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1 MAE EN APPRENTISSAGE MANAGEMENT DES PROJETS INTERNATIONAUX ET INNOVATION MEMOIRE DACTIVITE « L’ENTREPRISE INTELLIGENTE : LES COLLABORATEURS SONTILS MOTEURS DE SA TRANSFORMATION INTERNE ? » REDIGE ET SOUTENU PAR : PAULINE VAÏSSE PROMOTION 2016 TUTEUR PEDAGOGIQUE : VERONIQUE ATTIASDELATTRE MAITRE DAPPRENTISSAGE : ANNE PIZET DATE DE LA SOUTENANCE : 7 SEPTEMBRE 2016

«L’ENTREPRISE’INTELLIGENTE’:LES ......interactions qui peuvent procurer un avantage concurrentiel unique à la firme2. Consciente de cet atout différenciant, l’entreprise

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MAE  EN  APPRENTISSAGE  MANAGEMENT  DES  PROJETS  INTERNATIONAUX  ET  

INNOVATION  

MEMOIRE  D’ACTIVITE    

 

«  L’ENTREPRISE  INTELLIGENTE  :  LES  COLLABORATEURS  SONT-­‐ILS  MOTEURS  DE  

SA  TRANSFORMATION  INTERNE  ?  »    

 

REDIGE  ET  SOUTENU  PAR  :    PAULINE  VAÏSSE  PROMOTION  2016    

 

TUTEUR  PEDAGOGIQUE  :    VERONIQUE  ATTIAS-­‐DELATTRE  

MAITRE  D’APPRENTISSAGE  :    ANNE  PIZET  

 DATE  DE  LA  SOUTENANCE  :    7  SEPTEMBRE  2016  

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L'UNIVERSITE  N'ENTEND  DONNER  AUCUNE  APPROBATION  NI  IMPROBATION  AUX  OPINIONS  EMISES  DANS  CE  MEMOIRE  D’ACTIVITE  :  CES  OPINIONS  DOIVENT  ETRE  

CONSIDEREES  COMME  PROPRES  A  LEUR  AUTEUR.    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Remerciements

Je remercie toute l’équipe pédagogique de l’IAE de Paris et en particulier

Véronique, ma tutrice pédagogique, qui m’a apportée de précieux conseils pour

mener à bien cette recherche.

Mes remerciements vont ensuite à Anne, ma maître d’apprentissage, qui m’a

encadrée avec enthousiasme et bienveillance tout au long de l’année.

Je remercie également Anne-Marie de m’avoir accueillie dans son équipe et

aiguillée dans ce projet de recherche.

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à ma famille, et en particulier à ma mère

Catherine, envers qui j’ai une reconnaissance infinie. Merci de m’avoir soutenue,

encouragée, et donner l’envie d’aller toujours plus loin.

Enfin, je tiens à remercier chaleureusement Ettore pour sa patience, son soutien, ses

conseils et ses encouragements, tout au long de cette année d’apprentissage.

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Sommaire

REMERCIEMENTS 3

SOMMAIRE 4

RESUME 7

INTRODUCTION GENERALE 8

PARTIE 1 11 L’ENTREPRISE INTELLIGENTE : QUELS ENJEUX ET QUELS LEVIERS DE TRANSFORMATION INTERNE ? 11

I. Les enjeux de l’entreprise dans son écosystème : satisfaire les attentes de ses parties prenantes en utilisant le digital comme accélérateur de la transformation 11

1. La responsabilité de l’entreprise envers ses parties prenantes 11

1.1 Une prise en compte progressive des attentes des parties prenantes 11 1.1.1 L’origine de la notion de « parties prenantes » 12 1.1.2 La définition de la notion de « parties prenantes » 13 1.1.3 Vers une typologie de parties prenantes 14

1.2 La partie prenante interne : quelles attentes des collaborateurs et responsabilités de l’entreprise ? 15

1.2.1 L’émergence d’une GRH socialement responsable 15 1.2.3 Respecter les droits fondamentaux de l’être humain 16 1.2.4 Encourager le développement des compétences et l’adaptation au changement 17 1.2.5 Favoriser l’accomplissement des employés et susciter leur engagement 18

2. La digitalisation de l’entreprise, une opportunité à la transformation 19

2.1 Qu’entend-on par « digitalisation » ? 20 2.2 De nouveaux outils à la disposition des collaborateurs 20 2.3 L’impact de ces nouveaux outils sur nos façons de travailler 21

2.3.1 Favoriser la collaboration 21 2.3.2 Interconnecter les individus et les groupes 22 2.3.3 Faciliter le partage de connaissances et le dialogue 22

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II. Les piliers du développement d’un modèle intelligent 23

1. Favoriser la transversalité avec des dispositifs organisationnels adaptés 23

1.1 Qu’entend-on par dispositifs organisationnels ? 23 1.2 Une évolution des dispositifs organisationnels vers plus de transversalité 24

1.2.1 Une évolution de la structure pour répondre à des objectifs tournés vers l’extérieur 24 1.2.2 L’instauration de mécanismes visant à renforcer le partage de connaissances et la collaboration 25 1.2.3 Une évolution de la gouvernance 26

2. Développer l’agilité pour accroitre flexibilité et réactivité 27

2.1 L’agilité comme méthodologie 27 2.1.1 Une nouvelle méthode de management de projets 27 2.2.2 L’approche SCRUM, méthode agile la plus courante 28

2.2 L’agilité comme nouvelle façon de penser l’entreprise 28 2.2.1 Un nouvel état d’esprit 28 2.2.2 La diffusion de l’état d’esprit agile en entreprise 29

3. Promouvoir l’innovation collaborative 30

3.1 Quelques définitions 30 3.1.1 Qu’est-ce que l’innovation ? 30 3.1.2 Qu’entend-on par « innovation collaborative » ? 31

3.2 L’innovation collaborative pour les salariés 32 3.2.1 Les enjeux de l’innovation collaborative salariale 32 3.2.2 Les 3 états de l’innovation salariés 33

4. Remettre le savoir et l’intelligence au cœur de la culture de l’entreprise 34

4.1 Les différentes facettes de l’apprentissage en entreprise 35 4.2 D’une intelligence individuelle à une intelligence collective 36

4.2.1 Qu’est ce que l’intelligence collective ? 36 4.2.2 Comment stimuler l’intelligence collective ? 37

5. Une nouvelle culture de management 38

5.1 Faire croitre les collaborateurs de son équipe 38 5.2 Etre au service de son équipe 39 5.3 Favoriser la dynamique collective et l’épanouissement des salariés 40 5.4 Transmettre une vision et des valeurs 40

PARTIE 2 44 CAS PRATIQUE : SWISS LIFE, ENTREPRISE INTELLIGENTE ? 44

I. Présentation de la démarche 44 1. Méthode de recherche 44

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2. Contexte et pertinence de la recherche 45 2.1 Présentation de l’entreprise Swiss Life 45 2.2 La pertinence du sujet au regard du contexte de l’entreprise Swiss Life 45 2.3 La partie prenante interne de Swiss Life 47

II. Le cas Swiss Life : une transformation progressive vers un modèle intelligent 48

1. Favoriser la transversalité avec des dispositifs organisationnels adaptés 48 1.1 Les limites de l’organisation divisionnalisée, structure formelle de Swiss Life 48 1.2 L’évolution des dispositifs organisationnels 49

1.2.1 Créer un environnement de travail propice à la collaboration 49 1.2.2 L’évolution de la structure de Swiss Life 50 1.2.3 La mise en place d’une nouvelle gouvernance 51

2. Développer l’agilité au sein de l’entreprise 52

2.1 La mise en place de la méthode agile chez Swiss Life 53 2.2 Les bienfaits du développement de l’agilité chez Swiss Life 54 2.3 Diffusion de la méthode agile chez Swiss Life : une démarche à petits pas 55

3. Promouvoir l’innovation collaborative 56

3.1 La mise en place de processus d’innovation collaborative 56 3.1.1 Une nouvelle façon d’innover 56 3.1.2 Les formes d’innovation collaborative en interne 57

3.2 La mise en œuvre des idées 58 3.3 Les vertus et difficultés de l’innovation collaborative 59

4. Favoriser la culture de l’apprentissage et de l’intelligence collective 60

4.1 Promouvoir une culture de l’apprentissage 61 4.1.1 Enrichir les compétences 61 4.1.2 Favoriser de nouveaux modes d’apprentissage 62

4.2 Promouvoir la circulation et la transmission des savoirs 63 4.2.1 La transmission des savoirs entre générations 64 4.2.2 Favoriser la mobilité interne 64

4.3 Favoriser l’intelligence collective 65 4.3.1 Développer les communautés de pratiques 65 4.3.2 Mettre en place un réseau social d’entreprise 66

5. Instaurer une nouvelle culture de management 67

5.1 Une évolution progressive de la culture managériale 67 5.2 Une expérience réussie de coaching au sein du département Digital Client 68

ANNEXES Annexe 1 : Guide d’entretiens 73 Annexe 2 : Retranscription d’entretien n°1 Error! Bookmark not defined. Annexe 3 : Retranscription d’entretien n°2 Error! Bookmark not defined. BIBLIOGRAPHIE 80

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Résumé

Face au contexte de crise économique, de mondialisation, et de concurrence

accrue, les organisations sont invitées à se repenser. En effet, elles ne peuvent plus

agir comme des acteurs indépendants ; elles doivent satisfaire les attentes des

différentes parties prenantes de leur écosystème en développant agilité et

adaptabilité.

Parallèlement, le digital impulse une nouvelle dynamique interne, en apportant des

outils de partage, de dialogue et de collaboration. De telle sorte que la digitalisation

devient une opportunité à la transformation.

Ainsi, comment l’entreprise peut-elle se transformer de l’interne pour devenir

intelligente, c’est à dire plus agile, innovante, participative ?

Ce mémoire d’activité a pour intention de proposer un modèle théorique

d’entreprise intelligente, composé de 5 piliers, sur lesquels l’entreprise peut s’appuyer

pour enclencher sa transformation intelligente.

Nous analysons ainsi successivement les dispositifs organisationnels, les méthodes de

travail, les processus et enfin les composantes culturelles.

Nous étudions ensuite le cas de l’entreprise Swiss Life, en évaluant la maturité de sa

transformation au regard du cadre théorique proposé.

 

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Introduction générale

Le contexte de crise économique, de mondialisation, et de concurrence accrue,

invite les organisations à se repenser pour évoluer. L’adaptation au changement, la

capacité réflexive et l’agilité, deviennent des qualités incontournables pour assurer

la pérennité de l’entreprise et sa compétitivité.

Mais comment les développer ?

Ce mémoire d’activité a pour intention de proposer une démarche de

transformation interne pour permettre aux organisations d’évoluer vers un modèle

plus « intelligent ».

Selon la définition proposée par le dictionnaire Larousse, l’intelligence est « l’aptitude

d’un être humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action en

fonction des circonstances ». Une entreprise intelligente serait ainsi une entreprise

capable d’adapter ses moyens et ses modes de fonctionnement à son

environnement.

L’entreprise intelligente n’est donc plus un système clos repliée sur elle-même : au

contraire, elle est parfaitement intégrée à son écosystème1. Poreuse à son

environnement, elle vise à satisfaire les différentes attentes de ses parties prenantes,

en s’appuyant avant tout sur sa première ressource : ses collaborateurs.

En effet, ce sont leurs potentiels, leurs savoirs et leurs connaissances mis en

interactions qui peuvent procurer un avantage concurrentiel unique à la firme2.

Consciente de cet atout différenciant, l’entreprise intelligente se donne pour mission

de libérer le talent et l’intelligence des hommes et des femmes qui la composent.

Elle favorise l’apprentissage, la circulation des connaissances, la transmission des

savoirs, la collaboration et les synergies, afin de stimuler l’intelligence collective.

1 L’écosystème d’une entreprise est composé de l’ensemble de ses parties prenantes.

2 Cette affirmation est basée sur la théorie des ressources (Resource Based View of the Firm) développée par B. Wernerfelt (1984).

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Pour cela, elle tire parti des apports du digital en impulsant une nouvelle dynamique

interne, plus participative et collaborative. De nouveaux outils de partage,

d’apprentissage et de dialogue viennent faciliter la transformation. De telle sorte

que le mouvement de digitalisation devient une opportunité supplémentaire pour

enclencher cette métamorphose.

Cette transformation interne touche à toutes les composantes de l’entreprise. Au

niveau de sa structure organisationnelle et de ses modes de fonctionnement interne,

l’entreprise intelligente vise l’agilité, l’adaptabilité et la souplesse. Dans ses relations

avec ses collaborateurs, et à travers sa culture, elle valorise la confiance,

l’autonomie et la responsabilisation, pour accroitre la satisfaction au travail et in fine

la performance de l’individu3. Surtout, cette transformation intelligente est porteuse

de sens : elle véhicule une vision partagée par tous et dont chacun peut être

l’ambassadeur.

A travers ce mémoire, nous souhaitons nous intéresser au chemin qui mène à cette

transformation intelligente. Explorer ce sujet sous l’angle de la transformation interne

et des collaborateurs nous semble particulièrement intéressant, dans la mesure où il

s’agit d’une perspective peu traitée.

Ainsi, comment l’entreprise peut-elle se transformer de l’interne pour développer un

modèle intelligent, c’est à dire plus agile, innovant et participatif ?

Pour répondre à cette problématique, nous avons scindé notre démonstration en

deux parties.

La première partie présente le cadre théorique : notre démarche vise à identifier

différents piliers sur lesquels l’entreprise peut s’appuyer pour devenir plus intelligente.

3 La synthèse de la littérature scientifique ci-dessous conclut à une nette corrélation entre satisfaction au travail et performance de l’individu. Judge T.A., Thoresen C.J., Bono J.E. et Patton G.K. (2001), « The job satisfaction - job performance relationship : A qualitative and quantitative review », Psychological Bulletin, 127(3), 376-407.

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Nous proposons ainsi un modèle théorique, un idéal-type4, pour mener cette

transformation interne.

Pour cela, nous nous intéresserons d’abord aux enjeux de la transformation, en

étudiant successivement la prise en compte des attentes des parties prenantes et les

apports du digital.

Dans un deuxième temps, nous proposons un modèle théorique d’entreprise

intelligente, composé de 5 piliers. Nous analysons ainsi successivement les dispositifs

organisationnels, les méthodes de travail, les processus et enfin les composantes

culturelles.

La deuxième partie de ce mémoire correspond à l’étude du cas pratique de

l’entreprise Swiss Life.

Dans un premier temps, nous présentons notre démarche et la pertinence de notre

sujet de recherche vis à vis de l’entreprise Swiss Life.

Ensuite, nous tentons d’évaluer la maturité de la transformation interne de Swiss Life

au regard de notre modèle théorique. Notre démonstration s’attache ainsi à mettre

en évidence les initiatives menées par Swiss Life dans chacun des 5 piliers de notre

modèle théorique.

Notre recherche s’appuie sur des études portant sur le management des

organisations. Elle est également irriguée par d’autres sources d’inspiration, comme

la psychologie positive et la psychologie cognitive.

4 L’idéal-type selon Max Weber, est “une construction intellectuelle dont, par définition, on ne rencontre aucun exemple dans la réalité, mais qui fonctionne comme modèle pour comprendre cette réalité”

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PARTIE 1 L’ENTREPRISE INTELLIGENTE : QUELS ENJEUX ET QUELS LEVIERS DE TRANSFORMATION INTERNE ?

