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R E N N E S
Pharmacien inspecteur de santé publique
Promotion 2000
LE CIRCUIT DU MEDICAMENT DANS
LES ETABLISSEMENTS DE SANTE :
ENJEU DE L’INSPECTION
Anne AYGALET-JEGOUZO
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
1
SOMMAIRE
ABREVIATIONS
INTRODUCTION 1
I Le cadre juridique du circuit du médicament dans les établissements de
santé publics et privés. 3
1.1- LES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES 4 1.1.1- L’ ARRETE DU 31 MARS 1999 4 1.1.1.1- Dispositions concernant la prescription 4 1.1.1.2- Dispositions concernant la dispensation 5 1.1.1.3- Dispositions concernant l’administration 5 1.1.1.4- Dispositions concernant la détention 6 1.1.1.5- Dispositions concernant les stupéfiants 6 1.1.2- LES AUTRES TEXTES 6 1.1.2.1- Dispositions concernant la prescription 7 1.1.2.2- Dispositions concernant la dispensation 8 1.1.2.3- Dispositions concernant l’administration 9 1.1.2.4- Dispositions concernant les stupéfiants 9 1.2- RESPONSABILITE JURIDIQUE DES ACTEURS DU CIRCUIT DU MEDICAMENT 9 1.2.1- TRAITEMENT DES CONTENTIEUX LIES AUX ACCIDENTS MEDICAMENTEUX 9 1.2.1.1- Recours offert aux victimes 9 1.2.1.2- Différentes poursuites possibles 10 1.2.2- JURISPRUDENCE SUR LA RESPONSABILITE DU PHARMACIEN EN CAS D’ACCIDENT
MEDICAMENTEUX 10 1.2.2.1- Evolution de la jurisprudence 10 1.2.2.2- Responsabilité du fait de produit défectueux 11
II Evaluation de la qualité du circuit du médicament 13
2.1- LES ERREURS MEDICAMENTEUSES DANS LES ETABLISSEMENTS DE SANTE 13 2.1.1- EVALUATION DU NOMBRE D’ERREURS 13 2.1.1.1- Définitions 13 2.1.1.2- Evaluation 14 2.1.2- CAUSES DES ERREURS DE MEDICATION 14 2.2- CONFORMITE DES DIFFERENTS TYPES D’ORGANISATION DU CIRCUIT DU MEDICAMENT 15 2.2.1- LES PRINCIPAUX TYPES D’ORGANISATION 15 2.2.1.1- Distribution globale 15 2.2.1.2- Distribution globalisée 16 2.2.1.3- Dispensation individuelle et nominative (D.I.N.) 16 2.2.1.4- Le système américain « unit dose distribution system » 18 2.2.1.5- La visite pharmaceutique dans les unités de soins 18
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
2
2.2.2- ETAT DES LIEUX DES MODES DE DISPENSATION 19 2.2.2.1- Situation française chiffrée 19 2.2.2.2- Explications à cette situation 20 2.2.2.3- Situation européenne 21
III Eléments préfigurant une évolution du système d’organisation 22
3.1- LES RAISONS D’ESPERER 22 3.1.1- PRISE DE CONSCIENCE DES POUVOIRS PUBLICS 22 3.1.1.1- Rapports de la Conférence nationale de santé et du Haut comité de santé publique 22 3.1.1.2- Rapport de l’Association pédagogique nationale pour l’enseignement de la thérapeutique 23 3.1.1.3- Etude de l’Observatoire national des prescriptions et des consommations de médicaments 23 3.1.2- DEONTOLOGIE 24 3.1.3- L’ APPLICATION DE LA DEMARCHE QUALITE AU CIRCUIT DU MEDICAMENT 24 3.1.3.1- La démarche qualité interne 24 * La prescription 25 * L’analyse pharmaceutique de la prescription 26 * L’information au travers de l’avis pharmaceutique 26 * La préparation des doses 27 3.1.3.2- L’accréditation 28 3.1.4- L’ APPORT DES TECHNOLOGIES RECENTES 28 3.1.4.1- Programmes informatiques 28 3.1.4.2- Automates (armoires, tours) 29 3.1.5- LE BENEFICE FINANCIER DE LA D.I.N. 30 3.1.5.1- Rapport coût-efficacité justifié 30 3.1.5.2- Comptabilité analytique détaillée 30 3.2- ROLE DE L ’ INSPECTION REGIONALE DE LA PHARMACIE 31 3.2.1- LA DEMANDE DES PHARMACIENS HOSPITALIERS 31 3.2.2- MESURES APPLICABLES 32 3.2.2.1- Sanctions disciplinaires 32 * Sanctions ordinales 32 * Sanctions prévues dans le statut des praticiens hospitaliers 33 3.2.2.2- Sanctions pénales 34 3.2.2.3- Sanctions vis à vis de l’établissement 34 3.2.2.4- Incitation des différents acteurs 35
CONCLUSION 37
BIBLIOGRAPHIE 1
LISTE DES ANNEXES 5 Annexe n° 1 Définitions 6 Annexe n° 2 Historique 8 Annexe n° 3 Exemples d’études réalisees en France sur la iatrogénie médicamenteuse 11 Annexe n° 4 Exemples d'études réalisees en France sur les erreurs de médication 12 Annexe n° 5 Types d’erreurs de médication 15
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ABREVIATIONS
A.A.Q.T.E. : Association Assurance-Qualité Thérapeutique et Evaluation
A.F.S.SA.P.S. : Agence Française de Sécurité SAnitaire des Produits de Santé
A.H.U. : Année Hospitalo-Universitaire
A.M.M. : Autorisation de Mise sur le Marché
A.N.A.E.S. : Agence Nationale pour l’Accréditation et l’Evaluation en Santé
A.P.N.E.T. : Association Pédagogique Nationale pour l’Enseignement de la
Thérapeutique
A.R.H. : Agence Régionale d’Hospitalisation
A.T.U. : Autorisation Temporaire d’Utilisation
C.H. : Centre Hospitalier
C.H.U. : Centre Hospitalier Universitaire
C.I.P. : Club Inter-Pharmaceutique
C.M.E. : Comité Médical d’Etablissement
C.N.H.I.M. : Centre National Hospitalier d’Information sur le Médicament
C.S.P. Code de la Santé Publique
D.H. : Direction des hôpitaux
D.I.N. : Dispensation individuelle nominative
O.R.P.H.E.M. : Organisation Régionale des Pharmaciens Hospitaliers de l’Est
Méditerranéen
P.U.I. : Pharmacie à Usage Intérieur
S.I.H. : Système Informatique de l’Hôpital
S.N.I.P. : Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique
S.Y.N.P.R.E.F.H. : Syndicat National des Pharmaciens praticiens et Résidents des
Etablissements Français d’Hospitalisation Publics
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
1
INTRODUCTION
La première étude pour évaluer le nombre d’erreurs d’administration des médicaments
à l’hôpital a révélé un taux si inquiétant d’anomalies que les résultats n’ont pas été publiés
[14]. Il s’agissait d’une enquête menée en 1957 aux Etats Unis d’Amérique, à l’issue d’une
réflexion des infirmières puis des pharmaciens. Depuis, de nombreuses études américaines et
européennes ont confirmé cette fréquence d’anomalies. L’incidence clinique de ces erreurs est
le plus souvent minime, avec peu ou pas de conséquences pour le patient. Cependant
tragiquement, certaines d’entre elles entraînent une morbidité sévère ou une mortalité, c’est
pourquoi elles ne doivent pas être sous-estimées.
Rapidement, l’organisation rationnelle du circuit du médicament est apparue comme
un des moyens efficaces de prévention des erreurs médicamenteuses. En effet, à la suite de
cette première évaluation, au début des années 1960, les travaux de BARKER ont révélé que
dans un circuit traditionnel le risque d’erreur est de 17% et qu’il peut être réduit à 7% dans un
système expérimental de dispensation individuelle nominative et journalière [10].
En France, le premier groupe de travail important à s’être penché sur la modernisation
du circuit du médicament a été créé en 1983 par la Direction de la pharmacie et du
médicament1. L’un de ses points forts a été la représentation de toutes les professions
concernées par le circuit du médicament à l’hôpital : médecin, pharmacien, infirmière,
membre des tutelles qui a permis pour la première fois de dépasser le cadre de la seule
dispensation pour envisager le circuit du médicament dans son intégralité. Ce n’est que
plusieurs années plus tard, en 1991, après de nombreuses négociations, que le travail a
débouché sur la publication d’un arrêté2. Les quelques études éparses et partielles sur
l’application de ce texte dans les mois qui ont suivi ont montré une situation très
insatisfaisante, la France présentant un retard en ce domaine par rapport aux pays nord-
américains. Récemment, l’arrêté du 31 mars 1999 actualisant celui de 1991 a attiré à nouveau
l’attention des praticiens hospitaliers sur ce sujet.
Les textes législatifs et réglementaires encadrant le circuit du médicament sont parmi
les dispositions les moins respectées du Code de la santé publique. Dès lors, la question se
pose de savoir quels sont les éléments qui peuvent faire évoluer la situation actuelle. Des
1 Cf. historique en annexe n°2. 2 Arrêté du 9 août 1991 portant application de l’article R. 5203 du Code de santé publique dans les établissements mentionnés à l’article L. 577 du même code. Cf. historique annexe n° 3.
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2
interrogations spécifiques s’ajoutent : Quelles peuvent être les incitations à mettre en œuvre
pour contribuer à la modernisation du circuit ? Quel rôle peut jouer le pharmacien inspecteur
de santé publique ?
D’une part, notre sujet ne s’intéressera qu’aux établissements disposant d’une
pharmacie à usage intérieur (P.U.I.). D’autre part, il ne se limitera pas à la dispensation, mais
intégrera aussi les étapes qui lui sont contiguës : prescription et administration. En effet, il
semble difficile aujourd’hui de concevoir le circuit du médicament dans le cadre de la seule
pharmacie car il est devenu une préoccupation de l’ensemble de l’établissement3.
La description et la comparaison de l’efficacité des différents systèmes d’organisation
du circuit du médicament ont déjà fait l’objet de nombreux travaux4 que ce soit en terme de
sécurisation ou en terme de réduction des coûts qui ne seront mentionnés qu’à titre indicatif.
L’abord de ce thème se limitera au circuit interne à l’établissement de santé, en excluant
l’activité des rétrocessions qui ne fait pas intervenir les unités de soins. Il ne s’intéressera pas
non plus aux médicaments auxquels s’appliquent une réglementation particulière tels que les
médicaments destinés à être expérimentés sur l’homme, les médicaments sous autorisation
temporaire d’utilisation, les médicaments radiopharmaceutiques, les gaz médicaux, les
médicaments préparés.
Le circuit du médicament dans les établissements de santé publics et privés peut être
abordé sous trois aspects. Tout d’abord, son cadre juridique est formé d’un ensemble de textes
de valeur inégale et concernant, pour certains, le circuit dans sa globalité et, pour d’autres,
l’activité des différents acteurs pris séparément. Ensuite, la qualité de l’organisation du circuit
peut faire l’objet d’une évaluation par la mesure de l’écart entre les médicaments prescrits et
ceux reçus par le patient. Finalement des éléments préfigurant une évolution des systèmes
d’organisation permettent d’espérer une amélioration de la qualité du circuit en France. La
contribution du pharmacien inspecteur de santé publique à cette évolution y est envisagée par
les mesures et incitations qu’il peut mettre en œuvre.
3 Le projet de décret sur la pharmacie à usage intérieur prévoit l’obligation de la formation d’un comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles au sein de chaque établissement, dont le président pourra être aussi bien médecin que pharmacien. Ce dernier détail illustre bien la responsabilisation de tous les acteurs du circuit. 4 En 1981, J.Y. GAUTHIER avait déjà réalisé un rapport d’étude sur la dispensation dans les hôpitaux type Fontenoy : « Les modes de dispensation des médicaments en milieu hospitalier », Mémoire ENSP de pharmacien inspecteur de santé publique, 1981.
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3
I
Le cadre juridique du circuit du médicament
dans les établissements de santé publics et privés.
Le circuit du médicament dans les établissements de santé publics et privés est encadré
de façon complexe par un ensemble de textes de valeur juridique variée. S’appliquent à la fois
les dispositions sur la restriction au commerce des substances vénéneuses et les dispositions
sur la P.U.I.5.
La loi sur les substances vénéneuses prévoit tout d’abord les sanctions prises à
l’encontre des personnes ayant contrevenu aux décrets concernant ces substances et en
particulier lors de leur production, transport, importation, exportation, détention, offre,
cession, acquisition ou emploi (art L. 626 du CSP). Le décret pris en application décrit, entre
autres, les mentions devant figurer sur la prescription, les conditions de délivrance des
stupéfiants.
Ensuite, la loi sur les P.U.I. fixe les missions de celles-ci, dont « assurer […] la
dispensation des médicaments, de mener ou de participer à toute action d’information sur ces
médicaments […], de mener ou de participer à toute action susceptible de concourir à la
qualité et à la sécurité des traitements. ». L’article L. 595-4 du CSP prévoit la suspension ou
le retrait de l’autorisation. Les modalités d’application de cette loi seront précisées dans le
décret à paraître sous peu.
Le principal texte régissant dans sa globalité le circuit du médicament dans les
établissements de santé est l’arrêté ministériel du 31 mars 19996 pris en application de
l’article R. 5203 du CSP. L’étendue de son domaine d’application (de la prescription à
l’administration) reflète l’interdépendance des actes réalisés par les intervenants : directeur
prescripteurs, pharmaciens, infirmières et patient. Il complète des dispositions spécifiques
s’appliquant à chaque professionnel. En cas d’accident iatrogène médicamenteux, le
pharmacien, comme les autres acteurs, peut être mis en cause.
5 Cf. historique en annexe n° 2. 6 Arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à l’administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans les établissements de santé, les syndicats interhospitaliers et les établissements médico-sociaux disposant d’une pharmacie à usage intérieur mentionnés à l’article L. 595-1 du Code de la santé publique (CSP) (JO du 1er avril 1999).
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1.1- Les textes législatifs et réglementaires
1.1.1- L’arrêté du 31 mars 1999 Sa publication actualise l’arrêté du 9 août 1991 en intégrant notamment les
modifications antérieures liées à la loi du 8 décembre 1992, la restriction de la prescription de
certains médicaments, et les mentions devant figurer sur la prescription. Ce texte intègre
également les mesures destinées à améliorer la prise en charge de la douleur publiées le même
jour par décret.
1.1.1.1- Dispositions concernant la prescription
L’arrêté du 9 août 1991 a été présenté comme révolutionnaire par les pharmaciens
hospitaliers lors de sa parution. En réalité, il n’a fait que préciser les dispositions de l’arrêté
du 18 janvier 19497. Son intérêt a été cependant d'insister sur la nécessité d’écrire et de signer
les prescriptions médicales individuelles. De même qu’en officine, il a été à nouveau affirmé
que leur présentation est indispensable à la dispensation. Désormais, avec l’actualisation du
31 mars 1999, les renseignements minimums indiqués sont uniformisés, que la prescription
soit rédigée pour un patient en médecine de ville, hospitalisé ou en consultation externe (art.
R. 5194 du CSP). Le prescripteur hospitalier doit seulement faire figurer en plus les mentions
permettant d’identifier sans ambiguïté le service et l’établissement dans lesquels il exerce.
