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24 Romaneske 32 ste jg., nr. 4, december 2007 Le bruxellois dans les Bijous van de CastafioreSera de Vriendt L es aventures de Tintin ont connu un énorme succès. Les bandes dessinées de Tintin ont été traduites en plus de 60 langues. Il n’est, dès lors, pas surprenant qu’il ait paru en 2004 une traduction en bruxellois 1 , l’idiome qui, on le sait, a fourni à Hergé une multitude de noms pro- pres et un nombre appréciable de répliques dans des langues supposées imaginaires (arum- baya, syldave, etc.). Cette traduction des Bijoux de la Castafiore peut être considérée globalement comme réus- sie. On y retrouve évidemment intégralement l’histoire avec toutes ses péripéties, les person- nages, les images, etc., mais le texte proprement dit a une réelle force comique qui doit assu- rer le succès de l’entreprise. On pourrait comparer et analyser en détail les répliques du texte original et leur version tra- duite. Tel ne sera pas le propos de cet article. L’objectif en est différent : déterminer si et dans quelle mesure, la langue du texte est conforme à la réalité du dialecte tel qu’il est parlé par des locuteurs autochtones. La question mérite d’être posée, pour des raisons générales (la tra- duction en dialecte, qui confronte le scripteur à des difficultés autres que celles de la produc- tion d’un texte dans une langue standardisée) et particulières (les caractères spécifiques du dialecte bruxellois). 1. Le bruxellois : quel bruxellois ? Acta academica © Hergé/Moulinsart 2007 1 De bijous van de Castafiore (2004), Joseph Justens (traduction), Casterman.

Le bruxellois dans lesBijous van de Castafiore · 2012. 1. 28. · 24 Romaneske 32ste jg., nr. 4, december 2007 Le bruxellois dans les‘Bijous van de Castafiore’ Sera de Vriendt

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24 Romaneske 32ste jg., nr. 4, december 2007

Le bruxellois dans les ‘Bijous van de Castafiore’

Sera de Vriendt

Les aventures de Tintin ont connu un énorme succès. Les bandes dessinées de Tintin ont ététraduites en plus de 60 langues. Il n’est, dès lors, pas surprenant qu’il ait paru en 2004 une

traduction en bruxellois1, l’idiome qui, on le sait, a fourni à Hergé une multitude de noms pro-pres et un nombre appréciable de répliques dans des langues supposées imaginaires (arum-baya, syldave, etc.).

Cette traduction des Bijoux de la Castafiore peut être considérée globalement comme réus-sie. On y retrouve évidemment intégralement l’histoire avec toutes ses péripéties, les person-nages, les images, etc., mais le texte proprement dit a une réelle force comique qui doit assu-rer le succès de l’entreprise.

On pourrait comparer et analyser en détail les répliques du texte original et leur version tra-duite. Tel ne sera pas le propos de cet article. L’objectif en est différent : déterminer si et dansquelle mesure, la langue du texte est conforme à la réalité du dialecte tel qu’il est parlé pardes locuteurs autochtones. La question mérite d’être posée, pour des raisons générales (la tra-duction en dialecte, qui confronte le scripteur à des difficultés autres que celles de la produc-tion d’un texte dans une langue standardisée) et particulières (les caractères spécifiques dudialecte bruxellois).

1. Le bruxellois : quel bruxellois ?

Acta academica

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1 De bijous van de Castafiore (2004), Joseph Justens (traduction), Casterman.

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La question peut paraître superflue, mais elle ne l’est pas: le terme ‘bruxellois’ est en effet uti-lisé dans des acceptions différentes.

Le dialecte choisi, par le traducteur ou par l’éditeur, est le dialecte flamand de Bruxelles. Ils’agit d’un dialecte brabançon, qui fait partie du domaine néerlandais. Ce dialecte est sansdoute né en même temps que l’agglomération qui est devenue par la suite la capitale de nosrégions et enfin de la Belgique indépendante. En même temps, ou presque (?), la bourgadequi s’est développée sur les rives de la Senne a dû connaître une classe sociale supérieure, plusaisée, noble et/ou bourgeoise qui s’est servie uniquement ou de préférence d’une langueromane, le français. Cette classe dominante n’a fait que croître au cours des siècles ; le fran-çais est devenu la langue de la grande majorité de la population.

