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L’ESSENTIEL Le Brésil est devenu l’eldorado des OGM Dans certains États brésiliens, les cultures OGM ont presque éliminé les plants conventionnels. Les opposants ont du mal à se faire entendre SÃO PAULO De notre correspondant L e Brésil est devenu en quel- ques années le troisième pays au monde pour le nombre d’hectares plantés en semences génétiquement mo- difiées. Mieux, en 2007, le pays a enregistré une augmentation de 3,5 millions du nombre d’hecta- res cultivés avec des plants non conventionnels. Une croissance record, devant l’Argentine et les États-Unis, jusqu’alors cham- pions de la culture OGM. Au Brésil, actuellement, 15 millions d’hectares sont cultivés avec des OGM, dont 12 millions avec du soja, soit 30 % de plus qu’en 2006. Et les perspectives de croissance sont importantes dans un pays qui possède 850 millions d’hectares de terres cultivables. Le Brésil s’est ainsi transformé en eldorado des OGM. À commencer par le soja. L’année dernière, 60 % de l’ensemble du soja produit au Brésil était génétiquement mo- difié. Fin 2009, ce chiffre devrait atteindre 80 % de la production totale. Cinq ans à peine après l’autorisation par le gouverne- ment de la culture du premier plant transgénique, celui-ci est devenu dominant dans certains États, où il élimine purement et simplement les semences conven- tionnelles. Dans le sud, la « sojanisation » transgénique s’apparente à l’ex- pansion de la culture du café à la fin du XIX e siècle. Dans l’état de Rio Grande do Sul, 95 % du soja cultivé est d’ores et déjà trans- génique. C’est aussi le cas dans le Parana, qui concentre 20 % de la production agricole du pays et où la moitié du soja cultivé est transgénique. Historiquement, c’est par ces deux vastes et riches États du Sud que s’est faite l’entrée massive et en toute illégalité de se- mences OGM. En provenance de deux pays voisins, l’Argentine et le Paraguay. Mais les OGM ne concernent pas seulement le soja. La moitié du coton produit dans le pays est désormais génétiquement modifié. Quant au maïs, deux variétés vien- nent récemment d’être autorisées à la culture et à la commercialisa- tion, par une décision du Conseil national de biosécurité, la plus haute instance en matière de sé- curité alimentaire. Une entité qui n’a fait que reconnaître par la loi ce qui existait déjà dans les faits, avec la culture clandestine de milliers de plants transgéniques par les petits et gros producteurs du Sud et Centre-Ouest. Actuellement, 120 millions de tonnes de céréales sont produits chaque année dans le pays, dont un tiers de maïs. Les débouchés sont prometteurs pour leaders des semences OGM au Brésil, Bayer et Monsanto, ce dernier enregistrant un bénéfice record de + 107 % au 2 e trimestre 2007/2008. Des multinationales qui profitent d’un climat politi- que favorable. Sérgio Rezende, le ministre de la science et de la technologie, est un défenseur des cultures transgéniques, tout comme Reinhold Stephanes, le ministre de l’agriculture. Quant au président Lula, il est fréquemment accusé de céder aux desiderata du lobby pro-OGM au détriment du principe de précaution. Prochaine étape pour les producteurs de se- mences : l’autorisation de mise sur le marché d’une variété transgé- nique de canne à sucre. En attendant, les opposants tentent de faire entendre leur voix. Début mars, des membres de « Via Campesina », un des principaux mouvements de lutte pour la réforme agraire, ont détruit un champ expérimental de maïs transgénique appartenant à Mon- santo. Un acte qualifié d’« attentat » par la firme américaine. STEVE CARPENTIER L’année dernière, 60 % de l’ensemble du soja produit au Brésil était génétiquement modifié. Champ de soja transgénique dans le Parana. Le coton et le maïs sont aussi très concernés par ce type de culture. MARTA NASCIMENTO/RÉA Jean-Louis Borloo souhaite une Haute Autorité pour les OGM Le ministre de l’écologie a annoncé hier qu’il déposerait un amendement sur l’organisation de l’organisme chargé d’éclairer le gouvernement sur les OGM D epuis mardi après-midi, les députés sont entrés dans le vif du sujet. L’examen du projet de loi sur les OGM a déjà été marqué par de vifs échanges entre élus de la majorité et de l’opposi- tion. Parmi les sujets qui fâchent, il