I. Les enjeux de l’entreprise dans son écosystème : satisfaire les

attentes de ses parties prenantes en utilisant le digital comme

accélérateur de la transformation

1. La responsabilité de l’entreprise envers ses parties prenantes

1.1 Une prise en compte progressive des attentes des parties prenantes

L’une des facettes de l’entreprise intelligente est la satisfaction des attentes de ses

parties prenantes. En effet, selon la définition de l’entreprise intelligente proposée en

introduction, la firme n’est plus considérée comme une entité indépendante et

autonome, mais bien comme un acteur agissant au sein d’un écosystème. Ainsi,

l’entreprise intelligente est celle qui est parfaitement intégrée à son environnement :

elle parvient à combiner les attentes de ses différentes parties prenantes tout en

assumant pleinement la responsabilité de ses activités.

Pour bien comprendre ce changement de paradigme, il convient de s’intéresser à

la théorie des parties prenantes, popularisée dans les années 1960 avec l’ouvrage

majeur de Freeman5 et la multiplication d’études portant sur le champ de la RSE

(Responsabilité Sociale de l’Entreprise).

La théorie des parties prenantes propose une nouvelle réflexion sur la propriété et les

5 Freeman RE (1984), Strategic Management : a Stakeholder Approach, Pitman Series in Business and Public Policy, 276 p.

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objectifs de l’entreprise. Elle remet en cause les positions de Levitt (1958) et de

Friedman (1962, 1970), selon lesquelles la seule responsabilité de la firme est de faire

des profits6. Elle constitue la référence théorique dominante de la RSE.

1.1.1 L’origine de la notion de « parties prenantes »

Si le terme « stakeholder », généralement traduit par « parties prenantes », apparaît

dans les années 1960, les réflexions autour des relations entre la firme et son

écosystème émergent dès le début du XXème siècle.

En effet, dès 1916, Clark constate l’émergence d’une forme nouvelle de

responsabilité dans le monde économique. Il souligne le déplacement d’une

responsabilité individuelle étroite vers une prise en compte des autres et une

responsabilité élargie, c’est à dire une évolution « de l’individualisme vers le contrôle

public, de la responsabilité personnelle vers la responsabilité sociale » (1916, p. 210).

Quelques années plus tard, Mary Parker Follet (1918) est l’une des premières à mettre

en évidence l’importance de la bonne collaboration entre la firme et son

écosystème7, pour prévenir la naturelle conflictuelle des organisations.

Néanmoins, c’est dans l’ouvrage majeur de Berle & Means (1932) que la notion de

parties prenantes tire son origine (Mercier & Guinn-Milliot, 2003). En effet, ces derniers

constatent que les dirigeants sont soumis à une nouvelle pression sociale les

obligeant à reconnaître leurs responsabilités auprès de tous les acteurs pouvant être

affectés par les décisions de l’entreprise (1932 : 310).

Dodd poursuit, affirmant que les dirigeants ne doivent pas seulement prendre en

compte les préoccupations des actionnaires, mais aussi celles des salariés et de tous

les autres groupes affectés par l’entreprise, qu’il nomme « constituencies » (1932 :

6 Dans cette approche traditionnelle, les entreprises sont considérées comme des acteurs privés qui doivent agir dans le cadre de la loi et respecter la morale d’usage, sans pour autant exposer leurs décisions à l’examen public ou répondre de leurs comportements. Selon cette vision actionnariale, le bien être des actionnaires est l’essence même de l’existence de l’entreprise. Cette position stipule que d’autres institutions sont garants du bien-être social, tels que les gouvernements, églises, et syndicats.

7 L’écosystème de la firme est alors réduit à ses salariés, clients, et la communauté au sein de laquelle la firme agit.

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1148). Déjà, il identifie trois groupes d’intérêt concernés par les actions de

l’entreprise : les actionnaires, les salariés, les clients et le public. Il ajoute que la prise

en compte des attentes des salariés et des clients augmentera in fine les profits des

actionnaires (1932 : 1154).

1.1.2 La définition de la notion de « parties prenantes »

Le terme « stakeholder » apparaît pour la première fois en 1963 dans une note

interne du Standford Research Institute (Freeman, 1984 : 31). Selon la définition

donnée, une partie prenante est un individu ou un groupe d’individus indispensable

à la survie de l’entreprise. Cette approche souligne ainsi qu’une entreprise, pour

assurer sa pérennité, doit prendre en compte les attentes d’autres acteurs que ses

seuls actionnaires. Les groupes identifiés par le Standford Research Institute sont : les

actionnaires, les employés, les consommateurs, les fournisseurs, les détenteurs de

capitaux et la société.

Néanmoins, c’est en 1984 que le terme de parties prenantes est popularisé avec

l’ouvrage majeur de Freeman, qui propose une définition élargie de la notion de

partie prenante ; selon lui, il s’agit de « tout individu ou groupes d’individus qui peut

affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs d’une organisation ». Cette

notion de parties prenantes devient une référence dans la littérature en proposant

une nouvelle grille d’analyse des relations entre la firme et les acteurs de sa sphère

d’activité. Elle légitime l’intérêt que la firme doit donner à ses parties prenantes

puisque celles-ci peuvent avoir un impact sur la poursuite de ses objectifs.

Ainsi, la théorie des parties prenantes de Freeman offre une alternative à la vision

actionnariale de la firme selon laquelle seule la satisfaction des actionnaires importe.

En effet, l’entreprise n’est plus envisagée comme un système clos, mais bien comme

une entité intégrée à un écosystème, au sein duquel elle noue des relations avec ses

parties prenantes.

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Cette approche par les parties prenantes est au fondement de la responsabilité

sociale des entreprises, dans son aspect « business » ou managérial8. En effet, la prise

en compte des attentes des parties prenantes est perçue comme une condition de

la performance économique et elle est donc dans l’intérêt de l’entreprise et de ses

actionnaires.

1.1.3 Vers une typologie de parties prenantes

Afin de préciser le concept proposé par Freeman et de dresser un inventaire des

parties prenantes, certains auteurs ont proposé des typologies de parties prenantes.

Ainsi, Caroll (1979) distingue les parties prenantes primaires - celles directement

impliquées dans le processus économique et ayant un contrat explicite avec

l’entreprise (les actionnaires, salariés, clients et fournisseurs) - des parties prenantes

secondaires. Ces dernières ont des relations volontaires ou non avec l’entreprise,

dans le cadre d’un contrat plutôt implicite ou moral (ONG, collectivités territoriales,

etc).

Clarkson (1995), identifie quant à lui les parties prenantes volontaires et involontaires.

Les parties prenantes volontaires ont investi une forme de capital humain ou

financier dans la firme, et encourent de ce fait un risque. Les parties prenantes

involontaires, subissent quant à elles les risques des activités de la firme sans avoir lié

de relations contractuelles avec elle.

Ainsi, chaque entreprise noue des relations avec de nombreuses parties prenantes.

Selon l’ORSE9 et le CSR Europe10, les parties prenantes comprennent une large

variété d’acteurs, tels que :

• La communauté financière : actionnaires, investisseurs, agences de notation

8 Une autre approche de la RSE, davantage « éthique », vise à analyser les obligations morales de l’entreprise vis à vis de ses parties prenantes. Cette dimension ne rentre pas dans le champ d’analyse de cette recherche.

9 Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises

10 The European Business Network for Corporate Social Responsability

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• Les clients et consommateurs

• Les fournisseurs et sous-traitants

• Les salariés

• Les partenaires sociaux

• Les communautés locales et autorités locales

• Les autorités publiques : gouvernement et organisations publiques

internationales

• La société civile : ONG, associations, réseaux

• Autres : médias, organisations professionnelles, organismes de formation et de

conseils

Dans la suite de ce mémoire, nous souhaitons nous concentrer uniquement sur la

partie prenante interne, c’est à dire les collaborateurs de l’entreprise. En effet, les

salariés sont la première ressource de l’entreprise, et donc les premiers acteurs de la

transformation interne.

1.2 La partie prenante interne : quelles attentes des collaborateurs et

responsabilités de l’entreprise ?

Nous souhaitons identifier ici les principaux défis auxquels doit répondre l’entreprise

pour satisfaire au mieux sa partie prenante interne, ses collaborateurs. En effet, c’est

en répondant aux attentes des salariés, en leur offrant les outils pour se mobiliser et

l’envie de s’impliquer, que les collaborateurs pourront devenir les moteurs de la

transformation intelligente de leur entreprise.

1.2.1 L’émergence d’une GRH socialement responsable

La Gestion des Ressources Humaines (GRH), via sa position transversale au sein des

organisations, son rôle d’acteur du changement, du management des hommes et

sa connaissance privilégiée des préoccupations internes, est un acteur clé pour

transformer l’entreprise de l’interne. De telle sorte que la GRH traditionnelle se

transforme en une « GRH socialement responsable » dont nous tenterons de dessiner

les contours.

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Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de Beaupré et al (2008) qui ont

cherché à définir la GRH dans une perspective de RSE. La GRH socialement

responsable est « celle qui consiste à travers différentes politiques et pratiques à

protéger les employés, à reconnaître justement leur valeur (potentiel, compétences,

contributions) et à la faire croître »11.

A partir de cette définition, Barthe et Belabbes (2016) ont identifié les défis majeurs

auxquels tentait de répondre une GRH socialement responsable. Dans le cadre de

cette partie, nous souhaitons nous concentrer sur les trois défis identifiés suivants :

• Respecter les droits fondamentaux de l’être humain (intégrité physique et

mentale, égalité des droits, conditions de travail satisfaisantes etc.) ;

• Encourager le développement des compétences et l’adaptation aux

changements ;

• Favoriser l’accomplissement des employés et susciter leur engagement.

1.2.3 Respecter les droits fondamentaux de l’être humain

Nous considérons cette première mission comme primaire, indispensable, afin de

constituer le socle interne sur lequel déployer notre modèle intelligent.

Plusieurs sujets de cette thématique font déjà l’objet d’une réglementation

conséquente. Il s’agit tout d’abord de l’équité de traitement, notamment en termes

d’égalité de salaires (loi de 1972 sur l’égalité de salaires entre les hommes et les

femmes, Loi Rudy 1983, Loi Génisson 2001, Loi du 24 mars 2006) et d’égalité des

chances (Loi 2006). Par ailleurs, la promotion de la diversité et la prévention de la

discrimination imposent aux entreprises de prendre en compte la diversité des profils

et d’effectuer la sélection des candidats sans utiliser de critères interdits par la loi.

D’autres enjeux, plus caractéristiques des nouvelles générations et de l’évolution de

la société, font l’objet d’une attention grandissante. Ainsi, la question de la ré-

humanisation de l’emploi (l’enrichissement des tâches) vise à améliorer la qualité et

11 Cité par : Nicole Barthe, Kaoutar Belabbes, « La « GRH socialement responsable » : un défi pour les entreprises engagées dans une démarche RSE », Management & Avenir 2016/1 (N° 83), p. 106

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l’intérêt porté au travail effectué, tout en augmentant la productivité. De même, la

recherche d’un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée (Crane

et Matten, 2007) tend à une surveillance accrue du respect des temps de repos et à

l’instauration de méthodes de travail plus flexibles, comme le télétravail.

1.2.4 Encourager le développement des compétences et l’adaptation au changement

La deuxième mission d’une GRH socialement responsable est primordiale : elle

consiste à libérer le potentiel de ses collaborateurs, à garantir leur employabilité et à

attirer les talents.

Cette mission est cruciale, si l’on en croit la théorie des ressources (Resource Based

View of the Firm) développée par Wernerfelt dans les années 1980. D’après cet

auteur, la ressource interne de l’entreprise – c’est à dire ses collaborateurs – procure

un avantage concurrentiel et compétitif à la firme puisqu’elle est rare, inimitable et

non remplaçable. Cette théorie rejoint la vision que nous partageons ici : les

collaborateurs représentent la ressource privilégiée de l’entreprise sur laquelle elle

doit s’appuyer pour mener sa transformation interne.

Le premier enjeu est donc de parvenir à libérer le potentiel de chacun, en

garantissant la formation tout au long de la vie (obligation légale depuis 2004). Parmi

les objectifs principaux figurent le développement et l’amélioration des

compétences internes, élément décisif de compétitivité mais aussi de rétention et

d’attraction des talents. Les firmes disposent d’ailleurs d’un arsenal de dispositifs

légaux pour organiser ces plans de formation, comme le bilan de compétences, la

validation des acquis de l’expérience, le droit individuel de formation ou encore

l’entretien professionnel.

En outre, les entreprises portent un intérêt particulier à l’employabilité, un indicateur

qui détermine la capacité d’un collaborateur à se maintenir dans l’emploi. A travers

leurs plans de formation, les firmes visent à préserver ou à améliorer cette capacité,

tout en développant les savoir-faire interne de la firme. Le corolaire de

l’employabilité, la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (Peretti,

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2011), tend enfin à gérer les collaborateurs par les compétences avec pour buts de

réduire les licenciements et de garantir l’employabilité des salariés.

Enfin, d’autres initiatives volontaires voient le jour, comme la transmission des

connaissances entre générations ou l’instauration de modes d’organisation et des

méthodes de travail favorables au partage des connaissances et à l’apprentissage.

Nous reviendrons sur ces initiatives plus loin.

1.2.5 Favoriser l’accomplissement des employés et susciter leur engagement Enfin, l’amélioration du bien-être des salariés constitue le troisième enjeu majeur,

avec pour ambition de favoriser l’accomplissement des employés et de susciter leur

engagement.

Le sentiment d’accomplissement des collaborateurs est étroitement lié à la notion

de bien-être, telle que théorisée par l’économie du bien-être de Pareto et Pigou

(1908). En effet, le bien-être social correspond à la maximisation du niveau de

satisfaction atteint par les individus ; il correspond à un état de plaisir, à la réalisation

de soi, à l’harmonie dans sa relation avec les autres.

L’accroissement du bien-être des salariés constitue un nouvel enjeu de taille pour les

entreprises, d’autant plus qu’elles sont le lieu le plus propice à l’accomplissement

personnel. En effet, le professeur de psychologie émérite Mihaly Csikszentmihalyi, a

montré que le point culminant de la satisfaction d’un individu se caractérise par

« l’expérience optimale », un état psychologique dans lequel se trouve un individu

fortement engagé dans une activité pour elle-même (Csikszentmihalyi, 2004).

Contrairement aux idées reçues, le travail offrirait bien plus d’opportunités de

connaître ces forts moments d’épanouissement que les loisirs : en effet, 54% du

temps passé au travail se déroulerait en condition d’expérience optimale, contre

18% aux loisirs12. Le travail serait donc le meilleur lieu pour satisfaire son désir

d’accomplissement.

12 Csikszentmihalyi M. (2004), Vivre, la psychologie du bonheur, Paris, Robert Laffon, p.169, cité par Jacques Lecomte. (2016), Les entreprises humanistes, Paris, Editions des Arènes, p.24.

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19

En outre, d’après plusieurs enquêtes et synthèses académiques, la satisfaction au

travail aurait un impact positif sur la performance de l’individu13, ainsi que sur

l’engagement des salariés14, réduisant le nombre d’accidents au travail et de

turnover.

L’engagement des salariés est une dimension particulièrement importante en

période de transformation. En effet, selon Peretti et Uzan (2011), la transformation

responsable de l’entreprise doit nécessairement impliquer l’engagement durable de

tous les salariés (Barthe et Belabbes, 2016).

