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La sédation pour détresse en phase terminale Recommandations de la Société Française d'Accompagnement et de soins palliatifs Groupe de travail "Sédation en fin de vie" : Coordonné par V. Blanchet 1 . Participants : R. Aubry 2 , J-C. Fondras 3 , M-T. Gatt 4 , J-M. Lassaunière 5 , T. Marmet 6 , M. Nectoux 7 , P. Papin 8 , S. Pourchet 9 , P. Thominet 10 , N. Sylvestre 11 , M-L Viallard 12 Version Longue En novembre 1999, un groupe de travail s’est constitué sur l’initiative du docteur V. Blanchet sous l’égide de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (S.F.A.P), pour réfléchir à la pratique de la sédation en fin de vie. Ce groupe est constitué d’infirmières, de médecins et de psychologues travaillant en unités ou en équipes mobiles de soins palliatifs. Les participants de ce groupe ont constaté une banalisation de la sédation tant dans les pratiques en institutions qu'à domicile. Le terme de sédation vient du latin « sedare : apaiser, calmer ». Il recouvre cependant des réalités bien différentes car il est employé aussi bien pour désigner un traitement antalgique que l’induction d’un sommeil. Ce terme est aussi utilisé pour masquer une euthanasie pratiquée à l’insu du patient qualifiée d’euthanasie clandestine par le Comité Consultatif National d’Ethique dans son avis rendu en mars 2000. La fréquence de la pratique de la sédation, ses modalités, le service médical rendu et l’impact sur la morbidité et la mortalité sont insuffisamment évalués. Enfin, il faut ajouter que les différences de conception autour de ce terme entre les pays anglo- saxons et les pays latins participent à cette confusion. Une clarification semblait donc nécessaire. Le groupe de travail a décidé, dans un premier temps, d’élaborer des recommandations de bonnes pratiques. Il a défini le champ de son travail selon quatre questions : - 1. Qu’entend-on par sédation dans la pratique des soins palliatifs ? - 2. Quels sont les objectifs et les indications de la sédation ? - 3. Quels sont les produits utilisés, leurs durées d’action, leurs posologies, leurs modalités de prescription ? - 4. Quelles sont les modalités pratiques de la sédation et les questions éthiques associées ? La méthode de travail a consisté en une analyse de la littérature internationale, une enquête « un jour donné » sur l’état de vigilance des patients hospitalisés en unités de soins palliatifs en France, et la rédaction de recommandations. 1 Médecin, Equipe mobile douleur soins palliatifs, Hôpital Saint-Antoine et médecine libérale, Paris 2 Médecin, Equipe mobile soins palliatifs, CHU Besançon 3 Médecin, Service douleur soins palliatifs, Bourges 4 Médecin, Equipe mobile douleur soins palliatifs, Hôpital Avicenne, Bobigny 5 Médecin, Centre de soins palliatifs, Hôtel-Dieu, Paris 6 Médecin, centre régional d'accompagnement et de soins palliatifs, Toulouse 7 Infirmière clinicienne, Equipe mobile accompagnement et soins palliatifs, Argenteuil 8 Infirmier, Unité de soins palliatifs, Hôpital Paul-Brousse, Villejuif 9 Médecin, Unité de soins palliatifs, Hôpital Paul-Brousse, Villejuif 1 0 Infirmier, Unité mobile de soins palliatifs, Pitié-Salpétrière, Paris 1 1 Docteur en psychologie, Unité de soins palliatifs, Institut Mutualiste Montsouris, Paris 1 2 Médecin, Unité mobile de soins palliatifs, Vannes 1

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La sédation pour détresse en phase terminale

Recommandations de la Société Française d'Accompagnement et de soins palliatifs

Groupe de travail "Sédation en fin de vie" :Coordonné par V. Blanchet1.

Participants : R. Aubry2, J-C. Fondras3, M-T. Gatt4, J-M. Lassaunière5, T. Marmet6, M. Nectoux7, P. Papin8, S. Pourchet9, P. Thominet10, N. Sylvestre11, M-L Viallard12

Version Longue

En novembre 1999, un groupe de travail s’est constitué sur l’initiative du docteur V. Blanchetsous l’égide de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (S.F.A.P), pour réfléchirà la pratique de la sédation en fin de vie. Ce groupe est constitué d’infirmières, de médecins et depsychologues travaillant en unités ou en équipes mobiles de soins palliatifs.

Les participants de ce groupe ont constaté une banalisation de la sédation tant dans lespratiques en institutions qu'à domicile.

Le terme de sédation vient du latin « sedare : apaiser, calmer ». Il recouvre cependant desréalités bien différentes car il est employé aussi bien pour désigner un traitement antalgique quel’induction d’un sommeil. Ce terme est aussi utilisé pour masquer une euthanasie pratiquée à l’insu dupatient qualifiée d’euthanasie clandestine par le Comité Consultatif National d’Ethique dans son avisrendu en mars 2000. La fréquence de la pratique de la sédation, ses modalités, le service médicalrendu et l’impact sur la morbidité et la mortalité sont insuffisamment évalués.

Enfin, il faut ajouter que les différences de conception autour de ce terme entre les pays anglo-saxons et les pays latins participent à cette confusion.

Une clarification semblait donc nécessaire.

Le groupe de travail a décidé, dans un premier temps, d’élaborer des recommandations debonnes pratiques. Il a défini le champ de son travail selon quatre questions :- 1. Qu’entend-on par sédation dans la pratique des soins palliatifs ?- 2. Quels sont les objectifs et les indications de la sédation ?- 3. Quels sont les produits utilisés, leurs durées d’action, leurs posologies, leurs modalités deprescription ?- 4. Quelles sont les modalités pratiques de la sédation et les questions éthiques associées ?

La méthode de travail a consisté en une analyse de la littérature internationale, une enquête« un jour donné » sur l’état de vigilance des patients hospitalisés en unités de soins palliatifs enFrance, et la rédaction de recommandations.

1 Médecin, Equipe mobile douleur soins palliatifs, Hôpital Saint-Antoine et médecine libérale, Paris2 Médecin, Equipe mobile soins palliatifs, CHU Besançon3 Médecin, Service douleur soins palliatifs, Bourges4 Médecin, Equipe mobile douleur soins palliatifs, Hôpital Avicenne, Bobigny5 Médecin, Centre de soins palliatifs, Hôtel-Dieu, Paris6 Médecin, centre régional d'accompagnement et de soins palliatifs, Toulouse7 Infirmière clinicienne, Equipe mobile accompagnement et soins palliatifs, Argenteuil8 Infirmier, Unité de soins palliatifs, Hôpital Paul-Brousse, Villejuif9 Médecin, Unité de soins palliatifs, Hôpital Paul-Brousse, Villejuif10 Infirmier, Unité mobile de soins palliatifs, Pitié-Salpétrière, Paris11 Docteur en psychologie, Unité de soins palliatifs, Institut Mutualiste Montsouris, Paris12 Médecin, Unité mobile de soins palliatifs, Vannes

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Question 1

Comment définir la sédation dans la pratique des soinspalliatifs ?

Si la définition de la sédation fait l'objet d'un consensus dans des disciplines médicales tellesque l'anesthésie1 et la réanimation2, il n'en est pas de même dans le domaine des soinspalliatifs.Après une revue de la littérature nous définirons le champ d'application de la sédation ensoins palliatifs choisi par le groupe de travail3.

I. La notion de sédation en soins palliatifs dans la littératuremédicale Il n’existe pas de consensus sur la définition de la sédation en soins palliatifs comme entémoigne la littérature :

- “ supprimer la perception de la souffrance intolérable en faisant perdre la conscience ”(1)

- “ obtenir un effet myorelaxant, en diminuant le tirage musculaire et le rythme respiratoire ”(2)

- “ passer le cap d’une anxiété majeure ” (2)

- “ diminuer activement la vigilance ” (3)

- “ induire un sommeil artificiel qui permet au patient de perdre la conscience de sasouffrance ” (1)

1 “ La sédation est l’utilisation de médicaments visant à diminuer la vigilance du patient dans le but de :- diminuer la perception de la douleur et l’anxiété pendant un acte diagnostic ou thérapeutique- compléter une anesthésie locale ou loco-régionale.Il faut distinguer : la sédation légère, malade relaxé et calme, éventuellement coopérant et la sédation lourde,avec altération de la conscience et des réflexes de protection, notamment de la liberté des voies aériennes, quiimpose une surveillance attentive ”(20).

2 "La sédation peut se définir comme l’utilisation de moyens médicamenteux ou non destinée à assurer le confortphysique et psychique du patient et à faciliter les techniques de soin. Elle est donc étroitement liée à la notion dequalité de soin.Les objectifs de la sédation sont :- améliorer le confort du patient en luttant contre la douleur, l'anxiété et le manque de sommeil ;- assurer la sécurité du patient agité ainsi que celle du personnel- faciliter les soins et en garantir l’efficacité ;- optimiser les bénéfices de la ventilation mécanique en permettant l’adaptation au respirateur ;- faciliter les actes à visée diagnostique et thérapeutique de courte durée ;- réduire la réponse neuro-endocrinienne au stress dans les quelques situations où son effet délétère est établide façon convaincante. ” (21)

3 La complexité du champ lexical concernant la conscience et la vigilance nous a conduit à donner en annexequelques définitions des termes les plus fréquemment utilisés

2

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- “ assurer un sommeil pour “ traiter ” des symptômes réfractaires aux thérapeutiquesn’altérant pas la conscience ” (4). Ces symptômes sont aussi bien physiques quepsychiques (5).

- “ induire un état d’apaisement physique et psychique en respectant la conscience ” (6)

- “ provoquer un sommeil par l’administration d’une benzodiazépine ou d’un neuroleptique,par une équipe soignante, en réponse à une demande d’un patient. La durée de ce sommeilest variable, ponctuelle ou continue, et ce sommeil est toujours associé à d’autresthérapeutiques symptomatiques. Le but unique de ce sommeil est de soulager un patient endétresse ” (1)

- induire une perte de la conscience dans des circonstances très particulières de symptômesnon traitables (quand toutes les interventions possibles ont échoué) ou d’angoisse nonaccessible aux interventions psychologiques, pharmacologiques ou spirituelles (1 ; 2 ; 6 ;7)

- “ proposer une réponse à une situation de souffrance d’une équipe partagée entre sondevoir d’assistance au patient, ses propres limites et son interrogation sur le bien fondéd’une telle sédation ” (8 ; 14).