Le dialecte flamand est longtemps resté la langue la plus utilisée. Les recensements du 19e

siècle font apparaître une majorité plus ou moins grande de personnes qui déclarent s’exprimeruniquement ou de préférence en ‘flamand’. Selon le recensement de 1866, dans l‘ensemble de l’agglomération (309.000 habitants), 19,3% de la population utilisait unique-ment la langue française, 46,2% uniquement le flamand et 31,7% se déclarait bilingue (McRae1986). La distribution des unilingues variait considérablement d’une commune à l’autre : àBruxelles-ville 39,1% néerlandais, 20% français, à Ixelles respectivement 27,4% et 48,9%, àUccle 87,9 et 4,7%, à Ganshoren 95,6 et 0,2% (Logie 1981). Comme, à l’époque, le nombrede personnes s’exprimant en langue standard devait être très peu élevé (fonctionnaires, jour-nalistes, écrivains, ...), le ‘flamand’ déclaré devait être, dans la plupart des cas, le dialecte local. Ce dialecte est encore utilisé aujourd’hui, mais par un nombre de moins en moins élevé delocuteurs et surtout dans les relations dites de solidarité, en famille, entre amis, au café ou austade. De ce fait, on ne l’entend plus guère dans les rues de Bruxelles. Il a toutefois conservéla sympathie (est considéré comme ‘savoureux’, fait d’expressions ‘succulentes’) de nombreuxBruxellois qui, soit, le connaissent encore mais ne le parlent plus, soit, ont gardé le souvenirdu dialecte utilisé par leurs parents ou leurs grands-parents.Il s’agit d’un dialecte, certes apparenté au néerlandais, mais possédant des caractéristiques propres: - un système phonologique propre, avec par exemple, un ensemble tout à fait original de

voyelles longues et de diphtongues, - une grammaire, avec, par exemple, des suffixes formant les diminutifs entièrement diffé-

rents de ceux du néerlandais,- un lexique, caractérisé entre autres par l’abondance d’emprunts au français.

Le terme ‘bruxellois’ est utilisé, d’autre part, pour le français tel qu’il est parlé à Bruxelles. Ilfaut, tout d’abord, signaler ou rappeler qu’il ne peut pas y avoir de dialecte bruxellois wallon,puisque Bruxelles n’a jamais fait partie de la région où se parle le wallon. Quant à ce que l’onappelle parfois le ‘bruxellois’ (autre que le dialecte dont il a été question ci-dessus), il s’agitnon pas d’un dialecte, mais d’un français régional, qui peut présenter un certain nombre detraits propres surtout phonétiques, mais aussi grammaticaux et lexicaux (voir, à ce sujet, l’ou-vrage de H. Baetens Beardsmore, qui parle, à juste titre de ‘français régional de Bruxelles’). Cestraits ne forment pas un ensemble cohérent, un système, et sont présents en plus ou moinsgrand nombre chez les Bruxellois francophones, selon un continuum allant d’un français trèspur (contenant tout au plus quelques belgicismes) à une langue très marquée (avec davantagede traits bruxellois).

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Certains auteurs ont utilisé certains traits caractéristiques de ce français local, par exempledans la pièce bien connue Le mariage de mademoiselle Beulemans (Fonson et Wicheler) et,d’une manière plus affirmée, dans les Fables de Pitje Schramouille (Roger Kervyn de Marcketen Driessche) ou les Flauskes (Jean d’Osta). On a affaire, dans ces derniers ouvrages, à uneexploitation littéraire du bruxellois : la langue en est souvent artificielle, ce que H. BaetensBeardsmore (communication personnelle) propose d’appeler de la ‘fiction linguistique’.

2. Les lecteurs potentiels

La décision une fois prise d’écrire un texte en dialecte, le scripteur se trouve confronté à desproblèmes divers, entre autres d’orthographe. Il n’y a généralement pas d’orthographe codi-fiée, ou, s’il y en a une (ce qui était le cas pour le bruxellois, voir plus loin) il peut en ignorerl’existence ou elle ne lui convient pas ; il n’y pas d’ouvrages de référence, de traités d’ortho-graphe, de dictionnaires appropriés.

Il doit songer au public auquel l’ouvrage est destiné ; il va de soi que l’éditeur attend de luiqu’il lui fournisse un texte susceptible d’être vendu au plus grand nombre possible de lecteurs.La question se pose donc : quels sont les lecteurs potentiels ?

Il apparaît que, dans le cas particulier du bruxellois (du dialecte flamand de Bruxelles), laréponse à cette question n’est pas simple, ce qui la rend intéressante.

D’un point de vue géographique, le public possible est essentiellement situé à Bruxelles ; on peutétendre cette aire aux alentours de Bruxelles et, dans une moindre mesure au reste de la Belgique,là où se trouvent des lecteurs présentant les caractéristiques qui seront décrites ci-dessous.Plus importante est la question de savoir qui peut comprendre un texte écrit en bruxellois.- à coup sûr, tous les néerlandophones belges, qu’ils parlent le dialecte bruxellois ou un autre

dialecte flamand et même aucun dialecte (ce qui est assez rare) ; l’épithète ‘belge’ est néces-saire : dans l’ensemble les habitants des Pays-Bas ou ceux qui en viennent, éprouvent beau-coup de difficultés à comprendre les dialectes flamands.

