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www.lemonde.fr 64 e Année - N˚19869 - 1,30 ¤ - France métropolitaine --- Vendredi 12 décembre 2008 Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Eric Fottorino Algérie 80 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 1,90 ¤, Autriche 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 400 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 400 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 24 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 400 F CFA, Grande-Bretagne 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 650 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 10 DH, Norvège 24 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 1,90 ¤, Sénégal 1 400 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1,9 DT, Turquie 2,20 ¤, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 400 F CFA, Vue d’artiste du futur bâtiment des Halles, à Paris. STUDIOSEZZ M odification des programmes et sup- pressions de postes très mal reçues dans l’enseignement secondaire ; dotations budgétaires jugées insuffisantes ou inégalitaires dans le supérieur : la gigan- tesque machine de l’éducation nationale est-elle en train de se gripper de toutes parts ? Les signes d’un mécontentement croissant se multiplient en tout cas à tous les niveaux. Blocages d’établissements, manifesta- tions, bousculades, perturbations et inci- dents divers affectent le fonctionnement d’établissements secondaires un peu par- tout en France. Dans certaines universités, présidents et enseignants laissent poindre amertume ou colère depuis qu’ils ont pris connaissance de leur budget 2009, premiè- re année d’un nouveau système de dotation unique loin de faire l’unanimité. a Lire page 11 G éant français du nucléaire, le grou- pe Areva a lancé en 2005 sur la pres- qu’île d’Olkiluoto (Finlande) le chantier du premier réacteur de troisiè- me génération, l’EPR. Non sans difficul- tés : les retards s’accumulent, les coûts explosent, les relations avec le groupe fin- landais d’électricité TVO se tendent. Le raccordement du futur réacteur au réseau de lignes à haute tension était pré- vu mi-2009. Il n’aura pas lieu avant 2012. L’envoyé spécial du Monde décrit ce chantier hors normes et les controverses qui l’entourent. Il a recueilli les avis de tous les protagonistes : ceux qui s’impa- tientent, ceux qui ironisent et ceux qui relativisent. A l’instar d’Anne Lauver- geon, présidente d’Areva : « Pour un pre- mier projet du genre, avec tellement d’inno- vations, c’est pas mal. » a Lire Reportage page 21 L ’architecte Patrick Berger a présenté, mercredi 10 décem- bre, les plans définitifs du nouveau Forum des Halles. Le per- mis de construire sera déposé « au plus tard le 20 décembre »,a indiqué Anne Hidalgo, première adjointe de Bertrand Delanoë. Du projet avec lequel il avait remporté le concours, l’architecte et son collègue Jacques Anziutti ont conservé l’essentiel, notam- ment la forme de squale assoupi de l’édifice et le toit ondulant flir- tant avec la cime des arbres. La hauteur a toutefois été légère- ment relevée (de 12 m à 14,50 m), et plusieurs éléments ont été modi- fiés (passerelle, gradins). Les travaux, qui devraient coû- ter 200 millions d’euros, commen- ceront en 2010 et devraient s’ache- ver en 2013. a Lire page 23 Le mécontentement prend de l’ampleur dans l’éducation S ur fond d’incessants tiraillements entre Berlin et Paris, les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays membres de l’Union européenne débat- tent à Bruxelles, jeudi 11 et vendredi 12 décembre, de trois gros dossiers : lutte contre le réchauffement climatique, plans de relance économique, avenir du traité de Lisbonne sur les nouvelles insti- tutions de l’Europe. Les discussions ris- quent d’achopper sur les trois sujets. La France aimerait cependant les voir pro- gresser à la veille de céder la présidence tournante du Conseil européen à la Répu- blique tchèque. Les Européens découvri- ront alors un aristocrate fervent euro- péen qui a vécu le nazisme, le communis- me, l’exil puis le retour dans son pays : le prince Karel Schwarzenberg, ministre tchèque des affaires étrangères. a Lire page 9 et Portrait page 18 P lusieurs universités et lycées étaient toujours occupés, jeudi 11 décem- bre, dans les principales villes grec- ques, au cinquième jour des émeutes qui ont suivi la mort d’un jeune homme, tué par un coup de feu tiré par un policier, samedi 6 décembre, à Athènes. Ebranlé, le pouvoir politique pouvait craindre, mercredi, la grève nationale, appelée de longue date par les syndicats. La journée s’est certes terminée par des accrochages entre manifestants et poli- ciers, mais sans atteindre le degré de vio- lence des jours précédents. La révolte a surpris par sa virulence et sa capacité à mobiliser une partie impor- tante de la jeunesse du pays. Elle a égale- ment révélé la vitalité des mouvements anarchistes et d’extrême gauche. Ce mou- vement trouve ses racines dans la lutte menée contre la « dictature des colo- nels » et contre la présence de bases amé- ricaines sur le sol grec dans les années 1970. Il se nourrit aujourd’hui de la fai- blesse d’un pouvoir politique archaïque, miné par les scandales et déstabilisé par les conséquences sociales de la crise éco- nomique. En 2006, les étudiants, moins politisés mais inquiets pour leur avenir, étaient déjà venus grossir les rangs des militants pour s’opposer au projet de pri- vatisation du système éducatif voulu par le gouvernement. Ailleurs en Europe, plusieurs manifes- tations de soutien à la jeunesse grecque ont dégénéré en affrontements avec la police. En Espagne, un commissariat du centre de Madrid a été attaqué et des agences bancaires ont été prises pour cible à Barcelone. En Italie, des échauf- fourées ont éclaté à Bologne et à Rome. a Lire page 10 C inéma, gastronomie, peinture, histoi- re, littérature, photographie, sujets insolites… : il y en a pour tous les goûts, tous les rêves, toutes les passions, dans l’éphémère bibliothèque d’ouvrages illustrés récents rassemblée par « Le Mon- de des livres ». Impossible de ne pas y pui- ser des idées de cadeaux, altruistes ou égoïstes. A lire et à regarder au chaud en attendant le retour des beaux jours. a Lire « Le Monde des livres » Areva innove en Finlande… à grands frais Le nouveau visage du Forum des Halles PAGE TROIS Droits de l’homme ou « droits humains » ? Le 8 décembre, on célébrait le 60 e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Question, débat et polémique : faut-il dire « droits de l’homme » ou « droits humains » ? Economie Herr Professor Steinbrück tance les Européens Quand le ministre allemand des finances dénonce le « keynésianisme grossier » pratiqué par ses collègues de l’Union. Page 16 Débats Un plan de relance unijambiste Président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Didier Migaud (PS) stigmatise les failles de la relance sarkozyste. Page 19 Voile Loïck Peyron démâte Même les matériels les plus sophistiqués ne résistent pas au rythme du Vendée Globe. Page 27 Climat, relance : pourparlers ardus entre les Européens Supplément La saison des beaux livres UK price £ 1,40 Grèce : de la crise sociale à la révolte de la jeunesse Emeutes Marasme économique, rage étudiante, vitalité de l’extrême gauche L’illustre Gaudissart Balzac En plus du « Monde » Uniquement en France métropolitaine La Comédie humaine Tome 12 Face-à-face entre la police et les manifestants devant le Parlement, à Athènes, le 10 décembre. LOUISA GOULIAMAKI/AFP

Le Monde - 11/12/2008

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Page 1: Le Monde - 11/12/2008

www.lemonde.fr

64e Année - N˚19869 - 1,30 ¤ - France métropolitaine --- Vendredi 12 décembre 2008 Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Eric Fottorino

Algérie 80 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 1,90 ¤, Autriche 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 400 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 400 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 24 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 400 F CFA, Grande-Bretagne 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 650 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤,Maroc 10 DH, Norvège 24 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 1,90 ¤, Sénégal 1 400 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1,9 DT, Turquie 2,20 ¤, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 400 F CFA,

Vue d’artiste du futur bâtiment des Halles, à Paris. STUDIOSEZZ

M odificationdesprogrammesetsup-pressionsde postes très mal reçuesdans l’enseignement secondaire ;

dotations budgétaires jugées insuffisantesouinégalitairesdanslesupérieur : lagigan-tesque machine de l’éducation nationaleest-elle en train de se gripper de toutesparts ? Les signes d’un mécontentementcroissant se multiplient en tout cas à tousles niveaux.

Blocages d’établissements, manifesta-tions, bousculades, perturbations et inci-dents divers affectent le fonctionnementd’établissements secondaires un peu par-tout en France. Dans certaines universités,présidents et enseignants laissent poindreamertume ou colère depuis qu’ils ont prisconnaissancedeleurbudget2009,premiè-reannéed’unnouveausystèmededotationunique loin de faire l’unanimité. a

Lire page 11

G éant français du nucléaire, le grou-pe Areva a lancé en 2005 sur la pres-qu’île d’Olkiluoto (Finlande) le

chantier du premier réacteur de troisiè-me génération, l’EPR. Non sans difficul-tés : les retards s’accumulent, les coûtsexplosent, les relations avec le groupe fin-landais d’électricité TVO se tendent. Leraccordement du futur réacteur auréseau de lignes à haute tension était pré-vu mi-2009. Il n’aura pas lieu avant 2012.

L’envoyé spécial du Monde décrit cechantier hors normes et les controversesqui l’entourent. Il a recueilli les avis detous les protagonistes : ceux qui s’impa-tientent, ceux qui ironisent et ceux quirelativisent. A l’instar d’Anne Lauver-geon, présidente d’Areva : « Pour un pre-mier projet du genre, avec tellement d’inno-vations, c’est pas mal. » a

Lire Reportage page 21

L ’architecte Patrick Berger aprésenté,mercredi10décem-bre, les plans définitifs du

nouveauForumdesHalles.Leper-mis de construire sera déposé« au plus tard le 20 décembre », aindiqué Anne Hidalgo, premièreadjointe de Bertrand Delanoë.

Du projet avec lequel il avaitremporté le concours, l’architecteet son collègue Jacques Anziuttiont conservé l’essentiel, notam-

ment la forme de squale assoupide l’édifice et le toit ondulant flir-tant avec la cime des arbres. Lahauteur a toutefois été légère-ment relevée (de 12 m à 14,50 m),etplusieursélémentsontété modi-fiés (passerelle, gradins).

Les travaux, qui devraient coû-ter200millions d’euros, commen-ceronten 2010 etdevraient s’ache-ver en 2013. a

Lire page 23

Le mécontentementprend de l’ampleurdans l’éducation

S ur fond d’incessants tiraillementsentre Berlin et Paris, les chefs d’Etatet de gouvernement des 27 pays

membres de l’Union européenne débat-tent à Bruxelles, jeudi 11 et vendredi12 décembre, de trois gros dossiers : luttecontre le réchauffement climatique,plans de relance économique, avenir dutraité de Lisbonne sur les nouvelles insti-tutions de l’Europe. Les discussions ris-quent d’achopper sur les trois sujets. LaFrance aimerait cependant les voir pro-gresser à la veille de céder la présidencetournante du Conseil européen à la Répu-blique tchèque. Les Européens découvri-ront alors un aristocrate fervent euro-péen qui a vécu le nazisme, le communis-me, l’exil puis le retour dans son pays : leprince Karel Schwarzenberg, ministretchèque des affaires étrangères. a

Lire page 9 et Portrait page 18

P lusieurs universités et lycées étaienttoujours occupés, jeudi 11 décem-bre, dans les principales villes grec-

ques, au cinquième jour des émeutes quiont suivi la mort d’un jeune homme, tuépar un coup de feu tiré par un policier,samedi 6 décembre, à Athènes.

Ebranlé, le pouvoir politique pouvaitcraindre, mercredi, la grève nationale,appelée de longue date par les syndicats.La journée s’est certes terminée par desaccrochages entre manifestants et poli-ciers, mais sans atteindre le degré de vio-lence des jours précédents.

La révolte a surpris par sa virulence etsa capacité à mobiliser une partie impor-tante de la jeunesse du pays. Elle a égale-ment révélé la vitalité des mouvementsanarchistes et d’extrêmegauche. Ce mou-vement trouve ses racines dans la luttemenée contre la « dictature des colo-nels » et contre la présence de bases amé-ricaines sur le sol grec dans les années1970. Il se nourrit aujourd’hui de la fai-blesse d’un pouvoir politique archaïque,miné par les scandales et déstabilisé parles conséquences sociales de la crise éco-nomique. En 2006, les étudiants, moins

politisés mais inquiets pour leur avenir,étaient déjà venus grossir les rangs desmilitants pour s’opposer au projet de pri-vatisation du système éducatif voulu parle gouvernement.

Ailleurs en Europe, plusieurs manifes-tations de soutien à la jeunesse grecqueont dégénéré en affrontements avec lapolice. En Espagne, un commissariat ducentre de Madrid a été attaqué et desagences bancaires ont été prises pourcible à Barcelone. En Italie, des échauf-fourées ont éclaté à Bologne et à Rome. a

Lire page 10

C inéma,gastronomie,peinture,histoi-re, littérature, photographie, sujetsinsolites… : il y en a pour tous les

goûts, tous les rêves, toutes les passions,dans l’éphémère bibliothèque d’ouvragesillustrésrécentsrassembléepar« LeMon-de des livres ». Impossible de ne pas y pui-ser des idées de cadeaux, altruistes ouégoïstes. A lire et à regarder au chaud enattendant le retour des beaux jours. a

Lire « Le Monde des livres »

Areva innoveen Finlande…à grands frais

Le nouveau visagedu Forum des Halles

PAGE TROIS

Droits de l’hommeou « droits humains » ?Le 8 décembre, on célébrait le 60e anniversairede la Déclaration universelle des droits de l’homme.Question, débat et polémique : faut-il dire« droits de l’homme » ou « droits humains » ?

Economie

Herr Professor Steinbrücktance les EuropéensQuand le ministre allemand des finances dénoncele « keynésianisme grossier » pratiqué par ses collèguesde l’Union. Page 16

Débats

Un plan de relance unijambistePrésident de la commission des finances de l’Assembléenationale, Didier Migaud (PS) stigmatise les faillesde la relance sarkozyste. Page 19

Voile

Loïck Peyron démâteMême les matériels les plus sophistiqués ne résistentpas au rythme du Vendée Globe. Page 27

Climat, relance :pourparlersardus entreles Européens

SupplémentLa saisondes beaux livres

UK

pric

1,40

Grèce : de la crise socialeà la révolte de la jeunesseEmeutes Marasme économique, rage étudiante, vitalité de l’extrême gauche

L’illustre Gaudissart

Balzac

En plus du « Monde »Uniquement en France métropolitaine

La Comédie humaine Tome 12

Face-à-face entre la police et les manifestants devant le Parlement, à Athènes, le 10 décembre. LOUISA GOULIAMAKI/AFP

Page 2: Le Monde - 11/12/2008

Editorial

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Nicolas Sarkozy a eu raison de rencon-trer le dalaï-lama. Le Tibet, une noblecause, mérite d’être défendu, et passeulement par les acteurs d’Hol-lywood, mais aussi par les responsa-

bles politiques occidentaux. Tant pis si Pékinn’est pas content ! Mais il faudrait qu’un jour cesmêmes responsables occidentaux expliquent àquoi servent au juste de tels gestes, qui apparais-sentcomme des« gesticulations »de circonstan-ce.En s’entretenant, samedi 6 décembre, en Polo-gne, avec le chef du gouvernement en exil tibé-tain, qu’il avait snobé en août pour ne pas heurterl’extrême susceptibilité chinoise, le présidentfrançais a fait comme Gordon Brown, GeorgeBush, Angela Merkel… Il a rencontré le 14e dalaï-lamaparce que le bouddhisme tibétain et l’histoi-re tragique d’un peuple opprimé que les Chinoisont dépouillé il y a presque soixante ans du farou-che désir d’indépendance et d’isolement, ça plaît.Et cela permet de s’offrir une bonne consciencesur le sujet des droits de l’homme.

La vérité est que M. Sarkozy a rencontré ledalaï-lama et que ça ne sert pas la cause tibétaine.Cela n’a aucun effet sur le comportement de laChine, sûre d’elle et dominatrice à propos desaffaires du Tibet, qu’elle estime être sien depuisla dynastie mongole des Yuan (1280-1368).M. Sarkozy a eu raison de rencontrer le dalaï-lama,commel’ont fait d’autres présidents oupre-miers ministres occidentaux. Mais pour que cegenre de rencontres avec le chef vieillissant del’Eglise tibétaine serve à adoucir la vie quotidien-nedesTibétains, il faudrait que tousces responsa-bles politiques affichent publiquement leur sou-

tien au dalaï-lama de manière à créer les condi-tions d’un vrai dialogue sino-tibétain en mon-trant à Pékin leur détermination. Si c’est poursusurrer ad nauseum leur soutien à la reprised’un vain dialogue entre Pékin et le dalaï-lama,mieux vaut qu’ils laissent Hollywood et sesacteurs gémir sur le sort des Tibétains oubliés. Ilest peut-être temps d’en finir avec l’hypocrisie.

En lamatièreetà propos du Tibet, cettehypocri-

sie occidentale, cette lâcheté mêlée d’indifférence,est une vieille histoire. En 1950, lorsque les soldatschinois de la vaillante armée populaire de libéra-tion(APL)« libèrentpacifiquement » leTibet, l’évé-nement est accueilli par l’indignation silencieusedu« mondelibre » :alorsquelaplacefortetibétai-ne de Chamdo tombe fin octobre, l’appel lancé à latoute jeune ONU, le 7 novembre, par le gouverne-mentdeLhassapourdénoncerla« violationdes fai-bles par les forts » reste sans effet. Il faut dire quecela tombe mal : la guerre de Corée vient d’éclater,l’URSS se tient résolument au côté de la Chinemaoïste et tout le monde a bien d’autres sujets depréoccupations que le « pays des neiges ».

Personnenesesouvient,commelerappelle judi-cieusement Laurent Deshayes dans son HistoireduTibet(Fayard,1997),dunomduseulpaysmem-bre de l’ONU qui lança, le 18 novembre, un appel

contre l’invasiondes« forces étrangères ».C’était leSalvador… Personne d’autre ne protesta. Ni lesIndiens, préoccupés par leurs relations avec laChineaumomentoùlepanditNehrufit lemauvaiscalcul de compter sur son amitié avec le grand voi-sin du Nord, qui allait le poignarder dans le dos en1962 en déclenchant une guerre éclair et meurtriè-re contre l’Inde. Ni les Britanniques à qui les Tibé-tainsavaientdemandédeplaider leurcause :Lhas-sa se heurta à l’indifférence de la Grande-Breta-gne. Les Etats-Unis, pour leur part, étaient surtoutsoucieux de ne pas envenimer leurs relations avecles Soviétiques : ils observèrent une attitude pru-dente concernant le Tibet.

L’Occident laisse tomber le TibetEn 1959, au moment du soulèvement antichi-

nois de mars à Lhassa, qui va avoir pour consé-quence la fuite définitive du dalaï-lama en Inde,l’Occident,avec unbel ensemble, laissecourageu-sement tomber les Tibétains : après l’appel dudalaï-lama à l’ONU en septembre de la mêmeannée, une première résolution, la 1 353, est mal-gré tout votée le 21 octobre par l’Assemblée géné-rale des Nations unies. Grâce à qui ? A l’Irlande,la Malaisie et la Thaïlande ! L’indignation, on levoit, fut à son comble… Et si deux autres résolu-tions furent votées plus tard, en 1961 puis en1965, elles ne servirent à rien, personne n’imagi-nant aller risquer des plumes pour Lhassa.

La personnalité du dalaï-lama, distingué par leprix Nobel de la paix en 1989, a servi la cause tibé-taine. Son charisme, son humour, son habileté àavoir fait du Tibet unesorte de produit marketingattrayant, dont les metteurs en scène hollywoo-dienssesont emparés–quitte à reconstruire l’his-toire du Tibet préchinois en une fresque mythi-que bien éloignée de la réalité féodale et violentedu pays –, a permis à son ancien royaume de nepas sombrer dans l’oubli.

La communauté internationale a suivi. Elle l’aaccompagné, elle l’a plébiscité… Et pendant cetemps, recevant rapidement Sa Sainteté dans lesantichambres, les responsables politiques d’Eu-rope et des Etats-Unis se sont dédouanésvis-à-vis de leur opinion publique en montrantqu’ils n’oubliaient pas le Tibet. Avant de sereplongerdans leurs dossierspour signer de nou-velles ventes d’Airbus ou de Boeing à Pékin.

« Et après ? », grinceront les réalistes. La déci-sion de M. Sarkozy, adepte de la realpolitik endiplomatie, ne pouvait tomber plus mal : il s’estaliéné la Chine à un moment où l’on va encoreavoir davantage besoin d’elle. Il sera égalementfacile d’objecter qu’il est impossible – impensa-ble, même – de forcer Pékin à donner aux Tibé-tains un statut comparable à ce qu’ils ont accordéà Hongkong et à Macao, après les retraits britan-nique et portugais de leurs ultimes coloniesd’Asie orientale. Pour les Chinois, la question duTibetest taboue. Surtout, clament-ils, ce n’est pasaux Occidentaux donneurs de leçons d’aller leurdire ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire surleurs terres. L’impasse est-elle totale ? Sans dou-te : les Tibétains vont rester chinois et l’on voitmal comment les Chinois, sous pression, céde-ront aux désirs des Tibétains de jouir de plus deliberté. Faut-il donc laisser tomber le Tibet et lesTibétains ? Non. Mais alors soyons fermes dansle soutien. Il est temps d’arrêter de laisser croireque ce genre de rencontre à la sauvette puisse fai-re office de ligne de conduite. Comme dit MarcelGauchet, « les droits de l’homme ne sont pas unepolitique »… Au fait, le dalaï-lama, combien dedivisions ? a

Courriel : [email protected]

Tonneau de poudre par Pessin

Parlement bâillonné ?

Depuis que la Russie s’est donné pourbut de rétablir son statut de grandepuissance, ses relations avec l’Unioneuropéenne se sont beaucoup dégra-dées. La crise géorgienne n’est que la

dernière étape d’une rapide détérioration, quis’est traduite notamment par de vifs affronte-ments sur la question du Kosovo. La tension laplus forte concerne aujourd’hui l’avenir desanciennes républiques soviétiques qui veulents’émanciper de la Russie, en particulier l’Ukraineet la Géorgie, dont les regards se tournent versl’Europe. Depuis les révolutions démocratiquesqui ont installé au pouvoir à Kiev et à Tbilissi desdirigeants pro-occidentaux, une rude batailled’influence oppose Moscou à Bruxelles.

La Russie cherche à restaurer une partie ducontrôle qu’elle exerçait naguère sur ces Etats,tandis que les Européens s’efforcent de les arri-mer à l’Union afin, disent-ils, de garantir leur sta-bilité. Il ne s’agit pas de revenir à la politique des« zones d’influence », comme au temps de laguerre froide,affirme José Manuel Barroso,prési-dent de la Commission européenne, mais derépondre à « l’intérêt stratégique » de l’UE enrenforçant ses liens avec ses voisins immédiats.LaRussies’irrite decette immixtion dansce qu’el-le considère comme son propre voisinage.

La querelle accompagne les laborieuses négo-

ciations entre Bruxelles et Moscou sur un futuraccord de partenariat. Elle est aussi au cœur desdébats sur une éventuelle adhésion de l’Ukraineet de la Géorgie à l’OTAN et à l’Union européen-ne. Les deux Etats progressent, à petits pas, verscette double adhésion, encouragée par Washing-ton. Toutefois, la perspective demeure lointaineet incertaine. La difficulté est de maintenirvivants les espoirs des Ukrainiens et des Géor-giens sans susciter la colère des Russes.

Du côté de l’OTAN, c’est l’attente. La coopéra-tion va être renforcée, mais le mécanisme de

préadhésion ne sera pas activé. La question seratranchée ultérieurement.La Russie se dit satisfai-te de ce compromis. Son ambassadeur auprès del’Alliance atlantique, Dimitri Rogozine, y voit lesigne que l’OTAN attache plus d’importance àses relations avec Moscou qu’à l’adhésion del’Ukraine etde la Géorgie.Celles-ci préfèrent sou-ligner que le processus continue.

Du côté de l’Union européenne, une nouvelleétape vient d’être franchie avec l’offre d’un « par-

tenariat oriental » aux six Etats de la région :l’Ukraine et la Géorgie, bien sûr, mais aussi l’Ar-ménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie et la Molda-vie. Cette initiative a été lancée par la Pologne etpar la Suède comme un complément au projetd’Union pour la Méditerranée. Approuvée par lesVingt-Sept, elle vient de faire l’objet de proposi-tions précises de la Commission. Un sommetaura lieu dans quelques mois pour le lancementofficiel du plan.

Celui-ci entenddonnerun nouvelélanà lapoli-tique européenne de voisinage. Il vise, selonM. Barroso, un double objectif « d’associationpolitique et d’intégration économique », qui pren-dranotamment la formed’accordsde libre échan-ge. Le mot d’association, préféré à celui de parte-nariat, est important. C’est celui qui est utilisépour définir les relations de l’UE avec les pays dela Méditerranée, mais aussi avec les pays desBalkans futurs membres de l’Union. Il exprimedonc une claire volonté de rapprochement.

Les risques de déstabilisation, attestés par laguerre en Géorgie ou le chaos en Ukraine, justi-fient une présence accrue de l’Europe. Mais celle-ci devra décider sans trop tarder si elle acceptel’adhésiondecespaysauxstructureseuro-atlanti-ques ou si elle choisit de les maintenir à l’écart. a

Courriel : [email protected]

La main tendue à l’Ukraine et à la Géorgie

Le dalaï-lama, combien de divisions ?

Il ne faut pas être grand clerc pour savoir quele travail législatif du Parlement françaisn’est pas satisfaisant. Trop de lois sont malpréparées, trop bavardes et trop souventinappliquées. Trop de débats devant des

hémicycles clairsemés apparaissent comme desjeux de rôle confus et incompréhensibles.

Tous les présidents récents de l’Assemblée natio-nale l’ont déploré. Le comité Balladur, chargé depréparer la révision de la Constitution adoptée enjuillet, l’a redit avec force : l’élaboration de la loidoit être plus sérieuse et plus efficace. Et chacunadmet que cela passe par une modernisation dusacro-saint droit d’amendement, dont l’inflation –du fait de l’opposition, mais aussi du gouverne-ment, des commissions ou de la majorité – frisetrop souvent l’absurde.

Tel est le point central du projet de loi organi-que approuvé par le conseil des ministres, mercre-di 10 décembre. Reprenant une proposition ducomité Balladur, il prévoit une organisationconcertée des débats : la conférence des prési-dents de chaque Assemblée fixerait une durée for-faitaire globale, répartie entre les groupes parle-mentaires, pour l’ensemble de la discussion dechaque texte, qu’il s’agisse de la discussion généra-le, des motions de procédure ou des amende-ments. Une fois cette durée écoulée, on passeraitau vote, au détriment des amendements non enco-re débattus.

Les socialistes ont sonné le tocsin contre cette« régression sans précédent des droits des parlemen-taires ». Le gouvernement, disent-ils, entendbâillonner le Parlement et museler l’opposition, endépit des engagements pris lors de la révision dela Constitution. Leur réaction est excessive, tant lanécessité d’améliorer le travail législatif est éviden-te. Mais elle est légitime, du fait de l’attitude actuel-le de l’exécutif et de sa majorité à l’égard du Parle-ment. L’activisme réformateur, donc législatif, dupouvoir, les ordres du jour à la hussarde et l’em-bouteillage qui en résultent, la « coproduction »des lois à huis clos ou presque entre l’exécutif et legroupe UMP de l’Assemblée et, pour comble, ladécision de faire passer par décret la suppressionde la publicité sur les télévisions publiques quicoince à l’Assemblée : tout peut laisser entendreque, pour l’exécutif, le Parlement est un obstacle àécarter plus qu’un partenaire à renforcer. a

Chronique

AnalyseBruno PhilipCorrespondant à Pékin

Europe Thomas Ferenczi

0123 est édité par la Société Editrice du Monde (SA). La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0712 C 81975 ISSN 0395-2037

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01232 Vendredi 12 décembre 2008

Page 3: Le Monde - 11/12/2008

L’ancienne présidente irlandaise,Mary Robinson, a fait fort. Avecle sourire, certes. Mais avec fer-meté. Il fallait bien qu’en cestemps d’autocongratulation,

une femme, au prestige indéniable, met-te, si l’on ose dire, les pieds dans le plat.

Prenant la parole devant le président dela République qui, lundi 8 décembre, rece-vait à l’Elysée des personnalités venues dumonde entier pour célébrer le soixantièmeanniversaire de la Déclaration universelledes droits de l’homme, elle affirma : « Jedois avouerque jepréfère l’expression,“droitshumains” ; c’est plus moderne. » Quelquesinvités français avalèrent de travers. MaisPierre Sané, sous-directeur général del’Unesco, qui se trouvait dans la salle, étaitenchanté.

« Ce n’est pas anecdotique ! dit-il. Lesmots ont un sens, une valeur, une histoire. Il ya des mots qui ont le pouvoir d’inclure,d’autres d’exclure. Le mot “homme” fait par-tie de cette dernière catégorie. Une part del’humanité ne se reconnaît pas dans ce motauquel les révolutionnaires de 1789, au fond,ne donnaient pas un sens universel. Les fem-mes en étaient exclues car “non douées de rai-son”, ainsi d’ailleurs que les peuples coloni-sés. » Il est donc temps, insiste le Sénéga-lais, d’abandonner ce référent au profit de« droitshumains »quipermettent« d’inté-grer la diversité de l’humanité ».

Il n’est pas question, bien sûr, de remet-tre en question la formulation des texteshistoriques, et notamment cette Déclara-tionuniverselledesdroitsdel’homme,célé-brée cette semaine. « Ce texte est gravé dansle marbre, et l’égalité de tous y est proclaméesans aucune ambiguïté ! », assure l’ambas-sadeur Stéphane Hessel, qui participa à sarédaction.

L’emploi fréquent, voire majoritaire, dumot « personne » montre d’ailleurs que sesrédacteursonteuàcœurdemarquerlanon-discrimination sexuelle. Mais, sensible aumalaise exprimé de plus en plus souvent etconscient que, « depuis 1948, la majoritédes violations de droits touche les femmes »,l’ambassadeur se dit favorable à ce que lesexpressions « droits humains » ou, mieux,« droitsdelapersonne »soientutiliséesaus-si souvent que possible dans les intitulésd’institutions,decommissions,ministères,ainsi que dans les discours.

En 1990, le Conseil de l’Europe récla-mait déjà officiellement « l’élimination dusexisme dans la langue ». La conférence

générale de l’Unesco exigeait, en 1991 et1993, l’emploi de formulations visant clai-rement les deux sexes. Et le Forum desONG, réuni à Vienne en 1993, appelait àsupprimer toute partialité à l’égard de l’unou l’autre sexe…

Seulement voilà : la France résiste. LaFrance s’obstine. La France remet un« prix des droits de l’homme » ; organise un« colloque sur les droits de l’homme » ; exi-ge, malgré les protestations du mondeentier et la pétition du réseau Encore fémi-nistes !, que le nouvel organisme créé àl’ONU en 2006 soit intitulé Conseil des

droits de l’homme. De plus en plus isoléedans le concert des nations. Et moquée parla plupart des pays francophones qui, lesuns après les autres, y compris en Afrique,ont adopté les expressions « droitshumains », « droits de la personne » ou« droits des êtres humains ». Il est vrai queparmi les langues utilisées officiellementaux Nations unies, le français est la seuleoù le mot « homme » prête à confusion (lesAnglo-Saxonsontdepuisbelle luretteaban-donné l’expression « The rights of theman »), l’anglais, l’espagnol, le russe etl’arabe employant l’équivalent de « droits

humains », l’expression chinoise corres-pondant, elle, à « droits de la personne ».

Agnès Callamard, qui dirige à LondresArticle 19, une organisation internationaledéfendantla libertéd’expression,eststupé-faite de la résistance française. « C’est ridi-cule ! Comme si, abandonnant l’expression“droits de l’homme”, la France perdait unpeu son âme ! Mais l’âme française est beau-coup plus riche et multiculturelle ! » L’écri-vain Benoîte Groult, qui s’est heurtée auconservatisme français lorsqu’elle prési-dait, de 1984 à 1986, la commission de ter-minologie pour la féminisation des noms

demétiersetdefonctions,sedésoleelleaus-si d’un « archaïsme qui nous met en por-te-à-faux avec le reste des francophones ».Toutcela,« par fétichismepour labelle révo-lutionfrançaise !Respectons l’événementhis-torique, même s’il proclamait avant tout ledroitdesmâles ;maisdegrâce,abandonnons“droitsde l’homme”,quinecorrespondplusàla réalité ».

Trop sexisteC’est en traduisant des textes donnant

lieu à des incongruités du genre « droits del’homme des femmes » (human rights ofwomen) qu’Amnesty International a entre-pris, en 1998, une vaste étude sur le langa-ge qui aboutit à l’abandon définitif de l’ex-pression« droitsde l’homme », tropsexiste.

Dans les rapports de l’organisationHuman Rights Watch, où l’on rappelle queles femmes sont les premières victimes(« violences sexuelles, en particulier en tempsde guerre, trafic humain, violences domesti-ques et conjugales, discriminations multi-ples »), l’expression « droits humains » estsystématiquement utilisée. A la Fédérationinternationale des ligues des droits del’homme, la situation est plus compliquée,vu la diversité d’approches des 155 liguesréparties dans le monde et le poids de laliguefrançaise. Mais laprésidenteSouhayrBelhassen qui, elle-même, dit et écrit« droits humains », juge souhaitable « undébat franc et ouvert » sur le sujet.

Si leCanadaatoujoursétéprécurseur, laSuisse est aussi en pointe du combat. Laministre des affaires étrangères, MichelineCalmy Rey, qui garde une tendresse parti-culière pour Olympe de Gouges, auteurd’uneDéclarationdesdroitsde la femmeetde la citoyenne en 1791 et guillotinée en1793, rappelle qu’il a fallu attendre leXXe siècle pour que soient accordés auxfemmes le droit de vote et l’égalité civile.« L’expression“droits de l’homme” n’estplusadaptée à la société moderne et égalitaired’aujourd’hui,dit-elle.Lalanguesedoitd’ac-compagner les évolutions sociales, et le terme“droits humains” se comprend comme uneadaptation logique à l’égalité des sexes. »

Alain Rey, patron des dictionnaires LeRobert, approuve. « Droits humains » per-met, selon lui, d’éliminer le côté masculindu mot « homme », tout en conservant ladérivationdulatinhomo,hominis,quisigni-fie l’espèce humaine. « Car c’est bien de celaqu’il s’agit, n’est-ce pas ? » a

Annick Cojean

Le 8 décembre, le chef de l’Etat recevait à l’Elysée des personnalités venues du monde entier pourle 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. « Homme », le mot divise

« Droits humains, c’est plus moderne »

Page trois Diplomatie

L’INTITULÉ du secrétariatd’Etat aux droits de l’homme,dont le ministre des affaires étran-gères, Bernard Kouchner, affir-me aujourd’hui regretter la créa-tion, n’avait guère fait l’objet dediscussions. Ce n’est que plustard, parmi la foule de problèmeset de contradictions auxquels ceposte l’a exposée, que RamaYade, sa jeune titulaire, a perçucombien l’expression « droits del’homme » détonnait dans l’envi-ronnement francophone.

« Quand le président Sarkozym’a appelée pour m’annoncer quej’entrais au gouvernement, racontela ministre, il a dit : “Ce sera lesdroits humains”. J’étais tellementsurprise, et si peu familière de l’ex-pression, que j’ai demandé : “Lesdroits humains ? C’est quoi ?” L’ex-pression “droits de l’homme” est sipopulaire, attachée à notre mémoi-re, aux idéaux et combats politiquesde 1789 ! Ce n’est que plus tard quej’ai perçu le débat sémantique,appris que les féministes de nom-breux pays avaient dénoncé le sexis-me du vocabulaire et compris que lechoix de “droits humains” notam-ment par les Anglo-Saxons et lesEspagnols était un choix éthique.Mais l’administration française estconservatrice, attachée à la dimen-sion historique des “droits de l’hom-me”. Et moi, je n’ai pas songé à dis-cuter du titre ! »

L’expression, dont le soixantiè-me anniversaire de la Déclarationuniverselle est l’occasion d’un rap-pel permanent, lui est pourtant

apparue de moins en moins satis-faisante. « La référence aux fem-mes, dont les droits sont les plusbafoués dans le monde, n’y est pasassez explicite. De même que celleaux enfants, qui, eux aussi, ont desdroits. Sœur Emmanuelle avait telle-ment raison de déclarer : “Quandon éduque un homme, on éduque unindividu. Quand on éduque une fem-me, on éduque un peuple.” »

Alors, changer d’intitulé ?Affronter une levée de boucliers dela part de l’administration, de juris-tes, d’historiens, et braver uneculture « dans laquelle on nousapprend très tôt que le masculinl’emporte sur le féminin ? » Elle y asouvent songé, dit-elle. Conscien-te que « droits humains », pourcertains puristes, « désigne moinsles droits que l’être humain possèdeque des droits pourvus eux-mêmesd’une certaine qualité ». Et que« droits de la personne », long-temps employé par l’Eglise catholi-que « pour souligner que la person-ne tient ses droits de Dieu », peutparaître « trop connoté dans unpays laïque comme le nôtre ».

Il n’empêche. Quelques heuresavant la remise en question, parson ministre de tutelle, de l’oppor-tunité de son secrétariat d’Etat,Rama Yade se disait décidée à pro-poser à Nicolas Sarkozy d’en chan-ger l’intitulé, au vocabulaire déci-dément trop restrictif… et sexiste.« Après tout, le président disaitintuitivement “droits humains”.C’est lui qui avait raison ! » a

A. Co.

« Ce livre, c'est une balle traçante »Le Canard Enchaîné

« Enfin ! enfin un romancier français qui réussit à se colleter avec la face cachée de notre histoire récente pour en faire

un roman ambitieux et subtil »L'Express

« Un formidable roman à clés, mélange de fresque contemporaine érudite et

de polar ultra bien ficelé »Les Inrockuptibles

« Un thriller politique magistral pendant les années Mitterrand. L'auteur nous

entraîne dans un chassé-croisé virtuose avec une maîtrise extraordinaire »

Lire

« Un roman intelligent qui ne permet jamais au lecteur de s’ennuyer »

Le Monde

« Vous aimez John Le Carré ? Vous adorerez Serge Bramly »

Elle

Eleanor Roosevelt (1884-1962), épouse du président américain Franklin D. Roosevelt, en 1949. UNITED NATIONS/NEW YORK

Rama Yade : « Je n’ai pas songéà discuter du titre ! »

0123Vendredi 12 décembre 2008 3

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MEXICO

CORRESPONDANTE

A lerte à la biosécurité du maïs auMexique : une étude moléculairemenée par des chercheurs mexi-

cains, américains et néerlandais démon-tre la présence de gènes provenant d’or-ganismes génétiquement modifiés(OGM) parmi les variétés de maïs tradi-tionnels cultivées dans des régions recu-lées de l’Etat d’Oaxaca, dans le sud dupays. Et cela bien que le gouvernementmexicain ait maintenu jusqu’alors unmoratoire sur l’utilisation de semencestransgéniques.

Les résultats de cette étude incitent lesexperts à demander des mesures de pro-tection bien plus restrictives, le typed’agriculture « à l’ancienne » pratiquéau Mexique – où la pollinisation du maïsest faite par le vent, et où les paysans ontl’habitude d’échanger leurs semences –paraissantaggraver le risque d’une conta-mination rapide par les OGM.

Un article qui en détaille lesconclusions doit être publiédans le prochain numéro de larevue Molecular Ecology. Il aété rédigé par Elena Alvarez-Buylla, de l’Institut d’écologiede l’Université nationale auto-nome du Mexique, l’UNAM,avec la collaboration d’unedizaine d’autres scientifiques.

Leur travail pourrait relan-cer la polémique déclenchéeen 2001 par un article très controverséde la revue Nature, dont les auteurs, lesbiologistes David Quist et Ignacio Cha-pela, de l’Université de Berkeley en Cali-fornie, révélaient que les maïs criollos(traditionnels) de la région d’Oaxaca,l’un des berceaux de cette céréale,étaient contaminés par les gènes Roun-dup Ready (RR) et Bt, propriétés de la fir-me américaine Monsanto.

Dans sonouvrage Le Monde selon Mon-santo (La Découverte/Arte Editions,2008), Marie-Monique Robin a racontéle « lynchage médiatique » dont M. Cha-pela a alors été victime, à l’instigation del’entreprise dominante sur le marché desOGM. Nature avait fini par publier undésaveu, estimant que l’article des deuxbiologistes était insuffisamment étayé.

Sept ans plus tard, le travail dirigé parMme Alvarez-Buylla confirme pourtant lar-gement leurs conclusions, souligne uncompte rendu publié dans Nature du13 novembre. Les chercheurs ont décou-vert des transgènes dans trois des vingt-trois champs de la sierra nord de l’Oaxa-ca, où des échantillons avaient été préle-vés en 2001, puis à deux endroits, lors denouveaux prélèvements en 2004.

L’Américaine Allison Snow, del’Université de Californie, auteur en2005 d’une étude préliminaire quisemblait infirmer les découvertesd’Ignacio Chapela et David Quist (etavait été aussitôt exploitée par les par-tisans des OGM), publie dans le mêmenuméro de Molecular Ecology une notecomplémentaire élogieuse, où ellejuge que l’analyse moléculaire condui-te par l’équipe de l’UNAM est « trèsbonne », et met en évidence « dessignes positifs de transgènes ».

Cette reconnaissance n’al-lait pas de soi. « Cela fait deuxans que nous bataillons pourpublier les résultats de notre étu-de, déclare Mme Alvarez-Buylla.Jamais je n’avais rencontréautant de difficultés au cours dema carrière ! On a essayé de frei-ner la diffusion de ces donnéesscientifiques. » Le biologisteJosé Sarukhan, chercheur àl’UNAMet membre de l’Acadé-mie nationale des sciences des

Etats-Unis, avaitainsi recommandé l’arti-clepour la revuede cette institution.Celle-ci l’a rejeté au mois de mars, au motif qu’ilrisquaitde provoquer « l’attention excessi-ve des médias, pour des raisons politiquesou liées au thème de l’environnement »…

Comment, malgré le moratoire, destransgènes d’OGM ont-ils émigré au finfonddes montagnes d’Oaxaca, mais aussidans l’Etat de Sinaloa, leplus grosproduc-teur de maïs de consommation humaine,dans le Nord, ou à Milpa Alta, un district àla périphérie de Mexico ? On les trouvedans 1 % des terrains analysés, ce qui estbeaucoup dans le contexte mexicain, où75 % du maïs planté viennent de grainssélectionnés par les paysans sur leur pro-pre récolte.

La première hypothèse est que cer-

tainsagriculteurs importent illégalementdes semences transgéniques. De fortssoupçons pèsent aussi sur la firme Pio-neer, grande pourvoyeuse de semencesde maïs hybrides, achetées par le Mexi-que aux Etats-Unis et distribuées auxpetits agriculteurs à travers les program-mes d’aide gouvernementaux.

Or des données préliminaires indi-quent qu’un tiers des semences Pioneerest contaminé par des OGM, dont Mon-santo a réussi à empêcher tout étiquetagedistinctif à la vente.

Les auteurs de l’étude appellent à ren-forcer les « mesures de biosécurité »pour préserver les espèces natives dumaïs, surtout au Mexique, son « centred’origine ». Il faudrait, disent-ils, sedoter de laboratoires véritablementindépendants, et adapter les critèresd’analyse moléculaire à la réalité mexi-

caine, au lieu de se fier « aux méthodesutilisées dans des pays tels que les Etats-Unis, qui ont un système agricole très diffé-rent du nôtre ».

Mais leur plus grande inquiétude,aujourd’hui, concerne les projets destrusts pharmaceutiques, qui veulent ren-tabiliser la biomasse du maïs, et l’utili-ser comme un bioréacteur afin d’expri-mer, par exemple, des vaccins ou desanticoagulants. « Au vu des incidents quise sont déjà produits aux Etats-Unis, oùils ont du mal à séparer ces bioréacteursdes OGM, on peut craindre que le maïs nese transforme en poubelle de l’industriepharmaceutique, au détriment de sa voca-tion alimentaire, s’alarme Mme Alvarez-Buylla. Que ferons-nous quand des anti-coagulants arriveront dans la tortilla desMexicains ? » a

Joëlle Stolz

« Cela fait deuxans que nousbataillonspour publierles résultatsde notre étude »

Elena Alvarez-Buyllagénéticienne

Planète

CONSERVATION 2009, ANNÉE MONDIALE DE PROTECTION DES GRANDS SINGES

Au Congo, des gorilles orphelins retrouvent la vie sauvageIBOUBIKRO (République du Congo)

ENVOYÉE SPÉCIALEL’histoire est unique. Elle raconte le rêvecomblé d’un Anglais excentrique qui, for-tune faite dans les casinos, consacra unebonne partie de son temps et son argent àla préservation des espèces en danger.Des gorilles en particulier. Au bout de lapiste qui descend à travers la savane, enbordure de forêt, le camp de vie d’Ibou-bikro, dans la réserve de Lésio-Louna, à160 kilomètres au nord de Brazzaville,donne raison à l’entêtement de John Aspi-nall, aujourd’hui décédé.

Ici, les gorilles orphelins ont trouvé unrefuge. Privés de leurs parents victimesdes braconniers, ces « bébés », souventdestinés au trafic international pour uneclientèle privée, reprennent le momentvenule cheminde la liberté.Aucune tenta-tive de réintroduction en milieu sauvagen’avait jusqu’à présent abouti.

Catherine Missilou est un peu l’âme decette histoire. Depuis onze ans, à Ibou-bikro, elle veille sur ces rescapés au prixd’une vie d’isolement, coupée dix moissurdouzede sa famille restée dans la capi-tale congolaise. « Ils ont besoin d’unemaman, de quelqu’un qui prenne soind’eux, ce sont des enfants », confie-t-elle àla lueur d’une lampe à pétrole, sous lapaillote où, le soir venu, le personnel du

camp se rassemble. Les bébés primatessont rendus à la forêt vers 6 ou 7 ans aprèsavoir vécu en semi-liberté. Un premiergroupe de cinq individus a été réintroduiten 2003 puis un second l’année suivante.Aujourd’hui, la réserve abrite 26 gorilles,dont 6 sont nés sur place, ce qui constituele signe le plus tangible de la réussite deceprojet piloté en partenariat avec le gou-vernement congolais. Chaque jour, desécogardes patrouillent pour vérifier leurétat de santé et repérer d’éventuels bra-conniers.

Les gorilles des plaines de l’Ouest(Gorilla gorilla gorilla) ne font par partiedes espèces les plus menacées, même s’ilsont rejoint en 2005 la catégoriedes « espè-ces en danger de disparition », selonl’Union mondiale pour la conservation dela nature (UICN). Leur population totaleserait de l’ordre de 150 000 à 200 000,alors qu’il ne reste plus que 700 gorillesdes montagnes. Mais la chasse commer-ciale et le virus Ebola restent des menacespermanentes avec la contraction de leursaires d’habitat. Celle-ci est liée à la pro-

gression de l’agriculture et de l’exploita-tion forestière, selon le Programme desNations unies pour l’environnement(PNUE), qui vient de proclamer 2009année de la protection des grands singes.

