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cahiersde la fondation

nationaledes sciences

politiques

CHARLES ROIGF. BILLON-GRAND

LASOCIALISATIONPOLITIQUEDES ENFANTS

presses de la fondation nationale des sciences politiques27. RUE SAINT-GUILLAUME 75341 PARIS CEDEX 07 TEL 2603960

L'etude de la socialisation politiquedes enfants, de leur insertion dans lacommunaute politique, n'avait pasencore ete tentee en France. Touteenquete sur un tel sujet se heurte ine­vitablement a une serie de defenseset d'interdits sociaux.

Ce n'est donc pas un des moindresmerites de cette enquete, conduitepar questionnaire aupres des elevesd'etablissements publics et prives del'Academie de Grenoble, que d'avoirvaincu ces difficultes.

Charles Roig et Franyoise Billon­Grand ont tente ainsi de penetrerI'univers politique des enfants agesde huit a treize ans, de comprendreleur perception du fait politique,d'eclairer leur attachement a la com­munaute, de deceler leurs attitudesa I'egard des institutions publiques et,plus profondement, d'analyser leursreactions devant des notions tellesque gauche, droite, communisme, an­ticommunisme, liberalisme et autori­tarisme.

Sans nier Ie role fondamental dumilieu familial et du systeme d'educa­tion sur la socialisation politique desenfants, les auteurs insistent sur l'in­fluence de nouveaux moyens de com­munication comme Ie cinema, laradio, la television et les bandes des­sinees; tout en montrant l'interet quepresente la connaissance des attitu­des politiques des enfants pour expli­quer celie des adultes, cette etudecontribue a eclairer la representationque se font de la politique l'ensembledes citoyens.

LA

SOCIALISATION POLITIQUE

DES ENFANTS

CAIIIEIRS DEI I,A FI}NDATION NATTONAI,EDES SCIm{CES POLruQIIES

-163-

INSTITUT D'ETUDES POLITIQUESDE TUNNERSITE DE GRENOBLE

tAsoctAltsATloN POLITISUE

DES ENFANTS

0onhibution à l'étude

n oa

de la fomation des attitudes politiques en trance

pal

CIIARLES ROIG et FBÀNÇOISEI BILION-GRAND

Àvant-Propos de frlN-Ious QUERMONNE

1968presses de la fondation nationale dæ sciences politiques27, RUE SAINT.GUILLAUME 7534I PAFIS CEDEX 07 TEL 2603960

@ 1968 LrBRÀIRIE ÀRMÀND colrN

TABLE DES MATIERES

Avant-Propos, pat J..L, Quermonne, , , , .

Introduction

Chap. I: Les EYPoTHÈsEs DE TRÀVÀIL

Chap. II: PnÉseuranoN DE L'ENauÊTE

l. Le questionnaite, ..II. La population êtudiée, ..

Chap. III : L'nrrÉnÊr poun LA PoLITIQUE ' .

l. L'intéÉt pour les infotnations politigues, . .À. Les actualités au cinéma, 33.

B. Le journal télévisé, 3{.C. Iæs informations radiophoniques, 35.

D. [,a conversation des grandes personnes, 35.

II. Iæs attitud.es uis-à-uis des perconnes célèbrcs,

A. t es ldentificatlons, 38.

B, [æs atdtudes répulslves, 41.

IIL Les tefus de épondte auz questions, .

Chap. IV: L.e' pERceprloN Du BAIT PoLITIQUE

l. La petception des acteuts et des rôles,

II. La perception des foncttons polltiques,

III. La perception des ftnahtes politiques, .

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t7

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33

33

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16

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))

Chap. V: Ls sENTIMBNT D'ÀppÀRTEÀIrR À LrNE coMMr,Ir{AurÉ porr-TIQUE

I. La rcptêsentatlon idêologigue de la communautê politique, .

À Iæs symboles, 60.

