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// ÉPOQUE // FIPF REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS N° 374 MARS-AVRIL 2011 le français le monde dans Irène Némirovsky D’Haïti , la croisée romanesque de deux destins africains Le français, langue d’héritage aux États-Unis L’institut Wenzao à Taïwan, campus numérique // MÉTIER // Sofiane Hadjadj, le renouveau de l’édition en Algérie Un écrivain pour la postérité // DOSSIER // // MÉMO //

Le français dans le monde 374

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Numéro de mars / avril 2011 du Français dans le monde

Citation preview

// ÉPOQUE //

FIP

FREVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N° 374 MARS-AVRIL 2011

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ISSN 0015-9395ISBN 978-2-090-37065-2

www.fdlm.org

Irène Némirovsky

D’Haïti, la croiséeromanesque de deux destins africains

Le français, langue d’héritage aux États-Unis

L’institut Wenzao à Taïwan, campus numérique

// MÉTIER //

Sofiane Hadjadj, le renouveau del’édition en Algérie

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Un écrivain pour lapostérité

// DOSSIER //

// MÉMO //

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Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

Le français dans le monde //n° 374 //mars-avril 2011 1

Sommaire

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Quand le français sort de la classe pour entrer aumusée...

Irène NémirovskyUn écrivain pour la postérité

Métier / expérience

32. Reportage Opération Colibri : le succès des échanges éducatifs franco-japonais

34. InnovationL’institut Wenzao, au cœur des nouvellestechnologies

36. ExpérienceQuand le français sort de la classe pour entrer au musée...

38. EnquêteNouvelle orthographe : une évolution silencieuse

40. InitiativesAux États-Unis, le français trouve un nouveau public

Les fiches pédagogiques à télécharger

BiographieOrigine : russe / Langue : française....50 RéceptionRécit d’une renaissance littéraire ....52ÉditionDes manuscrits à l’histoire très romanesque ...........................54AnalyseDes romans d'analyse teintés de mélancolie slave ......................................56

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des Professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75 013 Paris Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Directeur de la rédaction Jacques Pécheur (ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Secrétaire général de la rédaction Sébastien Langevin Relecture/correction Marie-Lou Morin Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique Miz’enpage - www.mizenpage.com – Commission paritaire : 0412T81661. 50e année.Comité de rédaction Dominique Abry, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale de Schuyter Hualpa, Chantal Parpette, Jacques Pécheur, Florence Pellegrini, Nathalie Spanghero-Gaillard.Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie : Jean-Pierre Cuq (FIPF), Pascale de Schuyter Hualpa (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Florentine Petit (MEN), Jean-Paul Rebaud (MAEE), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

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MÉMO60. À écouter

62. À lire

66. À voir

INTERLUDES4. Graphe « Femmes »

18. Poésie Randonnée

44. Nouvelle Aminata Sow Fall, « La fête gâchée »

56. BD Martin Vidberg, « La récré»

68. Jeux Brise de printemps, etc.

Dossier

● Graphe : « Femmes »

● Économie : La grande distribution refait surface

●Une journée dans la vie de… :René, bénévole aux Restos

● Clés : La notion d’autonomie

● Nouvelle : Aminata Sow Fall,« La fête gâchée »

● Tests et jeux

fiches pédagogiques à télécharger sur :www.fdlm.org

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ÉPOQUE2. ContributionÀ vos plumes ! Le français dans le monde a 50 ans

6. PortraitSofiane Hadjadj : éditeur à Alger, éditeur engagé

8. Regard« Le multiculturalisme se paie très cher »

10. TendanceLa générosité au secours de la solidarité

11. SportFilmer le foot, c’est raconter une histoire…

12. ÉconomieLa grande distribution refait surface

14. ÉvènementLa gastronomie française, nouveau trésor de l’humanité

16. Une journée dans la vie de…René, bénévole aux Restos, la main sur le cœur

MÉTIER20. L’actu

22. FocusLe français sur objectif universitaire, un programme et un chantier

24. Mot à motDites-moi Professeur…

26. ClésLa notion d’autonomie

28. Zoom« J’ai appris à travailler sans moyen, sans méthode »

30. Savoir-faireApprendre en action : une affaire de mode

numéro 374

SOMMAIRE-BAT_SOMMAIRE.B.A.T 16/02/11 16:15 Page1

À vos plumes !50e anniversaire // contribution

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Le français dans le monde lieu demémoire, lieu de votre mémoire

En juin 2011, Le français dans le mondefêtera sa cinquantième année de pa-rution. Pour certains d’entre vous quisont fidèles à la revue depuis le pre-mier numéro, c’est cinquante ans de

votre histoire que raconte cette complicité entre-tenue numéro après numéro.

Pour les plus nombreux, c’est un moment de leurhistoire professionnelle. Pour d’autres encore, çaaura été une brève rencontre peut-être fortuite,parfois déterminante. Bref, il y a eu dans la vie professionnelle de nom-bre d’entre vous des moments « français dans lemonde »…

Nous voudrions à l’occasion de ce numéro anni-versaire tisser ces cinquante ans de mémoire indi-viduelle et collective. Faire le grand récit de cettesolidarité qui relie chaque lecteur, quelles quesoient sa condition d’enseignement et sa situationd’enseignant.

Pour fêter ensemble cet anniversaire, à vousmaintenant de prendre la plume et de nous ap-porter votre témoignage sur un moment devotre histoire commune avec la revue.

Parce que Le français dans le mondeest véritablementun lieu de mémoire, au sens où l’entend l’historienPierre Nora : un lieu d’élection où s’est incarnée lamémoire collective de tous ceux qui ont eu et qui ontà cœur d’enseigner le français, où s’est manifestée demanière continue la volonté de promouvoir unelangue chargée autant d’universalité que de diver-sité, où s’est construit au fil du temps ce « lien », ré-clamé, dès l’origine « entre tous ceux qui enseignent lefrançais dans le monde et dont beaucoup – dans leuractivité professionnelle – se sentent isolés ».

Envoyez vos textes :n par courrier électronique

objet « Le français dans le monde a 50 ans » à : [email protected]

n par voie postale, à l’adresse suivanteLe français dans le monde« Le français dans le monde a 50 ans »9 bis rue Abel Hovelacque75013 Paris

Le français dans le monde a 50 ans

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Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

Nouveau : les blogs d’experts du Français dans le monde

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Venez dialoguer, échanger,partager avec nos experts sur les blogs du www.fdlm.org. Une autre manière de suivre l’actualité du domaine grâce auxéclairages de spécialistes du français langue étrangère.