De plus, l’engagement organisationnel permettrait d’augmenter l’efficacité de la

firme et de diminuer certains coûts, comme les couts liés à la gestion des conflits et à

la démotivation des salariés (Barthe et Belabbes, 2016).

La prise en compte des attentes des salariés constitue donc bien un enjeu majeur

pour la firme, d’autant plus qu’elle lui bénéficie en retour, par un mécanisme

« gagnant-gagnant » presque systématique.

Si nous sommes persuadés que le développement de l’entreprise intelligente ne

peut avoir lieu sans une forte mobilisation de l’interne, il convient de noter que le

mouvement de digitalisation des entreprises a constitué une opportunité

supplémentaire pour enclencher définitivement cette transformation « intelligente ».

2. La digitalisation de l’entreprise, une opportunité à la transformation

La digitalisation de l’entreprise, en apportant de nouveaux outils de collaboration,

de partage et de dialogue, contribue à faire évoluer nos modes de fonctionnement

interne vers plus de réactivité et de coopération.

13 Judge T.A., Thoresen C.J., Bono J.E. et Patton G.K. (2001), « The job satisfaction - job performance relationship : A qualitative and quantitative review », Psychological Bulletin, 127(3), 376-407.

14 Harter J.K.,Schmidt F.L et Hayes T.L. (2002), « Business-unit-level relationship between employee satisfaction, employee engagement, and business outcomes : A meta-analysis », Journal of Applied Psychology, 87 (2), 268-279.

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2.1 Qu’entend-on par « digitalisation » ?

Dès le début du XXIème siècle, Stiglitz perçoit que le développement de l’économie

de l’information et du digital va révolutionner le monde du travail : « perhaps the

most important break with the past – one that leaves open huge areas for future

work – lies in the economics of information » (Stiglitz, 2000, p.1441).

A l’origine, le terme de digitalisation désigne l’acte de convertir un support en

données numériques.

Progressivement, à partir de 2012, la digitalisation acquiert une définition plus

spécifique. Ainsi, selon une étude menée par 360learning, « la digitalisation d’une

entreprise est la transformation de cette entreprise qui mène à l’utilisation

généralisée des technologies numériques et des usages du web, à l’intérieur de

l’entreprise mais aussi dans les interactions avec son écosystème »15.

Ainsi, la digitalisation est un projet global, qui transforme l’entreprise dans l’ensemble

de ses modes de fonctionnement. On observe ses effets à deux niveaux :

- d’une part, il génère des changements en interne, en modifiant les processus

internes et les méthodes de travail des collaborateurs aux quotidiens ;

- d’autre part, il impacte la manière dont les entreprises interagissent avec leur

écosystème, c’est à dire avec leurs parties prenantes.

Nous étudierons ici le premier aspect, c’est à dire l’impact de la digitalisation sur les

collaborateurs.

2.2 De nouveaux outils à la disposition des collaborateurs

Si les outils de travail traditionnels mis à disposition des salariés (mail, téléphone, suite

bureautique) continuent d’exister, leurs limites commencent à se faire sentir : boite

15 360Learning, « Comment digitaliser l’entreprise ? ».

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21

mail et vocales saturées, volume de stockage des documents important, documents

égarés au milieu des mails… ces désagréments quotidiens réduisent la productivité

des collaborateurs et leur capacité à travailler ensemble efficacement.

Pour pallier ces limites, les entreprises se dotent d’outils modernes venant enrichir les

fonctionnalités traditionnelles, avec à la clé : la recherche accrue d’efficacité, de

partage, et surtout, de collaboratif.

JEMM Research identifie quatre nouveaux types d’outils mis à la disposition des

collaborateurs16 :

- des outils de productivité de plus en plus sophistiqués (suites bureautiques

optimisées)

- des outils de collaboration (blogs, wikis, outils de partage de connaissances…)

- des moyens de communication (conférence en ligne, messagerie instantanée…)

- des espaces communautaires d’expertise et de savoir-faire (réseaux sociaux,

réseau social d’entreprise…).

L’introduction de ces nouveaux outils bouleverse nos façons de travailler, ainsi que le

fonctionnement de l’entreprise, en interne comme dans ses relations avec

l’extérieur.

2.3 L’impact de ces nouveaux outils sur nos façons de travailler

2.3.1 Favoriser la collaboration

La première évolution majeure est de permettre aux salariés de collaborer comme

jamais auparavant. Par « collaboration », nous entendons le fait de travailler

ensemble. Pour être plus précis, il s’agit d’ « un processus structuré et récursif où deux

ou plusieurs personnes travaillent ensemble, partagent des informations et des

connaissances, apprennent et bâtissent un consensus sur la réalisation d’un objectif

16 JEMM Research. (2010), « Entreprise intelligente 2010 : les pratiques de travail des collaborateurs de l’entreprise ».

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commun. La collaboration s’effectue avec un collègue, une équipe projet ou une

communauté.” (JEMM Research, 2010).

Pour faciliter cette collaboration, de nouveaux outils apparaissent en entreprise : des

outils de partage de documents, de plannings ; des réseaux sociaux d’entreprise ;

des plateformes collaboratives.

Nous reviendrons plus loin sur certains de ces outils.

2.3.2 Interconnecter les individus et les groupes

Par ailleurs, en abolissant les barrières géographiques et temporelles, ces outils ont la

capacité d’interconnecter les individus et les groupes à tout moment, en tout lieu, et

sur plusieurs appareils. Cette nouvelle dimension modifie les attentes des parties

prenantes qui s’inscrivent davantage dans l’instantanéité. Des outils de messagerie

en ligne ou chat sont d’ailleurs instaurés en entreprise, transformant la manière dont

les individus communiquent et collaborent.

2.3.3 Faciliter le partage de connaissances et le dialogue

Enfin, le digital propose aussi de nouveaux outils de dialogue et de réflexion - via par

exemple des blogs ou des réseaux sociaux d’entreprise - qui stimulent l’intelligence

collective et influent in fine sur la capacité d’innovation de l’entreprise. Ainsi, « le

système d’information est devenu un vecteur de transformation et le moteur du

changement de l’organisation » (JEMM Research 2010).

Ainsi, la digitalisation est une opportunité à la transformation interne de l’entreprise ;

en effet, cette dernière peut tirer parti des apports du digital pour faire évoluer les

modes de fonctionnement interne et instaurer de nouvelles méthodes de travail. De

plus, de nouveaux outils de dialogue facilitent la consultation et l’échange avec

toutes les parties prenantes, permettant à l’entreprise d’être mieux intégrée au sein

de son écosystème. Le digital, tel que nous le concevons, est donc un accélérateur

de la transformation.

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23

II. Les piliers du développement d’un modèle intelligent

Dans cette partie, et au vu des enjeux abordés précédemment, nous souhaitons

poser les fondements de notre modèle théorique d’entreprise intelligente.

Il s’agit de comprendre comment une entreprise peut enclencher sa transformation

interne afin de devenir à son tour plus réactive, flexible, et in fine pleinement

intégrée à son écosystème. Notre recherche s’intéresse uniquement aux aspects de

transformation interne car ils sont les prémices vers un modèle globalement

intelligent.

Nous présentons ici le chemin qui conduit à cette métamorphose, en analysant

successivement les dispositifs organisationnels, les méthodes de travail, les processus

et enfin les composantes culturelles. Le digital est la trame de fond de notre modèle.

1. Favoriser la transversalité avec des dispositifs organisationnels adaptés

Le premier pilier de notre modèle concerne les dispositifs organisationnels : en effet,

ces dispositifs fournissent le cadre de transformation interne en instaurant une forme

de division du travail ainsi que des modalités de coordination.

De plus, la structure organisationnelle est le socle indispensable sur lequel les

méthodes de travail, les processus, la culture et les comportements vont se forger.

Il s’agit ici de comprendre dans quelle mesure l’évolution des dispositifs

organisationnels peut contribuer à accroitre la transversalité et in fine rendre

l’entreprise plus souple et réactive.

1.1 Qu’entend-on par dispositifs organisationnels ?

Les dispositifs organisationnels sont un « ensemble de dispositifs (…) conçu pour

assurer la cohérence des actions de chacun en vue de l’atteinte des buts de

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24

l’organisation » (Bailly et al, 2013).

Ils permettent d’organiser l’action collective afin de réaliser les objectifs fixés par le

sommet hiérarchique.

On trouve dans cet ensemble de dispositifs organisationnels :

- des règles concrètes, définissant la façon dont est partagé le travail

(organigrammes, fiches de poste, procédures, plannings), les décisions, le mode de

répartition des fruits du travail commun, les responsabilités et les contrôles, précisant

les modes opératoires ;

- des outils de management de la performance : objectifs, système de sanction-

récompense ;

- des outils de GRH (Gestion des ressources humaines) : méthodes de recrutement

et de gestion des effectifs et des compétences, règles d’évolution des carrières,

système de rémunération ;

- des installations (machines et outils de production, locaux, utilisation de l’espace) ;

- des systèmes d’information.

1.2 Une évolution des dispositifs organisationnels vers plus de transversalité

La structure de l’organisation intelligente vise à favoriser la transversalité en s’ouvrant

vers l’extérieur, en facilitant la coopération horizontale, et en simplifiant la

gouvernance.

1.2.1 Une évolution de la structure pour répondre à des objectifs tournés vers l’extérieur

La transversalité consiste à implanter la stratégie de l’entreprise au sein de structures

qui traversent les anciennes fonctions ou divisions spécialisées. Ce nouveau type

d’organisation n’est pas fondé sur des savoirs spécialisés mais est structuré en

fonction d’objectifs orientés vers l’externe, comme la satisfaction client. Cela permet

de décloisonner l’entreprise qui cesse d’être repliée sur elle-même et s’ouvre vers

l’extérieur. Tous les collaborateurs sont guidés par la même finalité : développer

réactivité et coopération pour satisfaire au mieux le client.

Si une organisation est pleinement transversale, la coordination latérale prime sur les

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25

relations de subordination verticale ou hiérarchique.

Ainsi, la mise en place de la transversalité peut passer par une évolution de

l’organigramme : par exemple, la firme peut choisir de regrouper des ressources

hétérogènes (différents services, départements…) dans un but commun. Cette

décision peut s’accompagner de la fixation d’objectifs communs, engendrant une

évolution de mesure de la performance.

Elle peut également être accompagnée par la mise en place d’équipes

pluridisciplinaires fonctionnant en mode projet. L’idée est là encore de faire travailler

des ressources hétérogènes dans un but commun.

Par ailleurs, l’entreprise peut créer un environnement de travail propice à la

collaboration.

En effet, l’agencement des locaux, la répartition des équipes par étages, la mise en

place d’open space… vont avoir une influence sur la capacité des collaborateurs à

travailler ensemble.

Ainsi, le rapprochement physique de services associés autour d’objectifs communs

est primordial pour faciliter l’ajustement mutuel et les échanges informels.

De même, la mise en place d’un environnement de travail dynamique peut favoriser

un état d’esprit propice à la créativité et à la responsabilisation des collaborateurs

qui sont libres de s’organiser au mieux pour réaliser les objectifs fixés.

Enfin, créer des lieux de socialisation peut nourrir la construction de lien social,

stimuler la créativité, et renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise.

1.2.2 L’instauration de mécanismes visant à renforcer le partage de connaissances et la collaboration

La transversalité passe aussi par un partage accru d’informations et une meilleure

circulation des connaissances, permettant d’atteindre des objectifs communs.

Ainsi, des comités ou réunions régulières peuvent être organisés pour mieux faire

circuler les informations entre différents services impactés par des enjeux communs.

Ces instances peuvent être fixées au sein même d’une division, ou entre divisions.

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De plus, des outils digitaux peuvent être mis en place pour accroitre la transparence

et le partage d’informations : outil de gestion des planning et des tâches,

d’organisation du travail…

Des formes plus avancées de coopération incluent le travail en réseau via des

communautés ou des plateformes collaboratives, dont nous parlerons plus loin.

1.2.3 Une évolution de la gouvernance

Parallèlement, l’entreprise peut être amenée à revoir sa gouvernance pour clarifier

les responsabilités et rôles de chacun, simplifier les dispositifs existants et favoriser la

délégation.

Il s’agit de rationnaliser et d’alléger la structure pour éviter les doublons, les

confusions dans les prises de décisions, et ainsi veiller à ce que la ligne hiérarchique

verticale n’entrave pas la coopération horizontale. L’entreprise peut décider

d’aplanir sa hiérarchie verticale en supprimant des échelons hiérarchiques, afin de

diminuer les relais de communication et gagner en efficacité.

Pour favoriser la fluidité dans le partage d’expertises, elle peut également revoir le

périmètre de chaque service afin d’identifier clairement des interlocuteurs pour

chaque sujet et pour chaque strate d’instances (exécutantes / décisionnelles /

opérationnelles / informatives).

Ces évolutions visent aussi à encourager la subsidiarité des décisions, permettant un

avancement rapide des projets et une plus grande responsabilisation des

collaborateurs.

*

Ainsi, l’aménagement de dispositifs organisationnels favorables à la transversalité

constitue la première étape pour développer un modèle intelligent. C’est le socle sur

lequel vont pouvoir se développer des méthodes de travail et des processus

intelligents.

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2. Développer l’agilité pour accroitre flexibilité et réactivité

Le concept d’agilité, très à la mode depuis 2008, a initialement été mis en place au

sein de structures orientées vers la conception de logiciels. Cependant, il rencontre

aujourd’hui une forte notoriété dans diverses entreprises confrontées aux mutations

de leurs écosystèmes. Selon Marine Auger, l’agilité serait même « une qualité

essentielle voire vitale pour permettre aux entreprises de s’adapter et d’anticiper

constamment » (Auger, 2010 : 68).

Nous tenterons de démontrer que l’approche agile ne consiste pas uniquement à

appliquer une méthode, mais plus à diffuser un nouvel état d’esprit au sein de

l’entreprise.

2.1 L’agilité comme méthodologie

2.1.1 Une nouvelle méthode de management de projets

Dans le dictionnaire Larousse, l’agilité a deux significations : légèreté et souplesse

dans les mouvements du corps ; et vivacité intellectuelle.

Le manifeste Agile publié en 2001 par une équipe de dix-sept développeurs

américains pose bases d’une nouvelle approche de travail, la méthode agile. Il

énonce différents principes sur lesquels repose cette nouvelle méthode : une

meilleure collaboration entre les individus, un minimum de règles formalisées, une

collaboration étroite avec le client et une acceptation du changement qui est

intégré dans le cycle projet.

En mettant l’accent sur le caractère inductif de la méthode de développement de

logiciels, ce manifeste pointe les limites de la méthode de développement

traditionnelle dite en « V ». En effet, dans cette méthode, le développement se fait

sur plusieurs mois, et tout changement impacte fortement le projet en termes de

couts et de délais puisque le cycle de développement est très long.

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2.2.2 L’approche SCRUM, méthode agile la plus courante

La méthode agile la plus répandue aujourd’hui est la méthode dite SCRUM. Elle est

composée d’un « Product Owner », représentant de l’équipe métier garant du

produit, et du « Scrum Master », garant du bon fonctionnement de la méthode et

coach des développeurs. Chaque itération est définie dans une « User Story » : celle-

ci décrit la fonctionnalité à développer. Le sprint correspond au temps de

développement de la User Story, il est de durée fixe et ne consiste à développer

qu’une seule User Story à la fois. Pour faciliter la communication et la cohésion des

équipes, des réunions quotidiennes ont lieu : les Daily Scrum Meeting dont l’objectif

est de faire un point très rapide sur l’avancement du projet. Des Sprint Review sont

également organisées à la fin de chaque sprint pour tester le produit et

éventuellement décider d’ajustements. Avec l’approche SCRUM, les documents

sont rédigés au fur et à mesure du développement pour être au plus près de la

réalité, contrairement à la méthode traditionnelle.