B. Iæs héros, 63.

II. Le pattlotlsme,À. L exdustvisme du sentinent patriotlgue, 66.

B. L'intransigeance du sendment patriodgue, 69.

Chap. V[ : Lss ÀTTTTIIDEs vrs-À-vrs DEs pouvorRs puBr,rcs

I. Le péstdent de la Republlque,À. Ia connaissarce du président de la Républtqte, 75.

B. Iæs seotirnents à l'égard du présldent de Ia Républiqte, 77.

C. Iæ rôle du présldent da's le procellsus de sociallsatton, 82.

59

60

66

Ics dêputês,

Iæ sgstème politique,A. Iæs teadaoces générales, 86.

B. [a cohérence des atdtudes à l'égard du système polittque, E7.

Chap. VII : L'ensENcE D'oRrENTÀTroN pÀRTrsÀl.rE

I. La connalssance des partis et des sgndicatsÀ. Ies partts, 93.

B. Les syndicats, 96.

II. Les ptéfércnces partisanes, . .

Chap. VIII: L'rutonrr.ursME Er LE LrBÉRÀLIsME

I. La méthode emplogée,

II. Les ésultats,

II.

ilI.

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74

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105

Chap. IX: Ll DRorrE ET r-A GAUcHE ll2I. L'absence docientation manifeste chez lenfant, ll2II. La recherche des otientafions latentes: la qtestion-test, lL4

III. La rccherche des odentatlons l.atentes : les téponses associées, I 18A. La perception des rapports politigues, 118.

B. Iæs attltudes vis-à.vis de la communauté politigue, 126.

C. lcs attttudes vis-à-vis des tnstitudoos officlelles et des groupes, 127.

Chap. X : L'HwcoMMLIMsr\{E

I. La connalssance du communisme' . 130

II. ïattttude négatiue à légad de tU.R.S.S. et sa signtficatton, l3lIII. Anatgæ d.es motîvations, t35

Chap. XI: Pnorns PoLITIQuEs D'ENBANTs 138

I. La conscience politique minimale des enfants, 138

II. lengagement politique des enfants, 145

Conclusion. .. 16I

Annexe I: Le guestlonnalre,

II r La chronologie des prindpaux êvênements politigues

contemporains de l'enquête, .. t73

III : Une enguête sur le patdoûsme des êco[ers au début

du siècle, 175

IV r Note sur I'lnstrucdon dvigue, 180

Bibliographie 185

130

169

AVANT, PROPOS

I'L étude entrepdse par Charles Roig et Françoise Billon-Grand aput base une des rares enquêtes effectuêes en France sur ta socialisationpolîtique des enfants. A ce titre, elle méûtait déjà pubtication et inter.prétation.

I* guestionnaire fut administré dans les c/asses d'établissementspublics et privés de I'Académie de Grenoble en un temps où Ia vie poli.tique fnnçaise était marquée par l'avènement de la Cînguîème Républiryeet la fin de Ia gaerre d'Atgéûe, Comme Ie notent eux-mêrnes les auteurs,îl eût été intéressant de pouvoir en compaîer les ésultats auec ceuxd'autres învestîgatîons menées à une époque ptus paisible.

Faute de ftférence antêtieure, pout la France, Charles Roig etFrançois Bîllon.Grcnd se sont donc repoûés aux ptécdents étrangerc.Et leur méthode d'înterprétation s'appuie sur tes travaut réalisés, depuis

EtelEtes années, aux Etats-Unis. On connaît les hypothèses formulées,en ce domaine, par Erik H. Erîkson, David Easton, Roben D. Hess etFred I. Grcenstein, Au regard, la science politîque françaîse présentaitun bilan défaillant,

On sera donc teconnaissant aux deux auteuts d'ouwir audacieuse-ment un nouveau chapitte de notre discipline en France, Et nous nousassocierons au oæu qt'ils lorment d'être ptochaînement suivis dans cettevoie. Des recherches plus sgstématîques dewaient pouvoir compléter etpréciser ultêdeurement cette premièrc enquête explorctobe.

L'hîstoirc des îdées politiques a livré depuis longtemps à I'exarnendu politiste la rêflexion des élites. EIle l'a fait, notamment, en ce guiconcetne les sgstèmes politiEtes. On est, par opposition, moins bieninformê de I'opinion des masses. Le dêueloppement récent des sondagespetmet d'en mieux connaître cedains éIéments à un moment donné.Mais îl n'en fournit pas la genèse. Ot l'analgse de l'însertîon des enfantsdans la communauté politique dewait permettre d'en déceler des aspectsessentiets.