Louis-Jean Calvet anime le blogLangues françaises : chaque mois,il reçoit des linguistes du mondeentier qui viennent rendre comptedes faits de langue dans leurs pays.

Jean Duverger commente chaquemois l’actualité de l’enseignementbilingue sur son blog : comptesrendus de colloque, lectures,réflexions par le présidentfondateur de l’Association pour leDéveloppement de l’Enseignementbi/plurilingue (Adeb).

Les enseignants de l’Alliancefrançaise Paris Île-de-Franceprodiguent des conseils sur le blogdédié aux nouveaux enseignants,partagent leurs expériences sur leblog consacré à l’enseignement auxenfants et aux adolescents, explo-rent les dernières innovations péda-gogiques sur le blog du multimédia,lancent des débats, avec le concoursde la Chambre de commerce et d’in-dustrie de Paris sur le Français surobjectifs spécifiques.n

3

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Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

Femmes« Dieu n'a pas faitd'aliments bleus. Il a voulu réserverl'azur pour lefirmament et les yeux de certaines femmes. »Alphonse Allais

« On ne naît pas femme :

on le devient. »Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe

« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrantD'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même,Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. »Paul Verlaine, Poèmes saturniens, « Mon rêve familier »

« La seule chose qu'on puisse tenir

pour certaine quand une femme vous dit : “Je serai prête danscinq minutes”, c'est

qu'elle parle français. »Pierre Dac

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La fiche pédagogiqueà télécharger sur :www.fdlm.org

« L'avenir de l'homme est la femmeElle est la couleur de son ÂmeElle est sa rumeur et son bruitEt sans Elle, il n'est qu'un blasphème. »Louis Aragon, Le Fou d'Elsa

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5Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

« [...] ce nom que toutesles femmes pourraientdonner à leur mari :

le loin-près. Ni jamais là ni jamais ailleurs. Ni vraiment absent

ni vraiment présent. »Christian Bobin,

Le Très-Bas

« On a toujoursassez vécu,quand on a eu letempsd'acquérirl'amour des femmes et l'estime des hommes. »Pierre Choderlosde Laclos, Les Liaisons dangereuses

« Il faut deux mois pour qu'unefemme connaisseson homme et

deux vies pourqu'un hommeconnaisse sa femme. »Lewis Trondheim, Pour de vrai

«L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain.»Stendhal, De l’amour

« Je suiscontre les femmes, tout contre. »Sacha Guitry

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Par Nicolas Dambre

époque // portrait

6 Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

éditeur à Alger, éditeur engagé

Dans un pays où le livrereste souvent difficile

d’accès, publier a valeurd’engagement.

L’entre-deux, c’est ce quesignifie le nom de sa mai-son, les Éditions Barzakh.«  C’est un terme issu du Coran, qui désigne

l’isthme, les limbes, un non-lieu où errent les âmes. La littérature est unentre-deux, un territoire d’ambiguïté,un lieu complexe de l’imaginaire », ex-plique Sofiane Hadjadj. Cet hommeélégant au regard pénétrant et sacompagne, Selma Hellal, ont encommun une passion : la littérature.Ensemble, en 2000, ils créent à Algerles Éditions Barzakh. Et pourtant cen’est pas par la littérature que Sofiane

Hadjadj est entré dans la vie active,mais par l’architecture. Il aurait pré-féré faire de la philosophie ou dessciences humaines, mais ses parentsne le voyaient pas d’un très bon œil.L’architecture, avec sa dimensioncréative, lui semble alors un bon« entre-deux ». Né à Alger en 1970,petit dernier d’une fratrie de cinqfrères et sœurs, Sofiane Hadjadj com-mence vers l’âge de 10 ans à se pas-sionner pour les romans de CharlesDickens, Alexandre Dumas ou MarcTwain. Au lycée, ce sont Kafka etDostoïevski qui le touchent, parcequ’ils font écho à la situation de l’Al-

Sofiane Hadjadj en six dates :1970 : naissance à Alger.1989 : études d’architecture enFrance.2000 : création des ÉditionsBarzakh à Alger.2002 : première coédition avec lesÉditions de l’Aube, puis les Éditionsdu Bec en l’air et Actes Sud.2010 : grand prix de la Fondationnéerlandaise Prince Claus.2011 : publication en France, chezActes Sud, du premier roman de lajeune auteure Kaouther Adimi.

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Dans les années 2000, « l’Algérie se reconstruisait, tout comme le réseau dedistribution de livres. Dans ce pays, la lecture et le livre sont un combat ».

À l’occasion de leurs 10 ans, lesÉditions Barzakh sortaient un recueil de nouvelles et de photos sur Alger.

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7Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

gérie d’alors, à son régime bureau-cratique et totalitaire. Le baccalau-réat obtenu à Alger, le jeune hommepart alors en France en 1989 effec-tuer des études d’architecture qu’iltermine en 1997. À Paris, Sofianerencontre Selma, étudiante ensciences politiques.

Un projet un peu fouEntre deux époques, celle de la déco-lonisation et celle de l’ouverture ac-tuelle de l’Algérie au reste du monde,Sofiane Hadjadj fait partie de ce qu’ilappelle la « génération sacrifiée »,celle des Algériens de son âge.Entre deux rives de la Méditerranée,devenu architecte, Sofiane Hadjadjcontinue à être aussi partagé entreson métier et la littérature qui occupe le reste de son temps. Revenuà Alger, il organise alors des rencon-tres dans une librairie voisine de son

cabinet, crée avec un ami une revueartistique et littéraire. Selma, elle,est journaliste.C’est la fin des années 1990, la find’une période sombre en Algérie. Lasituation de l’édition dans le pays estalors désolante, quelques gros édi-teurs publient des ouvrages essen-tiellement pratiques. La littérature algérienne existe surtout hors d’Al-gérie, avec de grands auteurs publiésen France, au Liban ou en Syrie. Cer-tains de ces auteurs se sont exilés,sous peine d’être assassinés par les islamistes. Quand Sofiane et Selmadécident de créer les Éditions Bar-zakh, ils gardent leur métier respec-tif. Leur argent et celui de la famille ou d’amis financent ce projetun peu fou. « Nous étions complète-ment inconscients, sans expériencedans le domaine de l’édition, ce quinous a fait perdre beaucoup de temps.

