22
Le chemin du retour vers Allah LA TRADITION ISLAMIQUE Sous la direction de Jean-Marie Debunne Jean-René Milot

LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

Le chemin du retour vers Allah

LA TRADITION

ISLAMIQUE

Sous la direction deJean-Marie Debunne

Jean-René Milot

Page 2: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

Le chemin du retour vers Allah

LA TRADITION

ISLAMIQUE

Jean-René Milot

Directeur de la collectionJean-Marie Debunne

Page 3: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

La tradition islamique

Auteur Jean-René Milot, enseignant à l’Université du Québecà Montréal et à l’Université de Montréal, et spécialiste enétudes islamiques

Directeur de la Collection Labyrinthes Jean-Marie Debunne, professeur en éducationreligieuse à l’Université Saint-Paul

Conception graphique Les Éditions La Pensée inc.

Révision linguistique Marie-Claude Piquion

Illustrations Monique Chaussé

Photographies Archives du Centre Monchanin,Archives Rédactiond’Orient, Jean-René Milot, Jean-Marie Debunne,Anne-Héloïse Debunne

Remerciements Un merci tout particulier à la boutique Multivisionspour son acceuil et le prêt d’objets pour fins dephotographie (www.multivisionsinc.com)

© Les Éditions La Pensée inc., 2002Tous droits réservés.

On ne peut reproduire, enregistrer ni diffuser aucune partie du présent ouvrage, sousquelque forme ou par quelque procédé que ce soit, électronique,mécanique, photographi-que, sonore, magnétique ou autre, sans avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite del’éditeur.

Dépôt légalBibliothèque nationale du Québec, 2002Bibliothèque nationale du Canada, 2002

Imprimé et relié au QuébecISBN 978-2-89458-292-3

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise duProgramme d’Aide au Développement de l’Industrie de l’Édition (PADIÉ) pour nos activi-tés d’édition.

«Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC»

LE «PHOTOCOPILLAGE» TUE LE LIVRE

Page 4: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

•Les musulmans chez nous et dans le monde 2Un monde imposant, étendu et très varié 3Un monde qui a quelque chose en commun 4Un monde à apprivoiser 6

•Le Prophète Mahomet et les débuts de l’Islam 8L’Arabie à la veille de l’Islam 9Mahomet à La Mecque 12Mahomet à Médine 15Le rôle de Mahomet dans l’Islam 18

•Le Coran, Livre sacré des musulmans 20Le caractère oral et auditif des révélations 20Le passage de l’oral à l’écrit 22Le caractère sacré du Coran 23Le Coran au cœur de la vie des musulmans 24

•Le Coran et les grandes questions de la vie 26Allah, le créateur 27La création de l’Univers 29La création des anges 30La création de l’homme et de la femme 30Le cycle de la prophétie 31Les prophètes et les Livres 33Le Jugement et la vie future 36

•Le chemin du retour vers Allah 38Croire, dire et faire: foi et religion 39Du Coran à la Loi islamique 40Les cinq piliers de l’Islam 43Les rites et les fêtes 45Les interdictions 46

•Comprendre les musulmans aujourd’hui 48Attitudes et tendances face au déclin 49Entre deux modèles de société 50Le statut de la femme en Islam 52Le port du voile ou du foulard 55L’accommodement des différences 56

Tabledes matières

Page 5: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques
Page 6: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

La tradition

Le chemin du retour vers AllahJean-René Milot

islamique

Page 7: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

2

Quand nous pensons aux musulmans,l’image qui nous vient le plus souvent àl’esprit est celle d’un Arabe en burnous1, oucelle d’une femme voilée. Par ailleurs,presque chaque jour, en milieu urbain nouscôtoyons des dizaines de musulmans et demusulmanes sans même nous en rendrecompte, car ils ne portent ni burnous nivoile.

Ce qui se passe chez nous reflète assezfidèlement ce qu’on peut observer dansl’ensemble du monde musulman: la majoritédes musulmans ne sont pas des Arabes, et lamajorité des musulmanes ne portent pas levoile. En effet, il y a plus de musulmans enIndonésie que dans tous les pays arabesréunis, et le port du voile n’est observé quedans certains pays et dans certaines classes

de la société. Cela nous invite àréviser les images et lesperceptions que nous avons del’Islam et des musulmans, et ànous demander si nousconnaissons bien les musul-mans qui vivent parmi nousdepuis quelques années oudepuis quelques générations,qui viennent de divers pays ouqui sont des convertis locaux àl’Islam.