- "La sédation terminale devrait être distinguée de l’état d’altération progressif de laconscience qui accompagne spontanément l’évolution de la maladie vers la mort. Cettedernière résulte de l’addition des conditions métaboliques du mourir et des traitementsutilisés. La sédation terminale se distingue également de la sédation survenantoccasionnellement comme effet secondaire non désiré des dérivés morphiniques utilisés àforte dose dans le cadre du soulagement de douleurs sévères. La sédation terminaleconsiste donc en une décision explicite de provoquer l’inconscience chez un patient pourprévenir ou répondre à une quelconque situation de détresse physique incontrôlable. Lerecours à la sédation terminale est également régulier en soins intensifs pour traiter lessymptômes de suffocation lors de l’arrêt de la ventilation assistée chez les patients en fin devie."4 (9)

La sédation terminale est proposée comme alternative au suicide médicalement assistéchez les patients en fin de vie souffrant de symptômes sévères.5 (10).

- "La sédation terminale est définie comme l'intention délibérée d'induire et de maintenir unsommeil profond, sans entraîner volontairement la mort, dans certaines situations trèsparticulières : 1) afin d'obtenir le soulagement d'un ou de plusieurs symptômes rebelleslorsque toutes les autres interventions possibles ont échoué et que la mort du patient estpressentie comme proche, ou 2) afin de soulager une angoisse profonde (y comprisspirituelle) qui n'est pas accessible au soulagement par une assistance spirituelle, unsoutien psychologique ou d'autre type d'intervention et que la mort du patient est pressentiecomme proche. Cette définition n'inclut pas le soulagement de la confusion mentale nil'utilisation d'anxiolytique ou de psychotropes pour le traitement d'hallucinations, de délireparanoïaque, de myoclonies, etc... Elle n'inclue pas davantage la sédation temporaire et

4 [Terminal sedation. should be distinguished from the common occurrence of a dying patient gradually slippinginto an obtuned state as death approaches ; this occurrence is a combination of the metabolic changes in dyingand the results of usual therapy treatments. T.S. is also distinct from the sedation that occasionnely occurs as anunintended side effect of high dose opioid therapy, which is used to relieve severe terminal pain. In contrast,terminal sedation involves an explicit decision to render the patient uncounscious to prevent or respond tootherwise unrelievable physical distress. Terminal sedation is also used regularly in critical care practice to treatsymptoms of suffocation in dying patients who are discontinuing mechanic al ventilation]

5 [T.S. has been proposed as an alternative to P.A.S. for terminally ill patients with severe symptoms.]

3

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planifiée réversible."6 (11)

- "La sédation est définie comme la prescription d'agents psychotropes permettant de rendreun patient inconscient afin de soulager des symptômes physiques ou psychologiques."7 (12)

- La sédation est définie comme une procédure médicale destinée à pallier, chez un patientdonné, les symptômes réfractaires aux traitements standards, en altérant volontairementleur conscience. Cette sédation peut être classée en :- sédation primaire : intervention thérapeutique dont le principal but est de diminuer le

niveau de conscience d'un patient ; sédation secondaire : ne pas corriger la somnolenceinduite par les traitements palliatifs prescrits pour le soulagement des symptômes sous-jacents.

- sédation intermittente : permettre des période de vigilance, - sédation continue : altération de la conscience maintenue jusqu'au moment du décès.- sédation légère : autorisant une communication entre patient et soignants, - sédation profonde : c'est un état d'inconscience.8 (13;14) :

- La sédation terminale est l'administration délibérée de médicaments dans le but deproduire une diminution suffisamment profonde et possiblement réversible de la conscience,chez un patient dont la mort semble proche, avec l'intention de soulager un symptômephysique et ou psychologique non accessible aux autres traitements, ceci avec leconsentement explicite,implicite ou par délégation, du patient.9 (15)On notera enfin que deux articles de références sur le sujet de la sédation ne proposent pasde véritable définition :CHERNY/PORTENOY (16) dans leur article sur la sédation pour symptômes réfractaires,parlent de la sédation induite par "l'utilisation de drogues choisies et administrées dans cebut"10.

L'objet de l' étude de VENTAFRIDA et coll.(17) "est de préciser combien de temps avant lamort les patients décrivent une souffrance intolérable dont le soulagement n'est possible quepar le recours à une sédation, ne permettant au patient de répondre qu'aux stimulis6 [Terminal sédation is defined as the intention of deliberately inducing and maintaining deep sleep, but notdeliberately causing death in very specific circumstances. These are : 1) for the relief of one or more intractablesymptoms when all other possible interventions have failed and the patient is perceived to be close to death, or2) for the relief of profoubd anguish (possibly spiritual) that is not amenable to spiritual, pasychological or otherinterventions, and the patient is perceived to be close to death. This definition does not include the managementof delirium or the use of anxiolytix/psychotropic drugs for the management of symptoms such as hallucinations,paranoïa, myoclonus, etc. Nor does it include planned temporary sedation that is reversed.]

7 [Sedation has been defined as the prescription of psychotropic agents to control physical and psychologicalsymptoms by making the patient unconscious.]

8 [sedation was defined as a « medical procedure to palliate patient’s symptoms refractory to standard treatmentby intentionally dimming their counsciousness », which was classified into primary-secondary, intermittent-continuous, and mild-deep categories.. […]primary sedation was a therapeutic intervention, the primary goal ofwhich was to lower patient’s counsciousness, while secondary sedation was to allow somnolence produced bypalliative treatment for underlying disconfort.Intermittent sedation was intended to achieve periods of alertness in patients, while continuous sedation was toalter patient’s counsciousness until death. Mild sedation was intended to maintain counsiousness in patients sothat they could communicate with caregivers, while deep sedation led to uncounsciousness.]

9 [se entiende por sedacion terminal la administracion deliberada de farmacos para producir una disminucionsuficientemente profunda y previsiblemente irreversible de la conciencia en un paciente cuya muerte se preveproxima, con la intencion de aliviar un sufrimiento fisico y/o psicologico inalcanzable con otras medidas y con elconsentimiento explicito, implicito o delegado del paciente.]

10 [Induced sedation, using drugs selected and administered for this purpose]

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extérieurs provoqués"11.

II Comment le groupe de travail définit-il la sédation dans lapratique des soins palliatifs ?

Parmi toutes les notions trouvées dans la littérature, le groupe de travail a fait le choix de selimiter et de ne parler que de la sédation en phase terminale.

On parle de phase terminale dans l'évolution naturelle d'une maladie quand le décès estimminent et inévitable. C'est une bascule dans l'évolution de la maladie annoncée par ladéfaillance des grandes fonctions vitales parfois provoquée par un épisode aigu (occlusionintestinale, infection, embolie pulmonaire ... ). Schématiquement, on peut distinguer deuxmoment bien différents dans la phase terminale : " la phase pré-agonique" et " phaseagonique". La phase pré-agonique. est provoquée par la défaillance d'une ou plusieurs des principalesfonctions vitales (18).

On peut donc décrire les signes neurologiques, respiratoires et cardio-vasculaires.Autrement dit, il s'agit d'un état de choc qui, sans réanimation, évolue le plus souvent vers laphase agonique et le décès. Cette phase peut être parfois réversible et relève des stratégiesthérapeutiques palliative correspondantes.

La phase agonique est le moment même du "mourir" marqué par l'apparition des premierssignes de décérébration (dont la disparition du réflexe cornéen) et l'altération inéluctable desfonctions régulatrices neurovégétatives. Cette phase est irréversible et aboutit à la mort (19).

1. Ce que ce n'est pas :

Parmi les différents champs d’application possibles de la sédation, nous ne retenons pas leterme de sédation pour :

- l’anxiolyse, - l’analgésie, - l'utilisation comme somnifère.

L’analgésie, comme l’anxiolyse, peuvent et doivent être obtenues par une prise encharge thérapeutique spécifique et adaptée après une évaluation de l’ensemble desphénomènes douloureux ou anxiogènes dont souffre le patient. L'insomnie est traitée par unsomnifère adapté.

Pour ne pas engendrer de confusion entre des notions différentes, ni induire desrisques de mauvaises interprétations du texte, le groupe n’a pas retenu ni utilisé, de façonintentionnelle les termes suivants (qui sont présentés par ordre alphabétique) :

- contention pharmacologique,- déconnexion,- endormissement,- lyse,- narcose,- sommeil artificiel,- sommeil induit,

11 [To document how long before death symptoms appear that patients term unendurable and that arecontrolable only with sedation induced sleep, allowing the patient to respond to external stimuli only if provoked.]

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Nous ne retenons pas davantage le terme de sédation pour désigner une pratiquealternative à l'euthanasie.

2. Ce que c'est :

Le groupe de travail a limité sa définition à « la sédation en phase terminale pour détresse » :

La sédation en phase terminale pour détresse est la recherche, par des moyensmédicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte deconscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d'unesituation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyensdisponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et / ou mis en œuvresans permettre d’obtenir le soulagement escompté par le patient.

Dans la pratique des soins palliatifs, les visées de la sédation peuvent être :- Une somnolence provoquée chez une personne qui reste éveillable à la parole ou

tout autre stimulus simple.- Une perte de conscience provoquée qui peut se décliner en :

. Coma provoqué transitoire, (sédation intermittente)

. Coma provoqué non transitoire (sédation prolongée).

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Glossaire

- La conscience d'un point de vue neurologique, est la connaissance que tout individunormal a de la réalité extérieure, du temps qui s’écoule, de son propre corps, de ses actionset de sa vie mentale, qu’elle concerne les activités intellectuelles ou l’affectivité. La conscience implique :

- la vigilance qui permet l’attention et dont le substratum anatomo-physiologique estle système réticulé activateur ascendant,

- un fonctionnement sensori-moteur normal qui permet d’appréhender l’espace extracorporel (vision, audition, sensibilité extéroceptive) et l’espace corporel (sensibilitésproprioceptive et intéroceptive)

- l’introspection qui informe l’individu de ses pensées, de ses sentiments, de sesémotions ; elle est cependant éminemment subjective et ne peut accéder aux phénomènesinconscients qui s’expriment dans le comportement et le rêve.

La conscience subit des variations physiologiques au cours des émotions et lors dusommeil ; elle est l’objet de profondes perturbations transitoires ou permanentes, au coursde différents états pathologiques comme la confusion mentale, le coma, la démence .

- Le sommeil est un état physiologique, qui alterne avec l’état de veille et se caractérise parune dissolution de la conscience, avec hypotonie musculaire, ralentissement des fonctionsvégétatives et activité onirique. Il se distingue du coma par la possibilité d’un certain degréd’intégration sensorielle et les facilités du réveil.

- Analgésie : abolition de la sensibilité à la douleur.

- Le coma est un état de conscience altéré. Il est caractérisé par la perte des fonctions derelations. Le sujet n’a pas de réponse psychologiquement compréhensible aux stimulationsexternes ou aux besoins internes. Le sujet n’a pas de mouvements dirigés de façon précisevers les stimulations nociceptives et n’émet aucun mouvement compréhensible.

- La somnolence : est une tendance à l’endormissement spontané en l’absence de toutestimulation.

