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LANG Thomas
Rapport de Stage
[LE RELOGEMENT : DU BAILLEUR A L’HABITANT] Master 1 Aménagement Urbanisme et Développement des Territoires Année 2009‐2010 Directeurs de Stage : Sebastien DASSONVILLE Didier TAVERNE
2
Sommaire Rapport de Stage ........................................................................................................................................................ 1
L’Agence d’Urbanisme de la Région Mulhousienne ................................................................................................... 3
L’organigramme de l’agence ................................................................................................................................. 4
Les missions ........................................................................................................................................................... 5
Le service Renouvellement Urbain et Politique de la Ville .................................................................................... 5
La mission .............................................................................................................................................................. 6
Le Quartier de Bourtzwiller et les 420 ........................................................................................................................ 7
L’échéancier ................................................................................................................................................................ 8
Introduction ................................................................................................................................................................ 9
Première phase : Avant le relogement ..................................................................................................................... 10
Deuxième phase : Le relogement ............................................................................................................................. 12
Troisième phase : Le post‐relogement ..................................................................................................................... 13
Synthèse ................................................................................................................................................................... 15
Méthodologie ........................................................................................................................................................... 17
Les thèmes d’analyses ......................................................................................................................................... 19
Précautions de lecture ................................................................................................................................... 19
Les réseaux sociaux ............................................................................................................................................. 19
Les trajectoires résidentielles .............................................................................................................................. 21
La scolarité........................................................................................................................................................... 22
L’emploi ............................................................................................................................................................... 23
Les déplacements ................................................................................................................................................ 24
Analyses des entretiens ............................................................................................................................................ 26
Grille d’entretien pour les ménages relogés ............................................................................................................. 27
Une insatisfaction liée au logement .................................................................................................................... 30
Mais des ménages globalement satisfait de leur nouveau quartier .................................................................... 32
Un relogement qui n‘a pas provoqué de changement majeur sur la vie professionnelle ................................... 33
Et sur la scolarité ................................................................................................................................................. 34
Paradoxalement, les personnes relogés veulent redéménager .......................................................................... 34
Conclusion ................................................................................................................................................................ 36
3
L’Agence d’Urbanisme de la Région Mulhousienne L’agence d’urbanisme de la région mulhousienne(AURM), créée en 1992 à l’initiative
de 7 communes autour de Mulhouse, compte actuellement 35 membres. Son siège se
trouve à Mulhouse. Son fonctionnement est basé sur un partenariat entre les différents
acteurs publics de l’aménagement et du développement du territoire. Elle fait partie du
réseau de la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme(FNAU). La FNAU est présente
dans 52 villes et agglomérations, créant un réseau de professionnels de l’urbanisme et de
l’aménagement, avec pour objectif la mise en commun des informations et du savoir faire de
l’aménagement, la réflexion sur des sujets d’actualité politique en matière d’urbanisme,
ainsi que la mutualisation des ressources pour les missions communes. L’agence a une
mission de service public et de promotion de l’intérêt général des membres qui la
composent. Selon le code de l’urbanisme, elle doit :
• Suivre l’évolution urbaine
• Participer à l’élaboration des documents d’urbanisme
• Préparer les projets d’agglomérations
• favoriser le dialogue et la concertation entre acteurs concernés ;
• réaliser des études portant sur la région Mulhousienne ou sur une partie
de celle-ci
• assurer une mission de conseil auprès de ses membres.
• assurer des missions de coopération internationale pour le compte de
ses membres et sur décision du Conseil d’Administration
Actuellement 12 personnes y travaillent, en plus de la directrice. Elles sont réparties
dans 6 services qui sont :
• Transports et Déplacements
• Ville et Habitat
• Planification urbaine
• Emploi et Economie
• Communication
• Ressources
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Les missions
L’agence d’urbanisme a plusieurs missions. Certaines sont permanentes, comme la
collecte d’informations (statistiques et SIG) par le centre de ressources ainsi que l’assistance
aux communes et à l’intercommunalité, d’autres sont fixées selon certaines thématiques :
• La cohérence territoriale
• Habitat et renouvellement urbain
• Développement économique
• Déplacements et Transports
Elle réalise aussi des formations sur les nouvelles tendances de l’urbanisme, comme
les techniques de développement durable, les éco‐quartiers.
Actuellement, l’agence travaille entre autre sur la gestion du PRU de la ville de
Mulhouse, la mise en place d’un PLH ainsi que la révision du PDU. Elle est également en
charge de l’élaboration des SCOT du pays Rhin‐Vignoble et Grand Ballon et du pays Thur‐
Doller, ainsi que du suivi du SCOT du pays de la région mulhousienne.
Le service Habitat Renouvellement Urbain et Politique de la Ville
Ce stage se déroule dans le service Renouvellement Urbain et Politique de la
Ville. Ce service joue un rôle d’accompagnement des communes dans l’élaboration de leur
politique de l’habitat. Dans le cadre l’observatoire de l’habitat, il participe à la réfléxion
concernant le plan départemental de l’habitat, ainsi que sur la mise en place d’un PLH sur la
Communauté d’Agglomération Mulhouse Sud Alsace. Le service analyse aussi des études sur
le marché immobilier, les informations récoltées servant à garantir un suivi de l’évolution
des politiques urbaines mises en œuvre.
Toutes ces études permettent d’alimenter une réfléxion sur le développement de la
ville et l’orientation des différentes politiques urbaines.
Sur le versant politique de laville, le servie est en charge de l’observatoire des ZUS et
du PRU. Il réalise également en collaboration avec l’agence de développement et
6
d’urbanisme de Strasbourg(ADEUS) une étude des dynamiques urbaines à l’échelle régionale
pour le compte du SGARE Alsace.
La mission
Notre mission, durant ce stage au service Renouvellement Urbain et Politique de la
ville ainsi qu’aux Etudes Socio‐économiques, est la réalisation d’une enquête sur le
relogement dans le cadre du PRU de Mulhouse. Nous étudions principalement le quartier de
Bourtzwiller avec la « cité des 420 » qui est soumise à une opération de renouvellement
urbain financée dans le cadre de l’ANRU. Une partie de cette cité a déjà été détruite,
obligeant le relogement de la moitié de la population. Notre travail vise à répondre à la
question si la population qui a été relogé est satisfaites ou non de l’opération de relogement.
Pour répondre à cette question, nous avons du élaborer une méthodologie spécifique. En
effet, actuellement l’approche quantitative est majoritairement utilisée lors de ces
relogements, dans notre cas, la ville de Mulhouse avait la volonté de s’orienter vers une
étude plus qualitative, à base d’entretiens, qui permettra une meilleure évaluation d’un
« point de vue humain » de l’opération de relogement. Cette nouvelle méthodologie est une
réponse directe à la question posée par l’ANRU et les bailleurs sociaux, « comment évaluer
la réussite d’une opération de relogement ? ».
