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Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9, pp. 413-424 © Masson, Paris, 1987 MÉMOIRE 'Le kinésithérapeute face au syndrome algodystrophique en «période chaude». G. CRÉPIN (1), J. TRIP ON (2) (1) MCMK Kinésithérapeute Chef, (2) Kinésithérapeute, Service réadaptation fonctionnelle (D. L.L. Derreumaux), Centre Hospitalier Saint-Philibert, 115, rue du Grand But, F59160 Lomme. L'Algodystrophie, entité symptomatique somme toute bénigne de par son évolution favorable, porte pourtant le lourd fardeau des incertitudes physio-pathogéniques. Les incertitudes se retrouvent à travers la grande variété des traitements médicaux dont aucun - ce malgré les espoirs portés sur la thyréo-calcitonine - n'a pu montré une effica- cité totale. De fait, la précocité du traitement influence les résultats. La kinésithérapie face à ce syndrome, porte un fardeau plus lourd encore dans la mesure elle est incriminée, soit comme facteur déclenchant, soit comme épine irritative d'un syndrome déjà installé. Un regard sur les concepts physio-pathogéni- ques semble nécessaire pour situer la kinésithé- rapie en tant qu'adjuvant thérapeutique utile vis à vis de ce syndrome et tirer dans son arsenal les techniques adaptées, notamment en phase aiguë. L'Algodystrophie est un ensemble de 'mani- festations liées à des perturbations histo- angéiques. Nombre d'arguments incitent ày voir une réaction en chaîne inéluctable tou- chant un terrain susceptibilisé, et dont le primum movens serait un trouble liquidien « initial », soit un trouble de l'hydropexie, soit un dérèglement des échanges dans l'interface interstitium boucle capillaire. La nature de ce trouble initial justifierait la forme symptomati- que: une forme aigué: la plus caractéristique ," une forme subaigué' volontiers décrite sur terrain diabétique," une forme chronique tra- duisant de nombreuses formes frontières, telle que la maladie de Dupuytren. La sensibilité allergique de type 1 semble constituer un facteur de risque essentiel. Tirés à part: G. Crepin, à l'adresse ci-dessus. Introduction Décrite pour la première fois par Hunter, le syndrome algodystrophique dont le terme fut proposé en 1951 par de Seze et Rickewaert, constitue un ensemble de manifestations liées à des perturbations histo-angéiques, décrites sous des formes topographiques polytopiques et étiologiques très variées. La diversité des tableaux cliniques est telle qu'elle peut expliquer le nombre d'appellations rencontrées dans la littérature, depuis la causal- gie de Weir-Mitchell (1864), l'atrophie osseuse inflammatoire aiguë de Sudeck (1900), l'ostéopo- rose algique post-traumatique de Leriche (1923), le rhumatisme neurotrophique de Ravault (1945), le syndrome épaule-mairi de Steinbroc- ker (1947), le syndrome physiopathique de Babinski-Froment (1916), la capsulite rétractile, la maladie de Dupuytren à laquelle on peut rattacher la maladie de Ledderhose et la maladie de Lapeyronie pour former la triade de Rueil et Touraine, le syndrome de Raynaud (1862), le syndrome de Kummel-Verneuil, l'érythermal- gie. C'est dire que ce syndrome se situe aux confins de nombreuses disciplines. C'est un tableau clinique dont la fréquence est plus importante qu'il n'y paraît, touchant également les deux sexes, dont l'âge de survenue s'étend sur une large fourchette avec prédomi- nance entre 40 et 65 ans. Quelques rares cas ont pu être décrits chez l'enfant. En règle générale, l'évolution en est favorable dans des délais variables allant de quelques semaines à deux ans au prix de troubles trophiques résiduels à type d'hypotrophie mus- culaire, d'ostéoporose, de pseudo-sc1érodermie. Un fond dystonique, voire névrotique est fré- quemment évoqué pour lequel Forster parle volontiers d'« Hyperpathie ».

Le kinésithérapeute face au syndrome algodystrophique en … · 2013. 5. 12. · point la fraction synoviale? Ficat retrouve une hypervascularisation synoviale sans trace de filtration

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  • Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9, pp. 413-424© Masson, Paris, 1987

    MÉMOIRE

    'Le kinésithérapeute face au syndrome algodystrophiqueen «période chaude».G. CRÉPIN (1), J. TRIP ON (2)(1) MCMK Kinésithérapeute Chef, (2) Kinésithérapeute, Service réadaptation fonctionnelle (D. L.L. Derreumaux),Centre Hospitalier Saint-Philibert, 115, rue du Grand But, F59160 Lomme.

    L'Algodystrophie, entité symptomatiquesomme toute bénigne de par son évolutionfavorable, porte pourtant le lourd fardeau desincertitudes physio-pathogéniques.

    Les incertitudes se retrouvent à travers la

    grande variété des traitements médicaux dontaucun - ce malgré les espoirs portés sur lathyréo-calcitonine - n'a pu montré une effica-cité totale.

    De fait, la précocité du traitement influenceles résultats.

    La kinésithérapie face à ce syndrome, porteun fardeau plus lourd encore dans la mesureoù elle est incriminée, soit comme facteurdéclenchant, soit comme épine irritative d'unsyndrome déjà installé.

    Un regard sur les concepts physio-pathogéni-ques semble nécessaire pour situer la kinésithé-rapie en tant qu'adjuvant thérapeutique utilevis à vis de ce syndrome et tirer dans sonarsenal les techniques adaptées, notamment enphase aiguë.

    L'Algodystrophie est un ensemble de 'mani-festations liées à des perturbations histo-angéiques. Nombre d'arguments incitent à yvoir une réaction en chaîne inéluctable tou-

    chant un terrain susceptibilisé, et dont leprimum movens serait un trouble liquidien« initial », soit un trouble de l'hydropexie, soitun dérèglement des échanges dans l'interfaceinterstitium boucle capillaire. La nature de cetrouble initial justifierait laforme symptomati-que: une forme aigué: la plus caractéristique ,"une forme subaigué' volontiers décrite surterrain diabétique," une forme chronique tra-duisant de nombreuses formes frontières, telleque la maladie de Dupuytren. La sensibilitéallergique de type 1 semble constituer unfacteur de risque essentiel.