Le rêve de John Aspinall a un prix, prèsde 400 000 euros par an, assuré pour l’es-sentiel par sa fondation. Un budget exor-bitant si on le rapporte au nombre de pri-mates sauvegardés, qui sert à rémunérerla cinquantaine de personnes employéespar la réserve dont la moitié d’écogardes.Un vétérinaire est attendu prochaine-ment, ce qui permettra de ne plus envoyeren Angleterre les animaux malades.

Incompréhension des villageoisCette enclave de 170 000 hectares –

paradis pour gorilles et autres animaux –suscite souvent l’incompréhension par-mi les 15 000 villageois vivant alentour.« La population s’est paupérisée ces derniè-res années et elle ne comprend pas qu’on luiinterdise l’accès à ce terroir qui, avant,constituait une zone de chasse », expliquele conservateur de la réserve, Florent Iko-li. Il y a deux ans, la fondation a décidéd’introduire un volet social à son projet.« Nous avons commencé par créer des asso-ciations pour avoir des interlocuteurs dansles villages. Puis des représentations théâ-trales ont été montées pour sensibiliser lespaysans à l’impact de la déforestation, à lapréservation des gorilles », raconte LucMathot, un ingénieur forestier belge,coordonnateur du projet.

Il travaille avec eux sur le développe-ment de leur territoire en leur demandantde dessiner la « carte de leurs rêves ». Maispour réaliser les rêves de ces paysans, ilne dispose que de 30 000 euros. Plus luci-de, Florent Ikoli garde les pieds sur terre :« Il ne faut pas imaginer qu’on va arrêter lebraconnage avec des promesses. Les gensont besoin de se nourrir et rien ne changerasi le développement ne suit pas. » a

Laurence Caramel

En Australie, un projet d’usine derecyclage de l’eau provoque lacontroverse. Dans l’Etat du Queens-

land, le premier centre de traitement dupays destiné à produire de l’eau potable àpartir des eaux usées sera prêt à fonction-ner d’ici quelques mois. Il pourrait produi-re 60 millions de litres d’eau purifiée parjour, par un traitement en sept étapes,avec un procédé de pointe incluant osmo-se inverse et oxydation accélérée.

Originellement, l’eau purifiée devait ali-menter le réservoir principal de Brisbaneet de sa région, pour subvenir à entre 10 %et 25 % de la consommation des 2,6 mil-lions d’habitants. Les besoins sont impor-tants : la population de la région pourraitdoubler d’ici cinquante ans. Mais la pers-pective de boire de l’eau recyclée effraie.Divers groupes se sont donc créés pourrejeter l’idée de « boire l’eau des égouts »,multipliant les pétitions sur Internet.

« Tirez la chasse et ensuite, buvez ! »Des médias s’en sont mêlés et des arti-

cles aux titres tels que « Tirez la chassed’eau et ensuite, buvez ! » ont attisé lespeurs. Des universitaires ont égalementfait connaître leur opposition : « Le procé-dé d’osmose inverse ne suffit pas : à Brisba-ne, on a pu voir que seuls 92 % des antibioti-ques présents dans les eaux usées ont pu êtresupprimés », affirme Peter Collignon,microbiologiste à l’université nationaleaustralienne (ANU).

Pourtant, boire de l’eau recyclée se pra-tique ailleurs dans le monde. Ainsi, à Sin-gapour, 1 % de l’eau recyclée est utiliséecomme eau potable. Plusieurs centres detraitement existent également aux Etats-Unis et en Belgique. « En Australie aussi,de l’eau recyclée est utilisée pour la consom-mation humaine, mais de façon indirecte :l’eau usée est rejetée dans un fleuve ou unréservoir, avant d’être ensuite traitée et réuti-lisée par une autre ville en aval », remarque

Stuart Khan, professeur au centre derecherche sur l’eau de l’université de Nou-velle-Galles-du-Sud.

Mais tous les arguments en faveur del’eau recyclée n’auront pas suffi à convain-cre le public. Après avoir affronté une cam-pagne d’opposition durant plusieurssemaines, Anna Bligh, premier ministredu Queensland, a fait savoir que l’eau recy-clée ne serait utilisée que lorsque leniveau des réservoirs descendrait à 40 %de remplissage.

Ce qui risque d’être le cas d’ici quel-ques mois. Et désormais, les Australienspourraient bien ne plus avoir le choix.Car dans le pays le plus sec au monde, lasécheresse s’aggrave au fil des ans. « Tra-ditionnellement, les précipitations sont trèsvariables ici. Mais on a noté ces dernièresannées une baisse durable, avec des fluxcorrespondant à entre 43 % et 65 % desmoyennes de longue durée. C’est une situa-tion nouvelle », explique Tom Mollenko-pf, directeur de l’Association australien-ne de l’eau (AWA).

Dans beaucoup de villes, comme Mel-bourne, les réservoirs ont diminué, attei-gnant des niveaux de remplissage de par-fois 30 % seulement. Du coup, l’Etat aus-tralien investit massivement dans de nou-velles infrastructures pour l’eau. Quasi-ment toutes les métropoles du pays sedotent d’une usine de dessalement d’eaude mer, et les habitants sont incités à ins-taller des citernes chez eux, par des mesu-res fiscales favorables. Enfin, beaucoupde villes ont dû mettre en place de sévèresrestrictions d’eau. Cela a fonctionné :dans le sud-est du Queensland, les habi-tants sont passés d’une consommation de300 litres d’eau par jour à 140 litres.« Cela ne suffit pas ; la situation est tellequ’il faut désormais bien plus que des res-trictions », prévient M. Mollenkopf. a

Marie-Morgane Le Moël(Sydney, correspondance)

Lors du Conseil européen du 4 décem-bre, les ministres de l’environnement ontretenu cinq actions pour encadrer lesOGM. Elles visent à renforcer l’évalua-tion des impacts environnementaux etsociaux économiques de ces cultures, àaméliorer l’expertise associant les Etatsmembres à l’Autorité européenne desécurité des aliments (AESA). Elles abou-tiront à fixer des seuils de présence for-tuite d’OGM, pour garantir « un librechoix réel entre semences OGM, conven-tionnelles et biologiques ». Elles permet-tent la définition de zones sensibles oude culture biologique exemptes d’OGM.La France envisagerait une séparation de50 mètres pour isoler les parcelles OGM.

FONDATION JOHN-ASPINALL

Assoiffée, l’Australie répugneà « boire l’eau des égouts »

L’Europe veut mieux encadrerles cultures transgéniques

CHIFFRES

23 pays d’Afrique et d’Asie participentau Projet pour la survie des grands sin-ges lancé en 2001 par les Nations unies.4 grands singes (chimpanzés dontles bonobos ; gorilles et orangs-outangs) figurent sur la liste des espè-ces en danger d’extinction de l’UICN.90 % des habitats où vivent lesgrands singes d’Afrique sont menacésà l’horizon 2030, selon l’ONU. Pourl’orang-outang, à Bornéo et Sumatra,cette proportion monterait à 99 %.

La fête de San Isidro, patron du maïs, à Tepoztlan, dans l’Etat de Morelos, à 70 kilomètres au sud de Mexico. COLLECTIF ODESSA

Biotechnologies Une étude confirme que des transgènes ont migré vers les cultures traditionnelles

Au Mexique, le berceau du maïs contaminé par des OGM

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Page 5: Le Monde - 11/12/2008

La saison cyclonique qui s’est achevéefin novembre dans le bassin Atlantique aété « l’une des plus actives depuis le débutdes relevés systématiques, il y a 64 ans »,selon la National Oceanic and Atmopshe-ric Administration (NOAA). Entre juinet novembre, seize tempêtes tropicalesse sont formées dans ce bassin, huit d’en-tre elles sont devenues des ouragansdont cinq ont évolué vers des phénomè-nes « majeurs », c’est-à-dire classés autroisième niveau au moins de l’échelle deSaffir-Simpson, qui en compte cinq.

« Pour la première fois, explique laNOAA dans un communiqué, six phéno-mènes cycloniques consécutifs ont frappéles Etats-Unis tandis que trois ouragansmajeurs ont touché Cuba. » C’est aussi lapremière fois que les phénomènes lesplus violents se sont répartis équitable-ment tout au long de la saison : chaquemois, de juillet à novembre, a vu la forma-tion d’un ouragan de catégorie 3 ou plus.

L’activité cyclonique supérieure à lamoyenne observée au cours de cette décen-nie interroge. Faut-il y voir le début d’unetendance lourde liée au changement cli-matique ? Ou, au contraire, un cycle natu-rel – les années 1920 ont, par exemple,connu, elles aussi, des saisons très acti-ves ? Pour l’heure, la question demeuredans une large mesure ouverte. a

S. Fo.

RIEN ne semble pouvoir ébranlerla suprématie des élèves asiati-ques en mathématiques et ensciences. La quatrième édition del’enquêteTIMSS (Trends in Inter-national Maths and Science Stu-dy), réalisée par le Boston Collegeet rendue publique mardi9 décembre, les place une fois deplus en tête : les écoliers de Hon-gkong,SingapouretTaïwandomi-nent en mathématiques tandis lescollégiens de Singapour, Taïwan,du Japon et de la Corée du Sudobtiennent les meilleurs scores ensciences.

L’enquête a testé 425 000 élè-ves à deux niveaux de scolarité :les enfants du 4e grade (équiva-lent de notre CM1) dans 36 pays etles jeunes du 8e grade (équivalentde la classe de 4e) dans 48 pays.Même aux Etats-Unis, où l’enquê-te distingue les résultats par origi-ne ethnique, les enfants d’origineasiatique obtiennent des scorestrès supérieurs à la moyenne desenfants américains. Les Etats-Unis, qui scrutent ces résultatsavec beaucoup d’attention, enre-gistrent des progrès en mathéma-

tiques mais stagnent en sciences.Ce classement s’avère en revan-

che très défavorable pour leYémen, ainsi que pour les pays duGolfe comme le Qatar et leKoweït, l’Arabie saoudite, tant enmaths qu’en sciences. La France,quia participé en1995 à lapremiè-re édition de l’étude au niveau col-lège, s’est retirée depuis. Elle seclassait favorablement en mathsmais médiocrement en sciences.

« Facteur langagier »Comment expliquer de tels

résultats, qui recoupent de sur-croît les bons scores obtenus parles élèves asiatiques dans lesenquêtes PISA (Programme forInternational Student Assess-ment) menées auprès des élèvesde 15 ans dans 57 pays ? « Il n’estpas étonnant de retrouver en tête depalmarès les pays d’Asie », estimeRémi Brissiaud, maître de confé-rences en psychologie cognitive àl’université de Cergy-Pontoise(Val-d’Oise), pour qui ces systè-mes éducatifs doivent leur succèsnon pas à des raisons culturellesmais à la langue.

« En chinois, coréen ou japonais,on détache les dizaines en disantpar exemple dix et un, dix et deux. »Ce « facteur langagier » permetaux enfants de décomposer lesnombres et de compter ainsi plusvite mentalement. Commentexpliquer sinon que, selon les étu-des internationales, les enfantsjaponais de trois ans sont enretard par rapport aux anglopho-nes mais les dépassent largementà l’âge de sept ans ? En fin de CP,les enfants asiatiques disposentalorsd’uneannée etdemied’avan-ce en terme scolaire.

En terme de progression, c’estle Royaume-Uni qui réalise, avantHongkong, la plus belle perfor-mance en maths tant auprès desenfants de 10 ans que de ceux de14 ans entre 1995 et 2007. L’expli-cation serait cette fois à chercherdans la réforme des programmesde l’école primaire opérée aumilieu des années 1990, rénova-tion qui a fait la part belle aucalcul mental.En sciences, les éco-liers de Singapour affichent lesprogrès les plus remarquables. a

Brigitte Perucca

Planète

0

5

10

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20

2528

16

85

15

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1998

1998 2004 2008 1998 2005 2008

99 2000 01 02 03 04 05 06 07 08

930

3 132

141,3

44

Plus de12 000

0

30

60

90

120

16 5 au 10 novembre

25 août au 4 septembre

1er au 16 septembre

Paloma

Ike

Gustav

Cyclones : une saison 2008 très active dans une décennie exceptionnelleCINQ OURAGANS MAJEURS SE SONT FORMÉS DANS LE BASSIN ATLANTIQUE, DONT QUATRE ONT PROVOQUÉ DES DÉGÂTS

E t a t s - U n i s

MexiqueGolfe

du Mexique

Océan Atlantique

Cuba

République Dominicaine

HaïtiJamaïque

Sources : National Hurricane Center, NOAA

GustavIles Caïmans, République dominicaine, Haïti,Jamaïque, Cuba,Etats-Unis : Louisiane (Nouvelle-Orléans), Texas,Mississippi

IkeIles Turques-et-Caïques,Cuba, Haïti, Républiquedominicaine, Bahamas,Etats-Unis : Floride,Texas, Louisiane,Mississippi

PalomaCuba

OmarIles Vierges,Saint-Martin

Les zones touchées

Bertha3 au 20 juillet

13 au 18 octobre Omar

MORTS DIRECTS OU INDIRECTS DÉGÂTS MATÉRIELSestimation 2008, en milliards de dollars

TEMPÊTES TROPICALESOURAGANS MAJEURS

OURAGANS

en nombre

en nombre

0

1 000

2 000

3 000

PRÈS de 900 000 enfants demoins de 18 ans meurent chaqueannée du fait de traumatismesaccidentels, selon un rapport del’Organisationmondiale de la san-té(OMS)et de l’Unicefpublié mer-credi10 décembre.La moitié d’en-tre eux pourrait avoir la vie sauvegrâce à des mesures préventives.De plus, 10 millions d’enfants paran sont blessés par des traumatis-mes évitables.

« La mise en œuvre d’interven-

tions qui ont fait leurs preuves pourla prévention des traumatismes del’enfantpourrait sauver plus de mil-le vies d’enfants par jour » sur les2 270 décès quotidiens, écriventMargaret Chan, directeur généralde l’OMS, et Ann Veneman, direc-teur exécutif de l’Unicef.

Les traumatismes dus aux acci-dents de la circulation, les noya-des, les brûlures, les chutes et lesempoisonnements constituent lescinq principales causes d’acci-

dents chez les moins de 18 ans.L’Afrique connaît les taux les

plus élevés pour les accidents dela circulation et les empoisonne-ments. Les noyades sont les plusfréquentes dans la région du Paci-fique occidental. L’Asie du Sud-Est arrive en tête pour les brûlurescausées par le feu, tandis que larégion méditerranéenne orienta-le possède la fréquence la plusgrande de chutes.

Pour lutter contre ce fléau, lerapport préconise cinq mesuresclés, en plus des interventionsspé-cifiquement adaptées à chaquetype de traumatisme. Toutd’abord, la mise en place d’unelégislation et d’une réglementa-tion, cette politique devant bénéfi-cier d’un « financement adé-quat ». Viennentensuite lamodifi-cation de produits source d’acci-dents et celle de l’environnementexposant à un danger. Quatrièmemesure, l’éducation et le dévelop-pement des compétences, assortisd’un travail de sensibilisation.Enfin, ledéveloppement desstruc-tures pouvant apporter les pre-mierssoins etpermettre laréadap-tation est crucial. a

Paul Benkimoun

ÉDUCATION UNE ENQUÊTE SUR LES RÉSULTATS SCOLAIRES À 10 ANS ET 14 ANS

Les élèves asiatiques sont les meilleursen mathématiques et en sciences

POLLUTIONWashington publie la liste des« fugitifs environnementaux »les plus recherchésUne liste de fugitifs auteurs de cri-mes environnementaux vientd’être publiée par l’Agence pour laprotection de l’environnementaméricaine (EPA). Elle comprend,photos à l’appui, 23 personnes sus-pectes de pollutions qui se sontsoustraites à la loi et dont certai-nes ont fui à l’étranger et détailleles charges qui pèsent contre elles.

En 2008, les 185 inspecteurs del’EPA ont ouvert 319 instructionscriminelles. – (AP.)

URBANISMEMonaco stoppe son projetd’extension en merLa principauté de Monaco a déci-dé d’arrêter son projet de cap arti-ficiel d’une dizaine d’hectares,dont le coût était estimé entre 5et 10 milliards d’euros. « La criseinternationale nous oblige àdemander plus de garanties de

financement, plus de sécurité. Jeveux par ailleurs m’assurer que lesconséquences au niveau de l’envi-ronnement soient les plus minimespossibles », a affirmé le princeAlbert II. L’architecte américainDaniel Libeskind et son confrèrebritannique Norman Fosterétaient finalistes de la consulta-tion. « Les projets présentés nerépondaient pas tout à fait à nosespérances, pas tout à fait à notrecahier des charges », a encore pré-cisé Albert de Monaco. – (AFP.)

En direct du 123sur France Info

du lundi au vendredi à 22 h 47

la rédaction du Monde décrypte l'actualité

0123

TRAUMATISMES UN RAPPORT DE L’OMS ET DE L’UNICEF

Accidents : 1 000 décès d’enfants évitables par jour

Tempêtes dansl’Atlantique

0123Vendredi 12 décembre 2008 5

Page 6: Le Monde - 11/12/2008

PÉKIN

CORRESPONDANTLa République populaire de Chine a célé-bré,mercredi10 décembre, le60e anniver-saire de la Déclaration universelle desdroits de l’homme en emprisonnant l’unde ses plus célèbres dissidents. Liu Xiao-bo a été arrêté, lundi 8 décembre, dans lanuit, à son domicile et n’avait toujourspas été libéré jeudi. Son épouse Liu Xia araconté qu’une dizaine de policiers ontemmené son mari après avoir montré unmandat d’arrêt indiquant qu’il était accu-sé de « subversion d’Etat ».

Une telle accusation est particulière-ment grave en Chine et a valu, cette année,à un autre célèbre activiste des droits civi-ques,HuJia,d’êtrecondamnéà troisansetdemi de prison. M. Liu, 53 ans, avait déjàfait20moisdeprisonpoursaparticipationau mouvement de Tiananmen, en 1989.Un autre dissident et ami de Liu Xiaobao,Zhang Zuhua, a également été interrogé,lundi, pendant une douzaine d’heures surses activités avant d’être relâché.

Le régime a dirigé ses foudres contreces deux hommes, instigateurs de la« Charte 08 », signée par 300 intellec-tuels, dans laquelle ils dénoncent le man-

que de liberté en Chine. Ecrit en référenceà la célèbre « Charte 77 » des dissidentstchécoslovaques durant le régime proso-viétique au pouvoir à Prague, son équiva-lentchinois se demande,dansun longtex-te en trois parties, « où va la Chine auXXIe siècle : va-t-elle continuer àsemoderni-ser sous un régime autoritaire ou va-t-elleembrasser les valeurs humaines universel-les, se joindre au concert des nations civili-sées et édifier un système démocratique ? »

Maladie mentaleEn préambule à une liste de préconisa-

tions en 19 points, le texte indique : « Laréalité politique est que la Chine possèdebeaucoup de lois maisne vit pas sous le règnede la loi : elle a signé en 1998 deux conven-tions importantes à propos des droits del’homme, elle a amendé sa Constitution en2004poury inclure laphrase “plan d’actionnational sur lesdroitsde l’homme”:malheu-reusement, la plupart de ces avancées politi-ques n’ont pas dépassé le format du papiersur lequel elles ont été mentionnées. »

Par ailleurs, au Guizhou, dans le sud,deux autres activistes signataires de la« Charte », Chen Xi et Shen Youlian, ontétéappréhendés,mardi,pouravoirorgani-

sé une conférence sur les droits de l’hom-me à Guiyang, chef-lieu de la province.

Enfin, le quotidien Les Nouvelles dePékin a révélé que 18 personnes de la pro-vince du Shangong ont été détenues parlesautoritésdans des hôpitauxpsychiatri-ques de la ville de Xintai pour les empê-cher de venir à Pékin déposer leurs plain-tes au bureau des réclamations.

Sun Fawu, 57 ans, a ainsi raconté qu’ilavaiteul’intentiondeserendredanslacapi-tale pour protester contre l’hyper-exploita-tionminièredanssonvillage.Mais,enocto-bre, il s’est retrouvé à l’hôpital où, abrutipar des calmants, enfermé dans une cham-bre munie de barreaux, on l’a soigné pen-dant trois semaines pour maladie mentale.

Pour leur part, les autorités se sont féli-citées, en ce 60e anniversaire de la Décla-ration universelle, « des développementshistoriques de la Chine en matière de droitsde l’homme ». Selon Wang Cheng, direc-teur de l’information au Conseil d'Etat,« le statut des droits de l’homme en Chineest à son plus haut niveau dans l’histoire »,parce que « le peuple jouit de garantiessans précédent quant à son droit à la survieet au développement ». a

Bruno Philip

International

LA JUSTICE antiterroriste à Paris esttoujours saisie d’une enquête qui a misau jour des réseaux djihadistes s’éten-dant de l’Europe au Japon en passantpar le Pakistan et la Thaïlande.

Les investigations avaient étéconfiées, en 2003, au juge Jean-LouisBruguière, qui a depuis quitté l’instruc-tion. Elles devraient bientôt être closes.Cette enquête devait faire la lumière surles conditions dans lesquelles l’ancienbraqueur Lionel Dumont, du « gang deRoubaix », converti au djihadisme inter-national, a mené une cavale hors du com-mun : débutée en 1999, quand il s’évaded’une prison de Sarajevo, en Bosnie, jus-qu’à son arrestation en Allemagne, fin2003. Il purge actuellement en France

une peine de trente ans de réclusion cri-minelle, assortis d’une période de sûretéde vingt ans.

En 2004, le Japon, alerté par le jugefrançais sur l’existence de cellules dor-mantes d’Al-Qaida sur son territoire,arrête quatre Bangladais, un Malien etun Indien, soupçonnés d’avoir été encontact avec Lionel Dumont, qui a séjour-né dans l’archipel en 2002 et 2003.

Alors qu’il vit dans ce pays, il effectuedes allers-retours en Malaisie et en Indoné-sie où il aurait été en contact avec le réseauislamiste Jemaah Islamiyah, auteur desattentats meurtiers de Bali, fin 2002. « Lio-nel Dumont a utilisé des filières qui permet-tent de se mettre au vert ou de collecter desfonds, explique un membre de la direction

centrale du renseignement intérieur(CRI), mais l’organisation n’est pas pyrami-dale, tout se fait par liens noués à la faveurde rencontres ; pour Dumont, c’était en Bos-nie, pour d’autres c’est au Pakistan, etc. »

Relevés bancairesLionel Dumont s’était installé à Niiga-

ta, un port de la côte ouest du Japon, ausein de la communauté pakistanaise trèsprésente dans le commerce de voituresd’occasion. La justice française disposede relevés bancaires montrant que leFrançais effectuait de nombreux trans-ferts à l’étranger, à partir du quartierpakistanais de Niigata.

Des éléments attestent qu’il a bénéfi-cié de faux papiers faits en Thaïlande.

« Ce pays est la plaque tournante mondia-le de la fabrication de faux documentspour le terrorisme, comme pour le crimeorganisé », assure M. Bruguière. Prépa-rait-il des attentats contre le Japon pourAl-Qaida ou ne faisait-il que se cacher ?La justice souligne, sans répondre à laquestion, qu’il était en relation avec unislamiste algérien vétéran bosniaque,comme lui, et installé au Canada. « Néan-moins, estime M. Bruguière qui s’est enco-re rendu à Tokyo en 2006, la menacecontre le Japon est réelle, le prochain 11-Sep-tembre pourrait très bien s’y dérouler, c’estune cible vulnérable ; le big bang économi-que qui en résulterait en Asie seraitmajeur. » a

J. Fo.

CHINE CÉLÉBRATION DE LA DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME

Pékin arrête des dissidents et enferme les contestatairesdans les hôpitaux psychiatriques de province

Asie Découverte à Séoul d’un réseau d’approvisionnement de la production d’héroïne en Afghanistan

L’argent de la droguedes talibans passepar la Corée du Sud

ÉTATS-UNISBarack Obama poursuitla constitution de son équipeWASHINGTON. Le président élu BarackObama devait tenir, jeudi 11 décembre,une conférence de presse sur l’avenir dusystème de santé national avec l’ex-lea-der de la majorité démocrate au Sénat,Tom Daschle (61 ans), qui devrait êtredésigné secrétaire à la santé et aux servi-ces sociaux, a indiqué, mercredi, l’équipede transition de M. Obama.Le président élu aurait également choisiSteven Chu, prix Nobel de physique en1997, comme secrétaire à l’énergie, selonla presse américaine. M. Chu dirige lelaboratoire de recherche en électroniquede Bell et a été président du départementde physique de l’université de Stanforden Californie. – (AFP.)

INDEComparution de l’unique survivantdu commando terroriste de BombayBOMBAY. Ajmal Amir Kasab, l’unique sur-vivant du commando de dix assaillantsauteurs des attaques de Bombay (du 26au 29 novembre), devait comparaîtredevant un juge indien, jeudi 11 décembre,en vue du prolongement de sa détentionprovisoire. Ce Pakistanais devrait êtreinculpé de « guerre contre le pays, meur-tres, tentatives de meurtres et autres infrac-tions à la législation sur les armes et lesexplosifs ». Par ailleurs, le Comité des sanc-tions du Conseil de sécurité de l’ONU a

ajouté, mercredi, à sa liste des personnessanctionnées pour leur soutien au terroris-me quatre membres présumés du groupeislamiste cachemiri Lashkar-e-Taiba(LeT), accusé par l’Inde d’avoir perpétréces attaques.Muhammad Saeed, Zaki-ur-RehmanLakhvi, Haji Mohammed Ashraf et Mah-moud Mohammad Ahmed Bahaziq, fontnommément « l’objet de mesures de gel desavoirs, d’interdiction de voyager et d’embar-go sur les armes ». – (AFP.)

CORÉE DU NORDPyongyang fait de l’obstructionsur son programme nucléairePÉKIN. Les pourparlers des Six (les deuxCorées, Japon, Chine, Etats-Unis, Rus-sie) sur le programme nucléaire nord-coréen devaient s’achever, jeudi11 décembre, sans un accord de Pyong-yang sur le texte d’un protocole de vérifi-cation du démantèlement de ses installa-tions nucléaires. « Nous aimerions voirdes avancées sur le protocole de vérifica-tion, mais jusqu’à présent nous n’en avonspas », a déclaré jeudi à la presse le négo-ciateur américain, Christopher Hill.« Les Coréens du Nord ne veulent pas met-tre par écrit ce qu’ils disent. Nous ne pou-vons pas continuer le protocole de vérifica-tion sans document écrit », a-t-il ajouté.Mercredi soir, au troisième jour de cettesession de pourparlers, le négociateursud-coréen avait attribué le manque deprogrès à Pyongyang. – (AFP.)

Le drame, c’est que l’économie de la dro-gue en Afghanistan représenteaujourd’hui 3,5 milliards de dollars,

soit près de 40 % du PIB, en partie à causedes talibans. » Le constat fait par AntonioMaria Costa, directeur de l’Office desNations unies contre la drogue et le cri-me, est d’autant plus alarmant que cetargent du trafic sert au financement de laguerre et irrigue la galaxie islamiste.

L’ONU n’est pas la seule à s’inquiéter.A la mi-octobre à Budapest, l’OTAN aconvenude renforcer la lutte contre le tra-fic d’héroïne. Et dimanche 14 décembre,lors de la conférence de Paris sur l’Afgha-nistan, Kaboul « demandera une fois enco-re une coopération [internationale] contrele terrorisme et le trafic de drogue », aconfirmé, mardi 9 décembre, le ministreafghan de l’intérieur, Mohammad HanifAtmar, de passage à Bruxelles.

La mise au jour, au mois denovembre en Corée du Sud d’unréseau de financement lié auxtalibans afghans, impliquantdes Pakistanais et des Indiens,illustre la nécessité de cette coo-pération internationale. Cetteaffaire – considérée comme« rare et significative » par unmembre de la direction centraledu renseignement intérieur(DCRI), à Paris – a débuté enmars. Interpolalerte lapolicesud-coréennesur des achats sur son territoire de stocksd’anhydrideacétique(acideacétique).L’in-formationaétédonnéeparlesservicesanti-drogues américains opérant au Pakistan.

Les autorités pakistanaises ont saisi14 tonnes de cet acide au port de Karachi.L’enquête montre que la cargaison vient

de Séoulet devait servirà produirede l’hé-roïne à partir de pavots afghans.

Les enquêteurs sud-coréens de la bri-gade de la lutte contre les criminalitésinternationales, dirigée par KangIn-seok, retrouvent les acheteurs de l’aci-de. Ils arrêtent, en juillet, neuf personnesdont deux Pakistanais et un Afghanvivant depuis plusieurs années à Séoul.

La commande, estimée à plus de60 000 euros, devait être livrée en deuxchargements. Les enquêteurs tendent unpiège, sachant qu’un deuxième stock doitencore être convoyé de Séoul à Karachi.Début novembre, un commerçant pakis-tanais, M. Khali, et un associé indien sontappréhendés à Séoul au moment où ilsprennent livraison de l’acide.

Ilapparaîtvitequelepaiementaétéréa-lisé avec des espèces, en ayant recours à un

système de compensationconnu sous le nom de hawala.Ce procédé, basé sur la confian-ce, préserve les transferts defonds de toute traçabilité. Undépôt était effectué, à Karachi,chez un agent de change, sou-ventuncommerçant, lequeltélé-phonait à son correspondant àSéouloùlebénéficiaireduverse-ment y récupérait l’argent.

« Pour nous, ces pratiquessontnouvelles,a confiéauMonde

M. Kang. Le trafic de drogue n’est pas unemenace chez nous. » « Et, ajoute-t-il, nousétionspeufamiliarisésavec ces transferts illé-gaux. » Ces mouvements d’argent fontapparaître un deuxième volet de l’affaire.Endeuxans,eneffet,prèsde75millionsdedollars (57 millions d’euros) ont transitépar le biais de cette filière entre la Corée et

le Pakistan. « Des fonds versés par des gensquin’ontpas leniveaudevieet lesrevenusjus-tifiant de tels montants », détaille M. Kang.

Résultat, la police coréenne a émis140 mandats d’arrêt à l’encontre des per-sonnesayant soit versé ces fonds, soit jouéles intermédiaires. « Tous n’ont pas deliens directs avec les achats d’acide, précisele chef de l’enquête, le seul point commun,c’est qu’ils sont tous musulmans. » Avertis,les services pakistanais tentent actuelle-ment d’identifier les bénéficiaires de cesfonds, soupçonnant des groupes djihadis-tes basés au Pakistan d’en avoir profité.

Dans la première affaire, le lien entrel’acquisition des produits chimiques etles talibans afghans est apparu lors del’audition de M. Khali, le commerçantpakistanais arrêté en novembre. Agé de47 ans, détenteur d’un faux passeportafghan, il était déjà venu en Corée pour

vendre des vêtements et des chaussures.Sur procès-verbal, il déclare qu’il avait

conscience que ces produits étaient desti-nés à la production d’héroïne. « Il nous aconfirmés, souligne M. Kang, que c’étaitpour le compte d’un groupe taliban afghandu district de Shamoulzayi, à la frontièreavec le Pakistan [province de Zaboul, ausud-estdu pays]. »En revanche, sonasso-cié indien a nié en avoir eu connaissanceet que les clients étaient des talibans.

Selon les enquêteurs coréens, ce traficaurait duré « deux ans ». Un mouvementde 50 000 dollars a été identifié entre unmembre du groupe taliban et la Corée duSud. « Notre pays n’a jamais été très sensi-bilisé à la lutte contre le financement de l’is-lamismeradical », glisse-t-onà l’ambassa-de de Corée du Sud à Paris.

L’achat du pavot aux paysans afghans,sa transformation en héroïne dans des

laboratoires installés sur la frontièreentre l’Afghanistan et le Pakistan, puis sarevente constituent l’une des sources derevenus de l’insurrection talibane. Ils per-mettent d’acheter des armes, de corrom-pre, de payer les combattants ou de veniren aide à la population pour gagner labataille de la propagande face aux forcesinternationales en Afghanistan.

« Depuis qu’ils transforment l’héroïnesur place, leurs gains ont explosé, c’est ainsiqu’ils financent leur guerre », expliqueAntonio Maria Costa. « Ils agissent mêmesur les prix en jouant sur les stocks de pavotqui se comptent en milliers de tonnes et quisont cachés le long de la frontière avec lePakistan. » Grâce à la maîtrise de plu-sieurs étapes de la production de l’héroï-ne, les trafiquants islamistes gagnentplus de 18 000 euros par kilo.a

Jacques Follorou

La justice française sur la trace des filières djihadistes entre Europe et Asie

« Pour nous,ces pratiques sontnouvelles. (…)Nous étions peufamiliarisés avecces transfertsillégaux »

Kang In-seok,enquêteur sud-coréen

L’OPIUM EN AFGHANISTAN

157 000 hectares de terres étaientconsacrés, en 2008, à la culturedu pavot, contre 8 000 en 2001.7 700 tonnes d’opium ont été produi-tes en 2008 en Afghanistan. La produc-tion était de 200 tonnes en 2001.Les paysans : ils cultivent l’opiumà 92 %, pour lutter contre la pauvreté ;66 %, à cause de son prix élevé ; 50 %,car il offre la possibilité de crédit ; 21 %,pour leur consommation personnelleet 8 %, à cause d’une demande externe.Ils refusent de le cultiver : à 91 %,parce que c’est contre l’islam ; 68 %,contre la loi ; 46 %, une interdiction desanciens ; 38 %, par respect du gouver-nement ; 15 %, à cause du climat ;1 %, par peur de l’éradication. (Officecontre la drogue et le crime, ONU.)

La police coréenne exhibe les bidons d’acide acétique destinés à la production d’héroïne en Afghanistan, saisis en juillet. YONHAP, BAE JAE-MA/AP

6 0123Vendredi 12 décembre 2008

Page 7: Le Monde - 11/12/2008

Les agents de la société privéede sécurité sont poursuivis parla justice américaine pour avoir,en septembre 2007, tué en pleinmidi au centre de Bagdaddix-sept civils désarmés

Des mercenaires de Blackwaterinculpés pour des meurtres en Irak

International

APRÈS AVOIR longtemps plaidépour la levée de l’embargo sur lesexportations d’armes frappant laChine, la France a pris laconique-ment acte, mercredi 10 décembre,de l’adoption sans débat, lundi,par les ministres européens desaffaires étrangères, d’une « posi-tion commune qui définit des règlesunifiées sur le contrôle des exporta-tions de technologie et d’équipe-ments militaires, rassemblées dansle Code de conduite de l’Union euro-péenne en matière d’armement ».Paris, a indiqué le Quai d’Orsay,« se réjouit particulièrementde cetteavancée importante » qui encadrepourtant les ventes d’armes demanière très stricte.

La discrétion qui a entourél’adoption de cette « position com-mune » tranche nettement avecl’effervescence diplomatique quiavait accompagné les efforts com-munautaires, en mars-avril 2005,pour faire adopter un code deconduite censé servir de garde-fou aux exportations d’arme-ments susceptibles de profiter àdes pays peu regardants sur lesdroits de l’homme.

A l’époque, la France avait defacto pris ce vote « en otage », enconditionnant son approbation àla levée de l’embargo sur les expor-tations d’armes létales (mortel-les) frappant la Chine, imposé parl’Union européenne (UE) à la sui-te de la répression du « printempsde Pékin » de 1989. Paris avaitpris la tête des pays considérantcette mesure comme un carcanvexatoire et anachronique enversle pays le plus peuplé du monde.

Cette question avait alors prisde l’ampleur, lesEtats-Unismena-çant l’Europe de rétorsions com-merciales en cas de levée de l’em-bargo. La Grande-Bretagnes’était inquiétée des conséquen-ces des représailles américaines etla France s’était retrouvée peu ouprou seule. Pendant plus de troisans et demi, ce statu quo a perdu-ré : le code de conduite est resté ensommeil, de même que la levée del’embargo imposé à Pékin.

Isolé, Paris s’est finalement ral-lié à la position européenne majo-

ritaire. En échange d’une discrète« ouverture ». Une « déclara-tion » a en effet été annexée auxconclusions du conseil du8décembre, qui rappelle les lignesdirectrices de décembre 2003concernant « la mise en œuvre etl’évaluation des mesures restricti-ves » frappant certains pays.

Sanctions frappant la ChineCette disposition permet le

réexamen périodique des mesuresde sanctions frappant, en l’occur-rence, la Chine. Il est peu probableque cette disposition suffise à cal-mer la colère de Pékin vis-à-vis delaFrance, suscitéepar la rencontrede Nicolas Sarkozy avec le dalaï-lama, le 6 décembre à Gdansk, etqui s’était déjà manifestée avec lereport du sommet Chine-UE.

Ce long imbroglio diplomati-que n’avait en réalité pas de rai-son d’être : la « position commu-ne » que viennent d’adopter lesVingt-Sept signifie que l’Unionsedote d’un instrument juridique-ment contraignant en matière detransfert d’armes, nettement plusexigeant que le code de conduitevolontaire de 1998. Désormais, lerespect de huit critères est impo-sé pour autoriser les exportationsde technologies et d’équipementsmilitaires.

Parmi ceux-ci, « le respect desdroits de l’homme dans le pays dedestination finale et le respect dudroit humanitaire internationalpar ce pays ». La « répression inter-ne » est particulièrement visée. Etpour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté,la définition suivante est préci-sée : « La répression interne com-prend, entre autres, la torture etautres traitements ou châtimentscruels, inhumains et dégradants,les exécutions sommaires ou arbi-traires, les disparitions, les déten-tions arbitraires et les autres viola-tions graves des droits de l’hommeet des libertés fondamentales (…). »

Si ce texte est appliqué à la let-tre, que l’embargo soit ou nonlevé, laChine ne devrait guère pro-fiter des exportations d’arme-ments de l’UE. a

Laurent Zecchini

Exemple : Facture annuellede chauffage et d’eau chaudepour une maison de 110 m2,hors énergies renouvelables

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(1) Toutes énergies de chauffage confondues, hors énergies renouvelables, sur la base d’un environnement et d’une utilisation équivalents, selon les tarifsen € TTC au 30 novembre 2008 (tarif réglementé B1 pour le gaz naturel, tarif réglementé heures pleines / heures creuses à 12 kVA pour l’électricité, pourune livraison en vrac inférieure à 2 tonnes pour le propane et pour une livraison supérieure à 2 000 litres pour le fioul domestique). Facture calculée pour unemaison individuelle de 110 m2, construite sur 2 niveaux entre 1989 et 2001 en Seine-et-Marne (77), fonctionnant avec une chaudière à condensation pour lepropane et le gaz naturel, une chaudière basse température dont le rendement a été augmenté de 5 % pour le fioul, des panneaux rayonnants pour l’électricité.Facture incluant la consommation énergétique et l’abonnement correspondant (coût de maintenance, livraison et stockage non inclus). Source pour le calculdes besoins énergétiques : Outil de calcul réglementaire 3CL (Calcul Conventionnel des Consommations des Logements pour le Diagnostic de PerformanceÉnergétique). Source pour les tarifs unitaires des énergies et des abonnements : Base de données Pégase (Direction Générale de l’Énergie et des MatièresPremières - Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire).

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De faux talibans arrêtés devantle siège de l’OTAN à Bruxelles

Trois hommes habillés comme destalibans et poussant un véhiculemilitaire découvert sur le boulevard

Léopold-III, en face de l’entrée du siègede l’OTAN à Bruxelles : il n’en fallait pasplus pour plonger dans un profond émoiles services de sécurité de l’Alliance atlan-tique. D’autant que les trois hommes por-taient des drapeaux, des kalachnikovs etun lance-roquettes, le tout au cœur d’unezone ultrasécurisée de la capitale belge.

La police bruxelloise, rapidement mobi-lisée étant donné la position du groupe« terroriste » – à quelques encablures del’aéroport de Bruxelles et d’une base del’armée belge –, s’est rapidement aperçuequ’elle avait affaire aux acteurs d’une cam-pagne de prévention néerlandaise, visantà mettre en garde contre l’utilisation dematériels destinés aux… feux d’artifice.

L’affaire s’est déroulée il y a un moisenviron et a été révélée mercredi10 décembre. Selon Diederik Hillenius,directeur de l’agence néerlandaise depublicité Selmore, la jeep des faux tali-bans, tombée en panne d’essence à untrès mauvais endroit, était suivie par unautocar transportant une trentaine decollaborateurs et de figurants, mobiliséspar l’organisation Consommateur etSécurité. Et les pseudo-terroristes, mem-bres d’une farfelue Armée de libération

flamande contre la liberté, étaient venuss’approvisionner en pétards, fusées éclai-rantes et fumigènes dans un pays moinssoucieux que les Pays-Bas du danger detels articles.

La première patrouille de police parve-nue sur place se serait, selon les témoinsde la scène, volontiers limitée à contrôlerl’identité des participants à ce cortègeinattendu. Et les policiers auraientmême bien ri, si la rapide mobilisationdes divers services de l’OTAN et de lasécurité militaire ne les avait obligés àappliquer des mesures strictes. D’où l’in-carcération de la trentaine de Néerlan-dais pendant plusieurs heures et uncontrôle pointu de l’identité de chacun.

Un brin inconscient mais quand mêmeimpressionné par le message lancé pardes gardes – « Idiots, nous aurions pu vousabattre » –, le responsable de l’agence depub a tenté d’ironiser : « Pour une fois, lasécurité de l’OTAN a été testée… »

Du côté de l’Alliance, on confirme l’inci-dent, tout en mettant en cause la thèse dela panne avancée par Selmore. Elle auraitété inventée a posteriori pour atténuerl’effet de l’apparition de « talibans » faceau quartier général d’une organisationtrès engagée… en Afghanistan. a

Jean-Pierre Stroobants(Bruxelles, correspondant)

Quinze mois après qu’ils ont tué17 civils irakiens désarmés et enaient blessé 20 autres, le 16 septem-

bre 2007, dans le centre de Bagdad, cinqagents de sécurité, employés par la socié-té privée Blackwater, ont été inculpés le8 décembre par la justice américainepour homicide volontaire, tentative d’ho-micide et usage illégal d’une mitrailleusecontre des civils. Ils se trouvaient dans leconvoi blindé transportant 19 agentsarmés partis « secourir », en violation desordres de l’armée qui avait interdit la cir-culation ce jour-là, des collègues préten-dument attaqués. Un sixième agent, Jere-my P. Ridgeway, a décidé de « coopérer ».Il est inculpé de tentative de meurtre.

Les six hommes, âgés de 24 à 29 ans,sont d’anciens militaires attirés par leshauts salaires payés en Irak par Blackwa-ter, l’une des plus puissantes entreprises

du secteur, aujourd’hui encore en contratavec le département d’Etat.

S’en tenant à la version des inculpésqui maintiennent avoir essuyé des tirsavant d’ouvrir eux-mêmes le feu (y com-pris au lance-grenades), en plein midisur une place très fréquentée du centre-ville, la défense a annoncé qu’elle plaide-rait la légitime défense. Une longueenquête menée sur place par des agentsdu FBI n’a trouvé aucune trace de « tirsennemis » préalables.

Fin de l’immunitéD’après l’investigation, le premier civil

irakien à mourir fut un jeune étudiant enmédecine, accompagné de sa mère méde-cin. Le jeune homme n’avait pas comprisqu’un des blindés, pris dans un embou-teillage, avait entrepris de bloquer la cir-culationpour ménager par la force unpas-sage aux autres véhicules du convoi.

Selon Jeremy Ridgeway, « plusieurscentaines de balles » ont été tirées sur sonvéhicule. Le convoi entreprit alors deremonter le flot des voitures en sensinverse – les mercenaires étrangers, lessoldats américains et des convois de per-sonnalités à Bagdad le font souvent, lesagents ouvrant le feu tous azimuts, tuant

et blessant d’autres automobilistes etdes piétons.

Cette affaire, qui n’est pas, et de loin, lapremièredu genrepuisque l’arméeaméri-caine, aussi bien que les autres institu-tions américaines présentes en Irakdepuis l’invasion d’avril 2003, emploientdes milliers de civils étrangers, sonne enquelque sorte le glas de l’immunité accor-dée jusqu’ici à ces mercenaires.

Cette immunité, qui reste valide pourles 146 000 soldats américains, procédaitd’un décret du premier « proconsul »américain à Bagdad, Paul Bremer. Au ter-me du traité de sécurité conclu en novem-bre entre l’Irak et les Etats-Unis, les163 000 « agents privés » actuellementemployés par les Américains (ils étaient230 000 en 2006) seront soumis aux loisirakiennes dès le 1er janvier 2009.

Aujourd’hui, environ 50 % de cesagents sont irakiens, 17 % américains, lesautres britanniques, sud-africains, népa-lais, indiens, sri lankais, sud-américains,etc. Entre 30 000 et 35 000 d’entre eux –moitié moins qu’il y a deux ans – sontaffectés à la sécurité des bases, des bâti-ments et des personnalités américaines,diplomates et militaires de haut rang. a

Patrice Claude

DIPLOMATIE LES DICTATURES VISÉES

L’UE se dote d’un code de bonneconduite sur ses ventes d’armes

IRAKLe retrait britannique devraitcommencer en marsLONDRES. Le Royaume-Uni pour-rait entamer le retrait de ses trou-pes d’Irak en mars en raison del’amélioration de la sécurité dansce pays, a-t-on appris, mercredi10 décembre, au ministère britan-nique de la défense. Ce retrait

pourrait, selon le ministère, êtreachevé en juin, six ans après l’en-voi par le premier ministre del’époque, Tony Blair, de 45 000hommes pour appuyer les troupesaméricaines chargées de renver-ser le régime de Saddam Hussein.Un désengagement d’Irak permet-trait de redéployer à terme destroupes en Afghanistan. – (AFP.)

0123Vendredi 12 décembre 2008 7

Page 8: Le Monde - 11/12/2008

Le 28 décembre, un second tourdevrait départager NanaAkufo-Addo, le candidat du NewPatriotic Party (NPP), et sonrival, John Atta-Mills, du NationalDemocratic Congress (NDC)

RIO DE JANEIRO

CORRESPONDANTLe nationalisme économique mis enœuvre dans plusieurs pays latino-améri-cains, dirigés par des gouvernements degauche, porte atteinte à certains intérêtsdu Brésil. Il est une source de frictionsentre le géant du sous-continent et plu-sieurs de ses voisins, dont le virage à gau-che avait été bien accueilli à Brasilia.

Le conflit le plus « chaud » oppose encemoment le Brésil et l’Equateur. Ila écla-té en octobre, lorsque le président équato-rien, Rafael Correa, a annoncé l’expul-sion du géant de la construction Ode-brecht, après avoir résilié l’ensemble deses contrats et saisi tous ses biens.

Premier groupe de BTP brésilien, véri-table multinationale, ce conglomératavait investi quelque 500 millions de dol-lars en Equateur, où il était chargé de cinqprojets dans le domaine de l’énergie etdes transports.

Cette affaire a pour origine la mise horsservice en juin, à la suite d’une panne deturbine, de l’usine hydroélectrique SanFrancisco, construite par Odebrecht dansle centre de l’Equateur, et inaugurée en2007. M. Correa accuse la multinationalede malfaçon.

Odebrecht rétorque qu’elle a suivi scru-puleusement les plans que le pays hôte luia demandé d’exécuter. Le constructeuravait accepté d’endosser le coût des répa-rations, d’assurer le bon fonctionnementfutur de l’usine et d’effectuer un dépôt degarantie en attendant que le différendsoit tranché judiciairement.