L’Algérie se reconstruisait, tout commele réseau de distribution de livres. Dansce pays, la lecture et le livre sont uncombat. Ce sont pour nous une passionau sens plein : un engagement. »Avec la fin du terrorisme et l’afflux dela manne financière du pétrole, la situation économique algériennes’améliore : l’État met alors en placeun programme d’aide à l’édition. Lesnouveaux auteurs sont de plus enplus nombreux, des maisons d’édi-tions se créent. « Il y a un réel désird’expression, un bouillonnement socialque l’on trouve en Tunisie, en Égypte ouici. Les auteurs traduisent toujoursl’état d’une société, comme l’expli-quaient Deleuze et Guattari dansKafka. Pour une littérature mineure,un ouvrage qui m’a profondémentmarqué lorsque j’étudiais à Paris.Quand on exerce le métier d’éditeur,c’est forcément un engagement poli-tique dans des pays comme les nôtres,où l’autocensure prend le pas sur lacensure. Il y a un triangle interdit : politique, religion et sexe, mais ce sontdes lignes rouges avec lesquelles lescréateurs jouent. »

Le choix de l’indépendanceEntre deux langues, l’arabe et lefrançais, les Éditions Barzakh ontpublié depuis une dizaine d’annéesune centaine de livres dont les deuxtiers en français. Le catalogue de lajeune maison d’édition entremêle lit-térature classique ou plus expéri-mentale, rééditions et nouveautés,écrivains consacrés et jeunes auteurs(Hajar Bali, Sid Ahmed Semiane…)et réserve une place de choix à unepoésie arabe d’une grande vitalité.Le souhait de Selma Hellal et de

Sofiane Hadjadj est de créer un patrimoine littéraire, ici, en Algérie,et d’y faire émerger de nouvellesvoix. « Nous avons racheté les droitséditoriaux de certains auteurs publiésen France ou au Liban, comme parexemple Rachid Boudjedra. Désor-mais, nous demandons aux auteursalgériens qui publient à l’étranger deréserver leurs droits pour l’Algérie,pour que nous n’ayons pas à acheterdes droits à un éditeur étranger pourun auteur algérien. C’est une desconditions de notre indépendance »,observe Sofiane Hadjadj, qui déve-loppe par ailleurs des coéditions, enparticulier avec Actes Sud.Malheureusement, le livre reste cherpour la plupart d es Algériens, l’offreest peu diversifiée et le pays compteseulement 30 librairies pour 35 mil-lions d’habitants. Le Salon interna-tional du livre d’Alger –  avec ses700 000 visiteurs – est donc le ren-dez-vous incontournable de l’édi-tion, qui s’ajoute aux nombreux évè-nements organisés dans des salonsplus modestes ou dans des universi-tés. Une bonne vente se situe entre4 000 et 5 000 exemplaires. Depuis2008, le couple se consacre entière-ment aux Éditions Barzakh, vivantd’un seul salaire, avec quatre em-ployés. Quand ils ne sont pas au mi-lieu des livres, nos deux éditeursconsacrent une bonne partie de leurtemps libre à leur seconde passion :le cinéma américain des années1930. « Nous sommes fascinés par cescomédies sociales de Capra, Cukor ouWilder, nées après la crise de 1929 etla fin de la prohibition. Elles expri-ment une joie de vivre qui nousmanque aujourd’hui. » n

« Il y a un réel désir d’expression, un bouillonnementsocial que l’on trouve en Tunisie, en Égypte ou ici. Lesauteurs traduisent toujours l’état d’une société [...].Lorsque l’on exerce le métier d’éditeur, c’est forcément unengagement politique dans des pays comme les nôtres,où l’autocensure prend le pas sur la censure... »

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Le livre reste cherpour la plupart desAlgériens, l’offre est peudiversifiée et le payscompte seulement 30 librairies pour 35 millions d’habitants.

© Marc Garanger / Epicureans

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époque // regard

8 Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

Philippe d’Iribarne, directeur de recherche au CNRSà Paris et auteur de L’Étrangeté française (2006),vient de publier Les Immigrés de la République.

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Comment gérer la diversité ?

Les réflexions dePhilippe d’Iribarne

au croisement de l’ethnologie,

de la sociologie et de la philosophie

politique…© Shutterstock

« Le multiculturalism eAvec Philippe d’Iribarne

Comment est née l’idée de ce livresur Les Immigrés de la République ?Philippe d’Iribarne : J’ai été trèssurpris par la violence du débat sur« l’identité nationale » qui a agité laFrance en 2009. Il a montré les ten-sions entre deux conceptions de lavie en société : d’une part, le prin-cipe d’une société de citoyens, fon-dée sur l’égalité républicaine et lanon-discrimination, qui remonte à la Révolution française ; d’autrepart, une attention forte portée à cequ’est chacun – sa famille, son par-cours, ses origines… Ces deux vi-

sions coexistent parfois au sein d’unmême individu, avec un hiatus entrel’idéal et le comportement.

Ces deux conceptions seretrouvent dans la question del’immigration…Ph. d’I. : Pendant longtemps a pré-valu l’idée d’une assimilation des im-migrés. La France était convaincueque ses valeurs étaient universelles :elle était la patrie des droits del’homme. L’assimilation se trouvaitjustifiée : elle signifiait accéder àl’universel. Avec la fin de la SecondeGuerre mondiale, la chute du na-zisme, la décolonisation et le reculde l’influence française, le principedu respect des cultures a pris le passur l’assimilation. Il s’agit d’assumerla diversité, et de la gérer, dans unesociété qui se veut multiculturelle1.

On a donc abandonné l’idée d’uneassimilation ?Ph. d’I. : L’assimilation est devenue

idéologiquement inacceptable enFrance, mais elle demeure encoredans les faits  : l’interdiction de la burqa ou des signes religieux à l’école relève de cette logique. La France est loin du modèle multi-culturel anglo-saxon : elle est atta-chée à la non-ségrégation, elle défend le principe de la solidarité et de la mixité sociale et refuse lesclassifications ethniques. Ce quin’empêche pas d’autres classifica-tions, notamment toute une hiérar-chie sociale, qui est, elle, totalement assumée.

