi-gent que les entreprises valuent limpact(lempreinte) de leurs activits sur len-vironnement.

    Une deuxime source importante duconcept actuel de RSE peut nous faire re-monter aux consquences des politiquesde libralisation, de drglementation etde privatisation des vingt dernires an-nes. Pour les gouvernements qui adop-tent des politiques de moindres cots, laRSE se traduit par la croissance de nouvel-les formes de philanthropie reposant surdes partenariats public-priv et sur luti-lisation accrue dorganisations non gou-vernementales (ONG). Une nouvelle idese rpand ainsi. Elle veut que, lorsque lesgouvernements abandonnent un certainnombre de fonctions dvolues lEtat, cel-les-ci soient reprises automatiquement parle secteur priv, et que ce dernier intgrede ce fait graduellement de nouvelles res-ponsabilits sociales et les prenne de plusen plus au srieux.

    Une troisime source du concept actuel

    de RSE se situe dans les dveloppementslis aux codes de conduite adopts par lesentreprises et destins tre appliqus auxpratiques en matire de travail de leursfournisseurs et sous-traitants. Ces codesdes fournisseurs constituaient bien sou-vent une rponse la publicit ngativequavait suscite la publication dinfor-mations relatives lexploitation des tra-vailleurs et aux pratiques de travail abusi-

    ves dans la production darticles de mar-ques mondialement connues. Ces codesont rapidement soulev des questionsquant la manire dont les entreprisesqui les adoptaient pouvaient les mettre en

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    12/92

    4

    uvre et garantir quils taient bien respec-ts. Des questions lgitimes qui ont con-duit llaboration de nouvelles normessociales prives et lclosion dune in-dustrie daudits sociaux, avec la cl desinspecteurs du travail privs et des ini-

    tiatives de RSE impliquant des parties pre-nantes diverses qui continuent davoir unimpact sur lvolution de la notion de res-ponsabilit sociale.

    Par ailleurs, les codes des fournisseursabordaient des questions de responsabilitdes entreprises souleves par deux volu-tions significatives et long terme. La pre-mire tait limpact des nouvelles formesdorganisation et de relations des entrepri-

    ses, engendr en grande partie par lexter-nalisation et la sous-traitance. Les chanesde production internationales devenaientde plus en plus complexes et permettaientaux entreprises dviter plus facilementleurs responsabilits au moment mme ode nombreux gouvernements, notammentdans les pays en dveloppement, avaientdes difficults sacquitter des leurs en su-

    bissant les pressions des investisseurs po-tentiels et des bailleurs de fonds.

    Lie la premire, la seconde volu-tion concernait limportance dsormaisaccrue de limage de marque et de la r-putation des entreprises dans la dtermi-nation de leur valeur sur le march. Lescodes des fournisseurs sont ainsi devenusdes moyens de grer les risques pour la r-putation ou limage des marques. Dautrescodes et systmes de gestion ont galementt dvelopps pour grer dautres ris-

    ques lis la rputation, comme dven-tuels scandales de corruption. La gestionde risque est finalement devenue lune desprincipales composantes du volet commer-cial de la RSE et les codes de conduite ensont devenus une caractristique centrale.

    Une autre source dvolution de la RSEest lintgration dans le concept des tech-niques de dveloppement des ressourceshumaines (DRH) utilises pour fidliser le

    personnel ou le former. En effet, la dmar-che de DRH et ses pratiques conviennentbien au concept de RSE. Les entreprises ensont mme venues dcrire leurs politi-ques de DRH comme un aspect de leur res-

    ponsabilit sociale lgard de leurs em-ploys parties prenantes et comme lapreuve quelles empruntaient une voie ir-rprochable vers la comptitivit. Les re-lations professionnelles et les ngociationscollectives ne sont pourtant que rarement

    mentionnes dans ce contexte, mme lors-quil sagit de traiter des questions concer-nant les relations de lentreprise avec sesemploys. Limportance dune fidlisationrussie des employs est aussi toute rela-tive pour les entreprises qui sous-traitentla majeure partie de leur travail. En outre,ces types de politiques de DRH ne peuventpas jouer un grand rle dans les industries faible niveau de comptences, prdomi-

    nance de main-duvres actives dans desenvironnements o les droits de lhommede base ne sont pas respects.

    Nature de la RSE

    La question la plus controverse proposde la dfinition de la RSE concerne son ca-ractre volontaire: les activits de respon-sabilit sociale sont dcides et dfinies parles entreprises elles-mmes et vont au-deldes exigences lgales. La question nestdonc pas de savoir si les entreprises de-vraient respecter la loi (certains dfendent lanature volontaire de la RSE en disant quellesuppose le respect de la loi, celui-ci tant lepoint de dpart). Mme si lon accepte deplus en plus que la RSE concerne des activi-ts volontaires, cette reconnaissance na pasmis fin la controverse. Deux questions non

    rsolues lalimentent. La premire a trait la pertinence et au rle de la rglementationcommerciale. La seconde consiste savoirsi les entreprises doivent dterminer leursresponsabilits sociales propos de mati-res sur lesquelles la socit na pas (encore)exprim ses attentes par le biais de disposi-tions lgales. Daucuns considrent la RSEcomme un substitut la rglementation ouencore estiment que les initiatives volon-

    taires sont suffisantes et prfrables pouraborder les consquences sociales de lacti-vit commerciale.

    Si la RSE doit tre volontaire, il est impor-tant quelle se distingue dautres concepts

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    13/92

    5

    concernant la relation entre les entrepriseset la socit. Le terme de responsabilitdentreprise (ou du moins le terme anglaiscorporate accountability) est parfois uti-lis prsent pour faire rfrence aux obliga-tions imposes par les gouvernements aux

    entreprises. Par consquent, les entreprisessont dites responsables dans un sens obli-gatoire lgard tant des parties prenantesque des gouvernements sous les lois des-quels elles ont t cres et doivent fonc-tionner. Il y a peu de diffrences en anglaisentre la signification des mots accountabi-lity et responsibility (une similitude quinexiste pas dans certaines autres langues).Toutefois, nous avons besoin de termes pou-

    vant tre utiliss pour faire une distinctionentre la gouvernance rglementaire dentre-prise et les activits volontaires quimpliquela plupart du temps le terme responsabilitsociale dentreprise. Il est gnralement re-connu que les cadres rglementaires sont da-vantage susceptibles de faonner le compor-tement dune entreprise que les principes ouinitiatives de RSE et que les cadres rglemen-taires existants ne sont plus adapts.

    La distinction entre les activits volon-taires et les activits obligatoires nest pasla seule distinction importante. La naturevolontaire de la RSE est souvent comprisepar les entreprises comme signifiant que,puisque les activits de la RSE sont volon-taires, elles ne sont pas obligatoires et que,ds lors, elles sont toujours optionnelles et,par consquent, ne peuvent tre dtermi-nes que par les entreprises elles-mmes.Grce lutilisation de codes volontaires

    et dautres formes dactivit normativeprive, les entreprises dcident ainsi de cequelles considrent comme tant leurs res-ponsabilits lgard de la socit. Le pointimplicite (et parfois explicite) de ces auto-dfinitions est quil doit toujours y avoirun argument conomique la RSE. Endautres termes, les activits de la RSE doi-vent avoir un impact financier positif surle chiffre daffaires de lentreprise.

    Souvent, lactivit normative prive desentreprises a pour rsultat une redfinitionou une nouvelle interprtation la baissede normes dj tablies. Les normes nontpas besoin dtre obligatoires pour tre ap-

    plicables et appliques et les attentes de lasocit lgard du comportement des en-treprises sexpriment dans des instrumentsnon contraignants au niveau national et in-ternational ainsi que dans dautres formesde droit souple et de pratiques pouvant

    varier parmi les cultures et les socits. Si laRSE nest quun concept volontaire, il doit yavoir un autre concept qui pourrait sappe-ler la responsabilit des entreprises enversla socit. Ainsi, nous pourrions faire unedistinction entre les activits de la RSE, quisont optionnelles, et les attentes lgitimesde la socit qui sont toujours applicables,mme lorsquelles ne sont pas obligatoires.