Ces propositions n’ont passuffi. La querelle s’est enveni-mée le 20 novembre, lorsquel’Equateur a suspendu le paie-ment d’une dette de 243 mil-lions de dollars contractée,pour la construction de l’usine,envers la Banque de développe-ment économique et social(BNDES).Cet établissementpublic brési-lien est le plus gros prêteur d’Amériquedu Sud. Quito a engagé une action devantla Courd’arbitrage de la Chambre de com-merce internationale, qui a son siège àParis.

Audébut de l’affaire, le président brési-lien, Luiz Inacio Lula da Silva, avait réagien douceur, en mettant l’agressivité deson homologue équatorien sur le comptede la surenchère électorale ayant précédél’adoption,par référendum, d’une nouvel-le Constitution, le 30 septembre. L’épiso-de de la dette l’a obligé à riposter. Le Bré-sil a rappelé son ambassadeur pour desconsultations, qui risquent de durer, endéplorant de ne pas avoir été informé desintentions de Quito. Il a gelé les discus-sions sur les projets bilatéraux à l’étude.

L’activisme de l’Equateur s’inscritdans une politique plus large de remiseen cause de ses engagements. Le prési-dent Correa a annoncé son intention dene pas payer la dette bancaire internatio-nale de son pays – 3,8 milliards de dollars– qu’il a qualifiée d’« illégitime » et de« corrompue », car entachée d’irrégulari-

tés, selon un rapport d’audit commandépar le gouvernement équatorien, en2007.

LeconflitEquateur-Brésil a une dimen-sion régionale. Rafael Correa, au pouvoirdepuis janvier 2007, et son homologuebolivien Evo Morales, en fonction depuisjanvier 2006, se réclament d’un « socialis-me du XXIe siècle » qui a pour champion leprésident vénézuélien, Hugo Chavez. Finnovembre, lors d’une réunion à Caracas,six dirigeants de gauche sud-américainsont appuyé le refus de paiement parl’Equateur de sa dette « criminelle ».

Cette radicalisationéconomique a trou-vé un écho dans le petit Paraguay, dont lenouveau président, l’ancien évêque Fer-nando Lugo, avait, avant d’être élu enavril, brandi comme thème de campagne

la reconquête de la « souverai-neté énergétique », aux dépensde l’Argentine mais surtout duBrésil.

M. Lugo exige une renégo-ciation des tarifs de l’électricitéproduitepar le barrage binatio-nal d’Itaipu, qui fournit au Bré-sil, à un taux préférentiel, 20 %

de sa consommation. Le président Lulaseditprêt àdiscuter, mais refusede remet-tre en cause le traité qui lie les deux pays,avant son expiration, en 2013. M. Lugo aévoqué, lui aussi, une éventuelle suspen-sion du remboursement de sa dette,notamment envers la BNDES.

Le Brésil a manifesté, quant à lui, lamême ténacité dans ses négociationsavec la Bolivie, qui lui procure 50 % de sesbesoins en gaz. Ces discordes entre deschefs d’Etat de gauche et un homme, leprésident Lula, qui en est issu, même s’ilgouverne au centre gauche, témoignentsurtout du déséquilibre de puissanceentre le Brésil, pays continent, et ses voi-sins.

Sur la scène mondiale, le Brésil pré-tend, sans le dire, parler au nom de l’Amé-rique du Sud, dont il prône l’intégrationrégionale. Mais, dans son pré carré, ildéfend fermement ses intérêts nationauxlorsqu’ils sont menacés. Certains de sespartenaires voient dans cette dualité, àtort ou à raison, le signe d’une tentationhégémonique. a

Jean-Pierre Langellier

La démocratie ghanéenne à l’épreuved’une présidentielle très disputée

International

HARARE (Zimbabwe)

ENVOYÉ SPÉCIALUn policier pour trois avocats. Mercredi10 décembre, Journée internationale desdroits de l’homme, plus d’une dizaine demembres des forces de l’ordre encadrait àpied et en voiture une manifestation detrente avocats dans les rues de la capitaleHarare. Après une heure de marche, cesreprésentantsde l’association des avocatszimbabwéens pour les droits de l’homme(ZLHR) ont déposé au Parlement et à laCour suprême une pétition exigeant dugouvernement qu’il mette fin aux viola-tions des droits de l’homme.

Depuis un mois, une vingtaine d’oppo-santsaurégime de RobertMugabe ontétéenlevés. Le Zimbabwe n’avait pas connupareille répression depuis l’entre-deuxtours de l’élection présidentielle, au prin-temps, qui avait fait 180 morts, d’aprèsAmnesty International. Mercredi3 décembre, à cinq heures du matin, unequinzaine d’inconnus ont fait irruptionau domicile de Jestina Mukoko, selonZLHR.Sous les yeux deson fils, lamilitan-te zimbabwéenne des droits de l’homme

etdirectrice de l’association Projetde paixauZimbabwe(ZPP)a étéemmenéedefor-ce, en chemise de nuit et sans avoir le droitd’emporter avec elle ses médicaments.Personne ne sait depuis si elle est encorevivante.Lescénarios’est répétépourquin-zemembresdu partid’opposition, leMou-vement démocratique pour le change-ment (MDC), dont un bébé de 2 ans, ainsique pour deux autres militants du ZPP.

« Etats voyous »En dépit des dénégations de la police, il

ne fait aucun doute pour les défenseursdes droits civiques que le régime se trou-ve derrière ces enlèvements. JestinaMukoko travaillait avec son équipe à ras-sembler des preuves des exactions com-mises lors de la campagne présidentielle.Pour le directeur de l’association desdroits de l’homme au Zimbabwe (ZimRights), Okay Machisa, « sa disparitionest le fait de personnes qui craignent d’êtreun jour jugées pour leurs crimes ».

Sur le plan politique, le porte-parole duMDC, Luke Tamborinyoka, voit dans lesrécentes disparitions de ses membres

« une manière d’affaiblir les structures duparti en vue d’élections anticipées ». Unehypothèse que réfute le professeur desciences politiques à Harare, JohnMakumbe, qui ne croit pas à l’annonce denouvelles élections. « C’est plutôt unefaçon pour le pouvoir de montrer au MDCqu’il tient encore les rênes du pays », analy-se-t-il. « Cela traduit aussi la colère deRobert Mugabe et de son parti, la Zanu-PF,qui ne supportent pas que le MDC persistedans son refus d’appliquer l’accord de par-tage du pouvoir qui reste, pour le moment,favorable au gouvernement en place ».

Emprisonnée une trentaine de fois ensix ans, la militante Jennifer Williams,présidente de Debout les femmes du Zim-babwe (WOZA), rapproche les méthodesdu régime de « celles utilisées par d’autresEtats voyous comme la Chine, la Russie, ouencore l’Afrique du Sud sous l’apartheid ».Dans son bureau, Okay Machisa (ZimRights) compare son travail à une guerrepour les droits de ses compatriotes. Cegrand gaillard sait qu’il peut en être unevictime. « Demain, vous me retrouverezpeut-être mort. » a – (Intérim.)

AMÉRIQUE LATINE DISCORDES ENTRE CHEFS D’ÉTAT

Puissance régionale, le Brésil est enbutte au nationalisme de ses voisins

Le Brésil défendfermementses intérêtsnationauxlorsqu’ilssont menacés

Certainesvictoires électorales africai-nes sont si éclatantes ou si inatten-dues qu’elles ont le goût amer de la

fraude. Le faible écart qui sépare les deuxprincipaux protagonistes de la présiden-tielleau Ghana apparaîtau contrairecom-me un nouveau gage de l’exceptionnellesanté démocratique de cette anciennecolonie britannique située entre la Côted’Ivoire et le Togo.

Selon les résultats renduspublics, mer-credi 10 décembre, par la Commissionélectorale nationale, trois jours après lescrutin, Nana Akufo-Addo, le candidatdu New Patriotic Party (NPP), parti duprésident sortant John Kufuor, a obtenu49,13 % des suffrages contre 47,92 % àson rival, John Atta-Mills, du NationalDemocratic Congress (NDC). Un secondtour, organisé le 28 décembre, sera doncnécessaire pour les départager.

Les deux candidats, séparés par quel-que 100 000 voix, sur 8,5 millions de suf-frages exprimés, ont chacun affiché sur lechamp leur assurance de l’emporter fina-lement.« Je pense que nous avonsdonné aumonde l’exemple qu’il y a d’autres pays,d’autres exemples que le Kenya et le Zimba-bwe », s’est félicité M. Akufo-Addo.

Les patrouilles et barrages policiersont été renforcés et l’annonce des résul-tats n’a pas généré de troubles. La policeet l’armée ont annoncé le renforcementde leur présence dans tout le pays, appe-lant la population à « ne pas se sentir inti-midée » parce que ces opérations sont« dans son intérêt ».

Serrés, les résultats du scrutin dedimanche, laissent leurs chances à cha-cun des deux camps qui se partagentle pays selon un clivage surtout politiquemais dont les arrière-pensées ethniquesne sont pas absentes. Nana Akufo-Addo,un avocat de 64 ans, est un partisan de lapoursuite de la politique de libéralismeéconomique qui assure 6 % de croissanceau pays, mais qui a creusé les inégalités.

Jeune démocratieSonadversaire John Atta-Mills, un spé-

cialiste de droit fiscal de 64 ans égale-ment, ancien vice-président du populisteJerry Rawlings au pouvoir entre 1981 et2000, se veut le défenseur des oubliés dela croissance et dénonce la montée de lacorruption. La prééminence économiqueet lesprivilèges dont bénéficierait le grou-pe ethnique des Ashantis, auquel appar-tient M. Akufo-Addo, alimentent aussileur rivalité.

Le résultat final dépend du report desvoix (1,3 %) d’un troisième « petit » can-didat, Papa Kwesi Nduom, lointain héri-tier de Kwame Nkrumah, héros de l’indé-pendance et du panafricanisme. Pèseraégalement l’évolution du nombre de bul-letins nuls, très élevé au premier tour

(2,4 %), comme souvent dans les pays àfort taux d’illettrés.

Mais l’incertitude sur l’issue de la prési-dentielle risque de susciter des tensionsd’autantplusfortesqu’elles’étendauxélec-tions législatives organisées le même jour.Selon les résultats encore non officiels decesecondscrutin, l’oppositionNDCdevan-cerait la majorité sortante sans pourautant disposer d’une majorité absolue.

Pareillesituation,quisupposeunparta-ge du pouvoir, semble propice à l’instabili-té,quelquesoit levainqueurdelaprésiden-tielle. La Constitution du Ghana, qui neconnaîtpasdepremierministre, renddiffi-cile une « cohabitation ». Le passé de vio-lence, assez lointain, mais aussi l’enjeufinancier crucial de l’exploitation pétroliè-re, prévue pour démarrer en 2010, ne plai-dent pas non plus en faveur de l’apaise-ment. Conscient de cette situation inédite,M. Akufo Addo, s’est immédiatement poséen rassembleur : « En tant que président,a-t-il dit, je serai bien placé pour œuvrerconsciencieusement avec les deux camps à lapoursuite du développement de notre pays. »

Aprèsavoir réussiunealternancepacifi-que en 2000 et élu deux présidents respec-tant la fin de leur mandat, la jeune démo-cratie ghanéenne s’engage dans une nou-velle épreuve. Depuis dimanche, le paysavait retenu son souffle, rivé aux postes deradio et aux téléviseurs égrenant les résul-tats.Trèsfiersde leurexemplarité, lesGha-néensontdésormais laresponsabilitéd’ar-bitrer pacifiquement un duel qui s’annon-ce sans merci. a

Philippe Bernard

SÉNÉGAL-FRANCEAide financière massive de la Francepour un Sénégal en difficultéDAKAR. La France va accorder au Séné-gal, qui connaît de graves difficultés, unprêt exceptionnel de 125 millionsd’euros, équivalant au montant de l’aidepublique au développement versé, en2007, par Paris à Dakar. Cette sommesera utilisée pour payer des arriérés dusau secteur privé.Si les autorités sénégalaises ont salué ce« geste d’amitié », le Parti socialiste(opposition) a qualifié cette aide massivede « honte pour le Sénégal » dont l’écono-mie est, selon lui, « asphyxiée par une ges-tion “gabegique” ». – (AFP.)

CONGO-KINSHASABlocage des négociations avecles rebelles de Laurent NkundaNAIROBI. Les pourparlers entre le gouver-nement de la République démocratiquedu Congo (RDC) et la rébellion de Lau-rent Nkunda étaient « bloqués », mercre-di 10 novembre à Nairobi, a déclaré lemédiateur dans la crise, l’ex-présidentnigérian Olusegun Obasanjo. Ce derniera mis en cause l’exigence, par la rébel-lion, de discussions englobant l’ensem-ble de la situation du pays, et pas seule-ment le conflit qui secoue une partie del’est de la RDC, ainsi que l’absence d’unmandat clair. – (AFP.)

SOMALIEUn leader islamiste chassé en 2006rentre à MogadiscioMOGADISCIO. Cheikh Cherif Ahmed, unleader islamiste somalien qui avait dûfuir Mogadiscio lors de la déroute durégime des Tribunaux islamiques, endécembre 2006, vient de rentrer. Il y aété accueilli par des représentants dugouvernement. Son retour fait suite à unaccord qui prévoit le retrait des troupeséthiopiennes qui avaient chassé les isla-mistes à la fin de 2006. L’envoyé desNations unies en Somalie a qualifié l’évé-nement de « bon pas en avant » dans leprocessus de paix. – (BBC.)

CUBAInterpellations à La Havane avantla Journée des droits de l’hommeLA HAVANE. Au moins 32 opposants ontété interpellés depuis le mardi 9 décem-bre pour éviter leur participation auxcélébrations du 60e anniversaire de laDéclaration universelle des droits del’homme, le 10 décembre. Ces interpella-tions ont empêché la manifestationconvoquée devant le siège de l’Unesco àLa Havane par le dissident Darsi Ferrer,dont on ignore la situation. Cependant,32 épouses de prisonniers pacifiques, les« Dames en blanc », ont défilé, mercre-di, dans le centre de la capitale, sans inci-dents. – (EFE, AFP.)

DROITS DE L’HOMME VIOLATIONS

Au Zimbabwe, une vingtaine d’opposants au régimedu président Robert Mugabe ont été enlevés en un mois

San Francisco(centrale hydroélectrique)

B R É S I L

ÉQUATEUR

PARAGUAY

BOLIVIE

VENEZUELA

Barrage Itaipu

OcéanAtlantique

OcéanPacifique

Brasilia

Quito

Caracas

Les habitants observent dans le calme le dépouillement des bulletins par les agents responsables des bureaux de votede Jamestown, dans la circonscription Odododiodoo située dans l’agglomération d’Accra, la capitale du Ghana. REBECCA BLACKWELL/AP

8 0123Vendredi 12 décembre 2008

Page 9: Le Monde - 11/12/2008

BRUXELLES

BUREAU EUROPÉEN

De l’art de contourner l’Allemagnepour mieux la rallier au projet de laprésidence française de l’Union. La

préparation du Conseil européen, qui sedéroule jeudi 11 et vendredi 12 décembre àBruxelles,donneuneidéedujeudiplomati-que déployé par Nicolas Sarkozy pour ten-ter de forcer la main d’Angela Merkel surles deux sujets chauds du Sommet – lepaquet climat et la lutte contre la récession– alors que les deux rivaux n’ont cessé decroiser le fer ces six derniers mois.

Le 6 décembre, à Gdansk, le présidentde la République français a rencontré neufchefs d’Etat et de gouvernement de la nou-velle Europe, qu’il n’a cessé de courtiserdepuis son arrivée au pouvoir, afin de les

rallier au paquet climat-énergie. La visiteavait aussi pour but de mettre la pressionsur Berlin, qui renâcle à financer les effortsde solidarité demandés par les plus pau-vresde l’Union.Le8décembre,c’estàLon-dres que M. Sarkozy s’est rendu pourconforter l’alliance forgée depuis l’été avecGordon Brown sur la gestion de la crisefinancière et la lutte contre la récession. Enoctobre, le binôme franco-britannique estparvenuàconvaincre l’Allemagnedevoler,contre son intention initiale, au secoursdes banques.

InquiétudesDepuis,LondresetParis font frontcom-

mun pour la mise sur pied d’un plan derelance que Berlin entend limiter au maxi-mum, en dépit de ses marges de manœu-

vre budgétaire. Lundi, M. Brown etM. Sarkozy, réunis en présence du prési-dentdelaCommission,JoséManuelBarro-so, se sont défendus de vouloir isolerMme Merkel, mais la rencontre l’a mise endifficulté à domicile.

Avant même la présidence française, lachancelièreavaitmistoutsonpoidsdans labalance afin de recadrer le projet d’Unionpour la Méditerranée cher au présidentfrançais.Maisc’estdavantage lagestiondela crise financière, et non les grands sujetsdiplomatiques – comme les relations avecla Russie, après la crise géorgienne, lesEtats-Unis et la Chine – qui a entraîné leplus de tensions.

Mme Merkels’estplaintedelamultiplica-tiondesréunionsorchestréesparM.Sarko-zy.Elles’estopposéeà latenuedesommets

plusfréquentsdeschefsd’Etatetdegouver-nement de la zone euro, méfiante face auxvelléités de gouvernement économiquedes Français. La pression mise sur l’Euro-groupe a d’ailleurs fait une victime collaté-rale : Jean-Claude Juncker. Le premierministre du Luxembourg, président del’Eurogroupe, a souvent joué les intermé-diaires entre Paris et Berlin. Mais ses rela-tions avec M. Sarkozy se sont fortementdégradées.

L’étatdutandemfranco-allemandsusci-tedes inquiétudes.« Lestiraillements inces-sants entre Paris et Berlin ne facilitent pas latâche de la Commission », dit-on dans l’en-tourage de José Manuel Barroso, où l’on sesouvient de la bonne entente entre Fran-çois Mitterrand et Helmut Kohl, au tempsde l’équipe Delors. Une complicité qui

avait alors permis à la Commission dejouer son double rôle d’initiative, et de gar-diennedestraités.« LavolontédeM.Sarko-zydecourt-circuiter lesméthodescommunau-tairesest troublante », indiqueunresponsa-ble d’un petit pays membre.

Le chef de l’Etat se targue au contraired’avoir brisé « l’immobilisme » del’Union. Et ses résultats sont, il est vrai,salués un peu partout en Europe. « LaréactivitédeM.Sarkozyva influencer les tra-vaux sur la définition du poste de présidentstable de l’Union, en cas d’entrée en vigueurdu traité de Lisbonne », dit un diplomate :« Les Français ont toujours plaidé pour uneprésidence forte, contre la volonté initialedes Allemands, et ont prouvé que cela peutfonctionner. » a

Philippe Ricard

BRUXELLES

BUREAU EUROPÉEN« Un test de crédibilité pour l’Europe » :brossant l’enjeu du Sommet européen,qui s’ouvrait jeudi 11 décembre dans uneambiance tendue, le président de la Com-mission européenne, José Manuel Barro-so, a estimé mercredi, lors de la remisedu Prix européen du livre, que les Vingt-Sept devaient montrer que « l’Europepeut donner une réponse à ses concitoyensface à la crise et assumer son leadership surla question du réchauffement climati-que ». Les discussions risquent d’achop-per sur trois sujets.Le paquet climat-énergie. Lesgrands objectifs définis en mars 2007devraient être maintenus : d’ici à 2020, ils’agit de réduire de 20 % les émissionsde gaz à effet de serre, d’atteindre 20 %de renouvelables dans la consommationénergétique, et d’économiser 20 %

d’énergie. Mais les Vingt-Sept s’atten-dent à des négociations très dures, surles différents éléments clefs du paquetencore ouverts.

Pour faire preuve de solidarité àl’égard des nouveaux Etats membres, enpleine transition économique, la prési-dence française de l’Union préconise detransférer vers eux, entre autres compen-sations, au moins 10 % des sommes géné-rées par la mise aux enchères des droits àpolluer prévus par le dispositif de la Com-mission. Mais l’Allemagne et le Royau-me-Uni sont réticents. Berlin suggèreplutôt de créer un fonds de solidarité ausein du budget communautaire, d’unmontant compris entre 40 et 50 mil-liards d’euros sur huit ans.

S’agissant des « fuites de carbone »,c’est-à-dire le risque de délocalisationdes industries les plus énergivores, l’Alle-magne, et quelques pays demandent des

dérogations afin, dans le cadre du méca-nisme d’échange des quotas d’émission,d’attribuer des allocations gratuites auxsecteurs les plus exposés, comme les pro-ducteurs de chaux et de ciment.

Quant au sort du secteur électrique,les nouveaux Etats membres exigent desexceptions pour leurs centrales au char-bon, en générale très polluantes.Le plan de relance. Les dirigeantseuropéens s’opposent sur l’ampleur duprogramme européen, esquissé le26 novembre par la Commission. Tandisque chaque pays dispose de marges demanœuvres différentes, l’objectif d’aumoins 1,5 % de la richesse européenne(soit quelque 200 milliards d’euros,financés pour l’essentiel au niveau natio-nal) est contesté par l’Allemagne, lesPays-Bas, et la République tchèque. LesVingt-Sept vont aussi débattre de l’appli-cation des aides d’Etat et du pacte de sta-

bilité et de croissance en période de luttecontre la récession. Ils divergent aussisur l’idée de la Commission de réorien-ter 5 milliards d’euros en principe dévo-lus à l’agriculture, mais non affectés en2008, afin d’investir dans les infrastruc-tures énergétiques et les renouvelables.Le traité de Lisbonne. Les Vingt-Septattendent du premier ministre irlandaisqu’il annonce un deuxième référendumsur le traité de Lisbonne avant la fin de2009, alors que 25 Etats membres, sur27, ont ratifié le texte. En échange, l’Ir-lande obtiendrait les garanties qu’elledemande : le respect de sa neutralité mili-taire, de son autonomie fiscale, de sonrefus d’autoriser l’avortement. Les Vingt-Sept pourraient aussi renoncer à réduirele nombre de commissaires, ou garantirun portefeuille aux Irlandais pendantune période transitoire après 2014. a

Thomas Ferenczi et Philippe Ricard

Europe

« Après-Guerre », de Tony Judt,prix du livre européen 2008

Le Prix du livre européen, parrainé parJacques Delors, a été décerné, mercredi10 décembre à Bruxelles, pour sa deuxiè-me édition, au magistral récit historiquedu professeur anglais Tony Judt, Après-Guerre (éd. Armand Colin). A l’invitationdu groupe parlementaire socialiste, lacérémonie s’est déroulée au Parlementeuropéen en présence du président del’Assemblée, Hans-Gert Pöttering, duprésident de la Commission, JoséManuel Barroso, et du haut représentantdu Conseil pour la politique extérieure,Javier Solana. Présidé par l’écrivain espa-gnol et ancien résistant Jorge Semprun,le jury a choisi une œuvre puissante surla douloureuse émergence de l’Unioneuropéenne à la sortie de la guerre nazie,devant deux autres ouvrages, Ach, Euro-pa, du philosophe Jürgen Habermas, etPourquoi l’Europe, de Thomas Ferenczi,correspondant du Monde à Bruxelles.

Conseil européen En pleine crise, le sommet de Bruxelles clôt la présidence française de l’UE

L’Allemagne face au tandem franco-britannique

Climat, relance et traité : les trois sujets de la discorde

0123Vendredi 12 décembre 2008 9

Page 10: Le Monde - 11/12/2008

Après cinq jours d’émeutes,les jeunes mobilisés craignentle délitement du mouvementet s’interrogent sur la violence

Genèsed’une révoltede la jeunesse grecquedésanchantée

Paris 101.1 - Toutes les fréquences sur www.radioclassique.fr

VENDREDI 12 DÉCEMBRE

18h30/20hFRÉDÉRIC MITTERRAND EST L’INVITÉ CLASSIQUE

d’Olivier Bellamy

ATHÈNES

ENVOYÉE SPÉCIALE

Haut-parleurs posés sur les tables,banderoles des cortèges du matinrangées, les voix éraillées se succè-

dent, mercredi après-midi 10 décembre,sur l’estrade de l’amphithéâtre comble,au dernier étage de la faculté de droit, àAthènes. Au cinquième jour d’émeutes,c’est l’heure de l’assemblée générale danscette place forte de la révolte de la jeu-nesse grecque.

Tout ce que la planète rebelle étudiantecompte de mouvements syndicaux –EEK,EKKE,OKDE…–tientàs’expri-mer. Ça dure des heures. Ils enbaillenteux-mêmes.Mais aprèsle succès des premiers jours de« lutte », tous redoutent désor-maissondélitement.Pourentre-tenir le mouvement, ils cher-chent des convergences. Ladiversité des participants rendl’opération délicate.

Chronologiquement, les premiers às’être mobilisés ont été les « anarchis-tes ». Une heure et demie seulementaprès la mort d’Alexandre Grigoropou-los, 15 ans, tué par un policier le 6 décem-bre, ils ont démarré les premières violen-ces. Le drame a eu lieu dans leur fief, lequartier d’Exarchia. Cagoulés, habillésen noir, ce sont eux, pour l’essentiel, cha-que jour, les chefs d’État-major de la gué-rilla urbaine dans les rues de la capitale.Leur QG est à l’université polytechnique(Le Monde du 10 décembre).

La mouvance anarchiste a une histoireparticulière, en Grèce. Elle s’est dévelop-pée dans la foulée de la chute du régimedes colonels, en 1974. Mais cette fois, leur

violence et leur nombre a surpris. Jus-qu’alors estimés à 200 ou 300 individus,ils sont évalués aujourd’hui entre 1 000 et2 000. Secrets, ils refusent de parler auxmédias. Des jeunes issus de l’immigra-tion, sans papiers, se sont par ailleurs trèsvite joints à eux dans les pillages. En Grè-ce, à cause du droit du sang, un jeune nédans le pays de parents étrangers ne peutêtre naturalisé.

Dans le sillage des anarchistes, leslycéens se sont ensuite mobilisés le plusvite. L’adolescent tué avait leur âge. Unpeu plus de vingt-quatre heures après ledrame, rompus à Internet, aux chats etaux SMS, ils ont été les premiers enmesure d’organiser une manifestation.« On s’est appuyés sur le réseau « Hi 5 »(un équivalent de Facebook) où tous lesélèves sont inscrits », explique Jason,15 ans, petit brun aux yeux verts en

sweat-shirt. Dans chaquelycée, un groupe de 15 élèvessuivent la mobilisation. Il faitpartie de l’un d’entre eux. Lessyndicats enseignants ontassuré leur liaison avec les étu-diants.

Ces derniers les ont rejointsvia leurs propres syndicats,

ceux d’extrême gauche en particulier.« Et cette fois, ce n’est pas une minorité quia imposé savision à la majorité, tout le mon-de était d’accord », souligne NikosDimou, écrivain et bon connaisseur deces questions. Ils ont voté la grève des« facs » et l’occupation de deux d’entreelles. Toute une jeunesse désenchantéede 20 à 35 ans s’est alors agrégée. La« génération 600 euros », comme on l’ap-pelle, en Grèce, à cause des bas salairesauxquels ils sont cantonnés.

Comment tous ces groupes se sont-ilsmobilisés aussi vite, ensemble et massive-ment ? Les origines de ces retrouvaillesseraient à chercher dans les violentesmanifestations qui ont eu lieu en 2006,pendant plusieurs mois, contre un projet

de privatisation du système éducatif.A l’époque, lycéens, étudiants, profes-

seurs et anarchistes avaient déjà faitfront commun. Depuis, « on entretenaitdes liens informels, mais réguliers »,raconte Themistoklis Kotsifakis, le secré-taire général du syndicat enseignantOlme.La révolte étudiante de 1974 a aussiun poids « considérable » dans les événe-ments d’aujourd’hui, selon M. Dimous.L’imagerie populaire lui attribue la chutede la dictature du régime des colonels.L’histoire est plus complexe, mais lemythe est là, extrêmement mobilisateur.

Le dernier ciment s’est fait autour duras-le-bol du système universitairearchaïque en place, incapable d’assurerune insertion professionnelle convena-ble. Basé sur un concours d’entrée, le cur-sus et le lieu des études sont fonction duclassement qu’on y a obtenu et d’un cer-tain nombre de vœux.

Un jeune Athénien espérant étudier lamédecine peut ainsi tout à fait se retrou-ver à apprendre la théologie sur l’île de

Rhodes.L’histoireet la religiony sont aus-si toujours enseignées sous un angle trèsnationaliste. Les pesanteurs du systèmesont telles que plusieurs dizaines de mil-liers de familles, pas forcément aisées,décident chaque année de se saigner auxquatre veines pour envoyer leurs enfantsétudier à l’étranger.

Après cinq jours d’émeutes, la mobili-sation des jeunes grecs est en tout cas àun tournant. Leur seule revendicationunanime pour l’heure : « Le renversementdu gouvernement ». Du coup, la vraie« vitrine » de leur révolte reste les violen-ces urbaines.

Beaucoup de jeunes qui les désapprou-vent s’en inquiètent. D’autant que, aussiaffaibli soit-il, le gouvernement de CostasCaramanlis en joue, laissant entendrequ’il est « prêt à certaines concessions si lesviolences se calment », comme l’expliqueau Monde une source gouvernementale.

Sur le fond, la nébuleuse d’associa-tions et de syndicats étudiants et lycéensont du mal à s’entendre. Certains récla-

ment la fin des occupations d’universités,d’autres non. Sur la forme, ils manquentde représentants clairement élus. Cer-tains n’y voient pas de problème,d’autres, commeles Jeunessescommunis-tes, en font la condition de leur participa-tion aux assemblées générales.

Dans le capharnaüm de l’assembléegénérale de la « fac » de droit, mercredi,le consensus s’est fait autour de la motionsuivante : « Maintien de la fermeture desuniversités, maintien des occupations, tousles livres gratuits, enseignement public gra-tuit, récupérer nos vies volées, désarmementdes policiers, suppression des MAT[policiers anti-émeute], appel à la mani-festation le 12 décembre, occupation d’unbâtimentpublic pendant soixante-cinqheu-res le même jour ».

Une étudiante s’agace : « Mais ça n’aaucun sens, il n’y a rien de neuf ! ». Uneautre tente : « Et les violences, on dit riendessus ? » Un vague brouhaha leur arépondu. a

Elise Vincent

Europe

ATHÈNES

ENVOYÉE SPÉCIALEIls sont lycéens, étudiants, salariés. Lesmêmes difficultés les ont conduits à serévolter. Portraits de jeunes Grecs désa-busés.Nikos, 32 ans. Il ne se plaint pas, cen’est pas dans son tempérament. Décon-tracté à la terrasse d’un café du centre-vil-le, Nikos se veut pragmatique. Il se bor-ne à constater que, comme beaucoup deGrecs, il est obligé d’avoir « deux bou-lots ». Eboueur le matin, à partir de6 heures, dans son petit camion. Etlivreur de pizza, le soir, jusqu’à 22 heu-res, « quatre ou cinq jours par semaine ».Initialement, il avait fait des études pourêtre ingénieur du son. Mais le systèmeéducatif en Grèce étant ce qu’il est, la viel’a conduit ici. Avec tout cela, il gagnetout juste 750 euros par mois. Pas dequoi s’offrir un nid à lui. Mais il a « lachance », dit-il, que ses parents, restau-rateurs, soient propriétaires de leurlogement. Alors il loge chez eux, com-me tant de jeunes de son âge. Il est« célibataire de toute façon », jure-t-il.« Et puis comme ça, j’économise et jepeux me payer le théâtre. »Andréas, 31 ans. Il évoque son avenir

avec le même regard de deuil que celuiavec lequel il fixe le petit mémorial érigésur les lieux du décès de l’adolescent de15 ans, tué, le 6 décembre, par un poli-cier, à Athènes. « Je suis venu là tous lesjours depuis le drame », raconte-t-il.

Andréas n’est pas Nikos. Il n’est pasloquace. Et son salaire de 665 euros parmois le scandalise. Tellement qu’il refu-se de préciser à quel travail ça corres-pond. Il veut juste bien indiquer sonloyer : 670 euros par mois, qu’il partageavec sa sœur. Trop, beaucoup trop. Bien-tôt, ils vont tous deux devoir rentrer chezleurs parents. En attendant, il manifeste,soutient les cortèges. Et repasse chaquefois qu’il le peut devant le petit mémo-rial.Costas, 26 ans. Il est cuisinier dans unhôtel et il gagne 1 100 euros par mois.Cela fait sept ans, et il habite toujourschez ses parents. « Parce que sinon c’estimpossible de s’en sortir ». Et puis commeça, il peut se payer un peu « quelques sor-ties ». Baskets Converse, jean foncé, Yan-nis soutient les manifestations. « J’y vaisautant que possible, raconte-t-il. Tous ceuxqui ont un brin de conscience sont dans larue actuellement. » Lui aussi, commeAndréas, ce soir, s’arrête, un peu ému,

devant les cierges déposés à l’angle de larue où est mort Alexandre Grigoropou-los. « Mon espoir, aujourd’hui, c’est queles gens prennent conscience de ce qui sepasse réellement dans ce pays, qu’on a vrai-ment du mal à s’en sortir économique-ment. » Il ne croit pas forcément à unchangement immédiat, mais il espère.Alexis et Nikos, 28 et 24 ans. C’est letroisième soir des émeutes et ils seréchauffent au coin d’un feu de plan-ches, à l’une des entrées de l’Universitépolytechnique. Ils sont amis et tra-vaillent tous les deux dans la même entre-prise, une compagnie pétrolière. Mais lepremier gagne plutôt correctement savie, avec 1 500 euros par mois, tandisque le deuxième ne dépasse pas670 euros. Nikos a aussi un loyer :350 euros par mois. Un choix assumé. Ilvit seul, ça lui coûte cher, « mais je préfè-re ça que de vivre chez mes parents ». Il estun cas rare. Il manifeste comme un fou,du coup. Il participe aux violences avecles anarchistes aussi. « Parce qu’ici, c’estla Grèce, peut-être que rien ne va changer,mais il faut quand même essayer ! » Et sises parents savaient, ils seraient « d’ac-cord », ils le « soutiendraient ! ». a

E. V.

Un policier inculpé pour homicidevolontaire après la mort d’un jeuneEPAMINONDAS Korkoneas, le policiergrec de 37 ans à l’origine des coups defeu qui ont tué un adolescent de 15 anssamedi 6 décembre, a été mis en examenpour « homicide volontaire » et « usageillégal de son arme », mercredi soir10 décembre, à Athènes. L’un de ses col-lègues, Vassilios Saraliotis, 31 ans, a étéinculpé de « complicité ».

Les deux hommes ont été placés endétention provisoire. Le policier, dont legeste est à l’origine des émeutes des der-niers jours, affirme n’avoir tiré que par« défense quand les jeunes ont commencé àlancer contre les policiers des cocktailsMolotov et divers projectiles en criant qu’ilsallaient les tuer », selon sa déposition.

La grève générale de vingt-quatre heu-res organisée mercredi pour protestercontre la politique d’austérité du gouver-nement a perturbé le fonctionnementdes chemins-de-fer, du métro de la capi-tale, des tramways et des transportsaériens. Aucune liaison maritime n’a étéassurée avec les îles grecques. Le fonc-tionnement des banques, des administra-tions et des grandes entreprises publi-ques a aussi été affecté. De nombreusesécoles ont fermé.

Des échauffourées ont eu lieu en mar-

ge du rassemblement de plusieurs mil-liers de personnes qui s’est tenu sur laplace Syntagma, devant le Parlement, àl’appel des syndicats de salariés. Desgroupes s’en sont pris aux forces anti-émeutes, aux cris d’« assassins ». Desheurts ont aussi été signalés à Salonique.

De source policière, on compte 15 éta-blissements universitaires et une centai-ne de lycées, à Athènes et à Salonique,occupés par des jeunes. Les coordina-tions lycéennes avaient prévu de blo-quer, dans la matinée de jeudi, plusieursgrandes artères de la capitale. Les forcesde l’ordre attendaient aussi des rassem-blements en fin d’après-midi. Une gran-de manifestation est d’ores et déjà pré-vue vendredi.

Pour tenter de faire baisser la tension,le premier ministre conservateur CostasCaramanlis a annoncé une série de mesu-res pour l’indemnisation des entrepriseset des commerces qui ont subi desdégâts. La veille, à la télévision, il avaitqualifié les fauteurs de troubles « d’enne-mis de la démocratie ». Face aux accusa-tions d’inefficacité portées contre les for-ces de l’ordre, il s’était engagé « à réta-blir le sentiment de sécurité et la légalité ».- (AFP.)

Comment tousces groupes sesont-ils mobilisésaussi vite,ensembleet massivement ?

Des policiers antiémeute ont été postés devant le Parlement grec, mercredi 10 décembre, jour de la grève générale, convoquéepar les syndicats. Des échauffourées ont eu lieu en marge du rassemblement organisé devant le Parlement. ARIS MESSINIS/AFP

« Parce qu’ici c’est la Grèce, peut-être que rienne va changer, mais il faut quand même essayer ! »

10 0123Vendredi 12 décembre 2008

Page 11: Le Monde - 11/12/2008

Jean Leonetti tire des conclusions fausses de la situation en Belgique pour refuser la légalisation de l’euthanasie en France. Des exemples ?

Les soins palliatifs seraient négligés en Belgique ? Totalement faux ! Les Belges bénéficient de soins palliatifs de qualité, infiniment plus accessibles en Belgique qu’en France !(3,6 lits pour 100000 habitants en Belgique contre 1,2 lit pour 100000 habitants en France)

Des euthanasies clandestines seraient pratiquées en Belgique ? Rien ne le démontre !En France, en revanche, on estime à 10 ou 15000 le nombre d’euthanasies clandestines pratiquées.

L’euthanasie, en Belgique, est réalisée par un médecin qui a l’obligation absolue de suivre son patient ou bien, s’il souhaite user de son droit de conscience, de le recommander à un confrère. Pourquoi en serait-il autrement en France ?

En Belgique, la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie ne réaliserait pas un travail extrêmement sérieux ? Faux ! En France, par contre, il n’y a aucun suivi des fins de vie.

Jean Leonetti rapporte qu’il faut 30 minutes, en Belgique, pour remplir une déclaration d’euthanasie. N’a-t-il pas compris qu’il s’agit-là seulement du temps moyen nécessaire pour remplir le formulaire de contrôle du respect de la procédure ? Le temps entre le dépôt de la demande et le geste ultime est au moins d’un mois. Pour garantir les droits du patient.

Jean Leonetti rapporte des cas de dérive en Belgique. Sans en donner un seul exemple crédible. Peut-être a-t-il raison de manière marginale, comme a raison celui qui dit que le code de la route n’exclut pas les excès de vitesse.Mais combien de cas d’euthanasie clandestine en France ? 10 ou 15000 par an. Et Jean Leonetti ne s’en émeut pas tandis que sa loi de 2005, mal appliquée et insuffisante, laisse agoniser de trop nombreux Français.Le rapport Leonetti sur la fin de vie : 8 mois de travail, des centaines d’heures pour conclure que la loi, dont il est lui-même l’auteur, est excellente ! Belle leçon de démocratie !

Leçon de démocratie, par Jean LeonettiMILITANTISME ANTI-EUTHANASIE OUVOLONTÉ DE TRAVESTIR LA VÉRITÉ?

A D M D Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité

•50, rue de Chabrol 7 5 0 1 0 P a r i s

•Tél. 01 48 00 04 16

Courriel :[email protected] : www.admd.netBlog : www.admdblog.fr

Nous sommes en colère ! Exigeons notre ultime liberté !Celle de choisir pour nous-mêmes notre fin de vie !

Des manifestations lycéennes disper-sées en province mais nombreuses,répétées et insistantes, souvent ner-

veuses etponctuéesdescènesde violence ;desmotsd’ordrediffus :contrelessuppres-sions de postes, contre la réforme du lycée,contre le ministre de l’éducation nationale,Xavier Darcos. Ce début de mouvementqui paraît peu contrôlé par les organisa-tionsofficielles–Unionnationa-le lycéenne (UNL)et Fédérationindépendante démocratique etlycéenne (FIDL) – ne présageriendebonauxyeuxdupouvoir.

UnœilsurlesémeutesenGrè-ce, l’autre sur les débordementsquiontencoreenvenimélasitua-tionenFrancedansplusieursvil-les de province, mercredi 10 décembre, lechef de l’Etat et le gouvernement redou-tent – sans le dire ouvertement – un effetde mimétisme. Selon un élu présent audéjeunerdesdéputésUMPorganiséàl’Ely-sée,mercredi,NicolasSarkozyauraitexpri-méà propos de laGrèce « un souci de préve-nir ce genre de situation dans notre pays ».

L’organisation étudiante UNEF a appelé,mercredi, à la « solidarité » avec la jeu-nessedeGrèce« contre larépressionpoliciè-re ».« Après la“générationCPE”enFrance,c’est la “génération 600 euros” en Grèce quimanifeste un même refus de la précarité et lesentiment que son horizon est bouché », esti-me l’organisation. Interpellant M. Darcosau micro de RMC, mercredi matin, l’an-

cien ministre socialiste JackLang a choisi une autre compa-raison : « Si vous continuez com-me ça, l’éducation nationale, cesera votre Vietnam à vous ». Aumême moment sur Europe 1,M. Darcos excluait tout recul :« Je ne suis pas ministre de l’hési-tation nationale, j’ai un devoir

pour les générations futures. Il s’agit de réfor-mer dans un pays qui en a besoin. »

Les mouvements lycéens actuels sont« durs » et « très violents », estime le secré-taire général du principal syndicat deschefs d’établissement (SNPDEN), Philip-pe Guittet, qui fait part de ses « craintes »pour le mois de janvier. Selon lui, en plus

des organisations lycéennes UNL et FIDL,« il ya sûrement des forcesmilitantes mobili-sées derrière ».

M. Guittet précise que son organisationn’apasdonnédeconsignenationaleconsis-tant à faire appel aux forces de l’ordre encas de tentative de blocage, mais qu’unedécisionen ce sens a été prise dans l’acadé-mie d’Aix-Marseille, à la suite de « mouve-ments très violents ».

Lesreprésentantsdessyndicatsdechefsd’établissements des Bouches-du-Rhône,reçus le 5 décembre par le recteur d’Aix-Marseille ont fait part de « l’inquiétude etde l’exaspération des personnels de direc-tion » face à des mouvements caractérisésseloneux« paruneagressivité inconnueà cejour et une quasi-impossibilité de dialogueavec les lycéens ».

« Ce sont des mouvements qui semblentsouvent spontanés et inorganisés, et parfois iln’y a même pas de slogans », relève-t-on aurectorat de Rennes. « Il y a manifestementune inquiétude de certains jeunes face auxréformes, mais elle semble cristalliser desmécontentements plus généraux » poursuit-

on.PaulMerdy, le directeurdulycéeAnne-Marie Javouhey est perplexe : « On ignorepourquoi ils manifestent ». Et d’ajouter :« Il y a dans ce groupe des lycéens, mais aussides jeunes plus âgés, très déterminés, des pro-fessionnels de la manifestation ».

A Brest, six cents lycéens ont manifestémercredi matin en trois lieux différents.Des jeunes ont encore affronté les gendar-mes mobiles – jets de pierre contre gazlacrymogènes –, après des incidents lesdeuxjoursprécédents.Deuxélèvesdequin-ze et seize ans ont été interpellés et doiventêtre présentés jeudi au parquet.

ABordeaux, entre deuxà trois milleper-sonnes – pour l’essentiel des lycéens – ontdéfilé mercredi en présence d’un gros dis-positif policier. Sept bus de CRS et de gar-des mobiles avec le masque à gaz en ban-doulière et des grilles antiémeute interdi-saient l’accèsdes moinsde18ans aucentreville par le pont de Pierre. Deux lycéens ontété présentés à un juge pour enfants pourdes dégradations commises la veille enmarge des manifestations. Un troisième,âgédedix-huitans,aétécondamnémercre-

di en comparution immédiate à trois moisde prison ferme pour « violence aggravéesur un policier ».

A Paris, à l’occasion d’un rassemble-ment mercredi soir, devant la gare Saint-Lazare, quelques dizaines de lycéens ontbloqué la circulation en scandant : « Tra-vailleurs, étudiants, sans papiers, c’est tousensemble qu’il faut lutter ». Reste toutefoisque la région parisienne est beaucoupmoins touchée par l’agitation lycéenne.« On ne sait pas pourquoi », dit-on dans lesrectorats. « Ils visent un grand mouvementen janvier » croit savoir M. Guittet.

Mercredi soir, un petit groupe d’unedizaine de jeunes, filles et garçons ont étéinterceptésparlapoliceauxabordsdel’am-bassade de Grèce, alors qu’ils quittaient leslieux,foulardsoucagoulesbaissées.Lavéri-ficationd’identitéaconfortécertainescrain-tes policières quant aux risques d’effet demimétisme sur fond de mouvement lycéenetd’affaire des anti-TGVde Tarnac.Le plusâgé a 19 ans, les autres 15 et 16 ans. a

Service Franceavec nos correspondants

France

Bruno Julliard, ancien président del’UNEF, affirme avoir reçu le soutien deNicolas Sarkozy début 2006 lors du mou-vement anti-CPE (contrat premièreembauche). Mercredi 10 décembre, sur laradio Le Mouv' et sur le site Lepost.fr, lesecrétaire national du PS à l’éducation araconté : « [M. Sarkozy] m’avait appelé àla fin d’une manif, en gros en me disantqu’il serait mon premier soutien… et quelui demandait le retrait du CPE… Nos inté-rêts étaient plutôt convergents : lui veut latête de Villepin et nous celle du CPE. »M. Sarkozy était alors président de l’UMP.L’Elysée s’est refusé à tout commentaire.

Le mécontentement gagne les présidents d’universitéQUELQUES jours après avoir reçu lemontant de leur budget pour 2009, l’amer-tume voire la colère commence à poindrechez les présidents d’université. Certains,comme à Montpellier-II, Paris-VIII ou àl’université du Maine au Mans, appellentleurs personnels à la mobilisation.

Comme l’avait promis la ministre del’enseignement supérieur, Valérie Pécres-se, les moyens accordés par l’Etat aux85 universités (1,8 milliard d’euros autotal) sont en augmentation de 116 mil-lions d’euros par rapport à 2008. Mais cet-te hausse provoque un malaise parce qu’el-le ne profite pas également à tous les éta-

blissements. Si certaines universités voientleurs dotations augmenter de 25 % (Bor-deaux-II, Paris-VII, Lille-II, Montpellier-Ipar exemple), d’autres obtiennent une fai-ble valorisation, comme Montpellier-II(+ 0,5 %), Bordeaux I (+ 1,4 %) ou Toulou-se-III (+ 1,8 %). Les présidents craignentque la dotation pour 2009 inclue en réalitéde nouvelles dépenses. La grogne se nour-rit aussi des inquiétudes provoquées par laréforme du système de répartition desmoyens. A partir de 2009, les universitésrecevront une dotation unique calculéeselon leur activité (80 %), mais aussi leurperformance (20 %). Des indicateurs com-

me le nombre de chercheurs publiants, letaux d’insertion ou encore le nombre d’étu-diants présents aux examens (et non seule-ment inscrits) seront pris en compte.Enfin, l’annonce de 200 suppressions depostes (ingénieurs, personnels administra-tifs) et de 150 redéploiements (principale-ment des enseignants-chercheurs) achèvede faire monter la tension. « Les présidentsd’université ne comprennent pas que ces sup-pressions interviennent au moment où ils doi-vent relever le défi de l’autonomie et alors quele gouvernement continue de dire que l’ensei-gnement supérieur est une priorité nationa-le », analyse Michel Lussault, porte-parole

de la Conférence des présidents d’universi-té (CPU). « Nous avions prévenu le gouver-nement des risques qu’il prenait en touchantaux emplois. C’est une question très sensibledans les universités. Une telle décision vaengendrer beaucoup de troubles pour peu derésultats », poursuit M. Lussault.