en est un qui va au-delà de la sim- ple question sémantique : Haute Autorité ou Haut Conseil, quelle est l’instance qui, finalement, devra donner un avis éclairé au gouvernement sur les décisions d’autorisation de « mise en cul- ture, d’importation, d’évaluation des impacts environnementaux, sanitaires et socio-économiques des OGM » ? Dans le projet initial du gouver- nement, ce devait être une Haute Autorité des biotechnologies constituée de scientifiques et de représentants de la société civile. Les biologistes moléculaires et les généticiens ne s’y taillaient plus la part du lion, mais se retrouvaient côte à côte avec des agronomes, des écologues, des toxicologues, des épidémiologistes, des écono- mistes et des sociologues. Mais aussi avec des associations envi- ronnementales, des organisations professionnelles, des collectivités territoriales, etc. Dans l’idée du ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo, ces « deux collèges devaient travailler ensemble » . Ce mode de fonctionnement a été modifié par un amendement du Sénat qui souhaite, lui, accor- der la primauté aux scientifiques, dans un nouvel ensemble nommé Haut Conseil sur les biotechnolo- gies. « Il y a un problème de coha- bitation entre les chercheurs purs et les autres sciences : on a besoin des scientifiques, mais il y a des enjeux environnementaux et socio-écono- miques qu’il faut prendre en compte, a insisté le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo à l’ouverture des débats. Nous souhaitons qu’il y ait une “plénière” de ces deux collèges (…), nous redéposons un amendement devant l’Assemblée nationale, et j’ai cru comprendre que la commission des affaires économiques n’y était pas hostile », a-t-il déclaré. Au-delà du mode de fonction- nement de cette instance, c’est son pouvoir réel qui est ici en jeu. Même les élus de l’opposition et les ONG, a priori hostiles au texte, considèrent comme fondamental le fait de rééquilibrer l’organisation de ce Haut Conseil. DENIS SERGENT SUR WWW.LA-CROIX.COM Retrouvez le projet de loi sur les OGM dans la navette. LE CHIFFRE AÉRIEN Le gouvernement italien menace de ne plus financer Alitalia L’État italien n’accordera pas à Alitalia le prêt relais prévu de 300 millions d’euros sans un accord entre les syndicats de la compagnie et Air France-KLM sur le projet de reprise, a averti hier le ministre italien de l’économie devant les députés, en mettant en avant les règles communautaires. Une nouvelle session de négociations entre la direction d’Air France et les syndicats d’Alitalia s’est ouverte hier après-midi à Rome. Le feu vert des syndicats est une con- dition posée par la compagnie franco-néerlandaise pour concrétiser son offre. BUDGET Le gouvernement Fillon peaufine son plan d’économies Le gouvernement devrait annoncer « 6 à 7 milliards » d’euros d’économies, qui seront intégrées dans le projet de loi de finances triennal (2009-2011), lors du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) que doit présider vendredi Nicolas Sarkozy, affirme Le Monde dans son édition datée d’aujourd’hui. Plus d’une centaine de mesures devraient être présentées. L’essentiel por- tera sur le logement, la santé, l’emploi et la formation professionnelle, ainsi que sur la politique de dévelop- pement des entreprises, affirme le quotidien. BTP L’espagnol Sacyr ne lancera pas d’OPA sur Eiffage La cour d’appel de Paris a invalidé hier pour des questions de forme l’obligation faite par l’Autorité des marchés fi- nanciers (AMF) à l’espagnol Sacyr de déposer une offre publique d’achat (OPA) sur le groupe français de BTP Eiffage. Sacyr contrôle depuis un peu moins de deux ans 33,2 % d’Eiffage, et les directions des deux groupes se livrent depuis une guerre acharnée. Luis del Rivero, PDG de Sacyr, a cependant déjà fait savoir qu’il était prêt à se retirer du capital d’Eiffage, alors que les actions qu’il a achetées ont perdu la moitié de leur valeur. I La Croix I JEUDI 3 AVRIL 2008 I I ÉCONOMIE I 17 0,6 % de hausse des prix à la production industrielle dans la zone euro, en février, selon les statistiques publiés hier par Eurostat. Sur un an, l’augmentation atteint désormais 5,3 %, contre 5 % en janvier. Ces chiffres confirment les craintes d’une poursuite de l’accélération de l’inflation dans la zone euro.