_______________1 Grand manteau de laine à capuchon et sans manches que portent les Arabes.

LE

SM

US

UL

MA

NS

Chez nous et DANS LE MONDEJean-RenéM

ilot

Page 8: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

Actuellement, on peut dire qu’unêtre humain sur cinq est musulman,soit plus d’un milliard de personnes.Un coup d’œil à la carte du mondemusulman nous indique que cettepopulation imposante se retrouvesurtout dans une sorte de ceinturequi va de l’Afrique aux confins del’Asie, en passant par le Moyen-Orient et le Sud-Est asiatique.

En Europe et en Amérique, lesmusulmans sont de plus en plusprésents: en France, par exemple, ilsreprésentent le groupe religieux leplus populeux après les chrétiens. EnAfrique, l’Islam est la religion qui fait actuel-lement le plus de nouveaux adeptes. AuQuébec comme au Canada, le nombre demusulmans a probablement doublé depuis ledernier recensement (1991), faisant état del’appartenance religieuse; on dénombraitalors 253 000 musulmans au Canada et45 000 au Québec. Cette croissance estattribuable à l’immigration et aux con-versions.

Chez nous, comme dans l’ensemble dumonde musulman, on observe une grandediversité chez les adeptes de l’Islam. Sur lesplans ethnique et culturel, ils appartiennentà diverses races et sont les héritiers descultures les plus variées. Sur le planpolitique, les pays musulmans adhèrent àdifférents régimes: démocraties, monarchiesconstitutionnelles, régimes militaires, régi-mes religieux (théocraties2). Sur le planéconomique, certains pays musulmans,comme l’Arabie Saoudite, sont parmi les

plus riches, tandis que d’autres tels que leBangladesh, comptent parmi les pluspauvres. Sur le plan religieux, certains paysse disent républiques islamiques tandis qued’autres sont des régimes laïques3, ce quireflète assez bien les tendances individuelleset le degré de ferveur religieuse desmusulmans et des musulmanes ici commeailleurs.

3

_______________2 Mode de gouvernement dans lequel l’autorité, sensée émaner directement de Dieu, est exercée par des humainsconsidérés comme les représentants de Dieu.3 Qui est indépendant de toute confession religieuse.

Région millions

Moyen-Orient arabe 110

Moyen-Orient non arabe et Asie centrale 240

Maghreb (Afrique du Nord) 55

Afrique au Sud du Sahara 160

Sous-continent indien (Pakistan, Inde, Bangladesh) 280

Sud-Est asiatique 200

Europe 20

Amériques 8

Population totale 1100

MAROC

MADAGASCAR

MALAISIE

PHILIPPINES

INDONÉSIE

TUNISIE SYRIE

BIRMANIE

BANGLADESH

RUSSIE

INDE

KAZAKHSTAN

AFGHANISTAN

PAKISTANARABIESAOUDITE

RÉPUBLIQUEDE CHINE

IRANIRAK

TURQUIE

ÉTHIOPIE

SOUDAN

ÉGYPTE

TCHADNIGER

NIGERIA

LIBYEALGÉRIE

MALIMAURITANIE

RÉPARTITION TRÈS APPROXIMATIVE DE LA POPULATION MUSULMANE

Un monde imposant, étendu et très varié

Page 9: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

4

Un groupe demusulmans faisantla prière commune.

Compte tenu de la grande diversité que nousvenons d’évoquer rapidement, il est clair quedes expressions comme «l’Islam» ou «lemonde musulman» peuvent prêter à con-fusion, dans la mesure où elles font penser àune collectivité uniforme ou à un blocmonolithique.

Pourtant, au-delà des facteurs de diversitéque nous venons d’évoquer, il y a un élémentcommun à ces hommes et à ces femmes sidivers. Cet élément, c’est leur relation àl’Islam comme religion ou à tout le moinscomme culture.