Pour réaliser cette étude, nous devons prendre contact avec le bailleur social
Mulhouse Habitat qui s’occupe de cette opération de relogement, pour obtenir les
informations concernant les ménages relogés et ceux à reloger. Avec ces informations, il sera
possible d’établir un échantillon le plus représentatif pour réaliser les entretiens.
Pour réaliser ces entretiens, il faudra établir une grille d’entretien expliquant les
différents thèmes à étudier. Ces thèmes ont été choisis parmi différentes études déjà
réalisées concernant le relogement.
7
Le Quartier de Bourtzwiller et les 420 Le quartier de Bourtzwiller est situé au Nord de Mulhouse, limitrophe de Pfastatt,
Kingersheim et Illzach. Jusqu'en 1947, Bourtzwiller n'était qu'un simple bourg de la banlieue
nord, relié à Mulhouse par le Pont de Bourtzwiller enjambant la Doller. Cependant, l’arrivée
du tramway a facilité les déplacements jusqu’au centre ville. Cette commune était déjà
caractérisée par son centre de village avec sa place
publique, son église et ses commerces, son usine de
mécanique au sud, son quartier de maisons
ouvrières au sud‐est, son quartier de maisons
bourgeoises à l'ouest. Très affectée par les
bombardements de la deuxième guerre mondiale, la
commune de 3 900 habitants a voté par referendum
le rattachement à Mulhouse en 1947. L'ancienne
place du village est rebaptisée pour l'occasion
« place du Rattachement ». Suivent alors toute une
série de « grands travaux » qui vont à la fois
permettre un accroissement spectaculaire de
sa population et élever des barrières
physiques entre ce quartier et ses voisins de Mulhouse et d'Illzach. La Cité des 420,
construite entre 1962 et 1965 pour faire face à l’arrivée d’immigrés de la guerre d’Algérie,
est située au Sud‐Est de Bourtzwiller. Après une réhabilitation des logements en 1989, la
décision est prise en 2006 de détruire la cité. Au printemps 2007 les quatre premières barres
sont détruites.1 C’est le quartier le plus peuplé de Mulhouse, avec plus de 13 000 habitants
(INSEE, RRP 2006). Le quartier des 420 est composé en majorité d’une population de couples
avec enfants, dont le chef de ménage est âgé en moyenne de 51 ans. 35% de la population
dispose d’un emploi stable, 26% est à la recherche d’un emploi. Les ménages disposent en
moyenne de 1 353 € de ressources (source : RIME).
1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Bourtzwiller
Le quartier de Bourtzwiller en bleu et le centre ville en
orange.
8
L’échéancier
Taches à réaliser Sources/Contacts Délai
Recherche documentaire sur
les opérations de relogement
et écriture d’une fiche de
synthèse
Sites internet 25/01/2010
Choix des indicateurs à étudier Etudes déjà réalisées 01/02/2010
Prise de contact avec les
bailleurs sociaux Mulhouse Habitat 08/02/2010
Création de la grille d’entretien
Mulhouse Habitat
Début Février
Sélection de l’échantillon Mulhouse Habitat Mi Février
Prise de contact avec les
ménages relogés Mulhouse Habitat Fin Février
Réalisation des entretiens Les relogés Mars‐Mai
Retranscription Mars‐Mai
Analyses des entretiens Fin Avril
Rendu 18 Mai
Présentation Orale 4 Juin
9
Introduction Actuellement, les projets de renouvellements urbains soutenus par l’Agence
Nationale pour le Rénovation Urbaine sont nombreux dans plusieurs villes françaises. La
rénovation urbaine est un projet d’aménagement servant à la réhabilitation des zones
urbaines sensibles, des quartiers les plus difficiles ainsi qu’à la construction de nouveaux
logements. Ces projets ont pour objectif l’amélioration du cadre de vie, en développant la
diversité urbaine et sociale. Pour y arriver, il est parfois nécessaire d’effectuer une opération
de relogement. La population peut retrouver un logement décent mieux adapté à ses
besoins, et permettre aux habitants, plus particulièrement à ceux en difficulté, de se
réinsérer dans un contexte social plus favorable. Cependant, la violence d’une telle
opération dans la vie des habitants laisse présumer qu’il est complexe d’évaluer la réussite
d’un tel projet du point de vue humain. Pour les bailleurs sociaux, ces opérations sont très
compliquées, car au‐delà de la logistique et de la gestion à mettre en place, il faut aussi tenir
compte de l’aspect humain de la chose et de toutes les complications que cela apporte. Il
existe des stratégies de relogement mises en place par les bailleurs assistées par des
organismes nationaux comme l’ANRU qui s’appuient majoritairement, sur des éléments
d’analyses quantitatives. Cependant il semble difficile d’appréhender la complexité humaine
uniquement à l’aide de chiffres. La question est donc de savoir si des éléments statistiques
suffisent pour comprendre dans sa globalité et sa complexité la réussite ou non d’une
opération de relogement pour les ménages touchés, et si non comment améliorer ces
approches.
Pour cela, nous nous sommes appuyés sur plusieurs enquêtes réalisées entres autres
par le PUCA, l’ANRU ou la DREIF. Ces études ont pour but d’analyser l’évolution des
trajectoires résidentielles des ménages relogés, permettant ainsi d’évaluer la réussite de
l’opération. De la lecture de ces études, il ressort que plusieurs étapes doivent être
respectées dans une opération de relogement. Pour chacune, nous avons pu identifier les
possibles points de blocages, ce qui nous a orientés dans l’élaboration de notre grille
d’entretien.
10
Première phase : Avant le relogement L’agence nationale pour la rénovation urbaine, crée en 2003, a pour but
d’accompagner et de financer les démarches des collectivités territoriales désirant effectuer
une opération de rénovation urbaine. Le relogement est un des éléments majeurs dans
le programme de rénovation urbaine démarré en 2005 par l’agence nationale pour la
rénovation urbaine. Ce programme doit permettre d’améliorer l’intégration dans la
ville des quartiers les plus en difficulté. D’ici 2013, 500 quartiers auront été rénovés
améliorant ainsi le cadre de vie de 4 millions de français.
L’ANRU fixe aux opérations de relogement plusieurs objectifs :
• Favoriser le parcours résidentiel : la rénovation urbaine doit avoir un
impact positif dans la vie des ménages relogés.
• Développer la mixité sociale : le relogement doit permettre aux
ménages de se réinsérer dans une dynamique positive.
• Garantir un taux d’effort pour les ménages compatible avec leurs
ressources : le règlement de l’ANRU oblige les bailleurs à
proposer aux ménages un logement de qualité tout en tenant
compte de leur capacité financière.