    Tirés à part: G. Crepin, à l'adresse ci-dessus.

    Introduction

    Décrite pour la première fois par Hunter, lesyndrome algodystrophique dont le terme futproposé en 1951 par de Seze et Rickewaert,constitue un ensemble de manifestations liées àdes perturbations histo-angéiques, décrites sousdes formes topographiques polytopiques etétiologiques très variées.

    La diversité des tableaux cliniques est tellequ'elle peut expliquer le nombre d'appellationsrencontrées dans la littérature, depuis la causal-gie de Weir-Mitchell (1864), l'atrophie osseuseinflammatoire aiguë de Sudeck (1900), l'ostéopo-rose algique post-traumatique de Leriche (1923),le rhumatisme neurotrophique de Ravault(1945), le syndrome épaule-mairi de Steinbroc-ker (1947), le syndrome physiopathique deBabinski-Froment (1916), la capsulite rétractile,la maladie de Dupuytren à laquelle on peutrattacher la maladie de Ledderhose et la maladiede Lapeyronie pour former la triade de Rueilet Touraine, le syndrome de Raynaud (1862),le syndrome de Kummel-Verneuil, l'érythermal-gie. C'est dire que ce syndrome se situe auxconfins de nombreuses disciplines.

    C'est un tableau clinique dont la fréquenceest plus importante qu'il n'y paraît, touchantégalement les deux sexes, dont l'âge de survenues'étend sur une large fourchette avec prédomi-nance entre 40 et 65 ans. Quelques rares cas ontpu être décrits chez l'enfant.

    En règle générale, l'évolution en est favorabledans des délais variables allant de quelquessemaines à deux ans au prix de troublestrophiques résiduels à type d'hypotrophie mus-culaire, d'ostéoporose, de pseudo-sc1érodermie.Un fond dystonique, voire névrotique est fré-quemment évoqué pour lequel Forster parlevolontiers d'« Hyperpathie ».

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    L'algodystrophie,une entité physio-pathologique

    Lorsqu'au décours d'une série de soins kinési-thérapiques pour séquelles de fracture. de Pou-teau-Colles ou de Dupuytren, s'installe unprocessus algodystrophique, les seules manifes-tations cliniques suffisent au kinésithérapeute àsuspecter le syndrome, en l'absence de toutcritère biologique, isotopique ou radiologique.

    C'est le stade 1 de Ravault et Steinbrocker:il se traduit par un œdème localisé, une douleurexacerbée, locale ou irradiante, une érythrose ouune érythrocyanose, une hyperhydrose, parfoisune hyperesthésie; c'est un stade « chaud» ou« pseudo-inflammatoire ».

    L'examen médical confirme le syndrome.C'est donc bien une entité, où l'arc nociceptifsympathique de Leriche culpabiliserait le kinési-thérapeute comme facteur déclenchant ou épineirritative.

    A ce stade, la kinésithérapie est traditionnelle-ment contre indiquée.

    Les signes pseudo-inflammatoires disparais-sent; l'œdème et la douleur cèdent la place auxtroubles trophiques: c'est le stade II de Ravaultet Steinbrocker.

    La kinésithérapie est indiquée sous réserve detechniques douces, prudentes:- massothérapie à type d'effleurage ou de glisséssuperficiels,- mobilisation essentiellement active, trèsdouce.

    A ce stade, un réveil de la phase chaude restetoujours possible.

    Un troisième stade de blocage complet estéventuellement décrit. C'est celui notamment dela capsulite rétractile. A ce stade, l'importancede la kinésithérapie n'est pas à démontrer.

    Les formes étiologiques

    20 à 30 % des algodystrophies ont une originepost-traumatique. C'est dire combien la kinési-thérapie a tout lieu d'être suspectée de facteur dé-clenchant, lorsque le syndrome s'installe au coursd'un traitement rééducatif post-traumatique.

    Cependant, plus de 40 % des algodystrophiessont de nature crypto-génétique. Pour le reste,les causes sont très variées.

    Quelques unes sont, à retenir:- tuberculo-statiques (izoniazide) et neuro-séda-tifs (Phéno-barbital) ;- grossesse, accouchement, césarienne;- infarctus du myocarde, péricardite (notam-ment syndrome de Dressler) ;- hémiplégie;- zona et plaies nerveuses;- diabète, 'en tant que terrain et non facteurdéclenchant.

    Le trouble vasculaire

    Tout se passe au niveau de l'unité fonction-nelle capillaire (fig. 1).

    Bellenger décrit deux phases:- phase d'orage vaso-moteur': la vasodilatationartériolaire et l'ouverture des sphincters pré-capillaires induisent un tableau paroxystiqued'allure inflammatoire (fig. 2);- phase d'inondation de stase: la capillaro-scopie retrouve une fermeture des sphincters etune ouverture des anastomoses artério-vei-neuses. A l'oscillométrie, l'hypersphygmied'amont confirme la fermeture des sphincters.

    Dans un premier temps, les anastomosesjouent pleinement leur rôle; puis elles se« veinulisent» et ne régulent plus rien. Lasurcharge capillaro-veinulaire provoque un re-flux confirmé à l'oxymétrie.

    La sérotonine majore la surcharge par sonaction veinulo-constrictive. L'œdème s'installe.Les bradykinines influencent le tableau doulou-reux (fig. 3).

    A ces deux phases, fait suite la transformationfibreuse:- le réseau lymphatique draine ce qu'il peut.L'inertie musculo-articulaire freine son action;- les macrophages dégradent une partie desprotéines en excès;- les fibroblastes jouent pleinement leur rôle etfabriquent du. collagène. Le blocage articulaires'installe.