Mercredi 10 décembre, les organisa-tions étudiantes n’avaient pas encore réagià ce budget. En revanche, l’UNEF dans uncommuniqué a appelé à un rassemble-ment de solidarité avec la jeunesse grec-que vendredi 12 décembre devant l’ambas-sade de Grèce à Paris. a

Catherine Rollot

« Si vous continuez,l’éducation nationale,ce sera votreVietnam »

Jack Lang

Nicolas Sarkozy auraitsoutenu l’UNEF contre le CPE

Éducation Des défilés minoritaires mais violents ont été organisés en province contre les réformes Darcos

La violence des lycéens inquiète le gouvernement

0123Vendredi 12 décembre 2008 11

Page 12: Le Monde - 11/12/2008

Le droit d’amendement, nouveausujet d’affrontement au Parlement

Le conseil des ministresa adopté mercredi 10 décembreun projet de loi réformantle droit d’amendement.Le PS accuse le gouvernementde vouloir le bâillonner

MAÎTRE Karim Achoui a-t-il donné le« top départ » de l’évasion de son client,Antonio Ferrara, de la prison de Fresnes, le12 mars 2003 ? A-t-il basculé dans le campdes truands, bafouant l’administrationpénitentiaire,autantqu’il trahissaitsonser-ment d’avocat ?

La défense du pénaliste parisien s’estattachée à démontrer, mercredi 10 décem-bre, qu’il n’en est rien. Que Me Achoui nemériteni lesseptannéesderéclusioncrimi-nelle requises le 4 décembre par le ministè-re public, ni « la mort sociale » à laquelleune condamnation le réduirait assuré-ment.Pourassisterce« confrère », troisavo-cats ont plaidé, parmi les meilleurs : Fran-cis Szpiner, Patrick Maisonneuve et Fran-cis Pudlowski.

Me Achoui,41 ans,est l’undesneufaccu-sés, sur 21, qui comparaissent libres dansl’affaire. Il clame son innocence depuis samiseen examen, fin novembre2005. Celle-cirésultaitd’unemiseencause,« surlespro-pos de tiers », par le surveillant de prisonHocine Kroziz, accusé, lui, d’avoir fourni letéléphoneportableetlesexplosifsayantper-mis l’évasion.

L’avocat général, Jean-Paul Content,s’est déclaré « convaincu »de laculpabilitédeMe Achoui.Cederniera,selonlui,déclen-ché lesignalde l’évasiond’AntonioFerraraen envoyant un collaborateur au parloir.Cettevisite aurait permis au braqueurréci-diviste de refuser ensuite la fouille obliga-toire afin d’être placé au quartier discipli-naire(QD),danslacellulelaplusfaciled’ac-cès depuis l’extérieur. « Il suffit de désobéirauxordresd’unsurveillant »pourêtreplacéen QD, a rétorqué Me Maisonneuve.

Carrière fulguranteSes avocats ont souligné l’absence d’élé-

ments nouveaux contre leur client depuis2005.Rienneprouve,seloneux,qu’Achouisoitbien le« baveux » (unavocatenargot),évoqué dans des conversations téléphoni-ques de proches d’Antonio Ferrara. « Vouscroyez vraiment que pour 10 000 euros,[Me Achoui] aurait mis sa carrière enpéril ? », a encore tempêté Me Szpiner en

évoquant les « 10 plaques » que son clientaurait reçu, selon le surveillant Kroziz, enretour de sa complicité dans l’évasion.

La somme semble en effet presque déri-soireparrapportàlaréussiteprofessionnel-le et aux goûts de luxe qu’afficheMe Achoui.Celui-ciportebeauàlaméditer-ranéenne : cheveux gominés, costumessombres parfaitement ajustés, chemisesimmaculées, souliers de marque reluisantsà bout carré. N’endosse-t-il pas aussi, pourplaider, la robe d’avocat de François Mit-terrand signée Cerruti qu’il a enlevée, pour8 000 euros, dans une vente aux enchèresfin janvier ?

Souvent considéré comme trop prochede ses clients issus du grand banditismefrancilien, Me Achoui ne s’est pas fait quedes amis au fil d’une carrière fulgurantejalonnée par l’obtention, en 2002, de lamise en liberté de Marc Hornec : un gitansédentarisé à Montreuil (Seine-Saint-Denis), considéré par la police comme leparrain du milieu parisien.

Ils ne sont donc pas trop de trois« ténors » pour plaider en faveur de ceconfrère à l’image brouillée, qui se revendi-que« avocatdumilieu » jusquedansletitred’un livre, publié en mars. Me Pudlowski,conseil « historique », a réglé son divorcetumultueux d’avec Yacout, belle-fille d’unancien commissaire de police. Me Maison-neuve, estampillé à gauche, est l’avocat denombreuxdossierscorses.Me Szpinerest leconseil de plusieurs ministres de droite etdu président Jacques Chirac.

Balayant l’argument d’une quelconquefascination de Me Achoui pour les truandsou tout intérêt financier, tous trois ontbrosséd’uneseulevoix leportraitd’unavo-cat courageux et volontaire, doublé d’unhommedecœur:celuiquia obtenularévi-sion du procès de Patrick Dils, condamnéà tort à la réclusion criminelle à perpétuitéen 1989 pour le meurtre de deux enfants,et reconnu innocent en 2002. Dans l’es-poir qu’après le verdict attendu samedi13 décembre, Karim Achoui puisse conti-nuer à se faire appeler « maître ». a

Patricia Jolly

Un projet de loi réformant la procé-dure législative a été présenté, mer-credi 10 décembre, en conseil des

ministres. Il découle de la révision consti-tutionnelle du 23 juillet qui prévoit quelesconditions nouvellesd’examendes tex-tes législatifs devront être opérationnel-les à compter du 1er mars 2009. Cela sup-pose que, d’ici là, ait été adopté ce texte deloi et qu’aient été approuvés les nouveauxrèglements de l’Assemblée nationale etdu Sénat.

Ces règlements, qui régissent le fonc-tionnement de chacune des deux assem-blées, sont au moins aussi importants,pour ce qui concerne le déroulement destravaux, que la loi qui les organise.Depuis la rentrée parlementaire, les deuxprésidents, Bernard Accoyer à l’Assem-blée et Gérard Larcher au Sénat, ontconstitué chacun un groupe de travailassociant tous les groupes parlementai-res afin d’élaborer un nouveau règlementet de parvenir, autant que possible, à un

consensus. Le groupe de l’Assemblées’est déjà réuni à sept reprises, il a balayéla plupart des sujets sans que s’exprimentdes désaccords profonds, chacun étantconvaincu de la nécessité d’améliorer lefonctionnement du Parlement.

Mercredi matin, l’atmosphère a brus-quement changé. Alors que le groupe detravail de l’Assemblée devait aborder laquestion du droit d’amendement, leconseil des ministres approuvait ce projetde loi qui le limite sérieusement. Au cœurdu dispositif gouvernemental, figurenotamment l’instauration d’une « procé-dure simplifiée pour des textes qui s’y prê-tentpar leurnature ». La formule est suffi-samment vague pour autoriser toutes lesinterprétations.

Surtout, il prévoit que les règlementsdes assemblées peuvent instituer « uneprocédure impartissant des délais pourl’examen d’un texte ». Cela signifie, enclair, que, pour chaque texte venant endiscussion en séance, chaque groupe par-lementaire se verrait attribuer un « cré-dit »detemps deparole global pour inter-venirdans la discussion générale etdéfen-dre ses amendements, qu’il ne pourraitpas dépasser. « Il s’agit uniquement d’évi-ter le blocage du travail parlementaire »,fait valoir M. Accoyer.

Le PS n’a pas tardé à réagir. « Ce projetde loi vise à bâillonner l’opposition », a pro-

testé Arnaud Montebourg, brandissant lamenace que le PS se retire du groupe detravail. De leur côté, les deux présidentsdes groupes PS de l’Assemblée et duSénat, Jean-Marc Ayrault et Jean-PierreBel, et lapremière secrétairedu PS,Marti-ne Aubry, ont adressé un courrier à Nico-las Sarkozy lui demandant de « disjoin-dre » ces deux articles du projet de loi.

« Cette remise en cause du droit d’amen-dement constituerait une régression sansprécédent des droits des parlementaires etune atteinte grave aux droits d’expressionde l’opposition », écrivent les responsa-bles socialistes. Ils rappellent que l’enca-drement de la procédure législative avaitfait l’objet de longs débats lors de l’exa-mende larévision constitutionnelle.A l’is-sue de ces débats, le gouvernement avaitaccepté de retirer du texte de loi la « limi-te » du droit d’amendement.

Pour M. Ayrault, le projet présenté enconseil des ministres constitue « un casusbelli ». Interrogé par Le Monde, JackLang, seul député PS à avoir approuvé larévision constitutionnelle, avouait sa« gêne ». « J’espère que la loi organique etle règlement seront conformes à l’esprit dela révision, indiquait le député du Pas-de-Calais. Je serai vigilant. Il y a un devoir deloyauté de l’exécutif et de la majoritévis-à-vis de ceux qui l’ont votée. »a

P. Rr

ASSISES SEPT ANS DE RÉCLUSION ONT ÉTÉ REQUIS

Evasion de Ferrara : pour sa défense,Me Achoui est un homme de cœur

Il y a des jours, comme cela, où le soleilbrille… » En ouvrant, mercredi10 décembre à Paris, la huitième séan-

ce plénière de son club, Génération Fran-ce.fr, Jean-François Copé affiche un airradieux. Près de 1 200 personnes – dontune vingtaine de députés et deux mem-bres du gouvernement, Luc Chatel etYves Jego – remplissent la salle. Et, sur-tout, le président du groupe UMP de l’As-semblée nationale continue de se passeren boucle les paroles de Nicolas Sarkozy,qui, un peu plus tôt, avait reçu à l’Elyséeles députés de son parti. Ses collabora-teurs ont fait le décompte : « à douzereprises », le président de la Républiquea cité son nom et il l’a « félicité cinq fois »pour son travail à la tête du groupe.« C’était du Mitterrand dans le texte »,jubile M. Copé, se remémorant commel’ancien président socialiste aimait flat-ter dans ses discours les « bons élèves dujour ».

Affectant de ne pas être dupe, le mairede Meaux n’en a pas moins observé quele ministre du travail, Xavier Bertrand,récemment promu par intérim à la têtede l’UMP, n’était pas présent à l’Elyséelors de cette rencontre. Et que le chef del’Etat « ne l’a pas cité une seule fois », pré-cise l’entourage de M. Copé. Dans l’hypo-thèse – probable – où M. Bertrand seraitconfirmé en janvier 2009 à la tête del’UMP, il abandonnerait alors son porte-feuille ministériel et retrouverait alorsson siège de député.

La rivalité entre ces deux-là n’est unmystère pour personne. Comment se pas-sera la « cohabitation » entre le patrondes députés et le futur patron du parti ?« Rassurez-vous, ça va très bien se passer.Il n’y aura ni compétition ni confronta-

tion, jure le député de Seine-et-Marne. Jene tomberai pas dans le piège. D’abord,parce que plus il est gros plus il se voit… »

Deux frontsM. Copé ne craint pas une mise « sous

tutelle ». « Moi, je ne suis nommé par per-sonne. J’ai été élu à cette fonction par mescollègues, pour cinq ans. Je n’ai pas l’inten-tion d’y renoncer », précise-t-il. La prési-dence du groupe majoritaire lui offreune position stratégique bien plus décisi-ve que « n’importe quel poste ministé-riel ». En dix-huit mois, après une arri-vée « un peu difficile », il a pris la mesuredu poste. Désormais, c’est lui le « boss ».« Moi, j’ai l’unité de commandement augroupe, répète-t-il à ceux qui, parmi sesproches, redoutent des tentatives de dés-tabilisation. C’est la grande différenceavec Bertrand, qui aura [Brice] Hortefeuxet [Frédéric] Lefebvre dans les pattes àl’UMP. » Il préfère se tenir à l’écart du« nid de frelons ».

Le groupe d’un côté et le développe-ment du réseau Génération France,M. Copé mène sa carrière sur deuxfronts. Depuis la rentrée de septembre,comme il le reconnaît, « nous sommespassés à la vitesse supérieure ». Chaquesemaine ou presque, il installe de nouvel-les « antennes » de son club, une trentai-ne à ce jour, avec l’appui des parlementai-res qui souhaitent en être les « relais ». Ilse défend toutefois de vouloir mettre enplace des structures parallèles à l’UMP.« Notre ambition est de devenir le premierthink tank de France. Nous voulons fairevivre le débat dans notre famille politi-que », affirme-t-il, plaidant pour la« diversité ». a

P. Rr

France

APRÈS DEUX JOURS d’interruption, ladiscussionduprojetde loisurl’audiovisuelpublic devait reprendre, jeudi 11 décem-bre, à l’Assemblée nationale. Le retard prisrend inenvisageable son adoption définiti-ve avant le 5 janvier 2009, date à laquelleest prévue la suppression de la publicitécommerciale sur les chaînes publiquesentre 20 heures et 6 heures.

Cette échéance avait été décidée parNicolasSarkozy.Cen’étaitpaslapréconisa-tiondelaCommissionpourlanouvelletélé-vision publique présidée par Jean-Fran-çois Copé. Dès lors, France Télévisions aété tenue de s’y plier, avant même que ledébat parlementaire soit engagé.

D’où l’impasse actuelle, la suppressionde la publicité étant considérée commeacquise alors que la loi n’a pas encore étévotée. Le gouvernement a laissé entendre,à plusieurs reprises, que pour régularisercette situation, il recourrait à un décret surcet article de la loi, qui en comporte 56. Le

porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre,estalléplus loin, mercredi10 décembre,endiffusant un communiqué dans lequel ilannonce que« laréforme seraappliquéedèsjanvier, la publicité étant supprimée pardécret ».

Au ministère de la culture et de la com-munication, on commence à s’agacersérieusementdes« déclarationsintempesti-ves » du député des Hauts-de-Seine. « Fré-déricLefebvredevrait se contenterde bienfai-re son travail de parlementaire et ne pas par-ler au nom du gouvernement », expliquait-on dans l’entourage de Christine Albanel.Le ministère indique que la décision derecourir à un décret ne sera pas prise avantla fin du débat au Palais-Bourbon. L’oppo-sitionveutmenerundernierbaroudd’hon-neur contre les dispositions concernant lefinancement de la télévision publique.

Du côté du PS, on ne cache pas, cepen-dant, que la bataille ne devrait pas se pro-longer au-delà de la fin de la semaine, ce

quipermettrait levotedutexteenpremièrelecture, mardi 16 décembre.

Lors de la réception des députés del’UMP, mercredi midi, à l’Elysée, un viféchange a opposé Nicolas Sarkozy à Fran-çoisBaroin.« EncequiconcerneFranceTélé-visions, je ne suis pas d’accord avec toi. C’estl’ancien journaliste qui te le dit, la télévision,ce n’est pas EDF. Cette réforme te reviendracommeunboomerang », a déclaré le députéde l’Aube, indiquant qu’il s’abstiendraitlors du vote.

« C’est un procès d’intention que tu mefais », a répondu M. Sarkozy, se défendantde vouloir « contrôler la presse ». Fusti-geant l’opposition, le chef de l’Etat s’est ditconvaincu que « personne ne reviendraaprès [lui] sur la suppression de la publicitéet sur la société unique ». « Ce qui rend fousles gauchistes, c’est que, nous, on met le piedlà où ils n’ont pas eu le courage d’aller »,a-t-il ajouté. a

Daniel Psenny et Patrick Roger

ASSEMBLÉE NATIONALE LA MENACE DU DÉCRET SE PRÉCISE

Audiovisuel : ultime passe d’armes à l’Assemblée et à l’Elysée

Quand Jean-François Copé observe« le nid de frelons » de l’UMP

LOGEMENTThierry Repentin éluprésident du mouvement HLMLe sénateur (PS) de Savoie ThierryRepentin a été élu président de l’Unionsociale pour l’habitat, qui fédère l’ensem-ble des organismes HLM. Il succède àMichel Delebarre qui occupait la fonc-tion depuis dix ans.

GUADELOUPEFin du blocage routierLes barrages installés depuis le 8 décem-bre en Guadeloupe ont été levés mercredisoir après la signature d’un accord pré-voyant la baisse des prix des carburants.Les nouveaux tarifs seront gelés pendanttrois mois, le temps qu’une mission metteà plat le système de formation des prix.

FAMILLERemous après la suppressionde la demi-part fiscaledes parents isolésPlusieurs associations familiales ont vive-ment réagi à l’adoption au Sénat mardi9 décembre de l’amendement de Philip-pe Marini (UMP, Oise) prévoyant de sup-primer progressivement la demi-part fis-

cale accordée à un parent ayant vécu seulavec un enfant à charge lorsque ce der-nier atteint 26 ans.Selon l’Union nationale des associationsfamiliales (UNAF) 3,6 millions de veu-ves et veufs seraient concernés. Le secré-taire d’Etat Roger Karoutchi a promisque des aménagements seraient appor-tés à cette mesure.

JUSTICEJean Castelain futurbâtonnier de ParisJean Castelain, 51 ans, avocat spécialisédans le droit d’auteur, a été élu bâton-nier de Paris, mercredi 10 décembre. Ilsuccédera à Christian Charrière-Bourna-zel, en janvier 2010. Jean-Yves Le Bor-gne sera son vice-bâtonnier.

12 0123Vendredi 12 décembre 2008

Page 13: Le Monde - 11/12/2008
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LES DESTRUCTIONS d’emploicontinuent en France. L’Unedic(assurance-chômage) a annoncé,jeudi 11 décembre, 12 800 pertesnettes d’emplois au troisième tri-mestre, soit une baisse de 0,1 % parrapportau trimestreprécédent,quiétaitdéjàenreculde0,2 %.Lenom-bre total de salariés recensés dansles entreprises cotisant à l’assuran-ce-chômage(secteur privé)étaitde1 6 730 000 à fin septembre 2008.

Cette baisse aurait dû êtreconfirmée par l’Insee, jeudi, maisla publication des données a étébloquéeparunmouvementdepro-testation des statisticiens. L’inter-syndicale de l’institut s’opposenotammentau« projetdedémantè-lement »de l’organisme public etàla perspective de « délocalisa-tion »à Metz. Danssonestimationprovisoire du 14 novembre,l’Insee avait néanmoins prévu ladestruction de 10 800 emplois, unreculdumême ordrequeceluipré-senté par l’Unedic.

Le ralentissement de l’emploi sefait de plus en plus nettement sen-tirdanslessecteursdel’industrieetde la construction. Quelque19 000 postes ont été détruits dansl’industrie, soit une baisse de0,6 %, deux fois plus qu’au deuxiè-me trimestre. Les secteurs du texti-le et de l’habillement, ainsi que la« cokéfaction » et le « raffinage »,l’industriedu boisetdu papiersontles plus destructeurs d’emploi.

Baisse de la productionLa construction enregistre aussi

une baisse importante d’activité. Sile solde reste positif avec une haus-se de 0,2 %, soit la création de2 600 postes, le rythme est quatrefoismoins importantqu’audeuxiè-me trimestre.

Toutefois, le recul de l’emploitotal est moins catastrophique autroisième trimestre qu’au deuxiè-me, au cours duquel 35 000 postesde travail avaient été détruits. Cerésultat s’explique par une activité

moins mauvaise que prévu, l’Inseeayantmêmeannoncéunetrès légè-re croissance du PIB de 0,1 % autroisième trimestre.

Surtout, lachutedel’activité inté-rimaire, très forte au deuxième tri-mestre avec la destruction de62 000 emplois, s’est un peu ralen-tie : les pertes sont tombées à28 600 emplois intérimaires entrejuillet et septembre. Le répit, quis’explique notamment par le faitque les entreprises avaient anticipétrès tôt, dès le deuxième trimestre,le ralentissement de la production,ne sera que de courte durée.

Les chiffres de l’emploi intéri-maire d’octobre, soit le premiermois du quatrième trimestre, sonttrèsmauvais :lesdestructionss’élè-ventà28 700,autantquepourl’en-semble du troisième trimestre. Ledernier trimestre 2008 s’annoncetrès difficile pour l’emploi et le sol-de pour l’année sans aucun doutenégatif. a

Rémi Barroux

Social Les économistes estiment qu’entre 1 et 1,4 million d’emplois pourraient disparaître

Le secteur financier licenciepar centaines de milliers

Economie&Entreprises

Le volontarisme industriel, jusqu’où ?

Pragmatique

Entreprises, Affaires publiques, Economie sociale

Le journal des pouvoirs d’aujourd’huiwww.lenouveleconomiste.fr

CONJONCTURE LE MOIS D’OCTOBRE A ÉTÉ CATASTROPHIQUE POUR L’INTÉRIM

L’économie française a détruit12 800 emplois au troisième trimestre

Depuis que sa banque a fait faillite, le15 septembre, les journées deRaoul, ancien banquier d’affaires

chez Lehman Brothers à New York,ex-jeune homme pressé habitué à tra-vailler quinze heures par jour, ne sontponctuées que d’épisodiques rendez-vous chez des chasseurs de têtes.

Depuisdeux mois, ce trentenaire diplô-mé d’une prestigieuse université améri-caine cherche un emploi. Sans succès.« Ils sont des milliers comme moi, voussavez. Même ceux qui ont encore un jobdans leur banque cherchent ailleurs. Ilssavent qu’ils risquent de se faire licencier dujour au lendemain », explique-t-il.

Depuis qu’a éclaté la crise financière, ilne se passe plus un jour sans qu’une gran-de banque, quelque part dans le monde,n’annonce un plan de licenciements mas-sif. Les chiffres donnent le vertige. Selon lecabinetderecrutementaméricainChallen-ger, Gray & Christmas, 220 506 emploisont été détruits dans la finance aux Etats-Unis depuis janvier, dont plus de la moitiéau cours des quatre derniers mois. Celareprésente 3 % des effectifs du secteur.

L’Europe n’échappe pas au tsunamisocial, avec 70 000 emplois supprimésdepuis le début de l’année, selon l’agenceBloomberg. Si l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont les plus sévèrement frap-pées – du fait d’une forte exposition deleurs banques aux subprimes – le cabinetMichaelPagea calculé qu’àParis, les licen-ciements dans la banque d’investissementdépassent déjà largement le millier (chezCalyon, Natixis, etc.). Au total, les suppres-sions d’emplois dans la finance mondialesontestiméesà plusde 300 000… l’équiva-lent de la ville de Nantes !

Jusqu’où ira l’hémorragie ? Thomas

Philippon, professeur à l’université Sternde New York, estime que le secteur finan-cier devrait détruire entre 1 et 1,4 milliond’emplois dans le monde du fait de cettecrise, dont 700 000 aux Etats-Unis. « Il yavait une bulle dans le secteur financier.Elle est en train d’exploser », explique-t-il.

A leur apogée en 2006, les institutionsfinancières américaines employaient6,3 millions de salariés, représentant8,5 % du produit intérieur brut (PIB).« C’était un niveau insoutenable », jugeM. Philippon, situant le niveau d’équilibre« plutôt autour de 7 % du PIB ». Selon soncalcul, le secteur devrait rétrécir de 1 pointdePIBauxEtats-Unis(100milliardsdedol-lars, environ 76 milliards d’euros) etd’autant dans le reste du monde.

« On est allé trop loin »« Le secteur était devenu obèse, confirme

David Thesmar, professeur à HEC. Il a étéemporté par la croissance liée à l’innovationfinancière. » L’économiste s’en prend aurecoursexcessifàlatitrisation,cettetechni-queconsistant à transformer des crédits enune multitude de produits financiers com-plexes. « On est allé trop loin, dit-il, commedans les années 1980, avec les junks bonds[obligations pourries]. » A titre d’exemple,le marché mondial des Credit DefaultSwaps (CDS) atteignait 52 000 milliardsdedollarsen2007 !Aujourd’hui,cesecteurest sinistré. Les ingénieurs qui les conce-vaient, les traders qui les négociaient, lesgérants de fonds spéculatifs qui les ache-taient sont désœuvrés.

Pour combien de temps ? Selon lesexperts, cette crise a ceci de particulierpar rapport aux chocs antérieurs que lesemplois perdus ne se recréeront pas desitôt. « On ne retrouvera pas les niveaux

d’emploi des dernières années », analyseLouis-Armand de Rougé, responsable àParis de Richcourt Fund Advisors. Plu-sieurs facteurs y concourent : la dispari-tionde nombreux établissementsen failli-te ou rachetés ; la cure d’amaigrissementforcée des métiers touchés par la crise(prêts hypothécaires, fusions-acquisi-tions, etc.) ; les efforts demandés par lesEtats aux banques nationalisées, etc.

L’économiste Nicolas Véron du centreBruegel tempère : « Il y aura moins d’em-plois,mais on aura toujours besoind’un sys-tème financier fort et mondialisé, pourallouer l’épargne aux investissements. »

Enattendant,quedeviennent lescentai-nes de milliers de financiers licenciés ? Lesplus talentueux, les « experts », sont viteréembauchés. Pour les autres, la crise éco-nomique complique les choses. « Certainssont recrutés par les départements financiersde groupes industriels, d’autres changent devoie, pour devenir avocat, par exemple »,observe Jim Pedderson chez Challenger,Gray & Chrismas à New York.

Romain Burnand, cogérant de la socié-té Moneta à Paris, confirme qu’à chaquecrise financière, « beaucoup sortent dusys-tème ». « Les licenciements dans la financesont souvent violents, dit-il. Mais pour ceuxqui ont accumulé des bonus, ils sont vécuscomme quelque chose d’assez normal, unecontrepartie aux années fastes. »

AParis,RomainBoisnard,chezMichaelPage,décritunclimatdifficile.Maisildécè-le des opportunités dans les sociétés deconseil, les SSII et même la finance… chezles fonds souverains ! « Le fonds d’AbuDhabi vient d’ouvrir un bureau de450 mètres carrés à Paris », rapporte-t-il.Près de 40 personnes ont été recrutées. a

Claire Gatinois et Anne Michel

A Wall Street, le 18 septembre, trois jours après la faillite de la banque Lehman Brothers.Selon le cabinet de recrutement Challenger, Gray & Christmas, 220 506 emploisont été détruits dans la finance aux Etats-Unis depuis janvier. ANTONIN KRATOCHVIL/VII

SOCIALNégociation sur le chômagepartiel le 15 décembrePatronat et syndicats doiventouvrir, lundi 15 décembre, lanégociation sur le chômage par-tiel. Nicolas Sarkozy avait annon-cé qu’il présenterait un texte« début janvier » si les partenai-res sociaux n’avançaient pas. Laprésidente du Medef, LaurenceParisot, avait dit vouloir connaî-tre les intentions du gouverne-ment en termes de financement.

PHARMACIEM. Viehbacher remodèlela direction de Sanofi-AventisChris Viehbacher, nouveau direc-teur général de Sanofi-Aventis, aannoncé mercredi 10 décembrele départ de Jean-Claude Leroy,directeur financier et juridique.Celui-ci est remplacé par Lauren-ce Debroux, directrice financière,et Karen Linehan, directrice juri-

dique. Il s’agit d’un premier pasdans la réorganisation de la direc-tion du groupe. M. Viehbacheraura les coudées d’autant plusfranches que Jean-François

Dehecq, président de Sanofi-Aventis, a été nommé à la tête ducomité d’orientation du Fondsd’investissement stratégique créépar Nicolas Sarkozy.

14 0123Vendredi 12 décembre 2008

Page 15: Le Monde - 11/12/2008

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res russes. Allemagne et Italiereprésentent 40 % des bénéfi-ces de Gazprom.Diversification. En 2007, l’Eu-rope a importé 60 % de songaz : Russie (26 %), Norvège(17 %), Algérie (11 %), Pays duGolfe, Nigeria, et Egypte pren-nent une part de plus en plusimportante... 40 % proviennentessentiellement de la Mer duNord (Grande-Bretagne, Pays-Bas...).

Les fleurons du payssont obligés de se tourner versla puissance publique pourtrouver les liquidités qui leurfont défaut, en échange de prisede participation au capitalMOSCOU

CORRESPONDANTE

Criseoblige, en Russiecomme partoutailleurs, l’Etat s’est porté au secoursdesbanquesetdesentreprisesendif-

ficulté. Sous forme de liquidités, de créditsou de réductions de taxes, 130 milliardsd’euros ont été injectés. Etranglés par lesdettes, confrontés à une chute vertigineu-se de leur capitalisation boursière, lesgrands groupes russes en sont réduits àjouer des coudes afin d’obtenir l’aide pro-mise par le gouvernement (50 milliardsde dollars, soit 38 milliards d’euros) pourrefinancer leurs crédits.

Les fleurons de l’économie russe – lesmétallurgistes Rusal et Evraz, les majorspubliques Rosneft et Gazprom, la sociétépétrolière privée Loukoïl, le groupe Alphaet bien d’autres – sont aux abois. Pendantles années fastes, tous ont eu largement

recours aux crédits octroyés par des ban-ques étrangères en échange de garantiessur leurs actifs.Alorsque lemarché russeaperdu 75 % de sa valeur, ces actifs se sontdépréciés, mettant les emprunteurs aupied du mur.

Tous ne pourront être sauvés. Seull’Etat va décider qui doit vivre et qui doitmourir. Quelle revanche ! Alors qu’aumoment de la crise économique de 1998les oligarques menaient la danse, dictantsaconduite à unpouvoiraffaibli, contraintde faire défaut sur sa dette publique,aujourd’hui c’est l’inverse, l’Etat est deve-nu leur planche de salut.

Avec plus de 600 milliards de dollarsdans ses caisses – 454 milliards de dollarsdans la réserve or et devises, 180 milliardssur le fonds de stabilisation –, l’Etat a lesmoyens de couvrir la dette des entreprisesestimée à 440 milliards de dollars au total.

En contrepartie, l’Etat « va entrer aucapital des grandes entreprises, là où celasera avantageux pour lui et pour les contri-buables. (…) Je n’exclus pasque cela puisse sefaireà assez grandeéchelle », a averti le pre-mier ministre, Vladimir Poutine, lorsd’uneséancetéléviséedequestions-répon-ses avec ses concitoyens. Le grand mar-chandage a déjà commencé.

Premier servi, le roi de l’aluminiumOlegDeripaska a déjà reçu 4,5 milliards dedollars de la Vnechekonombank (ou VEB,l’équivalent de la Caisse des dépôts) pourrembourser un crédit en vue de l’achat de25 % de Norilsk Nickel. En échange, l’Etata renforcé son contrôle sur le géant minier,nommant ses représentants au conseild’administration.

Si, en 2009, M. Deripaska ne peut rem-bourser le prêt, les 25 % de Norilsk iront àl’Etat. La même chose vaut pour MikhaïlFridman, le milliardaire du groupe Alfa,qui a reçu de la VEB 2 milliards de dollarspour sauver son entreprise Vimpelcom, leplus gros opérateur de téléphonie mobile.

« Retour à une économie planifiée »Débutdécembre, lasociétéNPOSaturn,

constructeur de missiles et de moteursd’avions,partenairedelaSnecma,confron-téeàunmanquedeliquidités,s’estvuepro-mettre l’aide de la VEB. En retour, l’Etatmet la main sur 48,76 % des parts duconstructeur. En fait, Saturn va tomberdansl’escarcelledeRostechnologies, lacor-poration d’Etat géante (420 entreprises)dirigée par Viktor Tchemezov, un ami deM. Poutine, en poste en RDA en mêmetemps que lui dans les années 1980.

Le contrôle de l’Etat, qui détenait déjà37 % des parts de Saturn, est désormaistotal. La bataille féroce engagée parM. Tchemezov pour l’absorber duraitdepuis des mois. Guettée par les contrôlesfiscauxet lesprocèsen justice, sa directionprivée, jusqu’ici majoritaire dans le capi-tal, a dû s’effacer. En Russie, les prises decontrôle ont souvent lieu à coups de pro-cès et de menaces, comme dans le casd’Uralkali, ce producteur de phosphatesvouéàdespoursuitesen justice par levice-premier ministre Igor Setchine, s’il necède pas ses parts.

L’Etat a beau jurer qu’il ne gardera paséternellement ces actifs, le pire est à crain-dre. « Ce plan est synonyme de retour à uneéconomie planifiée. Le Kremlin va dicterquels secteurs et quelles entreprises méritentd’être sauvés », s’inquiète la banque d’in-vestissement UniCredit Aton. Le manquede transparence, la faiblesse des institu-tions, l’avidité du clan au pouvoir fontcraindre que les fleurons de l’industrie nese retrouvent très viteentre les mains de la« Corporation », cette élite en épaulettesissue des services de sécurité (ex-KGB) etpropulsée aux manettes de la politique etde l’économie. a

Marie Jégo

CHIFFRES

L’Etat russe profite de la crise pour reprendrele contrôle de pans entiers de l’économie

Economie&Entreprises

LOISIRLes comptes du Club Méditerranéesont sortis du rouge en 2007-2008Le groupe de loisirs Club Méditerranée aannoncé, jeudi 11 décembre, un bénéficenet de 2 millions d’euros pour l’exercice2007-2008 clos en octobre, contre une per-te de 8 millions un an plus tôt. Le ClubMéditerranée a profité de plus-values de31 millions dues à la vente, en juin, de JetTours à Thomas Cook et de 80 % de ClubMed Gym à un fonds d’investissement.Pour s’adapter à la crise en 2009, le ClubMed a annoncé un plan d’économies de30 millions d’euros. « La crise économiquemondiale nous conduit à prendre des mesu-res fortes et immédiates », a commenté sonPDG, Henri Giscard d’Estaing.

FINANCEL’Etat verse 10,5 milliards d’eurosaux banques françaisesLe ministère des finances a annoncé, jeudi11 décembre dans un communiqué, quel’Etat allait injecter dans la journée10,5 milliards d’euros dans les grandesbanques françaises (Banques populaires,BNP Paribas, Caisses d’épargne, Créditagricole, Crédit mutuel et Société généra-le). Cette injection d’argent, effectuée sousla forme de titres de dette subordonnés,s’inscrit dans le cadre du plan de soutienau secteur bancaire, annoncé en octobreet destiné à éviter une crise du crédit.Bruxelles a donné son feu vert au planfrançais le 2 décembre. Mais l’apport d’ar-gent public ne pourra excéder 21 milliardsau lieu des 40 milliards prévus.

« ENTREZ dans n’importe quelmagasin en Allemagne et dites quevous voulez une Mercedes gratuiteou à moitié prix. Qui vous la vendraà moitié prix ? » C’est ainsi que lepremier ministre russe, VladimirPoutine, a récemment présenté lecontentieux qui oppose son pays àl’Ukraine sur le prix du gaz et unedette ancienne d’environ 2,2 mil-liards de dollars (1,7 milliardd’euros).

Depuis quelques jours, Moscouet Kiev se livrent à de difficilesnégociations qui risquent, fauted’accord, de se traduire par une for-te baisse des approvisionnementsgaziers de l’Europe début janvier– comme en janvier 2006.

« Nous avons transmis à Gaz-prom et aux autorités ukrainiennesque le souhait de la Commission estqu’il n’y ait pas d’impact pour leslivraisons de gaz à l’Union européen-ne », a indiqué, mercredi 10 décem-bre, un de ses porte-parole, FerranTarradellas, en exprimantl’« inquiétude » du commissaire àl’énergie, Andris Piebalgs. La Rus-sie fournit 26 % du gaz consommépar les Vingt-Sept, et 80 % de cegaz transite par l’Ukraine.

Contentieux commercialLes tensions, qui remontent à

l’effondrement de l’URSS en 1991,n’ont cessé de s’exacerber. Legéant russe Gazprom demandeaux Ukrainiens de payer progressi-vement leur gaz au même prix queles Européens en vertu d’unaccord signé en octobre parM. Poutine et son homologueukrainienne Ioulia Timochenko :soit environ 400 dollars pour1 000 m3 début 2009, contre179 dollars aujourd’hui. Faute dequoi il suspendra ses fournitures.Kiev pourrait alors prélever unepartie du gaz à destination de l’Eu-rope. « Si l’Ukraine volait le gaz,nous ne saurions le tolérer », a pré-venu Alexander Medvedev, vice-président de Gazprom, en rappor-tant des propos de M. Poutine.

De nouvelles pressions de Mos-cou sur l’ex-République soviéti-

que ? Le contentieux est d’abordcommercial et économique. Gaz-prom, qui rencontre de grosses dif-ficultés pour financer ses projets dedéveloppement, a besoin d’argent.Et la crise du crédit qui frappe laRussie n’arrange pas ses affaires.

Déclin des champs de SibérieSes trois champs super-géants

de Sibérie occidentale déclinentrapidement. S’il veut honorer sescontrats avec les gaziers euro-péens (E.ON Ruhrgas, GDFSuez, ENI…) au début de la pro-chaine décennie, Gazprom doitdévelopper en priorité les gise-ments de la péninsule de Yamal.Selon son PDG, Alexeï Miller, legroupe y consacre déjà 25 % deses investissements.

Or les experts s’interrogent surla capacité du groupe à mener defront Yamal et d’autres projets degrande envergure, comme l’exploi-tation du gisement géant de Shtok-man en mer de Barents à partir de2013. Avec ses partenaires Total etle norvégien StatoilHydro, il déci-dera d’investir en 2009 (15 mil-liards de dollars pour la premièreétape), mais on parle déjà d’unreport en 2010, voire au-delà. « Leprojet, c’est que les partenaires inves-tissent 30 % et que 70 % viennentd’emprunts », a récemment indi-qué le patron russe de ShtokmanDevelopment.

Il ne faut pas surestimer ladépendance européenne au gazrusse, estime Pierre Noël, cher-cheur et auteur d’un rapport sur lesujet pour le European Council onForeign Relations. Elle n’a cessé dese réduire depuis les années 1990 àmesure que l’Union européenne(UE) diversifiait ses approvisionne-ments et que se développait le gaznaturel liquéfié. Le véritable enjeuest ailleurs, selon M. Noël. Le gazempêche l’UE d’avoir une positioncommune sur l’énergie, les Alle-mands et les Italiens entretenant, àtravers des groupes comme E.ONet ENI, des relations privilégiéesavec Gazprom. a

Jean-Michel Bezat

Gazprom peine à financerses projets de développement

0123Vendredi 12 décembre 2008 15

Page 16: Le Monde - 11/12/2008

VALEURS DU CAC40LES BOURSES DANS LE MONDE 11/12, 9h49

Pays Indice Dernier % var. Maxi Mini PER cours 2008 2008

ACCOR ............................◗ 33,37 33,92 -1,65 -39,00 56,30 24,23 3,15 T FR0000120404AIR FRANCE-KLM .............◗ 9,83 9,95 -1,21 -59,13 24,61 9,01 0,58 T FR0000031122AIR LIQUIDE ......................◗ 62,29 63,16 -1,38 -32,68 95,64 55,77 2,25 T FR0000120073ALCATEL-LUCENT .............◗ 1,97 1,90 3,95 -60,12 5,15 1,44 0,16 T FR0000130007ALSTOM.............................◗ 45,04 45,59 -1,20 -38,72 84,12 28,59 1,60 T FR0010220475ARCELORMITTAL ................ 19,02 19,50 -2,51 -64,25 67,79 12,94 0,25 S LU0323134006AXA ....................................◗ 16,36 16,58 -1,33 -40,27 27,60 11,11 1,20 T FR0000120628BNP PARIBAS ....................◗ 46,19 46,12 0,13 -37,77 75,41 33,55 3,35 T FR0000131104BOUYGUES........................◗ 30,09 30,50 -1,34 -47,21 57,25 24,04 1,50 T FR0000120503CAP GEMINI ......................◗ 26,21 26,29 -0,29 -39,03 45,14 21,25 1,00 T FR0000125338CARREFOUR ......................◗ 28,64 29,11 -1,63 -46,26 53,75 24,16 1,08 T FR0000120172CREDIT AGRICOLE ............◗ 9,86 9,80 0,56 -53,72 21,58 6,76 1,20 T FR0000045072DANONE............................◗ 43,33 43,73 -0,91 -29,43 64,00 38,60 1,10 T FR0000120644DEXIA .................................. 3,44 3,31 4,08 -79,98 18,86 3,03 0,68 T BE0003796134EADS ..................................◗ 11,82 11,98 -1,34 -45,85 22,20 9,29 0,10 T NL0000235190EDF .....................................◗ 40,03 40,40 -0,90 -50,87 83,90 35,20 0,70 S FR0010242511ESSILOR INTL.....................◗ 31,12 31,36 -0,78 -28,71 44,39 26,87 0,62 T FR0000121667FRANCE TELECOM ............◗ 19,64 19,77 -0,66 -20,23 26,14 16,40 0,60 A FR0000133308GDF SUEZ ..........................◗ 30,00 30,50 -1,64 -25,00 44,77 22,00 0,80 A FR0010208488LAFARGE............................◗ 46,62 47,27 -1,36 -62,55 125,45 32,13 4,00 T FR0000120537LAGARDERE ......................◗ 29,61 29,93 -1,10 -42,28 54,68 23,56 1,30 T FR0000130213L'OREAL .............................◗ 61,11 62,10 -1,59 -37,63 99,26 53,32 1,38 T FR0000120321LVMH MOET HEN. ............◗ 47,69 48,24 -1,14 -42,32 83,93 38,10 0,35 A FR0000121014MICHELIN ..........................◗ 39,90 42,15 -5,34 -49,17 79,90 30,65 1,60 T FR0000121261PERNOD RICARD ..............◗ 48,12 48,80 -1,38 -39,12 79,97 38,60 0,69 S FR0000120693PEUGEOT ...........................◗ 13,33 13,57 -1,77 -74,29 53,68 12,03 1,50 T FR0000121501PPR .....................................◗ 40,12 40,96 -2,04 -63,52 112,76 31,06 3,45 T FR0000121485RENAULT ...........................◗ 18,82 18,84 -0,08 -80,60 99,16 14,40 3,80 T FR0000131906SAINT-GOBAIN .................◗ 35,86 36,42 -1,54 -44,39 65,26 23,05 2,05 T FR0000125007SANOFI-AVENTIS .............◗ 44,61 45,10 -1,09 -29,17 66,90 36,05 2,07 T FR0000120578SCHNEIDER ELECTRIC.......◗ 53,78 54,26 -0,88 -41,97 94,29 38,84 3,30 T FR0000121972SOCIETE GENERALE ..........◗ 39,16 39,52 -0,90 -57,71 93,52 25,71 0,90 T FR0000130809STMICROELECTRONICS ...◗ 4,97 5,09 -2,42 -49,29 9,89 4,65 0,06 S NL0000226223SUEZ ENV. .........................◗ 12,11 12,34 -1,86 -13,50 19,95 11,62 n/d FR0010613471TOTAL ................................◗ 40,51 40,47 0,09 -28,73 59,50 31,52 1,14 A FR0000120271UNIBAIL-RODAMCO ........◗ 104,56 105,27 -0,67 -30,26 175,50 96,43 1,75 A FR0000124711VALLOUREC.......................◗ 82,24 83,17 -1,11 -55,58 224,45 64,19 7,00 T FR0000120354VEOLIA ENVIRON. ............◗ 19,06 19,47 -2,11 -69,48 64,00 16,55 1,21 T FR0000124141VINCI..................................◗ 30,38 30,89 -1,67 -40,02 51,15 21,70 1,05 S FR0000125486VIVENDI.............................◗ 21,90 22,23 -1,46 -30,21 31,60 16,32 1,30 T FR0000127771

Jeudi 11 décembre 9h45Valeur Dernier Cours % var. % var. Plus Plus Divid. Code cours préc. /préc. 31/12 haut bas net ISIN

FRANCE CAC 40 3276,48 11/12 -1,32 5665,94 2/1 2838,50 21/11 8,40

CAC Mid100 4466,97 11/12 -0,53 7736,69 2/1 4108,49 21/11

CAC Small 90 3851,73 10/12 1,00 8124,81 2/1 3764,10 5/12

SBF 250 2317,69 10/12 0,72 3953,69 2/1 2022,54 21/11 9,00

ALLEMAGNE DAX Index 4730,81 11/12 -1,54 8100,64 2/1 4014,60 24/10 11,50

ROYAUME UNI FTSE 100 index 4319,44 11/12 -1,10 6534,70 4/1 3665,21 27/10 7,50

SUISSE Swiss market 5636,60 11/12 -2,00 8421,00 3/1 5034,41 21/11 19,40

ETATS-UNIS Dow Jones ind. 8761,42 11/12 0,81 13279,54 2/1 7449,38 21/11 12,20

Nasdaq composite 1565,48 10/12 1,17 2661,50 2/1 1295,48 21/11 14,90

JAPON Nikkei 225 8720,55 11/12 0,70 15156,66 4/1 6994,90 28/10 12,50

(Publicité)

Cours en euros.◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'anima-tion. Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2008. n/d : valeur non disponible. A : acompte, S : solde, T : totalité.

SÉLECTION publiée sous laresponsabilité de l'émetteur

Dernier cours connu le 11/12 à 9h

Valeur Cours date

en euro valeur

Fonds communs de placementsECUREUIL BENEFICESRESPONSABLES 33,45 9/12ECUREUIL ACTIONS EUROP. C 12,15 9/12ECUREUIL CAPIPREMIERE C 2746,22 9/12ECUREUIL CAPITAL C 56,65 9/12ECUREUIL DYNAMIQUE + D 27,46 9/12ECUREUIL ENERGIE D 33,48 9/12ECUREUIL EURIBOR 1237,44 9/12ECUREUIL EXPANSION C 18174,92 9/12ECUREUIL INVESTISSEMENT D 38,27 9/12ECUREUIL MONEPREMIERE C 2372,13 9/12

ECUREUIL SECURIPREMIERE C 2561,46 9/12ECUREUIL SENSIPREMIERE C 3372,94 9/12ECUREUIL TRESORERIE C 66,24 9/12ECUREUIL TRIMESTRIEL D 261,30 9/12

Multi-promoteursCM-CIC EUROPE 18,45 9/12Fonds communs de placementsCM-CIC EURO ACT C 16,32 9/12CM-CIC SELECT PEA 6,02 9/12CM-CIC MID EUROPE 13,35 9/12CM-CIC TEMPERE 148,97 9/12CM-CIC DYN.EUROPE 26,74 9/12CM-CIC FRANCE 26,83 9/12CM-CIC EQUILIBRE 57,90 9/12CM-CIC DYN.INTERN. 19,95 9/12CM-CIC OBLI C.T. 134,55 10/12CM-CIC MID FRANCE 21,99 9/12

GMO ACTIONS 70,39 9/12LBPAM ACTIONS AMERIQUE C 16,57 9/12

LBPAM ACTIONS DEVELDURABLE C 91,51 9/12LBPAM ACTIONS DEVELDURABLE D 84,16 9/12LBPAM ACTIONS DEVELDURABLE S 60,52 9/12LBPAM ACTIONS EURO R 20,51 9/12LBPAM ACTIONS FRANCE C 72,48 9/12LBPAM ACTIONS FRANCE D 64,02 9/12LBPAM ACTIONS INDICE FRANCE 27,12 9/12LBPAM ACTIONS INDICE EURO 62,66 9/12LBPAM ACTIONS MIDCAP C 68,39 9/12LBPAM ACTIONS MIDCAP D 63,33 9/12LBPAM ACTIONS MONDE C 148,57 9/12LBPAM ACTIONS MONDE D 124,79 9/12LBPAM ACTIONS PACIFIQUE C 13,77 9/12LBPAM MONETAIRE C 125,77 10/12LBPAM MONETAIRE D 110,90 10/12LBPAM OBLI LONG TERME D 124,33 8/10LBPAM OBLI MOYEN TERME C 226,76 9/12LBPAM OBLI REVENUS 736,44 9/12LBPAM PROFIL 100 C 53,73 9/12LBPAM PROFIL 100 D 49,27 9/12LBPAM PROFIL 100 S 64,64 9/12LBPAM PROFIL 15 C 209,02 9/12LBPAM PROFIL 15 D 191,49 9/12LBPAM PROFIL 50 C 191,01 9/12LBPAM PROFIL 50 D 175,46 9/12LBPAM PROFIL 80 C 186,55 9/12LBPAM PROFIL 80 D 171,88 9/12LBPAM PROFIL 80 PEA C 70,14 9/12LBPAM PROFIL 80 PEA D 64,23 9/12

LBPAM PROFIL 80 PEA S 72,04 9/12LBPAM TRESORERIE P 3160,76 9/12LBPAM TRESORERIE E 6882,49 9/12VIVACCIO ACTIONS 70,69 9/12Fonds communs de placementsLBPAM ACTIONS TELECOM 39,27 9/12LBPAM ACTIONS EUROPE C 48,09 9/12LBPAM ACTIONS FINANCE 42,94 9/12LBPAM ACTIONS SANTE 73,71 9/12LBPAM OBLI EUROPE D 105,09 9/12

FCP Multi-gestionCM-CIC DYN.INTERN. 19,95 9/12CM-CIC OBLI C.T. 134,55 10/12CM-CIC OBLIGATIOND 24,94 10/12CM-CIC MID FRANCE 21,99 9/12CM-CIC USA 4,94 8/12CM- CIC JAPON 3,07 8/12CM-CIC PLAN BOURSE 15,72 9/12CM-CIC TEMPERE 148,97 9/12CM-CIC EURO ACT C 16,32 9/12CM-CIC FRANCE 26,83 9/12........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Ecofrictions M. Brown pratique-t-ilun « keynésianisme grossier » ?