Les projets de rénovations urbaines impliquent différents acteurs, des bailleurs
sociaux, à la municipalité. La question du partenariat entre les différents acteurs d’une
opération de relogement est primordiale pour réussir celle‐ci. Il existe pour encadrer cela,
une charte partenariale créée par l’ANRU, reprenant des principes généraux, tels que les
engagements des différents partenaires, ou encore les conditions du relogement. Il existe
cependant différentes chartes entre la collectivité et les bailleurs sociaux ou associations
travaillant sur un projet de rénovation urbaine.
La période en amont de l’opération de relogement est primordiale pour la réussite de
celle‐ci. C’est durant cette phase de diagnostic qu’il faut établir une carte d’identité des
logements et des ménages la plus détaillée possible. Grâce à la connaissance du revenu, de
l’âge du chef de ménage, de la taille de celui‐ci, mais surtout de ses attentes, il sera possible
11
pour le bailleur d’établir une fiche précise par ménage et ainsi répondre au mieux à leurs
souhaits. La qualité des informations obtenues à ce moment détermineront la tournure du
relogement. Ces informations que le bailleur possède permettent d’évaluer correctement la
situation, le nombre de relogement à prévoir, ou encore le type de logement à favoriser lors
de la reconstruction. Elles permettent aussi d’identifier plus tôt les ménages en difficulté qui
auront besoin d’un suivi particulier pendant et après le relogement.
Un autre élément important à mettre en place le plus tôt possible, est la
communication autour du projet. En effet c’est à ce moment que le contact entre le bailleur
et la population doit être pris, et le plus rapidement, de manière à créer une relation stable
d’échange permettant une réelle concertation entre les deux parties. Si la prise de contact a
lieu trop tard, la population risque de se sentir sous pression, rendant plus difficile le
relogement. Bien souvent, les populations estiment qu’elles ont été informées trop tard,
compliquant la recherche d’un nouveau logement, ou qu’elles n’ont pas eu accès à toutes les
informations qui leur semblaient nécessaires leur donnant l’impression de ne pas être
considérées.
Pour réussir cela, différents outils législatifs ont été crées, notamment grâce à la loi
SRU, qui impose aux bailleurs, en cas de démolition, de mener une concertation à l’échelle
de l’immeuble. La mise en œuvre d’un projet urbain nécessitant des démolitions peut être
vécue différemment entre les institutions responsables du projet et les habitants concernés,
il est donc nécessaire de faire coïncider ces deux visions. A partir de là, il est possible de
mettre en place une discussion entre les deux parties, ce qui donnera le sentiment aux
ménages en question de participer activement aux changements et non de les subir.
La mise en place de « personnes de références » servant d’intermédiaire entre les
bailleurs et la population à accompagner permet de rassurer les ménages et de répondre à
leurs attentes. Ces personnes doivent s’occuper d’un nombre restreint de ménages, leur
permettant ainsi d’être le plus efficace possible. Il est aussi nécessaire de réaliser des
enquêtes de satisfaction à base d’entretiens auprès des ménages à reloger, dans le but
d’obtenir le maximum d’informations sur leurs souhaits et leurs besoins en matière de
logements. Cette étape doit permettre aux ménages d’envisager plus facilement leur
déménagement, de se projeter dans l’avenir.
12
Pour les bailleurs, cette étape est nécessaire pour décider de la meilleure attribution
des logements suivant les critères des ménages. Ces critères sont par exemple la
composition familiale, le revenu ou le quartier envisagé pour le relogement. Si le ménage se
trouve être endetté, une procédure d’apurement des dettes devra être mis en place suivant
un accord entre le bailleur et le ménage avant toute proposition de relogement.
Deuxième phase : Le relogement Durant le relogement, la présence d’intermédiaires entre les ménages et les bailleurs
est également très importante. C’est à ce moment là que les ménages sont le plus fragiles,
voyant petit à petit leur immeuble se vider. Cette phase doit être la plus brève possible pour
que les ménages n’aient pas l’impression d’être isolés au milieu d’un chantier, mais ne doit
pas être bâclée pour autant. Si cela dure trop longtemps, des dégradations importantes
peuvent avoir lieu dans les bâtiments, isolant encore plus les ménages déjà fragilisés par leur
déménagement. Si l’étape de diagnostic a été réalisée le plus sérieusement possible et que
le bailleur a démarré ses réflexions le plus tôt, il est possible de reloger au mieux la
population et cela sans trop de problèmes.
La loi oblige actuellement le bailleur à proposer au minimum deux logements de
substitution à différents moments. Les logements proposés doivent être en accord avec les
besoins et les attentes, déterminés par les entretiens précédents, comme le nombre de
pièces ou l’étage. Le bailleur devra aussi tenir compte du taux d’effort des ménages, celui‐ci
ne pouvant s’élever à plus de 33% du revenu mensuel. La visite des logements doit être
effectuée avec l’aide des personnes‐relais, qui peuvent ainsi prendre note des modifications
des attentes des ménages. Les ménages identifiés précédemment comme les plus fragiles et
les plus susceptibles de mal vivre le relogement doivent être plus particulièrement
accompagnés dans ces démarches. L’accompagnement des ménages doit donc être
personnalisé, en fonction de leurs besoins et de leurs attentes.
Cette étape du relogement est très sensible. Une opération de renouvellement
urbain ne consiste pas en un éparpillement des problèmes existants dans un quartier, mais
plutôt en la réinsertion des personnes en situation difficiles dans un environnement correct.
13
Il est cependant possible que certains ménages décident de s’occuper eux mêmes de leur
relogement pour réaliser un projet précis par exemple.
Une autre des difficultés qu’il est possible de rencontrer à ce moment, est la volonté
pour les ménages de rester proche de leur voisinage et de leur quartier d’origine. Il faut donc
essayer, quand cela est possible, de respecter cette volonté, évitant ainsi une rupture trop
forte du réseau social mis en place. En effet, déplacer des ménages sensibles dans des
quartiers radicalement différents ne fera que les stigmatiser, rendant leur insertion
extrêmement difficile. Cependant, il est difficile et risqué de garder sur le même site une
trop forte proportion de ménages identiques, au risque de recréer des poches au sein des
nouveaux quartiers. La volonté de créer une mixité sociale importante entre en conflit avec
la volonté des habitants des quartiers à maintenir leur mode de vie recentré sur ce quartier.
Comment respecter la volonté des ménages et la mise en place de politiques de mixité ?
Lorsqu’un logement est choisi par un ménage, celui‐ci dispose d’aide financière ou humaine
pour réaliser son déménagement dans les meilleures conditions.