    La théorie, communément admise de l'arcsympathique de Leriche, s'inscrit dans laphase II du trouble vasculaire décrit parBellenger, et n'explique pas la première phasede vasodilatation de courte durée.

  • Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 415

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    4

    3 t

    La perturbation histologique

    FIG. 1. - Unité fonctionnelle capillaire(Mer/en). A : Unité 1, B : Unité 2, 1 :Artériole 2 : Boucle capillaire, 3 : Veinule,4: Anastomose artério-veineuse, 5:Forma-tion glomique. ,

    5 A ~~2

    FIG. 2. - Vasodilatation de courtedurée (Crépin). 1 : Artériole, 2 :Boucle capillaire, 3 : Veinule, 4 :Anastomose artério-veineuse, 5 : Ré-seau lymphatique.

    6 r-rc

    FIG. 3. - Inondation de stase(Crépin). 1 : Artériole, 2 :Boucle capillaire, 3 : Veinule.

    T r r rLE TISSU CONJONCTIF CAPSULa-SYNOVIAL

    Certains aspects de l'inondation échappent àla compréhension. C'est le cas de la capsuliterétractile.

    La membrane capsulo-synoviale (fig. 4) est untissu conjonctif lâche, riche en collagène danssa fraction externe. Le conjonctif s'appauvritprogressivement en collagène dans sa fractioninterne pour laisser place à de nombreusesenclaves graisseuses. Cette fraction interne estparsemée de quelques cellules de mucine. Lacouche superficielle est bordée de synoviocytesdu groupe A et B. Il n'existe pas de séparationanatomique entre les deux fractions. La vascula-risation est assurée par deux réseaux:- un réseau profond, assez pauvre situé auxconfins de la fraction capsulaire;- un réseau superficiel, dense, situé sous lacouche de synoviocytes, anastomosé avec lecercle vasculaire de Hunter.

    Comment, avec une telle densité circulatoire,un orage vasomoteur peut-il escamoter à cepoint la fraction synoviale? Ficat retrouve unehypervascularisation synoviale sans trace defiltration séro-plasmatique dans la cavité.

    Certes, l'algodystrophie incite peu à la ponc-tion-biopsie capsulo-synoviale. Neviaser rappellela pauvreté histologique:- taux de mucine normal;

    B

    A

    FIG. 4. - Membrane capsula-synoviale (Crépin). A : Fractioncapsulaire, B : Fraction synoviale, C : Cavité articulaire, 1 :Enclave graisseuse, 2 : Cellule de Mucine, 3 : Réseau profond,4 : Réseau superficiel, 5 : Couche de synoviocytes, 6 : Cerclevasculaire épiphysaire.

    absence de migration leucocytaire;absence d'hyperplasie de la couche bordante ;absence de dégraissage des enclaves grais-

    seuses.Le derme, tissu conjonctif de revêtement

    extrêmement vascularisé subit, lui, les effets dusyndrome vaso-moteur à la main. Mais il reste,histologiquement un tissu de soutien avec uncollagène dense. A moins que cette protectionprivilégiée de la synoviale ne s'explique parl'ultrastructure des capillaires synoviaux queDryll apparente à ceux de la plèvre et dupéritoine et qui font de cette synoviale uneséreuse, un tissu conjonctif spécialisé ayantperdu sa vocation de soutien ou de revêtement.

  • 416 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9

    L'a1godystrophie serait propre au tissu desoutien; une des clés de ce syndrome se situeraitau sein même de ce type de tissu. Il faut noter,d'ailleurs, que la notion d'a1godystrophie « réci-divante» n'est pas retrouvée comme si unepremière a1godystrophie avait pouvoir « d'im-munisation » du tissu. Il est permis de penser quela modification structurelle résiduelle d'une a1go-dystrophie guérie, immunise le tissu; est-elle seuleen cause? Quel rôle a le mastocyte musculaire?

    LE TISSU OSSEUX

    L'os est un conjonctif, constitué de fibrescollagènes (tissu ostéoïde) sur lequel se fixe lecristal d'hydroxy-apatite. L'os est aussi un« cristal liquide». L'a1godystrophie constitueun syndrome radiologique dont la traduction estune ostéoporose différente dans ses images del'ostéoporose d'immobilisation telle qu'elle estdécrite par Albright (1940).

    L'augmentation de l'hydroxypro1inurie et desphosphatases alcalines urinaires traduisent l'ac-tivité ostéoclastique, mais ne sont pas spécifi-ques. L'hyperfixation au Technetium 99 montrele remaniement osseux.

    Il est vraisemblable que la stase modifiel'image ostéoporotique traditionnelle de ce cris-tal liquide. L'image ostéoporotique constitue latraduction de certains des aspects physio-pathologiques du syndrome a1godystrophique :- l'inertie muscu10-articu1aire : absence de phé-nomènes piezo-é1ectriques au niveau de l'inter-face collagène-cristal par abolition des tensionsmusculaires au niveau de leurs insertions(Yasuda) ;- impotence fonctionnelle: la douleur empêchela mise en charge. Yasuda rappelle que l'osdétient son pouvoir ostéogénique à partir depotentiels é1ectro-négatifs induits par compres-SIOn;- syndrome vasculaire: après l'orage vaso-moteur l'on se trouve en présence d'un bas débitde perfusion avec hypoxie et acidose régionale.La production d'ions H + est majorée par ladissociation anaérobie 1aco-régiona1e d'acidelactique. Or, Basset et Becker rappellent que l'osréagit au changement ionique du milieu danslequel baigne le cristal et notamment en cas demodification de la concentration d'ion H +. Le

    remaniement osseux favorise d'avantage l'acti-vité ostéoclastique que la reconstructionostéob1astique ;- enfin, au cours de la régression du syndrome,le remaniement de la trame organique peut gênerla minéralisation et expliquer les images retrou-vées tardivement après la guérison.