Le nouveau texte simplifie également la liste des prescripteurs en renvoyant aux
dispositions de l’article R. 5143-5-5 du CSP. Ceci a pour conséquence importante de
permettre la prescription de stupéfiants aux internes en médecine à partir de la sixième année
lorsque certaines conditions sont remplies : délégation de leur chef de service et inscription
sur la liste par le directeur. L’apprentissage de l’utilisation des médicaments antidouleur peut
désormais se faire au même titre que celui des autres substances vénéneuses pendant les
études médicales. Ce n’est plus l’administration qui fixe la liste des personnes habilitées à
prescrire, mais c’est au représentant légal de l’établissement que revient cette responsabilité et
en particulier celle de vérifier la délégation.
7 Arrêté du 18 janvier 1949 relatif à la délivrance des substances vénéneuses dans les établissements hospitaliers.
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1.1.1.2- Dispositions concernant la dispensation
Le terme de dispensation8 initialement défini dans la circulaire n° 666 du 30 janvier
19869 a été repris dans l’arrêté de 1991. Sa valeur juridique a été réévaluée une seconde fois
par son introduction dans le Code de déontologie en 1995 (art R. 5015-48 du CSP). En faisant
référence à cet article réglementaire, l’arrêté va au-delà du cadre professionnel et l’étend à
l’ensemble des acteurs du circuit du médicament. Le rôle du pharmacien acteur de santé
publique dépassant la délivrance passive est ici réaffirmé.
A réception de l’ordonnance, le pharmacien doit vérifier le droit du prescripteur en
application de l’article R. 5143-5-5 du CSP pour les médicaments à prescription restreinte. Il
peut demander tous renseignements utiles.
Il faut noter que le mode de délivrance à l’unité de soins, global ou individuel, est resté
au choix de chaque pharmacien hospitalier, ceci à la suite de la protestation de certains
membres de la profession en 1984 lors de la publication du rapport du groupe de travail sur ce
sujet. Les discussions initiales lors de l’actualisation de l’arrêté ont repris cette idée, qui a à
nouveau été abandonnée. En effet, il a semblé difficile d’imposer ce type d’organisation à
cause du retard pris par la plupart des établissements. Cependant, la sécurisation du circuit
tend à favoriser la dispensation individuelle qui en est l’aboutissement. La réglementation
future ira probablement plus clairement dans cette direction, quand les textes actuels seront
appliqués.
La délivrance elle-même peut être réalisée par des préparateurs ou déléguée aux
internes en pharmacie et étudiants de 5e année hospitalo-universitaire (A.H.U.). Dans tous les
cas, l’activité reste sous la responsabilité du pharmacien.
1.1.1.3- Dispositions concernant l’administration
Un nouveau formulaire infirmier a été créé en 1991 : le document d’administration à
conserver dans le dossier médical. Y sont enregistrés la dose administrée et l’heure
d’administration. Les mesures de 1999 prévoient une nouveauté : lorsque le médicament n’a
pas été administré, à la fois le prescripteur et le pharmacien en sont informés.
8 Ce terme figurait dans les dictionnaires du début du siècle et a disparu des plus récents. Cf. définition en annexe n° 1. 9 Circulaire n° 666 du 30 janvier 1986 relative à la mise en application des pratiques de bonne dispensation des médicaments en milieu hospitalier. Cf. annexe n° 2.
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6
1.1.1.4- Dispositions concernant la détention
Les seuls médicaments disponibles en permanence dans les unités de soins
appartiennent à une dotation pour besoins urgents. Comme son nom l’indique, son contenu
doit être limité. La liste est fixée qualitativement et quantitativement et révisée au moins une
fois par an. Le renouvellement de la dotation nécessite la présentation des prescriptions.
1.1.1.5- Dispositions concernant les stupéfiants
Afin d’améliorer la prise en charge de la douleur, la prescription de ces médicaments
peut désormais se faire sur le même support que celui des autres substances vénéneuses : son
régime rejoint ainsi le droit commun, excepté pour la mention des quantités qui doit toujours
figurer en toutes lettres. Seul le relevé d’administration reste spécifique. Pour le pharmacien,
l’ordonnance unique peut rendre plus difficile la vérification de la concordance entre la
prescription et l’administration.
L’intérêt de cet arrêté est qu’il considère le circuit du médicament dans sa globalité,
avec tous ses acteurs : du directeur d’hôpital à l’infirmière en passant par le médecin, le
pharmacien et le préparateur. A l’opposé, il a été regretté que son champ d’application se
limite aux substances vénéneuses. En l’absence d’arrêté spécifique pour les autres
médicaments, c’est donc la circulaire n° 666 du 30 janvier 198610 qui demeure le seul
document officiel de bonnes pratiques, ce qui revient à organiser leur délivrance en
dispensation individuelle. Il semble incohérent d’exiger un circuit plus élaboré pour des
médicaments n’étant pas inscrits sur une liste de substances vénéneuses. En pratique, il ne
peut raisonnablement être mis en œuvre qu’un seul type de circuit : celui qui s’applique aux
substances les plus dangereuses. Le projet de décret sur la P.U.I. prévoit la possibilité d’une
réglementation pour l’organisation du circuit : celle-ci s’appliquera alors à l’ensemble des
médicaments, voire à l’ensemble des produits ou objets mentionnés à l’article L. 512, ainsi
qu’aux dispositifs médicaux stériles.
1.1.2- Les autres textes Le circuit du médicament est régi par un grand nombre d’autres textes de valeur
juridique variée.
10 Circulaire n° 666 du 30 janvier 1986, op. cit.
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7
1.1.2.1- Dispositions concernant la prescription
L’activité de prescription est encadrée à plusieurs niveaux. Tout d’abord, l’accès aux
professions est corrélé à l’obtention du diplôme et l’étendue des possibilités de prescription
est fonction de la catégorie : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, biologiste.
Les codes de déontologie des différentes professions posent quelques contraintes. En
dehors de quelques restrictions fixées par la loi, le médecin a une capacité de prescription
presque illimitée (dépassement de posologie, prescription hors autorisation de mise sur le
marché (A.M.M.) …) à condition que celle-ci soit la plus appropriée en la circonstance, sans
risque injustifié pour le patient et reste dans son domaine de compétence11. Les prescriptions
des chirurgiens-dentistes sont limitées à ce qui est nécessaire à la qualité et à l’efficacité des
soins12. Quant aux sages-femmes, elles ont une liberté de prescription dans les limites de la
liste établie par arrêté, dans les limites de leur compétence professionnelle et à condition de ne
pas faire courir de risque injustifié à la patiente et à l’enfant13.
Depuis quelques années, l’émergence de certains médicaments de maniement délicat a
conduit à une restriction de leur prescription fixée par l’autorisation de mise sur le marché
(A.M.M.) ou l’autorisation temporaire d’utilisation (A.T.U.) (art. R. 5243-5-1 du CSP et
suivants).
En milieu hospitalier, des limites supplémentaires existent : l’agrément aux
collectivités (art L. 618 du CSP) et les données locales du comité du médicament de
l’établissement14. Le décret d’application de la P.U.I. devrait officialiser cette instance et
étendre sa compétence aux dispositifs médicaux stériles. Sa composition dans les
établissements publics serait également définie réglementairement. Deux rôles seraient
précisément attribués à ce comité : élaboration d’une liste indicative de médicaments et
dispositifs médicaux stériles dont l’utilisation serait proposée ainsi que des recommandations
en matière de prescription et de bon usage de ces produits. La mise à disposition
d’informations pour les différents acteurs et l’adaptation de celle-ci à l’établissement, voire
service par service est un véritable enjeu pour ce comité.
La prise en charge des traitements par l’assurance maladie est régie par le Code de la
Sécurité sociale (art. R. 163-2-1 et R. 163-5).
11 Articles 8, 40 et 70 du Code de déontologie médicale, décret n° 95-1000 du 16 septembre 1995. 12 Article 31 du Code de déontologie des chirurgiens-dentistes, décret n° 67-671 du 21 juillet 1967. 13 Articles 12, 13, 14 du Code de déontologie des sages-femmes, décret n° 91-779 du 8 août 1991. 14 Sa création a été prônée initialement pour des raisons économiques par la circulaire n° 2186 du 30 juin 1976 et le Bulletin Officiel n° 79/43 bis.
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1.1.2.2- Dispositions concernant la dispensation
Le décret d’application sur les P.U.I. à paraître devrait prévoir des bonnes pratiques,
mais il n’est pas certain qu’un chapitre de celles-ci concernera la dispensation.
En attendant, c’est la circulaire du 30 janvier 1986, non abrogée, qui institue des
pratiques de bonne dispensation et qui prévoie une évolution progressive vers la dispensation
individuelle et nominative (D.I.N.). Elle indique que, lors de l’analyse pharmaceutique de
l’ordonnance médicale, le pharmacien « peut être conduit à émettre son opinion propre qui
peut se traduire par une proposition de substitution par un médicament équivalent, une
proposition de modification de traitement ou un refus motivé de délivrance. Dans ce cas, il
doit en référer à l’auteur de la prescription ». Ces règles figurent également dans le code de
déontologie des pharmaciens aux articles 60 et 61 qui mettent en avant l’intérêt du patient. Le
refus de délivrance constitue dans cette perspective la contrepartie attendue d’un monopole de
compétence.
Ces pratiques de bonne dispensation préconisent la règle générale de la séquence
suivante : prescription puis dispensation puis administration. Ce n’est qu’à titre exceptionnel
et dans des situations d’urgence, que la prescription est le justificatif a posteriori de
l’administration du médicament. La dotation pour besoins urgents est uniquement destinée à
faire face à cette situation. Les règles professionnelles infirmières15 précisent, de plus, que si
des prélèvements sont effectués en l’absence de prescription médicale, sa liste ne peut
comporter que des médicaments faisant l’objet de protocoles thérapeutiques préalablement
établis.
Toujours d’après la même circulaire, il est nécessaire d’identifier clairement les
médicaments pour le personnel amené à les manipuler. Les pharmaciens hospitaliers sont
encouragés à se fournir en présentations unitaires16 quand elles existent. Il faut noter que les
opérations galéniques d’individualisation des doses effectuées dans les P.U.I. des
établissements de santé constituent des préparations équivalentes des opérations de fabrication
dans l’industrie et doivent donc être exécutées conformément aux bonnes pratiques de
fabrication17. Pour cette activité également, le personnel infirmier a un rôle très précis : il
n’est pas habilité à préparer les médicaments. La simple reconstitution des doses à administrer
constitue une préparation pharmaceutique : elle devrait donc être réalisée sous la
responsabilité du pharmacien.
15 Article 29 du décret du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles infirmières et article 8 du décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier. 16 Cf. définition en annexe n° 1. 17 Arrêté du 10 mai 1995 (B.O. 95/11 bis) modifié par arrêté du 18 décembre 1997 (J.O. 7 janvier 1998).
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Le cas spécifique de la reconstitution des médicaments anti-cancéreux est évalué par
une circulaire de 199818. Suivant l’intensité de l’activité en cancérologie des unités de soins,
différents niveaux de précaution sont préconisés. Il est conseillé aux sites de référence et aux
sites orientés vers la cancérologie de disposer d’une unité de reconstitution centralisée à la
pharmacie. Seuls les sites de proximité en sont dispensés.
1.1.2.3- Dispositions concernant l’administration
Les mêmes règles professionnelles infirmières que celles citées plus haut exigent la
vérification des dates de péremption et le respect du mode d’emploi.
1.1.2.4- Dispositions concernant les stupéfiants
La tenue du registre de stupéfiants est simplifiée avec une inscription mensuelle des
entrées depuis le décret n° 99-249 du 31 mars 1999.
1.2- Responsabilité juridique des acteurs du circuit du médicament
1.2.1- Traitement des contentieux liés aux accidents médicamenteux Les contentieux liés aux accidents iatrogènes médicamenteux sont gérés de la même
manière que ceux de tous les accidents médicaux.
1.2.1.1- Recours offert aux victimes
Deux possibilités s’offrent aux victimes [9]. La première est de prendre contact avec la
commission de conciliation19, qui est « chargée d’assister et d’orienter toute personne qui
s’estime victime d’un préjudice du fait de l’activité de l’établissement, et de lui indiquer les
voies de conciliation et de recours dont elle dispose ». Le médecin conciliateur rencontré joue
un rôle de médiateur pour établir le dialogue entre la victime et l’unité de soins, sans avoir de
rôle d’orientation vers un pré-contentieux ou une transaction. La seconde possibilité, qui est la
plus fréquemment utilisée lors d’accidents médicaux, est de saisir le juge qui tranchera la
question de la responsabilité et de la réparation.
18 Circulaire DGS/DH/AFS n° 98-213 du 24 mars 1998 relative à l’organisation des soins en cancérologie dans les établissements de soins publics et privés. 19 Instance prévue par l’article 1er de l’ordonnance 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée et régie par le décret n° 98-1001 du 2 novembre 1998.
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1.2.1.2- Différentes poursuites possibles
D’après l’article L. 595-2 du CSP, le pharmacien hospitalier est personnellement
responsable des dispositions concernant les P.U.I. ayant trait à l’activité pharmaceutique.
Cependant, selon le type d’établissement où s’est produit l’accident, c’est le juge judiciaire
(établissement privé, parfois public) ou le juge administratif (établissement public) qui sera
concerné et la réponse apportée pourra être différente. Dans les établissements de santé
publics, le praticien bénéficie de la protection juridique de l’établissement. Ainsi, lorsque la
faute est imputable au service (organisation défectueuse, manque de moyens…), c’est
l’administration qui couvre la réparation des dommages. A l’opposé, lorsque la faute est
personnelle, détachable du service (commise en dehors du service ou particulièrement grave
et inexcusable, notamment intentionnelle), la réparation incombe à l’agent. En théorie, le
directeur pourrait aussi être poursuivi personnellement puisqu’il exerce son autorité sur
l’ensemble du personnel. En réalité, les praticiens hospitaliers bénéficient d’une indépendance
dans l’exercice de leur art qui les rend autonomes. En effet, le directeur est tenu légalement de
respecter, entres autres, les règles déontologiques et professionnelles des praticiens (L. 714-12
du CSP).Cependant, dans tous les cas, la jurisprudence adoptée est de plus en plus favorable
aux victimes, la volonté du juge d’indemniser est manifeste.
1.2.2- Jurisprudence sur la responsabilité du pharmacien en cas d’accident médicamenteux Malgré une tendance à la pénalisation du contentieux, la situation française est très
éloignée de la situation nord- américaine. Un petit nombre de plaintes seulement débouche sur
des condamnations20. Tous les acteurs peuvent être concernés. Seule la responsabilité du
pharmacien qui nous intéresse plus particulièrement va être évoquée.
1.2.2.1- Evolution de la jurisprudence
Pour la pharmacie hospitalière, la jurisprudence est réduite et plus partagée que pour la
pharmacie d’officine, bien que l’on puisse noter une tendance à la même interprétation ces
dernières années. Dans la plupart des affaires antérieures à l’arrêté du 9 août 199121,
l’implication du pharmacien est éludée dans les accidents médicamenteux : les jugements
20 Sur 1500 plaintes judiciaires par an contre les médecins (toutes causes confondues), seulement 100 condamnations civiles et 20 condamnations pénales sont prononcées. 64e congrès de l’Union Hospitalière du Sud-Ouest.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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entérinent le fait qu’une pharmacie d’hôpital fonctionne comme un établissement de demi-
grossiste. Par contre, en 1992, le réquisitoire du procureur de la République devant le tribunal
correctionnel de Sens22 rejoignant celui de la Cour d’appel de Versailles en 198323, rappelle
que « le rôle du pharmacien n’est pas simplement de délivrer un médicament mais de vérifier
si la prescription est conforme ». Il dépasse l’obligation d’analyse pour aller jusqu’à
l’obligation d’information du médecin, en ajoutant que « le pharmacien ne peut dégager sa
responsabilité que dans la mesure où il a bien renseigné le praticien et qu’il se soit fait
préciser par ce dernier le maintien de cette thérapeutique précédée de la formule « je dis
que ». ». Cependant, même après information, la responsabilité du pharmacien ne serait
probablement pas totalement dégagée, à l’instar des contentieux ayant pour cadre l’officine.