Troisième phase : Le post-relogement Lorsque l’opération est terminée, que les ménages sont relogés et que la démolition
a eu lieu, la mission des bailleurs ne l’est pas pour autant. En effet, il important d’assurer un
suivi sur la durée des ménages relogés, pour observer leur mode de vie dans leur nouvel
environnement. Ce suivi doit durer un certain temps et ne pas se limiter aux premiers mois,
car la mise en place de nouvelles structure sociales, la possible amélioration ou détérioration
du cadre de vie n’apparaissent pas immédiatement. De plus le ressenti des personnes
relogées sera différent si on les interroge la première semaine ou au bout de six mois. L’idéal
est donc de suivre les ménages sur une année ou plus, à intervalle régulier, pour ainsi
obtenir le maximum d’informations.
C’est lors de cette phase que l’usage des entretiens est la plus pertinente. Cette
méthode est pour l’instant très peu utilisée, alors qu’elle peut être pertinente pour
compléter les données quantitatives qui sont habituellement utilisées. Nécessitant un temps
plus long pour la mettre en place et pour obtenir des résultats, on peut comprendre que les
14
bailleurs, voulant accélérer ces démarches, s’orientent en priorité vers des données
statistiques, rapides à obtenir. Cependant si l’on cherche à obtenir des données complètes
permettant une analyse fine des effets d’un relogement, la méthode qualitative est la plus
recommandée. On peut grâce à des entretiens, analyser, à travers les dires des ménages
interrogés, la qualité du relogement effectué. En observant l’insertion des ménages dans
leur nouveau tissu urbain, l’établissement ou non de nouveaux réseaux sociaux (voisinage,
association de quartier etc.) ou encore la modification ou non de leur mode de vie, il est
possible d’estimer pleinement la qualité du relogement. Il faut aussi aborder à ce moment
l’évolution de la trajectoire du ménage. Si l’on veut qualifier l’opération de réussite totale,
elle doit apporter une amélioration dans la trajectoire du ménage.
15
Synthèse On peut donc voir que les étapes les plus longues et les plus importantes pour
optimiser une opération de relogement sont le diagnostic précédant le projet et le suivi dans
la durée des ménages relogés. C’est lors de cette phase de diagnostic que tout est
déterminé. Si les informations récoltées sont incomplètes, le reste de la procédure sera
négligé et les locataires vivront mal ce relogement. Les bailleurs sociaux doivent réaliser une
enquête complète pour créer une carte d’identité la plus détaillée possible sur l’ensemble
des ménages à reloger. Grâce à cela, il sera possible d’identifier au mieux les ménages
présentant des difficultés particulières (dettes, handicap, âge etc.) La connaissance exacte
des besoins des ménages permettra au bailleur de proposer un logement le plus adapté à
ceux‐ci. S’il ne dispose pas des informations nécessaires, les propositions de relogements
risqueront de ne pas satisfaire le ménage, lui donnant l’impression de subir des pressions
pour quitter son logement. Il est important que le bailleur responsable de l’opération mette
en place au plus vite une enquête auprès des ménages concernés, ce qui facilitera
grandement les relogements.
Le suivi après le relogement est aussi très important. En effet, cette étape, bien que
souvent délaissée, est déterminante dans l’appréciation du projet. C’est grâce à des
entretiens réalisés auprès des ménages relogé qu’il est possible de savoir si l’objectif de
réinsertion dans un nouvel environnement social est réussi. Le relogement peut détruire les
réseaux sociaux et de solidarité mis en place dans le quartier. L’importance de ces réseaux
est capitale, c’est grâce à cela que l’on peut déterminer si un ménage est inséré ou non. Il
faut donc étudier ces modifications lors du suivi des relogés, et cela sur une longue durée
pour obtenir le maximum d’informations pour déterminer de la stabilité de la réinsertion.
Cette étape est encore plus importante pour les ménages identifiés comme fragiles, car ils
peuvent éprouver d’avantage de difficultés à s’adapter à ces changements. Le dernier point
déterminant dans un relogement, est l’amélioration de la trajectoire résidentielle. Si le
ménage estime que le logement et l’environnement sont plus acceptables, alors la
trajectoire est ascendante. En revanche s’il est mal perçu, ou de manière indifférente, il
faudra s’interroger sur les étapes précédentes pour voir où il y a eu une erreur et ainsi
16
essayer de la rectifier dans une prochaine opération. C’est à travers ces difficultés que l’on
voit qu’une opération de relogement ne consiste pas qu’à proposer un nouveau logement à
un ménage, mais surtout à l’accompagner dans sa réinsertion au sein d’un nouvel
environnement. Le logement ne s’arrête pas aux quatre murs de l’appartement, mais il
englobe l’environnement, les individus autour de cet appartement. Pour résumer cela, voila
une liste d’éléments méthodologiques permettant la réussite d’un relogement :
• Un laps de temps suffisant
• Une bonne coopération entre les différents acteurs
• Une communication autour du projet
• Une enquête avant le relogement pour une bonne connaissance des
ménages à reloger
• La concertation entre ménages et bailleurs
• La mise en place de personnes relais pour accompagner les ménages
• Des propositions de logements adaptés aux caractéristiques du ménage
• Une enquête post relogement à l’aide d’entretiens
• Un suivi post relogement développé et sur une longue durée
Nous allons dans notre cas nous intéresser plus particulièrement aux deux derniers
points, le suivi et l’enquête qui ont lieu après le relogement dans le but :
• De savoir si les ménages ont connu une trajectoire positive grâce au
relogement ou si au contraire, ils estiment que leur situation c’est
dégradée
• De connaitre leur degré de satisfaction/ d’insatisfaction par rapport à
leur relogement
• De repérer les améliorations que le bailleur pourrait apporter à ses
procédures de relogement.
17
Méthodologie
18
Pour établir la réussite d’une opération de relogement nous avons donc vu qu’il était
nécessaire de réaliser une enquête à base d’entretiens avec les ménages. Grâce à cela, il sera
possible d’analyser les facteurs qui déterminent une bonne réinsertion des ménages après le
relogement. Il faut réussir à déterminer les indicateurs les plus pertinents pour établir la
réussite ou non de l’opération. Nous allons ici proposer cinq thèmes à aborder lors de
l’enquête de satisfaction post‐relogement. A travers ces thèmes ; les réseaux sociaux, les
trajectoires résidentielles, la scolarité, l’emploi et les déplacements, il sera possible d’avoir
une vision plus détaillée des changements qui ont eu lieu lors du relogement. Ces thèmes
ont déjà été analysés lors de diverses études post‐relogement, ce qui confirme leur intérêt
pour évaluer ces opérations. Ces entretiens ont également eut l’occasion de recueillir
quelques données quantitatives pour étoffer la base de données du bailleur. Nous avons
réalisé ces entretiens avec les ménages relogés ainsi qu’avec les responsables du
relogement. Sur les 236 ménages déjà relogés, nous avons sélectionné un échantillon
représentatif de 30 personnes avec une méthode par stratification, en utilisant comme
critère principal le lieu de relogement puis l’âge du chef de ménage. Les délais relativement
courts ne nous permettent pas d’interroger plus de personnes et donc de multiplier les
critères d’échantillonnage.