Le terme «Islam» réfère d’abord à uneattitude qui consiste à se soumettre avecconfiance à Allah, Dieu tout-puissant etunique. Cette attitude de base s’exprime etse déploie dans un ensemble de croyances,de rites, de valeurs et de pratiques, quiconstituent ce qu’on appelle une religion ouune tradition religieuse qu’on nomme Islam.

Par extension, le terme «Islam» désigne aussiparfois la collectivité des personnes quipartagent cette attitude et cette religion.

Il est bon de noter que les termes«mahométans» et «mahométanisme» nesont pas utilisés par les musulmans et qu’ilssont en porte à faux. En effet, calqués sur«chrétiens» et «christianisme», ces termeslaissent entendre que Mahomet, prophète etfondateur de l’Islam, est l’équivalent de JésusChrist pour les chrétiens. Or, cela n’estvraiment pas exact, car les musulmansvénèrent Mahomet mais ne l’adorent pascomme s’il était Dieu ou fils de Dieu.

Par ailleurs, les termes «islamistes» et«islamisme», souvent utilisés depuis la findes années 1970, ne sont pas équivalents à«musulmans» et à «Islam». Ces termesréfèrent habituellement à une tendanceparticulière et très minoritaire chez lesmusulmans. En effet, ceux qu’on appelle lesislamistes découpent à même l’islam uncertain nombre d’idées et de pratiques pouren faire un mouvement politique, prendre lepouvoir et imposer leur vision de l’Islam àtoute la société. Pour eux, les autresmusulmans, actuellement aussi bien quedans le passé, n’ont pas compris le vrai Islamou s’en sont éloignés. C’est pourquoi, il fautles ramener, par la force, s’il le faut, dans ledroit chemin, c’est-à-dire à un Islam soitdisant pur et dur.

Un exemple frappant d’intolérance islamistequi a défrayé les manchettes: la destructiondes bouddhas de Bamiyan en Afghanistanpar le régime islamiste des Talibans. Malgré

Un monde qui a quelque chose en communArchivesM

onchanin

Page 10: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

les protestations internationales et celles deleur plus proche allié, le Pakistan, lesTalibans ont détruit les deux plus grandesstatues du Bouddha qu’il y avait au monde,statues classées au patrimoine mondial del’humanité. La raison invoquée: il fautmettre fin à tout ce qui est contraire àl’Islam.

Pourtant, en Iran, pays qui a été à l’avant-garde du «retour à l’Islam», le présidentKhatami a déclaré que la décision desTalibans «ne peut en rien se justifier au nomde l’Islam». Pour sa part, le chef del’opposition afghane considère que lesstatues n’appartiennent pas tant à unereligion qu’à l’histoire du pays, comme lespyramides d’Égypte. Les premiers musul-mans ont respecté les œuvres d’art des paysqu’ils conquéraient, même si, comme lespyramides ou le Sphinx, elles étaient rat-tachées à une religion antérieure.

Si le traitement infligé aux statues par lesTalibans est considéré comme «inhumain etviolent», que faut-il dire du traitement quece régime intégriste impose aux femmes etaux non-musulmans?

En réalité, il s’agit là d’une caricature oud’une maladie de l’Islam, commel’intégrisme4 est une maladiedu christianisme ou d’autrestraditions religieuses. Il estdonc important de bien dis-tinguer «Islam» et «islamisme»ainsi que «musulman» et «isla-miste», sous peine de prendreune partie pour le tout, depercevoir l’Islam comme unemenace et nos concitoyensmusulmans comme des agita-teurs.

5

_______________4 Attitude de croyants ou croyantes qui veulent maintenir la totalité de la religion à laquelle ils appartiennent enrefusant toute évolution.

Jean-RenéM

ilot

Les deux plusgrandes statues duBouddha de Bamiyanont été détruites parles Talibans.

Le grand sphinx deGiza. Les premiersmusulmans ont respectéles oeuvres d’art des paysqu’ils conquéraient.

Page 11: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

6

Les mouvements islamistes sont en bonnepartie responsables de l’image souventnégative que l’actualité, dans les médias,nous présente de l’Islam et des musulmans.Depuis la révolution iranienne de 1979,lorsque la presse écrite ou électronique nousparle des musulmans, c’est le plus souvent enrelation avec des révolutions, des guerres,des attentats et des pratiques avilissantespour les femmes.