Le pharmacien gérant d’une pharmacie à usage intérieur n’est pas seulement chargé de
respecter les dispositions du C.S.P., mais il est aussi responsable du respect de la
réglementation « ayant trait à l’activité pharmaceutique ». Cette fonction peut quasiment être
qualifiée de police professionnelle interne à l’établissement de santé [49]. A ce titre, les refus
de délivrance constituent bien une obligation.
1.2.2.2- Responsabilité du fait de produit défectueux
De plus, il est à noter que la loi relative à la responsabilité du fait de produits
défectueux24 qui vient aggraver le régime des fabricants en général, s’applique aux
pharmaciens lors des activités de préparation. En effet, la préparation des médicaments est
considérée comme une activité de fabrication, y compris les simples opérations de
reconditionnement ou de réétiquetage [44]. Des exonérations de responsabilité fondées sur
l’état des connaissances au moment de la distribution du produit pourront cependant être
discutées.
Pour définir une frontière entre la responsabilité de la pharmacie et celle de l’unité de
soins, il a été proposé de sceller les préparations réalisées à la pharmacie [5]. Ainsi la
responsabilité de la pharmacie ne peut être engagée que si le sceau est intact.
En dehors des activités de préparation, la sévérité de cette loi assimile également les
fournisseurs de médicaments à des producteurs. Une dégradation de la qualité des
médicaments fabriqués dans l’industrie serait ainsi de la responsabilité du pharmacien
hospitalier. C’est pourquoi, il doit s’assurer de plusieurs éléments lors de
21 Cour d’appel de Lyon, 23 mars 1984 et Tribunal correctionnel de Troyes, 10 avril 1985. 22 Tribunal de grande instance de Sens, 26 novembre 1992. 23 Cour d’appel de Versailles, n° 178, 18 mars 1983. 24 Loi n° 98 389 du 19 mai 1998.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
12
l’approvisionnement. Tout d’abord, l’acceptation des spécialités lors de leur réception
transfère la responsabilité de l’industriel vers le praticien. Celui-ci doit donc vérifier le statut
du fournisseur, établissement pharmaceutique autorisé (art. L. 598 du CSP) fabricant ou
importateur (art. R. 5106 du CSP). Les conditions de transport, notamment le respect des
conditions de température pour les importations doivent également faire l’objet de
spécifications prévues dans le cahier des charges et vérifiées ensuite. Finalement, les
conditions de stockage à l’intérieur de l’établissement doivent aussi être maîtrisées, que ce
soit à l’intérieur de la P.U.I. ou dans les unités de soins25.
Une attention particulière doit être portée pour que tous les médicaments passent par la
pharmacie pour ce contrôle, y compris les médicaments radiopharmaceutiques, les
échantillons, les médicaments pour essai clinique26.
25 D’après l’article 15 de l’arrêté du 31 mars 1999, le pharmacien doit surveiller les conditions de détention des médicaments dans les unités de soins. 26 Comme prévu dans l’article L. 595-2 du CSP.
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13
II
Evaluation de la qualité du circuit du médicament
2.1- Les erreurs médicamenteuses dans les établissements de santé
Le circuit du médicament est constitué d’étapes qui découlent les unes des autres :
décision thérapeutique, choix du médicament et des modalités de traitement, dispensation,
administration, suivi. C’est pourquoi une évaluation correcte de l’efficacité d’un système de
dispensation doit être basée sur la comptabilisation des erreurs médicamenteuses au cours des
différentes étapes de la dispensation afin de vérifier la concordance entre les médicaments
prescrits, les médicaments préparés et les médicaments administrés au patient.
Lors d’un traitement, des réactions inattendues peuvent se produire autant en raison
des effets propres du médicament qu’à cause des circonstances de son utilisation. Les
premiers relèvent plutôt de la pharmacovigilance, tandis que les seconds mettent en cause
l’organisation des soins médicamenteux. Dans un certain nombre de cas, ces erreurs sont
évitables quand elles sont induites par une méconnaissance ou une négligence. L’analyse de
leur cause permet alors de réduire leur incidence en prenant des mesures de correction.
2.1.1- Evaluation du nombre d’erreurs 2.1.1.1- Définitions
Le type d’erreur qui nous intéresse est l’erreur dite de médication définie par
BARKER, auteur d’importants travaux sur le sujet aux Etats Unis depuis les années 1960.
SCHMITT en a donné la définition opérationnelle suivante : « toute erreur survenant au sein
du circuit du médicament, considéré comme le contexte de sa prescription, de sa
dispensation, de son administration et de son utilisation, en somme de l’intention de traiter à
l’absorption par le patient » [45]. Elle implique donc tous les professionnels de santé. Ces
erreurs ne sont que potentielles si elles sont détectées et corrigées, avant l’administration, par
l’intervention d’un autre professionnel de santé.
Les effets indésirables en résultant contribuent à la iatrogénie27 médicamenteuse. Les
conséquences sont variables, se traduisant souvent par une augmentation de la morbidité, de la
durée d’hospitalisation, de la mortalité et donc des coûts de traitements28.
27 Cf. définition en annexe n° 1. 28 Cf. rapport des centres régionaux de pharmacovigilance en 1997 coordonné par B. BEGAUD et J.L. IMBS en annexe n° 3.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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2.1.1.2- Evaluation
C’est pourquoi depuis une trentaine d’années, de nombreuses études ont été réalisées
dans les pays nord-américains afin d’évaluer l’incidence de ces erreurs. En revanche, encore
très peu d’études l’ont été en Europe et en France29. Chacune d’elles utilise des méthodologies
différentes, il convient donc d’être prudent dans la comparaison des chiffres.
Différentes méthodes sont utilisables pour rechercher les erreurs de médication. Voici les
plus intéressantes [45] :
- analyse des dossiers médicaux : c’est l’étude des discordances entre les différents
documents. Pour utiliser cette méthode, il faut disposer des fiches d’administration
dûment complétées. Les erreurs de retranscription sont facilement détectées mais certains
éléments ne sont pas accessibles comme les erreurs de préparation et d’administration.
- notification spontanée anonyme : c’est une extension des déclarations de
pharmacovigilance qui suppose que le notificateur ne se situe pas dans la situation délicate
du dénonciateur : la sous-estimation biaise fortement les résultats.
- observation directe mise au point par BARKER : un observateur déguisé accompagne
l’infirmière administrant les médicaments, note exactement tout ce qui est administré et
compare avec la prescription originale. La difficulté est la perturbation du personnel, qui
croît au fur et à mesure du déroulement de l’étude. C’est cependant la méthode la plus
exhaustive puisqu’elle permet l’accès à l’étape finale du processus, l’administration.
En rapportant les erreurs à l’activité clinique, BARKER fait état d’une erreur de
médication par patient et par journée d’hospitalisation, hors erreurs de moment
d’administration [11]. Un indicateur encore plus parlant est la corrélation entre les
événements iatrogènes et les erreurs de médication : BATES, un autre auteur, l’évalue à 1%
[12].
2.1.2- Causes des erreurs de médication Ces causes peuvent se situer à toutes les étapes du processus : analyse de la
prescription, préparation des doses à administrer, délivrance ou organisation générale du
circuit du médicament dans l’établissement. L’erreur peut survenir à plusieurs niveaux :
perception incorrecte des données à exécuter, conception déficiente du projet ou exécution
29 Cf. chiffres en annexe n° 4.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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inexacte, d’où l’intérêt de la vérification par une deuxième personne. Elle peut provenir d’un
manque de connaissances, de performances insuffisantes, d’oublis ou de défauts dans le
système. Elle peut être réalisée par une personne expérimentée ou non. L’American society of
hospital pharmacists a différencié 12 types d’erreurs de médication30.
Au niveau des pratiques infirmières, il a été clairement démontré que l’habitude
répandue du recopiage de la prescription sur des fiches est une source importante d’erreurs
(prescription verbale, écriture illisible) [29]. De même un stock important de médicaments
dans les unités de soins multiplie les risques de confusion. Ces deux types d’erreur doivent
faire l’objet d’une action corrective prioritaire.
2.2- Conformité des différents types d’organisation du circuit du
médicament
L’analyse des causes d’erreur permet dans un deuxième temps de chercher les moyens
d’y remédier.
Le Conseil de l’Europe a souhaité le développement de la pharmacie clinique qui a été
cité parmi ses recommandations de la résolution sur « l’usage rationnel des médicaments »
adoptée le 24 octobre 1994. La pharmacie clinique31 française a adopté la formule anglo-
saxonne : « Le bon médicament, au bon malade, dans de bonnes conditions ». Le système
idéal décrit par BARKER en 1961 est la délivrance de chaque dose sous forme prête à
l’emploi au maximum une demi-heure avant l’administration : système infiniment plus
exigeant que celui demandé par l’arrêté du 31 mars 1999 !
2.2.1- Les principaux types d’organisation 2.2.1.1- Distribution globale
C’est l’organisation traditionnelle du circuit dans les hôpitaux français. Comme son
nom l’indique, il s’agit plus d’une distribution que d’une dispensation. Son fonctionnement
est des plus simples : le médecin demande, souvent oralement, à l’infirmière d’administrer un
produit au patient. La prescription est enregistrée sur la fiche du malade puis sur le cahier de
prescription de l'unité de soins. L’infirmière qui administre le médicament puise ce dernier
30 Cf. annexe n° 5. 31 Cf. définition en annexe n° 1.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
16
dans l’armoire à pharmacie du service dont elle assure périodiquement le
réapprovisionnement par commande à la pharmacie de l’hôpital. Le pharmacien ne joue au
mieux qu’un rôle de « grossiste-livreur » et de gestionnaire de stock. Il n’a accès à aucune
donnée de la prescription. L’armoire du service constitue un véritable stock où sont réunis
tous les médicaments pour soins urgents et non urgents, d’une quantité sans commune mesure
avec la dotation pour besoins urgents dont il est question dans l’arrêté du 31 mars 1999.
2.2.1.2- Distribution globalisée
Dans ce système, le pharmacien a accès aux prescriptions qu’il peut analyser. Il peut
également réaliser la préparation des doses à administrer. Ensuite par l’intermédiaire d’un
logiciel informatique ou manuellement, les quantités de médicaments nécessaires sont
globalisées par service pour un ou plusieurs jours.
Cette organisation répond aux exigences de l’arrêté du 31 mars 1999 et est perçue
comme une amélioration par rapport à la distribution traditionnelle. Cependant, d’après
certaines études, ce système serait paradoxalement néfaste32 ce qui semble illogique puisque
des erreurs de prescription sont obligatoirement interceptées. Par contre, aucun bénéfice n’est
apporté pour les étapes ultérieures, parce que les médicaments livrés par la pharmacie se
présentent sous la forme d’un stock aussi volumineux. Lors de la préparation des doses, les
risques de confusion demeurent donc à cause du grand nombre d’unités disponibles.
Une amélioration de ce système est constituée des armoires mobiles ou des armoires
fixes avec double dotation, dont la pharmacie assure le réassortiment et le rangement.
Associée à une distribution globale ou globalisée, elle apporte seulement un bénéfice sur la
gestion des médicaments stockés dans les services par réduction de leur volume et élimination
régulière des périmés.
2.2.1.3- Dispensation individuelle et nominative (D.I.N.)
En France, elle a été mise en place, à la fin des années 1980, dans quelques hôpitaux de
type Fontenoy bénéficiant d’attributions financières importantes pour ce type de
fonctionnement. Elle consiste en une organisation centrale permettant de contrôler toute prise
de médicament par le malade directement au niveau de la pharmacie sur prescription médicale
quotidienne dûment signée par le médecin chef de service ou son assistant [25]. La délivrance
quotidienne permet de déposer dans un casier étiqueté au nom du patient les doses réparties
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
17
selon les différentes heures de prise. Ce mode de fonctionnement présente une sécurisation
certaine du circuit du médicament, mais présente de lourdes contraintes [48] :
- l’ouverture de la pharmacie 24 heures sur 24, ce qui suppose un système d’astreinte ou de
garde sur place ;
- des horaires fixes pour les prescriptions ;
- une importante équipe de préparateurs, qui se forme habituellement par redéploiement des
moyens en personnel de l’hôpital. L’effectif supplémentaire doit pouvoir se rapprocher de
l’effectif infirmier requis pour la préparation des médicaments dans un système de
distribution globale des médicaments ;
- des locaux adaptés aux nouvelles fonctions : zones de cueillette, espace pour le
reconditionnement et le stockage de ces formes ;
- des moyens matériels, notamment un dispositif de reconditionnement en dose unitaire. Les
formes à reconditionner sont variées : formes solides sous blister, formes solides en vrac,
formes liquides orales, sachets de prise individuelle de poudre, adaptation de posologie ;
- une logistique adaptée pour le transport des médicaments.
L’incidence financière reste souvent difficile à solutionner.
Pour réduire ce coût, différentes solutions ont été imaginées. Il est possible, par
exemple, de mettre en place des antennes pharmaceutiques mobiles [34], chacune constituée
par un préparateur et un chariot. Le préparateur participe au contrôle et à la préparation des
ordonnances, gère l’armoire de service. Le pharmacien lit régulièrement les ordonnances et
discute les prescriptions inhabituelles ou irrégulières.
Dans tous les cas, la mise en place de la D.I.N. est facilitée par la présentation unitaire
réalisée dans l’industrie. En effet, la préparation des doses individuelles constitue déjà une
activité galénique importante. Dès 1982, les Associations françaises de pharmaciens
hospitaliers proposaient un cahier des charges pour ce conditionnement [8]. A la suite de cette
publication, un groupe de travail s’est constitué, conduisant au « Cahier des charges
techniques sur la présentation unitaire des médicaments destinés aux établissements
hospitaliers ». Ce document a été diffusé par le Syndicat national de l’industrie
pharmaceutique (S.N.I.P.) et le Club inter-pharmaceutique (C.I.P.). Actuellement, des formes
unitaires peuvent être acquises pour les deux tiers des formes sèches. Cette présentation
devient un critère pertinent de différenciation pour les génériques : ceux qui sont conditionnés
sous cette forme ont un important taux de pénétration du marché. Cependant, les formes
32 Cf. exemple 1 en annexe n° 4.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
18
liquides et notamment les injectables en bénéficient beaucoup moins souvent. Cette situation
pourrait s’améliorer pour plusieurs raisons [47]. Tout d’abord le principe de sécurité
sanitaire : la circulaire n° 666 du 30 janvier 1986 est un document officiel définissant la
présentation unitaire, bien que l’agrément aux collectivités ne prévoie pas cette présentation.
L’activité galénique d’individualisation des doses répond à la nécessité de permettre
l’ajustement posologique. Ensuite, la préparation infirmière des médicaments a un caractère
illégal. Finalement, la préparation pharmaceutique des doses est une exigence légale33. Dans
les établissements ne pratiquant pas la D.I.N., le surcoût de la présentation unitaire n’est
considéré que par rapport à la présentation traditionnelle, sans percevoir le coût de la mise en
forme ultérieure au sein de l’unité de soins.