    La RSE est par nature un concept de ma-

    nagement. Elle ne fait vraiment aucune dis-tinction entre lentreprise et sa direction.En fin de compte, elle ne concerne que desdcisions de management et des systmesque la direction devrait mettre en placepour prendre des dcisions et les mettreen uvre. La comprhension de limpactsocial dune entreprise implique que la di-rection dune entreprise dune part et len-treprise dans son ensemble dautre part nesoient pas la mme entit. Comme la faitremarquer en juillet 2000 le Secrtaire g-nral de lOrganisation des Nations Unies,M. Kofi Annan, en dcrivant les partici-pants du Global Compact, les syndicatspeuvent mobiliser la population active car,aprs tout, les entreprises ne sont pas com-poses exclusivement de leurs cadres.

    La RSE a une dimension internationale.Bien quelle puisse prendre diffrentes for-mes dans diffrents pays, elle concerne le

    plus souvent le comportement applicableau niveau international des entreprisesmultinationales. La RSE est lie la mon-dialisation, elle fait lobjet dun dbat in-ternational et a attir lattention dorgani-sations intergouvernementales.

    Un environnementet non une option

    Les syndicats nont pas cr la RSE. Toute-fois, ni le concept, ni le phnomne ne dis-paratront, mme si les syndicalistes dci-dent de les ignorer.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    14/92

    6

    La RSE ne devrait pas tre consid-re comme une fin en soi. Elle ne devraitpas non plus tre un outil que lon utiliselorsque le besoin sen fait sentir puis quelon range dans une bote. La RSE est uneconvergence dides et dvolutions rel-

    les qui modifient lenvironnement danslequel oprent les syndicats ainsi que lesrelations quils entretiennent avec les em-ployeurs, les organisations patronales, lesONG, les gouvernements et les organisa-tions internationales ou intergouverne-mentales. Ce nouvel environnement nestpas une option, mais les syndicalistes peu-vent aider le modeler. Pour ce faire, ilsdoivent dabord reconnatre les dfis et les

    opportunits que cela implique pour lestravailleurs et leurs syndicats. Relever lesdfis et tirer profit des opportunits exi-gera une approche nuance.

    La RSE a fourni des outils pour in-fluencer les entreprises. Le nouvel envi-ronnement a eu pour rsultat des codesde conduite, un meilleur soutien pour lescampagnes inities par les syndicats et im-pliquant les diffrentes parties prenantesainsi quune amlioration des procduresde suivi lgard des directives pour lesentreprises multinationales de lOCDE. Sices opportunits ne doivent pas tre ngli-ges, les dfis pour les syndicats ne doiventpas non plus tre ignors.

    Sept aspects du concept et phnomnede RSE comportent des dfis et des op-portunits pour les travailleurs et leurssyndicats:

    Les dfi s et opport uni ts dun conceptvolontaire. Daprs lexprience des tra-vailleurs et de leurs syndicats, en fin decompte, leurs droits et leurs intrts neprogressent ou ne sont protgs que par de

    bonnes lois et rglementations bien appli-ques ou grce leur propre organisation et la ngociation collective. Les syndicalistessavent que le paternalisme ne remplace pasle rle qui incombe au gouvernement et que

    les cadres rglementaires sont ncessairespour obtenir que les activits des entrepri-ses soient socialement responsables.

    Le dfi pour les syndicalistes consiste viter que la RSE ne vienne remplacer

    le rle des gouvernements et des syndi-cats. Lopportunit pour les syndicalistesconsiste utiliser la RSE comme moyende promouvoir une culture de conformitlgale et de respect des normes et de sti-muler de bonnes relations professionnelles

    et le respect du rle des syndicats. Cetteopportunit donne penser que les syndi-cats devraient adopter une approche nuan-ce des questions lies la RSE, similaire lapproche actuelle de nombreux syndica-listes lgard des codes de conduite adop-ts unilatralement par les entreprises etdevant tre appliqus leurs fournisseurs.Les avantages de ces codes sont considrscomme indirects et dpendent de leur ca-

    pacit crer un espace pour que les gou-vernements et les syndicats puissent fonc-tionner correctement.

    Il faut naturellement rejeter lutilisa-tion par les entreprises de la RSE commemoyen dviter la rglementation ou pourencourager la privatisation des fonctionspropres au gouvernement. Cependant, leprincipal problme rside peut-tre danslutilisation de la RSE par les gouverne-ments au niveau international. Les gou-vernements cherchent contrebalancerleurs propres obligations contraignantes lgard des droits de proprit dans lecadre des accords de commerce et dinves-tissement en poussant les entreprises en-treprendre des actions volontaires pour lerespect des droits humains.

    De nombreux pays (et il en va de mmeau niveau international) reconnaissent deplus en plus que certains cadres destins

    maintenir la responsabilit des entrepri-ses sont inappropris. Parmi les plus im-portants de ces cadres, certains ont bn-fici dune attention internationale et fontlobjet de normes internationales. Ils com-prennent la gouvernance des entreprises,la comptabilit et les rapports ainsi que lacorruption.

    Les dfi s et l es opport uni ts de l i de de

    part i e prenant e. Lide que les entrepri-ses sont responsables non seulement vis--vis de leurs actionnaires (propritaires)mais galement vis--vis dun ensembleplus large de parties prenantes est lune

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    15/92

    7

    des ides essentielles du concept de RSE.Cette ide dicte la manire dont la directiondevrait identifier et impliquer ces par-ties prenantes et celle par laquelle elle doitmesurer et rapporter limpact que ses acti-vits ont sur elles. Il est naturellement im-

    possible didentifier et dimpliquer toutesles parties prenantes et, dans la pratique,il sagit la plupart du temps didentifier etdimpliquer des ONG en tant que reprsen-tantes des vritables parties prenantes.

    Dans le monde de la RSE, les ONG sontconsidres comme des synonymes de lasocit civile, mais il reste pourtant quetoutes les ONG ne font pas partie de la so-cit civile. En effet, les plus importantes

    organisations de la socit civile ne sontsouvent pas des ONG. Selon la situationet leur mode de fonctionnement, les partisreligieux et politiques organiss sont desorganisations cls de la socit civile maispas des ONG. En tant que concept, la so-cit civile est plus que la relation entre lin-dividu et lEtat et elle est plus que la rela-tion des membres individuels de la socitles uns envers les autres. La croissance decertains types dONG rsulte de tentativesde pallier les checs de la socit civile et ex-plique pourquoi la visibilit et limportancedes ONG saccroissent mme dans des si-tuations o les vritables institutions de lasocit civile sont plus faibles que jamais.

    Lide de partie prenante pose aussiquelques difficults dordre conceptuel.Dabord, toutes les parties prenantes nesont pas gales. Ensuite, toutes les par-ties prenantes nont pas la mme lgiti-

    mit pour sintresser au comportementde lentreprise au nom de la socit. Eneffet, lexistence de certaines parties pre-nantes najoute rien aux responsabilits delentreprise et pourrait mme les rduire.Par exemple, lorsquune entreprise sous-traite du travail dautres entreprises pourchapper des responsabilits. Dans cecas, le nombre de parties prenantes aug-mente (avec les sous-traitants) mais les res-

    ponsabilits de lentreprise ont peut-trediminu. Certains usages abusifs du termepartie prenante sont le reflet de ces diffi-cults conceptuelles. Celui-ci est suppossopposer actionnaire et sapplique

    aux relations avec lentreprise. Mais il estinappropri pour dcrire les relations desgouvernements avec leurs lecteurs. Les ci-toyens dans une dmocratie sont plus pro-ches de la notion dactionnaires.

    Les syndicats ont bien accueilli lide de

    partie prenante et lont utilise dans leursefforts pour encourager la mise en placede cadres de gouvernance dentreprise quitiennent compte des intrts de la socit.Ils soutiennent lide de partie prenantesauf lorsquelle cherche contourner lespartenaires sociaux. Le moyen le plus effi-cace pour augmenter le bnfice des activi-ts des entreprises pour la socit dans sonensemble passe par des relations profes-

    sionnelles saines et, plus particulirement,par la ngociation collective, dans le cadredune protection efficace des droits et desrglementations par les gouvernements.Naturellement, la ngociation collectiverequiert des partenaires et aussi de recon-natre que les entreprises ne se limitentpas leur seule direction. En effet, outreles gouvernements, les syndicats sont lesseuls vritables contrepoids au pouvoirdes entreprises. En tant quorganisationsreprsentant les masses, les syndicats fontpresque toujours partie des plus grandesorganisations de la socit civile. Cepen-dant, en tant que reprsentants des sala-ris et agents de la ngociation collective,les syndicats sont galement des acteurs delconomie prive et sont dimportantes or-ganisations au sein de leurs industries ousecteurs conomiques respectifs.