2.2 L’agilité comme nouvelle façon de penser l’entreprise

2.2.1 Un nouvel état d’esprit

L’approche agile n’est pas qu’une méthode : c’est surtout un état d’esprit et une

nouvelle façon de penser l’entreprise basée sur l’itération, l’adaptation au

changement, la prise en compte des attentes du clients et la responsabilisation des

collaborateurs « experts ».

En effet, l’une des facettes de l’agilité est de promouvoir les équipes auto-organisées

et de responsabiliser les collaborateurs. Ainsi, les équipes agiles sont pluridisciplinaires,

chaque membre de l’équipe étant expert et responsable d’un aspect du projet.

L’équipe s’organise de manière autonome et s’engage collectivement sur la réussite

du projet, ce qui renforce l’esprit collectif.

De plus, les décisions quotidiennes sont décentralisées, chaque membre expert

étant le plus apte à trouver la solution pour son domaine d’expertise. Le manager de

l’équipe est davantage un coach qui intervient pour créer une bonne dynamique,

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ou en cas de difficultés. Le droit à l’erreur est ainsi fondamental pour permettre à

chacun de se tromper et de progresser.

Enfin, puisque chacun connaît l’objectif à atteindre, les développeurs n’ont plus

l’impression d’effectuer une micro-tâche dans un ensemble qui les dépasse. Ils sont

investis de la vision, ce qui favorise leur motivation et la prise d’initiatives.

En ce sens, nous sommes convaincus que ses bonnes pratiques devraient être

diffusées plus largement au sein des entreprises. Il ne s’agit pas d’appliquer

scrupuleusement la méthode agile pour chaque projet, mais plutôt de familiariser les

collaborateurs à ses bonnes pratiques. Par exemple, l’approche test & learn qui

procède par essais / erreurs et permet ainsi de rester plus flexible et adaptable, est

une façon de travailler qui peut s’appliquer à de nombreux projets.

2.2.2 La diffusion de l’état d’esprit agile en entreprise

Comme toute transformation, l’introduction de l’agilité doit s’adapter à l’histoire et à

la culture de chaque entreprise. La mise en place de ses bonnes pratiques ne

s’improvise pas et doit être progressive et accompagnée. Ainsi, l’entreprise peut

commencer par adopter cette méthode au sein de sa direction informatique avant

d’identifier des ambassadeurs chargés de diffuser l’état d’esprit agile au sein de

l’entreprise.

En effet, selon Legras (2014), l’entreprise doit dans un premier temps identifier des

projets pilotes puis communiquer sur leur réussite avec l’aide de coach agiles

expérimentés. Puis il s’agit aussi de transformer le management : « pour promouvoir

l'initiative et la responsabilisation des collaborateurs, à défaut de distribution et de

contrôle des tâches”.

Nous reviendrons sur cet aspect dans la dernière composante de notre modèle.

*

L’agilité est donc une méthode de travail sur laquelle l’entreprise peut s’appuyer

pour devenir plus intelligente : en effet, elle permet de travailler au plus près des

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attentes de ses clients, avec une grande flexibilité et en s’adaptant constamment

au changement. En outre, le management agile renforce l’autonomie des

collaborateurs et leur responsabilisation, favorisant leur implication.

Si la méthode agile n’est pas pertinente pour tous les projets, la diffusion de son état

d’esprit et de ses bonnes pratiques peut en revanche se faire à l’échelle en

l’entreprise. En effet, l’état d’esprit agile permet d’identifier les objectifs prioritaires,

d’avancer par petits pas et par essais / erreurs, et favorise en outre la prise

d’initiatives. Les entreprises ont donc tout intérêt à sensibiliser leurs collaborateurs à

cet état d’esprit.

3. Promouvoir l’innovation collaborative

Le troisième pilier de notre modèle repose sur la mise en place d’un nouveau

processus de travail : l’innovation collaborative.

Encore une fois, nous mobilisons ce concept car il répond à plusieurs nécessités :

développer l’innovation, facteur majeur de compétitivité ; être plus à l’écoute et en

interactions avec les acteurs de son écosystème ; mettre en lumière le potentiel de

chacun et offrir aux collaborateurs des conditions de travail stimulantes.

3.1 Quelques définitions

3.1.1 Qu’est-ce que l’innovation ?

Dans le dictionnaire Larousse, l’innovation correspond à l’action « d’innover », c’est à

dire « introduire quelque chose de nouveau pour remplacer quelque chose

d’ancien dans un domaine quelconque ».

Selon le Manuel d’Oslo17 de l’OCDE, l’innovation correspond à la mise en œuvre

(implémentation) d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé (de production)

17 Le Manuel d'Oslo de l'OCDE rassemble les « principes directeurs proposés pour le recueil et l'interprétation des données sur l'innovation ».

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nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation

ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques d’une entreprise,

l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures.

L’innovation n’est donc pas nécessairement technique ou technologique ; elle peut

aussi consister à identifier de nouveaux processus ou manières de travailler.

3.1.2 Qu’entend-on par « innovation collaborative » ?

Selon une étude publiée par Inergie et Innov’Acteurs18, l’innovation collaborative

peut être définie comme « une démarche structurée visant à stimuler et faciliter

l'émission et la mise en œuvre d’idées proposées par l’ensemble des collaborateurs

en vue de trouver des axes d’amélioration ou de nouveaux marchés . »

Cette étude distingue l'innovation collaborative spontanée, où la possibilité est

donnée à chacun de proposer des idées sur tous sujets ; de l'innovation

collaborative provoquée qui consiste à stimuler les idées de chacun sur un sujet ou

un thème précis.

D’après Isabelle Denervaud19, l’innovation collaborative est loin d’être un

phénomène nouveau : elle remonterait en fait à l’apparition de la vieille boîte à

idées dédiée aux salariés chez Michelin en 1927. Néanmoins, ce qui est bien

nouveau, « c’est l’effacement des frontières entre les silos où on a longtemps

cantonné les processus d’innovation collaborative. » (Denervaud, 2010).

Ainsi, l’innovation collaborative consiste à présent à associer les salariés de différents

services ou métiers, et parfois les clients, au processus d’idéation de l’entreprise afin

de générer de nouvelles idées.

Nous analysons ici les différents dispositifs d’innovation collaborative à disposition des

salariés. Il s’agit de comprendre comment les salariés peuvent devenir acteurs du

changement en étant source de propositions innovantes.

18 2007 : Etude Innov’Acteurs – Inergie sur l’innovation participative

19 Isabelle Denervaud et al., « L'innovation collaborative dans tous ses états », L'Expansion Management Review 2010/3 (N° 138), p. 110-119. DOI 10.3917/emr.138.0110

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3.2 L’innovation collaborative pour les salariés

3.2.1 Les enjeux de l’innovation collaborative salariale

L’innovation collaborative peut prendre plusieurs formes selon les objectifs et les

enjeux d’une entreprise. L’implication du top management est importante pour

aligner la démarche d’idéation sur les objectifs stratégiques de l’entreprise.

Tout d’abord, les salariés peuvent être invités à s’interroger sur des problématiques

internes ou externes.

L’innovation interne aussi appelé « innovation de productivité » consiste à améliorer

les modes de fonctionnement interne de l’entreprise, les conditions de travail, le

climat social, la satisfaction des collaborateurs etc.

L’innovation externe ou « innovation de produits / services » consiste à proposer des

évolutions du portefeuille de projets innovants, ou des innovations de rupture en

proposant un nouveau service ou produit.

Par ailleurs, le processus d’innovation collaborative peut être plus ou moins ouvert ou

sélectif. En effet, du côté des salariés, on peut mettre en place une innovation

collaborative de masse dont l’objectif est de faire participer un maximum de salariés

afin de générer une grande quantité d’idées. Mais le processus peut aussi être

davantage sélectif : ainsi, il peut être fondé sur le volontarisme ou la cooptation des

membres. Une illustration en est la création de communautés de collaborateurs

(généralement avec un niveau d’expertise élevée) et des objectifs plus circonscrits.

Enfin, la mise en œuvre des idées sélectionnées peut varier d’une entreprise à

l’autre. L’entreprise peut procéder par petits pas en testant l’idée, avant de décider

de l’implémenter ou de l’abandonner. Des incubateurs peuvent être mise en place

pour développer les idées retenues.

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3.2.2 Les 3 états de l’innovation salariés

D’après Isabelle Denervaud, les dispositifs d’innovation salariés présentent 3 états

distincts selon les enjeux de l’entreprise :

- l’état lean innovation : dans cet état d’amélioration continue, l’innovation

collaborative consiste à impliquer un maximum de salariés pour générer le plus

d’idées possibles. Les thèmes d’idéation portent aussi bien sur l’amélioration des

modes de fonctionnement interne que sur des innovations de produits ou de

services.

- l’état communauté de pratiques : on se situe dans un processus d’innovation plutôt

sélectif avec des participants ciblés et des objectifs tournés vers l’accroissement de

la productivité. Ainsi, une communauté peut avoir pour missions de diffuser des

bonnes pratiques innovantes au sein de l’entreprise afin d’améliorer le

fonctionnement interne : transversalité, conditions de travail, améliorations des

processus peuvent en être des illustrations.

- l’état pépite : beaucoup plus technique, l’état pépite désigne un type

d’innovation collaborative tourné vers des sujets de R&D, porteurs de croissance

pour l’entreprise. Lorsque le salarié est invité à participer à l’idéation, on le place

dans un contexte intrapreuneurial propice à la génération de nouvelles idées

business. Des communautés plus ciblées peuvent également être associées à ces

réflexions ; l’intérêt peut être de rapprocher des experts pour favoriser l’émergence

d’idées, mais aussi suivre les dernières innovations en faisant de la veille.

Les 3 états de l’innovation collaborative, Isabelle Denervaud, 2010.

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34

*

L’innovation collaborative est ainsi un processus particulièrement pertinent à mettre

en œuvre dans le cadre de la transformation intelligente d’une entreprise. D’une

part, il permet d’innover au plus près de ses parties prenantes, en étant à l’écoute

de leurs besoins et de leur créativité. Parallèlement, il renforce le sentiment

d’appartenance des collaborateurs à l’entreprise, qui deviennent les acteurs du

changement. L’innovation collaborative est aussi un excellent moyen pour diminuer

les silos au sein de l’entreprise en associant plusieurs métiers à une thématique

d’idéation. Enfin, l’innovation collaborative, parce qu’elle procède par essais /

erreurs, est aussi un bon moyen de diffuser l’esprit agile en entreprise.

4. Remettre le savoir et l’intelligence au cœur de la culture de l’entreprise

L’organisation intelligente utilise de manière systématique l’intelligence de tous ses

collaborateurs pour s’adapter et gagner en efficacité. Le manager a un rôle

fondamental à jouer puisqu’il doit libérer le potentiel de ses collaborateurs, l’enjeu

étant de passer d’une logique individuelle d’apprentissage à une logique

collaborative basée sur le partage d’informations et l’interactions entre les différents

savoirs.

Selon Marine Auger, cette nouvelle approche est indispensable pour vaincre la

« stupidité fonctionnelle », c’est à dire cet « état d’unité et de consensus qui fait que

les employés d’une organisation évitent de questionner les décisions, les structures,

les stratégies ». (Auger, 2010 : 13).

Selon une étude réalisée et publiée en 2012 par les professeurs de management des

organisations Mats Alvesson et Andre Spicer20, le manque d’utilisation des capacités

intellectuelles des salariés serait même à l’origine de la crise financière. Chris Argyris

a ainsi imaginé une forme « d’entreprise apprenante », qui associe bons sens,

analyse, intuition et réflexion.

20 Etude publiée dans le Journal of Management Studies en novembre 2012.

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Nous tenterons de montrer comment l’entreprise peut favoriser l’apprentissage et

mobiliser l’intelligence de ses collaborateurs pour développer cette capacité

réflexive.

4.1 Les différentes facettes de l’apprentissage en entreprise

L’entreprise intelligente se donne pour mission de gérer et de faire croitre les talents

de ses collaborateurs. En plus des plans de formation traditionnels, l’entreprise

intelligente est consciente de l’importance des apprentissages informels et sociaux,

qui constituent 90% du total des apprentissages en entreprise.

En effet, selon une Etude du Center for Creative leadership, réalisée par Morgan Mc

Call, Robert W. Eichinger et Michael M. Lombardo21, l’apprentissage des

compétences professionnelles serait structurée de la façon suivante :

- 70% des compétences seraient acquises de façon informelle (par l’expérience de

terrain et les essais/erreurs)

- 20% proviendraient des échanges avec les autres (social learning)

- 10% seulement proviendraient des formations et des lectures.

Ainsi, les expériences terrains et les apprentissages issus de nos erreurs ont un rôle

primordial à jouer pour développer les compétences et l’intelligence des

collaborateurs. C’est une nouvelle logique qui doit imprégner l’entreprise pour que

chaque collaborateur puisse apprendre de l’expérience et appliquer par la suite cet

apprentissage afin de réaliser sa mission avec succès.

En outre, l’apprentissage provient aussi des interactions avec les autres. Selon le

psychologue canadien Albert Bandura, ce phénomène de « social learning »

désigne l’influence d’un groupe sur l’apprentissage d’un individu. L’entreprise a

donc tout intérêt à faciliter ces formes d’apprentissages informels entre pairs en

21 Lombardo, Michael M; Eichinger, Robert W (1996). The Career Architect Development Planner (1st ed.). Minneapolis: Lominger.

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encourageant le partage d’informations et le dialogue, plutôt que la rétention

d’informations.

4.2 D’une intelligence individuelle à une intelligence collective

Outre le développement du potentiel de chaque collaborateur, l’entreprise

intelligence créée les conditions optimales pour que se rencontrent les

connaissances formelles et informelles, explicites et tacites, de ses collaborateurs. Elle

se situe ainsi dans une dynamique collective de gestion des savoirs dans l’objectif de

stimuler l’intelligence et la réflexion collective.

4.2.1 Qu’est ce que l’intelligence collective ?

Selon Marine Auger, « l’intelligence collective se traduit pas le développement de

coopérations intellectuelles que l’on favorise à travers le développement de

réflexions collectives, telles que les communautés de pratiques ou les groupes

projets » (Auger, 2010 : 49).

Ainsi, l’intelligence collective ne consiste pas à simplement additionner les

intelligences et les savoirs des collaborateurs. Il s’agit d’un phénomène

dynamique qui découle de la mise en interactions des savoirs et des intelligences

individuelles.

D’après Olivier Zara, consultant en management de l’intelligence collective,

« L’intelligence collective c’est la capacité à connecter les intelligences et les savoirs

entre les personnes pour résoudre un problème ou atteindre un objectif. On peut

parler de réflexion collective : l’intelligence collective étant une ambition, la réflexion

collective étant sa mise en œuvre concrète dans l’organisation ».22

Ce qui fait la spécificité de l’intelligence collective c’est donc qu’elle provient des

apprentissages issus d’interactions entre les collaborateurs.