Ce modèle français n’est-il pas enpanne ?Ph. d’I. : L’intégration des vaguesd’immigration italienne, polonaise,espagnole s’était faite progressive-ment. En tout cas avec la deuxièmegénération. À l’heure actuelle, les en-fants ou petits-enfants d’immigrésde pays du Sud sont moins bien inté-grés que leurs parents ! Ils connais-

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9Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

« Pour des générations d’immigrés,l’allégeance à la société française, à sonhistoire, à ses valeurs, est pour l’essen-tiel allée de soi. […] S’assimiler, c’étaitfaire oublier que l’on était différent ense comportant comme un “vrai Fran-çais”, pas seulement en étant respec-tueux des lois de la République, maisen adoptant les manières d’être quiprévalaient au sein de la société  […]Mais les temps ont changé. Nombrede descendants d’immigrés venus duSud ne suivent pas les traces de leursprédécesseurs. Les uns ne se sententguère français, d’aucune façon. D’au-

tres, tout en affirmant haut et fort leurétat de citoyen français, donc leur allégeance au corps politique, sontprêts à affronter le corps social et en-tendent bien le faire plier, face à leursexigences de reconnaissance, au nomdu respect de leurs droits. […] L’idée d’une intégration gommant lesdifférences, d’une “assimilation”, estmaintenant repoussée, jugée contraireau respect de l’autre. »

Philippe d’Iribarne, Les Immigrés de la République.Impasses du multiculturalisme, Seuil, coll. La couleurdes idées, 2010, p. 85-87.

extrait

En France, la législation permet demodifier un nom pour qu’il sonneplus français. Mais l’inverse n’estpas vrai : impossible pour ceux quile souhaiteraient de reprendre lenom de famille de leurs parents ougrands-parents, francisé après laSeconde Guerre mondiale pour effacer une consonance juive  !Pour Philippe d’Iribarne, l’exempleest révélateur des contradictions dela société française qui, malgré sesidéaux universalistes, cherche àcréer un univers de noms familiers,destiné à faciliter l’intégration. L’intégration est pourtant enpanne à l’heure actuelle. Entre un

idéal affiché de société multicultu-relle et un attachement dans lesfaits à l’assimilation, la France a dumal à gérer sa diversité. À traversl’analyse notamment des discourspolitiques et des médias, l’auteurdes Immigrés de la République s’in-téresse au fossé qui s’est creuséentre intégration politique d’uncôté et manque d’intégration dansle corps social de l’autre. Pour lui,le vrai multiculturalisme est uneutopie, semblable à celle de la so-ciété sans classes voulue par Marx :toute société a besoin d’un soclecommun. À commencer par unelangue partagée par tous. n

compte rendu

« Toute société a besoin d’un socle commun »

ErratumDans la conclusion de l’en-tretien avec Antonio Casilli,paru dans cette même ru-brique dans le n°373 duFrançais dans le monde, ilfallait lire : « D’un autre côté,le web change effective-ment les comportements.[Certes,] les Tea Partiesaméricaines, rassembléespar le biais des réseaux so-ciaux, sans qu’elles aientde chef de file reconnu[sont un exemple des dé-rives populistes de cesusages. Mais les expé-riences citoyennes des der-nières années, tels les col-lectifs de militants du weben Europe et en Asie,] ontdonné aux hommes poli-tiques de belles leçons dedémocratie participative. » n

m e se paie très cher »sent un taux de chômage élevé, unedélinquance plus forte. L’intégrationdans le corps politique – la nationa-lité française avec les droits et les de-voirs qui l’accompagnent – ne signi-fie pas l’intégration dans le corpssocial.

Pour vous, le multiculturalismen’est pas une solution à lagestion de la diversité.Ph. d’I. :Le multiculturalisme se paietrès cher. Par la ségrégation et lesinégalités, comme on le voit enGrande-Bretagne ou aux États-Unis.En Europe du Nord, où ont été misesen place des politiques intermé-diaires entre le modèle anglo-saxonet le modèle français, le vote popu-liste xénophobe fleurit, notammentaux Pays-Bas et en Suède. En France,le multiculturalisme n’a pas non plusque des défenseurs : Fleur Pellerin,la présidente d’origine coréen ne duClub XXIe siècle, se veut exclusive-ment française ; l’imam de Bor-

deaux, Tareq Oubrou, recommandelui aussi une forte intégration…

Voyez-vous une issue à l’impasseactuelle ?Ph. d’I. : On assiste à un début d’in-terrogation. La Ligue internationalecontre le racisme et l’antisémitisme,par exemple, ne paraît pas insensibleà un questionnement sur le multi-culturalisme.Les choses commen-cent à bouger.n

1. Société qui fait coexister plusieurs cultures.

Propos recueillis par Alice Tillier

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Par Jacques Pécheur

époque // tendance

10 Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

Montant total desdons déclarés parles Français en2009 : 1,7 milliardd’euros ; contribu-

tion moyenne par foyer fiscal : 335 eu ros. Certes, ce ne sont pas leschiffres du Royaume-Uni ou desÉtats-Unis, mais la générosité pu-blique a connu en France en l’espaced’une quarantaine d’années une pro-gression spectaculaire. Et ce, dansun pays qui faisait jusqu’alors plutôtconfiance à la fonction de redistri-bution de son État-providence. Mais voilà, l’État-providence manquede moyens et ne peut plus palier àtout. Alors l’exclusion, la précarité, lapauvreté sont devenues affaire de générosité. Une générosité aussi biensollicitée par les associations qui s’oc-cupent de précarité comme Les Res-tos du cœur, de santé publiquecomme le célèbre Téléthon ou depandémie comme le Sidaction ; parl’émotion télévisuelle suscitée par les

grandes catastrophes, que celles-citouchent les Français de près (letremblement de terre à Haïti) ou deloin (le tsunami en Asie du Sud-Est) ;ou encore par les grandes ONGcomme Médecins du monde ou lesassociations incontestables commele Secours populaire, le Secours catholique et surtout la fondationEmmaüs, attachée à la figure la plusemblématique et la plus populaire deFrance, l’abbé Pierre.

Une question d’empathieQuant au spectre des motivations,disons qu’il est large : le désir de s’oc-cuper des autres, la motivation pre-mière des 14 millions de bénévolesque regroupe en France l’ensembledu monde associatif, ou les doulou-reuses épreuves infligées par lesdrames personnels, les maladies deproches conduisent à entrer dans lesmouvements associatifs. Sur toutes ces motivations, le psy-chanalyste Serge Tisseron a mis unnom : l’empathie. Dans un ouvragerécent, L’Empathie au cœur du jeu

social (Albin Michel), il définit l’em-pathie comme « la capacité à s’accli-mater au paysage intérieur de l’autre,à accepter de comprendre les choses –au moins partiellement – de son pointde vue ».Mais cette générosité peut aussiavoir d’autres motivations, notam-ment chez les grands mécènes, quicontribuent tout de même pour prèsde la moitié (45,5 %) à l’ensembledes dons déclarés par les Français. À côté de l’intérêt fiscal, le don estsouvent envisagé par les grands mécènes comme un tribut, unecontrepartie à la réussite sociale.Mais une contrepartie qui génère desattitudes ambivalentes : soit que cesmécènes laissent agir les associa-tions, soit au contraire qu’ils s’enga-gent et ciblent des projets particu-liers. Si l’on en croit les chercheursdu Laboratoire d’Anthropologie desInstitutions et des Organisations(Laios), c’est, semble-t-il, affaire au-tant de génération que de réussitesociale. Ce qui est sûr, c’est que çareste une affaire de discrétion.■

au secours de la solidarité

Du Téléthon à la Journée dela gentillesse, les sollicitations

caritatives révèlent unnouveau comportement

social des Français.