    Cette double nature des syndicats ren-

    force lide que lindustrie a deux cts.Lexistence de ces deux cts est la basedu partenariat et du dialogue social. Cesconcepts se refltent dans la structure tri-partite de lOrganisation internationale duTravail, dans les arrangements consultatifsde lOCDE et dans les nombreuses struc-tures varies de dialogue social qui ont ttablies dans beaucoup de pays. Certainesorganisations de RSE parties prenantes

    multiples, y compris lEthical Trading Ini-tiative (Initiative de commerce thique) etla Global Reporting Initiative (Initiative derapport global) du Royaume-Uni, recon-naissent cette double nature des syndicats

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    16/92

    8

    et font une distinction entre les syndicatset les ONG dans leurs structures.

    Souvent, les dpartements RSE desentreprises ne font pas cette distinctionet beaucoup dentre eux ne prennent pasdu tout en considration les syndicats. Un

    constat qui se vrifie parfois mme dansdes entreprises dont les salaris sont syndi-qus. Lune des raisons en est que, au seinde lentreprise, les activits de RSE dpen-dent bien souvent de dpartements autresque ceux traitant des ressources humainesou du personnel. Lorsque les dpartementsde RSE ne comprennent pas la double na-ture des syndicats en tant quorganisationsprofessionnelles et organisations de la so-

    cit civile, ils ne peuvent pas apprcier lamanire dont une entreprise peut sint-grer au sein dune communaut grce auxsyndicats reprsentant ses salaris.

    Les dfi s et opport uni ts des normes et del tabl i ssement de normes. Les syndicalis-tes recherchent des normes de travail etleur application. Le phnomne de RSEet plus particulirement les codes de con-duite destins aux fournisseurs ont plusque jamais offert une chance de promou-voir une reconnaissance et une meilleureapprciation des normes de lOIT. Cestdailleurs le mouvement syndical interna-tional qui a introduit le recours aux normesinternationales du travail de lOIT dans ledbat sur les codes de conduite.

    Cependant, les syndicalistes font face un certain nombre de dfis srieux en cequi concerne les normes. Les entreprises

    utilisent des codes de conduite et dautresformes de normes prives dans le domainesocial pour redfinir ou donner une nou-velle interprtation aux normes existantesde manire rduire les responsabilitsquelles devraient normalement assumer.De nombreuses entreprises promettent, parexemple, de respecter la libert syndicalemais uniquement dans le cas o celle-ciest reconnue dans la lgislation du pays o

    elles sont installes. De telle sorte quellesdclinent toute responsabilit en matire delibert syndicale lorsquelles oprent dansdes pays o ce droit de base est ni, commela Chine ou la Birmanie. De plus, le droit

    la ngociation collective qui est prsentreconnu comme lun des droits fondamen-taux au travail est rarement invoqu par lesentreprises, mme par celles qui disent res-pecter la libert syndicale.

    De nombreux employeurs clament que

    les conventions de lOIT ne sappliquentpas aux entreprises, ignorant ainsi la D-claration de principes tripartite de lOIT surles entreprises multinationales et la politi-que sociale qui constitue de fait une recon-naissance par les employeurs ainsi que parles gouvernements et les travailleurs queles principes repris dans les conventions delOIT devraient pouvoir tre appliqus parles entreprises. Pourtant, si les conventions

    de lOIT tablissent clairement des dfini-tions et sont accompagnes dune jurispru-dence qui prcise leur interprtation dansdes circonstances spcifiques, cela na pasdcourag des entreprises et leurs consul-tants en RSE de chercher redfinir leuravantage des notions telles que le travaildes enfants ou de promouvoir des mca-nismes de prtendue consultation domi-ns par lemployeur pour contourner lalibert syndicale.

    Lune des manires dont les entreprisesutilisent des normes prives pour rduireleurs obligations envers la socit consiste confondre les objectifs des diffrentscodes. Le code dune entreprise visant lespratiques de ses fournisseurs ou sous-trai-tants peut ne pas sappliquer aux activitsdirectes de lentreprise. Ainsi, les meilleurscodes destins aux fournisseurs soulignentsouvent directement le respect de normes

    minimales internationales en matire dedroits humains, y compris les droits fonda-mentaux au travail dfinis par lOIT. Maisce que lon attend des entreprises socia-lement responsables va bien au-del durespect des droits fondamentaux. Le res-pect de la libert syndicale, par exemple,nimplique pas ncessairement lexistencede bonnes relations professionnelles. Lesentreprises devraient accepter lventail

    plus large des exigences de la socit, sur-tout lorsquelles sexpriment dans des ins-truments lgitimes et universellement ap-plicables comme les directives de lOCDEpour les multinationales.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    17/92

    9

    Les entreprises ont lhabitude de par-ticiper llaboration de normes techni-ques qui ont pour objectif de crer ou depromouvoir des marchs. Par exemple,llaboration dune norme assurant queles produits fabriqus sont compatibles

    pour une utilisation dans tous les pays(une dimension standard pour toutes lescartes de crdit pour lutilisation de dis-tributeurs de billets, par exemple). Mais,au cours des dernires annes, force estde constater que les procdures utilisespour llaboration de normes techniquessont de plus en plus employes pour ta-

    blir des normes en matire sociale. Ces pro-cdures techniques, faut-il le rappeler, sont

    dpourvues de mcanismes de concerta-tion avec les syndicats et se privent ainside laccs aux comptences sociales nces-saires pour les lgitimer. Les syndicalistesdoivent veiller ce que les normes priveset lautorglementation ne viennent finale-ment se substituer aux normes, lgitimeselles, de lOIT ou celles mises en place parles gouvernements.

    Ltablissement de normes prives peutprendre de nombreuses formes. Les orga-nisations et les programmes qui cherchent compiler et difuser les bonnes prati-ques dans ce domaine font elles-mmes,en quelque sorte, le lit de la privatisationdes normes sociales.

    Les dfi s et l es opport uni ts des rapport set des vrifi cat i ons. Les syndicalistes sou-haitent la transparence dans les entrepri-ses. Une image claire, fidle et juste de la

    performance de lemployeur est en effet in-dispensable pour la ngociation collective.Les syndicats ont t parmi les premiers demander que les entreprises soient te-nues responsables de leur impact social etont soutenu lide de rapports obligatoi-res sur leurs responsabilits sociales. Lesrapports sociaux sont devenus lunedes principales activits de la RSE. Ils re-prsentent une opportunit pour les syn-

    dicalistes.Le fait de se mettre daccord sur ce quidevrait figurer dans les rapports publicsdes entreprises propos du volet social deleurs activits ou de leurs contributions

    la socit peut constituer une forme impor-tante dactivit normative. Cest pour cetteraison que les syndicats mondiaux ont d-cid de participer la Global Reporting Ini-tiative, une initiative internationale par-ties prenantes multiples conue afin de

    dvelopper des critres pour les rapportsdes entreprises. Parfois appels rapportssur la durabilit et rapports sur le triplersultat, ces rapports non financiers sontfortement influencs la fois par les pra-tiques en matire de rapports financiers etpar lexprience des rapports sur les im-pacts environnementaux. Laccent est missur des donnes quantifiables et objecti-ves (impartiales ou neutres), comparables

    et pouvant tre contrles.Entre autres, les normes en matire derapports impliquent le recours certainsaspects de la RSE et la mesure de leurperformance par des indices. Lun desnombreux dfis consiste choisir des indi-ces qui permettent rellement de mesurerlimpact social dune activit. Par exemple,le nombre de grves ou de journes per-dues en raison de grves serait un indicetrompeur pour mesurer la qualit des re-lations professionnelles ou du respect dela libert syndicale. En effet, les mmeschiffres pourraient apparatre dans descirconstances trs diffrentes: l ou exis-tent de bonnes relations professionnelles,l o elles sont mauvaises et l o il ny ena aucune. De mme, on pourrait retrou-ver des chiffres identiques dans des situa-tions o la libert syndicale est respecteou dans celles o elle rprime. Un autre

    dfi consiste dcider du champ dappli-cation du rapport demand. Les politiquesde ressources humaines appliques dansles maisons mres en diront peu sur lim-pact social des entreprises qui sous-traitentla majeure partie de leur travail et noccu-pent que peu de salaris au sige.