22 Olivier Zara, Le management de l’intelligence collective, M21 éditions, 2008.

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L’intelligence collective est ainsi une dynamique réflexive qui permet de conduire

l’entreprise vers plus d’adaptation et d’intelligence. Au cœur de cette dynamique

se trouvent les salariés et leur volonté de contribuer à cette culture du partage et de

l’innovation ouverte.

4.2.2 Comment stimuler l’intelligence collective ?

Il revient aux organisations de développer en interne des mécanismes favorisant

cette mise en commun et ce partage de connaissances.

L’entreprise peut faciliter ce type d’apprentissage en favorisant par exemple le

tutorat et la transmission des connaissances entre pairs.

Par ailleurs, l’entreprise peut mettre en place des MOOCS, créer une université

d’entreprise, constituer des communautés organisées ou encore, développer des

fab labs, ces ateliers d’innovation ouverte permettant de nouvelles collaborations

entre les collaborateurs et des porteurs d’idées issus d’univers variés (entrepreneurs,

designers, chercheurs, étudiants…).

La digitalisation offre également de nouveaux outils pour développer l’intelligence

collective. Certaines entreprises adoptent des outils dont l’objectif est précisément

de diffuser, mutualiser, favoriser l’accès à la connaissance. C’est le cas de

l’entreprise Telus23 qui a voulu impulser une dynamique d’apprentissage collectif en

encourageant ses collaborateurs à utiliser des outils sociaux tels que des blogs, des

wikis, des plateformes vidéo ou de microblogging. Via ces outils, chacun peut

librement exprimer ses idées, partager du contenu, publier une vidéo, poser une

question… afin de faire circuler les connaissances et soulever des réflexions

nouvelles.

Dans le même esprit, l’entreprise peut également doter ses collaborateurs d’outils

d’échanges et de dialogue, comme les réseaux sociaux d’entreprise.

23 Telus est une compagne canadienne de télécommunications. Vidéo sur le social learning chez Telus : https://www.youtube.com/watch?v=kdaDD82geNo

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38

*

Ainsi, l’entreprise intelligente place le savoir et l’intelligence de ses collaborateurs au

cœur de sa culture. En favorisant l’apprentissage interactif et la mise en synergies

des savoirs, elle stimule l’intelligence collective. C’est ce nouvel état d’esprit,

cultivant le partage d’informations, la transmission des savoirs et l’apprentissage par

expériences, qui doit peu à peu s’ancrer dans les comportements.

5. Une nouvelle culture de management

Le dernier pilier de notre modèle repose enfin sur l’évolution de notre culture

managériale.

Dans son ouvrage La fin du management24, Gary Hamel souligne le décalage entre

nos modes de management traditionnels (basé sur le contrôle, la commande, la

rigidité) et les problématiques actuelles d’adaptabilité et d’agilité des entreprises.

En effet, sans une évolution du style managérial, et sans le soutien de leurs

managers, comment les collaborateurs pourraient-ils adopter l’ensemble des

méthodes et comportements que nous avons préconisés jusqu’à présent ?

Dans l’entreprise intelligente, le manager est doté d’un tout nouveau rôle : il n’est

plus celui qui ordonne, contrôle et puni. Au contraire, il place au cœur de ses valeurs

les notions de confiance, responsabilité et autonomie pour libérer le potentiel de

chacun.

5.1 Faire croitre les collaborateurs de son équipe

Le manager intelligent est chargé de repérer le potentiel des hommes dans son

équipe, de faire prendre conscience aux individus de leurs capacités, et de leur

donner les moyens pour les développer.

24 Gary Hamel, La fin du management, Vuibert, 2008

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Ainsi, chaque membre de son équipe a envie de s’impliquer car il est reconnu et

apprécié à juste titre pour son talent et son potentiel.

De plus, le manager intelligent donne à ses collaborateurs le feedback nécessaire

pour leur permettre de progresser et d’atteindre leurs objectifs, augmentant ainsi leur

performance. En effet, d’après une synthèse de la littérature scientifique sur le sujet25,

la reconnaissance augmenterait de 17% la performance des collaborateurs et

couplée à une bonne rémunération et aux feedbacks, l’augmentation de

performance atteindrait les 45% ! (Lecomte, 2016 : 198).

5.2 Etre au service de son équipe

Par ailleurs, le manager intelligent se met au service de son équipe. Robert

Greenleaf a d’ailleurs proposé le concept de « leader serviteur » pour décrire ce

manager intelligent, à la fois très modeste dans ses relations avec ses collaborateurs

et très ambitieux pour l’entreprise.

Ce « leader serviteur » est donc entièrement dédié au bon fonctionnement de son

équipe : il l’informe des innovations technologiques, des retours des clients, apporte

des informations liées au budget, au possibilité d’investissements…

D’après deux synthèses d’études empiriques26, le leader serviteur crée un climat

positif dans l’organisation, en étant attentif au bien-être et à la satisfaction des

salariés, et en renforçant leur confiance envers leur leader et l’organisation

(Lecomte, 2016 : 184). Ces notions d’honnêteté et de confiance sont cruciales

puisque comme le souligne Jacques Lecomte, plus un salarié fait confiance à son

25 Stajkovic A.D. et Luthans F. (2003), « Behavioural management and task performance in organizations : Conceptual background, meta-analysis, and test of alternative models », Personnel Psychology, 56 (1), 155-194.

26 Parris D.L. et Peachey J.W. (2013), « A Systematic Literature Review of Servant Leadership Theory in Organizational Contexts », Journal of Business Ethics, 113, 377-393. Van Dierendonck D. (2011), « Servant leadership : A review and synthesis », Journal of Management, 37 (4), 1228-1261.

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responsable, plus il s’implique, plus il est satisfait et performant dans son travail.

(Lecomte, 2016 : 130).

5.3 Favoriser la dynamique collective et l’épanouissement des salariés

En outre, le leader intelligent impulse une dynamique positive de réflexion collective

et de coopération. Ainsi, il est en quelque sorte un facilitateur d’initiatives, promoteur

de l’épanouissement des salariés et garant de la mise en synergies des intelligences.

Il encourage également l’apprentissage par essais / erreurs.

Pour remplir pleinement sa mission, il mise sur l’empathie, la bienveillance et

l’intelligence intuitive, afin de créer des relations de travail harmonieuses, essentielles

à l’épanouissement des salariés.

Selon les sociologues Christian Baudelot et Michel Gollac27, les relations au travail

seraient en effet primordial puisque « la source la plus fréquente du bonheur au

travail provient du contact, de la rencontre ou de la relation à autrui » (Lecomte,

2016 : 52). Et lorsque les salariés sont heureux au travail et se sentent utiles, ils sont

aussi plus impliqués et performants car plus motivés intrinsèquement28.

5.4 Transmettre une vision et des valeurs

Enfin, pour réussir, le manager doit être l’ambassadeur des valeurs de l’entreprise,

pour apporter du sens et de la cohérence aux actions menées par son équipe. Ce

management par les valeurs implique de créer une culture forte et partagée par

tous, cohérente avec les projets menées.

27 Baudelot C. et Gollac M. (2003), Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France, Paris, Fayard, p.171.

28 Grant A. M. (2008), « Does Intrinsic Motivation Fuel the Prosocial Fire? Motivational Synergy in Predicting Persistence, Performance, and Productivity », Journal of Applied Psychology, 93 (1), 48-58.

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En effet, d’après Isaac Getz et Brian Carney29, le leader doit créer un environnement

où chacun est libre de prendre des initiatives, et vérifier que la vision de l’entreprise

et donc ses valeurs sont adoptées et partagées par tous. L’idée est de susciter la

motivation intrinsèque des collaborateurs, c’est à dire la motivation pour l’activité en

elle-même en supprimant les mesures d’incitations fonctionnant dans la logique

« récompenses – punitions ».

*

Ainsi, la transformation de l’entreprise vers un modèle intelligent implique

nécessairement une évolution de notre culture managériale. Le manager a d’ailleurs

un rôle crucial à jouer : il doit faciliter et promouvoir toutes les facettes de notre

modèle, en favorisant la transversalité, l’agilité, la capacité à innover ensemble et

en connectant les intelligences de ses collaborateurs.

Néanmoins, cette démarche de transformation interne de l’entreprise, pour réussir à

ancrer durablement les nouveaux modes de fonctionnement dans les

comportements des collaborateurs, doit être portée avec volontarisme et

détermination par le plus haut niveau de la hiérarchie.

29 Getz I. et M. Carney B. (2016), Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises, Flammarion.

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Conclusion - Partie 1

Cette première partie nous a amené à proposer un modèle théorique de

transformation intelligente de l’entreprise. Nous avons montré que l’entreprise

intelligente se définit par sa capacité à être pleinement intégrée à son écosystème,

en tirant parti des apports du digital pour satisfaire au mieux les attentes de ses

parties prenantes. L’entreprise cesse d’être envisagée comme un acteur

indépendant dont la seule responsabilité est d’accroitre le profit pour ses

actionnaires. Au contraire, l’entreprise intelligente vise à s’adapter aux évolutions de

son environnement, en développant agilité, adaptabilité et réflexivité.

Nous avons proposé un chemin pour conduire la transformation interne de

l’entreprise, dont les collaborateurs sont les acteurs. En analysant successivement les

dispositifs organisationnels, les méthodes de travail, les processus et enfin les

composantes culturelles, nous avons identifié 5 piliers sur lesquels l’entreprise peut

s’appuyer pour mener cette transformation. Ces différents piliers, soutenus par les

apports du digital, contribuent à créer une organisation plus collaborative, organisée

autour de la gestion des savoirs et de l’intelligence collective.

Si les dispositifs organisationnels, les méthodes de travail et les processus ordonnent

l’action collective et fournissent un cadre de travail, ils ne sont néanmoins pas

suffisants pour susciter les comportements espérés. En effet, l’organisation est aussi un

lieu de création sociale, avec une forte dimension culturelle. La culture de

l’organisation doit ainsi évoluer, pour remettre le partage des connaissances au

centre de son ADN, et valoriser des pratiques managériales responsabilisantes et

bienveillantes.

Ce qu’il ressort de cette analyse, c’est que les collaborateurs détiennent tout le

potentiel nécessaire pour rendre l’entreprise intelligente. Le défi est de leur donner

les moyens d’agir et de construire ensemble les contours du modèle intelligent de

leur entreprise.

Bien sûr, le modèle proposé constitue un idéal-type : il ne prétend pas à représenter

parfaitement la réalité. Néanmoins, il propose des pistes de rélfexion, des illustrations,

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des outils, dont les entreprises peuvent s’inspirer, en fonction de leur histoire et de leur

culture propres.

Une chose est sûre : pour que la démarche de transformation interne soit portée par

tous les collaborateurs comme nous le préconisons, il revient à l’entreprise – et

notamment au top management - de communiquer et de faire partager sa vision.

C’est seulement lorsque les collaborateurs auront compris à leur tour à quel point

cette démarche intelligente est imprégnée d’une logique « gagnant-gagnant »30,

qu’ils en deviendront les véritables ambassadeurs.

30 Les collaborateurs comme l’entreprise vont tirer profit de cette transformation intelligente : l’entreprise gagnera en adaptabilité, réactivité, compétitivité. Les collaborateurs retireront également de nombreux gains (confiance accrue, responsabilisation, autonomie, enrichissement de leurs compétences etc.).

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PARTIE 2 CAS PRATIQUE : SWISS LIFE, ENTREPRISE INTELLIGENTE ?

I. Présentation de la démarche

1. Méthode de recherche

La première partie de ce mémoire s’est attachée à proposer un modèle pour

conduire la transformation intelligente de l’entreprise. L’entreprise intelligente, telle

que nous la concevons, tire parti du meilleur des apports du digital pour la

satisfaction de ses parties prenantes, en s’appuyant sur ses collaborateurs, moteurs

de la transformation. Pour mener cette transformation, l’entreprise peut développer

les 5 piliers suivants : la transversalité, l’agilité, l’innovation collaborative,

l’apprentissage et l’intelligence collective, et un mode de management serviteur.

Nous souhaitons à présent étudier le cas de l’entreprise Swiss Life, dont l’ambition est

de construire son propre modèle d’entreprise intelligente. L’intention de cette

recherche est ainsi d’évaluer la maturité de la transformation interne de Swiss Life au

regard de notre modèle théorique. Nous nous attacherons à mettre en évidence les

initiatives portées par Swiss Life au sein de chacun des piliers de notre modèle

théorique. L’intérêt de cette démarche est ainsi de faire un état des lieux de la

transformation, en identifiant les points de réussite et les marges de progrès.

Pour mener cette recherche, nous avons utilisé une méthode de recherche

qualitative c’est à dire basée sur l’analyse de données descriptives, telles que des

paroles écrites ou dites. En complément de l’analyse de documents internes à

l’entreprise, nous avons mené une dizaine d’interviews individuelles avec des

collaborateurs et des managers de différents services. Les interviews ont été menées

soit de manière libre (aucune question n’était posée), soit de manière semi-dirigée

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(quelques questions posées en guide de points de repères pour les interlocuteurs). Le

guide d’entretiens figure en annexes de ce mémoire.

Enfin, nous nous sommes également appuyés sur les deux derniers rapports RSE

publiés par l’entreprise car ils présentent un bilan des initiatives menées par Swiss Life

pour devenir plus responsable, durable, poreuse à son écosystème.

Après avoir identifié le contexte de l’entreprise Swiss Life et la pertinence de notre

sujet de recherche, nous présenterons nos résultats.

2. Contexte et pertinence de la recherche

2.1 Présentation de l’entreprise Swiss Life

Créée il y a plus de 150 ans, le groupe suisse « Swiss Life » est l’un des leaders

européen sur le marché de la prévoyance, retraite et finance. Le groupe propose

aux particuliers et aux entreprises un conseil personnalisé et complet de même

qu’un large choix de produits de sa conception et de produits de ses partenaires via

des agents appartenant à son réseaux ou d’autres canaux de distribution (banques,

courtiers, conseillers indépendants…).

Dans le cadre de ce mémoire, nous allons étudier la filiale française du groupe Swiss

Life, implantée dans ce pays depuis près de 120 ans et qui emploie près de 2200

collaborateurs (environ 1600 administratifs et 600 commerciaux). Avec une moyenne

d’âge de 44 ans et une proportion de collaborateurs hommes / femmes quasi

équivalente (46 % d’hommes et 54 % de femmes au 31 décembre 2015), Swiss Life

s’inscrit avant tout comme une entreprise favorisant la mixité et la diversité de ses

équipes, soucieuse de faire des différences générationnelles une véritable force.

2.2 La pertinence du sujet au regard du contexte de l’entreprise Swiss Life

D’une part, cette réflexion autour de la construction d’un modèle intelligent semble

particulièrement pertinente au regard des évolutions du métier d’assureurs.

En effet, la nature même du métier d’assureur nécessite de développer une vision sur

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le long terme des évolutions de la société, pour accompagner au mieux les

particuliers et entreprises, tout au long de leur vie.

Par ailleurs, le secteur de l’assurance étant soumis à de fréquents changements

réglementaires structurants, le développement de la capacité des équipes à

s’adapter à ces évolutions est une nécessité.

Enfin, l’allongement de la durée de vie et le désengagement continu de l’Etat

élargissent le rôle et le champ des responsabilités des compagnies d’assurance.

D’autre part, cette réflexion connaît un intérêt particulier au sein de l’entreprise Swiss

Life.

En effet, la digitalisation de l’entreprise est perçue comme une opportunité pour se

transformer de l’interne. Elle est même l’un des trois objectifs prioritaires du plan

triennal Swiss Life 2018, qui doit viser à « accélérer la transformation digitale pour

renforcer l’orientation clients et l’efficacité opérationnelle ».