- L’anxiolyse est l’apaisement de l’anxiété. L’anxiété est un état de désarroi psychiqueressenti en face d’une situation et s’accompagnant d’un sentiment d’insécurité.

- Détresse : « Sentiment d’abandon, de solitude profonde. Situation critiquedangereuse. Défaillance aiguë et grave d’une fonction vitale ».

- Sédation : de sedare, calmer, apaiser : apaisement d'une douleur physique ou morale,d'un état anxieux.

- Euthanasie : L'acte d'un tiers qui met délibérément fin à la vie d'une personne dansl'intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable.

Références bibliographiques

(1) Girardier J, Beal JL, Alavoine V. Les situations extrêmes en soins palliatifs. Info Kara 1995;38:35-45.

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(2) Richard MS. Faire dormir les malades. Cahiers Laennec 1993; 41(5):2-7.

(3) Beyeler Y, Rapin CH. Ne nous endormons pas et restons vigilants. Info Kara 1996; 43:3-4.

(4) Abiven M. Une éthique pour la mort. Paris: Desclée de Brouwer, 1995.

(5) Fondras JC. La sédation pharmacologique et les contradictions éthiques. European Journal ofPalliative Care 1996; 3(1):17-20.

(6) Burucoa B, Delzor M, & coll. Hypnovel® et Nozinan®, alternative à l'euthanasie. Pour unesédation vigile non euthanasiante. Actes du 4ème Congrès de la SFAP. Strasbourg: 1994.

(7) Verspiren P. Profondeur et durée du sommeil induit. Cahiers Laennec 1993; 41(5):7-10.

(8) Chretien J, Autret M. Accompagnement et benzodiazépines injectablez : problèmes decommunication. Actes du 3ème Congrès de la SFAP. Saint Malo: 1993.

(9) Quill TE, Byock IR. Responding to Intractable Terminal Suffering. Ann Intern Med 2000;133(7):561-562.

(10) Quill TE, Lee BC, Nunn S. Palliative treatments of last resort: choosing the least harmfulalternative. University of Pennsylvania Center for Bioethics Assisted Suicide ConsensusPanel. Ann Intern Med 2000; 132(6):488-493.

(11) Chater S, Viola R, & coll. Sedation for the intractable distress in the dying : a survey ofexperts. Palliative Medicine 1998; 12:255-269.

(12) Fainsinger RL. Use of sedation by a hospital palliative care support team. J Palliat Care 1998;14(1):51-54.

(13) Morita T, Tsunoda J, Inoue S, Chihara S. Do hospice clinicians sedate patients intending tohasten death? J Palliat Care 1999; 15(3):20-23.

(14) Morita T, Tsunoda J, Inoue S, Chihara S. Terminal sedation for existential distress. Am JHosp Palliat Care 2000; 17(3):189-195.

(15) Porta J, Guinovart C, & coll. Definicion y opiniones acerca de la sedacion terminal : estudiomulticentrico catalano balear. Medicina Palliativa 1999; 6(3):108-115.

(16) Cherny NI, Portenoy RK. Sedation in the management of refractory symptoms: guidelines forevaluation and treatment. J Palliat Care 1994; 10(2):31-38.

(17) Ventafridda V, Ripamonti C, De Conno F, Tamburini M, Cassileth BR. Symptom prevalenceand control during cancer patients' last days of life. J Palliat Care 1990; 6(3):7-11.

(18) Blanchet V. Soins palliatifs : réflexions et pratiques. Paris: Formation et développement,2001.

(19) Bichat X. Recherche Physiologique sur la vie et la mort. 5ème ed. Paris: Brosson,Gabon et Cie,1800.

(20) Viel E, Eledjam JJ. La sédation : définitions et principaux agents pharmacologiques. Cahiersd'anesthésiologie 1995; 43(2):107-112.

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(21) ANDEM. Conférence de consensus sur la sédation en réanimation, concept et pratique. 1993.

Question 2

Quelles sont les indications de la sédation en phaseterminale ?

I. Analyse de la littérature médicale

Les articles étudiés et référencés sont pour une partie d’entre eux anciens et trèsmajoritairement anglo-saxons.

1. Les décisions de sédation en fin de vie. 1.1 La sédation comme réponse aux symptômes réfractaires et intolérablesLes symptômes réfractaires recensés dans la littérature donnant lieu à une indication desédation en phase terminale sont les suivants :- douleurs (1-15)- détresse respiratoire (2;6-10;13;14;16;17)- états d’anxiété et d’angoisse (1-3;7;9;12;13;15;18;19)- états d’agitation (1;2;5;7;10;11;14;18;20;21)- états confusionnels (délirium) (2;5-7;9;11;14;22;23)- états de panique (2)- nausées et les vomissements (2;6;10;14)- myoclonies, les mouvements anormaux, les convulsions (2;7;9;14;24)- troubles du sommeil (1;7;15;25)- hémorragies foudroyantes (7;8;18;26;27)

1.2 La sédation comme réponse à une détresse émotionnelle, psychologique,spirituelle Dans quelques articles la sédation est proposée dans des états de détresse « réfractaire »(2;3;6;8;13;28;29)

1.3 La sédation comme réponse à des actes de soins générateurs d'inconfort ou desymptômes intolérables Lors de la réalisation de mobilisations chez les malades en fin de vie, lors de toilettes, lorsde pansements, les douleurs et l’inconfort générés peuvent amener à poser l’indicationd’une sédation temporaire et transitoires (1;3;7)De même, l’adaptation au respirateur en réanimation peut amener à mettre en œuvre unesédation (12)

1.4 La sédation comme réponse à l’agitation du patient pour sa sécurité et celle dessoignants Un article (1) mentionne cette circonstance comme indication de sédation en fin de vie

1.5 La sédation proposée comme prévention d’une détresse potentielle :La principale situation mentionnée dans la littérature pouvant faire l’objet d’une « sédationpréventive » est l’arrêt volontaire de l’hydratation et de la nutrition (19;31-35). Dans ceregistre d’indication on trouve aussi, le refus de l’assistance respiratoire (30) et l’arrêt dedialyse (19). Chez un patient lucide, les médications sédatives bien utilisées, dans le cadrede la prévention d’une détresse potentielle, ne semblent pas hâter pas la fin de vie (30;31)

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1.6. La sédation comme prévention d’une détresse potentielle liée à une décisionmédicale :Parfois la décision d’arrêt de thérapeutiques de maintien en vie comme la ventilationartificielle ou la dialyse (19) s’accompagne de la mise en œuvre d’une sédation.

1.7. La sédation comme réponse à un manque de connaissance, à une incompétence :Deux articles relatent que le manque de connaissances dans l’utilisation des antalgiques(30) ou la difficulté dans l’évaluation et le traitement de symptômes multiples et évolutifs defin de vie (36) peuvent amener à poser l’indication d’une sédation.

1.8. La sédation comme réponse à une détresse émotionnelle, psychologique,spirituelle des soignants Un auteur (37) aborde le positionnement éthique et la difficultéde collaboration de l’équipe mobile avec les équipes soignantes.

1.9. La sédation comme réponse à une demande d’euthanasie/suicide assisté Certains articles discutent la sédation comme pouvant participer à une démarched’euthanasie (31;34;38-41) ou de suicide assisté (31;33-35;41)

2 Questions posées lors de la prise de décision d’une sédation en fin de vie

Les auteurs discutent un certain nombre de questions relatives à la prise dedécision de la sédation :

- La sédation est-elle une euthanasie ? (6;31;42-44)- La sédation accélère -t-elle la fin de vie ? (14)- La théorie du double effet justifie-t-elle à elle seule, l’indication et le maintien de

la sédation ? (3;11;16;17;29;43;45-49)- A quelle éthique la sédation répond-elle ? (46;50)- La sédation peut-elle être indiquée en prévention d’une détresse potentielle ?

(51;52)- Sur quels critères une souffrance est-elle déclarée réfractaire ? (28)

II. Indications de la sédation proposées par le groupe de travail A partir de la revue de la littérature, le groupe de travail a hiérarchisé différentessituations.

1. Complications aiguës à risque vital immédiat, facilement identifiables :

- Hémorragies cataclysmiques notamment extériorisées (sphère ORL, pulmonaire etdigestive).

- Détresses respiratoires asphyxiques (sensation de mort imminente par étouffementavec réaction de panique).

La sédation a pour but de soulager la personne malade de la pénibilité et l'effroi générés parces situations. En phase terminale, la sédation est alors un geste d'urgence pouvant influer sur le momentde la mort (précipiter ou retarder…). Le médecin prescripteur assume la responsabilité de

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cette décision avec la part d'incertitude qu'elle comporte. Dans la mesure du possible laprescription de la sédation doit être une prescription anticipée.

2. Symptômes réfractaires, vécus comme insupportables par le patient.

En se référant à la définition de CHERNY et PORTENOY (3), le groupe propose de définirpar symptôme réfractaire tout symptôme dont la perception est insupportable et qui ne peutêtre soulagé en dépit des efforts obstinés pour trouver un protocole thérapeutique adaptésans compromettre la conscience du patient. Il n'est pas souhaitable d'énumérer une liste exhaustive de symptômes : le caractère"réfractaire" et la pénibilité pour la personne malade plus que le symptôme en lui-mêmejustifient la sédation.

III. Les situations singulières et complexes dont la réponse ne peutse réduire au seul domaine médical sortent du domaine desindications.

Elles s’inscrivent dans un contexte de détresse persistante, vécue commeinsupportable par le patient, comportant parfois une demande d’euthanasie. Elles ne peuvent s'envisager en terme de "maîtrise" au sens médical du terme.

Parfois résumées par le terme de "souffrance existentielle", elles ne peuvent constituer entant que telle une « indication » à la sédation. La prise en compte de ce type de souffrancene peut être réduite à une prise en charge médicale ou pharmacologique.Le défi pour les soignants est plutôt de repérer, à l’intérieur d’une telle souffrance, cequi peut faire objet de soin.

Chaque situation ne peut donc être analysée que dans sa singularité. Leur complexiténécessite un questionnement au cas par cas.

L’élaboration de la décision impose d'être particulièrement rigoureux dans "modalitéspratiques de la mise en œuvre de la sédation" proposées ci-après par le groupe. Ellerepose sur une analyse de la situation non seulement à un niveau médical maiségalement légal et humain. Cette élaboration doit être renouvelée dans le temps, enfonction de l’évolution.

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Question 3

Quels médicaments utiliser pour la sédation en phaseterminale ?

I. Les thérapeutiques médicamenteuses citées dans la littérature.

La revue de la littérature concerne les médications prescrites et utilisées dans le butspécifique de provoquer une sédation (1).

