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Attentif aux échos du mondeLe Prix de l'Institut neuchâtelois à René Gerber, compositeur

René Gerber est une figuremajeure de la musique neu-châteloise, bien que sa recon-naissance soit relativementtardive. II ne s'en étonne pas,parfaitement conscient que sadémarche de compositeur esthors norme, tout comme sonparcours professionnel est endehors des sentiers battus.Parallèlement à son activitémusicale, René Gerber dirigeune galerie d'art. D termineactuellement un ouvrage sur«Les exigences de l'art». Fa-rouchement indépendant,étranger à toute école maistoujours attentif aux échos dumonde, il est la mémoire vi-vante de son siècle. L'Institutneuchâtelois lui décerne sonprix 1996.

Fils d'un ébéniste de l'Emmen-thal immigré à Travers, RenéGerber eut accès à l'éducation,mais pas de facilités socialesparticulières. Sa tante, qui avaitfait des études de chant, l'ouvreà la musique. D prend ses pre-mières leçons de piano et s'ins-talle, avec ses parents, à Peseux.Un peu plus tard, alors qu'il estau Gymnase de Neuchâtel, il ala révélation de la musique et sejette, tout seul, dans les manuelsde composition. Un bac scienti-fique en poche, le jeune hommeest inscrit à l'Université de Zu-rich où il commence des étudesde médecine dentaire. Un soirqu'il assiste à un concert dirigépar Volkmar Andreae, il com-prend qu'il sera compositeur etil le fait savoir à ses parents. Sononcle exploitant à Zurich un ca-binet dentaire - qu'il entend re-mettre à son neveu - un bras defer s'engage avec la famille. Lejeune homme entrera auConservatoire de Zurich. On esten 1928, René Gerber a vingtans.

Ses études brillamment termi-nées à Zurich, René Gerber serend à Paris, à l'Ecole normalede musique. Il est doué, il a unesensibilité très fine pour l'or-chestration. Là, il travaille sousl'autorité de Paul Dukas, NadiaBoulanger, Robert Siohan,Pierre Dupont.

-De quelle façon enseignaitPaul Dukas, maître qui a forméplusieurs compositeurs du XXesiècle?- Il f allait tenir le coup... Paul

Dukas avait un tel besoin d'ab-solu qu 'il a détruit les trois-quarts de sa production. Il étaitencourageant par sa . nature,mais décourageant par ses pro-pos. J'ai suivi les cours de PierreDupont, cheT de la Garde Répu-blicaine, pour connaître les ins-truments de cuivre, les cours de

René GerberUne écriture polytonale. (Impar-Leuenberger)

Robert Siohan pour la directiond'orchestre... En 1934,jemesuismarié, ma Temme était pianiste,elle travaillait avec Alf red Cor-tot, puis avec Marie Panthès. APans il y avait tant à f aire. Com-me étudiants, nous avions libreaccès aux répétitions des orches-tres symphoniques. Nous avonsassisté à des séances dirigées par

Le compositeur apprécie la peintureEn particulier l'œuvre de Roger-Constant Jeanneret(1909-1944).

Toscanini, Stravinski... J'ai ren-contré Maurice Ravel, qui étaiten convalescence chez son f r è r eEdouard, industriel à Montf ort-L'Amaury. Quel etonnement devoir Ravel entrer dans le salon,petit, trapu, son chat dans lesbras... C'était émouvant.

Arthur Honegger? Je ne l'aipas beaucoup f réquenté, il n 'ai-

mait pas être dérangé, d'ailleursil déménageait toujours... Flo-rent Schmitt était un sauvage,animé de passion musicale. Ro-land Manuel, Charles Mùnch...la belle époque!- En 1935, c'est le retour au

pays. René Gerber exerce auCollège latin à Neuchâtel, jus-qu'en 1947. Puis il est directeurdu Conservatoire de Neuchâtel,poste qu'il quitte en 1951 pourse consacrer à la composition, àla galerie d'art qu'il vient d'ou-vrir à Bevaix, ainsi qu'à des tra-vaux littéraires.QUESTION DE LANGAGELa musique de René Gerbers'adresse à tout le monde. Evo-lution, transformation, sont desmots qui n'appartiennent pas àson vocabulaire. Son langage estpolytonal, modal. Deux grandsmobiles s'équilibrent, de ma-nière presque égale, dans sonœuvre. La spontanéité peut ca-ractériser le premier. Ici lesthèmes foisonnent, le composi-teur va devoir les développer, lesorganiser en concerto ou enquatuor, une forme que RenéGerber a beaucoup travaillée.L'émotion sera l'autre inspira-trice, celle qui va déclencherl'imagination, susciter le climatmusical, déterminer le choix desinstruments. La forme est pluslibre, l'orchestration colorée, lasplendeur du son le captive.René Gerber est à la fois repré-sentatif de l'Ecole française etfranc tireur.

L'art , et toutes ses facettes,tient une place importante dansla vie de René Gerber. Entouréde peintres, de sculpteurs, il di-rige, depuis 1950, la Galerie ProArte à Bevaix, lieu où ont étéconsacrés des artistes du cru,parmi eux le Chaux-de-FonnierRoger-Constant Jeanneret.

Aujourd'hui René Gerber ter-mine un ouvrage sur «Les exi-gences de l'art». Si l'œuvre d'artne doit pas ignorer la nature, ellene doit pas la copier: tel est lethème du premier chapitre. Ledeuxième traite de l'unicité desarts, le troisième des conditionsdu chef-d'œuvre, le quatrièmede l'art au XXe siècle. L'ou-vrage se termine par des proposd'artistes.

D'une lucidité décapante,toujours aussi exigeant enverslui-même, René Gerber regardeson œuvre se frayer un cheminhors des modes et des chapelles.

Denise DE CEUNINCK

• La collation du Prix de l'Insti-tut 1996, cérémonie publique, sedéroulera samedi 30 mars, à 16 h30, à l'AuIa de la Faculté des let-tres de l'Université de Neuchâtel,Espace Louis-Agassiz 1. Les œu-vres, interprétées au cours de laséance par des ensembles dechambre, sont de M. René Ger-ber. M. Louis de Marval donneraune conférence sur «La vie aven-tureuse d'un musicien romanti-que: Louis Moreau-Gottschalk»

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LES ŒUVRES

Manuscrit d'une œuvrepour orchestre. (Archives)

René Gerber fait commen-cer sa production en 1931par un concerto pour harpeet orchestre. Suivront qua-torze concertos pour or-chestre et différents instru-ments solistes. En musiquede chambre, on relève plusde cinquante partitions,suites, divertissements,trios, quatuors, sonates.L'œuvre pour grand orches-tre compte une vingtained'opus. L'œuvre vocale,pour chœurs, ou soliste,comprend deux opéras«Roméo et Juliette» et «LeSonge d'une nuit d'été». Denombreuses pages pourpiano, orgue, complètentune production extraordi-nairement vaste et variée.La discographie comprendune quinzaine de CD, dontles interprètes tels l'Orches-tre de chambre de Lausan-ne, l'Orchestre philharmo -nique Georges Enesco deBucarest, les solistes, Ar-iette Chédel contralto, nelaissent planer aucun doutesur le haut niveau de l'écri-ture. (DdC)

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