En outre, la démarche de responsabilité sociale d’entreprise dans laquelle est

engagée Swiss Life met en exergue la nécessité d’être toujours plus à l’écoute de ses

parties prenantes pour mieux connaitre et satisfaire leurs attentes. A partir de 2016, et

dans la continuité de cette démarche, une réflexion s’engage autour de la

construction d’un modèle d’entreprise intelligente, inspiré des smarts cities et

permettant de conjuguer les attentes économiques, environnementales, financières

et humaines de l’entreprise.

Swiss Life souhaite donc se transformer de l’interne, en s’appuyant sur ses

collaborateurs. En effet, selon Vincent Perrin, ex Directeur des Ressources Humaines,

« Face à un environnement socio-économiques en constante évolution, nous devons

anticiper et flexibiliser nos processus pour aborder le changement comme une

opportunité. Se remettre en question sans cesse impose d’avoir des collaborateurs

engagés, agiles et conscients de leurs valeurs ajoutées »31.

De plus, comme l’affirme Swiss Life dans son rapport RSE 2015 : « Swiss Life a depuis

longtemps compris que pour s’engager dans une démarche de progrès permanent,

c’est avant tout par et pour ses collaborateurs que la transformation doit avoir lieu. »

31 Swiss Life, Rapport RSE 2015, p.15

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2.3 La partie prenante interne de Swiss Life

Le rapport RSE 2015 offre l’opportunité à Swiss Life de réaliser une cartographie de

ses parties prenantes afin d’identifier les parties prenantes les plus importantes de son

écosystème. Pour chaque partie prenante, Swiss Life identifie les enjeux prioritaires à

satisfaire dans le cadre de sa démarche de responsabilité sociale.

Les collaborateurs administratifs et commerciaux sont ainsi identifiés comme la partie

prenante interne de Swiss Life. L’enjeu correspondant annoncé par Swiss Life est de

permettre à ses collaborateurs « de s’adapter à un environnement imprévisible et en

constante mutation en enrichissant leurs compétences, en libérant l’audace et

l’innovation grâce à des méthodes de travail plus collaboratives et appuyé par une

complémentarité intergénérationnelle ».

Par ailleurs, la matrice de matérialité présentée dans le rapport RSE 2015 de Swiss Life

fixe les objectifs prioritaires de l’entreprise pour répondre au mieux aux enjeux

identifiés vis à vis de chacune des parties prenantes. Concernant les collaborateurs,

les 5 objectifs suivants sont énoncés :

- la promotion de la diversité

- l’égalité des chances

- l’engagement et la satisfaction des employés

- la formation

- l’attraction et la rétention des talents

Ainsi, Swiss Life affirme sa volonté de développer l’adaptabilité de ses collaborateurs,

grâce à des méthodes de travail plus collaboratives, en favorisant l’apprentissage, la

transmission des savoirs et la satisfaction de ses salariés.

Il s’agit à présent d’analyser les étapes progressives de cette transformation

intelligente, en évaluant successivement les initiatives menées dans le cadre de

chacun des piliers de notre modèle.

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II. Le cas Swiss Life : une transformation progressive vers un modèle

intelligent

1. Favoriser la transversalité avec des dispositifs organisationnels adaptés

Conformément à notre modèle, la première étape de transformation interne de

Swiss Life a consisté à faire évoluer les dispositifs organisationnels de l’entreprise afin

d’accroitre la transversalité et la coopération entre les différentes fonctions de

l’entreprise. Afin de bien comprendre les enjeux sous jacents à ces évolutions, il

convient dans un premier temps d’analyser la structure formelle de Swiss Life.

1.1 Les limites de l’organisation divisionnalisée, structure formelle de Swiss

Life

La structure formelle d’une entreprise permet de comprendre les fondements de son

mode d’organisation. Nous souhaitons ici analyser la structure de l’entreprise Swiss

Life au regard du cadre d’analyse des typologies de structures proposé par

Mintzberg.

Tout d’abord, l’entreprise Swiss Life est organisée en différentes entités, elles-mêmes

divisées en fonction des activités menées. En effet, cette configuration convient bien

aux entreprises ancienne ayant des activités diversifiées, comme pour Swiss Life qui

propose une variété de produits dans divers domaines (retraite, vie, finances…).

Cette structure est ainsi dite « divisionnelle » car les différentes activités de l’entreprise

sont réparties et confiées à des divisions distinctes, chaque division étant responsable

de ses résultats.

Selon Mintzberg, l’élément clef de ce type d’organisation est la ligne hiérarchique

qui fixe les objectifs et la stratégie du groupe. Ainsi, dans ce type de structure, la

coordination repose sur la standardisation par les résultats. Il revient aux divisions de

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s’organiser de manière autonome pour atteindre ces résultats. La structure

divisionnelle est représentée par le schéma suivant :

Si ce type de structure est pertinent pour les entreprises de grande taille à activités

diversifiées comme Swiss Life, il entraine néanmoins une division hiérarchique de

l’organisation dont le corolaire est la création de silos entre les différentes divisions.

Cette logique de « châteaux-forts » limite in fine la coopération entre les

collaborateurs des différentes divisions ainsi que le potentiel d’innovation de

l’entreprise.

1.2 L’évolution des dispositifs organisationnels

Ainsi, à partir de 2012, l’entreprise Swiss Life s’engage dans une démarche de

modernisation de ses modes de fonctionnement afin de répondre de manière plus

coordonnée et efficace aux attentes de ses clients. Pour y parvenir, Swiss Life

souhaite renforcer la transversalité et la coopération avec un objectif commun : la

satisfaction client.

1.2.1 Créer un environnement de travail propice à la collaboration

La première étape de cette transformation est marquée par le rapprochement des

sites administratifs de la région parisienne sur un unique siège à Levallois-Perret. En

effet, jusqu’alors la direction des opérations était localisée à Levallois, alors que la

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technostructure et les fonctions supports se trouvaient à Paris. Ce rapprochement

marque une évolution historique de l’organisation de l’entreprise car la direction des

opérations et les autres fonctions ne collaboraient jamais.

De plus, pour renforcer ce rapprochement et créer des équipes plus collaboratives,

les nouveaux espaces de travail sont conçus en environnement de travail

dynamique. Ainsi, chacun est libre de choisir son espace de travail en fonction de

son activité du jour.

En outre, pour répondre à la demande des salariés de gagner en autonomie et en

confort, Swiss Life engage dès 2011 une réflexion visant à refondre le cadre

conventionnel relatif à l’organisation du temps de travail au sein de l’entreprise.

L’instauration du télétravail est formalisée dans un accord collectif signé avec

l’ensemble des organisations syndicales de l’entreprise en 2013 ; à la fin de l’année

2015, plus de 250 collaborateurs y ont accès.

Ces évolutions marquent une volonté d’assouplir les modes d’organisation du travail

et de responsabiliser davantage les collaborateurs pour gagner in fine en

productivité.

1.2.2 L’évolution de la structure de Swiss Life A partir de 2015, un des trois enjeux prioritaires du plan Swiss Life 2018 est de

poursuivre la digitalisation de l’entreprise pour renforcer l’orientation client et

l’efficacité opérationnelle. Pour répondre à ces enjeux, une nouvelle division est

crée dès octobre 2015 : la division clients et transformation digitale (DCTD).

Cette nouvelle division a pour but de renforcer la culture client en réunissant les

différentes équipes qui écoutent, servent et parlent aux clients, en amont ou en aval

de l’activité commerciale, à savoir : Communication, Transformation digitale et

Marketing stratégique, Marketing marchés, Opérations et Supports. Elle représente

près du tiers des effectifs de l’entreprise.

Au sein de cette division, une nouvelle Direction de la Transformation Digitale et du

Marketing Stratégique doit assurer la gestion du projet « Transformation Digitale » en

lien avec les besoins opérationnels des équipes de gestion, les objectifs de

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51

productivité et en cohérence avec les évolutions des outils d’échange avec les

clients, prospects et apporteurs.

Par ailleurs, trois objectifs communs à cette nouvelle division apparaissent dans la

feuille de route de tous les managers, ce qui souligne le mode de standardisation

par les résultats.

Enfin, pour favoriser la cohérence organisationnelle et assurer une meilleure

coordination au sein de chaque Direction Métier, d’autres évolutions ont lieu

comme le rattachement aux directions Métiers des postes de nature Technique /

Métier32. Dans la même logique, les missions de Mise Sur Marché sont rattachées au

Marketing Opérationnel et les missions Actions Commerciales/e-Business à la

Direction Commerciale.

A travers cette réorganisation, Swiss Life souhaite poursuivre sa transformation

digitale de manière coordonnée et réactive et renforcer son mode de

fonctionnement transversal. Swiss Life s’éloigne d’une culture métiers historiquement

très forte (cloisonnement par types de produits) pour se rapprocher d’une culture

clients, dite encore culture par cible.

1.2.3 La mise en place d’une nouvelle gouvernance

Conjointement à cette évolution de structures, une nouvelle gouvernance est mise

en place au sein de Swiss Life pour organiser l’échange d’informations dans

l’organisation. L’objectif est de simplifier l’existant (éviter les doublons, clarifier les

rôles et les périmètres), de favoriser la délégation, et de renforcer la transversalité.

Ainsi, les instances collaboratives sont divisées en quatre strates : les Instances

exécutives, décisionnelles, opérationnelles et informatives. Pour chaque domaine

d’activité et pour chaque strate, un interlocuteur est identifié afin de clarifier les

périmètres et d’améliorer l’efficacité de la délégation.

De plus, dans les instances opérationnelles sont mis en place des comités transverses

dont l’objectif est de partager des informations sur des sujets connexes à différentes

32 L’équipe Actuariat produits est rattaché au Directeur Vie, le CCN (Contrat convention collective nationale) au Directeur Technique SwissLife Prévoyance et Santé.

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directions ou divisions. Il existe par exemple un comité transverse « Opération –

Distributions » ou « Marketing – Actions commerciales ».

Par ailleurs, au sein de la nouvelle division, en plus des réunions de CODIR DCTD,

plusieurs réunions multilatérales sont instaurées tous les quinze jours afin de réunir les

équipes de la division qui travaillent sur des domaines d’activités connexes.

Enfin, un outil de gestion des plannings et des tâches33 est instauré pour tous les

membres du CODIR DCTD afin d’avoir une visibilité sur l’état d’avancement des

sujets par instances.

*

Ainsi, l’évolution des dispositifs organisationnels de Swiss Life vise à introduire plus de

transversalité, à la fois au sein de la nouvelle division, qui représente deux tiers des

effectifs de l’entreprise, mais également de manière plus globale, entre les divisions.

L’entreprise s’ouvre vers l’extérieur en adoptant une orientation client très marquée

qui doit guider toute l’action collective. De plus, les rôles et les responsabilités sont

clarifiés, avec une évolution de la gouvernance.

Même si les réunions multilatérales et les comités transverses ne sont que des

instances informatives sans fixation d’objectifs, il faut noter qu’il y a une réelle volonté

de rendre l’entreprise plus transversale. Cela passe aussi par l’instauration d’une

méthode de travail plus collaborative, comme la méthode agile.

2. Développer l’agilité au sein de l’entreprise

Pour accompagner l’évolution des dispositifs organisationnels, accroitre la

coopération et rendre l’entreprise plus réactive, il est nécessaire de développer des

méthodes de travail plus agiles, comme nous l’avons analysé dans le cadre du

deuxième pilier de notre modèle.

33 Il s’agit de l’outil « Trello ».

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53

Nous souhaitons ici analyser comment Swiss Life s’approprie et diffuse

progressivement l’agilité au sein de l’entreprise.

2.1 La mise en place de la méthode agile chez Swiss Life

Comme nous l’avons vu dans la première partie de ce mémoire, l’adoption de la

méthode agile ou de certaines de ses bonnes pratiques contribue considérablement

à renforcer l’esprit d’équipe, la confiance et la responsabilisation des collaborateurs.

Ainsi, la méthode agile apparait chez Swiss Life en 2013 au sein de la division des

systèmes d’informations (DSI) qui souhaite alors moderniser son mode de

fonctionnement. Un coach agile prend la tête d’un nouveau département « Digital

Client » pour implémenter cette méthode au sein de cette équipe et palier certaines

difficultés.

En effet, jusqu’alors l’équipe DSI travaillait selon le cycle en V, avec des périodes très

creuses, puisqu’il fallait attendre que le projet avance dans une autre équipe avant

de continuer à travailler. Le rythme de travail était donc très irrégulier avec des effets

tunnels de plusieurs mois. De plus, la maitrise d’ouvrage était indépendante de

l’équipe de développement, ce qui ne facilitait pas la coordination entre les

membres de l’équipe.

Ainsi, un premier projet est mené en mode agile (méthode SCRUM) en 2013, puis 5

en 2014 et 7 en 2015. Depuis, la méthode agile est devenue la méthode de travail

officielle de l’équipe de développement de la DSI. En effet, l’équipe reconnaît que

le mode agile est le mode de travail le plus efficace et qui permet d’aller le plus vite,

en étant au plus près des attentes du client.

Pour que la méthode s’ancre progressivement dans la culture projet de Swiss Life, les

phases de cadrage et de faisabilité qui précèdent la phase de conception sont

maintenues. Ainsi, le besoin utilisateur ainsi que la durée et le coût du projet sont

définis avant de passer au développement en mode agile. A l’issue de ces phases

de débat avec le client, un premier sprint (ou sprint 0) sert à poser les bases du

projet : les fonctionnalités à développer sont planifiées et une première architecture

technique et applicative du projet est définie. Ensuite, la méthode agile

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54

traditionnelle débute, avec des sprints de 15 jours et des livrables à rendre à des

échéances déterminées.

2.2 Les bienfaits du développement de l’agilité chez Swiss Life

Ce mode de fonctionnement est à l’origine de nombreux bénéfices pour l’équipe

de la DSI.

Tout d’abord, l’équipe de développement garde une certaine flexibilité : ainsi, elle

est libre d’enlever ou d’ajouter des tâches selon les sprints, tant qu’elle respecte les

rendus des livrables et le budget.

De plus, la méthode agile permet de gagner beaucoup d’efficacité en termes de

communication et de coordination. Ainsi, l’équipe – qui est réunie sur un même

plateau - se rassemble tous les matins devant le Kanban34 pendant une quinzaine de

minutes pour faire un tour très rapide des actions menées la veille et des actions à

faire dans la journée.

En outre, à la fin de chaque sprint a lieu un « sprint rétrospective » qui permet de faire

un bilan des fonctionnalités développées pendant le sprint, de parler de ce qui a

bien fonctionné, ou au contraire de soulever les difficultés, en décidant des actions

à mettre en œuvre pour les résoudre. L’équipe partage aussi son ressenti et la

manière dont elle a vécu le sprint lors du ROTI35.

Enfin, cette méthode de travail est aussi bénéfique aux collaborateurs eux-mêmes.

L’équipe est ainsi auto-organisée, chaque collaborateur étant expert d’un domaine

précis. Chacun a une vision de ce qu’il a à faire sur le court et le long terme et

fonctionne ainsi avec la plus grande autonomie. Le pilotage du projet revient

entièrement aux collaborateurs responsabilisés qui portent la voix de l’utilisateur final.