1. Les médicaments anesthésiques intraveineux

Les anesthésiques intraveineux dépriment le système nerveux central (par l’activation dusystème “GABA-ergique”, système inhibiteur principal du cerveau des mammifères), etprovoquent l’inconscience (2). Leur puissance hypnotique permet de diminuer la vigilance defaçon suffisante pour neutraliser les réactions à un stimulus agresseur, le plus souventnociceptif.

1. 1. Le Propofol

1.1.1. Rappels pharmacologiques

DCI Nom Commercial Propriétés Effets indésirables RemarquesPropofol DIPRIVAN® Liposoluble.

Demi-vie courte.Courte duréed’action (5 min).Clairance rapide.Diminue nauséeset vomissements.

Dépressionrespiratoire.Dépressioncardiovasculairesi, pathologiecardiovasculairesous-jacente.

Voie IV exclusiveDouleur au pointd’injection.Volume importantà administrer. Coût élevé.

1.1.2. Utilisation du propofol en soins palliatifs.

Dans la pratique palliative, l'usage du propofol reste marginal (3-6).

Trois indications sont proposées :- le traitement des syndromes d’agitation terminale où le propofol permet l’obtentiond’un niveau de sédation très équilibré dans le temps. S. MERCADANTE. et coll. (3)n'hésitent pas à parler “d’agent idéal ”.- la sédation lors des procédures pénibles (soins douloureux, mobilisation difficile)compte tenu de sa courte durée d’action et de sa totale réversibilité. - en remplacement d'associations médicamenteuses lorsque l'obtention d'uneefficacité symptomatique nécessite le recours à des posologies très élevées.

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1. 2. Les barbituriques

1.2.1. Rappels pharmacologiques.

DCI Nom Commercial Propriétés Effets indésirables RemarquesMéthohexital,

Thiopental

Brietal®

Nesdonal®

Liposolubles. Redistributionsecondaire àpartir desgraisses.Métabolitesinactifs.Anticonvulsivants.

Dépressionrespiratoire etcardiovasculaireen fonction de ladose et de lavitessed’injection.

Voie IV exclusive.

Toxicité cutanée,si extravasation.

1.2.2. Utilisation en soins palliatifs.

L' utilisation des barbituriques est proposée pour des sédations de courte durée (thiopental)ou pour des sédations prolongées (perfusions continues de méthohexital ou de thiopental). Leur administration ne peut se réaliser que par voie intraveineuse (nécroses graves en casd'extravasation péri vasculaire) à l'exception du phénobarbital (Gardenal ®) qui peut êtreadministré par voie sous-cutanée. Cependant, sa très longue durée d’action n'en fait pas lemeilleur candidat pour la sédation (7-9).

Il n'existe pas de doses maximales recommandées. La dose optimale est déterminée enfonction du contrôle des symptômes et de la tolérance aux effets secondaires. TRUOG (8)insiste sur la nécessité d'adapter les posologies en tenant compte du développement rapided'une tolérance croisée avec les autres sédatifs déjà reçus antérieurement.

La réversibilité potentielle du coma est souvent aléatoire en raison du relargage secondairedes drogues à partir des tissus graisseux de l’organisme. Cette propriété rend nécessairedes techniques de titration particulières relevant de la spécialité d'anesthésie.

2. Les neuroleptiques.

2.1. Rappels pharmacologiques.

DCI Nom Commercial Propriétés Effets indésirables RemarquesHalopéridol,Chlorpromazine,LévomépromazineLoxapine

Haldol®Largactil®,Nozinan®Loxapac®

Antiémétiques.Antagonistesdopaminergiquesetsérotoninergiques.Agoniste 1 et 2

Anticholinergiques.Hypotenseur.Dyskinésies.

Chlorpromazineirritante par voieSC.

2. 2. Utilisation en soins palliatifs.

Les neuroleptiques cités dans la littérature des soins palliatifs sont au nombre de quatre : - l’halopéridol neuroleptique de référence, est une butyrophénone. Il est peu sédatif (10).- la chlorpromazine et la levomépromazine sont des phénothiazines aux propriétés plussédatives.

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- le déhydrobenzpéridol, neuroleptique "de l’urgence", est indiqué dans le traitement desgrandes agitations psychomotrices.

En pratique palliative, la levomépromazine et la chlorpromazine sont recommandées dansles états de delirium et d’angoisse (11), symptômes très fréquents dans les syndromesd’agitation terminale (12;13). Tous deux sont conseillés dans les “symptômes sévères où une sédation est nécessaire”(10).

Les auteurs préconisent une administration continue, généralement par voie sous-cutanée,sauf pour la chlorpromazine, sans recommandation de posologie (10;13).

Les neuroleptiques ont de nombreux effets indésirables.- diminution du seuil épileptogène dans les situations où des désordres métaboliquespréexistent (3;14) pouvant en justifier l'arrêt (14). - effets anticholinergiques et cardio-vasculaires surtout pour les phénothiazines : tachycardieet hypotension - notamment orthostatique - sécheresse buccale, troubles del’accommodation visuelle, sudation profuse, rétention vésicale et constipation. STIEFELrecommande de préférence l'utilisation de l’halopéridol pour le traitement des syndromesconfusionnels aigus, l’estimant plus sûr même chez les personnes âgées du fait de seseffets anticholinergiques et cardio-vasculaires moindres, d’une sédation et d’un deliriummoins probables et de sa durée d’action inférieure. (10)

3. Les Benzodiazépines. I3. 1. Rappels pharmacologiques :IILes benzodiazépines présentent cinq types d’effet :

- anxiolytique : rapide, quasi-immédiat,- sédatif : en fonction de la molécule puis dose dépendant,- anticonvulsivant,- myorelaxant,- amnésiant.

Le midazolam (Hypnovel ®) benzodiazépine à l’effet amnésiant le plus marqué et le plusreproductible, empêche l’enregistrement et le stockage de nouvelles données, maismaintient possible l’évocation des souvenirs anciens. Le diazépam (Valium ®) altère de façon moins importante la mémoire à court terme, maisperturbe davantage la mémoire des souvenirs. Le lorazépam (Temesta ®), entraîne une amnésie antérograde qui dure jusque six heuresaprès son injection contre une durée de vingt à trente minutes seulement après l’injection demidazolam ou de diazépam (15). Le clorazepate (Tranxène®) est fréquemment utilisé pour son fort pouvoir anxiolytique. Il aune longue durée d'action (demi-vie d'élimination 40h) et il est métabolisé en un métaboliteactif, l’oxazépam (Séresta® ).

Leurs principaux effets secondaires sont :- dépression respiratoire et cardio-vasculaire sévère en cas d'association à d’autresmédications sédatives (agents hypnotiques ou analgésiques). - tolérance lors d’un usage prolongé, - sevrage à l’arrêt brutal - donnés seuls ils peuvent augmenter la perception de la douleur et être ainsiparadoxalement hyperalgésiants (15),

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- état d’excitation paradoxale associant angoisse, agitation et délire d’autant plusqu’un traitement antalgique n’a pas été instauré auparavant (15).

Les benzodiazépines disposent d’un antagoniste spécifique : le flumazénil (Anexate ®) (16).

Les benzodiazépines, à l’exclusion du flunitrazépam et du midazolam, sont liposolubles cequi rend impossible leur administration sous-cutanée. Les autres voies d’administrationdemeurent irritantes. En voie intraveineuse, majoration du risque de phlébite ; en voieintramusculaire, douleur à l’injection. La voie rectale a tout son intérêt, en particulier dans lecontexte des soins palliatifs au domicile (10;13;17;18).

Produit Présentation-Posologie

Propriétés Effets indésirables Remarques

ClorazépateLorazépam FlunitrazépazmDiazépamMidazolam

Tranxene Témesta Narcozep Valium Hypnovel :

Hydrosolubles,Compatibilitéphysico-chimiques avec lamorphine. TitrationindividuelleMétabolite actifpour clorazépateet diazépam :

Dépressionrespiratoire parvoie IV

Antagonisés parAnexate

3. 2. Utilisation en soins palliatifs.

Si l’emploi du termazépam (Normison ®) (13) et du lorazépam (19) s’est toujours révéléextrêmement marginal, le diazépam en revanche a été la benzodiazépine de choix jusqu’àla commercialisation du midazolam.

L'utilisation du midazolam en soins terminaux a été mentionnée pour la première fois en1988 par DE SOUSA (12).

Si certaines études rétrospectives mentionnent des doses comprises entre 10 et 360 mg/j,les posologies moyennes semblant habituellement administrées sont de 25 mg/j ou 0,2 à 4mg/kg/j. Une grande variabilité individuelle pour une même dose a été constaté par les différentsauteurs. LASSAUNIERE (20) signale le maintien d’un état de vigilance compatible avec lavie de relation dans de nombreux cas.

Les facteurs influençant cette variabilité sont : l’âge, le poids, l’état critique du patient (21),les pathologies préexistantes (hépatique, rénale et respiratoire), la rapidité du métabolismeet la sensibilité individuelle et enfin l’interaction avec d’autres médications, comme lesdépresseurs du système nerveux central, les opiacés, la cimétidine (Tagamet ®) (22).

Les avantages du midazolam sont nombreux :- La somnolence induite est de courte durée, même si elle s’installe lentement etqu'elle est suivie d'une phase de sédation résiduelle (23). Une titration est ainsifacilement réalisable.- multiplicité des voies d'administration : intramusculaire, intraveineuse, intrarectale etsous-cutanée du fait de son hydrosolubilité, avec une bonne tolérance locale :absence de douleur à l'injection, fréquence moyenne de changement du site deperfusion de quatre jours (10). - compatibilité physico-chimique avec les autres médications usuelles en soinspalliatifs.

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Le principal effet indésirable est le risque de survenue d'une dépression respiratoire etcardio-vasculaire. Ce risque existant dans les cas d’une injection IV ou IM. (22) estconsidérablement diminué lors de l'administration sous-cutanée (14). Dans le cadre d'une sédation, l’encombrement bronchique progressif représente un risqueindéniable (diminution du réflexe de toux) (20).

Les principaux inconvénients du midazolam résident dans son coût supérieur aux autresbenzodiazépines (14) et la faible concentration de ses présentations conduisant à perfuserdes volumes importants en sous-cutané (10;12;14;19).

Le flunitrazépam est également utilisé en soins palliatifs pour son pouvoir hypnotique (24).SMALES et SAUNDERS, STEFFENS sont les seuls à mentionner son emploi préférentielpar rapport au midazolam, à la dose moyenne de 2 mg/h. Ils mettent en avant sa simplicité,sa maniabilité et sa compatibilité physico-chimique avec les autres médicationsfréquemment utilisées en soins palliatifs (25;26).A l'inverse, GIRARDIER souligne que la très longue durée d’action (demi-vie de 6 à 10 h)constitue un inconvénient majeur (27). Cette dernière caractéristique est due à l’actionprolongée des métabolites actifs, même après l’arrêt du traitement (26).