    LES TÉGUMENTS DE LA MAIN

    Le stade II de Ravault est dominé parl'apparition des troubles trophiques. A la main,le tableau clinique est le suivant:- rétractions capsu10-ligamentaires et tendi-neuses ;- pseudo-sclérodermie;- indurations nodulaires siégeant sur l'aponé-vrose palmaire;- trouble des phanères.

    C'est un tableau de « griffe neurotrophique »qui prend volontiers l'allure d'une maladie deDupuytren (fig. 5).

    La maladie de Dupuytren entre, à juste titre,dans le cadre des formes frontières de l'a1godys-trophie. La différence essentielle semble résiderdans le mode d'installation, un mode chroniquepour la maladie, un mode aigu pour le syn-drome, et tient vraisemblablement à la naturedu trouble initial.

    FIG. 5. - Le .nodule rétractile (Crépin). 1 : Kératose, 2 : Fibrosedermique, 3 : Dégraissage, 4 : Fibrose faciale, 5 : Traction dudoigt, 6 : Épaississement fibreux.

  • La «griffe» de Dupuytren est retrouvéepour 40 à 50 % des cas chez des comitiauxtraités par neuro-sédatifs.

    Bénichou observe une maladie de Dupuytrendue à l'izoniazide.

    La triade de Rueil et Touraine, polyfibroma-tose, prend l'allure d'une forme extensive d'algo-dystrophie évoluant sur un mode chronique.

    Nous avons observé une maladie de Du-puytren homolatérale chez une patiente présen-tant une hémiplégie; de même, une griffe deDupuytren bilatérale chez une patiente de24 ans, insulino-dépendante et suspectée dephéochromocytome en raison de crises d'hyper-tension paroxystique. Le phéochromocytome n'apas été retrouvé. Une symptomatologie trèsdiscrète des épaules évoquait un syndromeépaule-main bilatéral. Il est possible qu'unehypertrophie de la basale du capillaire « diabéti-que» modère le trouble liquidien (Spiro). Lesyndrome est apparu après changement de lavoie d'inoculation de l'insuline.

    Si la maladie et le syndrome présentent unesymptomatologie clinique analogue, la différen-ciation dans les modes d'installation et d'évolu-tion semble résulter d'une perturbation hydriqueinitiale différente, une anomalie de l'hydropexiepour l'une, un orage vaso-moteur pour l'autre.

    La reprise du génie évolutif de la maladie deDupuytren après intervention peut corroborerle trouble hydropexique persistant.

    Des études histo-pathologiques de Nezeloffportant sur la maladie de Dupuytren montrent:- fibrose nodulaire;- kératose superficielle;- dégraissage de la couche hypodermique.

    Une adrénaline peut être mise en cause. D'unepart, les effets bêta de l'adrénaline activent letriglycéride-lipase, lipolysant l'adipocyte parfragmentation du triglycéride; d'autre part,l'adrénaline diminue l'index mitométrique aucours du modelage épidermique en exerçant sonaction sur les chalon es qui modifient l'index dematuration des cellules malpighiennes, réalisantun cartonnage du tissu épidermique.

    On peut concevoir enfin son action sur lafibrose du conjonctif par son influence directesur les sphincters pré-capillaires et donc surl'inondation de stase.

    Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 417

    L'algodystrophie pourrait être aussi la consé-quence d'une réponse «adrénalinique» parvoie sanguine à une action «histaminique»,l'adrénaline étant une anti-histamine par excel-lence. Notons que le mastocyte tissulaire ren-ferme de l'histamine ainsi que d'autres média~teurs tels que l'héparine, des bradykinines, dela sérotonine, chacun pouvant influencer, à samanière, le tableau chimique du syndromealgodystrophique. La théorie histaminique a étéévoquée en son temps par Sudeck, par lesiondirecte du tissu. Cette théorie fut rejetée. Unethéorie allergique de type 1 pourrait ré-actualiserle concept histaminique.

    Les grandes théories

    Un grand nombre de théories ont été propo-sées. Il faut retenir surtout :- théorie de l'inactivité (Trueta) : l'absence detransmission des pressions au niveau de l'osprovoque son atrophie. L'oedème serait lerésultat d'une interruption de la pompe veino-lymphatique;- théorie de Sudeck : le tissu lésé libère certainessubstances dont l'histamine. L'algodystrophieest la conséquence d'un tableau post-traumati-que dont la réponse physiologique persisterait ;- théorie de l'arc sympathique de Leriche: uneépine irritative mettrait en jeu l'arc sympathiquequi provoquerait la fermeture des sphincterspré-capillaires. Les troubles obtenus seraient àleur tour perçus comme épine irritative, expli-quant aussi la longue durée. de l'arc réflexe.Leriche n'évoque pas la phase de vasodilatationde courte durée décrite par Bellenger;- théorie de la sérotonine: son action fibrosanteet veino-constrictive peut expliquer une partiedes troubles locaux. Une action est évoquée parson influence sur le système central.

    Discussion

    Un grand nombre de traitements pharmaco-dynamiques ont pu démontrer leur efficacité àdes degrés statistiquement variables, allant dequelques % jusqu'à 50 et 60 % comme pourla thyréo-calcitonine. Certains, comme les bêtabloquants, ont démontré une action bienfaitrice

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    à condition d'être prescrits très précocément.Cet effet des bêta bloquants peut d'ailleurscorroborer la théorie de l'arc sympathique deLeriche.

    Parmi les autres médications, on peut citer :- la méthylsergide (anti-sérotonique);- la griséofulvine;- la procaïnisation stellaire (tombée en désué-tude en raison de certains risques);- le bloc à la guanétidine.