Dans la forme la plus achevée, la D.I.N. unitaire informatisée, les erreurs de
médication sont réduites en moyenne de 61% par rapport à la distribution traditionnelle34 [49].
2.2.1.4- Le système américain « unit dose distribution system35 »
Ce fonctionnement expérimenté par BARKER à partir de 1961 consiste en la mise à
disposition de l’infirmière des doses unitaires immédiatement nécessaires et uniquement de
ces doses. En vigueur aux Etats-Unis d’Amérique depuis plusieurs décennies, il était
initialement fondé sur des délivrances pluriquotidiennes pour prévenir plus efficacement les
risques d’erreurs médicamenteuses. Les formes injectables sont délivrées prêtes à l’emploi
dans des seringues préremplies étiquetées au nom du malade. Ce système est plus
contraignant que celui préconisé par l’American society of hospital pharmacists qui n’exige
qu’une délivrance journalière en court séjour et une périodicité de délivrance de 48 à 72
heures, mais dont l’efficacité sur la réduction des erreurs serait moindre. L’explication donnée
est la possibilité pour l’infirmière d’utiliser pour un malade déterminé un médicament destiné
à un autre malade.
2.2.1.5- La visite pharmaceutique dans les unités de soins
Répandues en Grande-Bretagne, les visites du pharmacien, comme celles du médecin,
se font au lit du malade où sont notés à la fois le traitement quotidien et les administrations.
La proximité avec le patient permet au pharmacien d’être considéré comme un interlocuteur
33 Ces deux points ont été exposés en première partie. 34 Cf. annexe n° 4. 35 Cf. définition en annexe n° 1.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
19
direct au sujet du médicament, qui s’inquiète de la tolérance et répond aux questions
éventuelles à la fois du patient et de l’équipe soignante.
A côté de ces principaux modes d’organisation, il existe un grand nombre de variantes.
Peuvent être citées, par exemple, les pharmacies satellites. La pharmacie est éclatée dans les
unités de soins. Un pharmacien passe plusieurs fois par jour pour analyser les prescriptions.
Des préparateurs sont sur place pour la dispensation des médicaments. L’intérêt est qu’ils
peuvent faire la saisie informatique du traitement et préparer les doses directement à partir de
la prescription. De plus, la proximité des équipes soignantes facilite l’échange d’informations.
Par contre le volume du stock mobilisé est augmenté.
2.2.2- Etat des lieux des modes de dispensation Dans la plupart des établissements de santé, plusieurs modes de distribution coexistent
suivant les unités de soins ou la classe thérapeutique du médicament. Il est évidemment plus
facile d’introduire un système de dispensation nominative dans les services où les traitements
changent le moins souvent (moyens et longs séjours, psychiatrie). La fréquence de délivrance
est variable : journalière, hebdomadaire, mensuelle… De même, les prescripteurs acceptent
plus facilement de rédiger des ordonnances nominatives pour les médicaments de maniement
délicat, comme les antibiotiques de seconde intention et les antimitotiques. Ce point est
d’autant mieux respecté que la réglementation fixe des contraintes supplémentaires pour
certaines classes : stupéfiants, médicaments dérivés du sang, médicaments sous A.T.U. ou en
essai clinique.
2.2.2.1- Situation française chiffrée
L’enquête du Syndicat national des pharmaciens praticiens et résidents des
établissements français d’hospitalisation (S.Y.N.P.R.E.F.H.) faisait l’état des lieux sur les
types de délivrance en comparant les modes d’organisation dans 136 établissements avant la
publication de l’arrêté du 9 août 1991 et un an après [30]. Le nombre d’établissements
conformes n’a pas augmenté, que se soit pour la prescription ou pour la délivrance : 12%
faisaient une analyse pharmaceutique des ordonnances. Cette étude a aussi montré que ce sont
les pharmaciens qui se sont sentis les plus concernés par ce texte, puisqu’ils ont été à l’origine
de l’information de la Commission médicale d’établissement (C.M.E.) dans 9 cas sur 10.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
20
L’enquête de l’Organisation régionale des pharmaciens hospitaliers de l’Est
méditerranéen (O.R.P.H.E.M.) sur 40 hôpitaux de la région PACA en février 1993 a montré
que dans 75% des établissements, l’arrêté était appliqué à moins de 30% [15]. L’analyse
pharmaceutique de l’ordonnance était réalisée dans seulement 31% des établissements, avec
une informatisation dans 18% des établissements.
Récemment, une étude de petite envergure [24] portant sur 20 hôpitaux de la région
Nord-Pas-de-Calais a montré que dans cette région la situation n’a pas évoluée dans le sens
prévu par la réglementation. Un seul hôpital dispose de prescriptions nominatives pour tous
les services, huit en disposent pour certains services (majoritairement des lits de long séjour).
La dispensation globale concerne encore 95% des établissements. La délivrance nominative a
été adoptée par sept P.U.I.. Seulement six établissements disposent de dotation qualitative et
quantitative. La proportion importante de l’organisation traditionnelle montre à quel point
l’évolution du circuit est lente, laborieuse et limitée. Dans l’hôpital construit sur le modèle
Fontenoy, il existe malgré tout trois services refusant la D.I.N.. L’un d’eux est le service de
réanimation, dont la fréquence de modification des prescriptions explique la difficulté de
réactions suffisamment rapides de la part de la pharmacie. Mais pour les deux autres, les
médecins refusent l’intervention de la pharmacie dans le fonctionnement du service :
obstacles restés insurmontés.
2.2.2.2- Explications à cette situation
Le circuit du médicament tel qu’il est aujourd’hui organisé en France, avec une forte
prédominance de la distribution globale, a besoin d’une modernisation. SCHMITT36 a étudié
précisément les raisons de son inertie [46]. L’explication proposée est que les
interdépendances entre les intervenants du circuit du médicament sont telles qu’elles
constituent un système social. Celui-ci a été analysé sur les plans sociologique et juridique.
La maîtrise des problèmes du circuit par chaque groupe d’acteurs se traduit par
l’expression d’un pouvoir au sein de l’organisation des soins. Dans la distribution globale, les
cloisonnements sont marqués entre la pharmacie et les unités de soins. A l’inverse, lors de la
mise en œuvre de la dispensation individuelle, la pharmacie est intégrée dans le
fonctionnement des unités de soins et donne la priorité aux besoins de ses « clients » par
36 Pharmacien au centre hospitalier (C.H.) d’Arles, auteur d’une thèse « Le circuit du médicament à l’hôpital : analyse économique, sociologique et juridique », qui a été suivie de la publication d’un ouvrage cité en bibliographie.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
21
rapport à ses propres impératifs. Une autre représentation est celle d’un « cercle vicieux »
opposant des forces positives de changement et des forces négatives de blocage pour
lesquelles chaque acteur peut intervenir dans un sens ou dans l’autre.
L’analyse juridique des raisons du blocage confirme les stratégies des uns et des autres
qui utilisent des arguments juridiques erronés (exemples : secret médical opposé par le
médecin au pharmacien pour l’analyse de la prescription ; préparation des doses individuelles
par les infirmières qui ne font pas confiance à la pharmacie).
2.2.2.3- Situation européenne
La première enquête européenne sur les services assurés par les pharmacies
hospitalières, a été conduite en 1995 par l’European Association of Hospital Pharmacy [45].
La dispensation individuelle est peu répandue en Europe (6,5% des établissements en
moyenne) et des écarts importants existent. Les pays les plus avancés sont l’Espagne (57%),
les Pays Bas (43%) et le Portugal (27%). Si l’on excepte la Suède (6,7%), le taux de
pénétration de la dispensation individuelle dans les autres pays européens est inférieur à 5%
des établissements. Comme en France, le circuit du médicament dans les hôpitaux européens
est donc majoritairement organisé en système traditionnel de distribution globale. L’un des
commentaires fait sur cette enquête établit un lien de causalité avec les mécanismes de prise
en charge, les organismes européens d’assurance sociale n’étant pas aussi tatillons qu’aux
Etats Unis sur la réalité des facturations qui leur sont soumises à remboursement.
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22
III
Eléments préfigurant une évolution du système d’organisation
3.1- Les raisons d’espérer
L’état actuel ne peut probablement pas perdurer. De nombreux facteurs conjuguent
leurs actions : la prise de conscience des pouvoirs publics, l’aspect déontologique, l’extension
progressive des démarches d’assurance qualité à toutes les activités de l’hôpital, les nouvelles
technologies facilitant les saisies et les tâches répétitives et le bénéfice économique de la
sécurisation du circuit.
3.1.1- Prise de conscience des pouvoirs publics A la suite d’affaires sanitaires successives particulièrement retentissantes dans les
médias, le ministère en charge de la santé a mis davantage en avant la sécurité sanitaire pour
toutes les activités de santé, notamment en étendant le principe de précaution. Les résultats
inquiétants d’une étude récente de grande ampleur37ont également attiré son attention sur la
iatrogénie médicamenteuse. Différentes instances ont réalisé un état des lieux et fait des
propositions pour l’amélioration de la situation.
3.1.1.1- Rapports de la Conférence nationale de santé et du Haut comité de
santé publique
Parmi les dix priorités d’égale importance retenue en 1996 par la Conférence nationale
de santé (C.N.S.) figure la lutte contre les affections iatrogènes et les infections nosocomiales.
C’est pourquoi elle a sollicité le Haut comité de santé publique (H.C.S.P.) pour lui faire part
de ses réflexions sur le sujet. Tout d’abord, celui-ci a mis en évidence l’importance de la
connaissance du risque iatrogène et l’intérêt de formations–actions ancrées sur la pratique de
terrain dans le cadre des formations initiale et continue des professionnels de santé. Ensuite
est exprimé son souhait de repérer les situations à risque ou « pré-iatrogènes » et d’en suivre
la fréquence afin de disposer d’indicateurs d’alerte. Il s’agit ainsi de repérer les défauts
d’organisation.
37 Cf. exemple n° 1 en annexe n° 3.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
23
3.1.1.2- Rapport de l’Association pédagogique nationale pour
l’enseignement de la thérapeutique
Un rapport sur « L’iatrogénie médicamenteuse et sa prévention » a également été
demandé par le secrétaire d’Etat chargé de la santé au Pr. QUENEAU, président de
l’Association pédagogique nationale pour l’enseignement de la thérapeutique (A.P.N.E.T.)
[41]. Cette étude n’est pas spécifique du milieu hospitalier mais considère le problème dans sa
globalité. Les conclusions rendues publiques en juin 1998 regroupent des propositions
articulées autour de trois axes.
- Mieux connaître, mieux évaluer la pathologie iatrogène. Un observatoire national de la
iatrogénie et de la vigilance thérapeutique pourrait être mis en place avec des relais locaux
et régionaux. Ce comité pourrait recueillir les données épidémiologiques, basé sur l’étude
des pratiques thérapeutiques, étudier l’impact des recommandations, évaluer le risque.
- Mieux former. Pour les médecins, la formation à la thérapeutique pratique et à la stratégie
thérapeutique doit être un objectif prioritaire des 2e et 3e cycle des études médicales. Pour
les pharmaciens, il est notamment souhaité que se réalise une meilleure insertion des
étudiants de 5e année hospitalo-universitaire lors des stages, leur donnant une fonction
réelle, notamment dans le domaine de « l’interrogatoire médicamenteux ».
- Mieux organiser. Sous cette rubrique, il est repris l’idée que, dans les hôpitaux, le
pharmacien doit sécuriser la dispensation du médicament. De plus, il doit contribuer
utilement à recueillir, analyser, interpréter, et participer à la déclaration de la iatrogénie
d’origine médicamenteuse, en relation avec le centre de pharmacovigilance régional, et
proposer des mesures de correction ou de prévention au niveau local.
3.1.1.3- Etude de l’Observatoire national des prescriptions et des
consommations de médicaments
Tout récemment, l’Observatoire national des prescriptions et consommations des
médicaments a envoyé un questionnaire sur les antibiotiques à tous les établissements de santé
publics et privés ayant une activité de médecine aiguë, soit 2600 établissements. Il est
intéressant de remarquer que la moitié des questions portent sur le mode de dispensation des
antibiotiques. Celles-ci sont secondairement élargies à l’ensemble des médicaments. Si la
participation des hôpitaux est suffisante, un état des lieux précis sur l’organisation du circuit
du médicament en France pourra être réalisé dans le courant du deuxième trimestre 2000. Des
comparaisons pourront être effectuées entre les établissements de même taille ou de même
activité.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
24
Cependant, en dehors d’un regroupement de l’ensemble des vigilances, il n’a pas été
donné suite, pour le moment, à l’idée du Pr. QUENEAU de la création de comités de lutte
contre la iatrogénie médicamenteuse, à l’image de ce qui existe déjà pour les infections
nosocomiales [41].
3.1.2- Déontologie Le pharmacien hospitalier a l’obligation déontologique de se doter des moyens de
remplir sa mission. En cas d’entrave à son action, il est invité par le Code de déontologie d’en
avertir le conseil central compétent [20]. De plus, le Conseil de l’Ordre a préconisé aux
pharmaciens de ne pas prendre la responsabilité d’activités dont ils n’auraient pas les moyens
de mise en œuvre. En pratique, il semble difficile d’échapper à une responsabilité fixée dans
un texte de loi. Cependant, le pharmacien hospitalier peut adresser une demande motivée au
directeur pour l’attribution de moyens supplémentaires en personnel ou en matériel. C’est
celui-ci qui évalue ensuite les priorités à donner aux différents projets de l’ensemble de
l’établissement.
3.1.3- L’application de la démarche qualité au circuit du médicament 3.1.3.1- La démarche qualité interne
Différents guides méthodologiques appliqués à la dispensation des médicaments [3, 4,
7, 51, 52] ont été publiés par des associations pour aider les professionnels à mettre en place
cette démarche d’assurance qualité38 puis à évaluer la qualité des activités pharmaceutiques en
planifiant des audits internes. Le service pharmacie est appréhendé dans l’optique du
fournisseur en relation avec des clients (unités de soins), c’est pourquoi ses performances
ainsi que la satisfaction des médecins et infirmières sont évaluées. L’application de cette
démarche au circuit du médicament est calquée sur le schéma habituel. Tout d’abord les
étapes successives du processus existant sont décrites précisément. Ensuite les
dysfonctionnements sont identifiés et certains sont choisis pour leur pertinence et leur
capacité à être mesurés par des indicateurs. Des solutions sont proposées puis mises en œuvre
en s’échelonnant éventuellement dans le temps selon des priorités. Finalement, l’efficacité des
mesures est évaluée, débouchant sur un nouveau cycle d’actions correctrices. Bien sûr, la
38 Cf. définition en annexe n° 1.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
25
participation et la concertation des différents intervenants du circuit est un gage de
l’exhaustivité des points critiques traités.
Cette démarche repose sur la mise en place de procédures écrites et consensuelles pour
les équipes. Leur diffusion et leur mise à jour doivent faire l’objet d’un soin particulier.
Un principe fondamental de sécurisation d’un circuit est la vérification de chaque
étape par une deuxième personne. Par exemple, la préparation des doses peut être contrôlée
par un préparateur différent de celui qui a réalisé l’opération. Ceci ne pourrait pas être aussi
efficace dans l’unité de soins, car l’infirmière ne dispose pas des fiches internes à la
pharmacie qui ont servi à la préparation.