COURS DE L'EURO

TAUX D'INTÉRÊT LE 11/12Taux Taux Taux Tauxj.le j. 3 mois 10 ans 30 ans

france 2,35 3,38 3,60 4,03

royaume-uni 1,97 3,25 3,52 4,36

italie 2,35 3,38 4,46 5,34

allemagne 2,35 3,38 3,21 3,73

japon 0,46 0,95 1,44 2,27

états-unis 0,12 2,10 2,69 3,44

suisse 0,31 1,14 2,23 2,62

L’Allemagne est sommée dedesserrer en grand les cor-dons de sa bourse, maisson ministre des finances

Peer Steinbrück n’a pas du toutl’intention de céder aux pressionsexercées sur Berlin par une coali-tion Paris-Londres.

Dans une interview à l’hebdo-madaire Newsweek du mercredi10 décembre, le grand argentierallemand contre-attaque : il« tacle »sansménagement le pre-mier ministre britannique Gor-don Brown et ses récentes mesu-res pour lutter contre la récession.« Ceux-là mêmes qui ne touchaientjamais aux dépenses publiques jet-tent aujourd’hui des milliards parles fenêtres », a-t-il dénoncé. Unrevirement « stupéfiant » et quirelève d’un « keynésianisme gros-sier », selon M. Steinbrück.

« Nos amis britanniques bais-sent aujourd’hui leur taxe sur lavaleur ajoutée », rappelle aveccondescendance le ministresocial-démocrate (SPD). Nousn’avons aucune idée du nombre de

magasins qui répercuteront cettediminution pour le consomma-teur. »

En présentant, fin novembre,son plan de relance de 20 mil-liards de livres (23,5 milliardsd’euros), marqué par une baissede la TVA de 2,5 points, le gouver-nement britannique avait décidéde s’affranchir de sa traditionnel-le discipline budgétaire. « Toutcela portera la dette de la Grande-Bretagne à un niveau tel qu’il fau-

dra une génération entière pour larésorber », fait valoir M. Stein-brück.

En visant M. Brown, le minis-tre veut faire taire les critiques descapitales européennes qui accu-sent l’Allemagne de frilosité face àla crise. Nicolas Sarkozy etM. Brown tentent de pousser legouvernement d’Angela Merkel àremettre la main à la poche, maisla Chancelière refuse d’allerau-delà des mesures déjà adop-tées au niveau national.

Berlin n’a pas apprécié queMme Merkel soit tenue à l’écart dela rencontre entre M. Brown et leprésident français, organisée lun-dià Londres,pour préparer le som-met de l’Union européenne du 11et du 12 décembre à Bruxelles.

Ces attaques contre le premierministre britannique donnent leton, à l’ouverture du conseil euro-péen. Les Vingt-Sept doivent semettre d’accord sur le plan derelance de 200 milliards d’eurosproposé par la Commission. MaisBerlin a clairement fait savoir qu’il

refusait de payer pour les autres etde laisser filer les déficits.

« Depuis un moment, la positionà Bruxelles et ailleurs est de dire :“Nous sommes très favorables à lamise en place de programmes dedépenses à grande échelle, mais onne va pas se demander quels effetsprécis ils peuvent avoir. Et puisqueles sommes sont élevées, eh bien, fai-sons payer les Allemands puisqu’ilsle peuvent !” », s’indigne M. Stein-brück. « Mme Merkel et moi-mêmeessayons de les calmer un peu pour lemomentet,demanière compréhensi-ble, cela nous attire des critiques »,explique ce chantre de l’orthodo-xie budgétaire.

M. Brown n’est pas la premièrevictime de M. Steinbrück. Connupour son franc-parler, le ministreavait déjà accusé d’autres diri-geants européens, lancés dans unecourse à l’emprunt, de se compor-ter comme des « lemmings », cespetits rongeurs quise déplacentenmasse lors de leurs migrations. a

Marie de Vergès(Berlin, correspondance)

PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exer-cice courant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue.n/d : valeur non disponible.

Achat Vente

dollar us ................................1,3110...........1,3112

yen .......................................120,9300 ......120,9600

couronne tchèque .............25,8260.........25,8460

couronne danoise ...............7,4500...........7,4510

livre sterling.........................0,8777...........0,8782

forint hongrois...............263,1000 ......264,1000

zloty polonais ......................3,9600...........3,9700

couronne suédoise ............10,5867.........10,5967

couronne slovaque ..........30,1460.........30,2460

franc suisse ...........................1,5633...........1,5636

couronne norvég. ...............9,1683...........9,1737

rouble ...................................36,5700.........36,6710

livre turque...........................2,0280...........2,0380

dollar australien ................1,9895...........1,9905

dollar canadien ...................1,6385...........1,6395

yuan chinois..........................8,9768...........8,9868

won sud-coréen ............1773,0000 ....1774,0000

dollar néo-zéland...............2,3930...........2,4030

rand sud-africain .............13,3133.........13,3233

JEUDI 11 DÉCEMBRE 9h49 Cours % var.

ONCE D'OR EN DOLLAR.................785,75 ........1,91

JEUDI 11 DÉCEMBRE 9h49 Cours % var.

LIGHT SWEET CRUDE.......................43,81 ........0,67

TAUX

OR

PÉTROLE

Etats-UnisLe déficit budgétaire des Etats-Unis pour les deux premiersmois de l’exercice 2008-2009(octobre et novembre) a atteintprès de 90 % du déficit total,record, de l’exercice précédent,selon les chiffres publiés, mercredi10 décembre, par le Trésor. Le défi-cit budgétaire cumulé pour cesdeux mois a atteint 401,574 mil-liards de dollars (305,7 milliardsd’euros). En novembre, les dépen-ses de l’Etat ont atteint 309,2 mil-

liards de dollars, un record pourun mois de novembre, tandis queles recettes ont reculé de 4,2 %, à144,782 milliards de dollars.

ChineL’indice des prix à la consomma-tion, principale mesure de l’in-flation en Chine, a progressé ennovembre de 2,4 % sur un an,après 4 % en octobre, son plus basniveau mensuel depuis près dedeux ans, selon des chiffres offi-ciels publiés jeudi 11 décembre.

Corée du SudLa banque centrale sud-coréen-ne a réduit, jeudi 11 décembre,son taux directeur d’un pointde pourcentage, un record, leramenant ainsi à 3 %. Il s’agit dela quatrième baisse en à peinedeux mois, les autorités tentantde relancer la quatrième écono-mie asiatique.Le taux directeur de la banquecentrale sud-coréenne a étéréduit de 2,25 points de pourcen-tage depuis le 9 octobre.

FMILe numéro deux du Fondsmonétaire international (FMI),John Lipsky, a indiqué, mercre-di 10 décembre, qu’il était pro-bable que son institution abaisseen janvier ses prévisions de crois-sance pour l’année 2009. Audébut du mois de novembre, leFonds prévoyait une croissancemondiale de 2,2 % en 2009 etune contraction de 0,3 % du pro-duit intérieur brut (PIB) des paysdéveloppés.

Peer Steinbrück,le ministre allemanddes finances, taclesans ménagementle plan de relancedu premier ministrebritannique

SICAV ET FCP

TABLEAU DE BORD

POUR une entreprise, il y a unebonne et une mauvaise façon des’y prendre pour rassurer lesinvestisseurs sur la solidité de sonbilan. La mauvaise consiste àattendre que le problème se résol-ve de lui-même : on a vu ce quecela a donné dans le cas de la ban-que Lehman Brothers. Rio Tinto aopté pour une tactique plus pru-dente. Le groupe minier anglo-australien a annoncé des mesuresdraconiennes pour amasser desliquidités et réduire son endette-ment, qui atteint la coquette som-me de 39 milliards de dollars(29,7 milliards d’euros).

L’entreprise a les moyens detenir ses engagements vis-à-visdes banques, mais elle doit faireface à une échéance de 8,9 mil-liards de dollars en octobre 2009.Elle devra soit l’honorer, soit larefinancer : il y a là de quoi absor-ber les liquidités produites paruneannée entièred’activité opéra-tionnelle. Au pire, Rio Tinto a desactifs qui peuvent se négocier auxenvirons de 30 milliards de dol-lars, en fonction du marché.

Leproblème,c’estqu’en s’impo-santun jeûne aussi sévère, l’entre-prise risque d’épuiser ses forces.Elle est en train de réduire dedeux tiers ses investissementsdans les nouveaux projets. Rio

Tinto pense que les ressourcesminières vont prendre de lavaleur dans les cinq prochainesannées. Si son pronostic est juste,le gel des projets peut donner l’oc-casion à la concurrence de pren-dre une longueur d’avance.

Quand les cours remonteront,Rio Tinto n’en profitera pas plei-nement parce que sa capacitéd’extraction sera insuffisante. Sesrivales moins endettées, commeBHP Billiton, cueilleront lesfruits à sa place.

Par ailleurs, Rio Tinto pourraittraverser une passe difficile enfévrier 2009, lorsque l’entreprisecommuniquera aux investisseursdes chiffres actualisés sur la valeurdesesactifs.Elleaachetéleproduc-teur d’acier canadien Alcan pour38 milliards de dollars en octo-bre 2007. Depuis, le cours de l’alu-minium a chuté de 40 % et on peutdire sans trop s’avancer que lavaleur d’Alcan a été surestimée.

Etre dans l’embarras n’a jamaistué personne. Se trouver confrontéà l’assèchement du crédit qui privede refinancement, en revanche…Toutes les entreprises qui ontdevant elles des échéances de rem-boursement proches feraientmieux de méditer sur le sujet. a

John Foley(Traduction de Christine Lahuec)

BNP PARIBAS vient de secouerl’immobilisme du marché obliga-taire avec une émission de 1,5 mil-liard d’euros non garantie parl’Etat – première du genre depuisla décision prise il y a près de deuxmois par les gouvernements euro-péensdevenirenaideà leurssystè-mes bancaires.

La banque a recueilli près de3,5 milliards d’euros d’ordres enquatre-vingt-dix minutes, un suc-cès qui indique au moins que lesmarchés ne considèrent plus lesinstitutions financières commeradioactives. Le taux d’intérêt –160 points de base (1,6 %) au-des-sus du taux sans risque – est serré,reflétant la bonne réputation deBNP Paribas. La banque françaisedevrait ainsi parvenir à se financerà des taux analogues à ceux desbanquesbritanniquesquiontchoi-si de solliciter la protection et lagarantie de l’Etat.

Ce succès tient à l’évidence aufait que BNP Paribas soit l’une desrares banques restées solides mal-gré la crise financière. Mais ilpourrait aussi indiquer que lesinvestisseurs considèrent que labanque bénéficie d’une garantiepublique implicite.

Comme toutes les banques fran-çaises, BNP Paribas participera auprogramme d’émissions garantiespar l’Etat que doit lancer la Sociétédefinancementdel’économiefran-çaise en 2009, pour un montant dequelque 50 milliards d’euros. Maisla quote-part de la BNP ne suffirapasàassurersonfinancement, et larécente émission montre que labanquepourracomptersurlesfiliè-res traditionnelles. D’autant que lemarché obligataire semble attirerun nouveau type d’investisseur,notamment dans la banque privéeou la banque de détail, qui s’estdétourné des marchés d’actions.

Les banques ne font donc pluspeur. Une hirondelle ne fait pas leprintemps, et il en faudra davanta-ge pour que la confiance revienne.Même les concurrents français deBNP Paribas, la Société générale etle Crédit agricole pourraient ren-contrerquelquedifficultéàsefinan-cer dans les mêmes conditions.Mais le « coup » de la principalebanque française pourrait signifierle commencement du début dudégel. D’autres devraient suivre. a

Pierre BriançonPour plus de commentaires, connec-tez-vous sur Breakingviews.com

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Rio Tinto : un jeûnesévère ou la mort

BNP Paribas réveillele marché obligataire

16 0123Vendredi 12 décembre 2008

Page 17: Le Monde - 11/12/2008

En attendant d’être approuvéepar le Sénat, l’aidede 15 milliards de dollarsne va pas permettre de résoudreles difficultésdes trois grands constructeurs

LA COMMISSION européenne a fixé, le8 décembre, un calendrier pour le retraitdéfinitifdes rayons desmagasins des lam-pes les plus énergivores, les fameusesampoules en forme de bulbe dont le fila-ment chauffe plus qu’il n’éclaire.

Le 1er septembre 2009, ne seront pluscommercialisées les lampes à incandes-cence de plus de 100 watts et les lampesdépolies des classes B à G (il existe septcatégories de lampes selon leur perfor-mance énergétique, de A, la meilleure, àG, la plus gourmande et inefficace).

Le 1er septembre 2010, les ampoulesclaires de 75 watts ne pourront plus êtrevendues, puis, en 2011, celles de 60 watts,et, enfin, en 2012, toutes les autres. En2016, les lampes halogènes les moins per-formantes seront retirées du marché.

La mesure, qui doit être ratifiée, enmars, par le Parlement européen, étaitattendue depuis longtemps, mais le textea subi tant deremaniements que les fabri-cants sont soulagés que les incertitudessoient levées. « Dès septembre 2009, lechoix des consommateurs va être boulever-sé, puisque la moitié des ampoules actuellesdisparaîtront des rayons », remarqueXavier Pérou, délégué général de l’Asso-

ciation française de l’éclairage. Les ache-teurs devront se tourner vers les lampesfluocompactes, permettant jusqu’à 75 %d’économie d’énergie et dont la durée devie est 8 à 10 fois supérieure, ou vers leslampes halogènes haute performance,plus économes en énergie de 25 % à30 %. Le prix d’achat de ces articles estencore nettement supérieur, de 8 à15 euros pour une lampe fluocompacte,contre 1,5 euro environ l’ampoule classi-que, mais cette différence est récupéréeen consommation et en durée de vie.

Nouvelle donneLes emballages indiqueront la durée de

vie, la classe énergétique, la teinte de lalumière, letempsdechauffeavantd’attein-drelaluminositémaximaleet lacompatibi-lité de l’ampoule fluocompacte avec unvariateur de lumière.

Cesont4,2milliardsd’ampoulesàincan-descence qui vont, en Europe, être peu àpeuremisées,nonsansposerquelquespro-blèmes. Les nouvelles ampoules fluocom-pactes,quicontiennentunpeudemercure,devrontêtrerecycléesdansunefilièreparti-culièremiseenplacepar l’organismeRécy-lum, qui les collecte dans les points de ven-

te ou les déchetteries (adresses sur les sitesmalampe.org et recylum.com).

Ces lampes sont massivement fabri-quées en Asie, Inde, Chine, Vietnam et laproduction, notamment chinoise, n’est nidelameilleurequaliténiconformeauxnor-mes européennes. « Si la Grande-Bretagnea réussi le tour de force de faire contrôler l’en-semble de ses importations, en France, leseffectifsde laDirectionde la concurrenceet dela consommation pour le contrôle des pro-duits électriques sont notoirement insuffi-sants », déplore M. Pérou.

Les fabricants comme Philips, Osram,filialedeSiemens,ouGeneralElectric (GE)doivents’adapterà lanouvelledonnesurcemarché dominé par les lampes à incandes-cence,dontilsontvendu,en2007,enEuro-pe, 1,8 milliard d’unités (185 millions enFrance, contre 23 millions de lampes fluo-compactes). Il leur faut réorganiser leursusines européennes de lampes à incandes-cence,parexemplecellesdePhilipsenPolo-gne, de GE en Hongrie et d’Osram àMolsheim (Alsace), qui emploie quelque450personnes.« Maisilne fautpasescomp-terquel’Europeseréindustrialiseaveccesnou-velles productions », commente M. Pérou. a

Isabelle Rey-Lefebvre

Au Congrès américain, la Chambredes représentants a largement voté,mercredi 10 décembre, en faveur

d’une enveloppe de 15 milliards de dol-lars pour l’industrie automobile (14 mil-liards pour General Motors et Chrysler et1 milliard pour les petites entreprises dusecteur). Les discussions, plus difficiles,avec le Sénat, se poursuivent. Un votedevrait intervenir vendredi. De nombreu-ses questions restent en suspens.Ces 14 milliards sont-ils suffisantspour relancer les constructeurs ?Clairement non. Cette aide initiale per-mettra à General Motors et Chrysler, enmal de liquidités, de passer les prochai-nes semaines. Mais le montant allouéprouve aussi que le Congrès maintient lapression vis-à-vis des « Big Three » (lesdeux constructeurs bénéficiant de l’aideainsi que Ford) afin qu’ils mettent surpied un plan de restructuration solideavant fin mars 2009.Cette aide va-t-elle poser des pro-blèmes concurrentiels à l’Organisa-tionmondiale ducommerce ?« L’oc-troi de subventions publiques n’est pascontestable en lui-même », indique OlivierProst, avocat associé du cabinet Gide Loy-rette Nouel. Toutefois, ces subventionsdeviendraient illégales si elles concer-naient l’exportation – ce qui n’est pas lecas – ou si elles causaient un préjudice àun pays tiers membre de l’OMC.

« D’autant qu’il y a asymétrie dans lescontrôles des aides. En effet, il n’y a pas decontrôle aux Etats-Unis contrairement àl’Europe », souligne M. Prost. Toutefois,les constructeurs étrangers européensinstallés aux Etats-Unis pourraient êtregênés à l’avenir par les subventionsallouées aux Américains.

« Si une attaque à l’OMC n’est pas envi-sageable à l’heure actuelle, estimeM. Prost, la Commission européenne devrafaire preuve d’une grande vigilance. » Elledoit demander une notification de sessubventions afin que tous les autres paysmembres connaissent exactement lecontenu de ces aides.Quelle sera l’attitude des syndi-cats ? Les discussions avec le puissantsyndicat UAW n’ont pas vraiment eu lieu.Certes, un nouveau contrat d’entreprisepour une durée de quatre ans signé en2007,prévoit lacréationd’unfonds de ges-tion des pensions et de la couverture santédes retraités qui sera géré par le syndicat.Mais ce contrat ne rentrera en fonctionqu’en2010.« Vula situationactuelle, il fautpeut-être envisager de l’avancer à 2009 »,estimeXavierMosquet,duBoston Consul-ting Group à Detroit. Selon lui, il est aussinécessaire de renégocier la dette de 7 mil-liardsdedollarsqueGeneralMotorspossè-de vis-à-vis du fonds de pension.

Lors des auditions des 3 et 4 décembre,Ron Gettelfinger, le président de l’UAW,s’est dit prêt à revenir sur la Job Bank, cetétablissement qui permet aux ouvrierslicenciés de toucher 95 % de leurs salaires,parfois jusqu’à leur retraite. M. Gettelfin-ger a tout intérêt à faire des concessionspour éviter le placement des constructeurssouslerégimedu« Chapter11 », laloiamé-ricaine sur les faillites. Le risque pour lessyndicatsestque, faute de concessions suf-

fisantes de leur part, le plan soit retoqué.Dans ce cas, la mise sous « Chapter 11 »serait probable et General Motors n’auraitpas alors à rembourser les 7 milliards dedollars qu’il doit au fonds de pension.Les concessionnaires sont-ils prêtsà se restructurer ? Le réseau de Gene-ralMotors,FordetChryslerestcomposéde13 900 concessionnaires. La question de larestructuration du réseau est très délicate.Tous les représentants au Congrès sontconcernés dans leur Etat. Jusqu’à présent,un accord tacite entre les « Big Three » etleur réseau prévoyait une prime de1 500 dollars pour chaque voiture venduedans l’année. Pour indemniser le conces-sionnaire, le constructeur se basait sur lenombre de voitures vendues dans l’année.Quel sera exactement le rôle du« tsar de l’automobile » ? Une descomplexités est de définir le statut decelui qui sera chargé de superviser le plande sauvetage : doit-il être un banquier quis’assurera que l’argent de l’Etat est biengéré ou le représentant de l’Etat-action-naire soucieux de prendre part aux déci-sions stratégiques des constructeurs ?« Il est clair que les constructeurs voientd’un mauvais œil l’arrivée d’un vrai diri-geantd’entreprisequi supervisera leurs déci-sions », note M. Mosquet.Chrysler peut-il rester tout seul ?Cela paraît impossible. Mais est-il légitimed’injecterdel’argentpublicdansunesocié-té susceptible de se faire racheter par ungroupe étranger ? A l’été 2008, il y avaitdes prétendants. Aujourd’hui, peu deconstructeurs ont les ressources pour s’en-gager dans une fusion de cette taille. On aparlé un temps de Renault mais aujour-d’hui seul General Motors paraît encoresur les rangs. a

Nathalie Brafman

Questions autour du plan desauvetage de l’automobile américaine

MÊME si le Salon nautique de Paris – quise poursuit jusqu’au dimanche 14 décem-bre – se révélait être une bonne surprise,cela ne suffirait pas à inverser la tendan-ce : cette industrie est en crise. Aux Etats-Unis, le marché a chuté de 40 % depuisseptembre. En Europe, l’Espagne est par-mi les pays les plus touchés.

« Notre activité est fortement corrélée avecle taux de croissance économique, analyseJean-François Fountaine, PDG du chan-tier charentais Fountaine Pajot Catama-rans.Lebateauestunbiendedeuxièmenéces-sité dont l’achat se diffère facilement, surtouten cas de resserrement du crédit. »

La profession a manqué de chance. Sep-tembre, octobre et novembre représententtraditionnellement 50 % des commandesde la saison nautique, période où la crise aéclaté. « Après la faillite mi-septembre de labanqueLehmanBrothers, il y aeu commeunarrêt sur image, raconte Yves Lyon-Caen,président du conseil de surveillance dugroupeBeneteau, leadermondialdelaplai-sance à voile. Les clients ont eu peur de voirleur épargne disparaître, stoppant net leurscommandes. » Une catastrophe pour leschantiers déjà en mauvaise santé, à l’instarde Dehler, troisième constructeur de voi-liers allemand, aujourd’hui soutenu finan-cièrement par le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, où il est implanté.

En France, le groupe Poncin Yachtsdevrait être fixé sur son sort le 16 janvier2009 par le tribunal de commerce deLa Rochelle. Nouvellemise sous sauvegar-de ? Arrêt de l’activité ? Beaucoup dépen-dra de la capacité du chantier à renégociersa dette de 22 millions d’euros – pour unchiffre d’affaires 2007-2008 de 47,8 mil-lions d’euros – auprès des banquiers.

« Surcapacité »Rodriguez Group, distributeur français

de yachts de luxe, est lui aussi en difficulté.Le titre a dévissé en Bourse après l’annon-ce, le 14 novembre, d’un chiffre d’affairesannuel (closau30 septembre)enretraitde34,2 % par rapport à l’exercice précédent.L’annulation de nombreuses commandesa un peu plus fragilisé l’entreprise, dont lesystème de reprise d’occasion, garanti à

chacundesesacheteurs, luiadéjàfaitbeau-coup de tort.

La tempête ne devrait épargner person-ne, même si certains marchés de nichepourraient mieux tirer leur épingle du jeu.M. Lyon-Caen espère que Beneteau « ferade cinq à dix points de mieux que le marchémondialqui devrait baisser en 2009, de 15 %à 35 % ». Du jamais vu depuis la crise de1990-1995. « Depuis treize ans, le marchéafficheunebelle croissance.Lesgrosconstruc-teurs ont fait d’énormes efforts de productivi-té,baissantleursprixetrenforçantleurscapa-cités industrielles, constate M. Fountaine.Du coup, certains sont en surcapacité. »

« Il y aura des entreprises à terre »Décidés à écouler les stocks et à ren-

flouer la trésorerie, beaucoup de chantiersprésents au salon de Paris bradent les prix(de 20 % à 50 %). La grande majorité adéjà réduit la production, à l’instar deDufour. Sur 15 des 20 sites industriels dugroupe Beneteau (6 000 salariés, dont5 000 dans le bateau), intérimaires et CDDn’ont pas été renouvelés. Mais au début del’année, il faudra certainement avoirrecours au chômage partiel.

Annette Roux, présidente de la Fédéra-tion des industries nautiques (FIN) – prèsde 5 000 entreprises, 45 000 emplois,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires –devrait dès janvier rencontrer les pouvoirspublicsetréclamerunemeilleureindemni-sation pour les salariés qui ne travaillerontplus à plein temps.

Tout cela ne suffira pas. Comme le ditMme Roux, « il y aura des entreprises à ter-re ». Certains se pencheront-ils pourramasser la mise, accentuant la concentra-tion du secteur ? « Beaucoup de dossierssont d’ores et déjà étudiés par les acteurs lesplus solides, confirme Philippe Guglielmet-ti, PDG du chantier Arcoa, l’une des plusanciennes marques françaises de bateauxà moteur. Mais les deals ne se feront pas toutde suite. Il faut d’abord savoir combien detemps cette crise va durer. » Chez Beneteau,on admet regarder quelques opportunités,dans la gamme de luxe des bateaux àmoteur et du côté de la voile. a

Marie-Béatrice Baudet

Economie&Entreprises

Depuis dix ans, c’était l’inflationdans les placards des Françaises :en moyenne, selon l’Institut fran-

çais de la mode (IFM), elles avaient aug-menté leur garde-robe de 20 % au coursde cette période. Des pantalons, des ves-tes, des chemises, des manteaux, desgants… La crise économique pourraitavoir une incidence radicale sur ce phé-nomène : pour la première fois depuis1993, les Françaises ont acheté un nom-bre moins important de vêtements entrejanvier et octobre 2008 qu’au cours de lamême période de 2007. Précisément 2 %de moins, a calculé l’IFM, lors d’un son-dage réalisé auprès d’un échantillond’un millier de personnes.

En termes financiers, cela se traduitpar une baisse de 3,4 % du chiffre d’affai-res dépensé dans le prêt-à-porter et, plusparticulièrement par un recul de 3,9 %des chemises, pulls, T-shirts et vestes.

L’incidence de la crise sur la consomma-tion est bel et bien tangible et se traduitpar une baisse de fréquentation dans lesmagasins, des arbitrages budgétaires plusou moins sévères. Un marasme accru parune météorologie peu engageante cet été,un moral des Françaises « en berne »,selon l’IFM.

L’auteure de cette étude, Evelyne Cha-ballier, directrice des études économiqueset prospectives de l’IFM, a demandé ennovembre à 500 femmes de décrire leursachats depuis quelques mois. 41 % ontdéclaré avoir « réduit leurs dépenses ».

Démontrant s’il le fallait que la mode peutêtre un facteur d’addiction, 20 % d’entreelles ont estimé qu’elles « s’étaient effor-cées de moins dépenser », en avouant toute-fois qu’elles n’y étaient absolument pasparvenues.

Les plus jeunes, soit 13 %, ont déclaréqu’elles avaient préféré se faire plaisir ens’achetant de nouvelles tenues, quitte àréduire d’autres dépenses, notamment ali-mentaires. Une façon comme une autre deconcilier régime et coquetterie. La crise n’aatteint en rien plus d’un cinquième (21 %)des sondées qui affirment « s’être fait plai-sir avant tout ». Les 4 % restantes n’ont étéconcernées « par rien de tout cela ».

« Un antidote à la morosité »Sans réelle surprise, cette enquête

confirme que, chez les femmes, l’achat devêtements constitue « un plaisir », « unantidote à la morosité », voire une forme« d’égothérapie ». Les victimes de la modedénoncent toutefois « l’uniformisation del’offre des grandes enseignes » et sont aga-cées par la dégradation de la qualité desmatières employées. La moitié des fem-mes avouent faire du shopping pour elles-mêmes au moins une fois par mois (12 %toutes les semaines et 38 % tous les mois).

Les hommes ne sont pas en reste : ilsachètent davantage de vêtementsqu’auparavant, sans doute, plaident-ils,parce qu’ils ont beaucoup de retard parrapport aux femmes. a

Nicole Vulser

ÉNERGIE UN CALENDRIER DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Le retrait des ampoules à incandescencetrop gourmandes en électricité sera total en 2012

LOISIRS LE MARCHÉ DEVRAIT BAISSER DE 15 % À 35 % EN 2009

L’industrie nautique prend l’eauet se prépare à des rapprochements

AUTOMOBILELouis Schweitzer va quitterla présidence de RenaultLouis Schweitzer (également présidentdu conseil de surveillance du Monde)quittera ses fonctions de président duconseil d’administration de Renault. Ilne renouvellera pas son mandat d’admi-nistrateur lors de la prochaine assem-blée générale des actionnaires en 2009.M. Schweitzer sera remplacé par CarlosGhosn, qui deviendra PDG du groupe.

FINANCEM. Borloo scandalisé par l’affaireEco-EmballagesLe ministre du développement durableJean-Louis Borloo s’est déclaré « scanda-lisé » par l’affaire des placements finan-ciers dans des paradis fiscaux réaliséspar la société Eco-Emballages, mercredi10 décembre. « Je n’accepte pas que60 millions d’euros destinés aux collectivi-tés locales soient placés dans un paradis fis-cal », a martelé le ministre.

La crise stoppe l’inflation de vêtementsdans les placards féminins

General MotorsPDG : Rick Wagoner252 000 salariés

Chiffre d’affaires (janv.-sept. 2008)

118,6 milliards de dollars

Pertes nettes (janv.-sept. 2008)

21,2 milliards de dollars

Marques : Hummer, Pontiac,Saab, Cadillac, Buick, Chevrolet,GMC, Saturn, Opel (en Europe)...

FordPDG : Alan Mulally224 000 salariés

Chiffre d’affaires (janv.-sept. 2008)

117 milliards de dollars

Pertes nettes (janv.-sept. 2008)

11,6 milliards de dollars

Marques : Ford, Volvo, Lincoln

ChryslerPDG : Robert Nardelli55 000 salariés

Chiffre d’affaires (janv.-sept. 2008)*

35 milliards de dollars

Pertes nettes (janv.-sept. 2008) *4,5 à 9 milliards de dollars

Marques : Chrysler, Dodge, Jeep*Estimations. Chrysler n’est pas coté :le groupe appartient à 80 % au fondsCerberus

ÉVOLUTION DES PARTS DE MARCHÉ AUX ETATS-UNIS

Source : Standard & Poor’s, Boston Consulting Group(est.)

1995

2008

General Motors 33 %

General Motors 22,5 %

Ford 26,4 %

Ford 16 %

Chrysler 14,7 %

Chrysler 12,7 %

Des parts de marché en chute libre

0123Vendredi 12 décembre 2008 17

Page 18: Le Monde - 11/12/2008

1937Naissance à Prague(Tchécoslovaquie).

1948Exil en Autriche.

1984Président du Comitéinternational d’Helsinkipour les droits de l’homme.

1990Retour en Tchécoslovaquie.Chef de cabinetdu président Vaclav Havel.

2007Ministre des affairesétrangères de la Républiquetchèque.

2008Prépare la présidencetchèque de l’Unioneuropéenne.

Le ministre tchèquedes affaires étrangères,descendant del’aristocratieaustro-hongroise, estun fervent européen.A l’inverse du chefde l’Etat, Vaclav Klaus,qui va assurerla présidencede l’Union à partirdu 1er janvier

DécryptagesPortrait

PARCOURS

L’Europe sera bientôt entreles mains d’un prince.« Rien n’est parfait », s’ex-cuse poliment le princeaprès un baisemain com-meonn’enfaitplus,untra-vail d’au moins plusieurssiècles.Ceprince-làa lasil-

houette lourde, la moustache bien tailléeet le vagabondage joyeux d’une langue àl’autre qui rappelle sa marque de fabri-que, la vieille aristocratie austro-hongroi-se. Avec, à son actif personnel, soixante etonze ans d’une vie qui aura subi lesaccordsdeMunich, lenazisme, lecommu-nisme, l’exil et le retour, la division de laTchécoslovaquie. « Une certaine expérien-ce », admet-il.

Karel Schwarzenberg sera l’un deshommes forts de la présidence tchèque del’Union européenne, qui prendra effetdébut 2009, pour six mois. Il est le minis-tre des affaires étrangères de cette petiterépubliqueauprésidentatrabilaire, coléri-que, ultralibéral et europhobe, VaclavKlaus. Et au premier ministre égalementultralibéral, Mirek Topolanek, nettementplus calme et plus directement auxmanœuvres, mais ennemi personnel duprésident. L’attelage nous prépare desmois agités. Et pour détendre l’at-mosphère, l’art du bon mot et le gros rirede Karel Schwarzenberg, europhile etgrand chouchou des sondages de popula-rité, ne seront pas de trop.

Vaclav Klaus avait d’abord mal pris lanomination de Karel Schwarzenberg. Uncoup des Verts, du fait de leur coalition

avec les libéraux et leschrétiens-démocra-tes, qui avaient choisi de confier le porte-feuille des affaires étrangères à ce séna-teur sans étiquette, pour sa connaissancedu monde.

Le présidenta trouvé leprince inappro-prié au gouvernement tchèque. Il a mis endoute sa « loyauté civique ». Trop étran-ger. Ce nom allemand, Schwarzenberg.Ce longexil en Autriche,pendantun demi-siècle de communisme. Sans compter sonamitié avec Vaclav Havel, premier prési-dent de la Tchécoslovaquie postcommu-niste, avec qui l’actuel chef d’Etat tchèquene s’entend pas. « Schwarzenberg ne parlepas bien le tchèque », aime-t-on soulignerdans l’entourage de Vaclav Klaus.

Aristocrate cosmopolite. Soupçonnéde défendre « les intérêts de l’étranger ».D’avoir ces mêmes défauts que les antisé-mites imputent aux juifs. « Lamentable-ment, je ne suis pas juif, s’excuse encore leprince. Sauf que j’ai, moi aussi, des rela-tions et des cousins dans le monde entier, cequi est suspect… » Vaclav Klaus a daignéchangerd’avis sur son compte après avoirconstatéque leministre défendait les inté-rêts nucléaires tchèques à la frontièreautrichienne, lors d’un différend persis-tant avec l’Autriche. Même dans le clanKlaus, Schwarzenberg peut désormaisbénéficier de l’appellation contrôlée : bonTchèque.

Karel Schwarzenberg est habitué :l’aristocratie, majoritairement étrangèreet conspuée pendant le communisme, n’ajamais eu bonne presse dans son paysnatal. « Le fait qu’un aristocrate ait été élu

sénateuret soitdevenuministre est unévéne-ment, un jalon dans notre histoire », com-mente Petr Pithart, ancien dissident etvice-président du Sénat.

Les parents Schwarzenberg, résistantau nazisme, avaient pourtant gagné lareconnaissance populaire, le temps de laguerre, pour leur comportement exem-plaire. En 1948, les communistes ont prisle pouvoir. « D’un coup, tout a changé, sesouvient le ministre. Les gens se sont

détournés de nous. »Les biens sont confisqués. La famille

s’exile en Autriche, sans rien, chez lagrand-mère maternelle de Karel. « A10 ans, dit-il, je ne savais rien sur le sexe,maisbeaucoupsur lenazisme, le communis-me, la politique et le comportementhumain. » Mauvais élève, il passe labo-rieusementson bachot,héritedes proprié-tés d’un oncle, étudie le droit et la gestiondes forêts pour gérer ses nouvelles terres.Puis décide, « un jour, de [se] rendre uti-

le ». Et profite de son double passeporttchécoslovaque et suisse pour passer lafrontière et rencontrer les dissidents.

Le chancelier social-démocrate autri-chien Kreisky suggère son nom pour pré-sider le prestigieux Comité internationald’Helsinki pour les droits de l’homme. Ilintervient pour les dissidents dans les pri-sons, fournit des informations, prendsoin de ne rien transporter sur lui. Héber-ge à Vienne l’écrivain Milan Kundera etd’autres. Dans les cafés les plus bruyantsde Prague, à l’abri des oreilles de la STB(police politique), il se lie d’amitié avecVaclav Havel, sorti affaibli après quatreannées et demie en prison pour avoirsigné la Charte 77. Il deviendra chef decabinet du dramaturge et « fauteur detroubles », élu en 1989 président de laTchécoslovaquie.

Après l’exil, le retour. L’adaptation nevapasde soi. Tout avait changé. Il parcou-rait le pays les week-ends pour essayer delecomprendre.Unlundi, il a confiéau pré-sident son état de déprime après uneincursion dans le nord du pays : bâti-ments délabrés, églises effondrées,paysa-ges dévastés. « Le président m’a dit :“Ecoute : tu reviens d’un pays riche. Touscesproblèmes environnementaux, nous sau-rons les résoudre un jour. Mais la catastro-phequia miné le fonddenosâmes,nousmet-trons très longtemps à nous en remettre.” Ilavait raison. Les dégâts humains du com-munisme, c’est impossible à expliquer. C’estcomme décrire à un Congolais une tempêtede neige. »

Il a tiré de cette expérience, comme

Vaclav Havel, une méfiance identitaireenvers les Russes et un lien viscéral avecles Etats-Unis. Il a pris position pour laguerre américaine de 2003 en Irak. Etdéfend mordicus, contre les Verts quil’ont nommé ministre, et contre la majori-té de la population, le projet de radar anti-missile américain sur le sol tchèque.D’abord par constat des insuffisances del’Europe de la défense et de la nécessitédes liens transatlantiques pour assurer lasécurité. Et, surtout, pour tenir tête à laRussie, qui considère le radar comme unaffront personnel. « Les Russes ont prouvéleur sens de la responsabilité. Le danger nevient pas de leurs armes. Le danger est queles Russes ne se font pas à l’idée que nousn’appartenons plus à leur empire. Pour eux,tout doit se faire avec leur permission. “Thisis not a soviet territory !” Il faut sans cesse leleur rappeler. »

Il en a tiré aussi son humanisme scepti-que. Il a connu le nazisme et le communis-me. Il est catholique par tradition, conser-vateur par habitude, libertaire par pen-chant naturel, de gauche par sentiments,Vert par nécessité. « J’adore violemmentl’art moderne et mes meilleurs amis sontsociaux-démocrates. Est-ce que je suis dedroite ou de gauche ? Aucune idée. Cela n’aplus de sens quand on vient de ce coin-là dumonde. » De son air détaché, il dit aurevoir, la tasse de thé à la main, sur le seuilde son relais de chasse à la façade bleuciel, dans une forêt des environs dePrague. a

Marion Van Renterghemphoto Bjoern Steinz/Panos-Rea

Karel SchwarzenbergLe princedu président

Les dégâts humainsdu communisme,c’est impossible à expliquer

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Page 19: Le Monde - 11/12/2008

Un plan de relance unijambisteNicolas Sarkozy, dans les mesures proposées, fait l’impasse sur le pouvoir d’achat et l’emploi. A tort

Adopté par le conseil des minis-tres mercredi 10 décembre, leprojet de loi organique com-prend un article apparemmentanodin, mais lourd de consé-

quences pour notre démocratie. Il est ain-si rédigé : « Les règlements des assembléespeuvent, s’ils instituent une procédureimpartissant des délais pour l’examen destextes, déterminer les conditions dans les-quelles les amendements déposés par lesmembres du Parlement peuvent être misaux voix sans discussion. »

Cet article permettra aux majorités enplace à l’Assemblée nationale et au Sénatde décider d’un règlement dans lequel letemps de parole de chaque groupe politi-que,ou le tempsdeparoleglobaldesparle-mentaires, sera strictement contingentépour l’ensemble d’un débat sur un projetou une proposition de loi.

Une fois le temps global prévu pour ladiscussiongénérale, les motionsde procé-dure, la discussion des amendements etles explications de vote épuisé, tous lesamendements restant en discussion

seront mis aux voix sans qu’aucune prisede parole puisse avoir lieu. Il s’agit doncd’instaurer un couperet. Il s’agit, au-delàdes durées qui seraient édictées par lesmajorités en place, de bâillonner touteparoleparlementairepuisque les amende-ments restant en discussion seraient alorsvotés dans un silence sépulcral.

L’essence de notre démocratieAvec un tel dispositif, le débat en cours

sur l’audiovisuel ne pourrait avoir lieu. Lesdélais seraient dépassés depuis long-temps. Et aucun des débats qui ont mar-qué la vie parlementaire depuis un quartde siècle – sans remonter plus loin –n’auraient pu avoir lieu. Les sénateurs degauche n’auraient pu, quinze joursdurant, s’opposer au contrat de premièreembauche (CPE). Les débats sur la sécuri-

té, les libertés, la justice, l’immigration, lapresse, l’enseignement, l’université, lesnationalisations, les privatisations, et tantd’autres sujets, auraient été interrompusen cours de route.

L’essence de notre démocratie tient,pour une part, à ce que les textes normatifspar excellence que sont les lois sont le fruitdu débat contradictoire, du débat passion-né,ardent,quiporteenlui lesmouvementsde la société, les préoccupations des Fran-çais, leurs difficultés, leurs espérances, lesluttes sociales, les débats éthiques, en unmot, tout ce qui fait la vie des citoyens.

On nous parle d’obstruction. Or chacunsait que la Constitution, même réformée,donne au gouvernement des moyensimportants pour mettre en œuvre seschoix politiques. On nous parle de « parle-mentarisme rationalisé ». C’est une formu-le creuse. Ce que veulent en fait les auteursde la loi organique, c’est brider, encadrer,normaliser, museler, bâillonner le Parle-ment. Nous devons nous y opposer avec ladernière énergie. Il en va d’une certaineidée de la démocratie ! a

La présidence française del’Unioneuropéennerisquedes’achever sur un échec : l’ab-sence de consensus européensur le contenu des plans derelance nationaux et l’absen-ce d’un vrai et puissant plan

de relance au niveau communautaire.L’incapacité de la droite européenne à

parler d’une même voix sur la crise finan-cière et ses conséquences, ainsi que sur lesmoyens d’en sortir, est flagrant et préoccu-pant,alorsmême quelaCommissioneuro-péenne préconise de relancer l’activité parun soutien de la demande.

Al’inverse, lestrenteetunpartissocialis-tes et sociaux-démocrates européens réu-nis à Madrid se sont mis d’accord sur un« plan de relance [ayant] une forte dimen-sion sociale centrée sur les gens disposant desplus faibles revenus, comprenant par exem-ple un renforcement des dispositifs d’alloca-tions-chômage, des baisses ciblées d’impôtspour soutenir le pouvoir d’achat, des disposi-tifs permettant l’accès aux biens de premièrenécessité, notamment l’énergie, des actionsvisant à rendre les loyers moins lourds, dessoutiens aux retraités, ainsi que des politi-ques actives de l’emploi ».

Dans ces conditions, le plan français –limité à l’investissement – fait figure demouton noir. En faisant l’impasse sur le

pouvoir d’achat, Nicolas Sarkozy ne faitpasqu’oublier une promesse de campagneet poursuivre une politique injuste. Il setrompe sur les moyens de sortir de la crisecomme sur les raisons de la récession. Carles causes de la crise des subprimes ne sontpas seulement dans la dérégulation, ellessont aussi dans la stagnation salariale, quia conduit les plus modestes à recourir aucrédit de façon excessive.

La France était en crise avant que la cri-se financière n’éclate. Ses comptes publicssont les seuls à s’être dégradés en 2007. Lepouvoird’achatdurevenudisponiblerecu-ledepuis janvier,provoquant labaissedelaconsommation,quiaentraînécelledel’em-ploietde l’investissementdès le secondtri-mestre. Bref, un mécanisme récessif typi-

quement« keynésien »,accentuéenFran-ce par le fait que le pouvoir d’achatait été legrand oublié de la politique économiquedes dix-huit derniers mois.

Bien sûr, l’investissement est nécessai-re,et l’onpeutseréjouirqueNicolasSarko-zy ait promis de faire demain en faveur del’investissement le contraire de ce qui a étéfait hier. Mais l’enjeu, aujourd’hui, c’est derelancer immédiatement l’activité, et doncdesoutenir lepouvoird’achatet laconsom-mationduplus grandnombre.C’est cequefont de façon massive nos partenaires auRoyaume-Uniou en Espagnenotamment.Le gouvernement, lui, se contente de760 millions versés aux bénéficiaires durevenu de solidarité active (RSA), soitmoins de 3 % des sommes consacrées ausoutien du pouvoir d’achat dans le plan.Après la « balladurette » et la « juppet-te », dont les effets pervers sontavérés, quipeut croire que la « sarkozette » va sortirla France d’une crise dont l’ampleur estsans précédent ?

Et que dire de l’exonération des heuressupplémentaires ? Car, même si le paquetfiscal n’est pas inclus dans le plan – à justetitre,cariln’aaucuneffetpositifsurl’activi-té–, ilcoûteratoutdemême10milliardsen2009,dont lamoitiépourexonérer lesheu-res supplémentaires !

Jamais, dans aucun pays, une mesure

aussi saugrenue, dont l’Insee montrequ’elle détruirait des milliers d’emplois,n’a été prise et surtout maintenue dansune situation où l’emploi s’effondre. C’estprobablementuncas uniquedans l’histoi-re des politiques économiques où un gou-vernement dépense massivement de l’ar-gentpourdétruiredesemplois.Nonseule-ment ce plan de relance présente commenouvelles des mesures recyclées et/oudéjà budgétées, mais beaucoup des mesu-res véritablement nouvelles ne font querevenir sur des mesures déjà votées dansle budget pour 2009.

Le plan prévoit 240 millions d’euros enfaveur de la construction de logementsocial. Mais cette somme ne compensemêmepas labaissede337 millionsd’eurosvotée en loi de finances pour 2009 ! Ce rai-sonnement peut aussi s’appliquer auxemplois aidés. De même, la seule mesureconcernant le pouvoir d’achat – 200 eurosversés en avril 2009 aux titulaires du RSApour un coût de 760 millions d’euros – nefait que corriger la diminution de la primepour l’emploi résultant de la non-indexa-tiondecelle-cisur l’inflation ;votéedans laloi de finances pour 2009 à hauteur de400 millions, pour financer, justement,une partie du RSA !