L'ouurage de Charles Roig et de Françoîse BillonÆnnd montrcprécisément l'întéftt que présente la connaîssance des attifudes poli.tQues des enlants pour expliquer celles des adultes. Il contdbue ainsià éclairer la représentation que se font de Ia politiqte et du sgstèmepolitiEte I'ensemble des citogens dont le comportement ef les crogancesconcourent à former l'opînion. Il conffrme une hgpthèse que l'on pou-vait pressentir sans en être, cependant, assuré à sauoît que les attifudespolitiEtes se forment relativement tôt chez l'enfant en âge scotaire.Ainsî apparaît vérifrée Ia double infl.uence qu'exercent, de façon déter.minante, Ie système d'ducation et Ie milîea culturel familial sur lamanière dont les Françaîs se rcprésentent le régime et les meurs poli-tîEtes,

Ics conclusions provisoires auxguelles sont parvenus les auteutsmêriteraient, certes, d'êbe confrontêes aux tésulfats de nouvelles recher-ches. Elles appelleraient des probngements encore indîts. D'ores et déjà,néanmoins, elles offrent une voie d'accès int,êressante à I'analgse psgcho-socîologigue des régimes et de Ia vie politiques, Ainsî, contribuent.ellesà expliqtet la résistance des attitudes et des tendances au changementet, en particuliet, au temembrement des partis politiqttes ou à I'appaûtîonde nouvelles formatîons.

C'est dbe toat l'avantage Ete représenteraît un effort sgstématiqued'inuestigatîon en ce sens et l'intérêt d'une entrcprise, encore ad,olescente

mais largetnent prometteuse, dont cette éfitde constitue un premiet et

précieux témoignage.

feaw-Louts QUERMONNEDlrecteur de I'Insdtut d'études poltdgues

de l'Untverstté de Grenoble

xaminez I'enfant jusgue dans les bras de sa màe;voyez le monde extêrieur se reflêter pour la premtàe fois

sur le mirolr encole obscur de son tntelligence; contemplezles premiers gr(emFles grd frappent ses regards; êcovtezles premières paroles gui évdllent chez lul les puissancesendormies de la pensée; assistez eufin aux premlàes luttesgu'il a à soutenir; et alors seulement vous comprendtezd'où viennent les prêjugés, les habitudes et les passionsqul vont domlner sa vle. L'homme est pour aln5l 6lfus 36u1

entier dans les langes de son berceau.

À. pe TocouE\rrr,rr,De la démæratle en Amêdoue.

\̂e former, pour une génêratlon gui anlve à la lumière,rJc'est se pénétrer peu à peu de la civilisatton a-hiante,et c'est au fû et à mesure gue s'opère cette pénétrationgue I'homme se constitue dans I'anlmal que nous soûlmeseD naissant. Or c'est la sodétê qd est détentrice de toutesles richesses de la dvilisatlon; c'est elle gui les conserveet les accumule; c'est elle gut les transmet d'âge en âge;c'est par elle gu'elles parvlennent iusgu'à nous. C'est àelle gue nous les devons, c'est d'elle gue nous les recevons.On couçoit dès lors de guelle autoritê doit se trouver lnves-ûe, à nos yeu(, une puissance morale dont notre consciencen'est en parËe qu'une lncarnatlon. Même cet êlêment demystère gul est lnhérent à toute idêe d'autorttê ne faitpas défaut au sentlment gue nous avors de la sodétê.

E DunrnnuLiducatton monle.

INTRODUCTON

I f

-e" d'une enguête sur la pensée politique des enfants a pris for:me

- au cours de recherches portant sur les collectivités locales, urbainesou rurales. Une de leurs caractéristiques les plus frappantes est, eneffet, le contraste entre les profonds changements socio-économiquesqui les affectent et la stabilité guasi générale des clivages et des atti-tudes politiques de leurs ressortissants. Il nous est apparu gue I'ex-plication de cette constance devait être cherchée dans l'éducationdonnée et daas I'apprentissage auguel avaient été soumises les géné-rations successives. [a lecture du rapport de David Easton et RobertD. Hess au cinguièrne Congrès mondial de I'Association internatio-nale de science politique nous fournissait, à cet égard, des hypo-thèses de travail et un embryon de méthode susceptibles de justiûernotre investigation.