- parmi les francophones, ceux qui, plus ou moins bons bilingues ou plurilingues, possèdentune certaine connaissance du néerlandais, surtout mais pas uniquement si, dans leurenfance, ils ont entendu du bruxellois.

L’ouvrage projeté n’est donc, en principe, guère accessible aux personnes unilingues ou aux plu-rilingues dont la connaissance du néerlandais est nulle ou insuffisante. Ce qui n’exclut pas qu’el-les puissent essayer de le lire : ne peut-on pas apprendre une langue par la bande dessinée ?

Il convient de noter que le nombre de lecteurs possibles ne paraît pas négligeable. Entaméesen 2002, les représentations du théâtre populaire bruxellois (Brussels Volkstejoêter) attirent,chaque année, plus de 10.000 spectateurs au spectacle unique qu’il présente (un nombre quifait sans doute rêver pas mal de directeurs de théâtre …).

3. Les sons du bruxellois

Il ne peut être question de décrire ici l’ensemble du système phonologique du bruxellois. Lacaractéristique majeure en est un ensemble original de voyelles longues et de diphtongues,résultat d’un glissement qui a affecté tout le système et qui a dû se produire au 17e et au 18esiècle (voir à ce sujet van Loey, 1979).

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Le tableau ci-dessous présente les phonèmes en question (en signes phonétiques), un exemplebruxellois, et le mot néerlandais correspondant. Pour l’exemple bruxellois, l’orthographe utili-sée est celle qui a été codifiée par l’Academie van het Brussels (De spelling van het Brussels,1997) et, dans la quatrième colonne, l’orthographe utilisée dans la traduction des Bijoux.

Phonème Exemple En néerlandais Dans les Bijous

i. gien geen gieny. schuun schoon schuunu. loêter later loetere. deep diep deepø. meur muur meuro. roope roepen roopeE. vêr vera. aavers ouders aavers

o.i gooi goede gooiEi eite eten eiteœi ruik reuk ruik.↔ ôit uit oeitυ vougel vogel vougela.↔ zaain zijn zaain, zaan

Ce tableau appelle deux remarques :- L’orthographe utilisée dans les Bijous (quatrième colonne) est fort proche de celle préconi-

sée par l’Academie van het Brussels (deuxième colonne). Les différences constatées dans lebas du tableau, pour les phonèmes .↔ et a.↔ sont dues à de légères différences, tout à faitlégitimes, de prononciation.

- Deux questions méritent d’être posées :1. l’orthographe choisie rend-elle bien les différences entre phonèmes (utile pour le lecteur) ?2. l’orthographe choisie distingue-t-elle correctement les voyelles longues (partie supérieuredu tableau) des voyelles brèves correspondantes ?

La réponse à la première question est oui; tous les graphèmes sont différents les uns desautres. Par contre (deuxième question), la graphie oe pour le /u. / long , est la même que pourle /u / bref : on lit, dans les premières pages hoesemt (ademt, respire), woe (waar, vrai), goe-get (gaat het, va-t-il), loeter (later, plus tard), etc., où la voyelle est longue, et aussi bloemekes(bloempjes, petites fleurs) et zoe (zo, ainsi) où la voyelle est brève. Des graphies différentiéesauraient été préférables, par exemple (h)oêsemt, woê, goêget, loêter, car, en bruxellois, /u. /et /u / sont des phonèmes différents : oêk (‘haak’, crochet) s’oppose à oek (‘hoek’, coin) etkoêk (‘kaak’, joue) à koek (‘koek’, couque, biscuit).

On peut conclure de ce qui précède, et de l’observation des autres graphèmes (voyelles brè-ves et consonnes), que le traducteur a une perception correcte des sons de son dialecte et qu’ils’est efforcé d’exprimer le mieux possible les distinctions observées. Dans un cas au moins, lechoix des graphèmes n’a pas été heureux. Le problème de l’orthographe mérite assurémentqu’on lui consacre une attention particulière. La section suivante y est consacrée. (suite en p.30)

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(suite de la p.27)

4. L’orthographe

Une fois l’idiome choisi, en l’occurrence le dialecte bruxellois, le traducteur se doit de présen-ter un texte qui tienne compte de son public potentiel et de son bagage langagier (voir la sec-tion 2 ci-dessus). Bref, il doit choisir une orthographe, un système orthographique cohérent.Quelle orthographe choisir ?

À priori, trois choix sont possibles : une orthographe fondée sur celle du néerlandais, uneorthographe inspirée de celle du français, un mélange raisonné de ces deux systèmes. Onexclut ici les possibilités, purement théoriques, d’utiliser un alphabet phonétique (illisible pourle commun des lecteurs) ou d’en imaginer un nouveau !

