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Rapports —– Jeudi 22 septembre 2011 299 Nous avons voulu évaluer, par une enquête de pratique, l’implication des MV pour le diagnostic du phénomène de Raynaud en leur soumettant un questionnaire retrac ¸ant chaque étape de la consultation. Ce questionnaire a été largement diffusé et a recueilli les réponses de 195 MV franc ¸ais. À l’interrogatoire, le caractère bilatéral et symétrique est recher- ché par 98 % des MV interrogés tout comme les habitudes de vie professionnelle (96 %). Les médicaments favorisant le phénomène de Raynaud sont recher- chés par 93 % des MV tandis que la recherche d’arthralgies ou d’un syndrome sec n’est évoquée que par 79% des MV. Enfin, une dys- pnée, un reflux gastro-œsophagien, évocateurs de sclérodermie ne sont recherchés que dans 42 % des cas. L’examen clinique se concentre clairement sur la main avec une recherche de sclérodactylie dans 88 % des cas, d’un défilé thoraco- brachial dans 79 % des cas, d’une manœuvre d’Allen pathologique, de télangiectasies, de calcifications sous-cutanées et la palpation des pouls des MI dans respectivement 81, 75, 68, 45 % des cas. Pour plus de la moitié (56%) des MV, l’interrogatoire et l’examen clinique suffisent à poser le diagnostic de phénomène de Raynaud primitif. Quand un bilan biologique est réalisé, il leur apparaît indispensable de réaliser un hémogramme, une VS, des anticorps antinucléaires et un facteur rhumatoïde dans 90 % des cas. La recherche d’une cryo- globulinémie, d’anomalies du complément sérique, d’anomalies à l’électrophorèse des protéines sériques n’est effectuée que dans 55 % des cas et d’anticorps antiphospholipides dans 43 % des cas. La capillaroscopie sera réalisée pour rechercher des mégacapillaires (94 %), une raréfaction capillaire et un œdème péricapillaire dans respectivement 49 et 37 % des cas, des microhémorragies dans 46 % des cas. Si le phénomène de Raynaud est suspecté d’être secon- daire, les patients sont adressés en médecine interne dans 89 % des cas et à aucun correspondant dans 7 % des cas. Il existe donc clairement une hétérogénéité des pratiques sur les 195 MV interrogés. Un diagnostic biologique et capillaroscopique n’est pas systématiquement réalisé, certainement par manque de disponibilité pour les capillaroscopes. Cette enquête de pratique nous permet d’éclairer en partie les éléments sur lesquels il nous apparaît important d’insister dans le cadre de cette séance sur le phénomène de Raynaud professionnel. doi:10.1016/j.jmv.2011.07.044 Quand penser au phénomène de Raynaud professionnel ? P.-Y. Hatron Service de médecine interne, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 50037 Lille, France Mots clés : Phénomène de Raynaud professionnel ; Étiologie La recherche d’une cause professionnelle doit être systématique dans l’enquête étiologique d’un phénomène de Raynaud (PR), sur- tout si celui-ci apparaît après l’adolescence, et que le patient est un travailleur manuel. Le Raynaud professionnel le plus fréquent est la maladie des vibrations qu’on observe chez les sujets utilisant des engins vibrants, comme les bucherons et leurs tronc ¸onneuses. Dans cette affection, le PR est souvent associé à des manifestations neurologiques et rhumatismales, mais la survenue d’une nécrose digitale est rare sauf facteurs associés (tabac). Le syndrome du marteau hypothénar est plus rare et survient chez les travailleurs usant de l’éminence hypothénar comme outil de percussion direct ou indirect (marteau). Ces traumatismes répétés ou plus exception- nellement un traumatisme unique et violent lèsent l’artère ulnaire en aval du canal de Guyon alors qu’elle est au contact de l’os cro- chu. Il se constitue un anévrisme, plus ou moins thrombosé, source d’emboles au niveau des artères digitales. L’affection se révèle par un PR sévère, le plus souvent unilatéral, touchant la main domi- nante, avec signes d’ischémie digitale se compliquant une fois sur deux de nécroses digitales. Le diagnostic est confirmé par l’imagerie qui montre cet anévrisme ou une thrombose de l’artère ulnaire à son extrémité et de multiples occlusions des artères digitales. Le traitement fait l’objet de discussions : médical avec drogues vasoac- tives ou chirurgical : exclusion de l’anévrisme, sympathectomie péri artérielle, éventuellement petit pontage veineux. Les récidives sont possibles surtout si l’exclusion au risque n’est pas totale. L’intoxication au chlorure de vinyle n’existe plus grâce aux mesures de prévention. Enfin, le PR peut être la première manifestation d’une sclérodermie induite par la silice (syndrome d’Erasmus). doi:10.1016/j.jmv.2011.07.045 Le Raynaud professionnel : apport du médecin du travail, rapport médecin vasculaire et médecin du travail : quelle réparation, quel reclassement P. Frimat a , A.S. Tellart a,b a Service de pathologie professionnelle, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 50037 Lille, France b Service de médecine interne et d’explorations vasculaires, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 50037 Lille, France Mots clés : Syndrome de Raynaud professionnel ; Maladie des vibrations ; Syndrome du marteau hypothénar Parmi les nombreuses étiologies de phénomène de Raynaud secon- daire, certaines sont liées à l’exposition professionnelle. Le phénomène de Raynaud entre alors dans le cadre nosologique d’affections très distinctes représentées par : la maladie des vibra- tions indemnisée au titre du tableau 69 A du régime général et 29 A du régime agricole ; le syndrome du marteau hypothénar indemnisé au titre du tableau 69 C du régime général et 29 C du régime agricole ; l’intoxication au chlorure de vinyle devenue his- torique depuis les mesures de protection imposées par le décret de mars 1980 et la sclérodermie secondaire à une exposition à la silice (associée ou non à une pneumoconiose : syndrome d’Erasmus) indemnisée au titre du tableau 25 A3 du régime général. Les sec- teurs d’activités les plus exposants sont le bâtiment et travaux publics, la métallurgie, la construction mécanique, la menuiserie, l’ébénisterie, l’agriculture mais aussi l’industrie forestière. Parce qu’elles peuvent se compliquer de gangrènes distales, ces patholo- gies peuvent être invalidantes et entraîner de lourdes conséquences socioprofessionnelles. Par sa connaissance de la législation et du milieu professionnel, le médecin du travail joue un rôle primor- dial dans la prévention primaire en évaluant et hiérarchisant les risques, et en mettant en œuvre des moyens visant à supprimer ou réduire les expositions. La prévention secondaire passe par la visite médicale périodique qui a pour objectif de dépister les effets délétères liés à l’exposition professionnelle. Enfin, la prévention tertiaire vise à permettre aux salariés porteurs d’une déficience de garder un emploi. La prise en charge et le dépistage pré- coce de ces pathologies conditionnant le pronostic des maladies les plus sévères, un suivi médical renforcé et la réalisation d’un écho-Doppler des membres supérieurs ainsi que la prise de pression digitale pourraient être proposés aux travailleurs exposés. La colla- boration entre médecins vasculaires et médecins du travail est ici essentielle. doi:10.1016/j.jmv.2011.07.046