On doit reconnaître que les médiasn’inventent habituellement pas les faits qu’ilsnous rapportent. Mais, volontairement ou

non, ils leur donnent une importancedisproportionnée par rapport àl’ensemble de la situation et ducomportement des musulmans. À lalongue, l’effet cumulatif de ces imagesfinit par engendrer chez bien des gensune sorte de peur de l’Islam et desmusulmans, ou encore une forme demépris ou de pitié envers des gens quinous semblent «arriérés».

Nous pouvons aussi parfois avoirl’impression que les images desmusulmans, véhiculées par les médias,sont en quelque sorte corroborées parcertaines pratiques qui ne semblent pasavoir leur place dans une sociétécomme la nôtre: le port du foulardislamique, la prière quotidienne, lejeûne du ramadan. Pas étonnant quebon nombre de nos amis musulmanspuissent parfois se sentir mal compriset mal aimés.

La démarche que nous entreprenonsdans le cadre de ce cahier nous fournit

l’occasion de faire le point sur nosconnaissances et nos perceptions parrapport aux musulmans et à l’Islam. Il nes’agit pas ici de défendre ou d’attaquer quique ce soit. Il ne s’agit pas non plus dedéterminer si l’Islam est une vraie ou unefausse religion et si c’est une bonne ou unemauvaise chose.

L’objectif que nous visons est comprendreles musulmans sans les juger et saisircomment ils trouvent dans l’Islam un sens àla vie humaine, un système de valeurs qui

Nouveaux

massacres

en Algérie.Nomas

enssacres

Algériee.

Les Talibans

d’Afghanistan

défient le

monde entier.

Led’Afg

défiefient le f

nistanghanistan

ent letier.lgéri défiient le

monnde entier.

La querelle

du foulard

islamique

reprend.

du fofoulard f

islam

rep

oularoul

mique

prend.

Un monde à apprivoiser

Page 12: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

leur permet de vivre en s’adaptant à diverstypes de sociétés et de cultures. Il ne s’agitpas de savoir si les musulmans ont raison outort de croire ce qu’ils croient. Il s’agit plutôtde voir ce qui arrive dans leur vie, dans notresociété et à l’échelle de la planète, à partir dumoment où, avec des millions d’humains, ilscroient qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allahet que Mahomet est le Messager d’Allah.

Pour atteindre cet objectif, nous allonscompléter nos perceptions actuelles desmusulmans et de l’Islam en partant à larecherche des faits et des données quicaractérisent la tradition islamique.

Nous allons d’abordinterroger l’histoirepour voir commentl’Islam est apparugrâce à l’action deMahomet, Messager

d’Allah, porteur du Coran et fondateur de lapremière communauté de musulmans.

Puis, nous examineronscomment les révélationsorales reçues par Mahometont été rassemblées pourdevenir un écrit, le Coran,le Livre sacré des musul-mans. Nous pourrons enmême temps évoquer la

place qu’occupe encore aujourd’hui leCoran dans la vie quotidienne desmusulmans.

Nous scruterons ensui-te le message du Coranpour y découvrir lesréponses qu’il proposeaux grandes questionsde la vie.

Puis, nous pourrons voircomment les musulmansont traduit dans leur façonde vivre individuellementet en société la démarchedu retour vers Allah, pré-conisée par le Coran.

Pour comprendre la situation particulièredes musulmans et de l’Islam dans le monded’aujourd’hui, nous évoquerons lacontribution des musulmans à lacivilisation mondiale à l’âge d’or del’Islam, nous verrons comment ilsse sont ensuite retrouvés à laremorque des Occidentaux, etnous mettrons ainsi en contexte lestendances actuelles des musulmanspar rapport à la société moderne.

Enfin, notre enquête sur les faits reliés àl’Islam devrait nous permettre de situer nosamis musulmans comme les héritiers d’unetradition religieuse et culturelle appartenantau patrimoine de l’humanité. Nous consta-terons que, moyennant certains ajustementsde la part des musulmans comme de lanôtre, cette tradition représente un apportprécieux à notre vie en société, ici commeailleurs dans le monde.