1. Une orthographe fondée sur celle du néerlandais

Cette option paraît la plus réaliste. Le dialecte flamand de Bruxelles appartient, on l’a rappeléplus haut, au domaine néerlandais. Il a certaines caractéristiques phonologiques et phonéti-ques semblables à celles du néerlandais. Illustrons cela par un exemple simple (l’orthographeutilisée est celle préconisée par l’Academie van het Brussels et décrite dans De Spelling van hetBrussels, 1997) :(1a) Geif ma daan boek

Cette phrase, qui signifie ‘donne-moi ce livre’, sera facilement comprise par tout lecteurayant des notions, même lointaines, de néerlandais (geef me dat boek). On peut même sup-poser qu’un lecteur totalement ignorant (en ce qui concerne le néerlandais) puisse compren-dre cette phrase, dans un contexte donné (l’image), grâce à sa connaissance de l’anglais (giveme that book) ou de l’allemand (gib mir das Buch).

Il faudra bien sûr tenir compte de certaines difficultés causées, par exemple, par les diffé-rences existant entre la phonologie du dialecte et celle de la langue standard ou par l’interpré-tation que des lecteurs francophones pourraient donner à certains graphèmes.

2. Une orthographe inspirée de celle du français

Reprenons notre exemple, choisi pour son extrême simplicité. La diphtongue écrite ei dans laphrase (1a) ci-dessus existe en français, dans des mots tels que pareil, orteil, vieil, etc. Elles’écrit toujours eil. La graphie ei ne peut pas être utilisée puisqu’elle a une autre valeur : peine,reine, Seine, veine, etc.

Le premier mot pourrait donc s’écrire geilf. Mais, en français, la lettre g suivie de e se pro-nonce comme dans gel, genièvre, etc. Faut-il donc la faire suivre d’un u ? On obtient alorsgueilf. Mais la séquence uei suggère une autre prononciation, comme dans orgueil. On levoit : les problèmes s’accumulent. Tout problème est fait pour être résolu, mais comment réa-gira le lecteur ? Une solution proposée, par exemple par Starck et Claessens (1988), est derendre le g fricatif du bruxellois par le graphème gh. On obtient alors :(1b) Gheilf ma dân boucLes lecteurs potentiels apprécieront-ils ? Seront-ils aidés dans leur lecture ?Supposons maintenant que, dans notre phrase, il ne s’agisse pas d’un, mais de plusieursouvrages : ‘donne-moi ces livres’En néerlandais : geef me die boeken

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En bruxellois (orthographe inspirée du néerlan-dais) : geif ma dei boekeComment écrire la marque du pluriel, pronon-cée /↔/ ( le e dit muet, mais qui n’est pas ‘muet’du tout) à partir de la graphie de la phrase (1b) ?Ajouter une terminaison e à bouc ne convientcertainement pas : bouce se lirait comme douce.Alors bouque ? Mais ceci n’indique pas que le efinal se prononce, or il doit se prononcer,puisqu’il est la marque du pluriel. Alors …

3. Un savant mélange

Un mélange de graphies empruntées aux systè-mes de deux langues ne peut qu’engendrer laconfusion. Quand et comment le lecteur saura-t-il, dans chaque cas particulier à quel systèmeil doit se référer ? Un exemple : commentsaura-t-il s’il doit lire la consonne initiale dejoeng comme celle du français jonque ou celledu néerlandais jongen ?

L’orthographe des BijousDès l’abord, il apparaît que le traducteur achoisi la première solution, comme l’attestentcertains graphèmes :

oe pour rendre le phonème /u / (en français ou), ui pour rendre le phonème /œi / (en français euil),ie pour rendre le phonème /i./ (en français, on a î, qui n’est pas nécessairement long)ou pour rendre le phonème /υ / (qui n’existe pas en français).

De plus il applique des conventions orthographiques propres au néerlandais : la longueur desvoyelles, sauf /i./, est rendue par un redoublement : aa, ee, oo, uu ; la consonne qui suit unevoyelle brève est redoublée lorsqu’elle est suivie d’un e ‘muet’ : wakker, dikke, wille, afkappe.

Toutefois, il est évident que le traducteur a dû opérer quelques choix difficiles. Entre autres :- le bruxellois ne connaît dans aucun cas l’aspiration exprimée en néerlandais par la lettre h.

Il semble, dans ce cas, logique de ne pas l’écrire. Le traducteur des Bijous a, au contraire,choisi de l’écrire : on lit hand, heks, heimel, hange, etc. (néerlandais ‘hand, heks, hemel,hangen’). Du moins dans la plupart des cas : emme (‘hebben’, avoir) et les diverses formesde ce verbe très fréquent sont écrites sans h initial, mais p.5 on lit hedde (‘heb je’, as-tu).Uute (‘heten’, s’appeler) est écrit sans h à la 2e page, mais avec h deux pages plus loin ; ikhuude (‘hoorde’, entendais) est écrit avec h, mais le participe passé de ce dernier verbe est,à diverses reprises guut (‘gehoord’) ! Le pronom personnel neutre (néerlandais ‘het’) s’écrittantôt et, tantôt het. Et à la première page, on lit hoêsemt, du verbe oêseme (néerlandais‘ademen’, respirer), où le h est hypercorrect.