Le management n’intervient que pour assister aux revues de sprint ou en cas de

difficultés. Ainsi, selon le responsable du département Digital Client de la division des

systèmes d’information, « Les méthodes Agiles permettent aux équipes de

34 Dans ce cadre du développement de logiciel, le Kanban est une méthode de management visuel qui permet de visualiser les tâches à faire, en cours, et terminées.

35 Return On Time Invested

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55

développer leurs compétences au service d’objectifs motivants, le tout dans la

confiance et la bienveillance du management « agile ».

Pour autant, le développement de l’agilité n’en est qu’à ses débuts dans le reste de

l’entreprise. Ainsi, les équipes SCRUM de la DSI interagissent avec d’autres équipes

de l’entreprise qui ne fonctionnent pas sur le même rythme, ce qui peut avoir des

répercussions sur les délais.

Néanmoins, il y a une volonté portée par le haut management de diffuser

davantage cette méthode de travail et ses bonnes pratiques : cette démarche

prend forme, progressivement.

2.3 Diffusion de la méthode agile chez Swiss Life : une démarche à petits

pas

Dans le cadre de la digitalisation de Swiss Life et de la volonté d’instaurer des

méthodes de travail plus collaboratives à l’échelle de l’entreprise, la direction

générale et le ComEx ont exprimé la volonté de diffuser l’esprit agile dans toute

l’entreprise.

Ainsi, une communauté dédiée dite « Transformation agile » qui regroupe une

dizaine de collaborateurs issus de divers départements (DSI, Communication, RH…) a

pour mission de promouvoir l’agilité au sein de l’entreprise en sensibilisant les

collaborateurs à cette démarche.

Plusieurs coachs agiles assurent notamment une permanence hebdomadaire pour

sensibiliser les collaborateurs à cette méthodologie. Ces coach ont aussi pour rôle

d’accompagner les collaborateurs qui le souhaitent dans le management agile de

leur projet, en s’appropriant certaines bonnes pratiques de la méthode agile.

De plus, un budget de formation de 50 000€ a été dégagé pour former les

collaborateurs à la méthode agile, permettant à 100 collaborateurs Swiss Life de

s’initier à cette méthode en 2015.

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Néanmoins, l’ambition de la direction générale n’est pas d’imposer la méthode

agile, mais bien d’en tirer le meilleur afin de rendre l’entreprise globalement plus

agile. Ainsi, il s’agit aussi de sensibiliser les managers à ce nouvel état d’esprit agile

qui peut concerner tous types de projet. Cela consiste notamment à promouvoir le

droit à l’erreur (voire le devoir d’erreur), à mieux définir les priorités des projets, mais

aussi à commencer par des projets moins ambitieux et plus simples. Des outils de

management visuel comme le Kanban s’exportent également, notamment au

niveau du top management.

Ainsi l’agilité prend place au sein de l’entreprise. Ce nouvel état d’esprit est renforcé

par la mise en place de processus d’innovation collaborative, comme nous allons à

présent l’étudier.

3. Promouvoir l’innovation collaborative

Avec le renforcement de la transversalité et la diffusion d’un état d’esprit agile, de

nouveaux processus d’innovation collaborative se développent au sein de Swiss Life.

3.1 La mise en place de processus d’innovation collaborative

C’est avec la création de la division client et transformation digitale qu’apparait un

pôle dédié à l’innovation collaborative chez Swiss Life.

3.1.1 Une nouvelle façon d’innover

L’objectif est de développer une nouvelle façon d’innover qui passe d’abord par les

collaborateurs. Ainsi, l’innovation collaborative considère que chaque collaborateur

peut avoir une bonne idée et proposer des initiatives permettant d’améliorer les

différents piliers de l’activité de Swiss Life.

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57

3.1.2 Les formes d’innovation collaborative en interne

Deux formes d’innovation collaborative sont mises en place : une forme d’innovation

spontanée et une forme d’innovation provoquée.

• L’innovation collaborative spontanée : « J’ai une idée »

Une première initiative consiste à offrir la possibilité à tous les collaborateurs de

proposer en continu des idées sur tous les sujets. Ainsi, depuis mars 2016, un bouton

« J’ai une idée » a été intégré à l’intranet afin de permettre aux collaborateurs de

soumettre leurs idées. Ceux-ci remplissent un formulaire où ils doivent indiquer à quels

objectifs stratégiques répond leur idée, parmi une liste d’objectifs.

• L’innovation collaborative provoquée : les « innovathons »

Par ailleurs, plusieurs évènements de générations d’idées, les « innovathons » ont eu

lieu depuis novembre 2015, afin de stimuler des idées sur un thème précis.

Ces journées d’innovation consistent à mettre en incubation tous les collaborateurs

d’un métier ou d’un département, ainsi que leur directeur. La journée s’articule entre

des séances en plénière (avec des outils interactifs, tel que le vote en ligne pour une

idée) et des séances en sous-groupes où les collaborateurs travaillent sur 4

thématiques différentes, portant à la fois sur des enjeux de productivité et des

innovations de produits ou services. Les sous-groupes sont diversifiés au maximum

pour favoriser les rencontres entre collaborateurs. De plus, l’animation de

l’innovathon est assurée par des prestataires externes, pour ne pas recréer de

barrières hiérarchiques et inciter chacun à participer librement. Au total, sur chaque

journée, plusieurs centaines d’idées sont générées.

Ainsi, Swiss Life se situe plutôt dans un état de « lean innovation », qui consiste à

impliquer un maximum de salariés pour générer le plus d’idées possibles.

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3.2 La mise en œuvre des idées

Les idées reçues sont classées en trois catégories : les bonnes intentions, les « quick

wins » et les idées à instruire.

Les bonnes intentions ne font pas l’objet d’un approfondissement.

Les « quick win » sont des bonnes idées d’amélioration continue, qui peuvent être

implémentées rapidement. Elles repartent dans les métiers et peuvent être mises en

place par le directeur de service.

Enfin, les idées à instruire doivent être approfondie et nécessitent des ressources

humaines, juridiques, informatiques…

Une communauté d’animation de la démarche d’innovation collaborative (CADI) a

été mise en place. Ce CADI est composé de tous les directeurs de programme, car

ils qui se connaissent déjà et ont une vue transversale sur les projets de l’entreprise.

Cette communauté se réunie une fois par mois pour passer en revue les idées et

sélectionner les idées à instruire.

L’émetteur de l’idée est ensuite invité à présenter son idée devant les instances

décisionnelles (CoDir, ComEx…).

Néanmoins, si les idées nécessitent une plus grande investigation (parce qu’elles sont

disruptives ou nécessitent des moyens importants), Swiss Life organise des ateliers

collaboratifs réunissant des chefs de projet volontaires ainsi que le porteur de l’idée.

Ces ateliers de 1h permettent de développer la finalité de l’idée, les objectifs, gains

et risques associés. Ils conduisent aussi à la désignation d’un porteur de l’idée et à

l’identification d’un sponsor. Cette réunion aboutit à la formalisation d’une note de

cadrage récapitulative. Si besoin, l’émetteur de l’idée continue à travailler avec un

chef de projet (coaching de l’idée), avant de présenter son idée devant une

instance décisionnelle. Le schéma ci-dessous représente le processus de traitement

des idées.

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3.3 Les vertus et difficultés de l’innovation collaborative

L’innovation collaborative présente de nombreuses vertus.

D’une part, ce processus permet de dégager un grand nombre d’idées, variées et

concrètes afin d’améliorer l’offre de produits et services proposée par Swiss Life ainsi

que son fonctionnement interne.

Par ailleurs, les journées d’innovathons renforcent la cohésion et permettent aux

collaborateurs de se sentir impliqués dans la prise de décision stratégique. Ce

processus contribue donc à responsabiliser davantage les collaborateurs.

Néanmoins, l’innovation collaborative nécessite un effort pédagogique important et

une bonne communication. En effet, certaines personnes peuvent avoir l’impression

que l’innovation collaborative remet en question leur activité, leur tâche, leur

projet… alors qu’elle se situe bien dans une démarche d’amélioration. De plus, il est

Grille d’évaluation

Note de cadrage de l’idée approuvée

Comex CCI (IT)

CCM/CSPP MTP

CoDir métier

Bilan

Toutes  les  idées  issues  de  :   Innovathons,  J’ai  Une  Idée,  veille,  start-­‐ups,  …

Pipe à idées Stockage des idées formulées

Evaluation des idées Premier screening global puis grille de notation

Coaching de l‘idée Composition d‘une note de cadrage en équipe

Arbitrage de l‘idée ComEx, CoDir, CCM, MTP,…

POC de l‘idée Idée prise en charge

Idée formulée

Idée classée sans suite ou approuvée

Idée documentée et sponsorisée

Idée testée

Idée déployée

Lancement

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important de maintenir une dynamique positive pour ne pas abandonner trop vite

une idée qui paraît difficile à mettre en œuvre.

Pour le moment, aucun dispositif d’innovation client n’existe au sein de Swiss Life.

Néanmoins, une communauté composée d’une trentaine de collaborateurs clients

va être crée fin septembre 2016 pour travailler en ateliers collaboratifs sur

l’amélioration de l’expérience client.

Cette démarche permettra de réaliser des tests sur des produits, notamment sur

l’application de gestion des contrats Swiss Life. Une prochaine étape consistera à

travailler avec des start-ups afin de tester rapidement les idées sélectionnées.

*

Ainsi, avec l’innovation collaborative, Swiss Life développe une nouvelle manière

d’innover basée sur l’écoute de ses collaborateurs, porteurs d’idées innovantes pour

améliorer l’activité. L’innovation collaborative permet en outre de renforcer la

transversalité et le travail collectif, en misant sur la créativité et le potentiel de

chacun.

4. Favoriser la culture de l’apprentissage et de l’intelligence collective

Comme nous l’avons démontré dans la première partie de ce mémoire, la culture

de l’entreprise doit nécessairement évoluer pour que la transformation soit réussie. En

effet, c’est la transformation culturelle qui conditionne l’appropriation des outils et

méthodes de travail proposés, et l’ancrage des comportements attendus.

Pour ces raisons, Swiss Life s’efforce de remettre le savoir et l’intelligence au cœur de

ses priorités, afin de favoriser l’apprentissage collectif et le partage des

connaissances.

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61

4.1 Promouvoir une culture de l’apprentissage

4.1.1 Enrichir les compétences

D’une part, Swiss Life entretient une culture de promotion de l’apprentissage tout au

long de la vie professionnelle via des parcours de formations variés. En effet, la

qualité du service que la société fournit à ses parties prenantes repose avant tout sur

l’expertise et l’engagement des collaborateurs. Il est donc fondamental

d’accompagner les collaborateurs dans le développement de leurs compétences

avec des formations adaptées.

En 2015, le taux d’accès à la formation s’élève ainsi à 54% chez le personnel

administratif et à 38% chez les commerciaux, soit 49% au total36. L’année 2015 a été

très diversifiée en termes d’accès à la formation, comme visible ci-dessous. La

division financière a été particulièrement concernée (taux d’accès : 93%), pour

répondre à la multiplicité des exigences de communication financière et

prudentielle.

36 Chiffres au 31.07.15.

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62

Par ailleurs, il faut noter que les actions de formation menées sont principalement

des actions d’adaptation au poste de travail ou des actions de formation liée à

l’évolution des emplois ou au maintien dans l’emploi (99% des actions menées). Les

actions visant le développement des compétences sont très minoritaires (1% des

actions menées).

Le plan de formation 2015 de Swiss Life est donc axé métiers et professionnalisant,

afin d’accompagner les collaborateurs aux évolutions de leur emploi. Au total, 4753

formations37 sont proposées pour les collaborateurs administratifs et commerciaux,

dans des domaines très variés (Assurance Dommages / Santé / Vie ; Finance ;

Management ; Efficacité comportementale etc.).

De plus, plusieurs parcours métiers ont été organisés pour les services de gestion et

les services clients. L’objectif de ces parcours est d’offrir des formations collectives

pour amener des équipes entières à monter en compétences. Ces parcours sont

développés sur la base d’un socle commun avec des chemins de spécialisation et

des passerelles possibles. Un premier « Parcours Métiers » pilote a été réalisé en juin

2014 pour les gestionnaires Santé / Prévoyance, sur une durée de 11,5 jours.

En 2015, un nouveau parcours de professionnalisation est proposé aux collaborateurs

de la Direction des Service Clients et Intermédiaires Vie. Ces parcours, qui associent

réunions de préparation, formation en présentiel et e-learning, sont conçus pour

accompagner les collaborateurs dans l’évolution des processus en cours chez Swiss

Life, par exemple dans l’évolution de la relation client.

4.1.2 Favoriser de nouveaux modes d’apprentissage

En outre, Swiss Life tend à favoriser de nouveaux modes d’apprentissage, plus

interactifs.

Ainsi, un parcours de formation dédié aux managers a été lancé en 2013 avec pour

37 Chiffres issus du rapport RSE Swiss Life 2015.

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objectif de « faire monter en compétences nos managers et les engager

durablement pour affronter les enjeux de transformation de Swiss Life ». Ce parcours

est particulièrement intéressant car il propose une nouvelle approche pédagogique,

à la fois variée, dynamique et innovante.

Le parcours, qui dure de 4 à 6 mois, propose à la fois un tronc commun et des

modules individualisés pour que chaque manager progresse et s’engage dans le

processus de transformation de l’entreprise à son rythme.

De plus, le parcours est composé de cours en présentiel alimenté par des modules

vidéos, des contenus interactifs, des jeux de rôles et mises en situation.

L’autoapprentissage est encouragé, avec la mise en ligne d’une plateforme dite

« Crossknowledge », accessible par les managers en permanence pour conforter

leurs connaissances.

Ainsi, en 2015, cette formation s’est accélérée avec 121 managers formés, sur 240

depuis 2013.

4.2 Promouvoir la circulation et la transmission des savoirs

D’autre part, Swiss Life s’est donnée pour mission de favoriser les échanges entre

générations afin de construire la coopération entre générations et permettre aux

jeunes générations de tirer profit de l’expérience acquise par leurs aînés.

Ainsi, Swiss Life a mis en place en janvier 2015 le « contrat de générations » avec 3

objectifs :

- la formation et l’insertion durable des jeunes dans l’emploi ;

- le recrutement et le maintien dans l’emploi des seniors ;

- la transmission des savoirs et des compétences entre ces deux générations.

Nous souhaitons ici nous intéresser au dernier engagement de ce contrat, puisqu’il

s’inscrit dans la volonté d’accroitre le partage de connaissances, un aspect

important de notre modèle théorique.

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4.2.1 La transmission des savoirs entre générations

Ainsi, pour promouvoir la transmission des savoirs, plusieurs actions sont initiées par

Swiss Life.

Tout d’abord, le tutorat est mis en place sur la base du volontariat, prioritairement

pour des salariés âgés de plus de 55 ans et détenant des compétences ou savoirs

spécifiques. Le temps consacré à cette mission est pris en compte dans la charge de

travail du tuteur ainsi que dans ses dispositifs d’évaluation (entretien annuel et

évolution de carrière). Par ailleurs, les tuteurs bénéficient d’une formation pour

renforcer leurs qualités pédagogiques.

Ceux-ci peuvent en outre assurer la formation des « Parcours Métiers » pour

accompagner la professionnalisation des collaborateurs.

Par ailleurs, Swiss Life a mis en place le parrainage, qui permet à un collaborateur

senior de faciliter l’intégration d’un nouveau collaborateur pendant ses deux

premiers mois d’activité. Ce programme a été expérimenté sur l’année 2015 avec 10

salariés volontaires.