7

Page 13: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

8

Dans l’Islam, la personne la plus importanteest sans doute Mahomet ou Mohammed enarabe. Né vers 570 ap. J.-C., Mahomet estcelui qui a transmis à ses compatriotes lemessage du Coran et qui a fondé unecommunauté religieuse et politique pourrendre ce message praticable dans l’histoire.Mais son rôle ne s’arrête pas là: même aprèssa mort, et après des siècles d’histoire, ildemeure un modèle qui inspire et orientel’agir des musulmans dans les diversescirconstances de la

Que l’on soit ou non adepte de l’Islam, ondoit reconnaître que l’intervention deMahomet a changé l’Arabie et influencéprofondément l’histoire du monde, dansl’espace et dans le temps, bien au-delà del’Arabie du VIIe siècle ap. J.-C.

En même temps, on constateque peu de personnageshistoriques ont suscité chezcertains autant d’admiration etde respect, mais, en même

temps, autant de haine etd’incompréhension chez

d’autres.

Après un survol des princi-paux faits qui ont marqué lavie de Mahomet, nous allonsrevenir sur ces perceptionscontradictoires deMahomet,au moment de situer sonrôle dans l’Islam5.

_______________5 Voir page 18.

Le PROPHÈTE Mahometet les débuts de l’Islam

vie.

Page 14: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

Au moment où Mahomet naît à La Mecque,vers 570 ap. J.-C., l’Arabie est pour ainsi direau milieu de nulle part: cette terreinhospitalière et peu peuplée est presquecomplètement en marge de la vie des deuxgrandes puissances de l’époque que sontl’Empire byzantin à l’ouest et l’Empire persesassanide à l’est.

La majorité des Arabes de l’époque sont desBédouins, c’est-à-dire des nomades qui sedéplacent constamment pour pratiquer lesdeux activités qui constituent leur gagne-pain: l’élevage de petit bétail (chèvres,moutons) et le pillage des caravanes. Fiers etindépendants, ces gens plutôt frustes nereconnaissent pas d’autre autorité que celledu shaykh, le chef de leur tribu. Dans cecontexte, il n’y a pas de pouvoir centralunifié. Au sein de la tribu, la solidarité estune valeur de base assurant la survie, car un

individu laissé à lui-même nepeut survivre dans un envi-ronnement aussi difficile.

Il y aussi alors en Arabiequelques petites villes nées del’agriculture, comme l’oasisde Yathrib (qui deviendraMédine), ou encore une villenée du commerce, La Mec-que. Cette dernière doit sonimportance à deux facteursprincipaux. Le PREMIERFACTEUR est d’ordre éco-nomique: La Mecque est uncarrefour et une plaque tour-nante pour le commerce desmarchandises (épices, étoffes)

qui viennent de l’Orient par mer et sontdéchargées dans la région Sud de lapéninsule arabique. Les caravanes quitransportent ces marchandises vers le Nords’arrêtent à La Mecque avant de se dirigervers la Méditerranée ou la Mésopotamie.

9

Méditerranée

Mer Noire

Mer Caspienne

Mer Rouge

Golfe Persique

Constantinople •

EMPIRE BYZANTIN

EMPIRE SASSANIDE

• Khaybar

• Ctésiphon

• Koufa • Isfahan

• Persépolis

Marv •

• ANATOLIE

Alexandrie

Damas SYRIE

ARMÉNIE

MÉSOPOTAMIE

Césarée

• Médine

Jérusalem

Nil • La Mecque

ARABIE

ÉGYPTE

LAKHMIDES

NUBIE

ÉTHIOPIE

••

GHASSANIDES

570570La naissanceLa naissancede Mahometde Mahomet

Une oasis…

Jean-RenéM

ilot

Page 15: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

10

Page 16: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

Les grandes familles de La Mecque sont ainsidevenues d’habiles entrepreneurs quipossèdent et organisent les caravanes. Larichesse et la puissance ainsi acquises par cesfamilles ont eu pour effet de miner lasolidarité entre les familles et les clans.L’autorité n’est plus exercée par un shaykh(chef de tribu) mais par un petit groupe issude ces familles riches. Il s’est ainsi creusé unfossé considérable entre les riches et lespauvres.