La mise en euvre de la recherche commença au début de I'annéeuniversitaire 1962-L963 en collaboration avec un groupe d'étudiantsde I'Institut d'études politiques de Grenoble. Les preniers moisfurent consacrés, d'une part, à la mise au point du questionnaireen testant ses rédactions successives auprès de groupes d'enfants,d'autre part, à l'obtention des autorisations nécessaires déliwêes parI'administration de l'Education nationale ainsi qu'à I'agrément desassociations de parents d'élèves des écoles publiques et privées con-cernées. Le guestionnaire définitif put être administré dans un certainnombre d'écoles dès le mois de février 1963 et jusqu'en awil grâceà I'obligeance et à la collaboration des professeurs et iostituteurssollicités. Fin mars, nous ftmes obtgés, pour des raisons contin-gentes, d'interronpre cette phase de I'enquête avant qu'elle ne fttterminée. A ce moment 420 questionnaires environ avaient étérecueillis dont 413 furent retenus pour le dêpouillement dénnitif.Un premier dêpouillement fut mtrepris par les étudiants 1 quiemployèrent un moyet manuel constitué par des cartes à perforations

1. Mme J. Picard, MM. J.-F. Bardet et B. Michellier qui tren! un mémoiresur ce sujet, souteDu, en 1963, à I'Insdtut d'études poltdques de Grenoble.

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latérales. Le second dépouillement fut opérê à partir de 1964 æ, col.laboration avec Françoise Billon-Grand et grâce aux crédits mis ànotre disposition par I'Institut d'êtudes politiques de Grenoble. A ceteffet nous avons utilisé le programme pour ordinateur de l'Institutde mathématiques appliquées de Grenoble, dans les limites, bien str,des sommes disponibles. Ce sont les résultats de ce deuxième dépouil-lement qui sont exposés dans cet ouvrage.

Que cette enquête ait suscité de nombreuses réserves et réti-cences, gu'dle ait même provoguê en un certain endroit des pêti-tions émanant d'associations et de syndicats, des prises de positionsdiverses, etc., voilà gui est rêvélateur d'un état d'esprit et d'une cer-taine conception de la politigue, de l'école, de la famille et de I'enfant,gue nous ne pouvons pas passer sous silence, car ils éclaireot biendes aspects du processus de socialisation gue nous voulons étu-dier4

La méthode du guestionnaire appligué à des enfants d'âge sco-laire évogue sans conteste un procédé inquisitorial destiné à violerd'une manière particulièrement subtile la conscience des enfants etl'inti-ité des familles où sont mtris les opinions et les choix poli-tiques. La politigue est donc ce linge sale gu'on ne lave qu'en fanilleà I'abri des regards indiscrets. Toute intrusion, fût-ce par le biaisd'un guestionnaire distribué aux enfants, suggère un objectif cachérelevant de I'intrigue policière. A la décharge de ceux gui nous accu,sàent de la sorte, il faut rappeler gue nous venions à peine desortir d'une période troublée par les séquelles de la guerre d'Algérie.A cela il faut ajouter une tendance plus profonde qui pousse beau.coup de Français à identiûer avec plus ou moins d'arrière-pensées,les << ils > extérieurs, le gouvernement et la politique, pour en faireun magma informe propre à justifier toutes les métances et à attirertoutes les critiques. Ce procédé est particulièrement commode danscertaines circonstances de la vie politigue locale.

Dans un gllma1 aussi pesant où chacun s'octroie le droit de sus-pecter et de faire suspecter I'autre, il etait nécessaire de ménagercertains terrains neutres ou supposés tels: I'école publique est I'und'eux, protégée gu'elle est par le principe de la laîcité. Ce principeimplique une neutralité politigue et religieuse absolue et obligatoire:la politigue parce qu'elle a êtê de tout temps une cause de conflithunain, la religion parce qu'elle est une affaire individuelle relevantde la conscience de chacun. Voilà donc énoncés les principauxtabous gue violait notre enguête. Oser parler de partis et de s1m-dicats, de prêsident de la République et d'hommes politiques dans

2, ç.ela n'enlève d'aileurs rien au sertinent d'envie gue nous pouvoruréprouver envers les chercheurs anglo-saxons gul ont beaucoup plus de fadlttépour fatre admettre ce genre d'enguête par leurs coacitoyens.