Si l’effort d’investissement est limité etcorrige les erreurs récentes, on se réjouitque l’investissement public ne soit plus,auxyeuxdelamajorité, lavariabled’ajuste-ment à la baisse de la dépense publique.Mais les collectivités locales, responsablesde73 %del’investissementpublic,auront-elles effectivement les moyens d’y contri-buer ? Desserrer la seule contrainte definancement de l’Etat tout en continuantd’étouffer financièrement les collectivitésn’aurait aucun sens.

Au total, ce plan est donc unijambiste :faiblesur l’investissement, inexistantsurlepouvoir d’achat. Pour se justifier, NicolasSarkozy prétend qu’une relance de laconsommationseraitpluspréjudiciableaucommerceextérieurqu’unsoutienàl’inves-tissement.C’est inexact:lesbiensd’équipe-ment sont proportionnellement plusimportés que les biens de consommation.Un autre plan est possible, conforme auxorientations préconisées par la Commis-sion européenne et au document adopté àMadrid par les socialistes européens. Ceplan, Martine Aubry l’a annoncé jeudi4 décembre.

L’urgence, c’est de redonner immédia-tement et massivement du pouvoird’achat en procédant à un doublementexceptionnel dès cette année de la primepour l’emploi, comme ce fut le cas en 2001après les attentats du 11-Septembre. Labaisse temporaire de la TVA, une revalori-sation des allocations-logement et la miseen place obligatoire du chèque transport,afin de diminuer le coût des biens et servi-ces de base pour les Français seraient éga-lement utiles. Au-delà, la revalorisationdes pensions et du minimum vieillesse etsurtout des salaires, en commençant parle smic, est fondamentale pour briser lecercle vicieux de la stagnation des salaireset de la progression de l’endettement chezles plus modestes.

Enfin, des politiques actives de l’em-ploi doivent être réactivées et les condi-tionsd’indemnisation deschômeursamé-liorées. L’impact sur les finances publi-ques de ces mesures ne serait pas plus fortque celui de toutes les mesures qui sontengagées,maiscesmesuresseraientbeau-coup plus justes et plus efficaces. Les élec-tions européennes seront l’occasion pourles citoyens européens de se mobiliserpour les obtenir. a

Les banques par Selçuk

Les causes de la crisene sont pas seulement dansla dérégulation, elles sontaussi dans la stagnationsalariale, qui a conduitles plus modestes à recourirau crédit de façon excessive

Jean-Pierre SueurSénateur du Loiret, ancien ministre

Débats

Russie,la démocratiebafouée

Voici un livre dont la lecturedevrait être prescrite à quicon-que a affaire avec la Russieactuelle, aux industriels, diplo-

mates, responsables de la politiqueétrangère, et d’abord au premier d’entreeux.

En décrivant L’Envers du pouvoir,Marie Mendras donne à voir le vrai visa-ge du système mis en place depuis prèsde dix ans par Vladimir Poutine et cetteimage est loin du « mirage de la consoli-

dation de la Russie par l’autoritarisme etle recul démocratique, mirage entretenupar le pouvoir en place », écrit l’auteure.

Elle se demande comment la « visionmythique perdure, en Russie comme àl’étranger », et elle l’explique par un dou-ble tour de passe-passe : d’une part, puis-que les Russes ne se plaignent pas, cemodèle est démocratique ; d’autre part,les étrangers ont la fâcheuse tendance àsélectionner leurs interlocuteurs en fonc-tion de leur proximité avec le pouvoir, cequi leur donne une image irénique de lasituation.

Selon le principe simpliste suivant :Vladimir Poutine est jeune, donc moder-ne ; actif, donc réformateur ; germano-phone, donc ouvert sur l’Europe.

Directrice de l’Observatoire de la Rus-sie au Centre d’études et de recherchesinternationales (CERI), Marie Mendrasne fréquente pas que les couloirs duKremlin. Sa connaissance de la Russies’ancre, par des plongées dans le paysprofond, dans les provinces, où elle a eul’occasion à plusieurs reprises d’obser-ver les élections. Elle s’appuie aussi surune abondante littérature et l’utilisation(parfois excessive) des enquêtes d’opi-nion.

Son livre démontre la supercheriepoutinienne consistant à accréditer lathèse d’un renforcement de l’Etat et dela loi, au cours des dernières années, paropposition à l’anarchie régnant autemps d’Eltsine. Au contraire, la politi-que de Vladimir Poutine a abouti à une« déconstruction systématique des institu-tions de l’Etat et de la société ». Tous lescorps intermédiaires qui commençaientà se mettre en place ont été supprimésou phagocytés par le pouvoir central.

La situation s’est aggravée entre sesdeux mandats. Entre 2000 et 2004, onpouvait encore parler d’« imitation de ladémocratie ». Depuis, on a assisté à une« prise de distance publique à l’égard desvaleurs de liberté, de démocratie, de concur-rence », écrit Marie Mendras.

Le « contrat social » qui lie les gouver-nants et les gouvernés est le suivant : lesRusses vivent mieux, les élites s’enrichis-sent. Tous en contrepartie doivent semontrer loyaux vis-à-vis du pouvoirmême s’ils ne lui font aucune confiance.Le ciment de la société est l’image del’ennemi, aujourd’hui représenté parl’Occident. « L’Etat poutinien craint laprogression démocratique à ses frontières.Il faut mobiliser les esprits et les couper durêve européen, les empêcher d’imaginerune alternative au système en place. » Il ya une corrélation étroite entre le retourde l’autoritarisme à l’intérieur et le lan-gage musclé vis-à-vis de l’extérieur.

Ceci explique que le pouvoir russeconsidère comme une menace les révolu-tions qui ont eu lieu dans son anciennearrière-cour, en Géorgie et en Ukraine.Celles-ci représentent en effet la possibi-lité d’une autre sortie du communismeque la perpétuation d’une bureaucratieappuyée sur les siloviki (les ministèresde force : police, services secrets,armée), même si les désordres qui s’en-suivent sont utilisés par le Kremlin com-me des épouvantails. La guerre avec laGéorgie a montré que, si besoin était, laRussie ne reculait plus devant l’usage dela force pour mettre au pas un voisin tur-bulent.

De ce livre se dégage une conclusiontrop souvent ignorée : il faut parler avecles dirigeants russes mais ne pas se trom-per sur leur nature. a

Daniel Vernet

Didier MigaudPrésident PS de la commission desfinances de l’Assemblée nationale

Pierre-Alain MuetDéputé PS du Rhône, ancien présidentdélégué du Conseil d’analyse économique

Le Parlement menacé d’être bâillonnéLe projet de loi organique en préparation est un danger pour la démocratie

Russie, l’envers du pouvoirMarie MendrasEd. Odile Jacob, 334 pages, 26,90 ¤

Lelivredujour

0123Vendredi 12 décembre 2008 19

Page 20: Le Monde - 11/12/2008

Deutsche Bank. Contrairement à ceque nous avons écrit dans l’article intitulé« L’Allemagne s’enfonce dans une réces-sion qui pourrait être la pire depuis1949 » (Le Monde du 9 décembre), cen’est pas la Commerzbank qui a évoquéun possible recul du PIB de 4 % en Allema-gne en 2009, mais le chef économiste de laDeutsche Bank.

Fertilité. Dans l’entretien intitulé « Lareproduction humaine menacée par lachimie » (Le Monde du 25 novembre), leprofesseur Bernard Jégou indiquait que« le bisphénol A est utilisé pour fabriquer desbiberons, des bouteilles en plastique etd’autres produits courants ». La Chambresyndicale des eaux minérales nous prie designaler que « les bouteilles d’eau sont exclu-

sivement composées de polyéthylène téréphta-late (PET), un matériau chimiquement iner-te qui ne migre pas dans l’eau et qui esthomologué pour le contact alimentaire. Lebisphénol A n’est pas utilisé dans la fabrica-tion du PET et ne peut donc, en aucun cas,être présent dans les bouteilles d’eau ».

Belgique. La légende de la photoaccompagnant l’article « Le Conseil del’Europe a décidé de placer la Belgiquesous surveillance » (Le Monde du6 décembre) était erronée. Elle représen-tait trois bourgmestres : Arnold d’Oreyede Lantremange est le maire de Kraainem(et non de Lantremange) ; François vanHoobrouck d’Aspre est celui de Wezem-beek-Oppem (et non d’Aspres) ; quant àDamien Thiéry, il dirige bien Linkebeek.

RECTIFICATIFS ET PRÉCISIONS

Télé : le piège se refermeLa Société des journalistes de France 2 redoute les effets de la réformepour France Télévisions et tout le secteur de la production audiovisuelle

Au mois de mai 2007, FredericZimmerman et Dimitri Christa-kisontpubliédanslarevueamé-ricaine Pediatrics un article éta-blissant,sur labased’uneenquê-

te concernant 3 300 familles américaines,que l’exposition prématurée des enfantsaux médias audiovisuels provoquait desdésordres graves, favorisant en particulierl’apparition de symptômes que la nosolo-gie américaine décrit comme caractéristi-ques d’une pathologie appelée attentiondeficit disorder (trouble déficitaire del’attention/hyperactivité) confirmant ainsiunehypothèsequecesauteursavaientsou-tenue en 2004 dans la même revue, selonlaquelle la consommation audiovisuelleprécoce engendrerait une modification dela synaptogénèse, et affecterait ainsi la for-mationducerveau infantile etde sonappa-reil psychique.

Au cours de la même année, la chaîne detélévision Baby First a tenté de s’implanteren France, ce contre quoi se sont élevéesdiversespersonnalitésetassociations,dontle Collectif interassociatif Enfance Méde-cins (CIEM), qui a engagé des démarchesauprès du Conseil supérieur de l’audiovi-suel. A la suite de ces initiatives, le CSA aadoptéle22juilletunedélibérationinterdi-sant aux éditeurs français de proposer desprogrammes destinés aux enfants demoins de 3 ans, et imposant aux chaînesémises depuis l’étranger la diffusion d’unmessageavertissantlesparentsdeladange-rosité de tels programmes.

Le CIEM et tous les acteurs qui se sontmobilisés contre de telles chaînes se sontréférés à des travaux très variés, issusnotamment de la pédiatrie, de la pédopsy-chiatrie, de la criminologie et de la psycho-thérapie. Tous montrent que la télévisionpose un problème de santé publique. Leseffets dangereux de la consommation télé-visuelle n’affectent évidemment pas lesseuls enfants en bas âge. C’est tellementvrai que, dans son argumentation pour lasuppression du recours à la publicité et lamodification des missions concernantl’audiovisuelpublic, leprésidentdelaRépu-blique a insisté sur le caractère nocif descontraintes que la publicité fait peser aussibien sur les responsables de programmesque sur l’esprit des téléspectateurs.

Sans ignorer les gros problèmes que lasuppression de la recette publicitaire posepour l’avenir de l’audiovisuel public, sansangélisme ou naïveté, nous pensons quecette proposition ouvre un débat essentiel :ellesoulèveleproblèmedelaplacedelatélé-vision dans la société contemporaine. Ellepose laquestiondesavoiràquoisert la télé-vision, et même, pourrait-on dire, à quoijoue la télévision avec le temps desconsciences des enfants, des adolescents etdes adultes.

Il ne fait guère de doute, par exemple,que le temps de captation de l’attentionjuvénile par les médias audiovisuels peut,danscertaines circonstances, faire obstacleà la mission d’éducation des parents, maisaussi des enseignants, tandis que l’on saitcombien la mission d’éducation nationaleestà la foisplusdifficileque jamaispour leséducateursetpluscrucialeque jamaispourla jeunesse comme pour la société.

On sait aussi combien la tyrannie del’audience soumise aux exigences desannonceurs publicitaires vise en prioritéles publics les plus jeunes, qu’il s’agisse deles mettre ainsi en position d’être les pres-cripteurs des comportements d’achat deleursparents, cequiapourconséquence defragiliser l’autorité des adultes en général,

voire de la court-circuiter, vouant ainsi lasociété à un processus d’infantilisation.

Prendre au sérieux la question soulevéepar le président de la République, c’est laposernonseulementà l’audiovisuelpublic,mais à l’ensemble des entreprises del’audiovisuel de notre pays. La télévisionest un organe de communication, d’infor-mation et d’acculturation fondamental.Elleajouéunrôlecapitaldanslareconstitu-tion des économies industrielles après laseconde guerre mondiale.

Bras armé de la publicitéSon influence a crû de manière fou-

droyante depuis 1947. Mais on sent bienqu’elle est arrivée de nos jours à un tour-nant. Ses programmes comme son imagesesontdégradés,etsa légitimités’esteffon-drée, tandis qu’une partie importante de lapopulation laplus jeune tendà s’endétour-ner – les chaînes pour bébés ayant pourfonction de créer une dépendance précoceet irréversible chez les enfants afin decontrecarrer cette tendance qu’a la jeu-nesse à fuir ce média.

Car de nouveaux médias sont apparus.Et ils imposent de repenser en totalité l’or-ganisation, les finalités et la place que peutetdoit occuper l’audiovisuel dans la sociétéde demain. La télévision, avec la numérisa-tion,estappeléeàmuterdanssescaractéris-tiques aussi bien que dans ses finalités,comme le souligne d’ailleurs le plan en154 mesures qui vient d’être proposé par lesecrétaired’Etat Eric Besson. Plus que tou-teautre, laquestionde l’avenirde l’audiovi-suelà l’époquede lanumérisationestavanttout une affaire de volonté politique : lesautorisationsd’émettre sont sous l’autoritédes pouvoirs publics à travers le CSA.Quant aux nouveaux médias, ils peuventaussi bien contribuer à fragiliser encore lasituation, faute de politique, que rendreaux médias en général le rôle qui fut le leurdans la formation de la démocratie moder-ne, qui est basée sur l’éducation.

A l’occasion des mutations en cours, latélévision élargie sur le réseau Internetdevrait assumer un rôle social plus impor-tantetpositifqueceluiauquelelles’esttrou-vée réduite au cours des dernières décen-nies, et quia fait d’elle le bras armé du mar-ketingetdelapublicité,cequiestdeplusenplus perçu comme une dérive toxique etcommeunetyrannie.Unteldevenirestnui-sibley comprisaumarketingetà lapublici-té eux-mêmes.

C’est pourquoi nous qui avons des com-pétences diverses, nous sommes réunis le6 décembre au Théâtre de la Colline pourprésenter cette résolution que nous adres-sonsaugouvernementetauprésidentde laRépublique. Nous nous proposons et nousproposons aux pouvoirs publics de faire del’année 2009 un temps de réflexion, à tra-vers des débats approfondis, à propos de ceque pourraient et devraient être la télévi-sion de demain et les nouveaux médias quilaprolongerontetlatransformerontenpro-fondeur. a

Nous y sommes. Un anaprès l’annonce funestedu président NicolasSarkozy, la catastropheprogrammée se réalise :la télévision publiquen’aura plus ni la capacité

de résister au pouvoir du chef de l’Etatni les moyens de vivre.

Un Hémicycle dépeuplé (63 députéssur 577…) a voté le 4 décembre un articlede loi qui nous humilie et met à mal ladémocratie dans notre pays.

Le président de France Télévisionssera désormais nommé directement parle président de la République… commeau temps de l’ORTF, le patron était alorsnommé par décret. En 1982, la loi a misfin à cette situation, elle a ouvert pournotre profession une ère de liberté etd’indépendance et façonné l’entreprisepublique qui est la nôtre aujourd’hui.

Contrairement à ce que nos fos-soyeurs déclarent dès qu’ils ouvrent labouche, nous sommes une entreprisemoderne et performante. Nous noussommes adaptés aux changements tech-nologiques les plus récents : de l’analogi-que au numérique le plus avancé.

En Europe, un seul chef d’Etat traitela télévision publique aussi mal queNicolas Sarkozy : Silvio Berlusconi. Par-tout ailleurs, ce sont des instances indé-pendantes qui choisissent elles-mêmesles dirigeants. Ces télévisions, la BBCnotamment ou la Télévision suisseromande, proposent les programmes lesplus prestigieux, les plus talentueux, etles informations les plus indépendan-tes. C’est à ce monde-là que nous appar-tenons, et nous entendons bien y demeu-rer.

Comme il était également prévisible,un montage financier insuffisant et aléa-toire va nous faire dépendre du bon vou-loir de nos gouvernants et de nos concur-rents. Cette construction ne peut pas

tenir debout, c’est une sorte d’ovni éco-nomique. Chaque année, il faudra qué-mander auprès du budget de l’Etat les450 millions d’euros prévus pour com-penser les recettes publicitaires. Cettesomme devrait être « garantie euro poureuro », selon la formule rituelle du gou-vernement, par des taxes et des prélève-ments opérés sur les chaînes privées,qui se comportent comme des adversai-

res.Le mot n’est pas trop fort, s’agissant

d’entreprises, TF1 ou M6, qui ne cessentde nous calomnier. Les autres contribu-teurs, fournisseurs d’accès à Internet ouopérateurs de téléphonie mobile, procla-ment haut et fort qu’ils ont des prioritésautres que le financement de la télévi-sion publique, ce qui augure mal de leurbonne volonté.

Mais l’affaire est encore plus grave.Nous ne sommes pas les seuls concer-nés. Au-delà des 11 000 salariés de Fran-ce Télévisions, de ses rédactions quifabriquent cinquante heures d’informa-tions quotidiennes, un secteur tout

entier, plus important que l’industrieaéronautique, est menacé : la produc-tion audiovisuelle, avec ses200 000 emplois. Le service publiccoproduit cinquante films par an et pro-duit, à lui seul, 60 % de la fiction audiovi-suelle, 60 % des documentaires et 75 %des films d’animation, pour la plupartdes programmes pour enfants. FranceTélévisions procure chaque année350 000 journées de travail à des centai-nes de métiers.

Si nous ne sommes plus suffisam-ment financés, ces engagements neseront plus assurés. Déjà, sur certainesproductions, des coupes importantes,souvent de 20 %, sont opérées depuisl’été. Des milliers d’intermittents duspectacle sont menacés.

Au printemps, nous avions lancé uncri d’alarme sous le titre « Dans quelpays vivons-nous ? » (Le Monde du24 mai). Nous nous étonnions que lechef de l’Etat biffe d’un trait de plumedésinvolte le tiers des ressources d’uneentreprise comme la nôtre.

Il y a un an, le groupe France Télévi-sions ne demandait rien à personne,mieux, il était bénéficiaire de 29 mil-lions d’euros. Rien n’y a fait, ni lesconcertations avec les professionnels, niles auditions d’experts, ni les débats par-lementaires, ni même les réserves expri-mées dans le camp de la majorité. Le piè-ge, inexorablement, se referme. a

Le bureau de la Société des journalistesde France 2 :Agnès Molinier (présidente),Christophe Airaud,Anne Guéry,Gérard Grizbec,Bernard Lebrun,Loïc de la Mornais,Vincent Nguyen,Anne Ponsinet,Daniel Wolfromm.

Dans la bataille mondiale de l’in-formation, France 24 fête sondeuxième anniversaire. Lapetite CNN française est une« formule 1 » de l’informa-

tion sur le point de gagner son pari. Elleacquiert peu à peu une véritable notorié-té, pour devenir une alternative aux chaî-nes américaines, britanniques ou ara-bes. Alors, joyeux anniversaire Fran-ce 24 ? Hélas, non !

Cofondateur de cette start-up de l’in-formation, je m’exprime aujourd’huidans un climat de crise et de perte deconfiance qui déstabilise une rédactiondéjà fragilisée par plusieurs départs etlimogeages brutaux. Au point de mettreen péril la réussite – fragile – de la pre-mière chaîne française d’informationinternationale.

Créée malgré le scepticisme, d’abordsur Internet, puis diffusée surtrois canaux français, anglais et arabe,France 24 est devenue un média globalau moment où s’exprime une forte volon-té de constituer une holding regroupanttout l’audiovisuel extérieur.

Pouvait-on éviter la confusion quirègne dans l’univers de France 24, surles valeurs et le sens véritable de la straté-gie de ses dirigeants ? La grille est figéedepuis six mois et toute décision impor-tante gelée, dans l’attente de la cessionimminente et âprement négociée desparts de TF1 et de France Télévisions.

Ainsi, au nom de quel changementdécide-t-on de faire disparaître l’émis-sion vitrine de France 24, « Le Talk deParis » ? Depuis décembre 2006, ce pro-gramme permettait de mieux compren-dre le monde : chefs d’Etat et de gouver-nement, dissidents, Prix Nobel, écri-vains, dirigeants d’entreprise en ont faitun rendez-vous prestigieux.

Et voilà qu’on le supprime sans som-mation ! Pourquoi priver la chaîne d’un

tel lieu de dialogue, où se sont croisésJosé Manuel Barroso et Shimon Pérès,Fouad Siniora et Mikhaïl Gorbatchev,Kofi Annan et Ban Ki-moon, le chanteurBono et Carlos Ghosn, et tant de chefsd’Etat africains, dont le président duCameroun, qui n’avait pas accordé d’in-terview depuis vingt ans ?

La « diagonale de l’oukase » est-ellecompatible avec l’indépendance et la cré-dibilité internationale de France 24 ? Jesuis persuadé que le Quai d’Orsay n’apas demandé la tête du « Talk de Paris ».La diffusion d’un portrait sans conces-sion du ministre des affaires étrangères,cet été, n’illustrait-elle pas cette indépen-dance au service d’une information quine peut être crédible au-delà de nos fron-tières, chacun le sait, que si elle impliquecritique et droit de réponse, dans notregrande tradition française du débat. Ilest fort regrettable qu’un excès de zèle detel ou tel dirigeant de la chaîne mette enpéril ce début de réussite.

Redonner confianceLe dynamisme d’une jeune rédaction

est un formidable moteur, qui ne peuts’affirmer qu’avec des journalistes pos-sédant une longue expérience de terrainen matière internationale.

Aujourd’hui, il faut redonner confian-ce aux équipes de France 24, et desmoyens à la hauteur des ambitions.Depuis deux ans, des journalistes de tou-tes nationalités vivent cette aventureavec passion. Ils se battent au quotidienpour exister dans le grand marathon

mondial de l’info. France 24 est déjà unemarque reconnue. La chaîne sera bien-tôt diffusée sur ADSL, enfin ! Elle va pou-voir élargir son audience.

Alors messieurs les députés qui réflé-chissez à l’avenir de la télévision publi-que, n’oubliez pas « France Monde » etles synergies qui permettront à Fran-ce 24, TV5 et RFI de mieux assurer, danscette nouvelle structure, leurs missionsde service public ! Face à CNN, BBC etAl-Jazira, il faut donner de la cohérenceà cet ensemble pertinent, mettre en mou-vement ce grand pôle multimédia quireprésente un véritable trésor, une forcecapable de rivaliser avec les grandsréseaux mondiaux d’information.

Présence médiatique globaleFrance 24, An III, une nouvelle page

s’ouvre dans l’histoire de l’audiovisuel.L’enjeu dépasse de très loin la seule exis-tence de la chaîne, et c’est pourquoi,dans ce contexte de mondialisation, deguerre des images et de l’information, laréforme de l’audiovisuel extérieur est siattendue. La réussite ou l’échec de Fran-ce Monde seront lourds de conséquen-ces : guerre en Géorgie, effondrementde Wall Street, piratage de superpétro-liers, attentats de Bombay : quand lemonde tremble, la planète a aussi besoinde nos repères.

La France ne pourra faire l’économied’une présence médiatique globale,d’une information reposant sur lesvaleurs qui sont les nôtres, celles desLumières, aujourd’hui si souvent mena-cées.

Georges Clemenceau écrivait naguè-re : « Il est temps qu’une chasse obstinéesoit faite à tous les temps morts qui ralen-tissent la machine. » France 24 n’a plusle temps d’hésiter entre jeux de pouvoirset enjeux stratégiques : aujourd’hui, illui faut conquérir le monde. a

Débats

France 24 à la conquête du mondeGrâce à la réforme de l’audiovisuel extérieur, la France doit se donnerles moyens de rivaliser avec les grands réseaux mondiaux d’information

Ulysse GossetPrésentateur de l’émission « Le Talkde Paris » et ancien directeur généralde France 24

Pour une télévision adulteIl faut repenser le rôle aussi bien que la nocivitéde la télévision en matière d’éducation des enfants

Eric FaveyPrésident du Collectif interassociatifEnfance Médecins (CIEM)

Bernard StieglerPrésident d’Ars industrialis

Comme il était égalementprévisible, un montagefinancier insuffisantet aléatoire va nous fairedépendre du bon vouloirde nos gouvernantset de nos concurrents

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Page 21: Le Monde - 11/12/2008

AOlkiluoto, tout sem-ble aller pour lemieux dans lemeilleur des mondesnucléaires. Sur cettepresqu’île du sud-ouest de la Finlande,au milieu d’une forêtde sapins et de bou-

leaux qui descend en pente douce vers lescôtes du golfe de Botnie, le plus grandchantier nucléaire du monde bat son pleinaumilieud’unhérissementdegruesgéan-tes. Dans le labyrinthe boueux du site,3 500 ouvriers et techniciens d’une cin-quantaine de pays se relaient parfois en3 × 8, 7 jours sur 7 et par des températu-resdescendant jusqu’à–15˚C.Des terras-siers et des grutiers polonais, des sou-deurs baltes, des électromécaniciens fin-landais, des ingénieurs français ou alle-mands… Oui, tout semble aller pour lemieux à Olkiluoto.

Et pourtant tout a dérapé depuis le lan-cement, en 2005, de ce chantier pharepour l’industrie nucléaire française et sonchef de file, Areva. Prévu mi-2009, le rac-cordement de ce réacteur de troisièmegénérationauréseaude lignesàhaute ten-sion n’interviendra pas avant 2012. Cesretards ont fait exploser les coûts et obligéle groupe, responsable de la coordination

du projet, à provisionner chaque semestre(sauf un) des sommes importantes. Ils onttendu les relations avec le client, le grouped’électricité finlandais TVO, qui a besoinde l’électricité pour alimenter les pape-tiers et les sidérurgistes. Et peut-être com-promis les chances d’Areva de construireun second EPR (European pressurizedwater reactor) finlandais.

En décembre 2003, quand Areva signele contrat de construction de ce réacteurconçu avec l’allemand Siemens, sa prési-dente, Anne Lauvergeon, y voit plus que lapromesse d’un chèque de 3 milliardsd’euros : la fin de l’hiver nucléaire. Olki-luoto est le plus ambitieux projet lancédepuis l’explosion du réacteur n˚ 4 deTchernobyl en avril 1986. Et le réacteurchoisi devient vite l’emblème du nucléaire« made in France », dont Jacques Chiracpuis Nicolas Sarkozy vantent l’excellencedans les voyages officiels. Le plus puissantavec ses 1 650 mégawatts. Et le plus pro-pre, puisqu’il consomme 17 % d’uraniumenrichi en moins que ceux de la générationprécédentepourlamêmeproductiond’élec-tricité, assurent les ingénieurs d’Areva.

Début 2004, la victoire d’Areva estpourtant lourde d’incertitudes : pourdécrocher le contrat, la société a fait la pro-messe mirobolante de livrer l’EPR clés enmainenquatreans,commelerusseAtoms-troïexport et l’américain General Electric.Mêmeles ingénieursd’Arevaquiontparti-cipé à la construction du parc françaisdans les années 1980-1990 jugent alors lecalendrier intenable. « On a mis plus de sixans pour construire certains réacteurs dedeuxièmegénération », rappelleundesres-ponsables du chantier d’Olkiluoto.

« Délais ridicules, prix trop bas, absencede savoir-faire d’Areva comme architecte-ensemblier », tranche un grand industrielfrançais. Les difficultés s’accumulent dès2006 : problème dans le béton de la dallesupportant le réacteur, forgeage raté decertaines pièces de l’îlot nucléaire… Plustard viendront des interrogations sur lapeaumétallique(liner)renforçantl’encein-te de confinement. Rien d’étonnant sur unchantieroù1 200 sous-traitantssebouscu-lent. Les dirigeants d’Areva se défendent :ilsontdûlesretenirpourdécrocher lemar-ché,mais certainsontuneexpérience limi-tée, voire nulle, du nucléaire.

Ces retards arrivent au plus mauvaismoment pour Anne Lauvergeon, dont lemandat de présidente du directoire d’Are-vaexpireenjuin2006.Leministrede l’éco-nomie, Thierry Breton, qui ne l’apprécie

guère, utilise ces déboires finlandais pourdemander sa tête à l’Elysée. Sans succès.Six mois plus tard, quand un marché dequatre réacteurs échappe à Areva enChine au profit de l’américano-japonaisToshiba-Westinghouse, M. Breton glisseaux journalistes que le groupe françaispaye les dérives du chantier finlandais…

Les coûts vont continuer à dériver, endépit d’une sérieuse reprise en main.Début 2007, Anne Lauvergeon a dépêchésur le chantier Philippe Knoche. Jusque-làdirecteur de la stratégie, cet X-Mines al’avantage d’être de culture franco-alle-mande.Un bonprofilpourmettre del’hui-le dans les rouages de la machine Areva-Siemens. Mais dans les mois qui suivent,des tensions apparaissent avec Bouygues,le responsable du génie civil. Le géant duBTP n’est pas un partenaire comme lesautres : premier actionnaire d’Alstom(30 %), sonpatron, MartinBouygues,amide Nicolas Sarkozy, veut entrer dans lenucléaire en prenant le contrôle d’Arevavia le fabriquant de turbines. Un mariagequ’Anne Lauvergeon refuse obstinément.

A qui incombe la responsabilité de cesratés ? Areva incrimine la lourdeur de laprocédure de Stuk, l’agence de sûreténucléaire finlandaise qui valide chaqueétape du chantier et l’assemblage des10 000 composants de l’EPR, de la pluspetite valve jusqu’aux énormes généra-teurs de vapeur. Tout comme les lenteursde TVO, qui met en moyenne neuf mois àapprouver les documents quand soncontrat avec Areva n’en prévoit que deux.« Cent mille documents d’ingénieriedoiventêtreapprouvésparTVO. Onn’avaitpasanti-cipé que leur examen serait aussi long,

raconte Philippe Knoche. Mille personnesy travaillent dans les bureaux d’Areva. Onne compromettra ni la qualité ni la sûreté dela centrale. »

« Voilà beaucoup de temps et d’argentperdus », s’indigne dès le début FrédéricMarillier, responsable de la campagneénergie à Greenpeace France. Alors queles provisions passées par Siemens sontpubliques, celle d’Areva relèvent dusecret. « Elles sont significatives », admetjuste le groupe. L’ardoise (main-d’œuvre,équipements, matériaux…) pourraitatteindre 2 milliards d’euros, les deuxtiers du prix initial, selon des analystesfinanciers. S’y ajouteront des centaines demillions d’euros de pénalités de retard auprofit de TVO.

« Quivapayer la facture ?Les contribua-bles français », attaque Frédéric Marillier.Le groupe public français a très vite faitsavoirqu’ilnesupporteraitpasseul lessur-coûts. Réplique brutale de TVO il y a quel-quessemaines : « Le fournisseur d’une cen-trale clés en main est responsable du calen-drier et des éventuelles augmentations decoûts. TVOdispose d’uncontrat de fournitu-res à prix fixe et n’est pas en train de s’accor-der avec son fournisseur sur le partage despertes d’Areva. »

Pourl’heure,uneseulepro-cédure d’arbitrage a été intro-duite par Areva devant laChambre internationale decommerce, à Paris, sur un dif-férend remontant au débutdu chantier. « Elle porte surun montant non significatif »,assure Philippe Knoche. Maisd’autres contentieux risquentde s’y ajouter. En 2009, Arevaentrera dans la période d’as-semblage des composants del’îlot nucléaire, la partie laplus sensible de la centrale. « On n’est pasà l’abri de difficultés », concède-t-il.

Le groupe français n’aurait-il pasmieux fait de s’associer à EDF pour profi-terde l’expérienceacquisepar l’« architec-te-ensemblier » des 58 réacteurs fran-çais ? Dans le petit monde des nucléocra-tes français, le « cas Olkiluoto » a ravivéles querelles qui ont toujours opposé EDFà son fournisseur de réacteurs Framato-me – devenu Areva en 2001 après safusion avec Cogema et CEA Industrie. Desbarons d’EDF ont mal accepté qu’on sepasse de leurs compétences. Blessés dansleur orgueil, ils ne se sont guère apitoyéssur les mésaventures d’Areva.

A ces critiques feutrées, les expertsd’Areva répondent que l’EPR de Flaman-villeaccusedéjàunanderetard. Iln’entre-ra en service qu’« en 2013 », assuraitmi-novembre Anne Lauvergeon en souli-gnantquesonentrepriseest, elle,« parfai-tementà l’heure dans l’ensembledeses livrai-sons ». « Non, Flamanville sera prêt en2012 », a immédiatement fait rectifierPierre Gadonneix, le PDG d’EDF. Maispour 4 milliards au lieu des 3,3 milliardsprévus, vient-il de reconnaître.

Malgré ces difficultés, lesFinlandais ne semblentpas regretter le choix dela technologie franco-allemande. « Areva et sessous-traitants sont tou-

jours les leaders mondiaux du nucléaire. Ilspossèdent le produit le meilleur et le plussûr », affirme Jukka Laaksonen, le direc-teur général de Stuk. « Pour un premierprojet du genre, avec tellement d’innova-tions, c’estpas mal », se rassureAnne Lau-vergeon.

Chez TVO, le patron du projet concèdeque les retards sont inhérents à ces grandsprojets. « C’est un challenge technologique,commel’A380 », expliqueJouniSilvenoin-

nen. Il a peut-être pris cetexemple à dessein : le pro-gramme de développementde l’avion gros porteur euro-péen a finalement coûté11 milliards d’euros, dont4,8 milliards liésauxdérapa-ges du calendrier ; maisc’estAirbus–etnonlescom-pagnies aériennes clientes –qui paiera la facture !

La vente de l’EPR risqueplus de souffrir de la crisefinancière que des retards

duchantier finlandais.Lacompagniesud-africaine Eskom, qui envisageait d’encommander deux, vient de renoncer à larelance de son programme nucléaire « enraison de l’importance de l’investisse-ment ». Les autres clients ne sont pasmécontents de voir qu’on essuie les plâ-tres à leur place.

Fin2007, lechinoisCGNPCa comman-dé deux EPR pour 8 milliards d’euros(avec lecombustible).LesAméricainspré-voientd’en construireau moins quatre. Legéant allemand de l’énergie E.ON – com-me EDF – va se développer sur le marchénucléaire britannique avec le réacteurfranco-allemand. a

Reportage

Depuis son lancementen 2005, le chantierdu réacteur detroisième générationpiloté par le géantfrançais du nucléaireaccumule les retards.Ses futurs clients nesont pas mécontentsque d’autresessuient les plâtres

A Olkiluoto, sur le plus grand chantier nucléaire du monde, 3 500 ouvriers d’une cinquantaine de pays se relaient pour construire le premier réacteur de troisième génération, l’EPR. JUHA NENONEN

« Pourun premierprojet du genre,avec tellementd’innovations,c’est pas mal »

Anne LauvergeonPrésidente d’Areva

R U S S I E

S U È D E F I N L A N D E

N O R V È G E

Helsinki

Gol

fede

Botnie

200 km

Presqu’îled’Olkiluoto

Jean-Michel BezatOlkiluoto (Finlande)Envoyé Spécial

Olkiluoto,le bourbier finlandais d’Areva

0123Vendredi 12 décembre 2008 21

Page 22: Le Monde - 11/12/2008

John Michael HayesLe scénariste américain signa quatre collaborations avec Alfred Hitchcock, dont « Fenêtre sur cour »

Mort le 19novembreà Hano-ver dans le New Hampshi-re, aux Etats-Unis, à l’âgede 89 ans, le scénaristeaméricain John Michael

Hayes a connu son heure de gloire dansl’ombre imposante d’Alfred Hitchcock,pour lequel il signa quatre scénariosconsécutifs, dont celui du chef-d’œuvre

Fenêtre sur cour en 1954.Né en 1919à Worcester, dans le Massa-

chusetts, il se passionne très jeune pourl’écriture, collaborant à divers journauxscolaires. Installé en Californie après saparticipation à la seconde guerremondia-le, c’est tout d’abord à la radioqu’il exploi-te son talent, signant un nombre astrono-mique de séries à suspense ou de comé-dies.Sa réputation y granditau point d’at-tirer sur lui l’attention du studio Univer-sal, qui l’engage comme scénariste.

Sa première contribution est Red BallExpress (Les Conducteurs du diable) réali-sé en 1952 par Budd Boetticher, talen-

tueux réalisateur de séries B. Le film,interprété par Sidney Poitier, prend pourcadre le gigantesque système de convoya-ge routier mis en place par l’armée améri-caine lors de la campagne de Normandie,où les chauffeurs étaient en majoriténoirs. Hayes signe ensuite le scénario ori-ginal de Thunder Bay (Le Port des pas-sions) d’Anthony Mann, interprété parJames Stewart.

Après un passage par la Metro-Gold-wyn-Mayer, Hayes, qui s’est inscrit àl’agence artistique MCA, fait au prin-temps1953 la rencontre desa vieen laper-sonne d’Alfred Hitchcock, qui l’engagepour écrire le scénario de son premierfilm tourné à la Paramount : Fenêtre surcour. Tirée d’une nouvelle écrite en 1942par William Irish – dont François Truf-faut adaptera plus tard deux romans (Lamariée était en noir et La Sirène du Missis-sippi) –, l’adaptation de Hayes est uncoup de maître, qui lui vaudra une nomi-nation aux Oscars. Du développement del’histoire amoureuse entre Grace Kelly etJames Stewart aux brillants dialogues àdouble fond, il contribue indéniablementà la portée de cette œuvre qui compte par-mi les chefs-d’œuvre du maître.

John Hayes poursuivra sa collabora-tion avec ce dernier pour La Main au col-let (1955), Mais qui a tué Harry ? (1955) etL’homme qui en savait trop (1956). Maispour des anicroches (prime promise etnon versée, bataille autour du crédit duscénariste…), les deux hommes sebrouillent. John Hayes en restera amer.

Dans un entretien de 2002, il déclare ain-si : « Le mauvais côté d’Hitchcock, c’étaitsa véritable mesquinerie dans la reconnais-sance du travail d’autrui. » Hitchcock,dans ses entretiens avec François Truf-faut, l’avait quant à lui défini comme « unhomme de radio qui a écrit les dialogues ».

Engagé ensuite par la Twentieth Cen-tury Fox, Hayes adapte en 1957 un romandeGrace Metalious,Peyton Place (Les Plai-sirsde l’enfer), mis en scènepar Mark Rob-son avant de devenir un célèbre feuilletontélévisuel. La réputation de Hayes sortgrandiede l’entreprise, mais son scénarioédulcore pourtant la crudité de ce romandénonçant les turpitudes d’une petite vil-

le américaine. De fait, Hayes ne retrouve-ra jamais le bonheur de son associationavec le génie hitchcockien. Ses contribu-tions les plus notables seront Les Ambi-tieux d’Edward Dmytryk en 1964, dénon-ciation du culte de la réussite américaine,et Nevada Smith d’Henry Hathaway en1966, western dans lequel SteveMcQueen incarne un fils vengeant lemeurtre de ses parents.

A compter des années 1970, l’étoile duscénariste a décliné. Ignoré par le nou-veau cinéma hollywoodien, il se tournevers la télévision, puis l’enseignement duscénario. a

Jacques Mandelbaum

Tant qu’il fut commissairedivisionnaire, N’GuyenVan Loc avait l’habitudede porter son arme depoing bien en vue sur lahanche, solidaire d’unesériede cartouches enser-

rées dans sa ceinture. Les photos entémoignent, qui montrent un flic en polonoir et jean, la main sur la crosse de son357 Magnum Manurhin, façon Jean-PaulBelmondo dans Le Solitaire. Comme lesfigures du grand banditisme qu’il avait

côtoyées, Georges N’Guyen Van Loc,mort à l’âge de 75 ans dans la nuit du 6 au7 décembre à Cannes d’une crise cardia-que, avait acquis une réputation et un sur-nom : le Chinois. « Figure emblématiquedu monde policier », selon les mots de laministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, il avait même joué son propre rôledans une série télévisée.

Néen 1933 dans le vieuxquartier histo-rique de Marseille le Panier, qui accueillitdes générations d’immigrés, il y croise lesfuturs parrains du milieu : Gaëtan Zam-pa, dit Tany Zampa, Lucien Beaux-Yeux,ou François Girard dit le Blond, le com-manditaire de l’assassinat du juge Michelen 1981. N’Guyen Van Loc ne commet pasd’écart grâce à, disait-il, une mère « trèspieuse » et un père marin « très dur »,tous deux émigrés vietnamiens. Avec sonphysique asiatique, leur fils, qui parleavec un fort accent marseillais, ponc-tuant ses phrases de « peuchère » sono-res, se voit très vite affublé du de surnomJo le Chinois, un sobriquet dont il a souf-fert avant d’en tirer parti.

Lui, en tout cas, choisit la police. Grim-pe les échelons. Crée en 1972 le premiergroupe d’intervention de la police natio-nale, le GIPN, cette nouvelle unité néeaprès les événements tragiques des Jeuxolympiques de Munich pour gérer lessituations les plus délicates, du terroris-me aux forcenés, des prises d’otage au

grand banditisme. Il y restera quinze anset fera de son groupe à Marseille une poli-ce dans la police, autonome.

« Il tenait haut le flambeau », se sou-vient Roland Roussel, policier à la retraite,ex-chef du GIPN de Rennes, qui l’a côtoyénotamment lors d’une mission de forma-tion en Arabie saoudite, en1984, sur les prises d’otage. « Ilétait très courageux physique-ment, poursuit-il, et, en plus, ilavait la baraka ! La seule fois oùil a pris un bouclier pour se proté-ger, le gars lui a tiré dessus. »

Le Chinois entretenait sacondition physique et ne lais-sait personne d’autre se mettreen première ligne à sa place. Le31 août 1986, il se porte ainsi otage volon-taire pour tenter de raisonner ClaudeBuon-Cristani,29 ans,unbraqueurmulti-récidiviste armé et en état de manque. Lesdeux hommes partent en voiture. Sur une

aire de repos d’autoroute, le commissaireN’Guyen Van Loc parvient à maîtriser lejeune homme, qui tente de fuir aprèsavoir fait exploser une grenade. Unesemaine plus tard, le malfaiteur, qui avaitreconnu 70 hold-up et donné les noms deses complices, sera retrouvé pendu dans

sa cellule des Baumettes. LeChinois n’en conçut nul regret.

Sa méthode ? « Lorsque j’aiaffaire à des truands armés, jeleur mets le contrat en main :vous vous rendez, vous avez lavie sauve ; vous ne vous rendezpas, vous vous condamnez vous-mêmes à mourir », expliquait-il à Libération en octobre 1989.Il était par ailleurs partisan de

la peine de mort, dont il regretta l’aboli-tion.

Flic de choc, décrit comme un meneurd’hommes, il a de l’audace et du flair : surlesdangers de ladrogue dont il prédit l’ex-

pansion, sur une autre croissance, cellede la mafia… Mais il ne supporte pas lacontradiction. Furieux d’avoir été évincépar son collègue Robert Broussard, lorsdu hold-up de la Caisse d’épargne à Mar-seille au cours duquel les malfaiteurs pri-rent la fuite par les égouts, il claque la por-te de la police et prend sa retraite à 56 ans,pour diriger la police municipale de Can-nes. Il réglera ses comptes dans un livreintitulé Le Chinois (éd. Presses de la Cité).

Aujourd’hui, M. Broussard préfère tai-re ses griefs « vu les circonstances ». « Unechose est sûre, nous dit-il, c’était un hommecourageux et dévoué à son métier. » LeChinois marqua en tout cas le début d’uneseconde carrière, ouvrant la voie à unesérie de livres (Triangle d’or, La Peau d’uncaïd, Les Marchands de venin…) et à la dif-fusion d’un feuilleton en neuf épisodessur la vie de « Van Loc, un grand flic deMarseille ». a

Isabelle Mandraud

RichardHickox

Le chef d’orchestre britanniqueRichard Hickox est mort sou-dainement, le 23 novembre, àCardiff, à l’âge de 60 ans, victi-me d’une crise cardiaque. Il se

trouvait au Pays de Galles pour un enre-gistrement de son anthologie des œuvresdu compositeur britannique GustavHolst (1874-1934). Le 27 novembre, ildevait diriger la première d’une série dereprésentations,à l’English NationalOpe-ra de Londres – mises en scène par l’actri-

ce Fiona Shaw –, de Riders to the Sea, deRalph Vaughan Williams (1872-1958),un compositeur qu’il affectionnait.

Tout en habitant Sydney (où il étaitdirecteur musical de l’Opera Australiadepuis 2005) six mois par an avec safamille, Richard Hickox poursuivait unetrès intenseactivité auRoyaume-Uni, par-fois qualifiée de « frénétique ». Il avait éténotamment, au long de l’année 2008,l’un des protagonistes les plus actifs descélébrations du cinquantenaire de lamort de Vaughan Williams.

Attaché de manière privilégiée au labelbritannique Chandos, Hickox était unhabitué des studios d’enregistrement. S’ildirigeait le grand répertoire, notammentchoral–ilavaitcommencésacarrièrecom-me chef de chœur et organiste d’église –, ilétait surtout connu pour sa défense desmusiciensbritanniques du XXe siècle. Il nes’intéressait pas qu’aux « grands », maisaussi aux compositeurs les moins connusdelamusiquedesonpays,avecunenthou-siasme qui forçait l’admiration. Son legsdiscographique est d’une impressionnan-te variété : près de 300 titres, pour beau-coupdévolusàdesnomsinconnusdeshis-toires de la musique.

Infatigable débroussailleurL’un de ses derniers enregistrements

était par exemple consacré à Kenneth Lei-ghton (1929-1988). Il aura, au fil des ans,gravé en première mondiale les composi-tions d’Edmund Rubbra (1901-1986),GeorgeDyson(1883-1964),LennoxBerke-ley (1903-1989), Arthur Bliss (1891-1975),WilliamAlwyn(1905-1985), RichardRod-ney Bennett (né en 1936), entre nombreuxautres. On lui doit aussi une Messe en si deBach, Le Couronnement de Poppée de Mon-teverdi (avec son ensemble d’instrumentsanciens Collegium musicum 90, fondé en1990), toutes les messes de Joseph Haydn,les requiems de Verdi et de Brahms.

Sonseulposteofficiel, endehors d’Ope-ra Australia, aura été celui de directeurmusical d’une phalange régionale, l’Or-chestrenationalde la BBC du Pays de Gal-les, dont il fut chef principal entre 2000 et2006. Beaucoup de ses enregistrementsont été effectués avec son propre orches-tre, nonpermanent, le City of LondonSin-fonia, fondé en 1971 à sa sortie de l’univer-sité de Cambridge.

Il accomplissait avec conviction, prag-matisme et une efficacité professionnellereconnue le « boulot » que tant de chefsnégligent, qui se contentent de diriger lespartitions qu’ils connaissent ou présu-mées être au goût du public. A ce titre, ilétait véritablement sans pareil, à l’excep-tion, peut-être, de son compatriote etconfrère Vernon Handley (1930-2008).