    Cette variation constatée dans les résultatsthérapeutiques laisse à penser que ces différentesthérapeutiques agissent au niveau de l'un desmaillons de la réaction en chaîne et non pas surle primum movens. Quant à l'extrême prudenceimposée au kinésithérapeute pendant la phase« chaude », elle rend suspecte l'efficacité de lakinésithérapie. La phase séquellaire d'impotencefonctionnelle tire, bien sûr, un réel bénéfice dutraitement rééducatif.

    La théorie la plus communément admise restecelle de l'arc sympathique de Leriche.

    Cette théorie cadre, cependant, assez mal aveccertaines circonstances :- Schiano rapporte dans sa monographie des casd'algodystrophie après sympathectomie lom-baire ou encore accompagnée d'un syndrome deClaude Bernard-Homer;- la longue durée de l'arc réflexe sympathique;- le mécanisme retard d'apparition du syn-drome vis-à-vis de la cause déc1enchante; àmoins qu'il ne faille considérer l'arc sympathi-que comme une bouée de sauvetage à uneréaction physiologique qui ne se fait pas, maisil ne rend pas compte de la première phase devasodilatation de courte durée décrite parBellenger;- les algodystrophies crypto-génétiques ; sauf sil'on admet qu'il puisse y avoir une lésion minimepassée inaperçue;- l' « effet de sympathectomie» retrouvé àl'irrigraphie dans le cadre d'une neuropathiediabétique;- la grande rareté chez l'enfant.

    A propos des formes métaboliques, il fautnoter que le sevrage d'izoniazide ou de phéno-barbital favorise la régression des symptômes.Ces substances dont la: toxicité est connue,ont-elles une action directe irritative sur les

    tissus concernés par l'algodystrophie? ou dansle cadre d'une allergie de type I?

    Chez la femme épileptique, prenant du phéno-barbital, on peut rencontrer volontiers unphénomène de Dupuytren bilatéral. Mais noussavons aussi que l'excitation de certaines régionsdu cerveau augmente la polymérisation auniveau de la substance fondamentale. On ne peutdans ce cas, mettre en cause systématiquementle neuro-sédatif.

    Nous avons, d'ailleurs, cité le cas d'unhémiplégique spastique présentant un phéno-mène de Dupuytren homolatéral.

    Enfin, l'algodystrophie trouve ses anomaliessur le terrain :- la grande rareté des tableaux décrits chezl'enfant. Ceci nous inciterait à faire appel à unenotion de susceptibilité acquise et non pasconstitutionnelle au sein du tissu mésenchyma-teux ; en somme, une maladie de l'idiosyncrasiepar désorganisation dans le temps de l'anatomieou de la physiologie du tissu conjonctif. A moinsqu'il ne faille mettre cela sur le compte de lagrande activité de croissance de tissus (cartilagede croissance, etc.), à cette période;- le terrain des neurotoniqùes, hyper-émotifs,anxieux, voire névrosés, est propice à l'algodys-rophie. Cependant, tous les dysneurotoniques nefont pas une algodystrophie, peut-être en raisond'une susceptibilité qui n'est pas acquise. Enfin,l'algodystrophie est réputée avoisinant la dys-neurotonie pour 40 à 50 % des cas seulement.Notons que le tissu concerné par le syndromealgodystrophique appartient au mésoderme;qu'il est en contact avec le système réticulo-endothélial dont font partie les ganglions lympa-thiques et certaines cellules hépatiques. Cesystème constitue le canal d'afférences deshémohistioblastes, et joue un rôle dansl'immuno-allergie.- la notion de récidive : en effet, la notion derécidive n'est pas reconnue. Cette particularitése présente comme si une algodystrophie « dé-sensibiliserait» le terrain. Il est tout à faitpermis de penser qu'une modification à longterme du tissu conjonctif concerné, à type defibrose résiduelle, puisse entraver une nouvelleinondation liquidienne au sein de la substancefondamentale, en raison de sa modification de

  • structure, mais peut-être aussi en raison d'unemodification dans sa relation avec le systèmeréticulo-endothélial.

    Dans notre série, nous avons pu extraire deuxparamètres rarement invoqués dans la littérature:- l'augmentation constante dans notre série, desGamma GT; le bilan médical ne retrouve pasd'imprégnation exogène, ni autre trouble du foie.Si le squelette appendiculaire constitue 1'« or-gane de choc » algodystrophique, il semble qu'ilpuisse exister une réaction à minima jusqu'auréservoir hépato-splanchnique. Le stress exerceune action par l'intermédiaire des voies neurové-gétatives sur le réseau vasculaire, mais aussi uneaction indirecte sur la médullo-surrénale et surla cortico-surrénale mettant en jeu d'autresfacteurs hormonaux comme l'aldostérone ouencore l'androstérone, pour laquelle on peutmettre en parallèle la période d'activité gonadi-que parfois évoquée dans la littérature.

    Ce stress, par l'intermédiaire de l'hypophysepeut aussi mettre en jeu d'autres fonctionshormonales (thyroïde, etc.). On peut compren-dre que de petits désordres hormonaux passésinaperçus puissent majorer à la faveur d'unemultiplicité de circonstances, un trouble liqui-dien « initial » favorisant le processus;- la grande fréquence de terrains allergisés, lesallergènes invoqués étant très variés (iode,pénicilline, etc.);- les sujets migraineux.

    Ces circonstances inciteraient volontiers àremettre à l'honneur l'hypothèse «histamini-que» de Sudeck, où l'algodystrophie seraitperçue comme une réaction en chaîne, à pointde départ histaminique, sur des terrains, soitsensibilisés à réagir à l'histamine, soit hyper-émotifs et usant communément des déchargesd'adrénaline dans la voie sanguine à partir destissus chromaffines (tissus aberrants ou médullo-surrénale), cette histamine étant libérée sur unmode allergique de type 1.

    Au TOTAL

    Une première phase de vasodilatation decourte durée, de « type histaminique».

    Une deuxième phase d'inondation par ferme-ture des sphincters, de type « adrénalinique ».

    Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, nO 9 419

    Conclusion

    Ne fait pas une algodystrophie qui veut.L'algodystrophie pourrait être perçue comme

    la résultante inévitable d'un ensemble de facteurstissulaires, métaboliques, hormonaux, nerveuxdéclenchant une « réaction en chaîne » outre-passant les défenses physiologiques simples chezdes sujets sensibilisés à réagir violemment,syndrome de l'idiosyncrasie par susceptibilitéacquise, mais aussi un syndrome hyperpathique.

    Un syndrome dont le primum movens seraitl'allergie de type 1, trouvant prédilection sur desterrains perturbés dans leur rapport des pres-sions hydriques au sein de l'interface intersti-tium-unité capillaire. La nature de cette pertur-bation influencerait le tableau clinique :- une forme aiguë telle syndrome épaule-main;- une forme sub-aiguë rencontrée volontierschez le diabétique;- une forme sourde, de longue durée, tel quele phénomène de Dupuytren, révoquant du pointde vue nosologique, le terme d'algodystrophie.Ces perturbations du rapport de pressionspeuvent se rencontrer dans de nombreusescirconstances :

    1. extra-vasation traumatique,2. immobilisation prolongée,3. oedème post-traumatique (surtout en phase

    d'irréversibilité de nuit),4. hypertension artérielle paroxystique,5. insuffisance veineuse fonctionnelle parié-

    tale dans le cadre de grossesse,6. troubles de l'hydropexie : hydrolyse en-

    zymatique excessive (hyaluronidase), anomaliedu métabolisme des protéines (l'izoniazide estune anti-vitamine B6) majorant la pressiononchotique,

    7. oedème de revascularisation après chirurgierestauratrice ou hyperhémiante,

    8. effet de sympathectomie au décours d'uneneuropathie,

    9. phase nerveuse.

    La liste n'est pas limitative.Au sein de la substance fondamentale,

    l'hyperpression pourrait favoriser l'extrusion dumastocyte tissulaire, libérant aussi de l'héparine,des bradykinines (majorant le tableau doulou-reux), des sérotonines dont l'action veinulo-

  • 420 Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, nO 9

    constrictive favoriserait le sludge par hémo-retournement.

    Au total, un trouble local de la répartitionliquidienne contrôlée par une défense excessiveet majorant le tableau histo-angéique.

    Un système en circuit fermé

    facteurs de risque connus doit inciter à uncomportement de prévention.

    Prévenir le risque

    La kinésithérapie face au syndrome

    Majoration du trouble liquidien

    L'algodystrophie est une entité symptomati-que.

    Les nombreuses étiologies possibles d'untrouble liquidien initial pourraient corroborer lagrande difficulté à définir un mode physio-pathogénique commun dont l'unité pourrait êtrel'allergie de type I. Les différentes formessymptomatiques, les différents modes d'évolu-tion, la variabilité des effets thérapeutiquesseraient le reflet du modus vivendi de ce troubleinitial.

    Notre propos n'est pas de sérier les différentestechniques propres à lever une impotencefonctionnelle consécutive aux séquelles trophi-ques d'une algodystrophie «guérie»' ou enpériode de régression. Elles sont classiques etont prouvé leur efficacité: techniques de Kabat,Mennell, Niederhoffer, Codman, etc.

    Le stade « chaud» du syndrome est tradi-tionnellement contre-indiqué. La masso-kinési-thérapie doit pouvoir constituer un adjuvantthérapeutique utile et légitimisé par sa vocationd'aborder des téguments, dans la mesure où lechoix de nos techniques est fondé exclusivementsur le trouble liquidien «initial» et sur laperturbation histo-angéique.

    Enfin, l'expérience en traumatologie notam-ment, laisse à penser qu'une kinésithérapie maladaptée ou insuffisamment contrôlée peut consti-tuer l'épine irritative d'un syndrome qui n'estpas forcément inéluctable. Une meilleureconnaissance du terrain, une recherche des

    Même si le syndrome apparaît encore enraison des incertitudes physiopathologiquescomme une complication fataliste, les différentesthéories proposées doivent nous inciter à uncomportement de prévention.

    Ceci nécessite, avant chaque traitement kinési-thérapique, une compréhension élargie du ter-rain où la multiplicité de certains paramètrespeut constituer un haut risque, sans caractèreinéluctable, mais qu'il est inutile de défier :- passé algodystrophique;- diabète;- épilepsie;- dysneurotonie, hyper-émotivité, anxiété, étatnévrotique;- terrain allergisé et migraineux chronique;- médications à risque (izoniazide, phénobarbi-tal, etc.);- hypertensions paroxystiques;- insuffisances veineuses fonctionnelles, consti-tutionnelles ou secondaires;- les œdèmes, leur étiologie;- les formes frontières : maladie de Raynaud,maladie de Dupuytren.

    Il semble que le risque soit minimisé, dansla mesure où ces états constituent déjà une forme« chronique» de l'algodystrophie. Une kinési-thérapie intempestive à ce niveau peut, cepen-dant, stimuler l'évolutivité de ces maladies. C'estle cas, notamment, d'une maladie de Dupuytrenopérée dont le génie malin peut volontiersreprendre son cours, en démontrant par là, cetaspect d'algodystrophie chronique.

    Il reste aussi vrai qu'il. faille contrôler lesperturbations circulatoires secondaires :- masso-kinésithérapie des stases circulatoires,résultant des immobilisations prolongées;- traiter les œdèmes post-traumatiques dansleur phase de réversibilité avant de rééduquerles fonctions musculo-articulaires;- user des contentions élastiques ou mixtes.