Le Raynaud professionnel : apport du médecin du travail, rapport médecin vasculaire et médecin du travail : quelle réparation, quel reclassement

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Page 1: Le Raynaud professionnel : apport du médecin du travail, rapport médecin vasculaire et médecin du travail : quelle réparation, quel reclassement

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Rapports —– Jeudi 22 septembre 2011

Nous avons voulu évaluer, par une enquête de pratique,l’implication des MV pour le diagnostic du phénomène de Raynauden leur soumettant un questionnaire retracant chaque étape de laconsultation. Ce questionnaire a été largement diffusé et a recueilliles réponses de 195 MV francais.À l’interrogatoire, le caractère bilatéral et symétrique est recher-ché par 98 % des MV interrogés tout comme les habitudes de vieprofessionnelle (96 %).Les médicaments favorisant le phénomène de Raynaud sont recher-chés par 93 % des MV tandis que la recherche d’arthralgies ou d’unsyndrome sec n’est évoquée que par 79 % des MV. Enfin, une dys-pnée, un reflux gastro-œsophagien, évocateurs de sclérodermie nesont recherchés que dans 42 % des cas.L’examen clinique se concentre clairement sur la main avec unerecherche de sclérodactylie dans 88 % des cas, d’un défilé thoraco-brachial dans 79 % des cas, d’une manœuvre d’Allen pathologique,de télangiectasies, de calcifications sous-cutanées et la palpationdes pouls des MI dans respectivement 81, 75, 68, 45 % des cas.Pour plus de la moitié (56 %) des MV, l’interrogatoire et l’examenclinique suffisent à poser le diagnostic de phénomène de Raynaudprimitif.Quand un bilan biologique est réalisé, il leur apparaît indispensablede réaliser un hémogramme, une VS, des anticorps antinucléaires etun facteur rhumatoïde dans 90 % des cas. La recherche d’une cryo-globulinémie, d’anomalies du complément sérique, d’anomalies àl’électrophorèse des protéines sériques n’est effectuée que dans55 % des cas et d’anticorps antiphospholipides dans 43 % des cas. Lacapillaroscopie sera réalisée pour rechercher des mégacapillaires(94 %), une raréfaction capillaire et un œdème péricapillaire dansrespectivement 49 et 37 % des cas, des microhémorragies dans 46 %des cas. Si le phénomène de Raynaud est suspecté d’être secon-daire, les patients sont adressés en médecine interne dans 89 % descas et à aucun correspondant dans 7 % des cas.Il existe donc clairement une hétérogénéité des pratiques sur les195 MV interrogés. Un diagnostic biologique et capillaroscopiquen’est pas systématiquement réalisé, certainement par manque dedisponibilité pour les capillaroscopes. Cette enquête de pratiquenous permet d’éclairer en partie les éléments sur lesquels il nousapparaît important d’insister dans le cadre de cette séance sur lephénomène de Raynaud professionnel.