II. L'agent sédatif idéal existe-t-il ?

Afin d’aider le praticien à sélectionner la médication “idéale” pour la sédation, nousproposons avec CHERNY et PORTENOY (1) une discussion autour des critères suivants :

1. La maniabilité et la réversibilité.

Une substance maniable est d’action rapide et de courte durée. Elle ne présente pas dephénomène d’accumulation. Ces propriétés permettent un ajustement très fin et rapide del’effet thérapeutique et assurent une bonne réversibilité.La souplesse dans la maniabilité participe à l’administration de la dose “juste adéquate”.Les médications pouvant répondre à ce critère sont : le propofol, puis le midazolam.Viennent ensuite de manière plus controversée : le thiopental, le lorazépam et leflunitrazépam (26).

2. La marge de sécurité thérapeutique

La marge de sécurité thérapeutique est l’éventail plus ou moins étendu des posologiesdisponibles avant d’arriver à des doses potentiellement toxiques pour le patient (rapporteffets bénéfiques / effets toxiques).En ce qui concerne les benzodiazépines, et dans une moindre mesure, le propofol cettemarge est importante. En revanche, pour les barbituriques la marge de manœuvre s’avèrenettement plus limitée et exige des précautions d’emploi, entre les mains d'un spécialiste.

3. La facilité d’emploi

La facilité d’emploi d’une médication dépend de sa voie d’administration et de son mode deprésentation (importance des volumes administrés et compatibilité physico-chimique).

- voie sous-cutanée continue :

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elle paraît la plus adéquate pour la réalisation de la sédation chez les patients. Ceciimplique une bonne tolérance du produit au site d’injection, excluant le propofol et lethiopental, tous deux à administrer exclusivement par voie intraveineuse.- compatibilité de la mise en solution avec d’autres médicaments utilisés en soins

palliatifs(morphine, scopolamine, autres psychotropes). C'est le cas du midazolam et duflunitrazépam.- importance des volumes à perfuser. Certains auteurs signalent cet inconvénient en

ce quiconcerne le propofol et le midazolam (4;14;19).

4. Le coût

Le propofol est une substance très coûteuse.AMESBURY et al. signalent un coût équivalent du midazolam et du méthotriméprazine ensoins palliatifs à domicile (19).

Ainsi le coût par jour pour un malade de 70kg pour une perfusion continue de 24 h, pour lepropofol est 15 fois celui du midazolam ou du Thiopental.

5. En conclusion.

Le propofol serait l’agent sédatif de choix étant donné sa souplesse et son adaptabilité. Dufait de sa très courte curée d’action, il permet une profondeur de sommeil contrôlable deminute en minute (4). Néanmoins, au terme de notre discussion, le propofol présente desinconvénients (voie d’administration, mise à disposition, compétence des utilisateurs et coût)pour une utilisation chez les malades en phase terminale. Compte tenu des critères mis en évidence précédemment, le midazolam apparaît à ce jourcomme le médicament le plus avantageux.

III. Les recommandations du groupe de travail.

1. Le médicament de choix pour la sédation en phase terminale pourdétresse : le midazolam.

Le midazolam par :- sa demi-vie courte (2 à 4 h),- son effet sédatif dose-dépendant (20 à 60 minutes selon la posologie de 0,05 à 0,15

mg/kg),- son caractère hydrosoluble permettant des voies d'administration variées, - ses caractéristiques communes aux benzodiazépines (anxiolytique, hypnotique,

amnésiant et myorelaxant)

répond aux quatre critères d'exigence : maniabilité et réversibilité, marge de sécuritéthérapeutique, facilité d’emploi, moindre coût.

On fera une titration individuelle des doses nécessaires à l’induction et au maintien de lasédation en phase terminale.

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2. Discussion des autres médicaments

2.1. Le propofol

Médicament "idéal" en anesthésie, le propofol pose de nombreux problèmes d'utilisationdans le cadre des soins palliatifs :

- obligation d’un accès intraveineux, de préférence central, - importance des volumes à administrer qui nécessite des manipulations fréquentes

lors des perfusions continues. - dépression respiratoire (apnée à l'induction, de durée brève mais fortement allongée

en cas de co-prescription d'autres dépresseurs) et cardio-circulatoires (chute de lapression artérielle varie de 16 à 30 %)

- coût élevé, à corréler aux délais de péremption. Le solvant lipidique du propofolconstitue un milieu de culture favorable au développement des germes. Les solutionsdoivent être conservées un maximum de douze heures après ouverture desampoules.

Son utilisation ne se conçoit que dans des mains expertes.

2.2. Les barbituriques

Les études qui rapportent l’emploi des barbituriques sont anciennes et comparaientbarbituriques aux benzodiazépines à longue durée d’action et à réversibilité aléatoire.

2.3. Les neuroleptiques

Si les neuroleptiques gardent probablement une indication spécifique pour les syndromesd’agitation terminale, ils se voient progressivement remplacés par les benzodiazépines,surtout depuis l’avènement du midazolam. Cette perte de faveur s’explique par l’importancede leurs effets secondaires.

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(25) Smales EA, Sanders HG. Flunitrazepam in terminal care. Lancet 1989; 2(8661):501.

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Question 4

Quelles sont les modalités pratiques de la sédation enphase terminale ?

I. Lecture critique de la littérature

A la lecture de la littérature on peut isoler un certains nombres de thèmes que nous avonsclassés par ordre chronologique.

1. Les étapes de la mise en œuvre.

1.1. Les préalables.

Avant toute décision d’une sédation, la plupart des auteurs insistent sur :

1.1.1. La connaissance du stade évolutif de la maladie :

Celui-ci doit être documenté. MORITA (1) propose l’utilisation d’index pronostiques. Lasédation serait à réserver à des patients en phase avancée ou terminale de leur maladie,moment où la proximité de la mort rend prioritaire le seul traitement symptomatique (2-7).Cette précaution est particulièrement importante si on envisage de recourir à une sédationpour une souffrance dite existentielle.

1.1.2. La présence de symptômes ou situations « extrêmes » (3), « insupportables » (4),« dramatiques » (1;5), ou « réfractaires » (6).

1.1.3. L’expérience des équipes :

D'après CHATER (5) plus la décision de "sédater" un patient a semblé facile aux soignantsplus les équipes rapportent un nombre important de patient sédatés dans l’année écoulée. Ilfaut donc insister sur :

- la formation, la compétence en soins palliatifs des équipes soignantes(8),- la possibilité de verbaliser le vécu soignant d’une sédation au sein de groupes de

parole(3), en particulier pour les infirmières(9).

1.1.4. La nécessité de clarifier les intentions de l’équipe (2).

1.1.5. L’existence d'une relation qui s'est élaborée au cours du temps entre le patient etl’équipe (1-3).

1.2. L'information.

1.2.1. Du patient

La décision d’une sédation passe par l’information et le "consentement éclairé"du patient. Il s’agit là d’un impératif éthique (3) qui peut trouver une limite encas d’absence de lucidité des patients. Envisager avec le patient les risquesévolutifs éventuels de la maladie permet d'informer de la possibilité de sédation(3).

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La personne qui informe doit aborder la situation clinique, les alternatives thérapeutiques,les limites du soin et les risques encourus (1;2;4), respectant ainsi le droit du patient àchoisir parmi plusieurs options thérapeutiques (6).

CHATER (5) dans une enquête multicentrique et internationale rapporte que 55% despatients hospitalisés en unité de soins palliatifs sont impliqués dans la décision alors que22% ne le sont pas du tout.

Informés, certains patients préfèrent attendre mais sont rassurés par la possibilité d'êtresoulagés par une sédation si leur état le nécessitait. En effet, un symptôme impressionnantn’est pas forcément insupportable : ce qu’en dit le patient doit guider la décision (3).

1.2.2. l’information de la famille

L’anticipation d’une sédation permet une information de meilleure qualité (3) et permet des’assurer du niveau de compréhension (2).Dans le cas de patients ne pouvant décider pour eux-mêmes (3), c’est, au-delà del’information, le consentement de la famille qui peut être recherché (1).Remarquons avec CHATER (5) que 69% des familles sont fortement impliquées dans laprise de décision d’une sédation. 4 % ne le sont pas du tout.Enfin, notons que les familles vont « préférer » le soulagement au prix d’une sédation bienplus fréquemment que ne le font les patients eux-mêmes (2).

1.3. Le consensus

L’anticipation d’une sédation permet également d'en discuter en équipe (3). Untemps de clarification des intentions et des conflits dans l’équipe est nécessaire(1). L’implication des soignants dans la décision d’une sédation est majeuredans 88% des cas (5).Remarquons cependant que le consensus n’est pas une garantie du bien fondé de lasédation : “ le premier risque serait de penser qu’un consensus obtenu après débat dansune équipe tient lieu de garantie morale et résout la question éthique : rien ne dit en effetqu’une opinion majoritaire ou consensuelle garantirait mieux le respect de la personnemalade…Il importe seulement que dans les équipes pluridisciplinaires le débat puisse avoirlieu, occasion non pas de prendre toutes les décisions à plusieurs mais de permettre auxsoignants de donner un sens aux décisions qui seront finalement prises ” (10).

2. Mise en œuvre

2.1. Le choix des drogues et leur utilisation

Le choix des drogues sédatives repose sur la bonne connaissance des drogues utilisables,sur l’indication de la sédation et sur les drogues préalablement utilisées (11).

Après avoir vérifié la présence d’une voie d’abord disponible et l’accessibilitédes produits (3) des prescriptions anticipées peuvent être rédigées par lesmédecins. Leurs existences doivent être connues des soignants (3;12).

Le choix des médicaments semble souvent empirique (6) ou repose sur des habitudes deprescriptions. La monothérapie sédative est le plus souvent préconisée en première intention :

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- benzodiazépines pour les patients présentant une dépression réfractaire, une anxiétéou une détresse existentielle rebelle (6), une anxiété en fin de vie (13;14)

- neuroleptiques (halopéridol, methotrimeprazine, chlorpromazine) pour une agitation,une confusion (6;15).

Une bithérapie peut s’avérer nécessaire pour augmenter l’efficacité de la sédation. Il estalors préconisé d’associer un sédatif de classe différente.

La titration est privilégiée en première intention pour obtenir une sédation, avant de passer àune dose d’entretien (6).

Lorsqu’il y a une indication de sédation le midazolam qui est le plusfréquemment cité (en continu, après dose de charge IV ou SC, titré jusqu’àefficacité) (2;12;15).