Si cette vision client-fournisseur n’est pas directement sous-tendue par un souci de
sécurité sanitaire, elle n’engendre pas moins une amélioration profitable et il paraît
aujourd’hui indispensable d’appliquer peu à peu ces outils à l’ensemble de l’activité
pharmaceutique, dans le respect du domaine de compétence de chaque acteur.
L’un des rôles des pharmaciens hospitaliers est de participer au processus
d’amélioration continue de la qualité. L’idée d’un réseau épidémiologique de l’erreur
médicamenteuse [22, 41] a ainsi été lancée, sur le principe qu’un dysfonctionnement est
potentiellement la source d’une erreur médicamenteuse. La prévention et la gestion des
erreurs médicamenteuses supposent d’abord de les connaître, donc de disposer d’une veille
épidémiologique. L’analyse des incidents pourrait conduire finalement à la définition d’une
politique du bon usage du médicament. La déclaration spontanée serait le support de ce
système qui suppose l’affranchissement du jugement de valeur sur les personnes. Dans ce
type de démarches, certains hôpitaux nord-américains se sont dotés d’un programme
informatisé de prévention et de recensement des effets indésirables médicamenteux,
programme impliquant le prescripteur aussi bien que le pharmacien et l’infirmière.
* La prescription La prescription apparaît comme le point faible à améliorer prioritairement. En effet, la
qualité de la prescription est une garantie de la sécurité des étapes ultérieures, notamment de
l’administration qui est faite au regard de l’ordonnance39. Cette première étape du circuit est
souvent défaillante parce qu’incomplète, incorrecte ou erronée après retranscription. L’idéal
est la prescription par le médecin au lit du malade sur un support qui ne fera pas l’objet d’un
39 Article 8 de l’arrêté du 31 mars 1999.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
26
recopiage : feuillets autoduplicants ou support informatique. Il faut remarquer que ce
comportement du prescripteur hospitalier est en opposition avec celui de ses confrères
exerçant en ville, qui ont toujours rédigé des ordonnances nominatives.
Avec peu de moyens matériels, certains hôpitaux ont imaginé des ordonnances
« préguidées » présentant les différentes rubriques nécessaires à l’analyse pharmaceutique
favorisant la lisibilité de la prescription (par exemple [21] : identification mais aussi
renseignements sur l’état physiopathologique) et une grille.
Un exemple de D.I.N. avec prescription uniquement sur support papier est représenté
par le C.H. de Saint-Nazaire. Cette démarche a été initiée en 1983 puis elle a été étendue
progressivement à l’ensemble des lits de l’établissement (1060 sur 1107, soit 95,75% en
1994), toujours sans support informatique [23, 37].
* L’analyse pharmaceutique de la prescription L’obtention d’une prescription complète permet alors au pharmacien d’exercer sa
vocation première qui est l’une des justifications de sa présence à l’hôpital. La profession en
est bien consciente, puisqu’en 1994 l’un des syndicats en a fait la première de ses dix priorités
de développement [53]. Des banques de données sur les médicaments peuvent être reliées aux
logiciels de prescription ou de dispensation (Thériaque40, Vidal…) pour aider à la détection
des interactions et contre-indications et au contrôle des posologies. Cependant, une analyse
pharmaceutique « humaine » doit compléter celle du logiciel qui ne détecte pas toutes les
erreurs, notamment les redondances et les moments d’administration. Sa réalisation peut être
matérialisée par la signature du pharmacien sur l’ordonnance.
Le développement de médicaments de plus en plus innovants, tels que les produits de
thérapie génique et cellulaire ou de biotechnologie doit être l’occasion pour le pharmacien de
réaffirmer sa compétence. Au contraire, si le pharmacien refuse de jouer son rôle, c’est le
prescripteur qui supporte seul le risque d’un mauvais usage et sa responsabilité s’étend plus
vite que celle du pharmacien.
* L’information au travers de l’avis pharmaceutique Dans le cadre de l’analyse pharmaceutique, les pharmaciens peuvent être amenés à
demander des renseignements complémentaires justifiant la prescription (publication, compte
40 Base de données informatisée sur les médicaments du Centre national d’information sur le médicament hospitalier (C.N.H.I.M.).
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
27
rendu de congrès…). C’est le cas par exemple lors des prescriptions hors AMM, assez
fréquentes à l’hôpital. Occasionnellement, a contrario, le pharmacien peut répondre à une
question d’un médecin ou d’une infirmière. Une manière informelle est le plus souvent
utilisée pour l’échange d’informations : conversation téléphonique ou entretien direct.
Cependant, dans certains cas, la matérialisation de cette démarche peut être conseillée par
l’établissement d’une relation écrite : l’avis pharmaceutique. Celui-ci permet d’émettre des
remarques (conseils d’utilisation et de surveillance) ou de proposer des thérapeutiques de
substitution (médicament non agréé aux collectivités, non retenu dans le livret du
médicament). Son intérêt est plus manifeste en cas de contradiction des points de vue entre le
pharmacien et le prescripteur pouvant conduire à la suspension de délivrance ou à la
délivrance provisoire41. L’expression rédigée de l’opinion pharmaceutique satisfait alors au
besoin de mémoire précise et d’opposabilité efficace des constats et initiatives du pharmacien
[19, 33, 36, 38]. Comme nous l’avons vu dans la première partie, en cas d'accident, il est en
effet possible d’imaginer que le pharmacien aura à apporter la preuve de sa discussion avec le
prescripteur, même si celle-ci n’élude pas sa responsabilité. Cette démarche est un devoir
légal du pharmacien. Elle suppose le développement d’une véritable coopération entre
médecins et pharmaciens.
Toutefois la procédure écrite est un complément mais elle ne peut pas supprimer le
déplacement convivial du pharmacien dans les unités de soins.
* La préparation des doses Il a été exposé plus haut que la préparation des doses et notamment la reconstitution
des médicaments par les infirmières telle qu’elle est pratiquée dans un grand nombre
d’hôpitaux (c’est-à-dire en série) constitue une activité pharmaceutique et n’entre donc pas
dans leur champ de compétence d’après les règlements. La prise en charge de la préparation
des doses par le pharmacien peut prendre une deuxième position dans l’ordre des priorités de
modernisation des circuits. Dans ce domaine également, les habitudes sont profondément
ancrées et devront nécessiter des discussions entre infirmières et pharmaciens. De plus, le
médicament a un pouvoir symbolique pour le patient, que le pharmacien n’a pas encore
perçu : c’est l’infirmière pour une grande part qui, en préparant les médicaments et
notamment les perfusions puis en les administrant, est dotée de la capacité de soulager, de
guérir.
41 Prévue dans le Code de déontologie des pharmaciens à l’article R. 5015-61.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
28
3.1.3.2- L’accréditation
Sous la pression de la mise en œuvre de l’accréditation, tous les hôpitaux se sont
engagés dans une démarche d’assurance qualité. L’ensemble du personnel se familiarise à
cette logique d’amélioration continue de la qualité. Dans le manuel d’accréditation, le circuit
du médicament fait l’objet d’une référence42. Il y est demandé d’établir « des règles relatives
aux conditions de prescription, de validation des prescriptions, d’acheminement et de
délivrance aux secteurs d’activité clinique ». De plus, les conditions d’utilisation des
médicaments doivent être mises à la disposition des utilisateurs. Cette démarche est complète
puisqu’elle va jusqu’à préconiser la mise en place de mécanismes d’analyse de l’utilisation.
3.1.4- L’apport des technologies récentes 3.1.4.1- Programmes informatiques
Les programmes d’analyse de prescription actuellement disponibles sont assez peu
répandus, malgré le bénéfice qu’ils apportent : diminution des dépenses pharmaceutiques,
gain de temps infirmier, sécurité accrue en terme de « bon usage du médicament » [17, 32, 40,
43]. Des avantages supplémentaires sont attendus des nouveaux logiciels informatiques :
saisie plus conviviale de la prescription avec un accès à des banques de données, gestion
optimisée des produits…
Les moyens actuellement en expérimentation (par exemple les ardoises de
prescription, les logiciels de reconnaissance vocale) pourront aider les médecins à accepter
l’obligation de prescription écrite. Comme il a été exposé plus haut, le bénéfice en terme de
sécurité est majoré si le dispositif permet de supprimer totalement les retranscriptions sur
différents documents par les infirmières.
Une étude sur plusieurs aspects de l’informatisation du circuit du médicament est
actuellement en cours à la Direction des hôpitaux (D.H.). Un inventaire de l’ensemble des
logiciels existants a tout d’abord été réalisé. Ensuite une étude économique de retour sur
investissement a été réalisée à l’intention des directeurs d’établissement. Celle-ci démontre un
bénéfice en faveur des systèmes informatisés. La troisième phase actuellement en cours est la
mise en place d’une commission formée des différentes professions concernées : directeurs,
médecins dont les présidents des C.M.E., pharmaciens représentés par leurs syndicats,
infirmières générales et informaticiens des hôpitaux. Sa mission est l’élaboration de bonnes
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
29
pratiques d’informatisation pour les établissements publics et privés et éventuellement les
établissements médico-sociaux. Celles-ci sont destinées à s’inscrire dans le cadre des bonnes
pratiques du décret des P.U.I..
3.1.4.2- Automates (armoires, tours)
Leur principe est la dispensation automatisée d’unités identifiées au nom du patient.
Cette technique permet une exécution de la délivrance d’un grand nombre de doses en un
temps très court.
En France, ils sont encore peu nombreux. Le type le plus répandu est l’ATC 212 de
Baxter43, limité aux formes sèches [6, 42]. Un déconditionnement est nécessaire pour
l’approvisionnement des boîtes distributrices. Après enregistrement dans le logiciel, les
impressions du conditionnement font figurer à nouveau le numéro de lot et la date de
péremption. Il est à noter que cette activité est considérée comme une activité de fabrication
donc soumise aux bonnes pratiques de fabrication et engage la responsabilité du pharmacien.
En France, les quelques automates existants sont tous situés dans la pharmacie, alors qu’aux
Etats-Unis, ils sont parfois décentralisés dans les unités de soins [31].
Au CHU de Rangueil-Toulouse, après une première expérience infructueuse [27], la
mise en place expérimentale d’un automate de nouvelle génération, Homerus (commercialisé
par la société France Hôpital), a été subventionnée par la D.H.. L’innovation de l’installation
tient dans l’intégration de l’automate dans l’ensemble de la chaîne : de la prescription à
l’administration. Un effort particulier a porté sur les interfaçages des différents logiciels et
bases de données entre eux : prescription, gestion des stocks et système informatique de
l’hôpital (S.I.H.). Son utilisation s’étend à toutes les présentations. Il se présente sous forme
d’une tour de stockage reliée avec des modules de surconditionnement et de mise en chariot.
L’un des avantages de ces automates est de pallier le manque de personnel pour la préparation
des doses de médicaments, mais la logistique de l’acheminement des traitements dans les
unités de soins une à deux fois par jour reste, quant à elle, difficile à organiser.
De même que pour tout matériel, la réception et la validation d’un logiciel doit faire
l’objet d’un soin particulier, y compris s’il comporte le marquage CE.
42 Référence OPC 9 « Les professionnels de la pharmacie et les secteurs d’activité cliniques déterminent en commun leurs règles de fonctionnement » dans le Manuel d’accréditation, ANAES, février 1999. 43 Installé notamment dans les centres hospitaliers d’Aix-en-Provence, d’Epernay, du Val de Grâce.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
30
3.1.5- Le bénéfice financier de la D.I.N. 3.1.5.1- Rapport coût-efficacité justifié
Les études présentées dans la littérature à la suite de la mise en place de la
dispensation individuelle et nominative tendent à montrer que cette organisation est
économique, dès lors qu’est admise l’idée d’un transfert d’une charge de travail des unités de
soins vers la pharmacie. Une évaluation a été conduite au C.H. d’Arles en chiffrant les coûts
salariaux et les durées de travail observées pour les différentes catégories professionnelles
[45]. En court séjour, la dispensation individuelle reviendrait entre 35,00 et 38,50 F par
journée d’hospitalisation, contre 41,80 F en distribution globalisée et seulement 10,20 F en
distribution globale. Cependant, des économies sont aussi réalisées par la gestion optimisée
du stock de médicaments : réduction du nombre de périmés, remise en stock des unités
retournées [1]. D’autres éléments importants entrent secondairement en considération comme
la limitation du surcoût des événements médicamenteux iatrogènes (réduction des traitements
correcteurs, des soins, de la durée d’hospitalisation) ou l’amélioration de la qualité de vie du
patient. Difficilement chiffrables, les avantages qualitatifs de la dispensation individuelle
doivent aussi être pris en compte.
3.1.5.2- Comptabilité analytique détaillée
Elle a constitué un moteur puissant de la mise en œuvre du « unit-dose drug
distribution system » aux Etats-Unis d’Amérique. Depuis les années 1960 en effet, les
pharmacies hospitalières américaines doivent facturer leurs prestations à des organismes
d’assurance particulièrement soucieux de ne payer que ce que leurs patients ont effectivement
consommé.
La nécessité croissante de maîtrise des dépenses de santé passe par l’individualisation
des coûts par maladie ou par malade et entraîne le même phénomène en France. Certaines
cliniques disposent déjà de logiciels leur permettant de connaître précisément le nombre
d’unités administrées pour chaque type de médicaments par patient.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
31
3.2- Rôle de l’inspection régionale de la pharmacie
L’arrêté du 9 août 1991 est l’un des textes les moins bien appliqués dans les
établissements de santé. Ce problème est identifié et connu : par deux fois, l’inspection de la
pharmacie a fait de la mise en application de ce texte une priorité44. Cependant aucune mesure
similaire dans ce sens n’a incité les médecins pour la partie prescription qui les concernait
plus directement, ce qui conforte l’idée fausse de certains que ce texte ne concerne que les
pharmaciens. Une multiplicité d’obstacles à tous les niveaux du circuit peut être invoquée
pour expliquer l’oubli relatif de cet arrêté. Du point de vue des pharmaciens, le leitmotiv est le
déficit en personnel, mais chaque acteur fait valoir ses arguments d’où transparaît un défaut
de motivation.
3.2.1- La demande des pharmaciens hospitaliers Après la parution de cet arrêté, il a été reproché aux pharmaciens inspecteurs de santé
publique de n’avoir pas suffisamment insisté sur l’obligation de son application, voire de
n’avoir pas sanctionné. En effet, il arrive que des pharmaciens hospitaliers interpellent les
inspecteurs en leur demandant que leurs rapports d’inspection insistent davantage sur ce sujet,
ceci afin de leur permettre indirectement d’avoir plus de poids auprès de leur direction pour
obtenir des moyens en personnel ou en équipement. L’action de l’inspection régionale de la
pharmacie est pourtant clairement positionnée du point de vue de la sécurité sanitaire et non
du point de vue de l’allocation de ressources. Ainsi les services déconcentrés de l’Etat ne sont
sous l’autorité de l’Agence régionale d’hospitalisation (A.R.H.) que dans le cadre des
missions de celle-ci, c’est-à-dire la définition et la mise en œuvre de la politique régionale
d’offre de soins, l’analyse et la coordination des établissements de santé publics et privés et la
détermination de leurs ressources45. En dehors de ces cas exceptionnels, c’est le préfet qui, en
vertu de ses pouvoirs de police sanitaire, autorise, suspend et retire l’autorisation des P.U.I.
(art. L. 595-3, L. 595-4, L. 595-11 du CSP).