19
Les thèmes d’analyses
Précautions de lecture
La méthodologie proposée ici reprend les thématiques utilisées dans les différentes
enquêtes précédemment citées. Cependant, il faut noter qu’aucune de ces enquêtes n’a
observé tous ces indicateurs en même temps. On peut supposer qu’étudier tout ces
éléments dans une seule enquête serait très contraignant à mettre en place. Les difficultés
pour les bailleurs à mettre en place ces d’enquêtes, ainsi qu’un suivi de longue durée, sont
réelles. Cela nécessite des moyens importants, dont les bailleurs ne disposent pas
forcément. De plus, ces thèmes ne résument pas à eux seuls les évolutions du mode de vie
des relogés. Cette méthodologie est une base qu’il est nécessaire d’adapter en fonction des
situations et des caractéristiques des sites et des relogés.
Les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux, sont des éléments dont il faut tenir compte de manière
importante. Le voisinage, lorsqu’il est plus qu’une simple proximité géographique peut être
un exemple de réseau social. C’est un élément important de socialisation dans les milieux
urbains. Les sociologues de l’école de Chicago, comme Robert Park, la définissent comme
« la sociabilité d’individus qui réalisent différentes activités sur le même espace et, donc,
avec les mêmes autres. Les gens auprès de qui le sujet habite sont aussi ceux avec qui il
travaille, consomme, partage ses loisirs, ses engagements politiques, religieux ou associatifs,
échange services et compassions et éventuellement se marie. »2 Les sociologues de Chicago
déclarent que « Le voisinage offre de la sécurité au point que les individus de même origine
ethnique, de même position sociale ou de même culture, cherchent à se regrouper pour
mieux se protéger contre les « étrangers » »3. Cependant, cette vision est à nuancer. La
reconnaissance communautaire basée sur l’identité de chacun n’est pas représentative de la
2 http://www.sociologie.u‐bordeaux2.fr/formations/fichesdecours/Modernite%20et%20sociabilite.pdf 3 http://www.sociologie.u‐bordeaux2.fr/formations/fichesdecours/Modernite%20et%20sociabilite.pdf
20
situation française. Ici, les ménages principalement d’origine magrébine, immigrés dans les
années 60, se sont regroupés pour recréer, à travers leurs coutumes, leur environnement
d’origine. De plus, dans certains des immeubles concernés, le voisinage direct était souvent
constitué de membres de la même famille. On peut donc imaginer la volonté des ménages
de retrouver cet environnement après le relogement. Même si l’évolution des modes de vies
a pu affaiblir les interactions entre les individus, l’attachement au voisinage, au quartier peut
être très fort car c’est un élément de repère et de stabilité pour les individus. Le voisinage
joue un rôle d’autant plus important qu’il permet aux individus de s’identifier vis‐à‐vis des
autres quartiers de la ville. En effet, le voisinage est un reflet de la situation des ménages, on
cherche donc à trouver de « bons voisins » et vivre dans un « bon quartier ».
Cette volonté de choisir ses voisins a été très bien démontrée dans une étude
réalisée par Hubert Cukrowicz4, où l’on voit à l’aide d’un jeu, les mécanismes de tri mis en
place par les ménages dans le choix de leurs voisins. Il en ressort que les ménages cherchent
à s’entourer d’individus proches de leur condition sociale. Se retrouver relogé dans un
quartier où le voisinage est perçu comme déclassé par rapport à la situation du ménage est
un constat d’échec pour celui‐ci, cela serait vécu comme une dégradation de sa condition
sociale. A contrario, être relogé dans un quartier où la situation sociale du voisinage est
supérieure rend l’insertion des ménages très difficile. Les réseaux déjà existants dans le
quartier ne permettent pas aux relogés de s’intégrer pleinement, leurs conditions sociales
étant inférieures, ils se retrouvent stigmatisés. On peut donc observer la création de
stratégies d’évitement, sensées garantir aux ménages une situation dans un environnement
favorable. Cependant, la mise en place de ces stratégies est à nuancer ici car pour réussir,
elles nécessitent un capital social et culturel très fort, ce qui ici n’est pas forcement le cas.
Seul certains ménages disposant des ressources nécessaires peuvent mettre ces stratégies
en place ces stratégies et se garantir une ascension dans la qualité de leur logement et de
leur environnement. Le voisinage, et par extension le logement, sont donc perçus comme
4 Hubert Cukrowicz, Choisir ses voisins ?, Revue française de sociologie, Année 1993,
Volume 34, Numéro 3
21
des éléments de repères pour les individus par rapport à leur propre condition, aussi bien
que par rapport au reste de la société.
Les trajectoires résidentielles
Un autre élément dont il faut tenir compte, est la trajectoire résidentielle du ménage.
La mobilité résidentielle désigne le changement de logement d’un ménage. L’étude de celle‐
ci consiste à observer l’évolution des logements qu’a occupés un ménage. Le relogement
doit en effet permettre une amélioration dans la qualité du logement, c’est donc un élément
dont il faut tenir compte pour évaluer la réussite d’une telle opération. Différentes études
ont été réalisées, qui ont amené les chercheurs à s’interroger notamment sur les
trajectoires résidentielles ou mobilité résidentielle. Christine Lelévrier5, maître de
conférences à l’Institut d’Urbanisme de Paris, a développé cette approche dans de
nombreuses études.
Elle a pu identifier quatre types de mobilités :
Des « mobilités-projets » : l’annonce de la démolition vient accélérer
ou amène à formuler des projets résidentiels qui n’auraient pas vu le
jour ou pas si vite (accession à la propriété par exemple ou retour en
province pour les retraités…). La notion de projet ne signifie pas
forcément un projet bouclé, précis mais plutôt une perspective qui se
réajuste à la situation.
Des « mobilités-opportunités » : la nécessité de reloger pour démolir
peut ouvrir des perspectives de changements de voisinage, de logement,
de commune… à des ménages qui n’auraient pas pu le faire sans cette
opportunité d’un relogement organisé et tenant compte aussi des
souhaits des ménages (décohabitation par exemple ou changement de
quartier ou agrandissement du logement alors que les demandes de
mutation n’avaient rien donné…)
5 C. Lelévrier, Les trajectoires résidentielles des ménages dans les opérations de rénovation urbaine en
Île‐de‐France, 2009
22
Des « mobilités-subies » : le déplacement ne change pas vraiment la
situation résidentielle et ne laisse pas de marge de manœuvre au
ménage.