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un lieu où l'on 4oig uniguement enseigner à lire, écrire et compterconstituait une hérésie, un déû, ou, dans la meilleure hypottèse, unacte inconsidêré d'un intdlectuel irresponsable. En d'autres tenps(sous la Troisième Republique), une telle chose n'aurait pas pu seproduira C'est en partie pour rêpondre à cela gue nous avons publieen €urnexe une enquête faite el 1905 dans les écoles publiques: cha-cun potura ainsi apprécier l'objectivité, la neutralité et le respectgue I'on avait à cette épogue pour la liberté d'opinion des eofantset de leurs pareûts.

Les défenses et interdits sociaux reposent enûn sur ûne concep-tion traditionnelle des rapports entre les parents et les enfants. Celamérite égalenent d'être êvogué. L'enfant modelê par ses parents nepeut être gue leur reflel L'interroger en supposant réelle son auto-nomie ne sert donc à rim puisgu'il ne pourra gue rapporter ce qu'ilaura entenda chez lui. Il n'est pas dans notre intention de nier icile rôle fondamental gue joue la famille dans l'êducation civigue etsociale des jeunes enfants, mais il ne nous est pas non plus possôled'adherer à une explication aussi univogue de la socialisation desenfants. L'un de nos objectifs est justement de montler le caractèreexcessif et dépassê de cette conception. En admettant même gu'elleait étê vraie dans une sociétê traditionnelle, elle est aujourd'hui con-testable et contestée. Les autorités sociales autrefois omnipotentes,les parents et les maîtres, perdent de plus en plus de leur influencesur les enfants.

<< Dans cette évolution de I'attltude des parents, êcrit David Riesmandans .La foule solitaice, les communications de masse joueut un doublerôle. Grâce à elles - radio, drrêlxa, bandes dessinées - tout commepar I'exemple de ses proprcs ca-atades, l'enfant est facilement ren-seigaê sur les normes habituelles du conportement des parents, et cesont ces norrnes gu'il exige ensulte de ses propres parents. Ainsi,I'enfant reconguiert une sorte de réalisme auguel il parvenait jadis,d une manière beaucoup plus simple, dans la sociêtê à dêtermlnattontradifloandle: I'enfant othe*directed est souvent plus au courant gueses parents - ce ne sont certainement pas eux gui vont lui en conter. >>

A la limite, la conception de l'enfant-reflet-de-ses-parents n'estplus qu'une image qui survit ou mieux encore une manifestation dela bonne conscience des parents dont il est urgent de se dêfairepour regarder les choses en face. De nâ-e, il convient de faire jus-tice le plus vite possible du mythe de la neutralitê et de I'objectivitêen matière d'éducation civique et politigue. Nous espérons gue cetteétude facilitera une prise de conscience dans ces différents domaines.

[.es deux premiers chapitres sont consacrés l'un, aux hypothèsesde travail, I'autre, à la prêsentation de I'enquête. Les quatre cha-pitres suivants essayent de reconstituer I'univers politigue des enfants

15

à travers les perceptions et les évaluations qu'ils formulent. Sontainsi abordés successivement I'intérêt pour la politigue, la perceptiondu fait politigue, l'attachement à la communauté politigue et les atti-tudes à l'êgard des institutions publigues. Font suite quatre autreschapitres traitant des orientations politiques des enfants et dans les-quels sont étudiés l'absence d'orientations partisanes, l'autoritarismeet le libéralisme, la droite et la gauche, l'anticommunisme. Le dernierchapitre présente des < proffls politiques > d'enfants, établis à partird'un certain nombre de questionnaires; il a pour oblet de rendreplus concrets et d'individualiser en quelgue sorte les résultats statis-tiques analysés dans les chapitres antérieurs. Il essaye, d'une part,de déff.ir la conscience politique minimale gue l'on peut rencontrerchez des enfants d'une dizaine d'années, d'autre part, il se proposed'apporter des précisions individualisêes sur ce que peut être l'en-gagement politigue chez des enfants à peine plus âgés 3.