    Une nouvelle industrie de consultantsoffrant une aide aux entreprises pour laprparation de tels rapports est ne. Cette

    nouvelle industrie est souvent lie aux fir-mes daudits comptables. Ses services sontconus pour donner une meilleure crdi-

    bilit aux rapports fournis par les entre-prises grce des vrifications ou des

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    18/92

    10

    certifications. Ainsi, les plus importantsprotagonistes de la certification ne serontpas les organisations qui font campagnepour exiger que les entreprises respectentleurs propres dclarations dintentions,mais bien, dune part, les entreprises elles-

    mmes qui seront bien videmment sou-cieuses de limiter leurs responsabilits et,dautre part, les investisseurs qui exigerontdes rapports fiables sur les performancesnon financires pour autant quelles aientun impact potentiel sur le rsultat financierde lentreprise.

    Linfluence de ces rapports commelmergence de cette nouvelle industriede notation sociale constituent un dfi

    de taille pour les syndicalistes. Dautantque les critres applicables aux rapportsfinanciers et environnementaux peuventne pas tre appropris un audit social.Comme la dit Albert Einstein: Tout ce quipeut tre compt ne compte pas toujourset tout ce qui compte ne peut pas toujourstre compt.

    Les syndicalistes doivent donc tre pru-dents en matire de vrification. Que dire,par exemple, du comportement de cesauditeurs sociaux engags par les entre-prises pour contrler indpendammentleurs sous-traitants et qui reviennent avecdes rapports positifs sur le respect de lalibert syndicale, mme l o il ny a pasde syndicats ou l o le gouvernement netolre pas lexercice de ce droit fondamen-tal? Ces auditeurs sociaux apprhendentrarement le lien entre la suppression desdroits syndicaux et lexploitation des tra-

    vailleurs que les activits syndicales per-mettent dviter. Pour quelles raisons cesauditeurs sociaux sont-ils disposs d-montrer que les travailleurs peuvent avoirune voix sans reprsentation syndicale,pourquoi prtendent-ils quil est possibledinstaller une production ou dutiliser lasous-traitance dans des pays rgimes r-pressifs sans quil y ait danger de voir lamain-duvre exploite?

    Beaucoup de pratiques visant intimi-der les travailleurs, les dcourager ou les empcher de se joindre des syndicatsou den former sont difficiles dtecter.Cest pourquoi le seul vritable critre de

    respect de la libert syndicale est la pr-sence dun syndicat indpendant et librede fonctionner. De mme, le seul critrevalable du respect du droit de ngociercollectivement est lexistence et le respectdun accord collectif. Lindustrie de la RSE

    a mal abord le sujet des droits syndicauxpour diverses raisons, y compris la con-fusion des intrts de la direction et ceuxde lentreprise en gnral ainsi que linca-pacit de reconnatre que, pour que soientrespects les droits humains, il faut que lesgouvernements, pas seulement les entre-prises, fonctionnent correctement.

    Les syndicats ont t parmi les premiers exiger que les entreprises imposant des

    codes de conduite leurs fournisseursles fassent contrler indpendamment.Mais il est devenu vident que ces exigen-ces ntaient finalement pas ralistes dansla mesure o le terme contrle impliqueune prsence continue ou des interven-tions frquentes que les entreprises et lesauditeurs sociaux quelles engagent nepeuvent pas assumer. Le seul vritable sys-tme de contrle indpendant des lieuxde travail est celui des travailleurs eux-mmes par le biais de leurs syndicats. Lestravailleurs peuvent sexprimer sur leursconditions de travail par le biais de leurssyndicats ou mme directement car ils se-ront protgs par leurs syndicats. Cela neveut pas dire que linspection prive dulieu de travail ou la vrification du respectdu code des fournisseurs ne joue aucunrle. Le dfi pour les syndicalistes consiste assurer que les normes conues pour les

    auditeurs sociaux et les inspecteurs dusecteur priv soient compatibles avec lesmeilleures pratiques de linspection du tra-vail, quelles encouragent une culture durespect de la loi et quelles soient confor-mes lesprit et la pratique de relationsprofessionnelles saines. Daucuns estimentquil sagit l dune mission pour lOIT.

    Les dfi s et opport uni ts de l i nvest i sse-

    ment socialement responsable. Lintrtpour les investissements socialement res-ponsables (ISR) fait partie du phnomnede la RSE. Il a men la croissance et lapopularit des fonds dinvestissement d-

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    19/92

    11

    clarant investir dans des entreprises res-ponsables socialement et il a engendrla croissance de nombreuses entreprisesfournissant des informations aux inves-tisseurs sur les performances sociales ouenvironnementales des entreprises. Ainsi,

    de nouvelles occasions pour des syndica-listes dinfluencer le comportement den-treprises sont nes, par exemple, en par-rainant des rsolutions dactionnaires lorsde runions annuelles dentreprises. Cetteutilisation du capital des travailleurs a per-mis de faonner quelque peu lvolutionde la RSE. De telles mthodes ont t ap-pliques principalement dans les pays oexiste une culture de lquit et o les

    organisations de travailleurs ou autres,comme les groupes religieux intressspar la responsabilit sociale des entre-prises, ont une influence sur les dcisionsdinvestissement ou sur les votes par pro-curation des fonds de pension.

    Lintrt que suscite lISR peut gale-ment tre utile aux syndicats dans le dbatsur la bonne gouvernance des entreprises.Il permet aux syndicalistes de certains paysde promouvoir, en encourageant un com-portement responsable des entreprises,une perspective long terme sur la valeurdes actions dans lintrt des travailleurs

    bnficiaires des fonds.Il existe diffrentes manires dutiliser

    les ISR pour influencer le comportementdes entreprises. Lune delles consiste choisir des investissements par slection.En appliquant une stratgie slective, lesinvestisseurs choisissent soit de ne pas in-

    vestir dans les entreprises (ou se dissocientdes entreprises) lorsque celles-ci ne satis-font pas aux critres convenus concernantdivers aspects de la RSE, soit dinvestirdans des entreprises thiques ou res-ponsables qui satisfont certains critres.Cette slection se fait donc partir de cri-tres tant positifs que ngatifs. Sil est sou-haitable de pouvoir disposer un jour dunsystme de slection bien labor, cohrent

    et universel, une telle perspective nest en-visageable que si lon parvient surmon-ter encore bien des obstacles. Ceux-ci vontde la dtermination des critres (le choixde normes) lobtention dinformations de

    qualit permettant dtablir le respect ounon de ces normes par lentreprise. Lundes risques de lapproche slective est dese priver de la possibilit de peser de lint-rieur sur le comportement de lentreprise,en influenant lattitude de ses actionnai-

    res. La mthode slective est donc diff-rente, mais ne doit pas sopposer cellequi consiste utiliser la possession dac-tions pour agir de lintrieur.

    Les ISR prsentent un dfi pour lessyndicalistes. La justification et la promo-tion du comportement socialement res-ponsable des entreprises exigent un ar-gument commercial, gnralement bassur la gestion du risque associe la pro-

    tection de valeurs telles que la marque oula rputation dune entreprise. Le dangerest que les investisseurs ou les agences denotation sociale rinterprtent ou redfi-nissent le contenu de la responsabilit so-ciale des entreprises pour se conformer ce

    besoin dargument commercial. Problme:si la durabilit dune entreprise est unechose, la durabilit de la socit en g-nral telle que prvue dans le concept dedveloppement durable peut en tre uneautre. En dautres termes, il ny a pas tou-

    jours dargument commercial pour justifierle comportement socialement responsable.Cest lune des raisons pour lesquelles lepouvoir des entreprises doit tre limit etcontrebalanc par le biais de rglementa-tions et des relations professionnelles.

    Linvestissement socialement respon-sable consiste faire appel au rle desactionnaires pour responsabiliser socia-

    lement les entreprises en agissant sur lesdcisions dinvestissements, que ce soit autravers de lexercice du droit de vote entant quactionnaire ou par la participation un dialogue entre propritaires dune en-treprise et sa direction. Toutefois, cette ap-proche a des limites importantes. Mmedans les situations o les travailleurs sontdimportants actionnaires, les efforts pourrenforcer les droits des actionnaires dans

    le cadre de la gouvernance des entreprisesne feront pas ncessairement progresserles intrts des travailleurs. Ceux-ci ont eneffet des intrts la fois communs et op-poss leur employeur. Bien que le capital

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    20/92

    12

    des travailleurs puisse avoir une influencepositive et que son pouvoir doive tre d-velopp, il ne peut donc jamais remplacerles syndicats.