Des « mobilités-d’exclusion » : la démolition fait partir des ménages
qui étaient en situation d’hébergement ou de grande précarité, qui ont
peur de ne pas être relogés, qui risque d’être expulsés ou qui peuvent
se retrouver en situation d’endettement.6
Ces types de mobilités doivent être mis en rapport avec la trajectoire sociale des
ménages pour mieux étudier l’impact du relogement. Il est intéressant aussi de croiser cette
approche avec la question des réseaux sociaux pour voir leur influence sur ces mobilités.
La scolarité
Le relogement crée des changements dans la vie de tous les membres du ménage.
Les enfants par exemple peuvent ne plus être scolarisés dans le même établissement.
L’école étant un fort lieu de socialisation, les réseaux qui s’y créent sont très forts, et un
enfant peut très mal vivre tout bouleversement dans celui‐ci. Il faut donc en tenir compte
dans l’étude du ressenti des ménages relogés. Dans le cas d’un changement d’établissement,
l’évolution du niveau scolaire peut être un indicateur pour juger la qualité d’un relogement.
D’après le rapport réalisé en 2009 par l’ONZUS, le taux de réussite au baccalauréat est plus
faible en ZUS qu’ailleurs. Apparait donc la question du rôle de l’environnement dans la
réussite scolaire. Aux Etats Unis, le choix d’un quartier de résidence se fait majoritairement
en fonction des résultats scolaires des écoles avoisinantes7. On retrouve ici les stratégies
6 C.Lelévrier, Mobilités et trajectoires résidentielles des ménages dans les opérations de rénovation
urbaine, 2006 7 Mousli M., Choisir ses voisins, une obsession française, L'Économie Politique 2005/1,
n°25, p. 108‐112.
23
d’évitement destinées à améliorer le statut social. Ce phénomène, de plus en plus visible
depuis la reforme de la carte scolaire, conduit les parents à vouloir placer leur enfant dans
un meilleur établissement. Demander une dérogation pour un autre établissement en
justifiant qu’il logera fictivement chez ses grands parents est un procédé des plus classiques.
Il nécessite cependant un réseau social et un capital culturel et économique conséquents
dont ne disposent pas tous les ménages. Le capital culturel est un terme sociologique défini
par Pierre Bourdieu comme un instrument de pouvoir8. La mise en place de stratégie
d’évitement est donc liée aux capacités d’actions dont disposent les ménages.
Les nouveaux logements s’inscrivant dans un environnement différent peuvent aussi
avoir un impact sur la scolarité. En effet, un environnement plus favorable ainsi qu’un
logement plus grand peut faciliter les études de l’enfant et donc améliorer ses résultats. Si le
nouveau logement est situé dans un quartier plus calme et qu’il dispose d’une pièce pour
travailler, cela peut aider l’enfant dans son travail, celui‐ci n’étant pas perturbé par
l’agitation. La situation du logement peut aussi permettre aux parents de gagner du temps
dans leurs trajets pour se rendre à leur emploi, et donc être plus présents pour accompagner
leur enfant dans son travail. A l’inverse, si le relogement crée un allongement des trajets
domicile‐travail, cela pourrait perturber les enfants en difficulté scolaire, et donc
compromettre leur réussite.
L’emploi
Il existe dans les quartiers populaires, une discrimination à l’emploi. Le taux de
chômage chez les jeunes diplômés est plus élevé qu’ailleurs en France selon l’ONZUS et cela
à cause de discrimination due soit à leur origine ou à leur adresse. Un rapport de l’ONZUS
déclare que « le fait de résider dans la ZUS a, « toutes choses égales par ailleurs » un impact
globalement défavorable en ce qu’il réduit la probabilité de trouver un emploi dans les 18
mois et augmente de 9,2% la durée du chômage. »9. Un des effets négatifs du fort taux de
chômage dans ces quartiers est le phénomène de ségrégation. Le grand nombre de
8 http://fr.wikipedia.org/wiki/Capital_culturel 9 FITOUSSI J‐p., Laurent E., Maurice J., Ségrégation Urbaine et Intégration Sociale, 2004 Paris
24
chômeurs implique un manque d’accès aux informations concernant l’emploi, renforçant
l’exclusion de ces quartiers. Une étude réalisée par John Kain intitulée « Housing
Segregation, Negro Employment, and Metropolitan Decentralization » 10 met en parallèle la
composition d’un quartier, l’emplacement de celui‐ci et les difficultés qu’ont certains des
individus y vivant à trouver un emploi ou un autre logement. L’utilisation du concept de
ségrégation spatiale, « la tendance à l’organisation de l’espace en zones à forte homogénéité
sociale interne et à fortes disparités sociales entre elles, cette disparité étant comprise non
seulement en termes de différence, mais de hiérarchie (Castells, 1972) devient donc
intéressante. Utiliser cette approche doit permettre de comprendre le fonctionnement et les
processus qui se déroulent en ville, et ainsi tenter d’anticiper les phénomènes négatifs,
comme la ghettoïsation d’un quartier. Un des objectifs des opérations de relogement est de
permettre la réinsertion de la population qui est victime de la représentation négative de
certains quartiers populaires. Une réinsertion passe aussi par l’emploi, l’étude des
trajectoires professionnelles des ménages relogés, plus particulièrement celles des jeunes
chômeurs permettrait de voir si le déménagement vers un autre quartier est un élément
positif dans le cadre d’une recherche d’emploi.
Les déplacements
Le changement de logement implique une modification des déplacements des
ménages. Les opérations de renouvellement urbain s’inscrivant dans une démarche de
développement durable, il faudrait également lors du relogement, intégrer les ménages à
ces pratiques. Le nouveau quartier doit être desservi au mieux par le réseau de transports en
commun déjà existant, pour faciliter les déplacements des individus et les intégrer au mieux
dans le tissu urbain. L’utilisation des transports en commun permet d’augmenter les
interactions avec les personnes, et donc de récréer un lien social favorisant l’intégration.
Dans le cadre d’une politique de « transports pour tous », des études menées par le CERTU11
10 http://www.jstor.org/pss/1881951 11 CERTU, Services à la mobilité dans les quartiers prioritaires de la politique de la
ville; Bilan exploratoire des méthodologies et des outils de mesure, Aout 2005
25
ont montré l’importance des transports en commun dans le désenclavement des quartiers
les plus difficiles. Cette mobilité est ainsi plus faible pour les chômeurs et forte pour les actifs
occupés. Entre 1982 et 1994, « la différence de distances parcourues (en kilomètres par
individu et par jour) ont augmenté entre hommes actifs occupés et chômeurs est inégale :
les premiers parcourent 8 km supplémentaires (soit 38 km) entre les deux dates contre + 5
km pour les seconds (soit 20 km). Cependant, les distances parcourues par les chômeurs ont
augmenté de 30 % contre 21 % pour les actifs occupés »12. Il est donc intéressant
d’interroger les ménages sur les possibles changements dans les temps de trajets. Le temps
gagné dans les trajets peut permettre aux individus d’augmenter le temps consacré aux
loisirs, de faciliter les rencontres avec leurs proches, ce qui peut améliorer leur cadre de vie.
