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L’ossuaire de Douaumont- mardi 19 avril 2016
La visite de l’après-midi est consacrée à la nécropole nationale et à l’ossuaire de Douaumont.
Nous arrivons à Douaumont vers 13h30.
Nous tombons tout de suite sur des alignements de tombes le long de la route.
La terre a ici beaucoup souffert des erreurs de l’humanité…..
Dans ce paysage, la mort est ici l’unique sujet.
On ressent le fracas de la bataille. On se fait une idée de la guerre. On n’a pas l’habitude de
voir des cimetières aussi grands.
La dimension émotionnelle est très forte ici. La gravité est inhabituelle. Le ciel est bleu mais
la lumière est froide…Depuis Douaumont, on domine des paysages vallonnés de forêts qui
s’étirent jusqu’à la ligne d’horizon. La vue est étrangement belle de ce côté. On doute même
de sa réalité…
Le tableau visuel reste sombre. On aperçoit des tombes. Partout.
Tout s’enregistre dans la mémoire.Il n’y a pas besoin d’appareil. Il est difficile de trouver le
mot juste.On ressent tout, pas besoin d’expliquer. L’imaginaire est actif et pénétrant.
Des sentiments qui passent par des regards, des silences dans le chaos du présent.
Des roses au pied de chaque tombe comme des passages de fleurs entre chaque allée.
La bataille de Verdun…. !
Il y a aussi beaucoup d’écoliers, de collégiens, de lycéens sur le site.
On note aussi quelques classes allemandes. Beaucoup viennent à Verdun et à Douaumont
car ils n’ont pas de monuments aux morts chez eux et leur pays n’a pas subi de dommages.
La mémoire familiale n’a pas été entretenue par une mémoire nationale d’autant plus que le
traité de Versailles a été vécu comme une humiliation et que la Seconde guerre mondiale a
ensuite causé un écrasement mémoriel.
La majorité d’entre eux viennent en pèlerinage sur les pas d’un aïeul.
Un de nos élèves, Pierre Lyons est aussi venu retrouver à Douaumont la tombe de son
arrière grand-père pour lui rendre hommage et se recueillir…
La célèbre poignée de main en 1984 entre Helmut Kohl et François Mitterand à l’ossuaire de
Douaumont est également dans toutes les mémoires.
Dans tous les livres d’histoire.
C’est aussi un puissant argument. Le site de la bataille intéresse moins.Le recueillement, oui.
L’articulation entre le passé et le présent reste difficile. La réconciliation par le silence et le
respect. Une ébauche de réflexion sur la paix…
On raconte maintenant une autre histoire d’Europe.Le rêve s’abîme parfois devant les
barbelés, les tranchées, les murs et les terrains vagues où se dressent les tombes….
Le sommet de la lanterne des morts
La violence a fait basculer dans un combat à mort des soldats pour lutter contre le mal
absolu….des chemins de vie fracassés , aussi soudainement que les obus qui tombaient et
déchiraient les flancs de la butte de Douaumont.
Nous commençons la visite par la projection d’un film-documentaire sur la bataille de
Verdun intitulé « des hommes de boue ».
La Première guerre mondiale s’est vite transformée en guerre de tranchées.
Le film raconte la vie des soldats au front, assis sur leurs sacs, pendant que les obus sifflent
dans l’air….loin de leurs familles, loin de leurs préoccupations….
Leurs paroles restituent les violences et les ambiguïtés de l’époque, galvanisées par la
propagande.
Des hommes qui apprennent à vivre dans la terre avant d’y mourir….des femmes qui
apprennent à se débrouiller sans eux…..
On retrouve les personnages rencontrés dans les romans de Maurice Genevoix ou de Robert
Dorgelès et dans les séquences de cours.
Témoignage du soldat Paul MUENIER :
" Verdun, c'est l'enfer, ça ne se raconte pas, ça se vit. On aura tout vu, ces ventres béants ou le rat mort, ces visages livides, ces corps gelés, sur les cadavres la vermine, une odeur épouvantable que nous ne connaissions pas. Toutes ces horreurs sans nom qui nous environnent ne sont rien à côté de celles qui se préparent. Quelle atmosphère d'affolement, d'inouï et jamais vu. Où sommes-nous ? "
Le film explique l’attachement patriotique, le tragique de la situation et l’héritage porté par toutes les générations.
On le reçoit en plein cœur.
Nous plongeons dans l’enfer même des combats et vivons pendant vingt minutes au rythme des exploits des héroïques soldats. Le documentaire remplit à sa façon le nécessaire devoir de mémoire.La richesse des archives filmées confère une grande force d’évocation à cette page d’histoire bouleversante.
Une sorte de mise en abîme de la guerre dans la guerre.Un texte désespéré où chaque syllabe est accentuée, les mots semblent habités et détachés pour accompagner en rythme la dramaturgie. La voix des soldats eux-mêmes s’entremêle à la parole des spécialistes.
A Verdun, la guerre gagne en épaisseur, en noirceur….
Ces maudits combats font aujourd’hui partie de la grande Histoire.
Nous poursuivons la visite et nous rendons dans le cloître.
Dans le bâtiment central sont entreposés les ossements mêlés de 130 000 soldats non
identifiés des deux camps… !Des os encore refoulés par les mouvements de la terre…et qui
sont visibles de l’extérieur du bâtiment.
Sur la voûte de l’ossuaire, tapissée de plaques aux noms des victimes, le premier allemand a
aussi fait son apparition en 2014.Le regard change évidemment.
