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La vertébroplastie percutanée permet un soulagement rapide en cas de tassement vertébral 105 à ce constat, la voie intranasale semble pouvoir constituer une alternative intéressante, comme le prouve le déve- loppement du fentanyl transmuqueux à travers le monde. Cependant, ces traitements sont actuellement réservés aux douleurs d’origine cancéreuse pour lesquelles un traite- ment de fond opioïde fort est déjà utilisé. Le recours à un opioïde fort intranasal ne pourrait-il pas s’envisager pour des douleurs aiguës sévères non cancéreuses, notam- ment post-traumatiques ? Probablement, mais la littérature scientifique reste encore pauvre sur ce sujet. L’étude obser- vationnelle [1] menée par des urgentistes de Salt Lake City (Utah, États-Unis) offre donc des perspectives intéressantes. Les auteurs ont choisi d’utiliser le sufentanyl, molécule cinq à huit fois plus puissante et deux fois plus lipophile que le fentanyl, dont la demi-vie courte (15 à 20 minutes) est manifestement un atout. Au total, 40 patients (32 ans d’âge moyen) admis dans le cadre de fractures ou luxa- tions de membres ont bénéficié de 0,5 g/kg de sufentanyl intranasal. Les principales constatations furent les sui- vantes : l’intensité douloureuse moyenne était de 9 sur 10 avant traitement, 4,3 après dix minutes puis 3,3 après 20 et 30 minutes ; le traitement a été efficace chez 95 % des patients (n = 38), trois patients (déjà consommateurs d’antalgiques) ont eu recours à une seconde dose. Seuls deux patients n’ont ressenti aucun soulagement malgré deux doses ; soixante dix-huit pour cent des patients interrogés ont jugé ce traitement comme « très satisfaisant » ; les effets secondaires sont restés peu fréquents et transi- toires : trois cas de vertiges, un cas de vomissement et un cas d’hypoxie (saturation en oxygène inférieure à 88 %). Aucun épisode d’hypotension artérielle ou de bradypnée n’a été noté. Ces résultats sont prometteurs et permettent d’envisager le recours aux opioïdes forts les plus lipophiles, de fac ¸on non invasive, dans le cadre de l’urgence. D’autres études sont bien sûr nécessaires avant d’en arriver là. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela- tion avec cet article. Référence [1] Steenblik J, Goodman M, Davis V, Gee C, Hopkins CL, Stephen R, et al. Intranasal sufentanil for the treatment of acute pain in a winter resort clinic. Am J Emerg Med 2012;30:1817—21. Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] Rec ¸u le 28 janvier 2013 ; accepté le 8 evrier 2013 Disponible sur Internet le 27 mars 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.02.002 La vertébroplastie percutanée permet un soulagement rapide en cas de tassement vertébral The percutaneous vertebroplasty provides a fast pain relief in case of vertebral fracture En cas de fracture vertébrale, la douleur peut être difficile à soulager, y compris par des opioïdes forts. La vertébroplas- tie percutanée est une méthode peu invasive : elle consiste en l’injection, guidée par imagerie, d’un ciment acrylique au sein même de la vertèbre. Entre 2002 et 2008, six centres italiens membres de l’équipe européenne de recherche sur la vertébroplastie (EVEREST en anglais) ont pu suivre 4547 patients traités pour 13 437 fractures vertébrales, chez qui la douleur était insuffisamment contrôlée par le trai- tement médicamenteux [1]. Au bout de 48 heures, 88 % des patients obtenaient un soulagement significatif (défini par une diminution de l’intensité douloureuse d’au moins 2 sur une échelle numérique de 0 à 10). La majorité des patients (73 %) présentaient une fracture d’origine ostéopo- rotique : l’intensité douloureuse moyenne à 48 heures était de 1,8 sur 10, contre 7,7 sur 10 avant vertébroplastie. Les résultats étaient comparables lorsqu’il s’agissait de méta- stases osseuses fracturaires (14 % des patients : 1,7 contre 8,8) ou après un traumatisme (5 % des cas : 1,4 contre 7,4). Dans tous les cas, l’évolution était statistiquement très significative (p < 0,001). Après un an de suivi, les inten- sités douloureuses étaient comparables à celles obtenues 48 heures après la vertébroplastie. Parmi les 4547 patients, 10,5 % ont bénéficié d’au moins un nouveau geste, du fait d’une nouvelle fracture, surtout en cas d’ostéoporose. Ce chiffre est comparable au risque de la population géné- rale présentant une ostéoporose. Les complications de cette technique ont concerné un patient sur trois, mais toutes sont restées mineures, aucun patient n’a présenté de complication neurologique. En l’absence de groupe témoin, cette étude ne permet pas de répondre à la question : la vertébroplastie est-elle plus efficace que le traitement conventionnel, notamment sur le long terme ? En revanche, elle apporte de nets arguments en faveur d’un bon rapport bénéfice—risque pour soulager rapidement la douleur aiguë d’une fracture vertébrale. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela- tion avec cet article. Référence [1] Anselmettia GC, Marcia S, Saba L, Muto M, Bonaldi G, Carpeg- giani P, et al. Percutaneous vertebroplasty: multi-centric results from EVEREST experience in large cohort of patients. Eur J Radiol 2012;81:4083—6. Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected]