Pour cela, il faut que le logement ne soit pas à une distance trop grande par rapport au lieu
d’emploi. A l’inverse, si les temps de trajets domicile/lieu de travail s’allongent, obligeant les
personnes à avoir des horaires décalés, cela peut dégrader la situation du ménage, rendant
plus difficiles les interactions avec le voisinage et donc l’insertion dans le nouveau quartier.
12 C. Gallez, J.‐P. Orfeuil et A. Polacchini. L’évolution de la mobilité quotidienne,
croissance ou réduction des disparités ? in MELT, Les transports et la ville, analyses et
diagnostics. Actes du séminaire des Acteurs des transports et de la ville, Paris, mars – mai
1998.
26
Analyses des entretiens
27
Grille d’entretien pour les ménages relogés Les Trajectoire résidentielle
Comment trouvez‐vous votre nouveau logement ?
‐Ambiance du quartier
‐Satisfaction
‐Explication du choix du logement
Les Réseaux sociaux
Connaissez‐vous vos voisins ?
‐Famille
‐Nouveau contact
‐Ancien contact
‐Liens avec le nouveau quartier
La Scolarité
Comment se passe la scolarité des enfants ?
‐ Etablissements fréquentés
‐Evolution des résultats
‐Nouveaux contacts
‐Travail à la maison
L’Emploi
Y a‐t‐il eu des changements dans votre vie professionnelle ?
‐ Nouvel emploi
‐ Impact sur la recherche d’emploi
Les Déplacements
Comment allez‐vous au travail ?
‐Moyens utilisés
‐Lieu de travail
‐Temps de trajet
Question de fin
Que diriez‐vous de votre nouvelle situation par rapport à votre ancien logement ?
28
Pour analyser ces entretiens, nous avions émis certaines hypothèses en se basant sur
les thèmes d’études sélectionnés. Voici les cinq hypothèses que nous voulions vérifier à
travers les entretiens :
La trajectoire résidentielle : le relogement a t’il permis aux ménages
d’accéder à un meilleur logement? Les logements des 420 datant de
1962, le relogement devait permettre aux ménages de trouver un
logement plus adapté à leurs besoins.
Les réseaux sociaux : Le déménagement a t’il modifié les liens qui
unissaient le ménage et son entourage ? Le quartier des 420 était
connu pour donner l’image d’un quartier avec de forts liens de
voisinages, les locataires pouvaient ressentir le relogement comme un
déracinement bouleversant leurs repères.
La scolarité : Le relogement a t’il eu un impact sur la scolarité des
enfants? Un déménagement peut entraîner un changement
d’établissement scolaire, et donc modifier l’entourage des enfants, ce
qui peut avoir un effet positif, comme négatif.
L’emploi : Le relogement a t’il permis aux locataires sans emploi de
trouver un travail plus facilement ? L’image d’un quartier pouvant être
négative et compliquer la recherche d’un emploi, le relogement devrait
donc faciliter cette recherche en dé-stigmatisant les ménages.
Les déplacements : Le déménagement a t’il changé les habitudes de
déplacements du ménage ? Le relogement peut avoir un impact sur les
déplacements des ménages, soit en les rapprochant de leur lieu de
travail ou d’études, soit au contraire en les éloignant, les obligeant à
adapter leur moyens de déplacement.
29
Les analyses que nous allons présenter ont été effectuées uniquement sur seize
entretiens retranscris et non pas la totalité. Ces conclusions ne sont donc qu’une première
lecture des informations, il faudra attendre la fin de mon stage pour obtenir une lecture
complète et définitive des données récoltées lors des entretiens.
Nous avons réalisé vingt deux entretiens et actuellement, seize sont retranscris. Pour
analyser les informations récoltées lors des entretiens, nous avons élaboré une méthode de
dépouillement spécifique. Tout d’abord, après avoir relu tout les entretiens retranscris, nous
avons marqué toutes les idées importantes, puis nous avons créé des groupes principaux
d’idées et de sous idées. Par exemple, l’idée l’appartement est trop petit fait partie du
groupe je ne suis pas satisfait de mon appartement. Nous avons relu les entretiens en
recodant tout le texte avec ces groupes et sous groupes. Pour finir, nous avons réalisé un
tableau qui permet de voir la fréquence d’apparition des idées. Ce tableau permet de
visualiser clairement les idées qui reviennent le plus fréquemment dans les entretiens. Parmi
les seize groupes d’idées, six reviennent plus souvent. Voila un tableau qui regroupe ces
idées :
Idées principales
Je ne suis pas satisfait de mon logement
Je suis satisfait du quartier
Je veux déménager, j’ai déposé un dossier
Le déménagement n’a pas provoqué de changement
Les relations avec l’ancien quartier
Les relations avec le nouveau quartier
Ces six thèmes vont nous permettre d’évaluer la satisfaction ou non des ménages
relogés, ainsi que les critères qui entrent en compte pour les individus.
30
Une insatisfaction liée au logement
Lors d’une première lecture de ce tableau il apparait que l’insatisfaction des relogés
est très présente, principalement causée par des problèmes techniques tels que le manque
d’isolation ou la solidité des constructions. Le problème du manque d’isolation par exemple,
est citée dans dix entretiens, ce qui nous laisse entrevoir la manière dont s’est déroulé le
relogement. Le manque de temps dont disposait le bailleur social pour reloger toute la
population concernée a obligé celui‐ci a choisir la rapidité au détriment de la qualité. Cette
pression c’est aussi fait ressentir pour les ménages, en effet, cinq personnes disent avoir
choisi leur logement parce qu’ils en avaient refusé d’autre et trois parce qu’il fallait partir
vite.
L’accompagnement des ménages avant leur relogement est un des éléments majeurs
qui détermine la tournure que prendra le relogement. Les logements situés trop haut pour
les ménages agés, dont trois personnes nous parlent, est une autre preuve du manque
d’accompagenment et de prise en compte des besoins en amont. Si cet accompagnement
n’est pas suffisant, les ménages relogés peuvent avoir du mal à s’adapter à leur nouveau
logement.
‐Est‐ce que Mulhouse Habitat vous a proposé différents logements ?