Souvent, ses excursions musicales setraduisaient en substantielles antholo-gies. De Vaughan Williams, il aura enre-gistrébeaucoup de raretés, parmi lesquel-les des opéras, un « Falstaff » méconnu :Sir John in Love, ou The Poisoned Kiss, unepetitemerveille quiavait remporté unsuc-cès inattendu en France.

Si le grand public, hors des pays anglo-saxons, l’ignorait presque totalement,Richard Hickox restera, pour beaucoupde mélomanes curieux, l’infatigabledébroussailleur des sentiers méconnusde la musique. a

Renaud Machart

Disparitions

Chef d’orchestrebritannique

5 mars 1948 Naissance, le 5 mars,à Stokenchurch (Royaume-Uni)2000 Chef principal de l’Orchestrede la BBC du Pays de Galles2005 Nommé directeur musicald’Opera Australia23 novembre 2008 Mort à Cardiff

11 mai 1919 Naissance à Worcester(Etats-Unis)1954 Scénariste de « Fenêtre surcour » d’Alfred Hitchcock, nominationaux Oscars1957 Adapte le roman « Peyton Place »de Grace Metalious19 novembre 2008 Mort à Hanover(Etats-Unis)

3 avril 1933 Naissance à Marseille1972 Crée le groupe d’intervention de lapolice nationale (GIPN) à Marseille1989 Quitte la police et publieson premier livre6-7 décembre 2008 Mort à Cannes

Il ne supporte pasla contradiction.Furieux d’avoirété évincé parson collègueRobert Broussard,il claque la portede la police

Georges N’Guyen Van LocComme les figures du grand banditisme qu’il a traquées, l’ex-commissaire divisionnaire avait acquis unsurnom : le Chinois. Flic de choc, décrit comme un meneur d’hommes, le Marseillais avait de l’audace et du flair

Alfred Hitchcock et John Hayes en 1954. THE KOBAL COLLECTION/PARAMOUNT

« Le Chinois » en 1992. PASCAL PARROT/CORBIS SYGMA

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Page 23: Le Monde - 11/12/2008

Urbanisme L’architecte Partrick Berger a présenté son projet à l’Hôtel de Ville

Le nouveau Forum des Hallesprêt pour le permis de construire

Ensemble orchestral de Paris

www.ensemble-orchestral-paris.com

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Théâtre des Champs-ÉlyséesMardi 16 décembre 2008, 20 h

Alexandre Paleydirection et piano

Felix MendelssohnConcerto no 1 en sol mineurConcerto no 2 en ré mineurJohann Sebastian Bach

Concerto en ré mineurConcerto en ré majeur

0 800 42 67 57Théâtre des Champs-Élysées,

Fnac, Virgin, agences.

No Vert

30 A

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Passer de l’intuitif au pro-jet constructible, c’est lagageure qu’ont relevéeles architectes PatrickBergeretJacquesAnziut-

ti, lauréats en juillet 2007 duconcours pour le nouveau bâti-mentdu ForumdesHalles, àParis.

Mercredi 10 décembre, PatrickBerger a présenté, à l’Hôtel de Vil-le, le projet qui sera réalisé d’ici à2013. Il était accompagné d’AnneHidalgo, première adjointe de Ber-trand Delanoë (PS), et de Guillau-me Poitrinal, président d’Unibail-Rodamco, gestionnaire du centrecommercial, le plus grand d’Euro-pe, avec près de 800 000 visiteurspar jour.

Le dépôt du permis de construi-re de la « Canopée », surnom dufutur édifice dont le toit ondulantflirte avec le sommet des arbresparisiens, sera déposé « au plustard le 20 décembre », a préciséAnne Hidalgo. Le coût du projet

devrait avoisiner les 200 millionsd’euros. S’y ajouteront les 35 mil-lions du jardin réalisé par DavidMangin (4,3 hectares) et les tra-vaux d’infrastructures pour lestransports (RATP, RER, voieriesouterraine). Premiers coups depelleteuse en 2010.

Depuis le concours, la Canopéea pris de la hauteur, passant de 12 à14,50 mètres. Surélévation limitéedansunevilleoùlahauteurestaus-si détestée que toute intrusion de lamodernité. On reste au niveau des« parapluies » qui couvrent enco-re le Forum.L’aspect biologiquedecebâtimentdontlesmaquetteslais-sent principalement voir uneimmense toiture (près d’un demi-hectare) doit encore convaincre lesamoureuxdu vieux Paris, de mêmeque sa couleur indécise : entre levert, le jaune et le bronze, selon lesmatériaux qui seront retenus, et lesreflets du jour ou de la nuit.

Le site et les gares du sous-sol

dictant pour une part le plan-mas-se, l’édificereprendlesdeuxpartiesdu bâtiment actuel. Mais il seracomplètement nouveau : outre lescommerces du Forum qui reste-ront en activité durant les travaux,la Canopée abritera 13 500 m2

d’équipements, dont 6 000 m2 decommercesavecdenouvellesensei-gnes, cafés et restaurants.

Squale assoupiLe projet garde bien sûr sa for-

medesqualeassoupi,etunparallé-lismeretrouvéavec la rue de Rivoli.Il s’organisera selon une ligneallant du Centre Pompidou à laBourse de commerce. Plusieursmodifications structurelles ont étéapportées : la passerelle au-dessusdupatioaétésupprimée,et l’empri-se au sol sera plus continue.L’ouvertureversle jardinserafavo-risée, par une montée en gradinsdu fond du forum vers le niveausupérieur.

Le travail d’Yves Maury et desingénieurs d’Ingerop a amélioré latoiture.Sastructureajourée,assem-blage de poutres vrillées et tisséesd’une portée de 80 mètres, a étéinversée pour prendre en compteles effets du vent. Reste une étran-geté : excepté la recherche desymétrie, ledessindeBergers’éloi-gne du classicisme contemporaincherauGrandPrixnationald’archi-tecture 2004.

L’entrée Lescot rappelle certai-nes formes de Jean Nouvel et plu-sieursvuessemblentémanerd’unegénérationsensibleauxmorpholo-gies molles qu’autorisent les tech-nologies contemporaines. Restentaussi des faiblesses formelles, dontl’équipe Berger assure qu’ellessontamendables, commele doubleescalier,àlafoismécanique,fantas-tique et maladroit, censé relier lefond du cratère et le jardin Man-gin. a

Frédéric Edelmann

BerlinCorrespondance

D u Palais de la République,il ne reste plus rien. Seuldemeure, en plein cœur de

Berlin, un immense terrainvague. Aux premiers jours dedécembre, les grues et les pelleteu-ses sont venues à bout des der-niers blocs de béton de ce gigan-tesque bâtiment, siège du Parle-ment de l’ancienne Républiqueest-allemande. Un nouveau chan-tier va pouvoir débuter sur cettevaste esplanade située entre lacélèbre Alexanderplatz et la presti-gieuse avenue Unter den Linden :la reconstruction, sur son empla-cement d’origine, du château desHohenzollern, bombardé pen-dant la guerre, puis rasé en 1950par le régime communiste. Aprèsdes années de controverse, le gou-vernement a confié, fin novem-bre, à l’architecte italien Fran-cesco Stella le soin d’ériger cet édi-fice surmonté d’une coupole,dont trois façades reproduirontl’ancienne résidence des rois dePrusse.La polémique ne s’est pourtantpas éteinte. Une « querelle depalais » voit toujours s’affronter« ostalgiques » et nostalgiquesdu Berlin impérial. Les premiersne voient pas d’un bon œil cesrêves de château et reprochentaux autorités de vouloir faire dis-paraître les traces d’un passégênant. « Avec ce projet, lescitoyens de l’ancienne RDA ont enquelque sorte été froidement expro-

priés, s’indigne Lieselotte Schulz,présidente de l’Association pourle maintien du Palais de la Répu-blique. C’est un peu la guerre froidequi continue. » Rien de moins…

Vestige d’une dictatureCar si, pour les Berlinois del’Ouest, le bâtiment désaffecté enbéton et vitres cuivrées n’étaitplus que le vestige d’une dictaturehonnie, de nombreux « Ossis »ont laissé entre ces murs quantitéde souvenirs. Outre sa fonctionpolitique, le Palast der Republikabritait un centre culturel, des res-taurants et même un bowling.« La Chambre du peuple n’occu-pait qu’un tiers de l’espace. Enplus, c’est là qu’a été prononcée laréunification », plaide Mme Schulz.Mais les détracteurs du projetn’ont plus vraiment voix au chapi-tre : Berlin a bel et bien décidé detourner cette page de la RDA.A l’issue des travaux, prévusentre 2010 et 2013 et évalués à550 millions d’euros, la silhouettedu château des Hohenzollerndominera à nouveau le centre his-torique de la capitale, face au Ber-liner Dom, la cathédrale. Commela monarchie n’est plus, le nouvelensemble architectural, baptisé« Humboldt Forum », sera consa-cré à la culture et aux divertisse-ments : musées, bibliothèques,salles de cinéma, auditoriums,mais aussi boutiques et restau-rants. De quoi faire revivre, à lasauce impériale, la tradition defeu le Palais de la République. a

Marie de Vergès

NominationsLes Arts déco etl’Institut du Patrimoinechangent de directeurGeneviève Gallot a été nommée àla direction de l’Ecole nationalesupérieure des arts décoratifs(Ensad) et Eric Gross à cellede l’Institut national du patrimoi-ne (INP), au Journal officiel du10 décembre. Mme Gallot dirigeait,depuis décembre 1999, l’Institutnational du patrimoine (INP). Ins-pecteur général de l’éducationnationale, M. Gross était chargéde mission sur l’éducation artisti-que au ministère de la culture.

CinémaGrève en vue à HollywoodLe Screen Actors Guild (SAG),principal syndicat d’acteurs améri-cains, a confirmé, mercredi10 décembre, qu’il s’apprêtait àconsulter ses 120 0000 membresdébut janvier 2009 sur une éven-tuelle grève. La SAG réclamenotamment une hausse des salai-res pour les acteurs touchantmoins de 100 000 dollars par an.Les résultats du vote serontpubliés le 23 janvier 2009. Si 75 %des votants l’y autorisent, le SAGpourra alors déclencher une grèveà tout moment. – (AFP.)

Culture&vousActualités

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Le futur bâtiment du Forum des Halles, surnommé « Canopée », est un projet dont le coût avoisine les 200 millions d’euros. STUDIOSEZZ

Crise de succession au Festival des 3 continentsLa mairie de Nantes pousse les fondateurs de la manifestation cinématographique à passer la main

Ici&ailleurs

Berlin impérial renaît,Berlin-Est disparaît

NantesEnvoyé spécial

P laque tournante des cinéma-tographies du Sud depuistrois décennies, découvreur

de quelques-uns des cinéastes lesplus importants de notre temps, leFestival des 3 continents, qui s’estachevé mardi 2 décembre à Nan-tes, traverse une crise inquiétante.Les fondateursetdirecteursartisti-ques,Philippe etAlain Jalladeau, etunepartiedu conseild’administra-tion du festival s’affrontent, aupoint d’envenimer la réflexion surl’avenir de la manifestation.

Deux facteurs sont à l’origine decette situation. Le premier relèvedecequ’onpourraitnommerlesyn-drome des pères fondateurs. Alain(68 ans) et Philippe (70 ans) Jalla-deau,auxcommandes depuis tren-te ans, ne veulent pas lâcher la bar-re. Ces deux flibustiers cinéphilesau tempérament volcanique ontbâti le festival, lui ont insufflé leuramour de la découverte, l’ont faitbénéficier d’un précieux réseaud’amitiés tissé lors de leurs innom-brables voyages, de la Chine àl’Iran, de l’Inde au Brésil. Menéspar la passion, ils gèrent le festivalselonlemêmeprincipe :amateuris-

me,dondesoi, improvisation.Toutcelafonctionneàl’énergiealternati-ve, entre coup de cœur et coup desang. Un esprit artisanal et géné-reux qui a fait la grandeur des3 continents.

Recycleur de filmsUn esprit qui peut aussi, par

gros temps, rencontrer ses limites.Le grain arrive durant les années1990, sous forme d’une mutationdu paysage cinématographique.Appauvrissement de la produc-tion indépendante, monopolisa-tiondelacréationpar lesplusgros-ses manifestations, déplacementdu montage économique des filmsen amont des festivals. Insensible-ment, le Festival des 3 continentspasse du statut de défricheur àcelui de recycleur de films. Cetteperte de vitesse – atténuée parquelques initiatives récentes, tellela création d’un atelier de produc-tion et l’ouverture au cinéma degenreouaudocumentaire–consti-tue sans doute le facteur essentiel

de la crise actuelle. Délaissant lagestion au profit de la seule pro-grammation, les Jalladeau tour-nent alors le dos à la tempête quis’annonce. Le virage des comptesau rouge crée la rupture.

La crise éclate en 2007, avec ladémission du délégué général,Guillaume Marion, accusé par lesJalladeau de vouloir les « supplan-ter avec la complicité d’une partie duconseil d’administration ». La ville,principal contributeur financier dela manifestation, fixe alors un plande redressement économique surtrois ans et avalise la nominationpar le conseil d’administrationd’un administrateur aguerri, Phi-lippe Reilhac, comme directeur et« coordinateur des projets artisti-ques ».Cedouxeuphémismecacheune mise sous tutelle des frères Jal-ladeau.

Philippe Reilhac envisage biende leur laisser une prérogativedans le cadre d’une programma-tion collégiale, mais précise que« leur rôle doit évoluer, à côté d’une

équipeplus jeune, susceptiblede faireprendreaufestivaldenouvellesdirec-tions ». Georges Cavalié, profes-seurd’histoire-géographieetprési-dent nouvellement élu des 3 conti-nents, va plus loin : « Le festival avieilli, il faut qu’il se dote à présentd’unfonctionnementplusprofession-nel. Il n’a pas vocation à être subor-donné aux artères de ses fonda-teurs. » Une opinion partagée parJean-Louis Jossic, adjoint au mairechargé de la culture : « Nantes esttrop attachée au festival pour accep-terqu’il setransformeenarméemexi-caine. Les frères Jalladeau sont àl’âge de la retraite, on est en fin decontrat. Il faut reformer l’équipeautour de Philippe Reilhac. »

La messe semble donc dite, tan-disquelesfrèresdénoncent« lejeu-nisme ambiant » et « l’absence devision »qui l’accompagne.Ce cruelimbroglio laisse en suspens ce quireste la question essentielle : ladirection artistique d’un des fleu-rons de la cinéphilie française. a

Jacques Mandelbaum

0123Vendredi 12 décembre 2008 23

Page 24: Le Monde - 11/12/2008

Culture

LA DIFFERENCEC’EST

LA VIGILANCEIsabelle Giordano

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Dix pianistesfrançais

de la mêmegénération

posent pourHarcourt et

racontentleur

histoire.

« Air Lines », l’ébouriffant solo de SolaA Pantin, la chorégraphe franco-vietnamienne dissèque avec cruauté le corps globalisé

Comédie musicale

Comme West Side Story(1957), la comédie musi-cale On the Town (1944),de Leonard Bernstein(1918-1990), est surtout

connue pour son adaptation ciné-matographique (1950) par Stan-ley Donen et Gene Kelly. Mais Unjour à New York, son titre en v.f.,avait beaucoup retranché dans lapartition de Bernstein et ajoutéd’autres contributions musicales,ainsi qu’il se produit souvent dansle cas d’une transplantation desscènes de Broadway aux écransd’Hollywood.

Aussi, voir On the Town en ver-sion scénique, et à Paris, où cettecomédie musicale aussi agile quepoétiquen’avait jamais étéprésen-tée, est une aubaine. On la doit àJean-Luc Choplin, le directeur duThéâtreduChâtelet,quiauraréus-si à donner, en trois saisons, troischefs-d’œuvre de Bernstein : Can-dide, West Side Story et On theTown, présentée jusqu’au 4 jan-vier 2009.

Betty Boops, Olive et PopeyeOn the Town, ce sont trois mate-

lots en escale à New York – pourun tour d’horloge exactement –,bien décidés à connaître la ville età y trouver l’aventure féminine.En 1944, le pays est en guerre et cefond est d’autant plus présentqu’il est absent du propos, sinonpar l’évocation de ce moment pri-vilégié et périlleux qu’est la ren-contre de deux êtres qui ne saventpass’ils se reverront un jour, par lehasard ou la force des choses. Unephrase le dit de manière poignan-te, lorsqu’une des troisprotagonis-tes féminines déclare, au petitjour, à son mataf d’élection : « Jene t’aurai pas même vu te raser… »

Betty Comden et AdolphGreen, deux comparses de Berns-

tein depuis leur rencontre, à la findes années 1930 et leurs specta-cles loufoques dans les cabaretsde Greenwich Village, étaient desrigolos, mais ils avaient l’art dedire par fines touches rimées lesbrûlures de l’âme. Et Bernstein, cemusicien savant qui ne savait pasvraiment écrire des showtunes, cesairs qu’on siffle à la sortie du théâ-tre, a pourtant contribué à forgerl’imaginaire mélodique améri-cain avec des chansons devenuesstandards, que le monde du jazz etdu cabaret ne cessera de chanteret d’adapter, jusqu’à aujourd’hui.

Et quelle virtuosité extraordi-naire (unique pour le Broadwayde l’époque) dans l’art d’insufflerau musical tout à la fois le ventfrais du swing et la sophisticationd’une écriture rythmique qui ter-rorisa plus d’un danseur… C’estcela qu’emblématisent On theTown et West Side Story : le pointjamais atteint avant et jamaisdépassé après (pas même avecStephen Sondheim, grand maîtredu genre) par une musique savan-te déguisée en art populaire.

La Britannique Jude Kelly, quia mis en scène cette production

venue de l’English National Ope-ra de Londres, s’est méfiée del’imagerie imposée à la mémoirecollective par l’entremise du film.Aussi a-t-elle préféré restituerl’œuvre dans un décor plutôt abs-trait, qui n’est pourtant pas sansparenté avec le cinéma de Vincen-te Minnelli, notamment dans lesséquences oniriques, un lieu com-mun du ballet américain populai-re pratiqué entre autres par lacho-régraphe Agnes DeMille.

Les cyclos aux couleurs berlin-got ont une candeur qui faitd’abord sourire mais qui, au fond,ne dessert pas l’œuvre, renduedans son « jus » d’époque, oùs’ébrouent des Betty Boops, desOlive Oils et des Popeyes.

En dépit d’une danse qui man-que de chien dans son esprit et deprécision dans son exécution,d’une amplification trop forte,d’un orchestre bien dirigé maisqui gagnerait à travailler sa jus-tesse, l’ensemble a de la tenue, dela fantaisie, parfois de la grâce etde la poésie, par le concours detrès bons interprètes et d’uneénergie gaillarde et communicati-ve, qui est le cœur même de l’es-prit vibrionnant de New York. a

Renaud Machart

On the Town, comédie musicale d’aprèsune idée originale de Jerome Robbins,de Leonard Bernstein (musique), BettyComden, Adolph Green (livret et paro-les). Avec Tim Howar, Adam Garcia, Jo-shua Dallas, Sarah Soetaert, CarolineO’Connor, Lucy Schaufer, Sheila Reid,Jonathan Best, Janine Duvitski, Orches-tre Pasdeloup, Chœur du Châtelet,David Charles Abell (direction), Jude Kel-ly (Mise en scène), Stephen Mear (choré-graphie),Théâtre du Châtelet, place du Châtelet,Paris-1er. Mo Châtelet, le 10 décembre.Jusqu’au 4 janvier 2009. De 22,50 ¤ à97,50 ¤. Tél. : 01-40-28-28-40.www.chatelet-theatre.com/

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Vers la « troisièmeguerre du Congo » ?

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Vraiment« Plus belle la vie » ?

Danse

C ’est grave, saisissant, et çadure ! Ça fait un bruit demoteur d’avion, d’ouragan,

et ça dure aussi ! Soufflée par cinqventilateurs, la mer de plastiquetransparent qui constitue le décord’Air Lines, premier solo de la cho-régrapheEaSoladepuis1990,pré-senté au Centre national de la dan-se, à Pantin (Seine-Saint-Denis),donne un grand coup de vent dansles voiles du spectateur, et c’estbon.

Tempête sousun crâne, l’artistefranco-vietnamienne, accompa-gnée en direct sur son ordinateurpar lemusicienNguyen XuanSon,se bat d’abord contre elle-même,les drapeaux de différents paysqu’elleplantenonsansmaldans labourrasque, la danse qu’elle videde tout savoir-faire.

En trois gestes cahotants, EaSola dit le corps globalisé et« bling-bling ». En deux coups defusil de foire, elle tire sur les faux-semblants des droits de l’homme.Elle reprend ici de manière très

aiguiséedesmotifsà lamode, com-meceluidesdrapeauxet de la faus-se blonde qui réveille tous les fan-tasmes féminins.

Elle ose aussi sur grand écrandes extraits des Martyrs du golfed’Aden (2007),un film sur les boat-people africains de Daniel Grand-clément. En 2005, après cinq ansd’absencedelascène,EaSoladécla-rait « vouloir tuer l’exotisme du trucasiatique » dans ses pièces. C’est

fait.Maisencore,elle liquideétran-gement, alors même qu’elle mon-tredesimagesd’actualitésterrifian-tes, la question de la compassion.Air Lines est cruel, direct et beau. a

Rosita Boisseau

Air Lines, d’Ea Sola. Centre national dela danse, 1, rue Victor-Hugo, Pantin (Sei-ne-Saint-Denis). Jusqu’au 12 décembre,à 20 h 30. Tél. : 01-41-83-98-98. De 10 ¤à 18 ¤. En tournée à partir de mai 2009.

Caroline O’Connor (Hildy Esterhazy) et Adam Garcia (Chip)dans « On the Town », le 7 décembre. AGATHE POUPENEY / FEDEPHOTO

Escale Bernstein à ParisPour la première fois en France, « On the Town » au Théâtre du Châtelet

24 0123Vendredi 12 décembre 2008

Page 25: Le Monde - 11/12/2008

Leschoixdu«Monde»

Culture

De gauche à droite : Sebastian Schwartz, Kirsten Dene, Angela Winkler et Josef Bierbichlerdans « John Gabriel Borkman », le 8 décembre à Rennes. BRIGITTE ENGUERAND

Musique« Donnerstag »de StockhausenBOBIGNY. Licht (« Lumière »),l’opéra de Karlheinz Stockhau-sen qui s’attache aux sept jour-nées de la semaine, est uneœuvre monumentale que l’ondonne rarement en version scéni-que, comme sous forme d’ex-traits. Vingt ans après avoir pro-grammé l’intégralité de Montag(« Lundi »), le Festival d’autom-ne à Paris permet de découvrirl’acte central de Donnerstag(« Jeudi »), le premier volet ter-miné par Stockhausen.Principalement confié à la trom-pette, ce morceau de 70 minutesest mis en scène par CarlusPadrissa, membre du collectifthéâtral catalan La Fura delsBaus.MC93 Bobigny, 1, boulevard Léni-ne, Bobigny (Seine-Saint-Denis).Le 13 décembre à 20 h 30 et le 14 à15 h 30. Tél. : 01-53-45-17-17 ou01-41-60-72-72. De 12 ¤ à 25 ¤.www.mc93.com

DanseTraversesORLÉANS. Le festival Traverses,piloté par le chorégraphe JosefNadj, directeur du Centre choré-graphique d’Orléans, fête sondixième anniversaire avec unbilan des compagnies accompa-gnées pendant toutes ces années.Au programme, les chorégraphestunisiens Aïcha M’Barek et HafizDhaou (les 12 et 13 décembre), etles créations de Karine Ponties(les 19 et 20 décembre).Centre chorégraphique nationald’Orléans, 37, rue du Bourdon-Blanc. Jusqu’au 20 décembre.Tél. : 02-38-62-41-00.De 8 ¤ à 12 ¤.www.josefnadj.com

La virtuosité dessept funambulesdu « Filsous la neige »

Théâtre

Rennes (Ille-et-Vilaine)Envoyée spéciale

Une nouvelle page duthéâtre en Europe s’estouverte, mercredi10 décembre, à Ren-nes, avec la première

de John Gabriel Borkman, d’Ibsen,mis en scène par l’Allemand Tho-mas Ostermeier au Théâtre natio-nal de Bretagne. Ce spectacled’une densité impressionnante,qui permet de voir sur une scènefrançaise d’aussi grands acteursque Kristen Dene, Josef Bierbi-chler et Angela Winkler, est le pre-miervoletde« Prospero »,unpro-jet de coopération entre six théâ-tres qui vont coproduire et fairetourner des créations, entre la Fin-lande, le Portugal, l’Italie, la Belgi-que, l’Allemagne et la France, grâ-ce au soutien de la Commissioneuropéenne.

Avec John Gabriel Borkman,Thomas Ostermeier tombe aucœur de l’actualité. Le personnagequi donne son nom à la pièce estun banquier qui a vu trop grand. Ila investi des sommes qu’il n’avaitpas, il a misé sur d’hypothétiquesbénéfices à venir et sur de l’argentprêtéenconfiance.Touts’effondrele jour où ses manœuvres sontdécouvertes… Mais Borkman n’estpas un banquierd’aujourd’hui. C’est unpersonnage de la fin duXIXe siècle, imaginé en1896 par le NorvégienHenrik Ibsen(1828-1906).

Quand la pièce com-mence, John GabrielBorkmanestsortidepri-son, où il a passé cinqanspourmalversations frauduleu-ses. Depuis, il vit au premier étagede la maison familiale, dont il nesort pas, depuis huit ans. Toute lajournée, ilmarchede longenlarge,et revoit ses dossiers. Une jeunefille vient parfois lui jouer du pia-no. Le père de celle-ci, un hommetriste, lui rend visite. Mais Bork-man ne voit jamais sa femme Gun-hild, qui ressasse sa haine au rez-de-chaussée de la maison, ni sonfils, Erhard, qui était un enfantquand son père a chuté.

Erhard a été élevé par la sœurjumelle de Gunhild, Ella, dont lafortune a échappé à la banquerou-te. Puis il est revenu auprès de samère, qui fait porter sur lui tous lesespoirs d’honneur retrouvé de lafamille. Mais Erhard ne veut pasdecettemission. Il veutvivre, trou-ver le bonheur avec une femmeplusâgéeque lui,unevoisineaven-

turière. Le conflit éclate quandElla, qui n’avait pas revu Borkmanni sa sœur depuis le procès, vientréclamer Erhard.

Ella ne s’est jamais mariée. Ellea aimé Borkman, qui l’a aimée,mais l’a sacrifiée pour sa carrière.

Borkman est un fils demineur qui avait unrêve : devenir le ban-quier d’un pays enconstruction, pour lebien des gens, disait-il.Pour réussir, il s’est alliéà un avocat, Hinkel, quilui a mis un marché enmain : son aide enéchange d’Ella, dont

Hinkel était fou. Borkman a cédé,et épousé la jumelle d’Ella. Qui,elle, n’a pas cédé à Hinkel. Pour sevenger, l’avocata fait tomberBork-man.

Pour Ella, John Gabriel Bork-man s’est rendu coupable du piredes péchés. Il a « tué l’amour » enelle, qui n’a plus su, n’a plus puaimer après lui, sinon Erhard,qu’elle veut auprès d’elle pour saproche fin de vie. Pour Gunhild,Borkman s’est rendu coupable dela plus infâme trahison, en impo-sant la honte de la déchéance, parpur égoïsme. Pour Borkman, toutse passe comme si rien n’avait eulieu. Il reste persuadé du bien-fon-dé de son rêve, déniant la démencede sa volonté de puissance.

La mort est au bout du cheminde cet homme. Nous ne dirons pascomment. Il faut voir la pièce,entendre ses répliques qui enfon-

cent chaque fois plus loin le cou-teau, jusqu’à déchirer les chairs lesplus profondes. C’est à une autop-siede lacatastrophe intimeet fami-liale que se livre Ibsen. Et ThomasOstermeier ne lui laisse pas derépit. Dans un décor allusif, lepatron de la Schaubühne de Berlinsigneunemiseenscèneà laviolen-ce froide, qui accorde une confian-ce absolue aux acteurs. C’est pareux que tout advient, et c’est mer-veille de voir des jeux si bien accor-dés que ceux de Josef Bierbichler(Borkman), Kristen Dene (Gun-hild) et Angela Winkler (Ella), un

trio d’anthologie qui nous mèneau cœur dévoré de l’humain. a

Brigitte Salino

John Gabriel Borkman, de Henrik Ibsen.Mise en scène : Thomas Ostermeier.Avec Josef Bierbichler, Kirsten Dene,Sebastian Schwarz, Angela Winkler, Cath-len Gawlich, Felix Römer, Elzemarieke deVos. Théâtre national de Bretagne, 1, rueSaint-Hélier, Rennes. Tél. :02-99-31-12-31. De 12 ¤ à 23 ¤. Vendre-di 12 et samedi 13 (dernière), à 20 heu-res. Durée : 1 h 50. En allemand surtitré.Le spectacle sera à l’Odéon-Théâtre del’Europe, à Paris, du 2 au 11 avril 2009.

Thomas Ostermeier et Ibsen fontl’autopsie de la catastrophe intimeLe metteur en scène allemand et ses formidables comédiens servent la violence de l’auteur danois

Cirque

L a monomanie révolutionnele cirque contemporain.Après le jonglage, le trapèze,

le clown, c’est au tour du fil de fai-re l’objetd’unspectacleentier.Pré-senté au Parc de La Villette, à Paris,LeFil sous laneige,de laCompagniedes Colporteurs, créée en 1996, estun spectacle pour sept funambu-les. A première vue, on ne croyaitpas tenir sous le charme de fildefé-ristes pendant près d’une heuretrente. Eh bien, si ! Le pari d’occu-per l’espace etd’accrocherune dra-maturgie à des câbles est relevé.

Les ingrédients de ce spectaclemis en scène par Antoine Rigot ?Un travail de partition très musical– les fils composent une sorte deportée –, intercale solos, pas dedeux, numéros d’ensemble, avecunsensaiguiséducontrepointryth-mique et visuel. Ajoutez-y un subtiléquilibre entre petites histoires etgrandes explosions abstraites.Comptez sur la virtuosité pourcimenter l’ensemble avec des cour-ses, des sauts et des surprises.

Accroche à double détente : unhomme (Antoine Rigot) débarqueet raconte sa vie. Il y a six ans, il esttombédufilets’estretrouvéparaly-sé. Aujourd’hui, il peut de nouveause tenir debout et transmet sa pas-sion, sans pour autant rejouer lesfunambules,sinonsurl’ombrepor-tée du fil sur le sol. La chute tragi-que est vite oubliée sous les imageslégères et délicates des élèves. Sou-dain, plusieurs funambules ratentleur coup les uns après les autres ettombent.Aucuneangoisseniculpa-bilité, comme souvent au cirque.L’échec fait ici partie du travail. Ilrappelle qu’une mauvaise chutepeut être fatale.

Le burlesque, très inattendu, sesuspend au fil comme du lingequ’on met à sécher. Les corps sau-tent d’uncâble sur l’autre.Forcer letremblement jusqu’au cocasse,filer des coups de pied à son parte-naire pour une castagne, tout sem-ble possible. Avec juste cette sus-pension rêveuse, qui rend tout ges-te étrange. La gratuité du risquesigne la beauté du cirque.

D’une largeur de 11 millimètres,lefilpossèdedesqualitésparadoxa-les. Rigide et rebondissant, il sem-ble incrusté dans les plantes depied des artistes, comme s’ils glis-saient sur des rails. a

Rosita Boisseau

Le Fil sous la neige, des Colporteurs.Espace chapiteaux, Parc de La Villette,Paris-19e. Mo Porte-de-Pantin.Jusqu’au 28 décembre. 20 h 30. Tél. :01-40-03-75-75. De 9 ¤ à 19 ¤. Puis entournée : les 22, 23, 24 janvier 2009 auPalais des arts, à Vannes. Du 30 janvierau 12 février 2009, au Grand T, à Nantes.

Art

C laudio Parmiggiani, qui estnéen1943et travailleà Bolo-gne, est un grand artiste,

hors de toute tendance et presqueindéfinissable. Ses œuvres relè-vent à la fois de la sculpture, del’installation et de la performan-ce, avec pour point commun quetoutes appellent à des réflexionssur le passage du temps et les opé-rations de la mémoire. Cette pro-fondeur le désignait pour être lepremier contemporain à interve-nir dans le Collège parisien desBernardins restauré.

Il y présente trois pièces entreabsence et suggestion d’une his-toire – de l’Histoire. Il a confié aunoir de fumée le soin de dessinersur de longs panneaux blancs lefantôme léger d’une bibliothèque,ses étagères, les dos et les tran-

ches des livres. A chacun de déci-der s’il y voitune évocationde l’en-seignement jadis dispensé au col-lège des Bernardins ou celle desautodafés de livres du XXe siècle.

Destruction visibleCette seconde hypothèse est

renforcée par la proximité quis’établit entre cette librairie spec-trale et un long et haut labyrinthede verre brisé, disposé autour descolonnettes gothiques. Le passa-ge de la destruction est ici terrible-ment visible : Parmiggiani briseles verres et laisse partout les tra-ces de la fureur, éclats disperséssur lesdalles,plaques fendues,arê-tes vives qui accrochent la lumiè-re. Un sentiment de menace règnesur ces ruines étincelantes.

Il n’est guère moins intensedans l’ancienne sacristie, où Par-miggiani a accumulé des dizaines

declochesdebronze.Elles s’entas-sent dans la pénombre – l’artisteayant enlevé toutes les lampes.Décrochées, muettes, on diraitqu’elles sont vouées à être fon-dues,commel’ontété tantdebron-zes durant les guerres. Des imagesdes guerres mondiales viennent àl’esprit.Parmiggianiaévoqué plu-sieurs fois les années 1940 dansses travaux récents.

Seul regret : la présentation deces trois installations inquiétan-teset symboliques souffre de l’agi-tation et du bruit de la cafétériatrop proche de la sacristie. a

Philippe Dagen

Claudio Parmiggiani. Collège des Ber-nardins, 20, rue de Poissy, Paris-5e.Mo Cardinal-Lemoine. Du lundi au same-di, de 10 heures à 18 heures, dimanche,de 14 heures à 18 heures. Entrée libre.Jusqu’au 31 janvier 2009.

Parmiggiani, fantômes de l’HistoireL’artiste présente trois installations au Collège des Bernardins, à Paris

C’est à uneautopsiede la catastropheintime et familialeque se livre Ibsen.Et ThomasOstermeier ne luilaisse pas de répit

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CE WEEK-END

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Zimbabwe Mugabe près de la sortie

Au repos, la nature nedort pas, elle fait justeune sieste entrecoupéederéveils plus ou moinsbrefs, pendant lesquels

le jasmin d’hiver épanouit, de-ci,de-là, le longdesesbranchesgraci-lesdénudées,despetites fleurs jau-nes inodores que le froid givrerabientôt, comme il semble éterniserles dernières roses figées au boutde branches défeuillées. Surtout,ne pas les toucher, car leurs pétalestombent, à peine effleurés.

Le laurier-tin s’illumine decorymbes de fleurs blanc rosé,selonuncalendrierquinouséchap-pe un brin, mais dont on a fini pardevinerqu’ilnese comptaitpassurles douze mois d’une année, maissur un cycle irrégulier et plus long.Certains millésimes, il lui arrive dene pas fleurir pour le faire en pleinhiver la saison suivante et recom-mencer immédiatement après, enplein été, les premières fleurs pasencore montées en graine. Voiciuneplantedéboussoléeparunphé-nomène étrange dont on ne se sou-vient pas l’avoir observé il y a unetrentaine d’années. On ne l’enaime que davantage, d’autant quece bel indiscipliné a réussi à enva-hir balcons, terrasses, jardins, soli-taire ou en haie, libre ou taillé, sansjamais devenir commun et provo-quer le dédain dont tant de ses« collègues » souffrentdésormais.

D’autres arbustes continuentplus ou moins de croître ou plus oumoins de dormir. Mais, pour s’enapercevoir, il faut prendre la peine

d’observer. Bien jardiner, c’estregarder. D’un coup d’œil, il fautsavoir, sans réfléchir, de façoninstinctive, si uneplante va bien oupas, si elle a des chances de sedévelopper harmonieusement là

où on la plante, si elle doit êtredivisée pour être rajeunie et multi-pliée ou pas, si elle doit être dépla-cée pour repartir de plus belle.

On regarde, on sait. Il ne s’agitpas là de l’art du jardin, la belle

affaire dictée par les modes passa-gères, aussi éphémères que la fleurde l’iris qui fane le jour où elle naît.Non, il s’agit des plantes, de leursanté, de leur croissance, des soinsqu’il faut leur prodiguer, de lafaçon harmonieuse dont elles sontassemblées au jardin, sans forcé-ment qu’un plan impérieux ne dic-te sa loi, surtout, sans trop cher-cherà associer les couleurspour enrejeter certaines sous le fallacieuxprétexte qu’elles seraient criardes.

Rienn’estplus beauqu’uneroseorange portée par une plante aufeuillage rouge violacé. Rien n’estplusbeauqu’uneroseblancheépa-nouie sur un buisson au feuillagevertgrisé.Etsi lesdeuxrosierssontplantéscôteàcôte,ne manqueplusqu’une plante bleue pour faire

vibrer cette dysharmonie, si l’ondevait suivre les canons de la bien-séance jardinière.

Bref, au jardin, on fait ce quel’on veut, du moment qu’on le faitbien. Et on va justement se lancerdans les plantations ; c’est de sai-son. Mais, avant de planter, il fautchoisir et acheter. Le mieux est dese rendre chez un pépiniériste, unejardinerie, voire de choisir dans uncatalogue ou sur Internet. En fai-sant bien attention aux dimen-sions indiquées : souvent, les peti-tes plantes voient leur taille adulteexagérée, quand celle des géantsest minimisée, histoire de ne pasfaire peur aux acheteurs.

Surtout ne pas avoir les yeuxplusgrandsquelecoffredelavoitu-re et que ses propres capacités de

travail, sans oublier celles du jar-din. Un grand arbre pour 600 m2

est un maximum qu’il ne faudraitpas dépasser. Quand on parle degrand arbre, on pense à un sujetatteignant 15 à 20 mètres de hau-teur à l’âge adulte. Pas à un lilas ouàunifà lapousse très lente.Etonleplantera à une distance de la mai-son égale au minimum à la moitiéde sa hauteur adulte.

Piquet de soutienEn jouant sur les différences de

taille et de perspective, on peutfacilement donner l’illusion qu’unarbre est plus grand qu’il n’est. Surun petit terrain, l’inverse sera dif-ficile. Planter n’est pas compliqué,mais prend du temps et demandede la méthode. Surtout pour unarbre qui doit être installé dansune terre ameublie dans un troudeux fois plus grand que la massede ses racines.

Si En novembre tout bois prendracine, comme le dit le dicton, il nele fait pas moins bien en décembre,en janvier ou en février, dumoment que la terre n’est pasgelée. Car la gelée peut être fataleaux racines des arbres en attented’êtreplantés.Voilàpourquoiache-ter en trop grande quantité, si l’onn’a pas la possibilité de tout mettreen terre le jour même, peut présen-ter un risque.

Faire les trous à l’avance est unebonne solution… mais on prendrabien garde de ne pas laisser le taslivré aux éléments trop long-temps: laterresetasseraitsousl’ef-fet de la pluie et serait difficile àremettre dans le trou autour desracines de l’arbre. Il faudra pren-dregardedeficherunpiquetenter-re pour éviter que le vent nedéchausse l’arbre ou l’arbuste surtige,maisavantdelesplacerenter-re, de façon que le pieu s’enfoncedans une terre dure et qu’on neblesse pas les racines. a

Alain Lompech

L’hiver, le jardin fait la siesteLe jardinier doit planter en faisant attention à ajuster ses désirs aux réalités de son jardin et de son emploi du temps

Paysage de Champagne,mars 1977. FRANK HORVAT

InternetCampagne surles risques du WebUn spot informant des risquesqu’encourent les jeunes sur Inter-net est diffusé gratuitement du 10au 25 décembre par les chaîneshertziennes et par des chaînes ducâble. Présenté, mercredi10 décembre, par Nadine Morano,secrétaire d’Etat à la famille, etMichel Boyon, président duConseil supérieur de l’audiovisuel(CSA), ce spot, intitulé « Où estArthur ? », décrit les risques aux-quels un enfant est confrontédevant un écran de télévision, d’or-dinateur ou de console de jeux. Ilrenvoie vers le nouveau portailInternet (www.media.famille.gouv. fr) qui vise à informer etaider les familles sur le sujet.

Sur la Toile, les disparitésrestent fortesPrès de 60 % des Français sontconnectés à Internet, selon uneétude publiée mercredi 10 décem-bre par le Centre de recherchepour l’étude et l’observation desconditions de vie (Credoc). En2007, ils étaient 53 %. Le Credocnote cependant que les disparités« restent fortes ». « Les plus de60 ans, qui représentent un quartde la population, et surtout les plusde 70 ans demeurent nettementsous-équipés », avec des taux d’ac-cès à Internet de moins de 40 %pour les premiers et de 14 % pourles seconds, souligne l’étude.Quant aux foyers qui vivent avecun revenu inférieur à 900 eurospar mois, seuls 34 % ont accès àInternet, contre 91 % pour lesfoyers avec des revenus supé-rieurs à 3 100 euros par mois.

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Ligue des champions : un tour pour rienQualifié pour les 8es de finale, Lyon termine deuxième de son groupe après sa défaite face au Bayern Munich

Voile

L es mers du Sud ont fait leurpremièrevictime. Loïck Pey-ron (Gitana Eighty), l’un

des favoris de la course, a démâtémercredi 10 décembre, à 650 mil-les des Iles Kerguelen, dans le sudde l’océan Indien. Au moment del’accident, il était troisième,derriè-re Sébastien Josse (BT) et Jean-Pierre Dick (Vibrac-Paprec 2).Une infortune d’autant plus cruel-le que Loïc Peyron a marqué ledébut de la course, en tête pen-dant pratiquement 16 jours dansla descente de l’Atlantique. Maisdans l’océan Indien, il a été prispar surprise par les éléments,devenant le septième marin àdevoir abandonner. Combat par

élimination, le Vendée Globe estparsemé de pièges qui provo-quent des regroupements et de lacasse. Pour essayer de se départa-ger dans cette furieuse régate, lesconcurrents ont souvent tiré surla corde, au risque de trop endemander à leur santé et à leurbateau. « On bourrine », résumeJeanLe Cam(VM Matériaux), sou-cieux de ne pas pouvoir préserverson bateau. Pourtant, les chausse-trappes ne manquent pas aucours de ce Vendée Globe.

Les premiers jours dans le Gol-fe de Gascogne furent terribles,puis le Pot-au-noir et l’anticyclo-ne de Sainte-Hélène ont fait officede« passagesà niveaux »remode-lant le classement. Mais, commele souligne Jean-Yves Bernot, spé-

cialiste de l’analyse météorologi-que, le reste de la course est aussiplein d’obstacles. Il faut notam-ment bien « prendre » les septportes virtuelles placées le longdu parcours par l’organisation duVendée Globe pour éviter que lesconcurrents ne choisissent desoptions extrêmes dans des zonesdangereuses, parsemées de glace.

Les deuxpremières portes fran-chies, au sud de l’Atlantique et aularge de l’Afrique du Sud, lesconcurrents sont aujourd’hui auniveau de l’océan Indien. « C’estla zone la plus pénible de la course,où la mer est difficile et brutale »,explique Jean-Yves Bernot, quisouligne que « les bateaux entrentdans une espèce de tunnel entre, aunord, l’anticyclone des Mascarei-gnes, qui peut les accabler de petittemps, et au sud, des dépressionspoussant dans le mauvais sens, avecéventuellement de la glace ».

« Dépressions nerveuses »C’est dans cette zone que Loïck

Peyron a démâté. « J’étais à l’inté-rieur, lebateauglissaitbien, sanspro-blème particulier, et puis un grandbruit,avecunesensationaussiviolen-te, je savais que c’était le mât », araconté, mercredi 10 décembre,par radio, le skippeur. Deux desti-nations étaient étudiées jeudimatinparsonéquipe pourlesecou-rir : l’Afrique duSudou l’Australie.Si la première est la plus proche(environ 1 600 milles), le bateauaurait en revanche à remonter faceau vent. L’Australie, située à 3 000milles,offre lapossibilitéd’unepro-gression au portant.

Quelle que soit l’option choisiepar Loïck Peyron, les autresmarins encore en course aurontd’autres pièges à éviter. Les trois

portes installées sous l’Australieet la Nouvelle Zélande vont, à par-tir de la semaine prochaine, lesobliger à remonter au nord, au ris-que de se trouver dans des zonesde temps plus léger. « Cela casseun peu le rythme », note Jean-YvesBernot. Sous l’Australie, lesmarins opèrent un changementde stratégie. « Dans l’océanIndien, on est sur l’autoroute et ilfaut faire gaffe aux camions qui

viennent de derrière et qui vont vite,alors que lorsque l’on arrive versl’Australie, les stratégies devien-nent plus actives, pour bien faireattention à de petites dépressions“nerveuses”venant du nordqui peu-vent provoquer de la casse », expli-que le météorologue.

Même s’il est moins pénibleque l’océan Indien, le Pacifiqueimpose des conditions difficiles.« C’est comme une piste noire de ski

longue de 80 kilomètres », sourit lestratège en météo. Puis la remon-tée de l’Amérique du sud, particu-lièrement éprouvante, les précipi-te à nouveau dans l’anticyclone deSainte-Hélène, encore moins coo-pératif au retour qu’à l’aller. Pourle dernier obstacle, l’Atlantiquenord, les marins devront grillerleurs dernières cartouches, enpariant sur les vents d’ouest, oude nord-est. « Si la flotte est un peuserrée, souligne Jean-Yves Bernot,on verra qui sont les joueurs et ceuxqui cherchent à assurer ».

D’ici là, l’accident de Loïck Pey-ron va sans doute conduire lesmarins à un peu plus de retenue. Ildevient essentiel de « ne pas semettre dans le rouge », souligneMarcGuillemot(Safran).Une pru-dence que pourrait adopter Jean-Pierre Dick, en tête de la flotteavec le même bateau que LoïckPeyron mais pas le même mât.a

Bertrand d’Armagnac

Football

Triste semaine pour lefootball français enLigue des champions.Après l’élimination deBordeaux à Rome (2-0)

et le nul concédé par Marseilleface à l’Atlético Madrid, Lyon aété battu, mercredi 10 décembre,par leBayern Munich (3-2) austa-de de Gerland. A la 37e minute dumatch, les Bavarois avaient déjàtroisbuts d’avance grâceà un dou-blé de Miroslav Klose et un but deFrank Ribéry. Le dispositif trèsoffensif imaginé par l’entraîneurClaude Puel avait pris l’eau. LesLyonnais ont réduit la marqueaprès la pause par Sidney Govouet Karim Benzema.

Cette défaite porte peu àconséquences puisque l’OL étaitdéjà qualifié. Le dernier repré-sentant français dans la compéti-tion européenne termine deuxiè-me du groupe F à l’issue de cematch de classement. Ce quisignifie qu’il affrontera en huitiè-mes de finale le premier d’unedes sept autres poules et jouerale match aller à domicile le24 février, avant le retour prévule 11 mars.

Aucune surpriseSi l’on est optimiste, on se

réjouira que les Rhodaniens évi-tent d’autres deuxièmes commele Real Madrid, l’Inter Milan,Chelsea ou Arsenal – qui a étébattu 2-0 à Porto. Le tirage ausort aura lieu le 19 décembre àNyon, en Suisse. Deux équipesd’un même pays ne pourront s’af-fronter.