La vertébroplastie percutanée permet un soulagement rapide en cas de tassement vertébral

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Page 1: La vertébroplastie percutanée permet un soulagement rapide en cas de tassement vertébral

La vertébroplastie percutanée permet un soulagement rapide en cas de tassement vertébral 105

à ce constat, la voie intranasale semble pouvoir constituerune alternative intéressante, comme le prouve le déve-loppement du fentanyl transmuqueux à travers le monde.

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Cependant, ces traitements sont actuellement réservés auxdouleurs d’origine cancéreuse pour lesquelles un traite-ment de fond opioïde fort est déjà utilisé. Le recours àun opioïde fort intranasal ne pourrait-il pas s’envisagerpour des douleurs aiguës sévères non cancéreuses, notam-ment post-traumatiques ? Probablement, mais la littératurescientifique reste encore pauvre sur ce sujet. L’étude obser-

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vationnelle [1] menée par des urgentistes de Salt Lake City(Utah, États-Unis) offre donc des perspectives intéressantes.Les auteurs ont choisi d’utiliser le sufentanyl, moléculecinq à huit fois plus puissante et deux fois plus lipophileque le fentanyl, dont la demi-vie courte (15 à 20 minutes)est manifestement un atout. Au total, 40 patients (32 ansd’âge moyen) admis dans le cadre de fractures ou luxa-tions de membres ont bénéficié de 0,5 �g/kg de sufentanylintranasal. Les principales constatations furent les sui-vantes :• l’intensité douloureuse moyenne était de 9 sur 10 avant

traitement, 4,3 après dix minutes puis 3,3 après 20 et30 minutes ;

• le traitement a été efficace chez 95 % des patients (n = 38),trois patients (déjà consommateurs d’antalgiques) ont eurecours à une seconde dose. Seuls deux patients n’ontressenti aucun soulagement malgré deux doses ;

• soixante dix-huit pour cent des patients interrogés ontjugé ce traitement comme « très satisfaisant » ;

• les effets secondaires sont restés peu fréquents et transi-toires : trois cas de vertiges, un cas de vomissement et uncas d’hypoxie (saturation en oxygène inférieure à 88 %).Aucun épisode d’hypotension artérielle ou de bradypnéen’a été noté.

Ces résultats sont prometteurs et permettent d’envisagerle recours aux opioïdes forts les plus lipophiles, de facon noninvasive, dans le cadre de l’urgence. D’autres études sontbien sûr nécessaires avant d’en arriver là.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Référence

[1] Steenblik J, Goodman M, Davis V, Gee C, Hopkins CL, StephenR, et al. Intranasal sufentanil for the treatment of acute pain ina winter resort clinic. Am J Emerg Med 2012;30:1817—21.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,36000 Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Recu le 28 janvier 2013 ;accepté le 8 fevrier 2013

Disponible sur Internet le 27 mars 2013

http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.02.002

oulager, y compris par des opioïdes forts. La vertébroplas-ie percutanée est une méthode peu invasive : elle consisten l’injection, guidée par imagerie, d’un ciment acryliqueu sein même de la vertèbre. Entre 2002 et 2008, six centrestaliens membres de l’équipe européenne de rechercheur la vertébroplastie (EVEREST en anglais) ont pu suivre547 patients traités pour 13 437 fractures vertébrales, chezui la douleur était insuffisamment contrôlée par le trai-ement médicamenteux [1]. Au bout de 48 heures, 88 %es patients obtenaient un soulagement significatif (définiar une diminution de l’intensité douloureuse d’au moins