Dans l’expérience de MORITA (2), l’Halopéridol utilisé seul est inefficace dans la moitié descas et l’augmentation des morphiniques est peu satisfaisante en raison de la majoration deseffets secondaires. Cette remarque est également faite par CHERNY et PORTENOY (6) :l’escalade des doses d’un opioïde préalablement utilisé pour douleur ou dyspnée dans le butd'une sédation, pour justifiée qu'elle puisse apparaître à ces auteurs, est responsable d'effets paradoxaux ou secondaires rendant préférable l’ajout d’un second agent.

2.2. Choix de la voie d'administration

Le choix de la voie d’administration dépend de la rapidité de l’effet recherché. Elle dépend du type de dispositif disponible chez le patient ou de la possibilité de mettre enplace : citons par exemple le cas des sédations auto-contrôlées par le patient (16).

Notons à nouveau la supériorité du midazolam dans l’urgence par la multiplicité des voiesd’administrations qu’elle offre, la rapidité d’action, la rendant accessible à l’entouragefamilial. La dose d’entretien peut être administrée de façon continue ou discontinue,intraveineuse, sous-cutanée ou intrarectale, selon les cas par une stomie : les interdosesdoivent être prévues (6).

3. La surveillance d'une sédation

3.1. En anesthésie

Elle nécessite un monitorage soigneux (6;14;15;15) :- une surveillance clinique des paramètres vitaux (tension artérielle, fréquence

cardiaque, fréquence respiratoire, oxymétrie de pouls).- une surveillance de l’effet thérapeutique permettant l’adéquation la plus fine possible

entre les objectifs thérapeutiques et le niveau de sédation constaté. - la poursuite de l’évaluation précise de la douleur et des autres symptômes (6;15;17).

En l’absence de tout paramètre objectif l’évaluation requiert l'utilisation d'échelles pourévaluer le degré de sédation chez des patients en état critique : The Ramsay SedationScore (18), The Addenbrooke’s Sedation Score, The Cambridge Sedation Score, TheNewcastle Sedation Score, la plus complète (19).

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L’échelle de Ramsay (18)stade 1 patient anxieux et agitéstade 2 patient coopérant, orienté et tranquillestade 3 patient répondant seulement à la commandestade 4 patient répondant vivement à la stimulation de la glabelle (espace compris entre les deux

sourcils) ou par une stimulation auditive intensestade 5 patient répondant faiblement à la stimulation de la glabelle ou par une stimulation auditive

intensestade 6 aucune réponse à la stimulation de la glabelle.

L’échelle développée par J. F. BION (20) - The Bion Sedation Score - est tridimensionnelleet comporte trois échelles visuelles analogiques (E.V.A.) évaluant respectivement lasédation (de l’état d’éveil à la narcose profonde), la détresse (de l’état de calme à l’agitation)et le statut cognitif (patient orienté dans le temps et l’espace ou patient incohérent). Cetteéchelle présente l’avantage d’évaluer l’état de la vigilance de manière à former un triangle,elle permet une représentation graphique de l’évaluation aisément comparable aux mesuresantérieures. La figure n° 1 donne ainsi un exemple de deux mesures superposées, à destemps d’évaluation différents. L’amélioration du statut de vigilance du patient se marque parl’accroissement de la surface du triangle.

Echelle d’évaluation de la sédation selon J. F. BION (20)

CALME ORIENTE

VIGILE

L’ échelle d’évaluation de Rudkin, issue de la pratique anesthésiologique, est utilisée dansles études comparatives de plusieurs agents sédatifs administrés via un dispositif auto-contrôlé par le patient lors des anxiolyses peropératoires (1;21).

Échelle d’évaluation de la sédation selon RUDKIN (21)

1 Patient complètement éveillé et orienté2 Patient somnolent3 Patient avec les yeux fermés, mais répondant à l’appel

4 Patient avec les yeux fermés, mais répondant à une stimulation tactile légère, (tractionsur le lobe de l’oreille)

5 Patient avec les yeux fermés et ne répondant pas à une stimulation tactile légère.

3.2. La surveillance d'une sédation en soins palliatifs.

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3.2. 1 Généralités .

Peu d'auteurs rapportent un protocole précis de surveillance de la sédation, endehors de considérations générales :

- "monitorage quotidien des activités physiques et mentales" (1;4), - "la surveillance d’une sédation requiert une plus grande attention clinique" (6),- "nécessite la présence, auprès du malade, d’un clinicien" (13).

La place des techniques de monitorage utilisées en anesthésie étant rarement abordée, onpeut se demander si les effets indésirables sont réellement rares ou s'ils restent plutôt nondétectés.

L’évaluation de la profondeur de la sédation (échelles de vigilance) est exceptionnelle etrares sont les considérations sur l’évaluation de l’efficacité de la technique : la sédationsoulage -t-elle effectivement le patient dans la situation qui a conduit à sa prescription ?

Sur un plan éthique, la surveillance du patient sous sédation nous invite à plusieursconsidérations (22) :

Le principe de proportionnalité postule que les bénéfices attendus d’une techniquedoivent contrebalancer les charges physiques et psychologiques (étapes diagnostique,thérapeutique ou de surveillance) pour le patient voire son entourage.

En médecine, le respect de la vie et la protection de la santé du patient est un desprincipes fondamentaux. L’art de l’anesthésiste-réanimateur consiste à protéger lepatient de l’agression chirurgicale en induisant un état comportant un risque vitalimportant. C’est pour cette raison que le patient doit bénéficier des mesures de soutien(ventilation assistée,...) et des mesures de surveillance qui lui sont afférentes.

La sédation en soins palliatifs fait prendre un risque au patient ; maiscontrairement à ce qui se passe en anesthésie, le principe de la préservation dela santé et de la vie est substitué à l’exigence du confort. Cela remet en questionla pertinence d’un dispositif technique de surveillance des effets secondaires etcelle de sa finalité. Dans le cas d’une décision d’abstention thérapeutique par exemple, la surveillance deseffets secondaires des drogues sédatives par des moyens lourds perdrait tout son sens. Ilapparaît donc indispensable d’avoir pu discuter avec le malade et ses proches de laconduite à tenir en cas de complications lorsqu’une sédation est envisagée.

En revanche, une surveillance de l’effet thérapeutique devrait être proposée au minimum,permettant l’adaptation indispensable de la profondeur de la sédation à l’indication de celle-ci. Il s’agit là d’éviter au malade, sans raison suffisante, une obnubilation de la conscienceincompatible avec toute forme de communication (23;24).

Différentes attitudes face au monitorage sont proposées :- QUILL (8) considère que les patients doivent être assurés que les doses d’opioïdes

nécessaires au soulagement de la souffrance, quelles qu’elles soient, peuvent etseront utilisées, même si elles entraînent une sédation ou accélèrent la mort :interrompre un traitement antalgique efficace à cause d’une sédation est, pour lui,inacceptable. La notion de monitorage perd alors une partie de son sens.

- CHERNY et PORTENOY (6) introduisent une distinction des paramètres à surveilleren fonction des objectifs du soin : chez le patient en train de mourir, seul le confort

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est recherché. La réduction des posologies exposerait le patient à une reprise del’inconfort. L’évaluation des symptômes cause de détresse est à poursuivre, enrevanche les paramètres de tension artérielle, de pouls, de température, sont inutilespour atteindre ce but ; En revanche, si la mort n’est pas imminente, que le patient nesouhaite pas être endormi, le niveau de confort ET le niveau de vigilance sont àprendre en compte : la dose minimum efficace est recherchée.

La question de l’influence de la sédation sur le moment de survenue du décès est fortementdébattue, plus sur le terrain éthique qu’à l’aide d’arguments cliniques (1;2;5;7;12;25)

3.2.2.Cas particuliers :

a ) Midazolam

L’efficacité est appréciée par la “ la sérénité ” obtenue (26) ou plus précisément, en tenantcompte (4) :

- du soulagement des symptômes- de l’existence d’un endormissement ainsi que de sa durée, - du niveau de réactivité (aux stimuli verbaux et/ou tactiles) - du maintien d’une communication, verbale ou non verbale.

Aucune dépression respiratoire n’est rapportée même lorsqu’il existe une co-prescription demorphiniques (4;7;26;27). Cette donnée, malgré l’existence d’un risque théorique (28) estpeut être lié à l’utilisation privilégiée de la voie sous-cutanée.De rares décès, peu de temps après l’injection de l’agent hypnotique sont décrits, sans qu’ilsoit possible de déterminer si celui-ci est directement imputable au médicament (4).

b) Barbituriques

GREENE et DAVIS (29), utilisent un monitorage des signes vitaux (pouls, tension artérielleet fréquence respiratoire) pour détecter les surdosages et réadapter les doses le caséchéant. Les paramètres vitaux restent dans les limites acceptables pour des patients en finde vie.

c) Propofol

NOTCUTT (30) dans ce qu’il nomme “une anesthésie générale en dehors du blocopératoire”, recommande l’administration d’oxygène et la surveillance de la fréquencerespiratoire, de l’état de vigilance et de l’oxymétrie de pouls. Il s’interroge sur la pertinencedu recours à la sédation en l’absence de personnel spécifiquement formé à l’anesthésie

3.3. Poursuite les mesures d'accompagnement pendant la sédation Les auteurs recommandent la poursuite des autres traitements de confort, nursing (3;4)…L’importance de l’environnement est soulignée pour les patients dont la vigilance estaltérée : musique, lumières douces, silence (13).En cas d’aggravation, une réanimation cardio-respiratoire serait disproportionnée etinappropriée avec les objectifs du soin dans une situation de sédation (5).La question de l’alimentation et de l’hydratation du patient sédaté est à envisager enfonction des objectifs de soin fixés (voir question 5 : questions éthiques associées à lapratique de la sédation).

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3.4. Réversibilité et ré-évaluation du bien fondé de la sédation au cours du temps . On peut réveiller le patient après une période définie ou pour un évènement familialprogrammé. La sédation doit donc être à priori réversible (1;3;5;5;9). MORITA (1) proposecette sédation intermittente pour permettre aux familles de comprendre le bien fondé de lasédation (souffrance ressurgissant au réveil) mais aussi pour mieux comprendre ce qu’est latechnique de sédation au-delà des explications théoriques ainsi que pour le patient lorsqu’ilse réveille. Enfin cela pourrait permettre aux proches de faire progressivement l’expériencede la perte d’un proche…. Pour d’autres auteurs (en particulier, QUILL (8), cette levée d’unesédation chez un patient soulagé est éthiquement inacceptable.

3.5. Documentation

Les décisions et le suivi du patient pendant la sédation doivent être notés dans le dossiermédical (2;2;2).

II. Les recommandations du groupe de travail : les étapes de la mise enoeuvre

1. Les conditions préalables.

Un certain nombre de questions sont à poser en préalable à la sédation. Le groupe estimeque ce questionnement est la garantie d'une démarche éthique.

1.1. Compétences de l'équipe.

- Quelles connaissances l'équipe a-t-elle des médicaments à utiliser, de leurpharmacocinétique, de leurs effets secondaires ?