    Les dfi s et opport uni ts de l val uat i on,

    de la rcompense soci al e et des label s so-ciaux. La RSE a engendr toute une pa-lette de moyens pour valuer le compor-tement des entreprises. Pour les syndica-listes, les plus utiles sont ceux qui agissentsur les cordes sensibles de lentreprise etlobligent modifier son comportement.Parfois, les valuations peuvent tre com-paratives comme dans la notation socialeeffectue par des agences pour les inves-

    tisseurs. Certaines de ces agences souhai-teraient que les syndicats leur fournissentdes informations sur les socits. Mais,dans certaines circonstances, le fait dedonner des informations pourrait poserdes problmes pratiques et thiques. Parexemple, des questions thiques pour-raient surgir lorsquune agence de nota-tion offre de rtribuer un syndicat pourses informations.

    La comparaison entre entreprises pour-rait aussi poser des problmes aux syndi-cats. Elle pourrait, par exemple, aller lencontre de lobjectif central du syndicatde dfendre les intrts de ses membres.Les perceptions peuvent tre diffrentesselon que lon se place dans le pays sigedune entreprise ou dans lune des ses fi-liales en dehors de ce pays. Lexpriencesyndicale face aux multinationales mon-tre que lvaluation des activits dans le

    ou les pays dactivits de lentreprise estgnralement plus fiable que celle opre partir de la maison mre. Ce qui impli-que que les centrales syndicales des payso sigent les multinationales ne sont pastoujours les mieux places pour en valuerle comportement global.

    Personne ne sera surpris de consta-ter que les entreprises commerciales pr-frent une notation positive plutt que

    dtre montres du doigt pour dven-tuels manquements. Elles prfrent aussiune approche de la RSE coups dincita-tions positives telles que des rcompenseset des labels. Ces rcompenses et labels

    peuvent aller de lattribution dun prixrcompensant des bonnes pratiques enmatire de ressources humaines au sigede lentreprise loctroi de labels lis auxcodes de la chane dapprovisionnement ltranger.

    Les rcompenses qui prtendent pro-mouvoir les bonnes pratiques peuvent,somme toute, tre considres comme unelaboration de normes. Le message impli-cite de ces rcompenses est que les entre-prises peuvent se passer de rglementa-tion ou de ngociation collective tout entant considres comme de bons em-ployeurs. Ces types de rcompenses se

    basent gnralement sur des rapports pro-

    duits par la direction ou sur des enqutesmenes par celle-ci auprs des salaris. Lessyndicats sont souvent contourns et lesexperts engags pour analyser les rap-ports peuvent ne pas bien sy connatreen relations professionnelles. Lorigine de

    bonnes conditions de travail est toujoursprsente comme lexpression de la gn-rosit de lemployeur, mme si ces condi-tions ont fait lobjet de ngociations col-lectives. Il nest pas tonnant de constater,dans ces conditions, que des entreprisesayant de mauvaises relations profession-nelles ou menant des politiques antisyn-dicales sont tout aussi susceptibles, voireplus susceptibles, de se voir dcerner deslauriers. Ainsi, les rcompenses octroyespour la bonne gestion des ressources hu-maines ou pour de bonnes conditions detravail pourraient-elles constituer laspectle plus paternaliste de la RSE.

    Il y a finalement peu de diffrence entrele fait de remettre un prix une entrepriseet dautoriser celle-ci utiliser un label. Leslabels destins aux produits et certifiant lespratiques de travail impliques dans leurmanufacture posent des problmes parti-culiers. Contrairement aux labels certifiantle contenu dun produit ou sa conformit des normes de scurit, le label social nepeut pas tre vrifi en testant le produit

    lui-mme. Un label qui couvre les pratiquesde travail ne pourrait tre crdible que silfait lobjet de contrles permanents du lieude travail. Une telle condition nexiste quel o des syndicats indpendants sont im-

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    21/92

    13

    plants et libres de mener leurs activits.Mme alors, il faudra aussi quils soientsoutenus par des rglementations respec-tes en matire de travail et quils voluentdans une socit libre et dmocratique.

    Les labels sociaux sont donc peu sus-

    ceptibles dtre crdibles. Et lon peutmme tre inquiet lorsque des associationsdindustriels ou des gouvernements auto-risent lutilisation de labels dans le but decrer un avantage commercial, mais sanslassortir de mesures sanctionnant touteventuelle utilisation abusive. Si les labelssociaux sont susceptibles dexercer unepression sur les entreprises o des probl-mes ont t dcouverts, ils ne constituent

    pas, en eux-mmes, une incitation au dia-logue social au sein de lentreprise.

    Les dfi s et les opport uni ts de la respon-sabil i sat i on des empl oyeurs. Le conceptde RSE peut tre contradictoire. Il soulignelimportance de lidentification et de la res-ponsabilisation des parties prenantes mais,en mme temps, il accentue laction unila-trale de lemployeur. En ralit, la RSEconsiste plus en des systmes de gestionet de contrle quen un vritable dialogue.Dailleurs, force est de constater quen g-nral lentreprise prfre choisir elle-mmeses parties prenantes pour le dialogue.Bien souvent, il sagira dONG avec lesquel-les elle traitera de problmes lis aux lieuxde travail, tout en vitant les syndicats.Alors que lmancipation des travailleursest un thme rcurrent de la RSE, ce termene renvoie quasiment jamais au vritable

    pouvoir que les travailleurs peuvent acqu-rir en sorganisant en syndicats.

    La coopration entre syndicats etONG dans le domaine de la RSE peut ce-pendant tre efficace. Elle le sera dautantplus quelle est base sur une parfaite com-prhension des rles respectifs et compl-mentaires que jouent ces deux entits. Il nesagit donc pas de concurrence entre ONGet syndicats, mais bien dune bonne com-

    prhension de la responsabilit des entre-prises lgard des organisations de tra-vailleurs et travailleuses et en matire derelations professionnelles. Si syndicats etONG peuvent, tous deux, tre considrs

    comme des organisations menant des cam-pagnes en faveur du progrs dans la so-cit, seuls les syndicats indpendants sonthabilits reprsenter les travailleurs. Celaest vrai mme dans les pays ou dans les in-dustries o les taux de syndicalisation sont

    faibles (par exemple, l o les employeurssopposent la reconnaissance des syndi-cats, ou l o les gouvernements fermentles yeux sur les violations des normes ouinterdisent carrment les syndicats ind-pendants). Dans un grand nombre de pays,les syndicats sectoriels nationaux peuventtre considrs comme les organisationsreprsentant les travailleurs dune indus-trie particulire, cela mme si tous les tra-

    vailleurs ne sont pas membres et mme sitoutes les entreprises du secteur ne parti-cipent pas la ngociation de conventionscollectives. Au niveau international, les dif-frentes fdrations syndicales internatio-nales (FSI) reprsentent les travailleurs deleurs industries ou secteurs conomiquesrespectifs. Les FSI sont les organisationssyndicales internationales reprsentativesdes travailleurs par industrie.

    Les relations professionnelles et le dia-logue social exigent des structures repr-sentatives. Il existe, bien videmment, uneprofonde diffrence entre lapproche de laRSE lgard des travailleurs et lapprochedes relations professionnelles. Les relationsprofessionnelles sont bases sur la recon-naissance du fait que, dans le rapport entretravailleurs et employeur, tout ne peut pastre gagnant gagnant. Il y aura toujoursdans cette relation des intrts conflictuels

    et concurrentiels. Les conventions collecti-ves et leur ngociation permettent dantici-per les problmes et sont, pour ainsi dire,un moyen mthodique de les rsoudre.La RSE, quant elle, vise plus traiterdes problmes ventuellement constatsou parfois nier lexistence de problmespar lapplication de systmes de gestion.Le dfi pour les syndicats consiste, dansle cadre de la RSE, amener lemployeur

    simpliquer dans un vritable dialoguesocial et dans de vritables relations pro-fessionnelles. Pour cela, il faut de part etdautre des structures reprsentatives, d-mocratiques et lgitimes.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    22/92

    14

    Au cours des dernires annes, un cer-tain nombre daccords-cadres ont t si-gns entre des entreprises multinationaleset des FSI. Daucuns considrent que lesaccords-cadres constituent des codes deconduite ngocis et prvoyant des pro-

    cdures de contrle, y compris de plainte,et quils sont ds lors suprieurs aux codesadopts unilatralement par les entrepri-ses. Toutefois, ce nest pas l que rside ladiffrence essentielle. Les accords-cadressont importants parce quils constituentune reconnaissance formelle du partena-riat social au niveau mondial. Bien que lesaccords-cadres soient plus proches duneconvention collective que des codes de

    conduite, ils ont pour ambition de com-plter et non de remplacer des accords n-gocis au niveau national ou local. Etantdonn que les FSI sont les organisationsreprsentatives des travailleurs dune in-dustrie au niveau mondial, les accords-ca-dres permettent dviter les problmes quipeuvent apparatre lorsque des syndicatsnationaux ngocient des codes de con-duite ou des instruments de RSE de portemondiale avec des entreprises multinatio-nales. Les accords nationaux ou locaux nedoivent pas tre ngocis au niveau mon-dial et les accords mondiaux ne doiventpas tre ngocis au niveau local ou na-tional. Le dfi pour les syndicalistes con-siste veiller ce que ce qui se trouve surla table de ngociation dtermine aussi quiest autour de la table.