sur une échelle numérique de 0 à 10). La majorité desatients (73 %) présentaient une fracture d’origine ostéopo-otique : l’intensité douloureuse moyenne à 48 heures étaite 1,8 sur 10, contre 7,7 sur 10 avant vertébroplastie. Lesésultats étaient comparables lorsqu’il s’agissait de méta-tases osseuses fracturaires (14 % des patients : 1,7 contre,8) ou après un traumatisme (5 % des cas : 1,4 contre 7,4).ans tous les cas, l’évolution était statistiquement trèsignificative (p < 0,001). Après un an de suivi, les inten-ités douloureuses étaient comparables à celles obtenues8 heures après la vertébroplastie. Parmi les 4547 patients,0,5 % ont bénéficié d’au moins un nouveau geste, du fait’une nouvelle fracture, surtout en cas d’ostéoporose. Cehiffre est comparable au risque de la population géné-ale présentant une ostéoporose. Les complications deette technique ont concerné un patient sur trois, maisoutes sont restées mineures, aucun patient n’a présenté deomplication neurologique. En l’absence de groupe témoin,ette étude ne permet pas de répondre à la question :a vertébroplastie est-elle plus efficace que le traitementonventionnel, notamment sur le long terme ? En revanche,lle apporte de nets arguments en faveur d’un bon rapporténéfice—risque pour soulager rapidement la douleur aiguë’une fracture vertébrale.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférence

1] Anselmettia GC, Marcia S, Saba L, Muto M, Bonaldi G, Carpeg-giani P, et al. Percutaneous vertebroplasty: multi-centric resultsfrom EVEREST experience in large cohort of patients. Eur J

Radiol 2012;81:4083—6.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

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ouleur en soins palliatifs : en avant lausique !

ain in palliative care: Let the music play!

es patients en soins palliatifs souhaitent que leur douleuroit prise en charge mais aussi qu’il soit tenu compte deeur qualité de vie. Les antalgiques agissent sur la dimensionensorielle de la douleur parfois au prix d’effets indé-irables (sédation, nausées, constipation) qui en limitent’utilisation. C’est tout l’intérêt d’approches non pharma-ologiques, notamment psycho-comportementales. Parmielles-ci, la musicothérapie, définie comme l’utilisation dea musique à des fins d’auto-efficience, dans un programmeontrôlé par une thérapeute formé, offre une méthodeimple, sans risque et à faible coût. Reste la question deon efficacité. De nombreux essais cliniques existent maiseurs résultats ne sont pas concluants (pas de protocoletandardisé, pas de randomisation, pas de possibilité deouble insu placebo). C’est pourquoi une équipe améri-aine [1] a mené une étude entre 2009 et 2011 auprès de00 patients adultes en soins palliatifs hospitalisés, présen-ant une douleur d’intensité supérieure à 3 sur une échelleumérique (EN) de 0 à 10. Les patients ont été randomi-és en deux groupes : un groupe témoin avec traitementtandard (incluant des antalgiques) et un groupe inter-ention associant traitement standard et musicothérapie.es deux groupes bénéficiaient d’une séance de relaxation,uis d’un programme musical unique standardisé faisantntervenir un musicothérapeute. La douleur était évaluéear une infirmière assistante de recherche clinique avanta séance puis dix minutes après, grâce à une EN, une

Actualités

chelle comportementale (FLACC : Face, Legs, Activity,ry, Consolability) et une échelle fonctionnelle (FPS : deupportable à insupportable). Une diminution significativee l’intensité douloureuse (−1,4 p < 0,0001) et du scorePS (−0,5 p < 0,0001) a été observée dans le groupe musi-othérapie. En revanche, il n’existait pas de différencentre les deux groupes pour le score FLACC (−0,3 p > 0,5).es auteurs concluent qu’un programme de musicothérapienique, standardisé, associé à la relaxation est efficace pouréduire la douleur des patients en soins palliatifs. La taillee la population étudiée et la qualité de la méthodologieont la force de cette étude. Ces résultats sont-ils durablesprès une séance ? Sont-ils reproductibles ? Sont-ils dépen-ants de la présence physique du thérapeute ? Observe-t-onne diminution de la consommation d’antalgiques ? Autante questions posées pour d’autres études. . .

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférence

1] Gutgsell KJ, Schluchter M, Margevicius S, DeGolia PA, McLaugh-lin B, Harris M, et al. Music therapy reduces pain in palliativecare: a randomized controlled trial. J Pain Symptom Manage2012 http://dx.doi.org/10.1016/j.jpainsymman.2012.05.008

Christian DufrèneÉquipe mobile de soins palliatifs, centre

hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail :[email protected]

Recu le 28 janvier 2013 ;accepté le 8 fevrier 2013

Disponible sur Internet le 27 mars 2013

ttp://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.02.004