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- Le bruxellois a plusieurs voyelles d’avant d’aperture moyenne, pour lesquelles il est normalqu’on utilise la lettre e. Pour ne pas compliquer les choses, on ne parlera pas du sjwa ou edit muet, qui s’écrit également e, ni du / E./ assez rare en bruxellois.

Le tableau ci-dessous représente les phonèmes en question, leur graphie selon la Spelling(1997) et quelques exemples tirés des Bijous :

e. ee deep, percees, bezeet, gezéén, léétE e met, trekt, èmme,èdde, erm, geblèsseitœ ë wet, stêt, wedde, lestert, wettel

La voyelle longue est représentée par le graphème ee, une graphie empruntée au néerlandais.Dans les deux derniers exemples, elle est renforcée (?) par des accents aigus inutiles.

Pour distinguer les deux voyelles brèves, le traducteur a choisi d’utiliser un accent grave,mais il ne le fait que de temps à autre, ce qui peut induire le lecteur en erreur : le e de met,trekt, erm est très différent du e de wet, wedde, wettel. L’accent circonflexe sur stêt est pourle moins curieux. On remarquera que la Spelling utilise trois graphèmes différents.

On peut conclure de ce qui précède que, si dans l’ensemble l’orthographe permet une bonnelecture du texte bruxellois, quelques choix de graphèmes sont peu heureux et que l’utilisationde l’orthographe choisie manque parfois de rigueur.

5. La grammaire

Ici aussi, il faut se limiter et donc choisir. La syntaxe du bruxellois est, en gros, semblable à celledu néerlandais. Par contre, la morphologie présente de nombreux phénomènes intéressants :pluriel des noms, diminutifs, formes de l’adjectif, conjugaison, etc. (pour une descriptiondétaillée, voir De Vriendt 2004).On examinera ci-dessous quelques aspects de la conjugaison et les formes résultant de la com-binaison d’une forme verbale et d’un pronom enclitique.Comme le néerlandais, le bruxellois a des formes régulières et des formes irrégulières, parexemple le présent des verbes auxiliaires (entre autres ‘être’ et ‘avoir’) et les formes du passé(verbes dits forts et irréguliers). Dans la suite, il ne sera question que d’une manière tout à faitexceptionnelle de formes irrégulières.

Au présent, la conjugaison est très simple :Ik werk, ge werkt, ei werkt, we werke, ge werkt, ze werke.Dans certains contextes (devant un groupe consonnantique), la voyelle longue du radicaldevient brève. Ainsi, on aura ik sloêp (‘ik slaap’, je dors), ge slopt, ei slopt, we sloêpe, etc.On retrouve ces diverses formes dans les Bijous, par exemple, avec raccourcissement de lavoyelle, loït (de loête, ‘laten’, laisser), slopt, snait (de snaaie, ‘snijden’, couper).

La terminaison -t de la 2e et de la 3e personne du singulier, ainsi d’ailleurs que de l’impératif,est particulièrement sensible à son contexte. On peut distinguer les phénomènes suivants :

1. La terminaison tombe lorsque le mot suivant commence par une consonne. On dit doncze slopt (‘ze slaapt’, elle dort), mais ze slop ni (‘ze slaapt niet’, elle ne dort pas), roept em(‘roept hem’, appelle-le) mais roep ze (‘roep ze’, appelle-les).

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2. Elle tombe également devant le pronom personnel neutre et. On dit donc pakt em vast(‘pak hem vast’, saisis-le) mais pak et vast (‘pak het vast’, saisis-le, cela). Si, de ce fait, le pro-nom et venait à suivre une voyelle, un -g- est inséré, évitant ainsi un hiatus : on ne dit pas zedoo et ni, mais ze dooget ni (‘ze doet het niet’, elle ne le fait pas).

3. Si le mot suivant commence par une voyelle, la terminaison se prononce -t si le radicaldu verbe se termine par une consonne sourde (ou non voisée), mais elle se prononce -d si leradical du verbe se termine par un phonème sonore (ou voisé), consonne ou voyelle. Ainsi le-t se prononce -t dans pakt em vast, kupt en gazet (‘koop een krant’, achète un journal), loitet ni valle (‘laat het niet vallen’, ne le laisse pas tomber), mais il devient -d dans lësterd is (‘luis-ter eens’, écoute), ze vind em ni (‘ze vindt hem niet’, elle ne le trouve pas), ze goêd em oêle(‘ze gaat hem halen’, elle va le chercher).