    Conclusion

    La RSE nest ni un objectif, ni une optionmais un cadre qui comporte des dfis etdes opportunits pour les syndicats. Cesdfis et opportunits peuvent tre faon-ns et dpendront de la rponse syndi-cale. Celle-ci devra, dans tous les cas, trenuance. Et en cela les syndicats ont uneexprience certaine. Ils reconnaissent avoir

    des intrts la fois communs et concur-rentiels vis--vis des employeurs. Ainsi,si les syndicalistes reconnaissent avoirun intrt dans la durabilit de leurs em-ployeurs, ils comprennent galement que

    ce type de durabilit nest pas ncessaire-ment identique la notion de dveloppe-ment durable ou denvironnement. Maisles syndicalistes encouragent les entrepri-ses emprunter la voie royale de la concur-rence et dcouragent le nivellement par le

    bas. Toutefois, ils comprennent galementque largument commercial en faveur dela responsabilit sociale est, plus souventquon le croit, insuffisant pour obtenir uncomportement socialement responsable etque, ds lors, lexistence dun contre-pou-voir sous forme de rglementations et desyndicats est ncessaire.

    Une approche nuance est incompati-ble avec une approche qui encourage des

    activits sans rserve en laissant millefleurs clore. Les syndicalistes devraientrefuser largument selon lequel peu vautmieux que rien du tout et que donc touteinitiative est bonne appuyer. Il est vi-dent que de nombreuses activits de RSEont pour effet de se substituer laction dugouvernement et au vritable dialogue.

    Les syndicalistes ont cependant beau-coup apporter au dbat sur la RSE. Ilspeuvent, par exemple, rappeler leur exp-rience du paternalisme. Ils peuvent rappe-ler aux gouvernements et aux entreprisesque la ngociation collective et le dialoguesocial sont de loin les moyens les plus im-portants et les plus efficaces pour permet-tre la socit dans son ensemble de pro-fiter au maximum des activits de lentre-prise et den minimiser les consquencesngatives.

    Etant donn que la RSE est base sur

    des activits volontaires, il est dune im-portance cruciale de faire appel la notionde responsabilits des entreprises enversla socit pour faire rfrence, quant aucomportement des entreprises, aux atten-tes lgitimes de la socit, que celles-cisoient ou non contraignantes. La RSE nedoit pas tre un moyen pour les entrepri-ses de redfinir ou dinterprter diffrem-ment des responsabilits quelles ont dj.

    La RSE ne doit pas remplacer les fonctionspropres au gouvernement. Les entreprisesne disposent daucune lgitimit politiquepour dfinir elles-mmes leurs responsabi-lits ou se substituer aux gouvernements.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    23/92

    15

    Beaucoup de problmes engendrs par lamondialisation sont des problmes de gou-vernance qui dpassent les entreprises etquelles ne sont pas en mesure de rsoudre elles seules.

    Et, comme les activits des entreprises

    ne reprsentent pas lensemble du pro-blme, elles ne peuvent pas non plus re-prsenter lensemble de la solution.

    La RSE a une dimension internatio-nale qui exige une rponse internationale.Cette rponse peut inclure la responsabi-lisation des entreprises au niveau interna-tional, par le biais de diverses initiativesinternationales appropries. LOrganisa-tion internationale du Travail a beaucoup

    apporter au dbat sur les responsabili-ts des entreprises envers la socit et surle phnomne de la RSE. Les principalescontributions que pourrait apporter lOITconcernent les normes et ltablissementde normes, ainsi que le dialogue social etla consultation tripartite. Le dfi pour lOITconsistera protger son rle central et saposition de leader en tant quorganisation

    habilite fixer des normes pour le mondedu travail et donc refuser une approchede gestion de la RSE.

    Notes

    1

    Advancing Corporate Responsibility Astatement by the USCIB Corporate ResponsibilityCommittee, novembre 2002, United States Councilon International Business. Dclaration du Conseilamricain sur les affaires internationales.

    2 Cit comme tant de McWilliams et Siegel2001 et trouv sur le site Web de la socit ResponseConsulting, spcialise dans la RSE. www.response-website.com.

    3 Response Consulting: What is corporate socialresponsibility? (Quest-ce que la responsabilit socialedes entreprises?).

    4 Khoury, G. et al.: Corporate social responsibility:Turning words into action (La responsabilit socialedes entreprises: passer du discours laction),Conference Board of Canada, Ottawa, 1999.www.conferenceboard.ca.

    5 Commission des Communauts europennes:Communication de la commission concernant laresponsabilit sociale des entreprises: une contributiondes entreprises au dveloppement durable, juillet 2002,COM (2002) 347 Final, p. 5.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    24/92

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    25/92

    17

    La majorit des plus grands employeursont une taille mondiale. La majorit dessyndicats du monde sont affilis aux fd-

    rations syndicales internationales (FSI). En-treprises et syndicats en arrivent progressi-vement la prochaine tape: conclure desaccords mondiaux. Les premiers datent de1988 mais, depuis le nouveau millnaire,la tendance sacclre. En aot 2003, on encomptait 24. Souvent appels accords-ca-dres, ils couvrent des questions allant desdroits syndicaux et de ngociation collective linformation, la consultation, lgalit deschances, la sant et scurit, les normes sur lesalaire minimal ou encore linterdiction dutravail forc et du travail des enfants. Jusquprsent, les entreprises signataires se nom-ment Accor, AngloGold, Ballast Nedam,Carrefour, Chiquita, DaimlerChrysler, Da-none, Endesa, ENI, Faber-Castell, Fonterra,Freudenberg, Hochtief, IKEA, Merloni Elet-trodomestici, Norske Skog, OTE, Skanska,Statoil, Telefonica et Volkswagen 1. Ct syn-dical, chaque accord a t conclu par la FSI

    correspondante, savoir lICEM (Fdrationinternationale des syndicats de travailleursde la chimie, de lnergie, des mines et desindustries diverses), la FITBB (Fdrationinternationale des travailleurs du btimentet du bois), la FIOM (Fdration internatio-nale des organisations de travailleurs de lamtallurgie), lUITA (Union internationaledes travailleurs de lalimentation, de lagri-culture, de lhtellerie-restauration, du tabac

    et des branches connexes) et lUNI (UnionNetwork International, linternationale descols blancs).

    La plupart des multinationales ont djleur code de conduite, qui incluent gn-

    ralement les relations de travail. Quelleest alors la diffrence entre accords-cadreset codes de conduite? A tous les niveaux,

    mondial ou autre, il existe une diffrencecruciale entre un code de conduite laborde manire unilatrale par une entrepriseet un accord entre direction et syndicats.Cest la mme diffrence que celle quiexiste, au niveau national, entre une d-claration de politique dune entreprise, quinengage quelle-mme, ou un rglementquelle a adopt, et une convention collec-tive quelle a ngocie avec les syndicats.Un code interne a gnralement t critpar lentreprise elle-mme, ses propresfins. Son code sapplique, ou ne sappliquepas, en fonction de processus contrls parlentreprise elle-mme. Les accords-cadres,de leur ct, donnent aux FSI signatairesle droit de soulever auprs de la directiondu sige de lentreprise toute violation pr-sume de leurs dispositions. Souvent, ilsprvoient des rencontres rgulires ceteffet et, mme lorsque des runions ne sont

    pas prvues, des possibilits de communi-cation existent en cas de ncessit, y com-pris sur des questions traiter durgence.Ainsi, lobjectif dun code de conduite la-

    bor par une entreprise est de certifier oude prouver que, dune manire ou duneautre, elle respecte un certain nombre denormes. Les accords-cadres, quant eux,partent du principe que les entreprises nesont pas parfaites et quil peut y avoir des

    problmes de respect des normes. Ils ne d-cernent pas de certificat de bonne conduite.Ils cherchent plutt mettre en place desmcanismes pratiques, efficaces et rapidespour prvenir ou rsoudre les problmes

    Les conventions collectives se mondialisent

    Les accord s-cadres mond iau x conclus ent re mult in at io nales et fdra-t ions syndicales int ernat ion ales son t devenus cou rant s. Quels rsul -t ats peu vent -i ls ob t enir, comment son t -i ls lis aux no rmes de lOIT?