44 La vérification particulière de l’application de l’arrêté du 9 août 1991 était demandée dans la circulaire DPhM/13/CC n° 92-24 du 29 janvier 1992 relative aux programmes et aux modalités de travail des pharmaciens inspecteurs de la santé pour 1992. De même, l’attention était appelée sur « les modalités de dispensation des médicaments aux malades afin d’éviter tout risque d’erreur d’administration » dans la circulaire DGS n° 14 du 16 février 1995 relative aux programmes et aux modalités de travail des pharmaciens inspecteurs de la santé pour 1995 45 Missions rappelées dans la circulaire DGS/DH/QS/AF/97 n° 36 du 21 janvier 1997 relative à l’organisation du contrôle de la sécurité sanitaire dans les établissements de santé et la coordination entre les représentants de l’Etat dans la région et le département et les directeurs des agences régionales de l’hospitalisation.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
32
3.2.2- Mesures applicables Plusieurs types d’action s’offrent à l’administration par l’intermédiaire du pharmacien
inspecteur de santé publique : incitation ou sanction. Nous allons détailler les nombreuses
mesures plus ou moins théoriques qui pourraient être envisagées, visant les acteurs ou
l’établissement. En effet, le pharmacien inspecteur peut constater les manquements vis-à-vis
des textes législatifs et réglementaires des différentes catégories de personnels hospitaliers :
directeur, prescripteur, pharmacien ou infirmière, dès lors que l’infraction constatée relève de
son domaine de compétence.
3.2.2.1- Sanctions disciplinaires
Les poursuites disciplinaires sont rarement mises en œuvre. Elles sont de plusieurs
types : ordinales ou prévues dans le statut des praticiens hospitaliers.
* Sanctions ordinales Dans le cas des établissements publics, une traduction en chambre de discipline du
pharmacien ne peut être envisagée que sur la demande ou avec l’accord du directeur de
l’hôpital (art. R. 5015-1 du CSP). Les chambres de discipline fonctionnent ensuite comme
pour n’importe quel procès (art. R. 5016 à R. 5043 du CSP). La formulation des articles du
Code de déontologie est assez ouverte pour couvrir l’ensemble des pratiques contraires à
l’honneur de la profession comme par exemple un « acte professionnel établi en désaccord
avec les règles de bonne pratique correspondant à l’activité considérée46 ». Dans le cadre du
circuit du médicament, en attendant les bonnes pratiques se rapportant au décret sur la P.U.I.,
c’est la circulaire n° 666 du 30 janvier 1986 qui est visée.
De même pour les médecins, le Code de déontologie insiste sur l’importance de la
prescription : formulée avec clarté, rédigée lisiblement, datée et permettant l’identification du
praticien dont il émane et signée par lui47.
La parution des pharmaciens hospitaliers devant la chambre de discipline est
particulièrement rare. Le Conseil national de l’ordre met actuellement en place une base de
données comportant toutes les affaires passées devant la juridiction d’appel, mais elle n’est
pas encore disponible. L’exemple peut être pris du cas retentissant qui a concerné un
pharmacien chef de service à propos d’un problème de paramétrage d’un logiciel de calcul de
46 Article R. 5015-12 du Code de déontologie des pharmaciens.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
33
doses pour la préparation de poches de nutrition parentérale. Le décès de plusieurs prématurés
n’a pu être attribué à l’inadaptation des poches de nutrition. Cette erreur dans l’unité
enregistrée a néanmoins conduit à une sanction disciplinaire du pharmacien.
Récemment, deux pharmaciens gérants ont été interdits d’exercice pendant quelques
mois pour avoir rétrocédé des médicaments réservés à l’usage hospitalier à un établissement
privé dépourvu de P.U.I. L’un d’entre eux approvisionnait en plus une structure organisant
des manifestations sportives48. Les prescripteurs auraient dû se fournir en médicaments
directement auprès des établissements de fabrication puisque leur destination était l’usage
professionnel. Ces deux pharmaciens étant de plus titulaires d’une officine de pharmacie, une
plainte a été déposée simultanément devant le Conseil régional des pharmaciens et devant le
Conseil central section D. Les deux sanctions ne pouvant être confondues, elles ont conduit à
un doublement de la peine de chaque chambre de discipline.
* Sanctions prévues dans le statut des praticiens hospitaliers D’autres garanties disciplinaires sont prévues dans le statut des praticiens hospitaliers.
Dans le cas des praticiens à temps plein49, c’est le ministre chargé de la santé qui prononce les
sanctions. Pour l’avertissement et le blâme, il doit préalablement prendre l’avis à la fois du
commissaire de la République, du conseil d’administration (C.A.), et de la C.M.E.. Pour les
autres sanctions, c’est de l’avis du conseil de discipline50, instance nationale, qu’il doit
s’informer. Ce deuxième type de sanction disciplinaire reste exceptionnel et ne pourrait
intervenir que pour des fautes graves comme par exemple : complicité d’euthanasie,
enrichissement du pharmacien lors de marchés publics. Dans le cas des pharmaciens des
hôpitaux à temps partiel51, la différence est que les deux sanctions les plus légères sont
prononcées par le préfet après avis du C.A., de la C.M.E. ou d’une commission ad hoc. Dans
le cas des pharmaciens gérants52, toutes les sanctions sont prononcées par le préfet : le blâme
après avis du C.A., l’exclusion temporaire d’une durée maximale d’un mois et la révocation
après avis du conseil de discipline.
47 Articles 34 et 76 du Code de déontologie médicale, décret n° 95-1000 du 16 septembre 1995. 48 Comparution en chambre de discipline du conseil central D le 27 janvier 2000 49 Décret n° 84-131 du 24 février 1984 portant statut des pharmaciens praticiens hospitaliers. 50 Sa composition et ses règles de fonctionnement sont fixées par le décret n° 85-1295 du 4 décembre 1985. 51 Décret n° 96-182 du 7 mars 1996 portant statut des pharmaciens des hôpitaux à temps partiel. 52 Décret n° 891 du 17 avril 1943 modifié par le décret n° 55-1125 du 16 août 1955 et le décret n° 72-359 du 20 avril 1972.
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34
En cas d’insuffisance professionnelle, c’est la commission statutaire nationale53 qui
propose un avis. Cette instance paritaire est composée en majorité de pairs médecins ou
pharmaciens. L’insuffisance peut être invoquée du fait d’une inaptitude physique, psychique
ou intellectuelle. Cette procédure contradictoire lourde ne peut donc être mise en œuvre, elle
aussi, que de façon tout à fait exceptionnelle. De plus, pour sa défense, le praticien hospitalier
peut avancer l’argument d’une absence ou insuffisance de formation continue proposée par
l’établissement.
3.2.2.2- Sanctions pénales
L’arrêté du 31 mars 1999 est pris en application de l’article R. 5203 du CSP qui se
rattache à l’article L. 626 du CSP qui détaille les sanctions applicables à toute personne qui
viendrait en infraction à la réglementation des substances vénéneuses : « emprisonnement de
deux mois à deux ans et amende de 25000 francs ou l’une de ces deux peines seulement ». Cet
article pourrait être invoqué, en plus des situations prévues dans l’arrêté, par exemple en
l’absence de rédaction d’ordonnances par les prescripteurs (article R. 5194 du CSP) ou lors de
la préparation de doses en série par les infirmières54. Cependant, la transmission au procureur
de la République de tous les rapports attestant de cette infraction encombrerait vite les
tribunaux judiciaires, si toutefois, il ne les classait pas sans suite.
3.2.2.3- Sanctions vis-à-vis de l’établissement
Après mise en demeure, c’est le préfet, et non le directeur de l’A.R.H., qui a
compétence pour suspendre ou retirer l’autorisation d’une P.U.I. en cas d’infraction aux
dispositions du livre V du CSP (L. 595-4). Le projet de décret prévoit, d’une part, une
information préalable de la personne physique titulaire de l’autorisation d’exploiter
l’établissement ou le représentant légal de la personne morale intéressée de la nature des
infractions constatées, et d’autre part, une mise en demeure préalable de les faire cesser dans
un délai déterminé. Cette décision pourrait ne concerner qu’une partie des éléments de
l’autorisation et devrait être motivée.
En cas de danger immédiat, le préfet peut aussi suspendre l’autorisation pour une
durée maximale de trois mois.
53 Décrets cités en notes n° 49 et 51. 54 Les articles 4 à 8 du décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier ne prévoient que l’administration des médicaments et non leur préparation.
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35
Dans ce décret, il est également prévu que le directeur de l’A.R.H., ainsi que le
directeur régional des affaires sanitaires et sociales seraient informés de ces mesures.
La difficulté de la mise en œuvre de sanctions est due à l’inapplication « chronique »
de l’ensemble des textes encadrant le circuit du médicament. Dans un souci d’équité, la mise
en œuvre de sanctions pour un praticien ou un établissement supposerait le même traitement
pour tous ceux qui se trouvent dans une situation équivalente.
3.2.2.4- Incitation des différents acteurs
Les inspections des P.U.I. doivent être l’occasion de sensibiliser les différents acteurs
à leur champ de responsabilité. La mise en demeure n’est pas une procédure utilisable
directement par les pharmaciens inspecteur de santé publique. Il faut un texte la prévoyant
expressément55. Le directeur, en tant que responsable de l’organisation générale de
l’établissement, est destinataire du courrier ou du rapport faisant suite à la visite.
Les incitations doivent s’adresser prioritairement aux prescripteurs. En effet, bien que
n’ayant pas de supériorité sur les étapes suivantes, la prescription écrite conforme aux textes
réglementaires conditionne leur qualité. Simple ordonnance préguidée ou logiciel élaboré, des
moyens d’incitation doivent être développés. Dans tous les cas, il est primordial que le
nouveau support permette une suppression totale des multiples recopiages par les infirmières
avant l’administration des médicaments. Les mesures répressives ne sont pas envisageables
raisonnablement en raison de l’écart trop fréquent entre la pratique et la réglementation. Il
s’agit donc bien de faire prendre conscience aux médecins de l’importance de cet acte qui a
presque disparu des habitudes dans certains établissements, afin de rétablir la collaboration
avec le pharmacien telle qu’elle a été prévue par le législateur dans le système de santé.
Du temps pour l’analyse pharmaceutique pourrait être gagné en abandonnant certaines
tâches prenantes comme les passations des marchés. Il est fréquent que cette activité, en
grande partie administrative, monopolise le praticien trois mois par an. Le groupement des
établissements de santé pour le choix et l’achat des médicaments est ainsi une intéressante
solution pour économiser du temps pharmaceutique.
La préparation des médicaments à la pharmacie sous une présentation unitaire peut
n’être envisagée que dans un deuxième temps, si la transformation du circuit n’est pas
55 Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, 12 août 1992. La mise en demeure adressée par un pharmacien inspecteur régional au grossiste-répartiteur fournissant une pharmacie dont la licence a été retirée constitue une voie de fait.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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réalisable simultanément. Lorsque le système de D.I.N. est mis en place, il est généralement
apprécié de l’ensemble des acteurs des unités de soins, prescripteurs ou infirmières, qui ne
voudraient pas revenir au système traditionnel [35]. Cependant, une aide peut être apportée
aux unités de soins sous la forme de livret sur les thèmes de compatibilité physico-chimique
des principes actifs entre eux, de stabilité des solutions reconstituées.
La transmission systématique des rapports à l’A.R.H. peut aussi être envisagée. De
cette façon, l’allocation de ressources pourrait être optimisée du point de vue pharmaceutique.
Des éléments en faveur d’une modernisation du circuit du médicament sont ainsi
rassemblés. Cependant, dans des structures aussi complexes que les établissement de santé où
se confrontent des luttes d’influence, le principal moteur de toute évolution est la volonté des
acteurs pour engager une réforme en profondeur.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
37
CONCLUSION
L’absence de respect de la réglementation sur le circuit du médicament dans les
établissements de santé est un problème identifié et connu. Les conséquences en sont lourdes
en terme de iatrogénie médicamenteuse par toutes les erreurs évitables qui ne sont pas
interceptées.
Les textes existants organisent pourtant une sécurisation du circuit en instituant le
principe de la vérification de chaque étape du processus. Aucune mesure d’incitation forte
n’est proposée actuellement. Sans cette volonté, les pharmaciens inspecteurs sont bien
dépourvus de moyens malgré la multiplicité des sanctions potentiellement applicables.
Il leur reste à se montrer persuasifs pour responsabiliser les différents acteurs, du
directeur à l’infirmière en passant par le pharmacien et le médecin en mettant en avant le
bénéfice en terme de sécurité sanitaire.
Un autre avantage de l’optimisation du circuit est représenté par un bénéfice financier.
En effet, la mauvaise gestion du stock dans les unités de soins possède un coût non
négligeable, argument auquel les directeurs d’hôpital et des A.R.H. sont sensibles.
Dans tous les cas, la mise en place de la dispensation individuelle et nominative dans
l’ensemble des établissements suppose un investissement en personnel et en moyens, que la
plupart d’entre eux ne sont pas prêts à réaliser immédiatement. Le bon sens doit donc
s’orienter vers des actions prioritaires et tout d’abord l’obtention de prescriptions écrites
conformes. Cette seule incitation pourrait être moins isolée et plus facile à mettre en œuvre
avec le concours des médecins inspecteurs de santé publique et des médecins et pharmaciens
conseil de l’assurance maladie. En effet, la transformation du circuit du médicament ne peut
pas être imposée : elle suppose, dans certains établissements, une véritable révolution des
habitudes, le pharmacien hospitalier ayant disparu de la partie active du processus. C’est donc
une véritable reconquête de cet espace perdu qui doit être entreprise, car l’analyse
pharmaceutique est la première raison d’être de la profession. Les pharmaciens étant
faiblement représentés en nombre par rapport aux médecins, ils doivent d’autant plus prouver
leurs compétences pour être reconnus. Dans ce cadre, l’avis pharmaceutique est devenu le
complément indispensable de l’analyse, à double titre : pour établir la relation avec le
prescripteur et pour protéger le pharmacien en cas de contentieux afin de prouver que
l’information a bien été transmise.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
38
L’opinion publique accepte de moins en moins l’idée d’un risque non maîtrisé dans le
cadre des activités de soins, c’est pourquoi la logique de l’assurance qualité doit imprégner
l’organisation du circuit du médicament à son tour.
Dans tous les cas, l’insistance des pharmaciens inspecteurs sur ce problème de santé
publique dans leur rapport d’inspection ne doit pas être négligée, car ce document apporte une
contribution à la prise de conscience des décideurs des hôpitaux.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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LISTE DES ANNEXES
Annexe n° 1 : Définitions.
Annexe n° 2 : Historique.
Annexe n° 3 : Exemples d’études réalisées en France sur la iatrogénie médicamenteuse.
Annexe n° 4 : Exemples d’études réalisées en France sur les erreurs de médication.
Annexe n° 5 : Types d’erreurs de médication.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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Annexe n° 1
DEFINITIONS
Assurance de la qualité (NF EN ISO 8402) :
Ensemble des actions préétablies et systématiques mises en œuvre dans le cadre du système
qualité, et démontrées en tant que de besoin, pour donner la confiance appropriée en ce
qu’une entité satisfera aux exigences pour la qualité.
Dans le cas de la dispensation, l’assurance de la qualité permet de maîtriser
l’organisation du circuit du médicament et couvre notamment la prescription, l’analyse
pharmaceutique et l’administration.
Dispensation (Larousse 1913)
Action d’administrer, distribution.
(art. R. 5015-48 du CSP) :
Le pharmacien doit assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament,
associant à sa délivrance :
1- L’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale si elle existe ;
2- La préparation éventuelle des doses à administrer ;
3- La mise à disposition des informations et des conseils nécessaires au bon usage des
médicaments.