Il ne nous reste plus qu'à exprimer notre gratitude à tous ceuxqui nous ont aidés et qui ont permis gue ce travail soit mené àbonne fln. Qu'ils soient ici très sincèrement remerciés.

c. R.futn 1966

3. Les chiffres figurant dans les tableaux ultérieurs représentent, sauf lndi-cation contralre, des pourcentages arrondls à I'udté lmmédiatement supérleureou lnférleure.

CHAPITRE T

Les hypothèses de travail

Sr rss rMpLrcATroNs politigues de l'éducation teçue pendant l'enfancesont connues depuis l'Antiguité, ce n'est gue depuis guelgues annéeset sous l'influence d'autres recherches portant sur les enfants gueles political scientists ont tentê d'analyser avec des méthodes appro.priées le processus de socialisation politigue 1. Sur I'intérêt que prâsente l'étude de ce processus pour la compréhension des différentssystèmes politigues, les ouvrages les plus récents ne laissent aucundoute. Gabriel A. ALnond et James S. Coleman 2 considèrent lasocialisation politigue comme une des fonctions essentielles des sys-tèmes politigues. ceux-ci tendent toujours à perpétuer leurs cultureset leurs structures dans le temps et ils réalisent cela grâce aux fac-teurs socialisants gui influencent les enfants pendant le processus dematuration dans les groupes primaires ou secondaires.

Ces auteurs admettent également qu'aucun citoym relevant deguelgue système pohtigue moderne ne peut éliminer complètementles effets de sa première socialisation, ni le besoin de relationsétroites et stables dans des groupes primaires qui ramènent à l'échellehumaine les structures complexes de la sociétê industrielle où il vit.

L'etude de la socialisation politigue est donc indispensable daslors gu'on envisage les phénomènes politiques dans leur réalité pro-fonde, c'est-àdire en tant que faits culturels. Qu'il s'agisse desvaleurs politigues telle gue la conception de I'autorité, du systèmede croyances, des attitudes émotionnelles ou du symbolisme poli-tigue, on ne peut pas éviter de poser le problèrne au seul niveauoù il peut recevoir une solution: celui du système d'éducation et duprocessus d'insertion sociale qui caractérisent la sociêté politigueétudiée.

Ceci êtant admis, il reste à déterminer une approche et unemêthode pour étudier la socialisation politique des enfants.

1. L'expression < sociallsation polltlgue > gul est employée le plus souveatdars la présente étude est consldérée coûrme synonyme d'<apprentissage>,d' < enculturation polidque > ou mêDe de <politisation >.

_ 2. The politics ol the developing areas, Prlocetotr (N.I.), Princeton UniversityPress. 1960.

17

Traditionnellemeût, en France, ce phênomène a êtê traitê sousune forme normativa L'êducation politigue laisait partie de l'éducationcivigue et morale et les auteurs ont eu tendance à décrire < ce guidevait être > plutôt que << ce qui était > en cette matière. EmileDurkheim lui-même - guelle gue soit I'importance de son apportscientifigue - 1'6 pas échappé à cette attitude intellectuelle. I-alimite n'est pas toujours précise dans ses ouwages entre ce guirelève de I'analyse objective de la socialisation ou de l'éducationconsidérées en tant que faits sociaux, et les préoccupations civigues,morales ou pédagogigues qui accompagnent cette analyse. ta déû-nition gu'il donne de l'éducation est remarquable: << L'éducation estI'action exercée par les générations adultes sur celles gui ne sontpas encore mtres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter etde développer chez l'enfant un certain nombre d'êtats physigues,intellectuels et moraux que réclament de lui et la sociétê politiquedans son ensemble, et le milieu spêcial auguel il est particulièrementdestiné > s. Cette deûnition met I'accent sur la fonction intégrativede l'éducation (au point de vue de la sociêté) et sur son rôle d'adap-tation (au point de vue de I'individu).