La générosité Donner en ligneLe don en ligne représente aujourd’hui1,8 % de l’ensemble des dons des parti-culiers : un chiffre modeste, même s’il aune bonne image et est considérécomme un bon outil de collecte. C’estsurtout dans les situations d’urgenceque les particuliers ont recours au don enligne : 60 % des dons recueillis pour letremblement de terre à Haïti ont été faitsvia Internet.De nouvelles formes de collecte appa-raissent comme celles portées par le siteAiderdonner.com qui permet à chaque internaute d’organiser une collecte defonds, d’abord auprès de ses proches,pour une cause qui lui est chère.

L’édition 2010 a récolté plus de 84 millions d’eurosde promesses dedons.

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11Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

Filmer le foot,

Depuis le début des années2000, la réalisation

française pour filmer un match de football est

reconnue pour son savoir-faire. Enquête.

Onze juillet 2010 enAfrique du Sud. Dansla régie du stade de Johannesburg, le Fran-çais François-Charles

Bideaux a le privilège de réaliser pourla télévision la finale de la Coupe duMonde entre l’Espagne et les Pays-Bas. Sur les sept équipes de réalisationdu Mondial sud-africain, trois étaientfrançaises. Selon Dominick Brette, quiréalise des matchs de football depuissept ans, cette prééminence du mo-dèle français s’explique principale-ment par un savoir-faire certain, maiségalement par la toute-puissance deHBS, la société suisse productrice destrois dernières Coupes du Monde et des matchs de la ligue 1 françaisedepuis l’été 2008.Si la façon de filmer les matchs deligue 1 est reconnue pour sa qualité,c’est en grande partie grâce à un cahier des charges, appelé « process »,qui ne laisse rien au hasard : « La ma-nière de filmer en France se rapproche

de celle des pays majeurs comme l’An-gleterre ou l’Espagne, mais le “process”édicté par HBS rend notre travail uni-forme. Tous les réalisateurs ont le mêmenombre de caméras positionnées aumême endroit. Seuls quelques détailsdans la façon de mettre en images chan-gent », affirme Dominick Brette.

Mettre l’accent sur l’émotionLa création de Canal+ en 1984 a entout cas été l’élément déclencheur del’émergence de l’école française, affir-mée ensuite par la qualité de la réali-sation du Mondial 1998 en France. Au point que la réalisation italienneapparaisse aujourd’hui désuète  :« Concrè tement, c’était ce qu’on faisaitil y a dix ans. Il n’y a aucune structuredans la mise en images. »Pourtantla façon de réaliser un matchne diffère pas fondamentalementd’un pays à un autre, mais quelquesdisparités subsistent : « Par exemple, enAngleterre, la manière de travailler estun peu différente car elle est liée à laconfiguration des stades et à l’essencemême du jeu britannique [beaucoup

de va-et-vient avec un jeu très direct].Ils sont donc plus sur du plan large avecdes groupes de joueurs. »Cependant, la finalité est la mêmepartout en Europe : « On est là pour raconter une histoire et magnifier ce quise passe, tout en conservant un aspectobjectif. » En effet, la manière actuellede filmer les matchs de football metl’accent sur l’émotion. Le téléspecta-

teur doit se sentir au centre de l’actionet le réalisateur se mue alors en véri-table chef d’orchestre pour diriger sonéquipe : « Le match est une musique. Lesjoueurs écrivent la partition et le réali-sateur est en face d’un piano avec destouches devant lui. Le but est l’alchimietechnique et humaine », s’emballe celuiqui réalise aussi du handball.

c’est raconter une histoire…

Le match est unemusique. Les joueursécrivent la partition et le réalisateur est en face d’un piano avecdes touches devant lui.

« Pendant un match, le dialogue se faitavec des mots simples, voire des re-gards, et la moindre erreur est rédhibi-toire  », confirme Dominick Brettepour qui la pire crainte est de man-quer un but en direct. Ce qui ne lui estencore jamais arrivé… ■

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Par Pierre Godfrin

« On est là pour magnifier ce qui se passe, tout enconservant un aspect objectif. »

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Par Marie-Christine Simonet

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12 Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

La grande distribution refait surface

La consommation de masseest en pleine mutation.Restructurations logis-tiques, vente par Internet,apparition de produits

« ethniques »… Il faut innover danstous les domaines. Pour les grandesenseignes, c’est ça ou mourir.Deux chiffres pour comprendre le défiauquel doivent répondre les grandessurfaces : en 1970, les ventes dans leshypermarchés représentaient 70 %des ventes totales du groupe Carre-four en Europe. Actuellement, à peine30 %. Même s’ils tombent de haut, les« hypers » ne manquent pas pour au-tant de ressort. Certains ont mêmeune capacité de rebond assez éton-nante, telle la société japonaise Aeon,fondée il n’y a pas moins de deux centcinquante ans et qui fait toujours sur-face. Sur un marché nippon sclérosé(vieillissement de la population et dé-clin démographique), Aeon n’a cessé

de se réinventer en créant de nou-veaux formats, en développant samarque distributeur et en se déployantà l’international.

Le changement de mentalité des consommateursEn Europe, il a fallu faire de même,tant le comportement des consom-mateurs a changé. Ils ne disposent pasdes mêmes moyens, ni des mêmes en-vies, que la génération précédente. Lerecul de leur pouvoir d’achat s’est tra-duit par celui des dépenses alimen-taires, qui est passé du premier autroisième poste de dépenses . Et ce,dans un contexte de multiplicationdes enseignes et des hard-discoun-ters, qui permettent d’acheter pluspour moins cher. Afin de « ferrer » le client et de le dis-suader de se disperser ailleurs, il a falluinnover et inventer : centres commer-ciaux avec l’hypermarché au cœur dudispositif, outils de fidélisation tels quedes cartes de fidélité ou même des

cartes de paiement délivrées par l’en-seigne, services de voyages organisés,de vente de billets de spectacles, de cinéma… Trait de génie, les « hypers »ont lancé leurs propres marques– elles représentent près de 30 % depart de marché désormais –, alterna-tives crédibles et d’un meilleur rap-port qualité-prix que les marques na-tionales. Autre secteur en plein essor,celui des produits alimentaires halal,longtemps relégués au fond des magasins. Un marché de niche ? Ilpèse près de 5 milliards d’euros ! Lesmarques, internationales (commeNestlé) ou de distributeur (Casino),ont investi ce segment en proposantune multitude de références.