4. Lorsque le pronom sujet de la 2e personne, ge, est enclitique (suit immédiatement leverbe), on observe la même variation t/d et le g- initial du pronom tombe. On peut comparer,d’une part, ge slopt (‘je slaapt’, tu dors) et slopte (‘slaap je’, dors-tu) et, d’autre part, ge spelt(‘je speelt’, tu joues) et spelde (‘speel je’, joues-tu). Au présent de verbes irréguliers, il peutarriver que la dentale de la terminaison tombe également et soit remplacée par une semi-voyelle que l’on peut écrire -i- ou -j- ; à Bruxelles, on peut entendre edde et eje (‘heb je’, as-tu), zaide et zaje (‘ben je’, es-tu), kunde et kuje (‘kun je’, peux-tu), zoide et zoje (‘zou je’,l’auxiliaire du conditionnel).

Le lecteur attentif, qui a suivi des cours de néerlandais à l’école, aura peut-être reconnu dansles exemples ci-dessus une application de la règle dite de ‘t kofschip.

En néerlandais, le suffixe du passé des verbes réguliers est -de, sauf si le radical du verbe estterminé par une consonne sourde, à savoir p, t, k, f, s ou ch, les consonnes du mnémotech-nique ‘t kofschip : on a donc ‘hoopte, zette, pakte, kuste, lachte’, etc. mais ‘antwoordde,leerde, wilde, legde’, etc. On retrouve la même opposition au participe passé : ‘gehoopt,gezet, gepakt, gekust’, etc. mais ‘geantwoord, geleerd, gewild, gelegd’, etc.

Cette alternance procède d’une certaine ‘logique’ articulatoire: la consonne dentale se pro-nonce -d-, est donc voisée, se prononce avec une vibration des cordes vocales, lorsque les sonsqui précèdent et la voyelle qui suit sont tous voisés. Lorsque la consonne finale du radical, quiprécède la terminaison, est sourde (p, t, k, f, s ou ch), la terminaison se réalise elle aussi sansvibration des cordes vocales. Au participe, la consonne finale est toujours sourde, du fait d’unerègle très générale du néerlandais qui assourdit toutes les occlusives et les fricatives devantune pause. Le maintien, dans l’orthographe, de la distinction d/t au participe se justifie par lefait qu’on la retrouve dès que le participe, employé adjectivement, reçoit une terminaison :‘gekuste meisjes’ (des jeunes filles embrassées), mais ‘geleerde vrouwen’ (des femmes savan-tes). On écrit ‘geleerd’ et ‘geleerde’ comme on écrit ‘hoed’ et ‘hoeden’.

En bruxellois, la même opposition se manifeste dans un plus grand nombre de contextesqu’en néerlandais : dans les formes régulières de l’imparfait et du participe passé, mais aussiau présent de l’indicatif (voir 3 et 4 ci-dessus).

La grammaire dans les Bijous (les formes verbales)

La conjugaison des verbes est très simple; tout naturellement les diverses formes sont correc-tement rendues dans les Bijous. Il en va de même des formes irrégulières du présent de l’indi-catif, de l’imparfait et du participe passé. C’est bien sûr l’essentiel.

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Il est cependant intéressant de voir commentle traducteur a traité les variations décritesdans les paragraphes précédents, qui concer-nent les réalisations d’une dentale : d ou t ou,parfois, zéro ou une semi-voyelle ou g. Cesréalisations sont telles qu’on les perçoit dans ledialecte tel qu’il est parlé. La question est desavoir dans quelle mesure et comment ilconvient d’en tenir compte dans un texte écrit.

La solution la plus simple était de se confor-mer aux conventions de l’orthographe néerlan-daise, comme c’est le cas, d’une manière géné-rale dans cet ouvrage (voir ci-dessus,L’orthographe des Bijous) et donc- d’utiliser la terminaison -t au présent (les

variantes sont alors considérées comme desfaits d’assimilation phonétique qui ne doi-vent pas être représentés sous la formeécrite), en ne dérogeant à cette règle quepour représenter des formes exceptionnel-les ;

- d’observer l’alternance de/te à l’imparfait etd/t au participe passé, selon la règle com-mentée ci-dessus (te et t après uneconsonne sourde, de et d dans tous les autres cas, la règle de ‘t kofschip !).

Au présent, le traducteur a, comme il fallait s’y attendre, utilisé la terminaison -t dans presquetous les cas. Si l’on se réfère aux divers phénomènes décrits ci-dessus, on peut néanmoinsconstater ce qui suit :1. Le mot suivant commence par une consonne (le -t ne se prononce pas). On lit (p.3) ge

blooit ni, ge moeit giene schrik èmme, ge paaist zeiker, (tu ne saignes pas, tu ne dois pasavoir peur, tu penses certainement, …) etc. Toutefois, la terminaison est tombée : alles goegood (p.5, ‘alles gaat goed’, tout va bien), ze kom ni (p.7, ‘ze komt niet’, elle ne vient pas).