    Enfin, nous pensons que des gestes précipités,en raison de leur caractère routinier doivent faire

    perturbationshisto-angéiques

    Trouble

    liquidieninitial __ réponse --

  • l'objet d'attention toute particulière quelque soitla susceptibilité du terrain :- le premier lever: il peut déclencher tradition-nellement des phénomènes orthostatiques ac-compagnés d'acouphènes. Cependant, ils peu-vent introduire en distal des hyperhémiesréactionnelles ou encore des surcharges capil-laro-veinulaires par incontinence valvulaire surhypotonie pariétale veineuse;- préparations aux renforcements musculaires:chez l'animal, l'appareil vasculaire est assujettià la régulation du tonus vasoconstricteur, maisaussi à des voies para-sympathiques tout à faitefficaces afin de répondre spontanément à dessituations d'« alerte biologique» propres àl'animal.

    Chez l'homme, les blocs endartériolairesmusculaires sont surtout assujettis aux métabo-lites locaux. Au début de l'effort musculaire,l'apport sanguin supplémentaire est assuré parla métacinésie.

    Les manœuvres de massage provoquent surle tissu de revêtement une vaso-dilatation dontl'origine est encore mal connue (réflexe anti-dromique d'axone, libération d'histamine, trans-duction d'énergie, etc.) et favorisent la métaciné-sie. Au cours du renforcement musculaire, lesmétabolites ainsi créés vont ouvrir les blocsendartériolaires et augmenter la circulationlocale. Il paraît, en outre, nécessaire de respecterles séries d'échauffements spécifiques au proto-cole du renforcement;- le réseau lymphatique naît de l'interstitium.Son hydrodynamique est assujettie aux pressionslocales. Le réseau lymphatique est très sensibleaux trop fortes pressions. Au cours du traite-ment des œdèmes, il est préférable de réserverles manœuvres de friction-fragmentation et demassé-roulé aux œdèmes organisés, dits en phased'« irréversibilité de nuit ».

    Kinésithérapie du trouble histo-angéique

    Au cours de la phase «chaude», notreaction porte exclusivement sur le trouble histo-angéique. Il semble que vouloir agir sur l'impo-tence fonctionnelle constitue un leurre, sinon

    Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 421

    une épine irritative supplémentaire pouvantmajorer le « trouble liquidien initial ».

    Notre protocole présente 3 directions- drainage lymphatique;- action vasomotrice spécifique;- stimulation ostéogénique.

    DRAINAGE LYMPHATIQUE

    Le drainage lymphatique peut être réalisé soitau moyen de techniques manuelles, soit aumoyen d'appareils de physiothérapie.

    Le drainage lymphatique manuel (DLM)selon la méthode de Leduc constitue la techni-que de choix de par son absence d'agressivitévis-à-vis des tissus concernés.

    Les manœuvres d'effleurage décrites par Mer-len et Joseph ont une action bienfaitrice analo-gue. La notion d'effleurage doit être parfaite-ment distinguée de la notion de glissé superficiel.

    La pressothérapie pneumatique intermittentepermet le drainage lymphatique. Les pressionsutilisées ne doivent pas dépasser 60 mmHg.Selon Leduc son efficacité est assujettie à untemps d'application suffisamment long.

    Nous avons pu utiliser la stimulation élec-trique de la pompe veinolymphatique au moyendu Rythmalgim (groupe delta). En fin d'applica-tion (vingt minutes), la résorption est visible.

    Ces différentes techniques sont réalisées enposition déclive. La position déclive de nuit estd'ailleurs conseillée au patient; de même quele port d'un bas de contention lorsque l'algodys-trop hie siège au membre inférieur.

    ACTION VASOMOTRICE

    Différentes modalités sont offertes

    Au niveau du membre supérieur, nous utili-sons essentiellement le massage vibratoire duganglion stellaire (fig. 6).

    La vibration est réalisée au moyen du vibreurDétéctherapic (Bersac) (fig. 7), la fréquence estde 60 Herz; l'efficacité est contrôlée paroscillométrie au niveau du bras; l'effet maximalest obtenu au bout de 15minutes. En raison d'uncertain statisme imposé au patient, la posologieest de deux fois 10 minutes entre-coupées d'une

  • 422 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9

    A

    C7

    01

    c

    FIG. 6. - Situation anatomique du ganglion stellaire (Profil).

    détente de 5 minutes. Le rythme des séances estjournalier. La projection cutanée du ganglionstellaire est repérée à deux travers de doigt surle côté de l'épineuse C7 en direction du dômepleural.

    L'abord du ganglion est donc postérieur. Levibreur est appliqué sur la projection cutanéesans aucune pression manuelle.

    Une contre-indication ou plutôt une non-indication de cette méthode est la transversomé-galie de C7 qui fait obstacle à la dispersion del'onde vibratoire. Dans notre expérience dumassage vibratoire du ganglion stellaire, uneradiographie ancienne a confirmé l'existenced'une transversomégalie ; le cas était unique. Cemassage nous a rendu de grands services dansdes cas de capsulite au stade aigu, avec desrésultats exceptionnels.

    Les résultats ont été tout aussi spectaculaireslorsque nous avons appliqué cette méthode surdes P.S.H., des fractures du poignet ou du coude.

    L'ultrasonothérapie exerce une action identi-que sur le ganglion stellaire. De Bischop proposeune puissance de 1 W/cm2• La voie d'abord estantérieure.

    L'ultrasonothérapie peut être appliquée loca-lement en mode continu sur le foyer algodystro-phique. De par ses effets vaso-moteurs, antalgi-ques et «anti-inflammatoires», elle peutconstituer un excellent adjuvant.

    r-<5mm

    FIG.7. - Vibreur ponctiforme. Modèle Détecthérapic (J. Bersac).

    En matière de iontophorèse, l'ionisation localed'iodure de potassium exerce une action vas-culaire et fibrolytique.

    La réflexothérapie invoque une action directesur l'équilibre neurovégétatif. Nous n'en avonspas l'expérience. La littérature reste pauvrequant à ses effets objectifs.

    STIMULATION OSTÉOGÉNIQUE

    Le troisième volet de notre démarche vis-à-visdu syndrome en phase « aiguë» porte sur letissu osseux.