L’édition 2008-2009 surlignela suprématie de trois nations.L’Espagne (Barcelone, RealMadrid, Atlético Madrid, Villar-real) et l’Angleterre (Chelsea,Arsenal, Manchester United,Liverpool) réalisent un sans-fauteen qualifiant leurs quatre repré-sentants, devant l’Italie (InterMilan, AC Milan, JuventusTurin). Suivent le Portugal quipour la première fois présenteradeuxéquipes (Porto et Sporting) àce stade de la compétition, l’Alle-magne (Bayern), la Grèce (Pana-thinaïkos) et la France (Lyon) fer-

ment la marche. C’est dire que laLigue des champions n’a réservéaucune surprise puisque les trou-ble-fête chypriotes d’AnorthosisFamagouste ont finalement étééliminés. Elargie à 32 partici-pants en 1999 pour maximiser lesdroits de retransmission, la com-pétition paraît de plus en plusabsurde dans son fonctionne-ment actuel, tant l’écart entre lestêtesde sérieet les équipes qui dis-putent un tour préliminaire est

insurmontable. La formule demini-championnat offre au« gros » clubs le temps de corri-ger une contre-performance.

A l’image de Lyon-Bayern, lessept autres rencontres disputéesmercredin’avaientpourseule fina-lité que de déterminer le premierde chaque poule. Ou les troisièmesqui seraient repêchés en Coupe del’UEFA. A deux groupes près, onconnaissait les noms des qualifiéspour ces huitièmes de finale dès le

cinquième tour. Ce qui, en pleinmois de décembre, a eu des réper-cussions sur certaines affluencespour des matches à enjeu faible ounul : seuls 15 000 spectateursavaient fait le déplacement au sta-de Ghencea (27 000 places) deBucarest, mercredi, pour voir leuréquipe affronter la Fiorentina. Laveille, ils n’étaient que 22 000 auCamp Nou (100 000 places) pourBarcelone-Donetsk. a

Bruno Lesprit

&Sport

4 clubs anglais :Chelsea, Manchester United, Arse-nal, Liverpool4 clubs espagnols :FC Barcelone, Villarreal, RealMadrid, Atletico Madrid3 clubs italiens :Juventus Turin, Inter Milan, ASRome2 clubs portugais :FC Porto et Sporting Portugal1 club allemand :Bayern Munich1 club français :Lyon1 club grec :Panathinaïkos

FootballNice fait du surplaceL’OGC Nice a concédé le matchnul (0-0) sur son terrain face àGrenoble, mercredi 10 décembre,en match en retard de la 16ejour-née de Ligue 1. Les Niçois, quiavaient l’occasion de prendre ladeuxième place du championnatde France en cas de victoire, res-tent en sixième position à égalitéde points avec Bordeaux et leParis-Saint-Germain et comptent5 points de retard sur le leaderlyonnais.

Santos Mirasierrade retour à MarseilleLe supporteur de l’Olympique deMarseille Santos Mirasierra estarrivé à Marseille dans la nuit demercredi 10 décembre. Libérésous caution, mardi 9 décembre,quelques heures avant le coupd’envoi de OM-Atletico Madrid,Santos Mirasierra avait étécondamné, le 5 décembre, enEspagne, à trois ans et demi deprison pour avoir jeté une chaisesur un policier en marge dumatch aller de Ligue des cham-pions entre l’Atletico Madrid etl’OM, le 1eroctobre, au stadeVicente-Calderon.

Basket-ball7edéfaite pour Le Mansen EuroligueLe Mans a été battu (89-70) parle Cibona Zagreb, mercredi10 décembre, en Euroligue. Ladéfaite de l’équipe française enCroatie est la septième en autantde matches depuis le début de lacompétition. Les Manceaux occu-pent la dernière place de leurgroupe dominé par le CibonaZagreb, Malaga et Olympiakos.

4 démâtages.Kito de Pavant (Groupe Bel),Yannick Bestaven (Aquarelle.com), Marc Thiercelin (DCNS),Loïck Peyron (Gitana-Eighty)1 gréement défaillant.Jérémie Beyou : le gréement tri-bord n’est plus solidaire du mât,empêchant le skippeur de virer debord ou d’empanner.2 problèmes de structure.

Alex Thomson (GBR/HugoBoss) : problèmes de structure(fissure), Unai Basurko (Pakea Biz-kaia) : avarie de safran.Des réparations électriques.Michel Desjoyeaux (Foncia) etDerek Hatfield (Algimouss-Spiritof Canada), victimes de problè-mes électriques, sont revenusréparer aux Sables-d’Olonneavant de repartir en course.

2

3

5

4

6

1 Dick Jean-PierrePaprec-Vibrac 2

Loïck PeyronGitana Eighty

Jourdain Roland à 30,4 miles

Veolia Environnement

Josse Sébastien à 34,6 miles

BT

Desjoyeaux Michel à 38,7 miles

Foncia

Golding Mike à 37,2 miles

Ecover

Le Cam Jean à 84,7 miles

VM Matériaux

2

3

1

6

4 5

11

N

ANTARCTIQUE

180°

CLASSEMENT AU JEUDI 11 DÉCEMBRE À 5 HEURES DU MATIN

Cap de Bonne- Espérance

Cap Leeuwin

Cap Horn

Au coude-à-coude

Equipes qualifiées

Le gardien de Lyon, Hugo Lloris, a encaissé trois buts face à Munich, mercredi 10 décembre. FRANÇOIS MORI/AP

Sept abandons et des réparations

Le « Gitana-Eighty » de Loïck Peyron, le 9 novembre, au départ de la 6eédition du Vendée Globe.MARCEL MOCHE/AFP PHOTO

Les piègesdu Vendée GlobeLoïck Peyron a démâté dans l’océan Indien,alors qu’il occupait la troisième place de la course

Page 28: Le Monde - 11/12/2008

Dominique Dhombres

L ’Apocalypse suit son courssur Arte. On en était, mer-credi 10 décembre, à Mar-

cion et aux gnostiques. A raisonde deux épisodes chaque mercre-di et samedi jusqu’au 20 décem-bre, Gérard Mordillat et JérômePrieur immergent le téléspecta-teur dans les méandres innom-brables des origines du christia-nisme.

Le dispositif est sobre et même,pourrait-on dire, janséniste. Pasd’images de synthèse, évidem-ment, et encore moins de scènesreconstituées. Des experts se succè-dent sur fond noir. Il n’y a prati-quement pas de solution de conti-nuité entre ces interventionsconçues de telle sorte qu’on pro-gresse dans la connaissance d’unpersonnage ou d’une doctrine.C’est très habilement fait. Lesentretiens réalisés par les auteursont été infiniment plus longs queles extraits qui sont ainsi choisisselon un montage qui donne l’im-pression que le puzzle se met peu àpeu en place.

Et c’est peu dire de parler depuzzle ! « Le deuxième siècle est unsiècle de foisonnement », expliqueJean-Marie Sevrin, de l’Universitécatholique de Louvain. On le croitsur parole ! D’abord, Marcion. Onne sait pas grand-chose de sa vie(approximativement 85-160). Ilétait né à Sinope, port de la merNoire, où son père était un richearmateur. Il arrive, riche lui aussi,à Rome, où il prêche une doctrinequi affirme la nouveauté absolue

du christianisme par rapport aujudaïsme. Il rejette donc la totalitéde l’Ancien Testament et ne garde,dans son canon, que l’Evangile deLuc et les Epîtres de Paul. A cetteépoque, il existe des dizainesd’évangiles (selon Pierre, Thomas,Philippe, Judas, etc.) et presqueautant d’apocalypses et d’épîtres.

L’originalité de Marcion estd’opérer un tri, radical comme onvoit. Il va obliger la jeune Egliseprimitive à faire de même. Lechoix a donc été effectué en quel-que sorte par réaction contre Mar-cion, d’abord vilipendé (il a étéexcommunié en 144) puis oublié.On ne connaît plus aujourd’hui desa pensée que ce qu’en disent lesPères de l’Eglise, qui l’ont violem-ment combattu… Les gnostiques,ensuite. Ils disaient vouloir parve-nir à Dieu par la connaissance. Ilssont très différents entre eux, maisils ont au moins un point com-mun. « On peut appeler gnostiqueun courant religieux monothéistequi démonise la Création,c’est-à-dire qui dissocie le Dieu véri-table de l’auteur de la Création, quiserait un Dieu pervers », expliqueJean-Marie Sevrin. L’autre élé-ment commun est l’idée que l’êtrehumain contient une part de ceDieu vrai, tout en vivant dans unmonde mauvais.

Marcion et les gnostiques ontété deux grands dangers pourl’Eglise naissante. En mêmetemps, ils l’ont forcée à se définiret à fixer enfin sa doctrine et soncorpus de textes sacrés. Ce serafait au IVe siècle, avec le concile deNicée. a

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éclaircies

couvertéclaircieséclairciestrès nuageuxéclairciestrès nuageuxensoleillééclairciesaverses éparsesaverses éparsesforte pluieensoleillétrès nuageuxéclaircieséclairciesensoleillétrès nuageuxcouvertpluie et neige

averses éparseséclaircieséclairciesensoleillééclaircieséclaircieséclairciestrès nuageuxensoleillééclaircieséclairciestrès nuageuxensoleilléensoleilléaverses de neigeensoleillé

ensoleilléneigeensoleillééclairciesensoleillééclaircies

très nuageux33éclaircies

très nuageuxéclaircieséclairciespluie éparseneige

2116éclaircies

averses éparseséclaircieséclaircieséclairciesaverses éparseséclaircies

1°8°

-1°6°

-1°4°

1°6°

-2°3°

-2°1°

-3°3°

4°8°

8°11°

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0°3°

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-2°6°

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-2°1°

-5°-2°

1°3°

0°7°

-3°2°

-2°2°

5°10°

2°7°

5°12°

6°11°

-4°4°

1°9°

7°7°

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2°4°

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-3°3°

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2°7° 2°

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0°9°

8°11°

3°5°

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1°6°

1°4°

-2°5°

0°4°

4°8°

2°9°

6°11°

4°7°

3°8°

2°10°

08h35 16h1616h52 08h39

Samedi

Dimanche Lundi Mardi

Vendredi 12 décembre

12.12.2008

12.12.2008

15 km/h

10 km/h

35 km/h

15 km/h

85 km/h

-301414

2023

-20883142

-2-244

très nuageuxforte pluietrès nuageuxcouvertfaible neigepluie éparseéclairciespluie éparseéclairciespluvieux

Températuresà l’aube et l’après-midi

3°15°

PARIS

Amiens

Metz

Strasbourg

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CaenCaen

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Clermont-Ferrand Lyon

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Besançon

Rouen

Châlons-en-Champagne

Toulouse

Dijon

Grenoble

Lille

EN EUROPE

DANS LE MONDE

OUTREMER

Neige fréquente dans l’état de New York

PARIS

Amiens

Metz

Strasbourg

Orléans

Caen

Cherbourg

Rennes

Brest

Nantes

Poitiers

Montpellier

Perpignan

Marseille

Ajaccio

Nice

Clermont-Ferrand Lyon

Chamonix

Bordeaux

Biarritz

Limoges

Besançon

Rouen

Châlons-en-Champagne

Toulouse

Dijon

Grenoble

LilleGris et froid

STE-JEANNE-FRANCOISECOEFF. DE MARÉE: 92

En Europe

LEVER: COUCHER: COUCHER:

LEVER:

Le

12h TU

Un temps gris persistera des frontières de l'est au Massif central, donnant encore quelques flocons par endroits, notamment de l'Alsace aux Alpes ainsi qu'en Auvergne. Quelques flocons se mêleront aux gouttes le matin sur le piémont pyrénéen et près de la mer du Nord. En journée, de belles éclaircies se montreront sur les régions du centre-ouest jusqu'au golfe du Lion alors que la grisaille s'imposera sur les trois-quarts de la France.

LeLotoLes résultats sont publiés dans cette page dans nos éditions datéesdimanche-lundi, mardi, mercredi et vendredi

LesjeuxTous les jours Mots croisés et SudokuSamedi daté dimanche-lundi Echecs

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

Retrouvez nos grilles sur www.lemonde.fr

Solution du n° 08 - 292HorizontalementI. Outrecuidant. - II. Erroné.Lègue. - III. Ibis. Râ. Vair. - IV.Lassitude. Tr. - V. Sn. Evidât. Ea.- VI. Diverticules. - VII. Eté. Eut.Si. - VIII. Pesa. Der. Pré. - IX.Pile. Typée. - X. Egalisateurs.

Verticalement1. Œils-de-pie. - 2. Urbanité. - 3.Tris. Vespa. - 4. Rossée. Ail. - 5.En. Ivre. Li. - 6. Certitudes. - 7.Audité. - 8. Il. Dac. RTT. - 9.Dévêtus. Ye. - 10. Aga. Lippu. -11. Nuitée. RER. - 12. Terrassées.

MOTS CROISÉS PROBLÈME N° 08 - 293

II.. C’est la fête dès qu’il devientgénéral. IIII.. Essence d’agrumes.Poulet devenu faisan. IIIIII.. Le filde trame dans toute sa lon-gueur. Chien devenu poulet. IIVV..Décoration architecturale.Dame aux grandes oreilles. Enroute. VV.. Agrandissement de lamine. Comme un bon blanc. VVII..Engagée. Vibration. VVIIII.. Vousne la supporterez pas long-temps. Donne le ton. VVIIIIII..Toute sa famille. Escarpementrocheux. IIXX.. Porteur de disque.Les huiles en prennent pourleurs grades avec elle. Essence.XX.. Donneras trop d’importance.

11.. Nous bercent d’illusions. 22..Construction poétique. A valeurd’or. 33.. Font les bons choix. 44..Donne du style au jazz. Termineen beauté. 55.. Monte au cirque.Essences pleines de souplesse.66.. Arturo sur les planches.Interjection. Chez Diane. 77..Lacs salés. 88.. Mettent de joliescouleurs. Classe du primaire. 99..Apprécie beaucoup. Vous metdans la débine. 1100.. Gonflé dansle vent. Personnel. Voies rapi-des. 1111.. Polder flamand. Courssibérien. 1122.. La Communautéles met au travail.

Philippe Dupuis

HORIZONTALEMENT VERTICALEMENT

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 1 12

L A F R A N C E

48A L L E RS I M P L E

air f rance. f r

M É T R O P O L I T A I N E

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VOYAGEZ DU 5 JANVIER AU 31 MARS 2009.TARIF SUR VOLS DIRECTS, HORS FRAIS DE SERVICE, SOUMIS À CONDITIONS.

J U S Q U ’ A U 1 6 D É C E M B R E 2 0 0 8L E S P R I X S L I M

Vendredi 12 décembreTF 1

20.50 Star Academy.Seconde demi-finale Présenté par Nikos Aliagas.Invités : Beyoncé, Thomas Dutronc, EnriqueIglesias, Laura Pausini, Lââm, Anggun et JasonMraz.23.20 C’est quoi l’amour ?Enfants et maladies rares : comment combattent-ils la leucodystrophie ? (95 min).

FRANCE 2

20.50 Tandem.Présenté par Christophe Hondelatte. Invités :Jane Birkin, Roberto Alagna, Abd Al Malik, HélèneGrimaud, William Sheller, Patricia PetitBon,Eric-Emmanuel Schmitt.23.15 Café littéraire.Magazine. Invités : Boris Cyrulnik, Denis Podalydès,Philippe Delerm... (105 min).

FRANCE 3

20.50 Thalassa.Sur le sentier du littoral : en Guadeloupe d.22.45 Keno, Météo, Soir 3.23.15 Comme un vendredi.Invités : Jean d’Ormesson, Marielle de Sarnez...0.20 Toute la musique qu’ils aiment...Magazine. Avec Hélène Couvert (120 min).

CANAL +

20.50 Hard 4 : retour en enfer a

Film Len Wiseman. Avec Bruce Willis, TimothyOlyphant, Justin Long, Maggie Q (EU, 2007) 0 d.23.00 Spécial investigation.Alésia : la bataille continue Magazine.23.50 Les Films faits à la maison 0.0.20 Mafiosa.Episodes 7 et 8 Série (S2, 7 et 8/8, 105 min) 0.

ARTE

21.00 Erreur sur la victime.Téléfilm. Ulrich Stark. Avec Jeanette Hain, ThomasSarbacher, Rainer Strecker (Allemagne, 2004) d.22.30 Le Cerveau ou les Mystèresde notre boîte noire. Documentaire.23.15 Tracks. Magazine (50 min).

M 6

20.50 NCIS/Enquêtes spéciales.Rencontre fatale 0. Face cachée. Sans issueSérie (S5, 16/19, inédit ; S1, 21 et 22/23) d.23.15 Sex and the City.Série (saison 2, 7 et 8/18, 1999, 55 min) 0 d.

Jeudi 11 décembreTF 1

20.50 Diane, femme flic.Parents indignes Série. Avec Isabel Otero d.22.30 La Méthode Cauet.Divertissement présenté par Cauet. Invités :Seal, Nâdiya, Tomer Sisley... (135 min).

FRANCE 2

20.50 A vous de juger.Invités : Rama Yade, François Bayrou, Carlos Ghosn,Jean-François Copé, Benoît Hamon.23.20 Infrarouge.Tsunami vague mortelle. Documentaire 0 d.0.50 Journal, Météo.1.10 La Bible.Saint Paul [2/2] Téléfilm. Roger Young. AvecJohannes Brandrup (2000, 90 min) d.

FRANCE 3

20.55 Les Sœurs Robin.Téléfilm. Jacques Renard. Avec Line Renaud d.22.40 et 23.25 Ce soir (ou jamais !).Magazine présenté par Frédéric Taddeï d.23.00 Soir 3.0.40 NYPD Blue.Mise à pied Série (saison 12, 2/20, 45 min) d.

CANAL +

20.50 Pushing Daisies.Remise en selle. Chiennes de garde Série (S1) d.22.10 Cold Case.Mauvaise réputation. A la folie Série (S5) 0 d.23.35 Oasis au Bataclan. Concert.1.05 Il sera une fois a

Film Sandrine Veysset. Avec Alphonse Emery,Lucie Régnier (France, 2006, DD, 80 min).

ARTE

21.00 Lost in Translation a a a

Film Sofia Coppola. Avec Bill Murray, ScarlettJohansson, Giovanni Ribisi (EU - Jap., 2003) d.22.35 Let It Beat, Liverpool.Documentaire. Irene Langemann (2008).23.35 Paris-Berlin, le débat.Chrétiens et alors ? Avec Philippe Val... (65 min).

M 6

20.50 L’homme qui murmuraità l’oreille des chevauxFilm Robert Redford. Avec Robert Redford 0 d.23.40 Carrie.Téléfilm. David Carson. Avec Angela Bettis,Patricia Clarkson (EU, 2002, 135 min) 2 d.

Météo&Jeux Ecrans

MOTS CROISÉS Nº 08 - 293

28 0123Vendredi 12 décembre 2008

Page 29: Le Monde - 11/12/2008

Carnet

Nos services-------------------------------------------------Lecteurs• AbonnementsTél. : 0-825-000-778(0,15 € TTC/min)www.lemonde.fr/abojournal

• L’actualité dansvotre magasin

www.lemonde.fr/kiosque

• Boutique du Monde80, bd Auguste-Blanqui, 75013 ParisM° Glacière ou CorvisartTél. : 01-57-28-29-85www.lemonde.fr/boutique

• Le Carnet du MondeTél. : 01-57-28-28-28

Professionnels• Service des ventesTél. : 0-805-05-01-46

Les

collections------------------------------------------------------

TOME 14 BALZACL’Illustre Gaudissart, Le Cabinet des Antiques

dès le jeudi 11 décembre---------------------------------

VOLUME 9�401-450L’histoire de 999 objets cultes

qui ont changé votre quotidienavec Le Monde 2 du 12 décembre

---------------------------------

DVD série 13N° 5 Docteur Folamour avec« Le Monde TELEVISIONS »

daté 14-15 décembre

DU DESIGNL'anthologie du design en 20 volumes

0123cette semaine---------------------------------------------------

Supplément de 14 pagesle samedi 13 décembre

daté dimanche 14 - lundi 15 décembre

EnquêteVivre centenaire

CollectionLe petit musée des grandesaffaires judiciaires

ReportageSans papiers en grève

ArchivesPuyi, le dernier empereur

Le CarnetFaites part

de vos événementspar téléphone : 01 57 28 28 28

par e-mail : [email protected] fax : 01 57 28 21 36

Tarifs 2008 (prix à la ligne)

Naissances, Anniversaires de naissance, Mariages, Fiançailles… : 18 g TTC

Décès, remerciements, Avis de messe, Anniversaires de décès, Souvenirs : 24 g TTC

Thèses : 15 g TTC

Réduction abonnésUn justificatif d’identité sera demandé.

AU CARNET DU «MONDE»

Naissances

Chloé,

soit la bienvenue dans ce monde,en ce 10 décembre 2008 !

Karine D.

Décès

Marie-Françoise Brochetet Martin Parrot,

Christiane Rodet Brochet, Hugues Brochetet Anne Brochet, née Depaix,ses enfants,

Emmanuelle Rodet et Diane Rodet, Thibaud Brochet,ses petits-enfants,

ont la douleur de faire part du décès de

René-Camille BROCHET,

survenu dans sa quatre-vingt-septièmeannée, le 6 décembre 2008.

La cérémonie religieuse en la chapelleSainte-Thérèse et l�inhumation aucimetière de Luisant (Eure-et-Loir) ont eu lieu dans l�intimité familiale le mardi9 décembre 2008.

Ils rapellent au souvenir de tous ceuxqui l�ont aimée,

Monique MALBLANC,

son épouse, qui nous a quittés le30 janvier 2003.

9, rue Henry Dunant, 28000 Chartres.

Le conseil d�administration de la Mutuelle nationale du personneldes organismes sociaux de Lyon

attristé par le décès de

M. Michel CARDON,président de 1985 à 1996,

administrateur de 1979 à 1996,qui, au cours de toutes ces années

a été un inlassable défenseurdes valeurs de solidarité et d�humanité

de la mutualité,

s�associe à la peine de sa famille à laquelleil présente ses condoléances.

L�incinération aura lieu le 12 décembre 2008, à 13 h 50, au Père-Lachaise.

Mme Françoise COUSTERE,née DRAPEAU,

nous a quittés le 4 décembre 2008,dans sa quatre-vingt-treizième année.

Ses obsèques ont eu lieu au cimetièrede Montmartre à Paris, le 12 décembre.

Cet avis tient lieu de faire-partet de remerciements.

Fons (Lot).

Mme Marguerite Dominois,son épouse, Sa famille

Et ses amis,ont la douleur de faire part du décès de

M. Pierre DOMINOIS,retraité,

survenu dans sa quatre-vingt-cinquièmeannée.

Les obsèques civiles auront lieu levendredi 12 décembre 2008, à 14 heures,au crématorium de Capenac-Gare.

La famille ne reçoit pas.

Registre de condoléances à la chambre funéraire de Capdenac-Gare.

La famille remercie par avance toutesles personnes qui prendront part à sapeine.

PF Vincent Genot,permanence Guy Saintemarie.Tél. : 05 65 34 19 05.

Calicut. Paris.

Catherine, Eliyas, Yanis et Diya,Toute sa famille et ses amis,

ont l�infinie tristesse de faire partde la disparition de

Fatty,Ahamed PALATHUMVEETIL,

le 8 décembre 2008.

Nous n�oublierons jamais son courageet sa dignité.

Nous nous réunirons le 12 décembre,à 15 heures, à la chambre funérairedes Batignolles, 1, boulevard du GénéralLeclerc, Clichy (Hauts-de-Seine),pour un dernier au revoir.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Famille Guérard-Palathumveetil,28, rue Gauthey,

75017 Paris.

Arlette Feld-Honinckx,son épouse,

Marc et Anne-France Honinckx,son beau-frère, sa belle-s�uret leurs enfants, Christophe, Jonathanet Sarah,ses neveux,

ont la douleur de faire part du décès de

André FELD,ancien fonctionnaire

au conseil des ministresde l�Union européenne à Bruxelles,

ancien combattant,

survenu le 6 décembre 2008.

Les obsèques on t eu l i eu l e10 décembre, en l�église de Fourques-sur-Garonne (Lot-et-Garonne).

Arlette Feld-Honinckx,La Sablère du Levant,

47200 Furques-sur-Garonne.

Les membres de l�Amitié CharlesPéguy

ont la douleur d�annoncer le décès de leur présidente

Françoise GERBOD,

survenu le 7 décembre 2008.

Un service religieux sera célébrévendredi 12 décembre, à 10 heures,en l�église Saint-Jacques du Haut-Pas,Paris 5e.

Le Dépar tement d �anes thés ie -réanimation de l�hôpital Saint-Antoine,

Ses anciens élèves et amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. le professeurClaude GUILMET,

survenu le 25 novembre 2008, à l�âge dequatre-vingt-neuf ans.

Le professeur Guilmet fut l�un despionniers de l�anesthésie réanimation enFrance et a crée en 1967, le départementd�anesthésie-réanimation de l�hôpitalSaint-Antoine à Paris dont il fut président du CCM, et a exercé jusqu�en 1984 lesfonctions de chef de service. Il a formé de très nombreux élèves au service despatients et de l�institution.

La cérémonie religieuse a eu lieu dansl�intimité le mardi 2 décembre, à Angers.

La Forêt Fouesnant.

On nous prie d�annoncer le décès du

colonel Daniel HOMBURGER,

à l�âge de quatre-vingt-trois ans.

De la part de Claire Homburger-Brunel,son épouse,

Ses enfants, petits-enfants, arrière-petit-fi ls

Et toute la famille.

Le culte d�action de grâce sera célébré samedi 13 décembre, à 10 h 30, en l�église de La Forêt Fouesnant.

Cet avis tient lieu de faire-part et deremerciements.

Mme Jean-Pierre Laverrière,son épouse

Et sa famille

ont la douleur de faire part du décès de

M. Jean-Pierre LAVERRIÈRE,directeur général honoraire

du CHU de Bordeaux.

La cérémonie religieuse sera célébrée levendredi 12 décembre 2008, à 10 heures,en l�Église Saint-Martin de Pessac,suivie de l�inhumation au cimetière dePessac-Centre.

30, rue de la Paix, 33600 Pessac.

F 30°Du rite écossais ancien et accepté.

Laurence Levi, née Daniel,son épouse,

Pierre et Catherine,ses enfants, Lætitia,sa belle-fi lle, Sa famille

Et ses amis,

ont la tristesse d�annoncer le décès de

Hervé Hasdi LEVI,chevalier de la Légion d�honneur,

médaille vermeil de la sociétéd�Encouragement pour le progrès,

survenu le 6 décembre 2008, à l�âge dequatre-vingt-quatre ans.

Ses obsèques auront lieu le vendredi12 décembre, à 11 heures, au cimetièreparisien de Pantin.

Le Monastère,4, allée des Sycomores,

92410 Ville-d�Avray.

Agnès Fine,son épouse,

Romain et Capucine,ses enfants, Sa famille, Ses amis,

ont la grande tristesse de faire part dudécès de

Françoisde MARTIN de VIVIÉS,

sociologue-consultant,

le 9 décembre 2008, à l�âge de soixante-cinq ans.

Il sera inhumé le 12 décembre,à 16 heures, au cimetière d�Escosse.

Agnès Fine, Lafi tte, 09100 Escosse.

Ariane et Olivier Homolle, Etienne Schr�der,

Jean-Baptiste et Quitterie Schr�der, Diane Schr�der,ses enfants,

Roy et Marie, Clément et Florence,Adrien et Raphaëlle, Barnabé, Théophile, Ismaël, Violette, Capucine et Martin,ses petits-enfants,

Léopold, Joséphine et Philippine,ses arrière-petits-enfants,

Irène Martin du Gard,sa s�ur,

ont la tristesse de faire part du décès de

Mme DominiqueMARTIN DU GARD,

survenu le 8 décembre 2008.

Des cérémonies religieuses serontcélébrées le vendredi 12 décembre,à 10 h 30, en l�église Saint-Germain-des-Prés, à Paris et le samedi 13 décembre,à 10 h 30, en l�église de Bourron-Marlotte (Seine-et-Marne).

Cet avis tient lieu de faire-part.

Martine Mathieu,Philippe et Hélène Mossé,Marion Mossé et Robert Fouchet,Bernard Mossé et Sylvie Mazzella,

ses enfants,Gilles et Cécile Mathieu,Claire et Assaf Ben Natan,Frédéric et Nathalie Mathieu,Pierre Mossé et Charlotte Delahaye,Magali Mossé et Baptiste Chabaud,Karine et Gurval Isambard,Nicolas Fouchet et Céline Duboys,Julien Mossé et Emilie Reyt,

Claudine Mossé, Maxime Mossé, Elisa Mossé,ses petits-enfants,

Charlotte, Emilie, Lia, Maëlle, Chloë,Titouan, Louna, Lucile,ses arrière-petits-enfants, Suzanne Azerad, Alfred Strich,ses cousins, Sa famille, Ses amis,

ont la douleur de faire part du décès de

Francine MOSSÉ,née EL GHOZI,

survenu le 8 décembre 2008, à l�âgede quatre-vingt-neuf ans.

La levée de corps aura lieu à sondomicile, 11, boulevard Die, Marseille 12e, le vendredi 12 décembre, à 13 h 30, suivie de l�inhumation au cimetière des Vaudrans,à 14 heures.

On nous prie d�annoncer le décès de

Mme Denise RENDU,née JOUVE,

professeure honoraire agrégée de lettres

survenu le 31 octobre 2008,dans sa quatre-vingt-septième année.

Ses funérailles religieuses ont eu lieu le 5 novembre, à Saint-Martin d�Oullins, etson inhumation à Lyon.

De la part de Christian Rendu

Et des siens.

5, rue Francisque Jomard, 69600 Oullins.

Charles Ryter,son époux,

François et Christa Ryter, à Munich,Claude Ryter, à Bergerac,

ses enfants,Micheline et Daniel Baroni, à Genève,

sa s�ur et son beau-frère,Simone Ryter, à Genève,

sa belle-s�ur, Ses petits-enfants

Et sa famille en Suisse et à l�étranger,

ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Antoinette RYTER,née BOISSONNAS,

enlevée à leur tendre affection,le 6 décembre 2008,dans sa quatre-vingt-cinquième année.

Une cérémonie aura lieu au crématoriumde Saint-Georges, à Genève, le lundi15 décembre, à 11 heures.

Ni fleurs ni couronnes, mais en souvenirde sa chaleur humaine, pensez à uneorganisation humanitaire de votre choix.

Charles Ryter,1 allée d�Issy,

92130 Issy-les-Moulineaux.

Anniversaires de décèsLe 12 décembre 2007

Patrick OSWALD

nous quittait.

Que tous ceux qui l�ont connu et aiméaient une pensée pour lui.

Il y a un an, le 12 décembre 2007,

Marie-Paule VIVÈS

nous a quittés.

Que tous ceux qui l�ont connueet aimée aient une pensée pour elle.

Commémorations Les associations Les Fils et fillesdes déportés juifs de France, présidentMe Serge Klarsfeld, la Fédération dessociétés juives de France, présidentM. Maurice Skornik, l�Union des sociétés juives de France, président M. HenryBattner, commémoreront le dimanche14 décembre 2008, à 11 heures, le 67e

anniversaire de la 1re exécution massive au Mont Valérien (Suresnes), le 15 décembre1941, au cours de laquelle furent exécutés 70 résistants ou opposants à l�occupantallemand, dont 52 juifs.

Les FFDJF, FSJF, USJF rappellentque sur les 1007 fusillés du Mont Valérien,179 étaient juifs.

Venez nombreux leur rendre hommage,deux autocars partiront de la place de laRépublique, Paris 10e, devant l�hôtelHoliday Inn, à 9 h 30. Ils s�arrêterontd�abord devant la plaque apposée par lesFFDJF sur l�École militaire (angle avenue Duquesne), pour un hommage silencieuxaux 743 juifs qui y furent enfermésle 12 décembre 1941, par les Allemands,avant d�être internés dans de terriblesconditions dans le camp de Compiègne et déportés au camp d�exterminationd�Auschwitz-Birkenau.

ColloquesLe COLLEGE des ÉTUDES JUIVES

de l�Alliance israélite universelle

Colloque

« La Halakhah entre ciel et terre »

avec Rivon Krygier, Isaac Lifshitz, Charles Meyer, Shmuel Trigano,

Abraham Weingort, Michael Wygoda.

Dimanche 14 décembre 2008de 10 heures à 16 h 30.

Bibliothèque de l�Alliance israélite universelle, 45, rue La Bruyère, Paris 9e.

PAF.: 15 euros.Renseignements : 01 53 32 88 55

et www.aiu.org.

Conférences150e anniversaire de la conférence

du stage des avocats au Conseil d�Etatet à la Cour de cassation

« Oralité et Cours suprêmes »Cour de cassation,

5, quai de l�Horloge, Paris 1er.

L�éloquence aujourd�hui,Mme Hélène Carrère d�Encausse,

secrétaire perpétuelde l�Académie française,

M. Jean-Denis Bredin et M. Erik Orsenna, de l�Académie française.

Les Cours suprêmes étrangères,M. Ian Forrester, Queen�s counsel,

M. Vladimiro Zagrebelsky,juge à la Cour européenne des droits

de l�homme,M. Norbert Gross,

avocat au Bundesgerichtshof.

Rentrée solennelle« Le statut juridique de la Parole »,

par Bruno Potier de la Varde,président de l�ordre des avocats

aux Conseils« Gatine (1805-1864), un avocat

aux Conseils contre l�esclavage »,par Guillaume Tapie,

premier secrétaire de la conférence.

Table-ronde : Oralité et Cours suprêmes,M. Jean-Louis Debré,

président du Conseil constitutionnel,M. Jean-Marc Sauvé,

vice-président du Conseil d�Etat,M. Vincent Lamanda,

premier président de la Cour de cassation,

M. Jean-Paul Costa,président de la Cour européenne

des droits de l�homme,M. Jean Claude Bonichot,juge à la Cour de justice

des Communautés européennes,M. Alain Pichon,

président de la quatrième chambrede la Cour des comptes.

Inscription obligatoire :[email protected]

Communications diverses

La revue Passages et son association ADAPES organisent

les 19 et 20 décembre 2008,au Palais du Luxembourg,

sous le haut patronagede Monsieur Nicolas Sarkozy,

président de la Républiqueet en partenariat avec le ministère

des Affaires étrangères et européenneset de nombreuses institutions

et entreprises,

le sixième Forum Mondialdu Développement durable, sur le thème :

Priorités, fi nancementset gouvernance des infrastructures

du développement durable.

Interviendront notamment : Jean-PaulBailly, président du groupe La Poste,Monique Barbut, présidente FME,Abdellatif Benachenhou, ancien ministredes fi nances, Algérie, Jean Bizet, sénateur de la Manche et vice-président de lacommission des affaires européennes,Jacques Blanc, sénateur de la Lozère,Jean-Marie Bouissou, directeur derecherche CERI-Sciences-Po, Christian de Boissieu, président délégué du conseild�analyse économique, Jean-Louis Borloo (SR), ministre de l�Écologie, de l�Énergie, du Développement durable et del�Aménagement du Territoire, Alain Bugat,administrateur général, CEA, YvesCabana, directeur du Développementdurab le , Véo l i a Env i ronnement ,Nazli Choucri, professeur de sciencespolitiques MIT, Edith Cresson; ancienpremier ministre, Philippe Douste-Blazy,secrétaire général adjoint auprès de l�ONU,Anne Gazeau-Secret, directrice généralede la Coopération internationale et duDéveloppement, MAEE, Jean-FrançoisGirard, président de l�IRD, Jean-CharlesHourcade, directeur du CIRED, ChantalJouanno, présidente de l�ADEME,Alain Juppé, ancien premier ministre,maire de Bordeaux, Patrick Haas, présidentde BP France, Pierre Laffi te, président de la Fondation Sophia Antipolis, ColetteLewiner, directrice de Capgemini, EmileH. Malet, délégué général du Forum,Claude Nahon, directrice du développementdurable et de l�environnement, EDF,Daniel Nahon, ancien directeur de larecherche, Jean-Paul Picard, président deDeloitte France, M. Philippe Pradel,directeur de l�Énergie nucléaire, CEA,C h é r i f R a h m a n i , m i n i s t r e d el�Aménagement du Territoire et del�Environnement et du Tourisme, Algérie, Dominique Ristori, directeur généraladjoint, Direction Énergie et Transports,Commission Européenne, Farid Yaker,ENDA France, Pierre-André Wiltzer,président du conseil d�administration del�AFD...

Inscription obligatoireConditions d�inscription sur nos sites : www.fmdd.fr et passages-forum.fr

et auprès de notre secrétariat PassagesTél. : 01 43 25 23 57 et par mail :

[email protected] [email protected]

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organise« Les Entretiens de Sainte-Anne »

Le lundi 15 décembre 2008de 18 heures à 20 heures

avec Pierre Delion,psychiatre des Hôpitaux,

professeur des Universités,chef de service de pédopsychiatrie

au CHU de Lille,et Roland Gori,

psychanalyste,professeur de psychopathologie clinique

à l�université d�Aix-Marseille

sur le thème :« Du soin psychique au contrôle

social : quel avenir pour les pratiques en psychiatrie ? »

Président du débat :Elisabeth Roudinesco, directrice

de recherches en histoire à l�universitéde Paris 7 - Denis Diderot.

Lieu : Hôpital Sainte-AnneGrand amphithéâtre de la CMME100, rue de la Santé - 75014 Paris

Métro : Glacière.

Coordination : Zoé LogakEntrée libre

pré-inscription par mail :[email protected]

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CHANGER L�IDENTITÉ ?Identité et trans-culturalité.En collaboration avec l�AUF,

avec la participationde Patrick Vauday et Marc Abélès,

samedi 13 décembre 2008,de 10 heures à 12 heures,

amphi Stourdzé,1, rue Descartes, Paris 5e.

Informations : 01 44 41 46 80.www.ciph.org

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0123Vendredi 12 décembre 2008 29

Page 30: Le Monde - 11/12/2008

IL Y A 50 ANS DANS « LE MONDE »

Paris-Londres bon marché

La saga de la courge venued’Hokkaido pourrait biense reproduire avec centautres plantes plus ou moinsrares et oubliées. Chezles légumes, ce ne sont pasles Belles au bois dormantqui manquent…

SOMMAIRE

ALLER de Paris à Londres et avoir sur son pas-seport non le cachet d’Orly ou du Bourget,mais le tampon provincial de Beauvais : lespassagers empruntant la ligne régulièreexploitée par la Skyways bénéficient de cettedécentralisation inattendue.

De la place de la République, un autocarrejoint l’aérodrome de Beauvais. Après les for-malités de douane, les passagers s’envolentpour l’Angleterre à bord d’un DC-3. Le trajetaérien entre Beauvais et l’aérodrome de Lymp-ne (près de Folkestone) est court : l’avion res-te à une altitude assez faible, ce qui permet devoir tous les détails du paysage.

Lors du vol de propagande organisé par laSkyways pour une trentaine de journalistes etd’agents de voyages, de minces plaques debrouillard recouvraient les vallées. De l’avion,le troupeau laineux des nuages semblait s’ap-

pesantir au ras du sol. On laisse Berck et sesdunes à gauche, puis voici Le Touquet et sajumelle Paris-Plage, et l’estuaire de la Canche.A l’horizon, une ligne blanche et brillante : lesfalaises du Kent. L’avion perd de la hauteur.Aux moutons français succèdent les moutonsanglais…

A Folkestone, un autocar amène les voya-geurs jusqu’au cœur de Londres, devant lagare Victoria. Durée du voyage : six heures.

Pourquoi cet itinéraire insolite, un peu pluslong que les voies aériennes classiques ? L’uti-lisation des autocars, celle d’aérodromessecondaires, Lympne appartient à la Skyways,a permis d’abaisser les tarifs au point de ren-dre le voyage plus économique et plus rapideque le trajet par chemin de fer et bateau. a

Y. Rebeyrol(12 décembre 1958.)

Manifestant mercredi contre les projets de réforme du ministrede l’éducation nationale, Xavier Darcos, des étudiants et deslycéens criaient : « Réformons Darcos » et « Darcos dans l’os ».Mais l’intéressé reste inflexible : « Je ne serai pas, a-t-il dit, leministre de l’hésitation nationale. »

Il a tort. Depuis le temps qu’on attend un tel ministère… Les res-ponsables politiques ne cessent d’affirmer des certitudes. Ils ontréponse à tout, sans l’ombre d’une hésitation apparente. Vousleur tendez un micro, et, en une fraction de seconde, ils vous indi-quent la voie.

Imaginez un dirigeant qui dirait : « Mes chers concitoyens, vousme demandez de trancher. J’en serais bien incapable. Cette questionest trop nouvelle, trop complexe, pour appeler une réponse immédia-te. Réfléchissez de votre côté. Aidez-moi à y voir plus clair… »

Xavier Darcos ne veut pas de l’Hésitation nationale. Rama Yadel’aurait également refusée. De toute façon, c’est Nicolas Sarkozyqui dirige tous les ministères, et celui-ci, qu’on pourrait appeleraussi ministère de l’humilité nationale, lui irait comme un gant. a

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Sans hésiter

Potimarron,fabuleux destin

L’actualitéEditorial & analyses ......................... 2Page trois ......................................... 3Planète ............................................. 4International .................................... 6Europe .............................................. 9France ............................................. 11Economie & Médias ....................... 14

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Billet

Cette année, le conte de Noëlse porte écolo et biodiversi-fié. Mieux encore : végéta-rien, interculturel, riche envitamines. L’idéal, c’est lafable pour temps de crise,peu coûteuse mais goûteu-

se, rurale et morale. La belle histoire dupotimarron fait assez bien l’affaire.

Il était une fois, dans l’île d’Hokkaido,la plus au nord des îles du Japon, unecourge assez connue pour sa suavité etsa « bravitude ». Douce et sucrée, lespaysans la vénéraient. Même si l’été,dans cette île, n’était jamais très chaud,cette plante magique savait en profiter,vite fait bien fait, pour parvenir à maturi-té. Sur chaque tige, rampant au sol surplusieurs mètres, ses beaux fruits, deuxà trois kilos, rougeoyaient avec l’autom-ne. Ils se conservaient ensuite fort long-temps, à la cave, au cellier, avant que

leur chair n’alimentât les fourneaux ensoupes, ragoûts et gâteaux dont se délec-taient moult papilles septentrionales etnippones.

Bref, ces paysans étaient heureux.Des étrangers, se croyant malins, par-laient de « courge au trésor ». Les autoch-tones ne répliquaient rien. Le jeu demots était d’ailleurs intraduisible. La dis-pensatrice de tant de petits bonheursavait reçu un nom fort digne, que touscomprenaient : « potiron doux d’Hokkei-do ». Exact, mais peu poétique.

Pourtant, il y eut pire. En 1764, eneffet, le botaniste Antoine-NicolasDuchesne, qui publia fort jeune une« Histoire naturelle des courges » dansL’Encyclopédie méthodique de Lamarck,connut notre merveille et la rangea, enlatin, dans l’espèce Cucurbita maxima.On peut faire plus gracieux… Qu’impor-te. La belle cucurbitacée ne faisait enco-

re qu’entamer son fabuleux destin.Venue autrefois des Amériques, com-

me toute sa famille, connue depuis dessiècles en Chine aussi bien qu’au Japon,elle n’avait encore rien vu.

En 1957, son existence bascule : unefamille japonaise commence à la cultiverdans les Flandres. Des pionniers du« bio » s’y intéressent. Une ferme expéri-mentale, en Sologne, travaille à sélection-ner les meilleures variétés. Son aventureeuropéenne est désormais entamée. Undemi-siècle plus tard, la modeste courgese retrouve un peu partout : cultivéedans de nombreux pays occidentaux,vendue au marché comme à l’hypermar-ché, cuisinée par les chefs autant quepar les ménagères, cuite au four, bouillieou frite, accommodée en veloutés, entourtes, en soufflés, en cakes, héroïneplacide de mille recettes disponibles surle Web.

Nom de code : potimarron. Car, entre-temps, la belle a changé de nom. Sonpseudo, mi-insolite mi-familier, est uncoup de génie. Car ce mot-valise d’inven-tion populaire réussit l’exploit de nom-mer un aliment en décrivant son goût :potiron mâtiné de marron. Les diététi-ciens, de leur côté, s’extasient à n’enplus finir sur les vitamines, les acidesaminés, les minéraux et les sucres de cet-te bienfaitrice du genre humain, cham-pionne du béta-carotène et de la pro-vita-mine A. Que demande le peuple ? Enco-re d’autres légumes, cela va de soi.

Car cette saga de la courge venued’Hokkaido pourrait bien se reproduireavec cent autres plantes plus ou moinsrares et oubliées. Chez les légumes, ce ne

sont pas les Belles au bois dormant quimanquent… Pour certaines, comme lescrosnes, les salsifis, les topinambours oules rutabagas, ce n’est encore qu’undemi-sommeil. D’autres, à l’inverse,commencent à s’éveiller vraiment, com-me le panais. Mais on ne trouve paspour l’instant, dans le panier de la ména-gère, l’arroche rouge, qui remplace joli-ment les épinards l’hiver, le cardonblanc, concurrent de l’artichaut, la doli-que mongette, cousine du haricot qui asurvécu à l’Antiquité, ou encore le poiscarré, connu également sous le nom degesse. La liste est longue, chacun la com-plétera.

Toutefois, quand l’avenir est sombre,il arrive que les contes de Noël devien-nent grinçants. Imaginons que des uto-pistes s’emparent de ces foisons de plan-tes négligées. Ils professeraient d’abordqu’elles constituent de vastes gisements

capables de diversifier les goûts, dévelop-per les apports nutritifs, multiplier leséchanges de savoir-faire d’un bout dumonde à l’autre.

Ils soutiendraient ensuite qu’en rivali-sant d’ingéniosité et d’ardeur pour déve-lopper de belles variétés, l’humanité vas’engager dans une ère nouvelle. Loindes dilettantes nostalgiques, une révolu-tion s’annonce. Terriens, encore uneffort ! Vous verrez bientôt les consé-quences innombrables de l’effet potimar-ron : biodiversité préservée, alliance descivilisations intensifiée, agriculture réno-vée, économie refondée, santé retrouvée.

Les prophètes de cette mutation radi-cale expliqueront encore commentl’homme nouveau, soucieux de sonassiette, finira par avoir raison de lagrande distribution, des industries natu-ricides, des empires chimico-pharmaceu-tiques, du vieux monde malade, corrom-pu et boursouflé. La population mondia-le, mieux alimentée, améliorera chaquejour sa santé et sa résistance.

Les humains deviendront de plus enplus lucides et capables de juste discerne-ment. Là où avaient échoué des émeutessans nombre, des guerres civiles, desrépressions sanglantes, les potagers,bientôt, réussiront ! Une graine de cour-ge venue d’est en ouest finira donc parcasser en deux l’histoire du monde. Car,comme dit le poète, le légume est l’ave-nir de l’homme. Demain, grâce à lui, lavie deviendra belle, la nature équilibréeet les lendemains à jamais radieux.

Effectivement, cela s’appelle croire auPère Noël… C’était juste une fable de sai-son. Vous étiez prévenus. a

Carte blancheRoger-Pol Droit

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a Tirage du Monde daté jeudi 11 décembre 2008 : 384 165 exemplaires. 1 2 3

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