Le DEUXIÈME FACTEUR expliquantl’importance de La Mecque est d’ordrereligieux et culturel. En effet, La Mecque estun lieu de pèlerinage pour diverses tribus del’Arabie, en raison du sanctuaire de la Ka baet du puits de Zemzem, tous deux liés à lamémoire d’Abraham6. Les tribus vénèrentgénéralement des divinités personnifiant desastres, des étoiles ou des forces de la nature.Un peu comme chez les Juifs au temps deMoïse, chaque tribu transporte dans sesdéplacements une stèle7 représentant ladivinité qu’elle vénère et qui l’identifie.

Cette stèle est déposée dans le templecubique de la Ka ba pendant le mois de latrêve sacrée. L’ensemble de ces stèles misescôte à côte symbolise alors les liens entre lesdiverses tribus et forme un imposantpanthéon, une sorte de galerie de divinitésvénérées en Arabie.

Le rassemblement des tribus à La Mecquependant le mois de trêve sacrée est aussimarqué par des joutes de poésie. L’art de laparole pratiqué selon les règles trèscomplexes et très strictes de la poésie arabeest pratiquement la seule forme d’art queconnaissent les Arabes de cette époque.Chaque tribu est représentée par son poète,qui devient ainsi un personnage important,au même titre que le shaykh (chef de la tribu)et le kahin (devin). Le fait d’être loué par unpoète assure une sorte de survie dans lamémoire des générations à venir. Cela estd’autant plus important que ces gens nesavent pas trop à quoi s’en tenir par rapportà ce qui se passe après la mort.

11

_______________6 Voir pages 33, 43 et 44.7 Pierre plate qui porte une inscription, des ornements sculptés.

Jean-RenéM

ilot

Page 17: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

12

Le contexte que nousvenons d’évoquer estcelui qui voit naîtreMahomet, à La Mec-que, vers 570 ap. J.-C.Le père de Mahomet,Abdallah, appartient àun clan respecté maispauvre et sans influ-ence. Il meurt quelquetemps avant la naissance

de Mahomet, qui est élevé par songrand-père. À l’âge de six ans,Mahomet se retrouve orphelin àla mort de sa mère Amina et deson grand-père. Il est alorspris en charge par son onclepaternel Abou Talib, con-formément à la coutume.

Devenu jeune adulte,Mahomet gagne savie comme cara-vanier. Reconnucomme unhomme fiableet compétent,il gagne lafaveurd’unericheveuve,Khadidja, pour qui iltravaille. Elle s’offre à lui enmariage et ils s’épousent en595.

Malgré l’aisance et la sécurité que lui procurece mariage, Mahomet semble préoccupé par

quelque chose d’autre. Il se retire souventdans une grotte du mont Hira, près de LaMecque, pour y méditer. C’est là qu’il reçoitles premières révélations, en 610. En mêmetemps qu’il lui transmet les révélations,l’ange Gabriel lui ordonne de les «réciter» àses compatriotes; de là, le nom de «Coran»(en arabe: Qur’an, récitation) donné à cesrévélations reçues et transmises parMahomet.

Mer Rouge

Golfe Persique

• La Mecque

610610Les premiLes premièèresres

rréévvéélalationstions

L’ange Gabriel selonune miniaturepersane.

Page 18: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

13

_______________8 Voir pages 20 et 21.9 Le calcul des correspondances entre les dates du calendrier musulman («A.H.», année de l’Hégire) et les dates ducalendrier chrétien («A.D.», Anno Domini ou «après J.-C.») est compliqué du fait que l’année musulmane comporte 12mois lunaires ou 354 jours, si bien qu’il y a environ 103 années musulmanes dans chaque siècle du calendrierchrétien. Il faut donc s’en remettre à des tables toutes faites qui fournissent ces correspondances.

622622LL’’ H Héégiregire

D’abord perplexe quant à la provenance deces révélations, Mahomet hésite à trans-mettre les messages qu’il reçoit. On lecomprend facilement: le message n’est pastrès commode à livrer, car il interpelle lespuissants de La Mecque, qui risquent de s’enprendre au messager. De fait, c’est ce qui seproduit quand

Mahomet proclame que le butde cette vie n’est pas des’enrichir mais de se soumettreà Allah. À cet avertissements’ajoute bientôt lacondamnation des idoles et desdivinités vénérées dans lesanctuaire de la Ka ba, car Allahest le seul et unique vrai dieu.