Les « hypers » Carrefour rangent le bazarÀ l’été 2010, le directeur général deCarrefour Lars Olofsson a inauguréprès de Lyon un Carrefour Planet, unnouveau type d’hypermarché assez décoiffant, il faut bien le dire. Estimant

Les consommateurs ne disposent pas des mêmes moyens que la génération précédente.70 % des ventes du groupe Carrefour en Europe s’effectuaient dans les hypermarchés en 1970. Aujourd’hui, c’est seulement 30 %.

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Ces « magasinsdans le magasin »ont pour but defournir une offreplurielle et nonplus un espaceuniforme deconsommationqui finit pardéprimer lesclients.

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La Banque mondiale va accorder un prêt de 250 millions de dollarset un don de 35 millions de dollarspour aider les pauvres touchés par les conflits contre les islamistes radicaux près de la frontière afghane.

Cousus d’ampoules ou libérant du parfum, les tissus techniques ont généré en 2010 un chiffre d’affairesde 4 milliards d’euros en France. Le secteur emploie ainsi 20 000 per-sonnes dans 380 entreprises.

Le ministre saoudien du pétrole a affirmé que les pays de l'Opeppourraient augmenter leur produc-tion en 2011, « mais à des niveauxmoindres que les annéesprécédentes », afin de « répondre àla demande mondiale en hausse ».

en bref

Les marques dedistributeur représentent30 % de part de marché.

que « le concept “tout sous le même toit”,l'esprit bazar, appartiennent au passé »,il entend positionner son groupe « plu-tôt comme un multi-spécialiste quecomme un généraliste ». Qu’on en juge :le rayon fruits et légumes s’adjoint d’unsushi bar et d’un fumoir à saumon, lebio est développé, une conseillère ma-quillage officie au rayon beauté, lesmamans profitent des conseils d’un nu-tritionniste pour bébé… De tout – gar-derie d'enfants, cours de cuisine,séances de massage… on en oublie –pour (presque) toutes les bourses. Et, merveille des merveilles, le chariotse dote d’un GPS. Le consommateurtourne dans les rayons sans s’y perdregrâce à son chariot parlant. Ces « ma-gasins dans le magasin » ont pour butde fournir une offre plurielle et nonplus un espace uniforme de consom-mation qui finit par déprimer lesclients.

Une sensibilité nouvelle au développement durableLa grande distribution a saisi un autremoyen pour redorer son blason : ledéveloppement durable. Elle y étaitd’ailleurs fortement incitée par lesinstances de l’Union européenne.C’est ainsi que l’on a vu fleurir les éco-labels, que les emballages ont été réduits, les produits bio multipliés (y compris dans les hard discount),que la consommation énergétique desgrandes surfaces a reculé…Dans le domaine de la santé, les

contrôles sanitaires se sont dévelop-pés (la grande distribution a été sévè-rement mise en cause dans plusieurscrises alimentaires, notamment la

maladie de la vache folle).Enfin, la conquête du consommateurpasse aussi par Internet et le téléphonemobile. De plus en plus d’enseignesdisposent à la fois de magasins phy-siques et d’un site Internet. Le clientpeut créer son espace personnel,s’abonner à une newsletter, souscrireà une carte de fidélité, obtenir des bonsde réduction, effectuer des courses enligne et être livré à domicile. Et lors deson passage en caisse, il peut régler viason portable. Ces mutations sont irré-versibles. Les entreprises sont pré-sentes sur les cinq continents, le mar-ché se déploie à une échelle globale.Les grandes mutations sociales, envi-ronnementales, sanitaires font désor-mais partie intégrante des politiquescommerciales de développement. ■

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Les hypers ont dû se réinventer : créationde leur propre marque,développement desproduits halal et bio…

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Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

La conquête duconsommateur passe aussipar Internet. Sur les sitesdes hypers, le client peutcréer son espace personnel,effectuer des courses enligne et être livré à domicile.

La Fédération de l’E-commerce et dela Vente à Distance (Fevad) indiqueque le commerce en ligne aprogressé de 24 % en France en2010. Le nombre d’acheteurs enligne a progressé de 12 % pouratteindre 27,3 millions de personneset pour des dépenses qui ont atteint31 milliards d’euros.

Un rapport publié par le ministère chinois de la Protection de l’environ-nement indique que la dégradation del’environnement par les industries afait perdre à la Chine l’équivalent de145 milliards d’euros, soit 3,9 % deson produit intérieur brut (PIB).

La fiche pédagogique à télécharger sur :www.fdlm.org

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Par Nicolas Dambre

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Le repas gastronomique des Françaisest désormais inscrit au patrimoine

culturel immatériel de l’humanitépar l’Unesco. De quelle gastronomie

s’agit-il ? Est-elle menacée ?

Il est 9 heures à Paris. Dansson bureau des Champs-Élysées, Pierre Gagnaire estau téléphone avec le chef deson restaurant de Séoul, en

Corée. Crabe, navet, homard, patatedouce, foie gras… Il lui précise lemenu qu’il veut voir proposé dansl’un de ses 12 restaurants répartis surla planète. Tel un chef d’État, évo-quant sa politique étrangère à l’un deses ambassadeurs, le cuisinier étoiléne laisse rien au hasard, avec uneidée très précise de chaque menu, de chaque plat. Ses restaurants deTokyo, Dubai ou Las Vegas sont autant de représentants de la gastro-nomie française.Mais les chefs étoilés par le Guide

Michelin* représentent-ils la gastro-nomie française ? Hors de France, ils incarnent pour beaucoup une cer-taine conception de la cuisine, sophistiquée, imaginative, mais par-fois un peu élitiste. Pierre Gagnaireavoue : « Je n’aime pas trop le terme degastronomie, avec sa connotationbourgeoise, mais je n’ai pas d’autremot… Évidemment, notre métier engage de l’énergie, des produits detrès grande qualité, beaucoup de per-sonnel, de la mise en scène : tout cela a un coût. Nous naviguons toujours

entre l’aspect commercial et l’aspectcréatif. Mais nos restaurants restentdes lieux démocratiques, comme lesthéâtres ou les salles de concert. »