Le Brésil est devenu l'eldorado des OGM. Article paru le 3/04/2008

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L’année dernière, 60 % de l’ensemble du soja produit au Brésil était génétiquement modifié. Dans certains États brésiliens, les cultures OGM ont presque éliminé les plants conventionnels. Les opposants ont du mal à se faire entendre .

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Page 1: Le Brésil est devenu l'eldorado des OGM. Article paru le 3/04/2008

L’ESSENTIEL

Le Brésil est devenu l’eldorado des OGMDans certains États brésiliens, les cultures OGM ont presque éliminé les plants conventionnels.Les opposantsont du malà se faire entendreSÃO PAULODe notre correspondant

Le Brésil est devenu en quel-ques années le troisième pays au monde pour le nombre d’hectares plantés

en semences génétiquement mo-difiées. Mieux, en 2007, le pays a enregistré une augmentation de 3,5 millions du nombre d’hecta-res cultivés avec des plants non conventionnels. Une croissance record, devant l’Argentine et les États-Unis, jusqu’alors cham-pions de la culture OGM. Au Brésil, actuellement, 15 millions d’hectares sont cultivés avec des OGM, dont 12 millions avec du soja, soit 30 % de plus qu’en 2006. Et les perspectives de croissance sont importantes dans un pays qui possède 850 millions d’hectares de terres cultivables.

Le Brésil s’est ainsi transformé en eldorado des OGM. À commencer par le soja. L’année dernière, 60 % de l’ensemble du soja produit au Brésil était génétiquement mo-difié. Fin 2009, ce chiffre devrait

atteindre 80 % de la production totale. Cinq ans à peine après l’autorisation par le gouverne-ment de la culture du premier plant transgénique, celui-ci est devenu dominant dans certains États, où il élimine purement et simplement les semences conven-tionnelles.

Dans le sud, la « sojanisation » transgénique s’apparente à l’ex-pansion de la culture du café à la fin du XIXe siècle. Dans l’état de Rio Grande do Sul, 95 % du soja cultivé est d’ores et déjà trans-

génique. C’est aussi le cas dans le Parana, qui concentre 20 % de la production agricole du pays et où la moitié du soja cultivé est transgénique. Historiquement, c’est par ces deux vastes et riches États du Sud que s’est faite l’entrée massive et en toute illégalité de se-mences OGM. En provenance de deux pays voisins, l’Argentine et le Paraguay.

Mais les OGM ne concernent pas seulement le soja. La moitié du coton produit dans le pays est désormais génétiquement modifié.

Quant au maïs, deux variétés vien-nent récemment d’être autorisées à la culture et à la commercialisa-tion, par une décision du Conseil national de biosécurité, la plus haute instance en matière de sé-curité alimentaire. Une entité qui n’a fait que reconnaître par la loi ce qui existait déjà dans les faits, avec la culture clandestine de milliers de plants transgéniques par les petits et gros producteurs du Sud et Centre-Ouest.

Actuellement, 120 millions de tonnes de céréales sont produits

chaque année dans le pays, dont un tiers de maïs.

Les débouchés sont prometteurs pour leaders des semences OGM au Brésil, Bayer et Monsanto, ce dernier enregistrant un bénéfice record de + 107 % au 2e trimestre 2007/2008. Des multinationales qui profitent d’un climat politi-que favorable. Sérgio Rezende, le ministre de la science et de la technologie, est un défenseur des cultures transgéniques, tout

comme Reinhold Stephanes, le ministre de l’agriculture. Quant au président Lula, il est fréquemment accusé de céder aux desiderata du lobby pro-OGM au détriment du principe de précaution. Prochaine étape pour les producteurs de se-mences : l’autorisation de mise sur le marché d’une variété transgé-nique de canne à sucre.

En attendant, les opposants tentent de faire entendre leur voix. Début mars, des membres de « Via Campesina », un des principaux mouvements de lutte pour la réforme agraire, ont détruit un champ expérimental de maïs transgénique appartenant à Mon-santo. Un acte qualifié d’« attentat » par la firme américaine.

STEVE CARPENTIER

L’année dernière,60 % de l’ensembledu soja produit au Brésil était génétiquement modifié.

Champ de soja transgénique dans le Parana. Le coton et le maïs sont aussi très concernés par ce type de culture.