Le message heurte ainsi de front les deuxbases de la puissance de La Mecque: laprospérité commerciale et l’attrait qu’exercele sanctuaire avec ses divinités.

Quelques Mecquois répondent positivementà l’appel du Prophète: ce sont les premiers«musulmans», ceux qui adoptent et profes-sent l’Islam en se soumettant à Allah. Mais laplupart des familles puissantes se rebiffent;certains se moquent de Mahomet en l’accu-sant d’être un piètre devin ou encore unpoète minable8. Les mesures de pression semultiplient contre les musulmans, au pointoù un groupe d’entre eux émigre versl’Abyssinie en 615.

L’année 619 est une période d’épreuves pourMahomet: la mort de son épouse Khadidja leprive d’un soutien indéfectible, tandis que lamort de son oncle Abou Talib lui enlèvetoute protection familiale face à sesadversaires. Craignant pour sa vie et pour lasurvie du message, Mahomet doit serésoudre à quitter La Mecque et à s’expatrierà Yathrib avec ses compagnons musulmans,en 622. Cette date marque le début ducalendrier musulman, qu’on appelle «l’èrede l’Hégire» («A.H.»)9, d’après le termearabe hidjra, qui signifie «migration».

Page 19: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

14

Mort d’Abdallah, père de Mahomet.

Dates Événements

570 Naissance de Mahomet à La Mecque.

576 Mort de sa mère Amina.

595 Mariage avec Khadidja.

610 Premières révélations.

615 Un groupe de musulmans émigre en Abyssinie.

619Mort de Khadidja (épouse de Mahomet).Mort d’Abou Talib (oncle de Mahomet).

sept. 622Hégire: émigration de Mahomet vers Médine = début de l’èremusulmane, du calendrier musulman («A.H.» = année de l’Hégire).

623La qibla (direction pour la prière) est changée: ce n’est plusJérusalem mais La Mecque.

mars 624 Bataille de Badr: victoire des musulmans sur les Mecquois.

mars 625 Bataille de Ohod: défaite des musulmans.

avril 627 «Guerre du fossé»: victoire des musulmans.

mars 628 Pacte de Hodaybiyya: Mahomet traite d’égal à égal avec les Mecquois.

mai-juin 628 Prise de l’oasis de Khaybar.

mars 629 Pèlerinage à La Mecque.

janv. 630 Prise de La Mecque.

630 «Année des délégations»: les tribus de l’Arabie se soumettent.

mars 632 «Pèlerinage d’adieu».

juin 632 Mort de Mahomet à Médine.

VIE DE MAHOMET

PRINCIPAUX ÉVÉNEMENTS

Page 20: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

Yathrib, une oasis verdoyante située àenviron 450 km au Nord de La Mecque,prendra par la suite le nom de Médine(madinat al-Nabi, «ville du Prophète»). Faitassez remarquable, Mahomet arrive àMédine non pas en réfugié, mais à titre dechef chargé d’arbitrer et de résoudre lesconflits qui divisent depuis longtemps lestribus de la ville. Ce statut lui est consenti àcause de sa réputation de négociateur et depacificateur, mais aussi parce que la majoritédes Médinois le reconnaissent commeProphète.

Les révélations continuentde parvenir à Mahomet,mais s’y ajoute unenouvelle dimension quicorrespond à sa nouvelleresponsabilité comme chefd’une communauté à lafois religieuse et socio-politique. Les révélationsapportent souvent desréponses aux problèmesconcrets que pose le passage de laprédication à la mise en pratique de l’Islam

15

Mer RougeGolfe Persique• Médine

N

E

Yathrib, une oasisverdoyante quideviendra Médine.

Page 21: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

_______________Multivisions

60

Page 22: LA TRADITION ISLAMIQUE...La tradition islamique Auteur Jean-RenéMilot,enseignantàl’UniversitéduQuébec àMontréaletàl’UniversitédeMontréal,etspécialisteen étudesislamiques

DANGER

LEPHOTOCOPILLAGE

TUE LE LIVRE

• La tradition chrétienne

• La tradition bouddhiste

• La tradition hindoue

• La tradition juive

• Le phénomène religieux

• Le guide des grandes religions