Pourtant la suite du raisonnement 4 montre le déplacenent ducentre d'intfuêt vers le problème étligue, l'êducation édifie << ce qu'ily a de meilleur en nous, ce qu'il y a en nous de proprement humain >,

et le problème politique, << du moment que l'éducation est une fonc-tion sociale, I'Etat ne peut s'en désintéresser. Au contraire tout cegui est éducation doit être en quelque mesure, soumis à son action >>.

La recherche empirigue en matière de socialisation politique estrestée pendant plusieurs dêcennies le lot de multiples discipliness'intéressant à divers titres et de manière parcellaire au phénomèneen guestion. Herbert H. Hyman a présenté une premiàe slmthèsede ces travaux dans son ouvrage, Political socialization, A study inthe psgchologg of political behauîorî,

Cet auteur constate que l'étude des attitudes politiques intéresseautaût les sociologues, les psychologues et les anthropologues gue lespolitical scientists. Pour prendre le cas de I'analyse psychologique,il est êvident gu'elle constitue une méthode irremplaçable pour I'etudedes faits politigues. Pourtant les psychologues gui I'ont appliquéen'ont pas eu en vue prlncipalement cette étude, ils ont analysé lesattitudes politigues comme ils auraient étudié n'importe guelle autreforme de comportement. L'objectif poursuivi par Hyman a donc étéde retrouver la dimension proprement politique de ces recherches et

3, ùlacation et socîologie, Parts, Àlcan, 1938, p. 49. Cf. avss!: I:ducdionmotale, Parts, P.U.F., 1963.

4. Op. ca., pp. 55 et 60.5. Glencoe (Ill.), The Free Press, 1959.

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Volumes recemment parus ou en cours de

publication dans la collection des Cahiers de

la Fondation nationale des sciences politiques:

154. ZIEBURA (G.) - Leon Blum et Ie Partisocialiste, 1872-1934. 1967, 416 p. F 41,20.

155. Leon Blum, chef de gouvemement, 1936­1937. 1967, 440 p. F 41,20.

156. FISTll~ (P.) - Devolution de fa Thai"landecontemporaine. 1967, 392 p. F 46,30.

157. TUDESQ (A.-}.) - Les conseillers generauxen France au temps de Guizot, 1840-1848.1967, 296 p. F 36,00.

160. VINCENT (G.) - Les professeurs du seconddegre: contribution a l'etude du corpsenseignant. 1967, 332 p. F 30,90.

161. Decolonisation et regimes politiques enAfrique noire, sous la direction de A.MABILEAU et J. MEYRIAT. 1967, 280 p.F 32,90.

163. ROIG (C.), BILLON-GRAND (F.) - Lasocialisation pofitique des enfants. Contri­bution a l'etude de fa formation des atti­tudes poldiques en France. 1968, 188 p.F 28,80.

164. BARRAL (P.) - Les agrariens fran~ais. DeMeline a Pisani.

166. SEMJDEI (M.) - Les Etats-Unis et fa revo­lution cubaine, 1959-1964. 1968, 208 p.F 22,60.

Un catalogue general des publications de la

Fondation sera envoye, sur simple demandeadressee au :

Bureau des publications

de la Fondatlon natlonale

des sciences polltlques

27, rue Saint-Guillaume - Paris 7'

INITIATIONAUX SCIENCES DE L'EDUCATION

Arnould CLAUSSEUn volume de la Collection «Education et Culture»

PSYCHOLOGIE DE L'ENFANTDE LA NAISSANCE AL'ADOLESCENCE

Sous la direction de M. DEBESSEUn volume de la Collection «Cahiers de Pedagogie Moderne»

LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTSINADAPTES

Sous la direction de J. PETITUn volume de la Collection «Cahiers de Pedagogie Moderne»

L'INADAPTATION SCOLAIRE ET SOCIALEET SES REMEDES

Sous la direction de G. MAUCOUn volume de la Collection «Cahiers de Pedagogie Moderne »

PSYCHOLOGIE DE L'INTELLIGENCEJean PIAGETUn volume de la Collection U 2

ARMAND COLIN .. BOURRELIER