2. Les formes avec insertion de -g- ont été bien observées : goeget (p.3, ‘gaat het’, ça va ?),ik wei get ni (p.7,15, ‘ik weet het niet’, je ne sais pas ; on remarquera que, dans ce cas, c’estle -t du radical qui a été affecté).

3. Le mot suivant commence par une voyelle. Le traducteur utilise généralement la terminai-son -t : vult a longe (p.1, remplis tes poumons), haaft op (p.2, arrête), ge goît een beètchegeld … (p.3, tu vas … un peu d’argent), donc aussi dans des contextes où l’on prononce -d- (ce qui est tout à fait justifié), mais p.4 on lit de polis eid ons toogeloete … (‘de politieheeft ons toegelaten…’, la police nous a permis …).

4. À la deuxième personne avec pronom enclitique (et chute du g-), le traducteur a rendu lessons tels qu’il les a (correctement) entendus. On a donc, dans un contexte voisé, graaisde(p.2, pleures-tu; le radical du verbe graaize se termine par la consonne sonore -z ; l’ortho-graphe graaisde, avec -s- est conforme à l’usage néerlandais), permeteide (p.9, permettez-vous), wilde (p.11, 12, 19 ‘wil je, wilt u’, veux-tu, voulez-vous), etc. et, après une consonnenon voisée, uute (p.2, ‘heet je’, t’appelles-tu), sprèkte (p.12, ‘spreek je’, parles-tu), etc. On

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peut admettre que le traducteur ait considéré toutes ces formes comme irrégulières, aumême titre que celles que présentent quelques verbes très fréquents : èdde (‘heb je’, as-tu),zoïde et zouie (‘zou je’, l’auxiliaire du conditionnel), goïe (‘ga je’, vas-tu), zaaie (‘zijt ge, benje’, es-tu), etc.

Les formes d’imparfaits sont assez rares et correctes (on entend la différence entre -de et -te).Au participe passé, les choix du traducteur manquent de cohérence. Il semble d’abord favori-ser une orthographe phonétique : gezeit (p.1,’gezegd’, dit), oengejoegt (p.2, ‘aangejaagd’, ici : inspiré), geblesseit (p.3), gerepareit, getelefoneit (p.5), guut (p.5 ,’gehoord’, entendu), où,selon la règle de ‘t kofschip on attend une forme terminée par -d. À la p.6 gebelt (‘gebeld’,sonné) et geprovokeit, mais à la page suivante, on a getiekend (‘getekend’, signé). P.8 on litgeschuirde (‘gescheurde’, déchiré) et p.9 geriskeide, où, il est vrai, on entend le -d- devant une terminaison vocalique. On a ensuite verwittigd (p.13, prévenu), guut (p.15, ‘gehoord’,entendu) et gevroegd (p.16, ‘gevraagd’, demandé). Toute régularité semble avoir disparu.

En ce qui concerne la grammaire, on peut en définitive arriver à une conclusion semblable àcelle de la section 4 (l’orthographe) : la traduction donne une image globalement correcte dela grammaire du dialecte utilisé, mais on peut regretter un certain manque de cohérence dansl’application des règles d’orthographe grammaticale.

6. Le lexique

Le bruxellois est, on l’a vu, un dialecte appartenant au domaine néerlandais, mais la popula-tion qui le parle a été, depuis des siècles et d’une manière de plus en plus intensive, mise encontact avec une langue parlée par les classes aisées, le français. Le français fut pendant long-temps une langue de prestige, ensuite un instrument nécessaire de promotion sociale, enfin,plus récemment, la langue des voisins majoritaires au sein d’une agglomération officiellementbilingue (français/néerlandais et non français/bruxellois).

C’est dans le domaine du lexique que l’influence du français s’est manifestée le plus nette-ment. L’usage du dialecte étant de plus en plus restreint aux relations dites de solidarité (entreamis, en famille, parfois entre collègues, etc.), le vocabulaire courant, celui de la vie de tousles jours, est en gros celui du dialecte. Par contre, pour tout ce qui relève de la vie publique,des contacts avec l’administration, des technologies modernes, etc. la plupart des Bruxelloisse servent du français ou, à tout le moins, se servent des vocables français.

Il s’en suit que presque tout ce qu’il est convenu d’appeler le vocabulaire de base est origi-nal, brabançon, germanique, par exemple, tous les articles et les pronoms, les prépositions, lesconjonctions et les adverbes les plus courants.

Les catégories les plus intéressantes sont celles du nom et du verbe.

I. Le nomVoyons, par exemple, les termes qu’on emploie pour désigner la maison, les pièces, les meu-bles et autres objets qu’on y trouve.