Iatrogénie ou pathogénie d’origine médicale (Haut Comité de santé publique) :
Toutes les conséquences indésirables ou négatives sur l’état de santé individuel ou collectif de
tout acte ou mesure pratiqué ou prescrit par un professionnel habilité et qui vise à préserver,
améliorer ou rétablir la santé.
Pharmacie clinique (Conseil de l’Europe, résolution sur l’usage des médicaments adoptée le
24 octobre 1994) :
Usage optimal du jugement et des connaissances pharmaceutiques et biomédicales du
pharmacien aux fins de l’amélioration de la sécurité, de l’efficacité, de l’économie et de la
précision dans l’application des produits pharmaceutiques au traitement.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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Présentation unitaire d’un médicament (Définition proposée dans la Résolution des
Associations Françaises de Pharmaciens Hospitaliers, J. Pharm. Clin. 1982, 1 (3) 247-256,
reprise dans le cahier des charges techniques CIP, novembre 1984 puis dans la circulaire
n° 666 du 30 janvier 1986)
Présentation appropriée d’une unité déterminée d’un médicament dans un récipient unidose,
destiné dans le cas d’une dose individuelle, à l’administration en une seule fois au patient.
Qualité (NF EN ISO 8402) :
Aptitude d’un produit à satisfaire les besoins exprimés ou implicites de l’utilisateur.
Dans le cas de la dispensation, c’est l’adéquation entre les moyens mis en œuvre et le
médicament reçu par le patient.
Unit dose drug distribution system :
Dispensation journalière individuelle nominative en conditionnement unitaire. Son concept
initial était « la délivrance des doses au moment où chaque dose est due et seulement de ces
doses ».
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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Annexe n° 2 HISTORIQUE
Fin du XIXe siècle Les pharmaciens exerçant dans les hôpitaux avaient l’habitude de participer
à la visite du médecin dans les services. Ils jouaient un rôle très important
dans le circuit du médicament puisqu’ils notaient eux-mêmes la prescription
médicale faite oralement. Après préparation à la pharmacie, c’est par leurs
soins que les remèdes étaient apportés et administrés au malade.
Après la deuxième
guerre mondiale
Multiplication des spécialités et réduction de la place du pharmacien
hospitalier à celui d’un gestionnaire de stock.
1949 Arrêté du 18 janvier 1949 relatif à la délivrance des substances vénéneuses
dans les établissements hospitaliers.
Ce texte demande déjà les prescriptions pour la délivrance des substances
vénéneuses mais les responsabilités ne sont pas clairement définies.
1970 Loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 modifiée sur la restriction au
commerce des substances vénéneuses.
1983 Volonté de rénover ce cadre juridique.
La Direction de la Pharmacie et du Médicament crée un groupe de travail
coordonné par F. CHAST, pharmacien chef de service à l’Hôtel Dieu à
Paris, dans lequel toutes les professions sont représentées (pharmaciens,
médecins, infirmières, membres des tutelles). L’idée de départ est que
l’optimisation du circuit présente un bénéfice certain sur la réduction des
erreurs de médication : le principe en est la vérification d’une étape par
l’acteur de l’étape suivante. Les négociations ont conduit à un rapport remis
le 7 août 1984 proposant une modification de l’arrêté. La publication de
celui-ci a été retardée de plusieurs années à cause de deux blocages : d’une
part, certains membres de la profession pharmaceutique hospitalière ne
veulent pas s’engager dans la transformation du circuit du médicament et,
d’autre part, le Conseil de l’ordre des médecins s’est violemment opposé à
l’analyse pharmaceutique de la prescription.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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1986 Circulaire n° 666 du 30 janvier 1986 relative à la mise en application des
pratiques de bonne dispensation des médicaments en milieu hospitalier.
Ce texte fait suite à une étude sur l’exercice de la pharmacie dans les
établissements de soins dans le but de développer l’efficacité et la qualité du
service rendu au malade et définit des pratiques de bonne dispensation. Ce
document fixe plusieurs éléments fondamentaux :
- les renseignements fournis par la prescription écrite,
- l’affirmation du rôle du pharmacien en introduisant le terme de
dispensation des médicaments,
- la limitation du stock dans les unités de soins à une armoire ou un
chariot d’urgence,
- les bases de la notion d’assurance qualité.
Circulaire n° 675 du 6 juin 1986 relative à un audit d’évaluation
comparative sur la dispensation du médicament en milieu hospitalier.
Cette circulaire rapporte les conclusions d’un audit d’évaluation
comparative de dix établissements hospitaliers ayant un mode de
dispensation pharmaceutique différent. Ces conclusions souffrent à la fois
de l’absence d’indicateur performant et d’un parti pris peu rigoureux bien
que compréhensible pour la dispensation journalière individuelle et
nominative. La portée juridique limitée de ces textes a été évoquée pour
expliquer la perturbation de leur application.
Circulaire n° 677 du 15 septembre 1986 relative à l’informatisation des
systèmes de dispensation des médicaments et de gestion des pharmacies
hospitalières.
La première partie du texte décline les caractéristiques du logiciel idéal
utilisable dans le cadre de la dispensation.
1991 Arrêté du 9 août 1991 portant application de l’article R. 5203 du CSP dans
les établissements mentionnés à l’article L. 577 du même code.
Malgré la réticence d’une partie de la profession, certains pharmaciens
hospitaliers ont pourtant accueilli favorablement cet arrêté qui leur permet
d’accéder aux prescriptions.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
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1992 Loi n° 92-1279 du 8 décembre 1992 créant les pharmacies à usage intérieur.
Cette loi crée les P.U.I. qui n’étaient jusqu’alors que des officines par
dérogation et définit leurs missions, ainsi que les établissements dans
lesquels elles peuvent être créées.
Circulaire n° 322 DGS-OD/DH du 2 octobre 1992 relative aux règles de
recrutement des faisant fonction d’internes, d’assistants-associés, des
attachés-associés, et relative au respect des règles d’exercice des professions
médicales pharmaceutiques et odontologiques dans les établissements
publics de santé et dans les établissements privés de santé participant au
service public hospitalier.
Ce texte fixe les délégations de prescription.
1999 Décret n° 99-249 du 31 mars 1999 relatif aux substances vénéneuses et à
l’organisation de l’évaluation de la pharmacodépendance. Les modalités
d’application de cette section56 aux établissements possédant une P.U.I. sont
fixées par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur
de l’AFSSAPS.
Arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à
l’administration des médicaments soumis à la réglementation des substances
vénéneuses dans les établissements de santé, les syndicats interhospitaliers
et les établissements médico-sociaux disposant d’une pharmacie à usage
intérieur mentionnés à l’article L. 595-1 du CSP.
Il abroge l’arrêté du 9 août 1991.
2000 Décret d’application la loi du 8 décembre 1992 (stade de projet actuellement).
Il devrait faire référence aux bonnes pratiques de pharmacie hospitalière. Un
Comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles devient
obligatoire dans les établissements publics et privés alors qu’il n’avait pas
d’existence légale jusqu’à présent, puisque préconisé seulement par une
circulaire dans un objectif économique57.
56 Section III du chapitre Ier du titre III : Médicaments, produits insecticides et acaricides destinés à être appliqués sur l’homme, produits destinés à l’entretien ou à l’application des lentilles oculaires de contact. 57 Cf. note n° 14.
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11
Annexe n° 3 EXEMPLES D’ETUDES REALISEES EN FRANCE
SUR LA IATROGENIE MEDICAMENTEUSE Exemple n° 1
« Iatrogénèse médicamenteuse : estimation de son importance dans les hôpitaux publics
français ».
Rapport présenté au Comité technique de pharmacovigilance le 12 novembre 1997.
En 1997, une enquête nationale de grande ampleur [13] (2 132 patients) menée par 31
centres régionaux de pharmacovigilance a évalué la fréquence des effets indésirables des
médicaments dans des centres hospitaliers universitaires ou généraux :
- La prévalence moyenne mesurée s’élevait à 10,4%, dont plus de la moitié était survenue
pendant l’hospitalisation, l’incidence s’élevait à 1,7% ;
- Environ 5% des effets recensés étaient inattendus ;
- Environ 5% étaient dus à un mésusage ;
- 33% des effets indésirables correspondaient à des effets graves selon la définition
internationale (décès, menace vitale immédiate, séquelle ou prolongation
d’hospitalisation), environ 1% était la cause probable d’un décès.
Ce rapport a conclu à un problème majeur de santé publique, tant sur le plan de la morbi-
mortalité que sur le coût.
Exemple n° 2
Dans un circuit de distribution globale, favorisées par un investigateur, les déclarations
spontanées de tous les événements indésirables ont été recueillies dans l’objectif d’évaluer la
part de la iatrogénie médicamenteuse évitable [39].
Sur un nombre de 240 entrées, l’incidence des événements avérés représente 16% des patients
hospitalisés. Les événements avérés résultants de dysfonctionnements sont significativement
plus graves que les effets indésirables imprévisibles. Ils se produisent lors de la prescription
(35%), transcription (13%), dispensation (13%), préparation (9%), administration (29%). Les
erreurs de dose (20%), de non administration de médicaments prescrits (20%), de choix
inadéquat de la molécule (20%) et d’horaire (16%) sont les plus fréquents. La non
compliance, les lapsus et la méconnaissance du traitement, du terrain et des principes actifs
sont à l’origine de 65% des dysfonctionnements.
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Annexe n° 4
EXEMPLES D’ETUDES REALISEES EN FRANCE
SUR LES ERREURS DE MEDICATION
Exemple n° 1
Comparaison des différents modes d’organisation du circuit du médicament
Une synthèse de résultats obtenus dans 7 pays par la méthode d’observation directe de
BARKER58 donne les résultats suivants (erreurs sur le moment d’administration inclus)
exprimés en % :
Distribution traditionnelle
Dispensation individuelle
avec
retranscription
avec
documents
améliorés
Distribution
globalisée
non unitaire
unitaire
manuel
unitaire
informatisé
unitaire avec
administration
pharmaceutique
Taux globaux
d’erreurs
15 - 65
3,5 – 70
17 – 43
25 – 39
8 – 23
3 – 12
une seule étude
Moyenne
28 .
25
29
32
16
8
4
Réduction
(Base 100)
18 à 72
-19
37 à 46
50
55 à 67
Non comparé
Moyenne
(Base 100)
50
-19
42
50
61
Non comparé
Reproduction d’après Schmitt [45], page 180, avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Exemple n° 2
Les erreurs de prescription et de dispensation ont été étudiées dans le cadre d’une D.I.N.
journalière : 10 771 ordonnances, soit 54 181 médicaments prescrits [26].
Les erreurs de prescription concernaient 5% des ordonnances et correspondaient à 1,3%
d’erreurs par médicament prescrit se répartissant de la manière suivante :
- 45,3% étaient des omissions,
- 29,8% étaient des interactions médicamenteuses,
- 25% des erreurs stricto sensu (posologie, horaire d’administration, de dosage, de
spécialité, de formes).
58 Décrite page 14.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
13
De plus, 4% des ordonnances étaient mal exécutées :
- 27,9% étaient des erreurs de posologie,
- 23,9% étaient des omissions,
- 19,4% étaient des erreurs d’horaire,
- 8,9% des erreurs de spécialités.
Exemple n° 3
Deux systèmes de dispensation traditionnelle et nominative ont été comparés [18]. Le
critère d’évaluation est la sécurité de l’étape de préparation des doses de médicaments : par
les infirmières dans le système traditionnel ou par les préparateurs dans le système nominatif.
Il en ressort :
- un taux d’erreurs de 0,12 % en dispensation nominale par rapport à un total de 4802 doses
pouvant occasionner une erreur,
- un taux d’erreurs de 1,45 % en dispensation traditionnelle par rapport à un total de 4057
doses pouvant occasionner une erreur.
Exemple n° 4
Cette étude analyse les erreurs de prescription en comparant trois modèles différents de
circuit du médicament :
- distribution globale non informatisée sans pharmacien,
- dispensation globalisée informatisée avec présence pharmaceutique un jour par semaine,
- dispensation globalisée informatisée avec présence pharmaceutique cinq jours par
semaine [28].
Les résultats révèlent que les erreurs sont significativement moins nombreuses dans le circuit
informatisé, mais la diminution de la fréquence des erreurs de prescription s’exerce
indépendamment de leur gravité. Il existe un lien significatif entre l’attitude du prescripteur
face aux interventions pharmaceutiques et le degré de présence pharmaceutique dans l’unité
de soins. En effet, le prescripteur accepte plus fréquemment de mettre en place l’optimisation
proposée par le pharmacien quand la proposition est effectuée immédiatement après la
prescription.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
14
Exemple n° 5
Cette étude a porté sur la qualité du circuit de dispensation individuelle des médicaments
depuis la réception par la pharmacie de la prescription jusqu’au contrôle infirmier des
médicaments préalablement à l’administration [50]. Pour chacune des étapes, ont ainsi été
contrôlées environ 1940 doses.
Les anomalies de prescription portaient sur 2,2% des doses et se répartissaient en 3
catégories :
- 55% des cas, problème technique (ex. : médicament ne figurant au livret du médicament),
- 30% des cas, omission de la rédaction de la prescription du jour,
- 15% des cas, modification orale de la prescription sans confirmation écrite.
Les anomalies de dispensation concernaient 2,1% des doses :
- 65% des cas, une dose prescrite était absente,
- 20% des cas, placement de la dose à un horaire de prise inadéquat,
- 15% des cas, dose présente alors que non prescrite.
Exemple n° 6
Dans un système de distribution globale, une étude transversale de type « enquête de
prévalence » a évalué de la qualité de la prescription [16]. Portant sur 678 prescriptions, elle a
montré que :
- 77% d’entre elles étaient conformes pour la posologie,
- 51,5% pour la fréquence d’administration,
- 45% pour la forme galénique ou la voie d’administration,
- 28% pour l’horaire d’administration,
- 75% étaient retranscrites au moins 2 fois,
- 33% contenaient au moins une discordance par rapport à la prescription initiale,
- 19% seulement étaient signées.
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
15
Annexe n° 5
TYPES D’ERREURS DE MEDICATION 59
Typea Définition
Erreur de prescription Choix incorrect du médicament (par rapport aux indications, contre-indications,
allergies connues, autres thérapeutiques ou autres facteurs), de la dose, de la forme, de
la quantité, de la voie, de la concentration, du taux d’administration ou des instructions
pour l’utilisation ; prescription illisible ou ordres conduisant à une erreur
Omissionb Défaut d’administration d’une dose avant l’administration suivante, si celle-ci était
prévue
Mauvais horaire Administration en dehors de l’intervalle de temps prédéfini (cet intervalle doit être
défini au sein de chaque unité de soins)
Médicament non
prescritc
Administration d’un médicament non prescrit par le prescripteur légitime
Dose erronéed Administration d’une dose plus importante ou moins importante que la quantité
prescrite ou administration d’une dose supplémentaire, c’est-à-dire une ou plusieurs
unités en plus de celle prescrite
Mauvaise forme
galéniquee
Administration d’une forme galénique différente de celle prescrite
Mauvaise préparationf Médicament formulé ou manipulé incorrectement avant administration
Mauvaise techniqueg Utilisation d’une procédure ou technique inappropriée lors de l’administration
Médicament détérioréh Administration d’un médicament périmé ou dont l’intégrité physique ou chimique est
compromise
Erreur de surveillance Défaut dans l’étude du régime médicamenteux prescrit pour l’opportunité et la détection
des problèmes ou défaut dans l’utilisation des données cliniques ou biologiques pour
l’évaluation de la réponse du patient à la thérapeutique prescrite
Mauvaise compliance Comportement inapproprié du patient par rapport à son adhésion au régime
médicamenteux prescrit
Autres erreurs Toutes les autres erreurs ne figurant pas dans l’une des catégories définies ci-dessus
a Les catégories ne sont pas mutuellement exclusives à cause de la nature multidisciplinaire et multifactorielle
des erreurs de médication. b En dehors des erreurs de prescription. Sont exclus (1) les patients refusant de prendre leur traitement ou (2) la
décision de ne pas administrer à cause de la reconnaissance des contre-indications. Si une explication est
évidente (ex. : patient en dehors de l’unité de soins ou médicament non disponible), la raison doit être
documentée par un enregistrement approprié. c Inclut, par exemple, un mauvais médicament, une dose donnée à un mauvais patient, un médicament non
prescrit, des doses données en dehors des protocoles préétablis.