    La stase des courants ioniques locaux etl'absence de contraintes résultant de l'inertiemusculo-articulaire modifient l'image osseuse.

    Nous utilisons les tensions isométriques. Lebut est d'obtenir des phénomènes piézo-élec-triques sur l'interface tissu ostéoïde/cristald'Hydroxy-apatite ainsi qu'un effet de pompeveino-Iymphatique afin d'accélérer les courants.Du point de vue méthodologique, nous respec-tQns quelques principes :- recherche de stimulation et non pas derenforcement;- résistances manuelles;- prises larges: en effet, l'algodystrophie est plussensible aux pressions au niveau des métaphysesplutôt qu'aux articulations;- application des résistances en charge progres-sive, en décharge progressive;- rythme lent, de type veino-Iymphatique;- réalisés dans la position antalgique, sponta-née;- respect de la non douleur.

  • A ces tensions isométriques, nous associonsvolontiers des manœuvres rythmiques encompression dans l'axe osseux, notamment pourles algodystrophies de la main. Ces manœuvresont pour but d'induire des potentiels d'ostéogé-nèse, mais aussi de favoriser l'imbibition cartila-gineuse par effet de pompe sur des articulationssouvent inertes. Il nous est difficile de quantifierles compressions qui permettent d'induire réelle-ment ces potentiels; l'utilisation de ce geste estmotivée par le concept physiologique de l'ostéo-génèse, mais reste assujettie au facteur douleur.

    Au niveau du membre inférieur, la balnéothé-rapie chaude exerce des effets analogues grâceà une mise en charge et une déambulationfacilitées par le principe d'Archimède. Sonaction porte donc autant dans la prévention quedans le traitement, permettant une mise encharge précoce sur des ostéosynthèses nécessi-tant un alitement de longue durée.

    En outre, la pression hydrostatique exerce uneffet de contention veino-Iymphatique et d'auto-massage lors de la déambulation.

    Le principe hydro-cinétique permet un renfor-cement des différents groupes musculaires.

    Enfin, la balnéothérapie chaude permet unevaso-dilatation locorégionale par son actionthermogénique. Une eau trop chaude risque,cependant, d'aboutir à une vaso-dilatation tropimportante dans le système artériolaire, unehypotonie veineuse et de majorer ainsi lasurcharge liquidienne.

    Une eau très (trop?) chaude pourra, néan-moins, être utilisée sous forme de doucheslocales.

    Les bains écossais sont généralement rap-portés dans la littérature. Dans notre expérience,leurs effets se sont toujours révélés néfastes voiredésastreux. Il semble, pour notre part, que desphénomènes vaso-moteurs « à bascule» provo-qués de manière répétitive, cadrent mal avec lesconcepts physio-pathogéniques connus de l'algo-dystrophie ainsi qu'avec leur caractère hyper-pathique. Nous les avons donc contre-indiqués.

    Toute notre action au cours de ce stade 1 apour effet d'influencer le drainage des liquidessans aucune autre forme d'action, notammentportant sur un éventuel gain d'amplitudesarticulaires. Les limitations du stade II résultent

    Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 423

    plus de l'épaississement fibreux des tissus desoutien ou de revêtement, consécutif à latransformation des protéines en excès que derétractions musculo-tendineuses vraies. Notreaction privilégie donc le drainage de ces molé-cules. Nous laissons au patient le rôle d'assurerspontanément le gain d'amplitude articulaire (ouson entretien) dans les limites de sa non-douleur.Dans le cas d'une balnéothérapie associée, nousaccordons au patient une déambulation libre detoute contrainte kinésithérapique.

    Lors de la phase de « refroidissement », nouspoursuivons les tensions isométriques des diffé-rents appareils musculaires. Alors qu'au stadechaud, elles étaient réalisées en position antalgi-que spontanée, ici, elles sont e.ffectuées dansdifférents secteurs d'amplitude articulaire. Notreaction de drainage est poursuivie intensivementen couverture : c'est notamment le cas dumassage vibratoire du ganglion stellaire quenous utilisons dans les cas de capsulite, mêmeau stade rétractile, ou le syndrome épaule-main.

    Les positions déclives de nuit restentconseillées.

    Conclusion

    Dans notre conception du trouble liquidieninitial, le protocole que nous appliquons ne faitpas de miracle. Cependant, nous pensons qu'ilpermet d'influencer l'évolution du syndrome,quant à l'importance des troubles trophiques quivont suivre.

    Il ne peut modifier la longueur dans le tempsdu stade chaud dans la mesure où il dépend dela nature du trouble liquidien initial qui vadéclencher la réaction en chaîne.

    Notre conclusion sera celle d'une patienteayant présenté une algodystrophie du pied aprèsfracture diaphysaire fémorale basse traitée parplaque-vis, il y a deux ans. Actuellement, lasymptomatologie clinique est toujours celle d'unstade 1 que nous traitons par drainage etbalnéothérapie déambulatoire.

    Les amplitudes articulaires sont conservées.Chez cette patiente, le moindre choc d'originedomestique entretient le processus.

  • Il

    424 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9

    Le terrain général est complexediabète traité par sulfamides hypoglycé-

    miants ;migraines quasi-permanentes;

    - un choc allergique à l'iode;- œdème de Quincke et urticaire à lapénicilline;- une réaction allergique à l'anesthésiquedentaire;

    sensibilisation au nylon;- thyroïdectomie, il y a dix ans.

    Actuellement, il existe une symptomatologieà type de dysesthésies sur la face externe de lacuisse, témoignant le rejet du matérielostéosynthétique.

    Un tableau d'algodystrophie, donc, «traî-nante » et presque caricaturale dans lequel untrouble liquidien initial mettrait en jeu toutes

    les connections avec le système réticulo-endothé-liaI, le facteur étiologique étant l'ostéosynthèse.

    Références

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