    Ian GrahamJournaliste

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    26/92

    18

    qui surgissent dans les questions abordesdans les accords. En quelque sorte, les ac-cords-cadres constituent une forme dedialogue social au niveau mondial lin-verse des codes de conduite unilatraux.Les accords promettent peu, mais ralisent

    beaucoup.

    Un complment aux rglementations

    Attention toutefois: si certaines entreprisesconsidrent que des initiatives volontairespeuvent avantageusement se substituer des rglementations plus strictes, tel nestpas le point de vue de la plupart des syn-

    dicats, en particulier en ce qui concerne lesaccords-cadres. Ces derniers doivent treconsidrs comme un lment de relationsprofessionnelles, susceptibles dapprofon-dir ou damliorer la rglementation sur lelieu de travail, mais ne peuvent en aucuncas remplacer le cadre rglementaire lgal.

    Laccord entre la multinationale dela construction Ballast Nedam et la FITBBoffre une valeur ajoute Ballast Nedam,a dclar la Secrtaire gnrale de laFITBB, Anita Normark, lors de la signa-ture en mars 2002 2. Le contrle des effortsmens par lentreprise pour respecter lesnormes internationales peut tre facilitgrce un rseau syndical mondial, ceque la FITBB peut offrir avec ses 289 affilisdans 125 pays, mais il est tout aussi impor-tant que les gouvernements fournissent uncadre lgal pour lapplication des normesmondiales de lOIT et de lOCDE.

    Le point de dpart est la ncessit denormes internationales du travail et delenvironnement, des normes minima-les sur lesquelles tout le monde est dac-cord, souligne le Secrtaire gnral delUITA, Ron Oswald3. Elles devraient trecres au plan international par des orga-nisations comme lOIT, puis transmises etappliques au niveau national. Il nexistepas dalternative une bonne lgislation

    nationale ni une protection sociale et en-vironnementale applique au niveau na-tional. Rien de ce que nous faisons avecles entreprises ou de ce que les entreprisesfont elles-mmes ne devrait tre considr

    comme un substitut ces deux lmentsfondamentaux.

    Ce nest pas un hasard si les accords sefocalisent sur beaucoup de points couvertspar les conventions de lOIT. Ils font rf-rence explicitement ces normes en citant

    leur numro et leur titre. Les plus souventcites sont les conventions les plus connuesdes syndicalistes: la convention (no 87) surla libert syndicale et la protection du droitsyndical, 1948, la convention (no 98) sur ledroit dorganisation et de ngociation col-lective, 1949. Ces droits sont fondamen-taux dans le sens o ils permettent auxtravailleurs de promouvoir et de dfen-dre leurs intrts et leurs autres droits.

    Plusieurs accords se rfrent des con-ventions spcifiques de lOIT, les consid-rant comme des modles de textes appli-quer. Dans ces cas, il existe un engagementimplicite lgard des normes de lOIT engnral. Il est important de noter que laslection des conventions reprises dansles accords est fonction de la porte de cesderniers. Par exemple, il ne sera peut-trepas ncessaire dans un accord couvrant lesemploys directs dune multinationale defaire rfrence aux conventions traitant dutravail des enfants.

    On peut dresser un parallle entre la re-lation qui lie normes de lOIT et FSI dunepart, et linteraction entre la lgislation dutravail nationale et les syndicats nationauxde lautre. Ds le XIXe sicle, il est apparuque mme la meilleure lgislation du tra-vail devait tre soutenue par une forte pr-sence syndicale dans lentreprise. Rcipro-

    quement, cette prsence peut tre soutenuepar une bonne lgislation du travail. Lesemployeurs qui sont les plus clairvoyants long terme ont compris quune bonnelgislation du travail et de bons accordsavec les reprsentants des travailleurs vontdans le sens de leurs intrts. Cette mmeleon est aujourdhui apprise un niveauplantaire.

    Donnez du crdit au groupe Freuden-

    berg parce quil a fourni les preuves de saconscience sociale, conseillait la revueindustrielle Rubber and Plastics News 4,mais donnez-lui encore davantage decrdit pour son intelligence. Cette en-

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    27/92

    19

    treprise venait de signer un accord-cadreavec lICEM. Tout en confirmant une po-litique quelle menait probablement dj,Freudenberg a effectu un grand pas pourmaintenir les relations de travail en qui-libre, crivait encore Rubber and Plastics

    News. Cela lui donne un avantage par rap-port aux concurrents qui ont une approcheplus combative dans ce domaine.

    Lien avec les conventions de lOIT

    Quinze accords-cadres mondiaux sont ana-lyss en dtail dans une nouvelle publica-tion de lOIT, le Guide de la Dclaration de

    principes tripartite sur les entreprises multi-nationales et la politique sociale 5. Ce guidervle que presque tous ces accords re-prennent les principes fondamentaux dela Dclaration au sujet de llimination dutravail des enfants et du travail forc, delgalit au travail, du respect de la libertsyndicale et de la ngociation collective.Dautres questions couvertes par la Dcla-ration de lOIT sur les multinationales figu-rent moins souvent dans les accords. Cestainsi que moins dun accord mondial surcinq inclut les normes de lOIT sur lorienta-tion et la formation professionnelles. Cettesituation pourrait voluer mesure que lenombre daccords-cadres mondiaux aug-mente ou que se rengocie le contenu deceux qui existent dj. Comme mentionndans le Guide, la promotion du travail d-cent suppose ltablissement de relationsde qualit sur les lieux de travail et des ac-

    tivits communes et repose sur une volontplus ferme des entreprises, des syndicatset du gouvernement duvrer de concert.Grce sa porte mondiale, la Dclarationconstitue, directement ou indirectement,une base particulirement utile pour tablirdes accords-cadres. De plus, les principesdirecteurs de lOCDE lintention des en-treprises multinationales offrent une inter-prtation, reprise dans certains accords, du

    respect de la libert syndicale et devraient lavenir tre de plus en plus lis la con-clusion daccords-cadres.

    Pendant ce temps, la couverture secto-rielle des accords-cadres continue de cro-

    tre. Lindustrie automobile est lun des der-niers secteurs rejoindre la tendance. En

    juin 2002, Volkswagen a sign une Dcla-ration des droits sociaux et des relations detravail avec la FIOM et le conseil dentre-prise mondial de Volkswagen. Quelques

    semaines plus tard, cest DaimlerChryslerqui adoptait un document similaire, Prin-cipes de responsabilit sociale, en accordavec son Comit mondial des employs, etconjointement avec la FIOM.

    Les pionniers des accords-cadres sontlUITA et la multinationale franaise Da-none. Les ngociations en vue du premieraccord ont dbut en 1985. Depuis, ils ontsign dautres accords sur les droits syndi-

    caux, la formation professionnelle et sur lesmesures prendre au cas o de nouvellestechniques ou processus organisationnelsseraient mis en uvre, ou sil se produi-sait des changements substantiels dans lesvolumes de production, un transfert dunepart importante de la production, une fer-meture partielle ou totale dentreprises et,plus gnralement, dans toutes les situa-tions o les conditions de travail ou la na-ture des contrats demploi sont modifiesde faon significative. Selon le Secrtairegnral de lUITA, Ron Oswald 6, de tousces documents, le plus important pourlUITA est laccord qui touche au respectdes droits syndicaux et de ngociation col-lective. Il fait rfrence aux conventions delOIT, en particulier les conventions nos 87et 98 dj cites, et la convention (no 135)concernant les reprsentants des tra-vailleurs, 1971. Il est crucial quelles soient

    comprises dans un tel accord. Laccord leplus innovant, celui qui lance le plus granddfi, est celui li la gestion de limpact deschangements de stratgie de lentreprisesur lemploi. Il traite tout particulirementdes procdures de ngociation lorsquunerestructuration est propose.