Une plaque commémorative de bronze, fixée en surplomb de la nécropole de Fleury devant
l'Ossuaire, rappelle la journée du 22 septembre 1984 marquant l'amitié entre la France et
l'Allemagne.
Un panneau nous apprend aussi que le 22 septembre 1984, dans le cadre de la rencontre
organisée par l'Office franco-allemand pour la Jeunesse, une centaine de jeunes Français et
Allemands ont planté des érables sycomores en symbole de l'amitié entre les deux pays.
Un regard différent que nous retrouverons le dernier jour au centre mondial de la paix.
Depuis 2009, le drapeau allemand flotte aussi sur le fort de Douaumont aux côtés des
drapeaux français et européen…
La visite commence véritablement dans l’immense cloître de 137 mètres de long.Les
photographies sont interdites.Des sarcophages de granit indiquent les 46 secteurs de la
bataille de Verdun.
Au-dessus des fosses, des flammes du Souvenir pour les jours de cérémonies…
Sur les pierres de la voûte basse, les familles ont fait graver les noms de leurs disparus et les
associations de combattants une dédicace de reconnaissance.
La façade principale est dépouillée, seulement décorée des armoiries des villes qui ont
contribué à l'exécution du monument.
Au sommet de la tour de 42 m qui porte la Lanterne des Morts éclairant le champ de bataille,
une cloche de bronze de 2 042 kg et un panorama sur tout le champ de bataille complété par
une table d'orientation.
Accompagnés par des membres d’une section du Souvenir français, des écoliers entonnent la
Marseillaise dans le cloître. Le chant résonne.
Les jeunes reprennent ensemble les trois premiers couplets. Leur prestation est émouvante et
provoque beaucoup d’émotion.
Derrière eux, les verrières projettent leur lumière rouge, symbole du sacrifice des soldats.
Les alvéoles renvoient le son vers les absides. L’atmosphère est pesante au milieu des
tombeaux.
La tour, seule verticale de cette morne plaine…
Les escaliers sont raides pour monter au sommet de la tour. On y accède après quelques
haltes.
Dans la chapelle, les fenêtres sont garnies de vitraux de conception moderne du peintre
Desvallières, maître de l'art sacré. En 1927, celui-ci expose au Salon des Tuileries à Paris les
six cartons des vitraux destinés à l'Ossuaire : le Sacrifice, l'Offrande des épouses et des mères,
la Rédemption, l'Ascension, les Infirmières, les Brancardiers.
Ces oeuvres renouvellent le genre par un style moderne. Les couleurs heurtées, les traits
tourmentés des personnages sont le reflet du chaos du champ de bataille. Les vitraux ont été
réalisés par le verrier Hébert-Stevens.
Les statues religieuses sont d'Elie-Jean Vézien (Saint Joseph, Sainte thérèse, Sacré-Coeur,
Jeanne d'Arc, Pietà). Elles expriment l'espérance forte en un avenir sans haine et une
humanité en quête d'absolu.
Un supplément d’âme.
Devant l'Ossuaire s'étend l'immense nécropole nationale où ont été regroupés 16 142 soldats
français dont 6 de 1939-1945. Parmi les tombes, 592 stèles de soldats musulmans de l'empire
colonial. Il faut tenir compte des vies de chacun.
Des hommes, des maris, des pères, des amis…on baisse la tête devant chaque tombe.
On parle ici de tous les deuils. Chaque croix est une « statue humaine ».Chacune semble
figée dans le temps au milieu des autres.
Dans la tragédie de 1916.
On travaille la matière même de la mémoire en parcourant chaque carré de tombes.
Le cimetière est dense de croix blanches et de noms. Tout un monde semble avoir
disparu…
Qu’est-ce donc que l’humain ?
Tout bouleverse sans tirer les larmes. On se prend d’affection pour chaque soldat. Ils ont tous
renoncé à leur bonheur pour défendre la Patrie…
Nous retrouvons la tombe de l’arrière grand-père de Pierre Lyons, Jean Choisy.
Hommage solennel de Pierre Lyons à son arrière grand-père.
La section du Souvenir Français de Castillonnès a rendu hommage au soldat Jean-Elie Choisy
en présence d’Alain Boucherès et de Pierre Sicaud.Dick Bogg a délivré le message aux
combattants morts.Un hommage ému, digne et simple.
Hommage rendu par le Général Bogg.
La Marseillaise a été chantée par tous les accompagnants.
Jean-Elie Choisy, Mort pour la France sur le champ de bataille de Verdun
Seule l’herbe a repoussé sur ce terrain de guerre….au milieu de tous ces noms de disparus
A la fin de la visite, les élèves ont reçu la médaille de l’ossuaire de Douaumont.
« Cela n’a rien à voir avec ce que l’on apprend dans les livres. Ici, on prend vraiment
conscience de la guerre quand on voit le nombre de morts et les champs dévastés.
La nécropole est immense. Il y a des tombes à perte de vue….
Chaque pierre est gravée, chaque tombe est fleurie : les soldats méritent qu’on pense à eux. »
Sarah
« Je suis fier d’avoir pu rendre hommage à mon arrière-grand-père ici à Verdun.C’est aussi
pour moi un lieu de mémoire familiale.
Je sais qu’il entend le bourdon de la lanterne des morts le jour des cérémonies. Il a combattu
avec les autres pour défendre notre patrie. Il a été un Poilu de la Première guerre mondiale.
Il mérite qu’on se tienne debout, là, devant lui pour lui rendre hommage. Avec dignité.
Comme toutes les victimes tombées à Verdun.»
Pierre