doi:10.1016/j.jmv.2011.07.044

Quand penser au phénomène de Raynaudprofessionnel ?P.-Y. HatronService de médecine interne, hôpital Huriez, CHRU de Lille,50037 Lille, France

Mots clés : Phénomène de Raynaud professionnel ; Étiologie

La recherche d’une cause professionnelle doit être systématiquedans l’enquête étiologique d’un phénomène de Raynaud (PR), sur-tout si celui-ci apparaît après l’adolescence, et que le patient estun travailleur manuel. Le Raynaud professionnel le plus fréquentest la maladie des vibrations qu’on observe chez les sujets utilisantdes engins vibrants, comme les bucherons et leurs tronconneuses.Dans cette affection, le PR est souvent associé à des manifestationsneurologiques et rhumatismales, mais la survenue d’une nécrosedigitale est rare sauf facteurs associés (tabac). Le syndrome du

marteau hypothénar est plus rare et survient chez les travailleursusant de l’éminence hypothénar comme outil de percussion directou indirect (marteau). Ces traumatismes répétés ou plus exception-nellement un traumatisme unique et violent lèsent l’artère ulnaire

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oi:10.1016/j.jmv.2011.07.045

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Service de pathologie professionnelle, hôpital Huriez, CHRU deille, 50037 Lille, FranceService de médecine interne et d’explorations vasculaires,ôpital Huriez, CHRU de Lille, 50037 Lille, France

ots clés : Syndrome de Raynaud professionnel ; Maladie desibrations ; Syndrome du marteau hypothénar

armi les nombreuses étiologies de phénomène de Raynaud secon-aire, certaines sont liées à l’exposition professionnelle. Lehénomène de Raynaud entre alors dans le cadre nosologique’affections très distinctes représentées par : la maladie des vibra-ions indemnisée au titre du tableau 69 A du régime général et9 A du régime agricole ; le syndrome du marteau hypothénarndemnisé au titre du tableau 69 C du régime général et 29 C duégime agricole ; l’intoxication au chlorure de vinyle devenue his-orique depuis les mesures de protection imposées par le décrete mars 1980 et la sclérodermie secondaire à une exposition à lailice (associée ou non à une pneumoconiose : syndrome d’Erasmus)ndemnisée au titre du tableau 25 A3 du régime général. Les sec-eurs d’activités les plus exposants sont le bâtiment et travauxublics, la métallurgie, la construction mécanique, la menuiserie,’ébénisterie, l’agriculture mais aussi l’industrie forestière. Parceu’elles peuvent se compliquer de gangrènes distales, ces patholo-ies peuvent être invalidantes et entraîner de lourdes conséquencesocioprofessionnelles. Par sa connaissance de la législation et duilieu professionnel, le médecin du travail joue un rôle primor-ial dans la prévention primaire en évaluant et hiérarchisant lesisques, et en mettant en œuvre des moyens visant à supprimeru réduire les expositions. La prévention secondaire passe par laisite médicale périodique qui a pour objectif de dépister les effetsélétères liés à l’exposition professionnelle. Enfin, la préventionertiaire vise à permettre aux salariés porteurs d’une déficiencee garder un emploi. La prise en charge et le dépistage pré-oce de ces pathologies conditionnant le pronostic des maladieses plus sévères, un suivi médical renforcé et la réalisation d’uncho-Doppler des membres supérieurs ainsi que la prise de pression

oration entre médecins vasculaires et médecins du travail est icissentielle.

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