- L 'équipe a-t-elle la capacité de clarifier la situation : les indications, le contexte,la phase terminale, l'intention de la démarche ?

1.2. Organisation de l'équipe.

S'agit-il d'une équipe répondant aux critères de multidisciplinarité en institution comme àdomicile, c'est à dire :

- Comment les discussions en vue des prises de décision sont-elles organiséesavec tous les intervenants ? Ces échanges sont-ils réalisés de façon régulière ?

- Les décisions et la façon dont elles sont prises sont-elles écrites dans le dossier?

- S'est-on assuré que chaque membre de l'équipe est informé des objectifs viséspar les thérapeutiques mises en œuvre ?

1.3. Anticipation

Les situations pour lesquelles une sédation serait à envisager ont-elles été anticipéespermettant ainsi l'information voire le consentement du patient ?

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1.4. Information

L'information autour de la sédation doit toujours être fournie. Sa délivrance peut nécessiterdes adaptations selon les cas.

1.4.1 L'Information du patient et de son entourage a-t-elle était réalisée ?

- Sur la technique : modalités (administration des produits, sédationintermittente avec possibilité de choix du moment du réveil ousédation continue…), implications éventuelles (incidence sur lamaladie, nutrition, hydratation…),

- Sur l'objectif visé et les moyens de l'évaluer s'il est atteint,- Sur les risques : l'impossibilité d'obtenir une diminution de la vigilance ; la

possibilité de non-soulagement (inefficacité de la sédation sur le symptôme ou lasituation ayant conduit à en proposer la prescription) ; la possibilité de non-réversibilité et de survenue du décès pendant la sédation.

1.4.2. L' information de l'équipe

L'information de chaque membre de l'équipe s'inscrit dans la logique d'une équipefonctionnant en multidisciplinarité et organisant sa communication interne pour préciser lesobjectifs des thérapeutiques mises en œuvre et se donnant les moyens de discuter lesrésultats.

1.5. Le consentement

En accord avec la Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à laqualité du système de santé, il doit être systématiquement recherché.

Le consentement éclairé du patient ne peut cependant être systématiquement obtenu. Lerecueillir suppose, en effet, pouvoir être assuré de la compréhension de l'information par lepatient et de son aptitude à prendre une décision.

Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ouinvestigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne deconfiance prévue à l'article L. 1111-6 (toute personne de confiance, majeure désignée par lepatient : parent, proche, médecin traitant …) ou la famille, ou à défaut, un de ses proches aitété consulté.

1.6. Selon le lieu d'exercice

Les conditions ci-dessus s'appliquent quel que soit le lieu où se trouve le patient (institutionou domicile )

2. Les modalités pratiques.

2.1. Prendre la décision de sédation pour détresse en phase terminale

La décision de sédation est prise :

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- quand il existe une indication- après avoir vérifié la satisfaction aux conditions préalables - en acceptant le doute sur les résultats attendus

2.2. Choisir le sédatif et la voie d'administration.

2.2.1. En première intention on utilise le midalozam :

Il est difficile de donner des posologies standards car il existe une susceptibilité individuelle.Il faut prendre néanmoins en compte l'âge du patient, son état métabolique et circulatoireainsi que les traitements en cours.

Abord veineux disponible

Préférer une titration : - Midazolam, intraveineux, à la concentration de 0.5 mg par ml.- Injecter 1ml (0.5 mg) toutes les 2 à 3 minutes jusqu'à obtention d'un score de 4 à l'échellede Rudkin12.- Noter le nombre de mg nécessaire à l'induction.- 2 possibilités : laisser le malade se réveiller et faire alors une nouvelle induction si nécessaire. entretenir la sédation, jusqu'au moment prévu du réveil, en prescrivant une dosehoraire égale à 50% de la dose utile à l'induction, en perfusion intraveineuse continue.

Absence d'abord veineux

Préférer la voie sous-cutanée :- Midazolam par voie sous cutané à la concentration de 1mg/ml.- Injecter 0,05 à 0,1 mg/kg en première intention.- Moduler les réinjections dans l'objectif d'obtenir un score de 4 sur l'échelle de Rudkin- Dans le cas où on prendrait la décision de maintenir une sédation continue, entretenir lasédation par une perfusion sous-cutanée continue en prescrivant une dose horaire égale à50% de la dose utile à l'induction.

b) En deuxième intention.

On pourrait ajouter ou substituer un second médicament sédatif choisi selon le contexteclinique. On peut s'entourer de la compétence d'un anesthésiste s'il est nécessaire d'utiliserdes médicaments relevant de sa spécialité (propofol, barbituriques injectables…).

12 Échelle d’évaluation de la sédation lors des anxiolyses peropératoires, selon RUDKIN(21)

1Patient complètement éveillé et orienté2Patient somnolent3Patient avec les yeux fermés, mais répondant à l’appel4Patient avec les yeux fermés, mais répondant à une stimulation tactile légère, (traction sur le lobe de l’oreille)5Patient avecles yeux fermés et ne répondant pas à une stimulation tactile légère.

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2.3. Poursuivre les mesures d'accompagnement :

Maintien et adaptation des traitements symptomatiques, poursuite et intensification dessoins de nursing, du soutien des proches, de la présence de bénévoles, …

2.4. Evaluer et surveiller :

L'évaluation se fait toutes les 15 minutes pendant la première heure ; puis au minimum 2fois par jour.

On appréciera pour adapter les posologies :

- le degré soulagement du patient par une hétéroévaluation- la profondeur de la sédation (Echelle d'évaluation de Rudkin = 4)- les signes de surdosage et des effets secondaires.

2.5. Evaluer le bien-fondé de la poursuite de la sédation au cours du temps.

En cas de sédation prolongée, le bien fondé de la poursuite de la sédation sera ré-évaluéselon l'évolution.

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Question 5

Questions éthiques associées à la pratique de la sédation

La pratique de la sédation en phase terminale pour détresse pose plus de questions qu'ellen'apporte de réponses.

Il reste un grand nombre d’interrogations au sujet de la sédation, donnant lieu à des débatsou à des polémiques (1).

I Hydratation, nutrition

D'après les données de la littérature (2-8) , en dehors de la phase terminale :

- soit la sédation est envisagée par le médecin comme réversible (sédation intermittente),dans le but de soulager une détresse ou une complication : le maintien de l'hydratationet de la nutrition peut s'envisager.

- Soit la sédation est envisagée par le médecin comme prolongée. La mort prévisible dumalade va survenir en cours de sédation : le maintien de l'hydratation et de la nutritionn'est pas justifié.

Pour le groupe de travail :Dans la mesure où la sédation est indiquée dans le contexte de la phase terminale qui, defait, aboutit au décès du patient, la poursuite de l'hydratation et de la nutrition ne se justifiepas.

II Euthanasie et sédation.

Les questions posées par les objectifs, les indications, les modalités d'utilisation etl'évaluation des méthodes de sédation conduisent à envisager les relations supposées ouréelles entre sédation et euthanasie, par crainte de dérive (9-17) . Cette distinction est nécessaire lorsque la sédation est mise en œuvre au stade terminal etentretenue jusqu'au décès. L’enquête menée sous l’égide du groupe de travail sur lasédation de la SFAP menée au sein des unités de soins palliatifs en France montre que cetype de sédation est rare (18). Aucune enquête n'a été effectuée sur l'utilisation despsychotropes en fin de vie dans les établissements hospitaliers ou en médecine de ville,lorsque cette utilisation n'est pas insérée dans une pratique raisonnée des soins palliatifs. A travers la littérature, on peut recenser un certain nombre d'interrogations éthiques :

1. La sédation accélère-t-elle le décès ?

Il est difficile de répondre à cette question de manière strictement scientifique.Quelques études tendraient à montrer que les patients qui reçoivent des médicationssédatives n'ont pas une survie différente des autres patients hospitalisés en unités de soinspalliatifs (19;20)Néanmoins, dans ce type d'étude, il n'existe pas de comparaison avec un ou des groupe(s)témoin(s) pour des raisons évidentes (21).

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Les effets délétères, en particulier respiratoires, des médicaments sédatifs sont desdonnées pharmacologiques qui ne peuvent être oubliées. Comme c’est le cas pour d’autres prescriptions à ratio bénéfice/risque étroit chez despatients parvenus en phase terminale, il est probable que certaines sédations comportent lerisque d'accélérer le décès.L’amalgame entre risque et intention de provoquer la mort étant possible, il est légitime des'interroger sur la différence entre sédation et euthanasie.

2. Quelles différences entre sédation et euthanasie ?

Nous proposons, par souci de consensus, d'adopter la définition de l’euthanasie qui est celledu CCNE : "l'acte d'un tiers qui met délibérément fin à la vie d'une personne dans l'intentionde mettre un terme à une situation jugée insupportable" (22). On retrouve dans cette définition, les notions indissociables de motif, d'intention et d'acte.C'est pourquoi nous récusons des expressions comme "euthanasie passive" ou "euthanasieindirecte".

Dans la pratique : la sédation est réalisée dans l'intention d'atténuer la perception d'unsymptôme ressenti comme insupportable par le patient, en utilisant des médicaments titrésde telle façon que leurs effets puissent être réversibles. Le résultat en est un patient"sédaté" voire "endormi" , pouvant être réveillé à l'arrêt de ces produits. Si la mort survient pendant la période d'utilisation des médicaments, elle peut être, liée àl'évolution propre de la défaillance d'une fonction vitale et/ou liée à un effet secondaire de lamédication utilisée. Dans ce second cas, la question éthique peut être abordée avec lesnotions de prise de risque, de proportionnalité et éventuellement la règle du double effet(16;23-27) .

L'euthanasie se pratique dans l'intention de mettre fin à une situation perçue commeinsupportable par le patient (et/ou son entourage, voire l'équipe soignante), en utilisant desproduits non titrés de telle façon que leurs effets soient irréversibles. Le résultat en estinéluctablement la mort du sujet.Dans ce cas, la question éthique est celle de la légitimité d'un professionnel à provoquerdélibérément la mort d'un être humain.

3. La sédation peut-elle être une proposition face à une demande d'euthanasie ?

La sédation peut être une réponse à une demande anticipée d'un patient relative aux conditionsde son agonie (suffocation, douleurs intenses…). Elle se situe, dans ce cas précis, comme uneréponse thérapeutique possible à un symptôme. Elle ne peut être directement assimilée à uneeuthanasie, même si le décès survient au décours de la sédation. L'intention comme l'indicationsont : "soulager au mieux un symptôme" et non de "faire mourir".Si la demande d'euthanasie ou d'assistance au suicide intervient dans un contexte de"souffrance existentielle", le groupe de travail considère que la sédation n'est pas une réponseappropriée, car la prise en compte de ce type de souffrance ne peut être réduite à une prise encharge médicale ou pharmacologique.