Passerelles entre cuisineCes chefs sont les héritiers des cuisi-niers des cours royales, lieux de sur-enchère dans des produits toujoursplus prestigieux pour une noblesseétalant des goûts de plus en plus raffinés afin de se différencier socia-lement. L’historien britannique Stephen Mennell analyse ainsi la

sophistication de la cuisine françaisecomme une survivance de l’AncienRégime*. Les étoiles, délivrées par leGuide Michelin, font subsister ce sys-tème hiérarchique.Avec des menus de 100 à 300 euros,la « grande cuisine » de ces chefs n’estsouvent pas accessible au commundes mortels. Également chef étoilé,Guy Savoy se défend : « Si nous ensommes arrivés là, c’est bien parce qu’ilexiste une gastronomie populaire. Un peu comme dans le sport, tout lemonde commence avec les mêmes

La gastronomie française, nouv e

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ses rituels… qui peuvent être appli-qués dans le quotidien par une jolienappe ou un effort de présentationd’un plat.Certains légumes oubliés,les céréales, l’huile d’olive, le design,la mise en scène de la table sont remisen avant par le monde de la cuisine.Nous donnons envie aux gens. Ceuxqui ne viennent pas dans nos restau-rants achètent par exemple des livresde cuisine ou regardent des émissionstélévisées, l’on n’a jamais autantparlé de cuisine en France ! » Ceschefs, ambassadeurs de la cuisine

bases. Et parmi tous ces amateurs, ontrouvera les sportifs de haut niveau. »Il y aurait donc un socle commun etdes passerelles entre la « grande cui-sine » et celle de tous les jours.Pierre Gagnaire ajoute : « À traversce que nous faisons, nous défendonsaussi un art de vivre avec ses codes,

française, la transmettent et la réin-ventent.

Une Cité de la gastronomie ?Jean-Robert Pitte, ancien président dela Sorbonne, défend le « repas gastro-nomique des Français » depuis 2007pour qu’il soit finalement inscrit ennovembre 2010 par l’Unesco au patri-moine immatériel de l’humanité. Ilanalyse : « La gastronomie est unconcept trop large pour l’Unesco, nousavons donc présenté le repas gastrono-mique des Français, qui est plus celui desfêtes, avec son décorum, ses plats, sesvins, ainsi que l’art de la conversationautour du repas. Cela nous semble êtreun élément fondamental de l’identitédes Français. Ce sont des savoir-faire : de

production, de choix, de mise en œuvreet de présentation. »En novembre dernier, à côté du repasgastronomique, ont été par exempleinscrits le flamenco espagnol, l’acu-puncture chinoise ou la fauconnerie.« Les États peuvent proposer une foispar an des éléments pour les inscriresur la liste représentative du patri-moine culturel immatériel de l’huma-nité. Un comité intergouvernemental,formé de représentants de 24 pays,examine les candidatures au regardde cinq grands critères », précise

Lucía Iglesias Kuntz, de l’Unesco. L’inscription par l’Unesco engage dés-ormais la France à appliquer des me-sures de sauvegarde et de mise en va-leur de ce patrimoine. Cela passenotamment par le projet de la Cité dela gastronomie, défendu par la mis-sion de Jean-Robert Pitte, « qui ne serait pas un musée mais la vitrined’un patrimoine vivant ».

Récupération commercialeChef du restaurant berlinois Mare-moto, Cristiano Rienzner est unadepte de la cuisine moléculaire*, ilest circonspect quant à cette recon-naissance internationale : « Pour moi,la cuisine chinoise devance la cuisinefrançaise : elle existe depuis 3 000 ans,

utilise une impressionnante variétéd’épices, elle est très diversifiée selon lesrégions de Chine. La caractéristiquepremière de la cuisine française, c’est latradition, que les chefs doivent perpé-tuer de toute urgence. La gastronomieest menacée par les fast-foods et lesplats préparés, c’est la chose la plustriste qui soit ! »Gilles Fumey, enseignant-chercheurautour des cultures alimentaires, estime dans son ouvrage Les Radisd’Ouzbékistan que « le plaisir que lesEuropéens, les Chinois et les popula-

Hors de France, les chefsétoilés incarnent pourbeaucoup une certaineconception de la cuisine,sophistiquée, imaginative,mais parfois un peuélitiste.

v eau trésor de l’humanité

Guide Michelin :annuaire gastrono-mique de référence qui recense etnote les restaurants et les hôtels,créé au début du XXe siècle.

Ancien Régime : nom donné à la période de l’histoire de France allantde la fin de la Renaissance à la Révolution française.

Cuisine moléculaire : elle vise à uti-liser ce que font chimiquement lesingrédients ensemble pour que lesprocessus soient mieux maîtrisés.

Piano : grand fourneau profession-nel d’un restaurant.

tions du Moyen-Orient mettent dansleur assiette est une construction so-ciale que reprennent à leur compte lesresponsables de marketing en tentantde le privatiser : “ se faire plaisir”, tel se-rait le nouveau diktat. Rien de moinscertain si le plaisir est d’abord quelquechose qui se partage. »Guy Savoy demeure néanmoins opti-miste : « Il suffit de faire un tour sur lesmarchés de France ou de constater l’in-térêt des Français pour la cuisine. Et lesfast-foods aussi participent à la diver-sité culinaire ! » n

Lexique

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d ❶ Canard laqué, poivron rouge, feuille de datte,navet au colombo, par Pierre Gagnaire.

❷ Guy Savoy entouré de son équipe.

❸ Pierre Gagnaire au piano*.

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La main sur le cœurLa commune de Lens, dans le Pas-de-

Calais, est l’une des villes les pluspauvres de France. Chaque semaine,

des bénévoles des Restaurants du cœury distribuent des paniers de nourriture

aux plus démunis. René Bailliez, ancienchauffeur-livreur à la retraite, dirige

l’un de ces « Restos ».

Ilest à peine 8 heures.Dans le nord de la France, laville de Lens s’éveille. RenéBailliez, 58 ans, arrive placeSaint-Léonard, déjà fringant.

À ses côtés, son épouse Marie-Jeanne. Un tour de clé, et les voilà en-trés dans la salle municipale aux mursrose saumon, le quartier général desRestos du cœur de Lens. « Café ? »,lance René, un grand sourire aux lèvres. Un sourire qui, de toute la jour-

née, ne désertera pas le visage de cethomme à l’air débonnaire.Durant la demi-heure suivante,les bénévoles arrivent au compte-gouttes. Christiane, Marie-Thérèse,Stéphane, Martine, Patricia, Vany…Ils sont 18 à s’occuper de l’antenne dela place Saint-Léonard. On bouge lestables, on s’affaire dans le garde-manger, on examine les stocks…Lorsqu’un camion arrive : « Allez leshommes, on va chercher les provisions,s’exclame René, le café, ce sera après. »

9h15. Stéphane, Claude, Guil-laume et René arrivent au centre dedistribution de Liévin. Les garçonss’occupent de charger le camion desRestos. René, lui, rejoint le petit boutde femme qui l’attend tout sourire :« Alors, on va pouvoir donner des bébésaujourd’hui ? » lui demande-t-il, as-sortissant sa question de quatre bises.« Oh que oui ! » lui répond Marie-Thérèse, dite « Madame Bébé ». Cette

bénévole de 77 ans gère les couches,le lait maternisé, les pyjamas, et au-tres indispensables de l’enfant de 0 à2 ans, distribués une fois par mois.«  Bébés  », produits frais, puis lé-gumes : René fait le tour du dépôt.