On n’emploie que le mot local pour ôis (‘huis’, maison), kôemer et sloêpkoêmer (‘kamer,slaapkamer’, chambre à coucher), kuike (‘keuken’, cuisine), trap (escalier), toêfel (‘tafel’, table),stool (‘stoel’, chaise), dui (‘deur’, porte), ve(e)nster (‘venster’, fenêtre), bedde (‘bed’, lit), etc.

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Par contre, seul le mot français est utilisé pour désigner la salle à manger, le palier, leréchaud, le frigo, le lustre (ce dernier adapté : luster).On emploie le plus souvent krontsje (‘kraantje’), mais on peut aussi parler du robinet.

Dans les Bijous, on n’est donc pas surpris de lire muguet, bohémiens, avenir, bonne aventure.Parfois, la prononciation est adaptée : restante (des restes), kampement, maluir (‘malheur’),

accident, terrèng (terrain), bour (bord), ou seulement l’orthographe : polis (police), march(marche), madam.

Les noms empruntés peuvent recevoir une terminaison empruntée au dialecte (le pluriel restante) ou un suffixe de diminutif (bohémienneke).

II. Le verbeLes verbes les plus courants sont ceux du dialecte, les auxiliaires (de temps, de mode, du pas-sif), mais aussi goên (aller), komme (venir), eite (manger), drinke (boire), sloêpe (dormir), etc.et il est exclu de leur substituer un verbe français.

En dehors de ce groupe plutôt restreint de verbes très courants, le bruxellois a souventrecours à des verbes français, la plupart appartenant à la première conjugaison (verbes en -er).La terminaison de l’infinitif français devient alors -eir- qui s’ajoute au radical pour recevoirensuite les terminaisons propres au dialecte. Kampeire, par exemple, a les formes régulièressuivantes : ik kampeir, ge kampeit, ei kampeit, ik kampeide, ik em gekampeid. Comme onpeut le voir le -r tombe devant une dentale, selon une règle d’assimilation bien connue dubruxellois : ves (‘vers’, frais), kët (‘kort’ court), liere/liet/liede/gelied (‘leren, leert, leerde,geleerd’, apprendre), etc.

Les Bijous offrent, dès les premières pages, une belle brochette de verbes empruntés aufrançais : marcheire, gigoteire, geblesseit, examineire, placeire, soigneit, kampeire, installeire,logeire, gerepareit, etc.

Les Bijous offrent une image très correcte des choix lexicaux opérés par le bruxellois.

7. Conclusion

L’objectif exprimé en début d’article était de déterminer si, et dans quelle mesure, la languedu texte est conforme à la réalité du dialecte tel qu’il est parlé par des locuteurs autochtones.Au terme de notre étude, il est permis de conclure que le traducteur possède non seulementune connaissance parfaite du dialecte, mais qu’il a également très bien écouté les réalisationsdes mots et des sons. Nos remarques critiques n’ont en fin de compte porté que sur l’ortho-graphe, dont on ne peut ignorer qu’elle pose des problèmes sérieux au traducteur : quelqueschoix malheureux, susceptibles de nuire à une lecture aisée, et, plus souvent, un manque cer-tain de rigueur dans l’application des choix orthographiques opérés.

Si, comme cela semble devoir être le cas, d’autres ouvrages de Tintin devaient être traduitsen bruxellois, il devrait être possible, à peu de frais, de tenir compte des quelques remarquescritiques en produisant des traductions aussi réussies que celle des Bijous.2

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2 Dans ses traductions ultérieures de l’œuvre d’Hergé, J. Justens a tenu compte en général des suggestions de la partde S. de Vriendt.

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Bibliographie

BAETENS BEARDSMORE, H. (1971), Le français régional de Bruxelles, Bruxelles, Presses univer-sitaires de Bruxelles.DE VRIENDT, S. (2003), Grammatica van het Brussels, Gent, Brussel, Koninklijke Academievoor Nederlandse Taal- en Letterkunde, Academie van het Brussels.LOGIE, F. (1981), ‘Ruimtelijke spreiding van de Nederlandstalige bevolking in Brussel-hoofd-stad’, Taal en Sociale Integratie, 3, 87-109.McRAE, K. (1986), Conflict and Compromise in Multilingual Societies. Belgium, Waterloo,Ontario, Laurier Press. SOUMOIS, F. (1987), Dossier Tintin, Bruxelles, Jacques Antoine.De Spelling van het Brussels (1997), bijzonder nummer van Brussels dialect, Brussel.STARCK,O. et CLAESSENS, L. (1988), Dictionnaire Marollien-Français, Français-Marollien,Bruxelles.VAN LOEY, A. (1979), ‘Het Brusselse Nederlands Dialect’, Taal en Sociale Integratie, 2, 77-95.

Cet article a été publié dans ‘Tintinolectes, transferts et ancrages culturels dans l’œuvred’Hergé’, Idioma (numéro 17, décembre 2005).

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