III. Pendant un coma provoqué, certes le malade paraît "apaisé"mais que savons-nous de son vécu et de son travail intra-psychique ?

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1. Les données de la littérature.

Les conséquences de la sédation sur ce que “vit” le patient sont peu abordés dans lesétudes. Ce point nous semble néanmoins important puisqu’il s’agit de se demander si lepatient ne serait pas soumis à une souffrance supérieure à celle qu’il connaissait lorsque lasédation le prive de ses moyens de relation.

En l’absence de données de la littérature pour les patients de soins palliatifs, le groupe detravail, sans vouloir faire d’extrapolations hasardeuses, est allé chercher des éléments deconnaissance dans des domaines où il existe une grande altération de la conscience (28).

Au sortir du coma il a été décrit des séquelles psychologiques ayant des analogies avec lesnévroses post-traumatiques ou avec des expériences "d'agonies primitives" à rapprocherdes expériences schizoparanoïdes survenant au décours du développement du nourrisson(29). Oppenheimer–Gluckman et coll (30), ayant étudié le réveil de 25 comateux, notent deuxpériodes, l'une d'apparente incommunicabilité et l'autre de réveil dans l'étrangeté. Pour cesauteurs la vie psychique inconsciente ne serait pas interrompue comme la vie psychiqueconsciente. Ils fondent leur conclusion sur la continuité des processus inconscients entrel'avant-coma, la frontière coma-éveil et l'après coup où l'on peut constater l'impact del'expérience vécue.Pour Osson (31), les comas sont désorganisateurs de l'identité. De fait les soins aucomateux requièrent un échange interpersonnel nécessaire pour prévenir, au sortir ducoma, la stagnation des états d'indifférenciation psychologique. Phéline (32), quant à lui, met en avant la présence fondamentale de l'Autre - le soignant quivient présenter au malade sa propre personne. Il encourage les soignants à développer leurintuition, leur spontanéité et leur sens de la nouveauté pour permettre à la personnalitédispersée du malade dans le coma de puiser en elle-même les éléments nécessaires à sonregroupement.Hewitt PB. (33) et Bergbom – Engberg I. et coll. (34) montrent que 50% des patients negardent aucun souvenir de leur séjour en réanimation. Cette amnésie post-réa estcaractéristique. L'utilisation des benzodiazépines peut l'expliquer, tout comme le travailpsychologique inconscient qui exclut du champ de la mémoire consciente les expériencestraumatisantes l

2. le point de vue du groupe de travail

Ces données nous enseignent la complexité du vécu des patients dont la conscience estaltérée.Sans pouvoir en connaître le contenu, on peut postuler qu’un patient sédaté continue d’avoirun vécu, certes différent de celui de ses proches et/ou des soignants. Se pose alors la question des moyens qui doivent être mis en œuvre dans l’idée d’unerelation de soin, si le patient sédaté est reconnu dans son statut d’humain, avec, là où il setrouve, son identité et sa dignité.

III. Les dérives dans la pratique de la sédation

1) Lecture critique de la littérature :

- Louis Vincent Thomas (35) et Jeannine Pillot dans un article intitulé :« L’algophobie » (36) évoquent les sédations initiées non dans le champ du

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symptôme mais dans une représentation de la mort douce « idéalisée »(esthétisation) ou anesthésiée par défaut (médicalisation de la mort).

- Dans cette même ligne, Higgins (37) discute l’invention d’une identité du mourant. Cequi renvoie aussi à l’idéalisation des Soins Palliatifs et surtout à la question de garderla maîtrise.

- Marie-Sylvie Richard analyse les dérives « euthanasiantes » que représentent dessédations soit disant instaurées pour traitement symptomatique et intitulées« syndrome du lundi matin » (38).

- Chater et Coll. Mentionnent la sédation comme alternative à un refus du soinlorsqu’un soulagement est techniquement possible mais que la technique qu’ilrequiert est récusée par ce patient qui en a été loyalement informé (26).

- Brodi et coll. posent la question de l’accessibilité aux techniques et médicamentsrequis par la sédation (39). Ici le risque en terme de dérive tient à l’utilisation detechniques et de produits sans en avoir les compétences.

- La conférence de consensus de l’ANDEM sur la sédation en réanimation (40) discutel’indication de la sédation comme réponse à l’agitation du patient pour sa sécurité etcelle des soignants ; Girardier estime que la sédation est une mauvaise indicationlorsqu’elle est mise en œuvre pour le confort de l’équipe et de la famille (12).

2) Discussion :

La lecture de tous ces articles met en exergue l’existence d’un risque de dérive chaque foisqu’un soignant est placé en situation d’impuissance devant la problématique posée par lapersonne qu’il prend en charge. Si on reprend ici les travaux de Paul Ricoeur ou deLadrière, on retrouve dans ces situations d’impuissance, le risque de décisionsinappropriées en réponse à trois niveaux de conflits :

- Conflits du soignant à lui-même : C’est la problématique de la toute puissanceconfrontée à l’impuissance à dire et à faire. Il y a une perte d’estime de soi parrapport à l’idéal de soin que le soignant a développé. Le glissement se fait de pouvoirfaire quelque chose à devoir faire quelque chose. Cette problématique peut conduireà l’utilisation de techniques et de thérapeutique mal connues ou maitrisées ou bienencore ne relevant pas de son champ de compétence.

- Conflits entre le soignant et le patient : Le refus d’une proposition thérapeutiquepar le patient là où le soignant pensait avoir une solution pour soulager la souffranceconstruit de la frustration. Dans ce contexte, il y a un risque de poser une indicationde sédation « par excès ».

L’obligation de résultats que le soignant pense parfois avoir face à une demande dupatient est un autre écueil. Confondre efficacité des soins et qualité de vie peut conduire à desraisonnements erronés, « évaluant » que la vie du patient « ne vaut plus d’être vécue ». « Ymettre fin le plus vite possible » peut apparaître faussement logique.Enfin, les charges de soins disproportionnées conduisent à des dilemmes. Quelle disponibilitéaccorder à un patient qui requiert beaucoup de soins et/ou de présence en comparaison dutemps de soin également du aux autres patients ? Ces questions se posent toutparticulièrement dans les services polyvalents où il peut y avoir à la fois des patients relevantsd’une approche curative et des patients relevant d’une approche palliative.

- Conflits des soignants aux institutions : Les soignants se plaignent fréquemmentdu manque, de l’inaccessibilité ou de l’inadaptation des moyens humains, descompétences, des moyens techniques nécessaires, selon eux, à leur action. Unraccourci se fait parfois facilement avec la décision de sédater le patient « parce qu’ilfaut bien faire quelque chose » malgré l’ensemble de ces manques.

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3) Propositions face au risque de dérive :

Les propositions du groupe renvoient aux modalités décisionnelles (cf chap 4) qui exigentune discussion éthique. On doit tenter de répondre à trois questions :

- Pourquoi allons-nous prendre cette décision ? Il s’agit ici de clarifier l’intentionnalité décisionnelle.

- Pour qui allons-nous prendre cette décision ? Il s’agit derrière cette question de préciser les finalités de la décision. Est-elle futile,proportionnée, attentive au respect de l’autonomie du patient ?

- De quel droit cette décision va- t-elle être prise ? Outre la discussion de l’articulation avec les valeurs et les lois qui régissent lapratique médicale et soignante, il s’agit aussi de discuter de la responsabilité de celuiqui prend la décision.

IV. Paradoxe philosophique entre sédation et éthique palliative ?

Les soins palliatifs posent le soulagement des symptômes et le maintien d’une relationsignifiante comme les conditions de l’accompagnement.Il existe, lorsqu’on parle d’une sédation en soins palliatifs un paradoxe fondamental. Latechnique de sédation utilisée à des fins de soulagement et qui, pour ce faire, cible le niveaude conscience, altère les processus cognitifs et la communication. Elle prive donc le soind’une de ses dimensions thérapeutiques majeures (41)

« Quel est le prix à payer en terme de souffrances pour conserver cette lucidité ? »s’interroge Burucoa (42)"Soulager en limitant le préjudice sur la relation entraîne un conflit de valeur " (12) entreutilitarisme et déontologie (9).

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Conclusion

Les recommandations proposées par le groupe de travail pour la pratique de la sédationpour détresse en phase terminale permettent de ne pas appréhender la sédation comme ungeste euthanasiant dans la mesure où :

- la sédation est réalisée pour soulager en induisant soit une somnolence soit uneperte de conscience, et non pour provoquer la mort (finalité de la sédation)

- la sédation, pour autant que les doses utilisées et la surveillance soient adaptées,n'abrège pas la vie (objet de la sédation)

- cependant la sédation pour détresse en phase terminale est réalisée dans uncontexte de mort imminente (circonstances de la sédation).

En cas d’indications médicales telles que les complications aiguës à risque vitalimmédiat et les symptômes réfractaires, vécus comme insupportables par le patient, il estrelativement aisé, d’une part de faire la part entre l’intérêt du soulagement et le risqued’accélération de la mort, d’autre part d’anticiper la survenue des complications ou dessymptômes, autrement dit de négocier avec le malade le geste - la sédation - commealternative thérapeutique à un moment donné de son histoire.

Il n’en est pas de même pour les situations singulières et complexes, comme l’état desouffrance existentielle de certains malades qui demandent à mourir de façon réitérée. Dansces situations, la sédation, au niveau symbolique, ne peut que nous interroger puisqu’ellereprésente une réponse technique et médicale à la demande de mort d'un malade arrivé auterme de sa vie.

En outre, il n'existe parfois aucune réponse à la souffrance humaine, ce qui est unconstat insupportable pour un soignant dont le rôle premier est de soulager. Il se doitnéanmoins de respecter les souhaits du malade. C’est dans cet entredeux que les soignantsde soins palliatifs doivent se situer. Ce d’autant que sédater le malade revient à le faire taire,supprimant le douloureux, mais nécessaire face à face malade – soignant . Face à face quipermet de réaffirmer au malade la valeur de sa vie, pour lui, mais aussi pour sa famille oupour l'équipe qui prend soin de lui. Si pour certains patients, cette réaffirmation restaure dusens à leur vie, pour d'autres malheureusement, cela ne suffit pas.

Ces recommandations ne sont en aucun cas des protocoles de conduites éthiques, ellesvisent à inscrire plutôt les pratiques soignantes dans un cadre de réflexion qui fait la partentre les droits du malade et ceux des soignants, les principes fondamentaux des soinspalliatifs et ceux de la morale. La sédations se situe dans une dynamique interpersonnelleentre les parties en présence, le malade et sa famille ou ses proches et les soignants,révélant des conflits de valeurs au sein d'une équipe de soins, car elle concerne dessituations frontières, provoquées par la proximité de la mort.

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