    Test grandeur nature

    En raison de cette disposition, les accordsavec Danone ont t confronts au testgrandeur nature, le plus dur de tousceux subis par les autres accords-cadres.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    28/92

    20

    En 1998, une proposition de fermeturedusine en France a t soumise de lon-gues consultations en vertu de la lgisla-tion du travail franaise, explique RonOswald. Les syndicats locaux ont, parla suite, invoqu laccord international,

    mme si nous aurions prfr quils le fas-sent un stade plus avanc du processus.Invoquer cet accord Danone/UITA a con-duit une nouvelle rvision de la proposi-tion de fermeture et un acqureur alternatifest apparu. Rsultat: un nombre significa-tif demplois ont pu tre conservs. Pour

    beaucoup de raisons, cet exemple a natu-rellement tendu la relation que nous avionsavec Danone, mais il a aussi servi tester

    notre accord. Nous savions depuis le dbutquun tel test aurait un impact sur la miseen uvre dun accord aussi complexe, etnous avons analys ensemble ce qui staitpass dans ce cas. Aprs une analyse fran-che et saine de la part des deux parties,nous sommes convenus quune attentionplus grande cet accord, ds les premi-res tapes dune proposition de restructu-ration, est la meilleure faon pour chacundtre bnficiaire dans le futur.

    Les accords rcents de Volkswagen etde DaimlerChrysler couvrent chacun plusde 300 000 travailleurs. Au total, quelquedeux millions de travailleurs travers lemonde sont employs par les 21 firmes quiont sign les accords-cadres. Ce sont gn-ralement les entreprises bases en Europeoccidentale qui sont les premires sen-gager, mais il existe aussi des exemples deNouvelle-Zlande (Fonterra) et dAfrique

    du Sud (AngloGold). Lorsquune ou plu-sieurs entreprises dun secteur signent unaccord, il y a une certaine pression sur lesautres pour quelles suivent. Cette pres-sion peut aussi sappliquer aux syndicats:une entreprise qui a sign un accord-cadrepeut se sentir dans une situation prcairesi ses concurrents ne lui ont pas embotle pas aprs un certain temps. Elle pour-rait se sentir expose tant la critique de

    ses concurrents qu celle de ses propresactionnaires. Les FSI ressentiront donc lebesoin de poursuivre sur leur lance.

    Un autre facteur entre en jeu ce stade.Il est assez naturel que les premires entre-

    prises signer les accords aient tendance tre celles qui ont dj une bonne rela-tion de travail avec les syndicats, mme sides conflits ont pu avoir lieu dans le pass.Reste alors convaincre les entreprises lesplus dures: lorsquune grande multinatio-

    nale et une FSI passent directement dunconflit la signature dun accord-cadre,un pas important supplmentaire est ac-compli dans les relations de travail. En at-tendant, une faon daller de lavant pour-rait tre de conclure des accords sectorielsmondiaux sur des questions prcises. Unedes raisons de la lenteur dune telle volu-tion rside dans lasymtrie existant entreles mandats des ngociateurs patronaux

    et syndicaux. Si la plupart des entreprisesindustrielles sont affilies des organisa-tions sectorielles internationales, la rela-tion entre ces organisations et leurs mem-

    bres est diffrente de celle qui, sur le plansyndical, existe entre les FSI et leurs mem-

    bres. Ainsi a-t-il fallu crer face la Fd-ration internationale des travailleurs dutransport (FIOT) une nouvelle fdrationdemployeurs dans lindustrie maritime(lIMEC) pour pouvoir ngocier et mettreen uvre la seule convention collective in-ternationale ( ne pas confondre avec unaccord-cadre) existant ce jour.

    Veto de certaines grandes entreprises

    Une initiative de lindustrie chimique quitrouve son origine dans une confrencesectorielle de lOIT illustre bien les diffi-

    cults potentielles que posent les associa-tions demployeurs. En fvrier 1999, lesgouvernements ont rencontr employeurset syndicats de lindustrie chimique sousles auspices de lOIT. Ils se sont mis dac-cord sur le fait que des ngociations de-vraient commencer en vue dune partici-pation des syndicats dans le Programmede gestion responsable de lindustrie chi-mique. Le but tait de garantir le respect

    de normes strictes quant la sant, la scu-rit et lenvironnement dans tous les lieuxo opre lentreprise. Des ngociations d-tailles ont dbut entre lICEM et lasso-ciation internationale des employeurs de

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    29/92

    21

    ce secteur, lICCA (International Councilof Chemical Associations). Dbut 2001,tout semblait prt pour un accord secto-riel mondial, mais il a t sabord en der-nire minute, apparemment sur lordrede deux grandes entreprises antisyndi-

    cales amricaines. LICEM espre encorearriver un accord, ventuellement au ni-veau rgional. Cette approche novatricesoutenue par lOIT pourrait donc encoreporter ses fruits.

    Si les accords-cadres mondiaux devien-nent aussi courants que lesprent les FSI,un autre problme pourrait survenir: les f-drations syndicales internationales dispo-sent de secrtariats relativement restreints.

    Ils peuvent sen sortir avec les quelques ac-cords actuels mais, si des centaines, voiredes milliers dautres sont signs, il sera dif-ficile pour les FSI de les suivre depuis leursecrtariat. Cest pour cette raison que ledveloppement des accords-cadres est allde pair avec une autre volution impor-tante, celles des rseaux syndicaux mon-diaux au sein des grandes multinationales.Dans le futur, il est probable que ces ac-cords-cadres seront prioritairement suivispar des syndicats tablis au sein des entre-prises concernes ou par le biais de mca-nismes ngocis avec les employeurs.

    Le concept daccords-cadres est donc enexpansion, mais pourrait encore faire lob-

    jet de davantage de promotion. LOIT peutl aussi apporter son aide en promouvantet en soutenant le dialogue social lchellemondiale. Aprs tout, la condition prala-

    ble un accord de ce type est un dialogue

    entre syndicats et entreprises au niveaumondial O peut-il tre mieux organisque dans la seule agence tripartite des Na-tions Unies? Les fondations pour jouer untel rle ont t poses par la Dclarationtripartite de lOIT sur les entreprises mul-tinationales et la politique sociale. Comme

    le souligne son Directeur gnral, Juan So-mavia, ce texte est un point de rfrenceuniversel pour la responsabilit socialedans le monde du travail: ses principesfavorisent la comprhension mutuelle, laparticipation, la transparence et la respon-

    sabilit sociale autant de pralables unpartenariat durable entre acteurs et mar-chs mondiaux et locaux.

    Dans un march mondial, rien nestplus urgent.

    Notes

    1 Une liste des accords-cadres actuels, avec hy-

    perliens correspondants, existe sur le site de la CISL ladresse www.icftu.org/displaydocument.asp?Index=991216332&Language=EN.

    2 Communiqu de presse de la FITBB, 19 mars2002.

    3 Ron Oswald. IUF Agreements. 2001. Sur Inter-net ladresse www.icftu.org/displaydocument.asp?Index=991215155&Language=EN.

    4 Freudenbergs global labor pact makes sense. Rub-ber and Plastics News, USA, 2000. Sur Internet ladresse www.icem.org/agreements/freudenberg/freurp.html.

    5 Sur Internet ladresse http://www.ilo.org/public/french/employment/multi/download/guidefr.pdf. Des versions imprimes peuvent trecommandes en envoyant un e-mail [email protected] Des directives universelles connatre et uti-liser pour promouvoir la responsabilit sociale, ce guideest un bon outil pour quiconque souhaite utiliser laDclaration sur les multinationales. Il donne des in-formations pratiques sur la responsabilit sociale desentreprises en gnral, en sinspirant de lexpriencemondiale dans des questions comme la sant et lascurit ou encore le travail des enfants. Il insiste

    aussi sur la valeur des accords de partenariat socialau niveau local, accords o les multinationales par-tagent leurs informations avec les gouvernements etles reprsentants des travailleurs. Le guide soulignepar ailleurs que les menaces de dlocalisation lors desngociations ne sont gure susceptibles de construirela confiance autour de la table.

    6 Op. cit.

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    30/92

  • 7/27/2019 La responsabilit sociale des entreprises.pdf

    31/92

    23

    Les responsabilits sociales des entrepri-ses ne