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Jean-Louis Borloo souhaite une Haute Autorité pour les OGMLe ministrede l’écologie a annoncé hier qu’il déposeraitun amendementsur l’organisationde l’organisme chargé d’éclairer le gouvernement sur les OGM

Depuis mardi après-midi, les députés sont entrés dans le vif du sujet. L’examen du

projet de loi sur les OGM a déjà été marqué par de vifs échanges entre élus de la majorité et de l’opposi-

tion. Parmi les sujets qui fâchent, il en est un qui va au-delà de la sim-ple question sémantique : Haute Autorité ou Haut Conseil, quelle est l’instance qui, finalement, devra donner un avis éclairé au gouvernement sur les décisions d’autorisation de « mise en cul-ture, d’importation, d’évaluation des impacts environnementaux, sanitaires et socio-économiques des OGM » ?

Dans le projet initial du gouver-nement, ce devait être une Haute Autorité des biotechnologies constituée de scientifiques et de représentants de la société civile.

Les biologistes moléculaires et les généticiens ne s’y taillaient plus la part du lion, mais se retrouvaient côte à côte avec des agronomes, des écologues, des toxicologues, des épidémiologistes, des écono-mistes et des sociologues. Mais aussi avec des associations envi-ronnementales, des organisations professionnelles, des collectivités territoriales, etc. Dans l’idée du ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo, ces « deux collèges devaient travailler ensemble ».

Ce mode de fonctionnement a été modifié par un amendement du Sénat qui souhaite, lui, accor-

der la primauté aux scientifiques, dans un nouvel ensemble nommé Haut Conseil sur les biotechnolo-gies. « Il y a un problème de coha-bitation entre les chercheurs purs et les autres sciences : on a besoin des scientifiques, mais il y a des enjeux environnementaux et socio-écono-miques qu’il faut prendre en compte, a insisté le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo à l’ouverture des débats. Nous souhaitons qu’il y ait une “plénière” de ces deux collèges (…), nous redéposons un amendement devant l’Assemblée nationale, et j’ai cru comprendre que la commission des affaires

économiques n’y était pas hostile », a-t-il déclaré.

Au-delà du mode de fonction-nement de cette instance, c’est son pouvoir réel qui est ici en jeu. Même les élus de l’opposition et les ONG, a priori hostiles au texte, considèrent comme fondamental le fait de rééquilibrer l’organisation de ce Haut Conseil.

DENIS SERGENT

SUR WWW.LA-CROIX.COMRetrouvez le projetde loi sur les OGMdans la navette.

LE CHIFFRE

AÉRIEN Le gouvernement italien menace de ne plus financer AlitaliaL’État italien n’accordera pas à Alitalia le prêt relais prévu de 300 millions d’euros sans un accord entre les syndicats de la compagnie et Air France-KLM sur le projet de reprise, a averti hier le ministre italien de l’économie devant les députés, en mettant en avant les règles communautaires. Une nouvelle session de négociations entre la direction d’Air France et les syndicats d’Alitalia s’est ouverte hier après-midi à Rome. Le feu vert des syndicats est une con-dition posée par la compagnie franco-néerlandaise pour concrétiser son offre.

BUDGET Le gouvernement Fillon peaufine son plan d’économiesLe gouvernement devrait annoncer « 6 à 7 milliards » d’euros d’économies, qui seront intégrées dans le projet de loi de finances triennal (2009-2011), lors du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) que doit présider vendredi Nicolas Sarkozy, affirme Le Monde dans son édition datée d’aujourd’hui. Plus d’une centaine de mesures devraient être présentées. L’essentiel por-tera sur le logement, la santé, l’emploi et la formation professionnelle, ainsi que sur la politique de dévelop-pement des entreprises, affirme le quotidien.

BTP L’espagnol Sacyr ne lancera pas d’OPA sur EiffageLa cour d’appel de Paris a invalidé hier pour des questions de forme l’obligation faite par l’Autorité des marchés fi-nanciers (AMF) à l’espagnol Sacyr de déposer une offre publique d’achat (OPA) sur le groupe français de BTP Eiffage. Sacyr contrôle depuis un peu moins de deux ans 33,2 % d’Eiffage, et les directions des deux groupes se livrent depuis une guerre acharnée. Luis del Rivero, PDG de Sacyr, a cependant déjà fait savoir qu’il était prêt à se retirer du capital d’Eiffage, alors que les actions qu’il a achetées ont perdu la moitié de leur valeur.

I La Croix I JEUDI 3 AVRIL 2008 I I ÉCONOMIE I 17

0,6 % de hausse des prix à la production industrielle dans la zone euro, en février, selon les statistiques publiés hier par Eurostat.

Sur un an, l’augmentation atteint désormais 5,3 %, contre 5 % en janvier. Ces chiffres confirment les craintes d’une poursuitede l’accélération de l’inflation dans la zone euro.