Enfin, Swiss Life souhaite poursuivre une gestion active des salariés de tout âge en

favorisant la diversité des âges au sein des équipes, la formation des managers au

management intergénérationnel et le transfert de compétences en cas de départ à

la retraite.

4.2.2 Favoriser la mobilité interne

Par ailleurs, dans le cadre de l’évolution des métiers de l’assurance, Swiss Life

souhaite développer la polyvalence de ses collaborateurs et faire circuler les

compétences en encourageant la mobilité inter-métiers ou inter-fonctions. En 2015,

le dispositif a été particulièrement dynamique avec deux tiers des mobilités au sein

de la division clients et transformation digitale.

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4.3 Favoriser l’intelligence collective

Enfin, Swiss Life a pour ambition de renforcer l’intelligence collective en créant des

synergies entre ses collaborateurs et en valorisant l’apprentissage par l’expérience et

l’interaction sociale.

4.3.1 Développer les communautés de pratiques

Les communautés de pratiques se développent au sein de Swiss Life. Nous

souhaitons ici étudier deux communautés bien établies : la communauté

programme et la communauté projets.

La Communauté de Programmes (composée de 10 membres) est d’abord crée en

2013 avec pour objectif d’être plus efficace dans la gestion des projets transverses.

La communauté projets (composée de 58 membres) lui fait suite en 2014 pour

développer la diversité, la confiance et la coopération dans la gestion de projet.

Ces communautés se regroupent trois fois par an lors de séminaires où elles

travaillent en ateliers sur divers sujets d’amélioration de la gestion de projets :

partage d’outils de diagnostic sur les risques projet et la gestion du management,

échange sur les méthodes de gestion de projets…

La communauté programme définie collégialement les feuilles de route des

programmes, en identifiant les points de similitudes.

Enfin, à chaque séminaire, un membre du ComEx explique un objectif de sa

direction et soulève les enjeux côtés projets.

Ces communautés sont un moyen additionnel de décloisonner l’entreprise tout en

permettant aux collaborateurs de se rencontrer et de partager leurs connaissances

et leurs compétences afin d’identifier les bonnes pratiques. En plus, en 2015, plus de

90% des participants de la communauté de projets ont trouvé que le temps

consacré à la communauté a été enrichissant, témoignant ainsi de l’intérêt porté à

ce mode de fonctionnement38.

38 Résultats d’un questionnaire de satisfaction.

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4.3.2 Mettre en place un réseau social d’entreprise

L’aboutissement de cette démarche serait la mise en place d’un réseau social

d’entreprise. Swiss Life a engagé une réflexion avancée sur ce projet, dont l’étude

de faisabilité devrait être prochainement lancée.

Cet outil de travail collaboratif serait directement intégré à l’intranet de l’entreprise

et offrirait la possibilité aux collaborateurs qui le souhaitent de se créer un profil, et

d’exprimer librement leurs idées en publiant du contenu (actualités, textes, images,

vidéos…), dans l’esprit d’un « Facebook professionnel ».

L’ambition est d’accompagner la transversalité mais aussi de renforcer les

communautés projets. En effet, un des objectifs du réseau social d’entreprise serait

de créer de nouvelles communautés autour du sujets professionnels ou d’intérêt

(exemple : communauté de coureurs Swiss Life). Ainsi, chaque collaborateur aurait

la possibilité de créer une communauté publique ou privée, qui se présenterait sous

la forme d’un forum. Elle serait soumise à validation de la communication interne,

chargé d’harmoniser l’outil. Ces communautés auraient pour objectifs de partager

des expertises et savoir-faire, de faire remonter des expériences terrain et de créer

de la cohésion en interne.

On se situe donc parfaitement dans une logique d’intelligence collective avec mise

en synergies des intelligences des collaborateurs pour faire émerger de nouvelles

idées.

Ainsi, l’apprentissage au sein de Swiss Life passe encore beaucoup par la formation.

Les initiatives visant à développer l’apprentissage informel ou par interactions

sociales sont très récentes et limitées. La création d’un réseau social d’entreprise

permettrait de franchir une nouvelle étape, en interconnectant l’ensemble des

collaborateurs volontaires. C’est à travers ce genre d’initiatives qu’une véritable

culture du partage de l’information et de l’apprentissage par expériences pourra

s’ancrer dans les comportements.

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5. Instaurer une nouvelle culture de management

Comme mentionné dans la première partie de ce mémoire, la transformation

intelligente de l’entreprise implique aussi l’instauration d’une nouvelle culture

managériale. Au sein de Swiss Life, il existe une certaine diversité dans les styles et les

pratiques de management. Après avoir dressé un état des lieux du mode de

management le plus courant, nous étudierons les initiatives innovantes testées au

sein du département « Digital Client » de la Division des systèmes d’informations.

5.1 Une évolution progressive de la culture managériale

De manière générale, l’entreprise Swiss Life reste dans un mode de management

assez classique : les managers sont responsables d’équipes auxquelles ils confient

des tâches à accomplir. Suite à la réalisation de celles-ci, le collaborateur rapporte

au manager les fruits de son travail. Le manager vérifie ainsi que le travail a été

correctement effectué. Ce type de fonctionnement peut s’accompagner d’une

plus ou moins grande distance hiérarchique. Le collaborateur exécutant ne dispose

pas toujours des mêmes informations que ses supérieurs.

Néanmoins, ce style de management évolue progressivement. En effet, selon la

directrice de la communication, « on passe d’un management par tâches à un

management par objectifs ». Cette évolution répond à la fois à une évolution de la

société et à une évolution des attentes des nouvelles générations.

Ce management par objectifs est aussi renforcé par le fait que tous les

collaborateurs de la nouvelle division client et transformation digitale partagent

maintenant des objectifs communs sur leur feuille de route.

Avoir des objectifs communs, cela contribue à créer une vision partagée par tous et

donc à donner du sens à l’activité de chacun. Le collaborateur n’effectue pas

seulement une tâche isolée, il a conscience de contribuer à la réussite d’un objectif

plus vaste.

En outre, comme mentionné plus haut, l’esprit agile se diffuse progressivement au

sein de l’entreprise, et avec lui les notions de responsabilisation et d’autonomie. Les

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68

managers (et collaborateurs) qui le souhaitent peuvent d’ailleurs être formés à cette

méthode ou même être accompagné dans le pilotage agile d’un projet. In fine,

cette nouvelle méthode de travail influe sur le style de management car la

confiance et la responsabilisation des collaborateurs sont des préalables

indispensables à la démarche agile.

5.2 Une expérience réussie de coaching au sein du département Digital

Client

Néanmoins, il faut noter qu’il existe d’autres styles de management au sein de

l’entreprise.

Ainsi, au sein du département « Digital Client » de la Division des systèmes

d’informations, le management sous forme de coaching a été mis en place depuis 3

ans.

Ce type de management est très inspiré de la théorie du leader serviteur

mentionnée dans la première partie de ce mémoire. Ainsi dans le département

Digital Client, les managers sont rebaptisés « coach » et leur objectif est de faire

monter en compétences les collaborateurs de leurs équipes. Pour cela, les coachs

invitent leurs collaborateurs à se questionner et à trouver les solutions par eux-

mêmes, en procédant par essais / erreurs, plutôt qu’en étant directif. Chaque

semaine des points de coaching permettent d’échanger et d’étudier les solutions,

les difficultés…

Selon Emilie Arnould39, qui a vécu ce changement de fonctionnement au sein du

département, ce style de management accroit l’efficacité et le bien être des

collaborateurs.

D’une part, il apparait que les collaborateurs réussissent souvent à proposer une

solution meilleure que celle qui aurait été imposée par le coach, car ils sont sur le

terrain, au plus près des outils et des problématiques.

39 Cf. interview retranscrit en annexe 3.

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69

De plus, ce mode de management renforce l’implication des collaborateurs, la prise

d’initiatives, et donne du sens au travail car la vision est connue et partagée.

*

Pour l’instant, ce style de management est propre au département Digital Client, et

n’a pas encore vocation à être répandue au sein de Swiss Life. Néanmoins, la

promotion et diffusion de l’esprit agile influencent progressivement les styles de

management. On peut penser que ces notions d’autonomie et de responsabilisation

des collaborateurs vont ainsi progressivement s’étendre dans l’entreprise et modifier

sur le long terme les comportements.

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70

Conclusion générale

La deuxième partie de ce mémoire nous a permis d’évaluer la maturité de la

transformation interne de l’entreprise Swiss Life au regard de notre modèle théorique.

Depuis 2015, Swiss Life s’est engagée dans la construction de son propre modèle

d’entreprise intelligente, pour conjuguer les attentes de ses parties prenantes et

développer l’agilité et la capacité d’adaptation de ses collaborateurs.

Notre analyse nous permet d’affirmer que Swiss Life a enclenché sa transformation

vers un modèle plus intelligent.

D’une part, l’entreprise a connu il y a quelques mois une réorganisation interne pour

accroitre la transversalité entre ses équipes, avec pour objectif de servir au mieux le

client et de poursuivre la transformation digitale de l’entreprise. L’apparition de trois

objectifs communs à l’ensemble de cette nouvelle division marque la volonté

d’orienter toute l’action collective dans la même direction. De même, les réunions

multilatérales et les comités traversent favorisent le partage de connaissances au

sein de la division et entre divisions.

Pour autant, ces instances informatives sont pour l’instant dépourvues d’objectifs

communs. De plus, le mode de coordination principal reste la ligne hiérarchique, ce

qui limite la capacité créative et entraine des lenteurs d’actions dues aux différents

relais de communication. La transversalité n’en est alors qu’à ses prémices ;

néanmoins, un premier pas a été réalisé.

Pour soutenir cette transformation, la méthode agile se diffuse progressivement au

sein de l’entreprise, afin de rendre la gestion de projet plus efficace et de faire

évoluer l’état d’esprit des collaborateurs et managers. Elle vise ainsi à renforcer

l’esprit collectif, l’adaptation face au changement, la responsabilisation des

collaborateurs et l’apprentissage par essais/erreurs.

Parallèlement, de nouveaux processus de travail misant sur le collaboratif et la

créativité apparaissent avec l’innovation collaborative. Les collaborateurs, au

centre du dispositif, sont écoutés et sollicités parce qu’ils sont porteurs d’idées

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intelligentes pour améliorer l’activité. Cela permet aussi de renforcer la

transversalité et le travail collectif en misant sur la créativité et le potentiel de

chacun.

Par ailleurs, conformément aux engagements figurant dans son dernier rapport RSE,

Swiss Life porte une attention grandissante à l’apprentissage, à l’enrichissement des

compétences et à la transmission des savoirs. Swiss Life propose ainsi un large choix

de formations, en utilisant le digital pour apprendre autrement. De plus, l’entreprise

mise sur sa diversité intergénérationnelle pour renforcer la transmission des

connaissances, à travers par exemple le tutorat.

Cependant, il existe encore peu de dispositifs visant à créer des synergies entre les

intelligences des collaborateurs. Quelques communautés de pratiques existent au

sein de l’entreprise, mais elles restent un dispositif à la marge. De même, l’entreprise

ne propose pas encore d’outil collaboratif visant à connecter tous ses

collaborateurs, même si des réflexions sur la mise en place d’un réseau social

d’entreprise sont en cours. Ce n’est que lorsque ces approfondissements seront

menés qu’un véritable esprit de partage de l’information et du savoir pourra s’ancrer

dans les comportements.

Enfin, quant au dernier pilier de notre modèle, l’évolution de la culture managériale,

Swiss Life reste dans des modèles de management assez traditionnels. Seul un

département rattaché à la DSI fonctionne sur le modèle du management sous

forme de coaching. Il convient de noter que cette initiative impulsée par le

responsable de ce département il y a trois ans, n’est pas le fruit de la transformation

actuelle de l’entreprise. Néanmoins, la diffusion progressive de l’état d’esprit agile

dans l’entreprise contribue en même temps à répandre de nouvelles valeurs

managériales. Pour autant, il n’est pas encore question d’instaurer un nouveau style

de management à l’échelle de l’entreprise. Ceci n’est pas vraiment surprenant, car

la composante culturelle est la plus longue et la plus difficile à transformer.

L’entreprise Swiss Life est donc en pleine phase de transition : des premiers pas

significatifs ont été faits pour adapter le socle organisationnel et diffuser de nouvelles

méthodes et processus de travail.

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Comme nous n’avons pas cessé de le répéter, la transformation intelligente de

l’entreprise doit se faire avant tout par les collaborateurs. Il se peut cependant que

ceux-ci ne soient pas spontanément favorables à la démarche. En effet, mener une

telle transformation peut s’avérer difficile. Il convient d’insister sur la nécessité de

porter une grande attention à ceux qui sont directement impactés par le

changement : les collaborateurs.

En effet, les collaborateurs, qui font une analyse rationnelle du changement,

peuvent y voir plus de pertes que de gains : la transformation est coûteuse en

énergie, ils ne voient pas l’intérêt de davantage collaborer, ils veulent garder la main

sur leur périmètre et leur projet, ou sur leur autorité… Les collaborateurs, censés être

les moteurs de la transformation, peuvent développement une forme de résistance

au changement.

Par ailleurs, la transformation de l’entreprise, parce qu’elle bouleverse le

fonctionnement interne, les façons de travailler, les habitudes, et parfois les

périmètres de chacun, peut engendrer de l’anxiété voire de la souffrance.

Ainsi, l’entreprise a un rôle majeur à jouer dans le pilotage du changement.

D’une part, la transformation doit être soutenue par une excellente communication,

afin d’expliquer la vision, les bienfaits de la transformation, relayer les expériences

réussies, et transmettre de nouvelles valeurs pour diffuser progressivement une

nouvelle culture d’entreprise.

D’autre part, il est fondamental de prévoir des dispositifs d’accompagnement du

changement, à la fois individuel ou collectif. Le management doit être extrêmement

attentif pendant cette période de transformation pour veiller à accompagner les

collaborateurs, notamment ceux qui se sentent lésés par le changement. Il faut

parfois accepter de perdre du temps - en organisant des réunions, en dialoguant, en

remettant à plat certains sujets - pour en gagner plus tard. Car ce n’est que lorsque

les collaborateurs auront compris l’intérêt de la transformation, et identifié les gains

qu’ils peuvent en retirer, qu’ils pourront porter la vision et rendre l’entreprise plus

intelligente.

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Annexes

Annexe 1 : Guide d’entretiens

Je tiens à remercier l’ensemble des personnes citées ci-dessous d’avoir pris le temps de me rencontrer et de répondre à mes questions.

• Eddie Abdecassis, Directeur de la Transformation Digitale et du Marketing

Stratégique

Thème abordé : La transformation digitale de Swiss Life.

• Emilie Arnould, responsable d’application Digital Client, division des systèmes

d’informations.

Thème abordé : Le management sous forme de coaching.

• Véronique Eriaud, Directrice de la communication.

Thème abordé : Les enjeux de la transversalité et l’évolution du style de

management.

• Elodie Inacio, Responsable de la communication interne.

Thème abordé : Le réseau social d’entreprise.

• Claire Naudeix, Manager Organisation MOA Digital Clients & Apporteurs,

Direction Marketing Stratégique & Transformation Digitale.

Thème abordé : La méthode agile chez Swiss Life

• Thierry Mercier, Responsable du pôle Veille & Innovation, Direction de la

Transformation Digitale et du Marketing Stratégique.

Thème abordé : L’innovation collaborative chez Swiss Life

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