59 D’après l’American Society of hospital pharmacists [2].
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
16
d Sont exclues (1) les déviations autorisées sur les écarts programmés établis par les organisations de soins
(ex. : non administration d’une dose à cause de la température du patient ou de son taux de glucose) ou (2) les
formes d’actualité pour laquelle la prescription n’a pas été exprimée quantitativement. e Sont exclus les protocoles acceptés (établis par la pharmacie ou les comités thérapeutiques ou leurs équivalents)
qui autorise le pharmacien à dispenser une autre forme galénique pour les patients à besoins spécifiques (ex. :
formulation liquide pour les patients avec une sonde nasogastrique ou présentant des difficultés pour avaler). f Ceci inclut, par exemple, les dilutions ou reconstitutions incorrectes, les mélanges de médicaments
incompatibles physiquement ou chimiquement et le conditionnement inadéquat. g Ceci inclut les doses administrées (1) par une mauvaise voie (différente de la voie prescrite), (2) par la bonne
voie mais dans un mauvais site (ex. : œil gauche au lieu du droit) et (3) un mauvais taux d’administration. h Ceci inclut, par exemple, l’administration de médicaments périmés ou stockés improprement.
Note de synthèse Rapport d’étude Anne AYGALET-JEGOUZO Soutenance le 11 avril 2000 Promotion Pharmaciens inspecteurs de santé publique 1999-2000
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
18
LE CIRCUIT DU MEDICAMENT DANS LES ETABLISSEMENTS DE SANTE :
ENJEU DE L’INSPECTION
Le non-respect de la réglementation du circuit du médicament dans les établissements de santé est un problème identifié et connu. Les conséquences en sont lourdes en terme de iatrogénie médicamenteuse par toutes les erreurs évitables qui ne sont pas interceptées. En effet, l’incidence de ces erreurs a été corrélée avec le fonctionnement du circuit du médicament : la mise en œuvre d’une organisation plus moderne, et en particulier de la dispensation individuelle et nominative, est constamment associée à une réduction des erreurs. Malgré l’investissement initial important pour l’hôpital que représentent ces mesures, le bénéfice en est favorable : réduction de l’hospitalisation pour iatrogénie, amélioration de la qualité de vie des patients.
I- LE CADRE JURIDIQUE Le circuit du médicament dans les établissements de santé publics et privés est encadré de façon complexe par un ensemble de textes de valeur juridique variée (cf. annexe). 1.1- Dispositions du Code de la santé publique (CSP) sur la restriction au commerce des substances vénéneuses S’appliquent notamment : - l’article L. 626 du CSP qui prévoit les sanctions prises à l’encontre des personnes ayant contrevenu aux
décrets concernant ces substances et en particulier lors de leur production, transport, importation, exportation, détention, offre, cession, acquisition ou emploi ;
- la réglementation, dont le décret du 31 mars 1999, qui décrivent entre autres les mentions devant figurer
sur la prescription, les conditions de délivrance des stupéfiants ; - l’arrêté du 31 mars 1999 qui envisage le circuit dans sa globalité et précise le rôle et la responsabilité de
chaque acteur : directeur, prescripteur, pharmacien et infirmière. L’actualisation par rapport au précédent arrêté du 9 août 1991 porte sur plusieurs points. Sont concernés en particulier :
•••• la liste des prescripteurs habilités fixée non plus par l’administration mais par le représentant légal de l’établissement, cette habilitation est ensuite vérifiée par le pharmacien pour les médicaments à prescription restreinte,
•••• la liste des données devant figurer sur la prescription, •••• l’harmonisation avec les mesures concernant les stupéfiants prises le même jour par décret, •••• le signalement à la fois au prescripteur et au pharmacien par l’infirmière des médicaments non
administrés, •••• la déclaration sans délai aux autorités de police en cas de perte ou de vol des ordonnances et
tampons d’identification. 1.2- Dispositions concernant la pharmacie à usage intérieur (P.U.I.) La loi n° 92-1279 du 8 décembre 1992 comporte entre autres : - l’article L. 595-2 du CSP définit les missions de la P.U.I., dont « assurer […] la dispensation des
médicaments, de mener ou de participer à toute action d’information sur ces médicaments […], de mener ou de participer à toute action susceptible de concourir à la qualité et à la sécurité des traitements. » ;
- l’article L. 595-4 du CSP prévoit la suspension ou le retrait de l’autorisation par le préfet en cas d’infraction au livre de la pharmacie.
Le projet de décret fait référence aux bonnes pratiques de pharmacie hospitalière et rend obligatoire le comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles. Il prévoit également la possibilité d’une réglementation s’appliquant à l’ensemble du circuit du médicament et non plus seulement aux médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses, comme c’est actuellement le cas pour l’arrêté du 31 mars 1999. 1.3- Autres textes De plus, de nombreux autres textes s’appliquent à une catégorie de professionnels ou à une étape du circuit (Cf. annexe).
Anne AYGALET-JEGOUZO – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2000
II- ROLE DES PHARMACIENS INSPECTEURS DE SANTE PUBLIQUE DANS LA MODERNISATION DU CIRCUIT DU MEDICAMENT
2.1- Différentes sanctions applicables Si de multiples sanctions sont applicables en théorie aux établissements et aux praticiens eux-mêmes, elles sont délicates à mettre en œuvre en pratique : - Des sanctions pénales : de 2 mois à 2 ans d’emprisonnement et/ou 25000 F d’amende (art. L. 626 du CSP), - Des sanctions disciplinaires du Conseil de l’Ordre des pharmaciens. La traduction en chambre de
discipline ne peut être envisagée que sur la demande ou avec l’accord du directeur de l’hôpital (art. R. 5015-1 du CSP). La formulation de « règles de bonne pratique correspondant à l’activité considérée » de l’article R. 5015-12 du CSP est assez ouverte pour couvrir l’ensemble de l’activité pharmaceutique en rapport avec le circuit du médicament.
- Des sanctions disciplinaires sont prévues dans le statut des pharmaciens hospitaliers :
• pour les praticiens hospitaliers (décret n° 84-131 du 24 février 1984). C’est le ministre chargé de la santé qui prononce les sanctions. Un conseil de discipline national (décret n° 85-1295 du 4 décembre 1985) donne son avis pour les sanctions les plus lourdes.
• pour les pharmaciens des hôpitaux à temps partiel (décret n° 96-182 du 7 mars 1996). C’est le ministre chargé de la santé qui prononce les sanctions, exception faite de l’avertissement et du blâme au pharmacien des hôpitaux à temps partiel qui sont prononcés par le préfet.
• pour le pharmacien gérant, toutes les sanctions sont prononcées par le préfet (décret n° 891 du 17 avril 1943 modifié par le décret n° 55-1125 du 16 août 1955 et le décret n° 72-359 du 20 avril 1972).
- Des sanctions vis-à-vis de l’établissement (art. L. 595-4 du CSP) peuvent être prises par le préfet,
suspension ou retrait de l’autorisation de la P.U.I., après mise en demeure. Le projet de décret envisage la possibilité de limiter la décision à une partie seulement des éléments de l’autorisation.
2.2- Rôle d’incitation Les pharmaciens inspecteurs de santé publique ont également un rôle d’incitation à jouer en mettant en avant l’enjeu de sécurité sanitaire que constitue l’amélioration du circuit du médicament. D’une part, les efforts doivent se concentrer sur des priorités et tout d’abord sur l’obtention des prescriptions écrites conformément à la réglementation. Le pharmacien peut alors exercer sa véritable compétence en réalisant l’analyse pharmaceutique. La préparation des médicaments à la pharmacie sous une présentation unitaire peut n’être envisagée que dans un deuxième temps, si la transformation du circuit n’est pas réalisable simultanément. D’autre part, le concours des médecins inspecteurs de santé publique et des médecins et pharmaciens conseil de l’assurance maladie est précieux pour donner du poids à cette démarche. La transmission systématique des rapports à l’agence régionale d’hospitalisation peut aussi être envisagée. De cette façon l’allocation de ressources pourraient être optimisée du point de vue pharmaceutique. En effet, la modernisation du circuit du médicament doit être considérée comme la préoccupation de tous car l’opinion publique accepte de moins en moins l’idée d’un risque non maîtrisé dans le cadre des activités de soins. L’insistance des pharmaciens inspecteurs sur ce problème de santé publique dans leur rapport d’inspection ne doit pas être négligée, car ce document apporte une contribution à la prise de conscience des décideurs des hôpitaux.
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ANNEXE
TEXTE ETAPE DU CIRCUIT PRESCRIPTION
Art. 2 arrêté du 31/03/99 Liste des prescripteurs habilités établie par le directeur de l’établissement : mise à jour et communiquée au pharmacien
Art. 3 arrêté du 31/03/99 Prescription individuelle R. 5143-5-5 Possibilité de prescription réservée R. 5194 Art. 3 arrêté du 31/03/99
Eléments figurant sur la prescription, copie remise à la pharmacie, original dans le dossier patient
Art 34 du Code de déontologie médicale
Clarté de la prescription
Art 8, 40, 70 du Code de déontologie médicale L. 368, L. 373, R. 5193, art. 31 du Code de déontologie des chir-dent L. 370, R. 5193, Arrêté du 17 oct. 1983 modifié par l’arrêté du 10 oct. 1989, art 12, 13, 14 du Code de déontologie des sages-femmes L. 761, R. 5193 Décret n° 85-631 du 19/06/85, Arrêté du 17 novembre 1987.
Limitations suivant la catégorie de prescripteurs : - Médecins - Chirurgiens-dentistes : usage de l’art dentaire - Sages-femmes : liste - Biologistes : en liaison avec l’exercice de la biologie ou prescription
thérapeutique à titre gratuit - Pédicures Podologues : liste
L. 618 Agrément aux collectivités Circ. n° 2186 du 30/06/76, Projet de décret
Données locales du Comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles
R. 163-2-1 à R. 163-5 du Code de la Sécurité sociale
Prise en charge
Art. 3 arrêté du 31/03/99 Conservation chronologique des prescriptions pendant 3 ans Art. 5 arrêté du 31/03/99 Rangement sous clé des blocs d’ordonnances et tampons
En cas de perte ou de vol, déclaration à la police. DISPENSATION
R. 5015-48 Code de déontologie des pharmaciens
Définition de la dispensation
R. 5015-13 Code de déontologie des pharmaciens
Exercice personnel ou surveillance attentive
Circ. n° 666 du 30/01/86 Pratiques de bonne dispensation Circ. n° 675 du 06/06/86 Informatisation
Analyse pharmaceutique R. 5143-5-5, Art. 6 arrêté du 31/03/99
Vérification des compétences
R. 5015-60 et R. 5015-61, Art. 6 arrêté du 31/03/99
Opinion, proposition de substitution, modification ou refus motivé
Circ. n° 666 du 30/01/86, Art. 6 arrêté du 31/03/99
Demande de renseignements
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Préparation
L. 512 Monopole pharmaceutique L. 511-1-1 L. 511-1-2
Présentation unitaire : - préparation magistrale - préparation hospitalière
B.O. n° 88/7 bis de 1988. Arrêté du 10/05/95 modifié par l’arrêté du 18/12/97.
Bonnes pratiques spécifiques à paraître BPPO BPF
DELIVRANCE Circ. n° 666 du 30/01/86 Identification claire des médicaments Art. 7 arrêté du 31/03/99 Délivrance globale ou individuelle (substances vénéneuses) par des
pharmaciens, internes, étudiants 5e AHU sur délégation, préparateurs Art. 14 arrêté du 31/03/99 Transport en chariot ou conteneur clos et de préférence fermant à clé
ADMINISTRATION Art. 29 du décret du 16/02/93, Art 4 et 5 du décret du 15/03/93, Art. 8 arrêté du 31/03/99
Administration au regard de la prescription
Art. 8 arrêté du 31/03/99 Si non-administration, le médecin et le pharmacien sont prévenus. Art. 29 du décret du 16/02/93, Art 4 du décret du 15/03/93, Art. 8 et 18 arrêté du 31/03/99, Circ. n° 88 du 15/03/85, Circ. n° 666 du 30/01/86.
Fiche d’administration à conserver dans le dossier médical contenu
DETENTION Art 12 et 15 arrêté du 31/03/99 Circ. n° 666 du 30/01/86
Armoire d’urgence : liste fixée qualitativement, quantitativement et révisée au moins une fois par an
Art. 29 du décret du 16/02/93, Art. 8 du décret du 15/03/93
Si utilisation de l’armoire par les infirmiers en l’absence du médecin, contient seulement des médicaments faisant l’objet de protocoles établis.
Art. 16 arrêté du 31/03/99 Etiquetage Art. 9 arrêté du 31/03/99 Locaux ou dispositifs de rangement fermant à clé et ne contenant rien
d’autre Art. 10 arrêté du 31/03/99 Organisation et dispositifs de rangement décidés entre le médecin et le
pharmacien Art. 15 arrêté du 31/03/99 Vérification de la composition de la dotation par le pharmacien, suivie d’un
P.V. cosigné avec le responsable de l’unité de soins. Art. 17 arrêté du 31/03/99 Absence de détention par les malades de médicaments personnels sauf
accord écrit des prescripteurs. Art. 11 arrêté du 31/03/99 Dispositions pour perte, vol ou emprunt des clés Art. 13 arrêté du 31/03/99 Renouvellement sur présentation des prescriptions et de l’état récapitulatif
DISPOSITIONS PARTICULIERES CONCERNANT LES MEDICAMENTS CLASSES COMME STUPEFIANT S
R. 5217 Inscription mensuelle des entrées et des sorties R. 5212, art. 3 arrêté du 31/03/99 Eléments figurant sur la prescription : quantités en toutes lettres Art. 18 arrêté du 31/03/99 Document d’administration spécial ou celui prévu à l’art. 3, daté et signé
par le médecin responsable de l’unité de soins Informatisation possible si identification et authentification par signature électronique et édition papier possible.
Art. 19 arrêté du 31/03/99 Renouvellement de la dotation sur présentation : - de l’état récapitulatif (Cf. art. 13), - du relevé d’administration spécifique validé par le médecin
responsable de l’unité de soins Art. 20 arrêté du 31/03/99 Remise des médicaments au prescripteur, au cadre ou à l’infirmière
désignée Art. 21 arrêté du 31/03/99 R. 5175, arrêté du 22/02/90
Détention à part dans une armoire ou un compartiment spécial banalisé, fermé à clé, Mesure de sécurité contre toute effraction.