10h30. « Ah, enfin ! » De retourplace Saint-Léonard, le camion vidé,René s’assied autour de la grandetable, une tasse de café-chicoré entreles mains. Patricia, une des béné-voles, vient le trouver : « J’ai deuxdames là. Regarde, ça, c’est leurs reve-nus… » Ensemble, Patricia et Renéexaminent le dossier, tandis que dansl’entrée, une jeune femme blonde,longiligne, attend son tour, l’air ail-leurs. Le mardi matin, c’est le jour desadmissions. Ce centre lensois compte303 bénéficiaires et, chaque semaine,trois nouveaux inscrits en moyenne.

11 heures. « Oh là, il y a du boulotavec les chicons ! », s’exclame René.

Par Sarah Nuyten

époque // une journée dans la vie de… (1/6)

René, bénévole aux Restos

René vérifie les stocks de son« Resto », hébergé dans unesalle municipale.

Les bénévoles arrivent au centre dedistribution de Liévin pour charger lesproduits.

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LES RESTOS EN CHIFFRES

830 000personnes accueillies.58 000 bénévoles.103 millions de repasdistribués.2 056 centres etannexes dans toute laFrance.30 000 bébés demoins de douze moisaidés.530 000 donateurs,pour 65 000 000 €de dons et legs.

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17Le français dans le monde // n°374 // mars-avril 2011

Une demi- douzaine de bénévoless’activent autour de caisses d’endives.Le don d’une grande surface, qu’ilfaut minutieusement trier pour neconserver que les légumes les plusfrais. Jusqu’à midi, les petites mainssont à l’œuvre. René va et vient, il supervise tout : « On fait notre inven-taire pour savoir ce que l’on va pouvoirdistribuer aux gens », explique-t-il.« Et les spaghettis, ils sont où ? » Lan-cée début décembre, la campagne dedistribution dure un peu plus de qua-tre mois. Aujourd’hui, les bénéfi-ciaires lensois auront droit à un panier complet : produits laitiers,madeleines, carottes, haricots,pommes, côtelettes ou poisson…

13h30. Après un déjeuner sur lepouce, René profite d’un momentd’accalmie pour avancer dans les dos-siers. Dehors, les bénéficiaires sontdéjà nombreux à patienter. Un der-nier petit café, et c’est parti pour ladistribution. René va ouvrir la porte :« Allez, entrez ! On ne va pas vous man-ger ! » René rejoint sa table de pro-duits bébés. Sandrine, la trentaine,est une des premières à être servies.

Au fil des tables, ses sacs se remplis-sent. La jeune femme est venue avecdeux de ses enfants. Laurent, 14 ans,suit sa mère en silence, un sac à lamain ; Yohan, 4 ans et une bouilled’ange, ouvre grand le sien. Sandrinevient ici chaque mardi depuis cinqans : « Ça aide vraiment bien. » Chezelle l’attendent son mari et leurs troisautres fils. « Il a quel âge, votre bébé ? »demande René. La jeune maman repartira avec du lait deuxième âge,des petits pots, des couches… « Et toi,mon bonhomme, tu veux une pièce enchocolat ? » Le retraité s’accroupit,tend une boîte au blondinet. AprèsYohan, la petite Leïla, 2 ans, aura elleaussi droit à son chocolat. Et ils ne seront pas les seuls. René le sait, « ilsaiment bien ça, les gosses ».

15h30. Pendant plus de deuxheures, les gens et les Caddie colorésdéfilent. Parfois, la misère est visible.Bien souvent, elle est insoupçonna-ble. Certains bénéficiaires ont le visage fermé, mais la plupart d’entreeux sourient, apprivoisés par la cha-

leur de l’accueil, ou peut-être, aussi,à force d’habitude. De temps entemps, les bises claquent. « Avec letemps, il y en a qu’on finit par très bienconnaître », justifie René. Vers 16h30,tout le monde a été servi. Ou presque.Dans l’équipe, trois sont à la fois bénévole et bénéficiaires. Elles font le tour des denrées, comme 130 per-sonnes avant elles ce mardi-là.

18 heures. La salle rose saumonest propre et rangée. Peu à peu, les bénévoles repartent. René, lui, est loind’avoir terminé sa journée. « J’ai encore deux heures de paperasse devant moi, explique-t-il.Mais ce sera àla maison ! » Être responsable d’unResto, une tâche trop lourde ? « J’aimebien ça. Je me suis engagé, quoi », dit-ilsimplement. Avant d’ajouter, avec unclin d’œil : « Il y en a une qui râle de mevoir si occupé… » Derrière lui, Marie-Jeanne sourit. Lorsqu’il referme laporte de la petite salle municipale, lesoleil est déjà couché. Et la place Saint-Léonard est à nouveau déserte.n

« Aujourd’hui, on n’a plus ledroit, ni d’avoir faim ni d’avoirfroid »

Les Restaurants du cœur ont été fon-dés en 1985 par Coluche, humoristeet comédien français. Cette associa-tion loi de 1901, reconnue d'utilitépublique, devait être éphémère : elleavait pour objectif de lutter contre lapauvreté sous toutes ses formes etd'aider les personnes les plus dé-munies, notamment par l'accès àdes repas gratuits. Vingt-cinq ansplus tard, Les Restos du cœur exis-tent toujours et ont servi plus d’unmilliard de repas depuis leur création.Aujourd’hui, la pauvreté a pris unautre visage : travailleurs pauvres, retraités disposant d’une pension insuffisante, jeunes chômeurs… L’ac-tion des Restos, toujours principale-ment soutenue par les dons, a étéétendue : elle vise désormais à aiderles plus démunis à se réinsérer so-cialement et de manière durable.n

Les gens continuent à arriver pour bénéficierd’un panier complet. Au total, 130 personnesviendront ce jour-là.

Une fois par mois, des produits pour lesnourrissons, récoltés par Marie-Thérèse, sont distribués aux familles.

Pendant la distribution,René a toujours unchocolat pour les enfants.

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« Et toi, mon bonhomme,tu veux une pièce enchocolat ? » Le retraités’accroupit, tend une boîteau blondinet.

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