Non c’est le seul qui m’a été proposé, et comme c’était très urgent et qu’il fallait se
décider, j’ai accepté sans réfléchir. J’ai accepté sans réfléchir, vraiment sans réfléchir. C’était
très rapide, fallait vite faire ses cartons, fallait vite déménager, fallait vite faire ça. Et voila
quoi.
‐Et vous auriez voulu plus de temps ?
Plus de temps oui. Et je comprenais pas pourquoi je devais payer une caution en
entrant ici, et voila. Parce que c’était un relogement il y a pas de cautions à payer
normalement. On était un petit peu étonné quand même ! Et voila, il fallait de nouveau
ouvrir le gaz, l’électricité, et à nos frais, je trouvais pas ça normal, nous on n’a pas demandé à
déménager ! La ligne téléphonique c’était pareil, fallait tout payer bref.
31
Comme dans ce cas l’accompagnement semble avoir été pressé, cela pourrait
expliquer pourquoi de nombreux ménages souhaitent déménager. Nous n’avons pu
actuellement rencontrer les responsables du relogement des 420, mais nous souhaiterions
nous entretenir avec eux pour discuter de leur méthode de relogement.
L’autre idée qui apparait fréquemment est la réduction de la taille du logement par
rapport à l’ancien et la hausse des loyers. En effet, les logements des 420 étaient connus
pour être très spacieux pour l’époque à des prix très modérés, mais la situation du marché
immobilier actuel fait qu’il est « normal » que les prix et les surfaces soient adaptés à la
demande actuelle. Il n’était pas possible pour Mulhouse Habitat de procurer des logements
ayant les mêmes caractéristiques que ceux des 420. Il apparait cependant une augmentation
des charges, notament pour le chauffage, dû à un manque d’isolation des logements créant
ainsi des déperditions de chaleur. Ce phénomène crée des situations ambigues. En effet,
Mulhouse Habitat devait garantir un taux d’effort des loyers pour les ménages inférieur à
33%, cependant en tenant compte des charges augmentées, la part à payer pour les
ménages peut être suppérieur.
‐Et ça à eu un impact sur le loyer ? Vous payez plus cher qu’avant ?
Non le loyer, le loyer je paye moins cher qu’avant, mais la charge, je paye parce que
j’ai l’eau chaude et le compteur séparé, et avant c’était compris avec la charge. Le loyer je
paye moins cher, mais les charge je paye plus qu’avant.
‐Et au total ça donne quoi ?
Bah si on compte l’électricité et le gaz qu’on paye tout les deux mois, alors c’est un
peu plus cher.
32
Mais des ménages globalement satisfait de leur nouveau quartier
Les ménages sont satisfaits de l’ambiance de leur nouveau quartier. Six personnes le
trouvent plus calme, plus propre que les 420, cinq disent qu’il est mieux que Bourtzwiller.
‐Mais vous trouvez que l’ambiance du quartier est mieux qu’à Bourtzwiller ?
(M) Ah le quartier impeccable, mieux que Bourtzwiller. Déjà mes collègues avec qui
ont étaient ensemble, ils me disent vous êtes bien placé là bas à Brustlein. Je me plains pas, je
remercie Allah qui m’a donné cet appartement, mais seulement le rez‐de‐chaussée ça me
convient pas.
(F) L’ambiance à Bourtzwiller elle était bien aussi, elle était bien. Presque quarante là
bas quand même. L’ambiance elle est bien là bas. Là aussi, elle est propre, elle est calme,
même les gens ils sont gentils. Depuis que je suis là, cinq ans, trois ans ?
Les problèmes d’insalubrités ou de nuisances sonores qui pouvaient exister au 420
sont des choses que les ménages souhaitaient voir changer grâce à leur déménagement. La
volonté d’améliorer les conditions de vie des relogés est donc réalisée de ce point de vue.
Par rapport aux relations de voisinage, comme dit plus haut, nous pensions trouver des
réseaux sociaux très forts et développés dans la cité des 420. A la lecture des entretiens et
du tableau, les relations avec l’ancien voisinage sont de deux genres : soit les relations sont
très conviviales, soit elles sont quasi inexistantes.
‐Et par rapport à Bourtzwiller, vous auriez voulu retrouver un quartier plus
chaleureux comme au début?
Mais moi je ne…Moi je ne fréquentais pas…Enfin je veux dire, on se fréquentait pas,
vous voyez, tout le temps, les un sur les autres… Moi j’aime pas ça. J’aime bien qu’on vienne
chez moi ou je vais chez des personnes. Mais j’aime pas tout le temps quelqu’un viendrait
sonner toutes les cinq minutes chez moi, c’est pas mon truc. Mais sinon y a aucun problème.
Quatres personnes seulement nous ont dit que le quartier de Bourtzwiller était
convivial, comme une grande famille. L’image d’un quartier très renfermé sur lui‐même où
les habitants ne vivraient qu’entre eux est donc à nuancer. Six personnes nous on dit ne pas
33
connaitre très bien leurs anciens voisins, et cinq voient encore leurs voisins des 420. Les
ménages ne cherchaient donc pas forcément un nouveau quartier avec des réseaux sociaux
très développés, un simple bonjour/au revoir suffit pour six personnes, et neuf ne souhaitent
pas créer de liens avec leur nouveau quartier. Les six personnes qui disent avoir des liens
avec leur voisinage, en sont satisfaits.
Un relogement qui n‘a pas provoqué de changement majeur sur la vie professionnelle
Un autre élément important qui apparait à la lecture de ce tableau, est l’absence de
changement provoqué par le relogement. Pour neuf personnes, le relogement n’a pas
provoqué de grands changements dans la vie en général et quatre ménages estiment que
leur vie professionnelle n’a pas changé, ou dans le meilleur des cas, cela les a rapproché
quelque peu de leur lieu de travail leur faisant gagner quelques minutes.
‐Qu’est ce que vous pourriez me dire à propose de votre nouvelle situation dans ce
logement ?
Qu’est ce qui à changé ? Ce qui à changé, c’est que je suis plus près du centre ville, je
suis à peu près au milieu de tout. Mais à part ça, ma vie personnellement elle à pas changer,
ça m’a rien apporté. Voila.
34
Et sur la scolarité
En ce qui concerne la scolarité des enfants, elle n’a changé que dans un cas, mais il a
eu un impact négatif, les enfants n’ayant pas réussi a s’adapter au nouvel établissement ont
redoublé et ne se sont pas fait de nouveaux amis. Les objectifs de l’ANRU étant de
promouvoir une mixité sociale et d’avoir un impact positif sur la vie des ménages concernés,
dans ce cas là, il faudrait nuancer cela.
Leur scolarité…J’étais très déçu par le collège Villon, parce que bon, le collège de
Bourtzwiller, on a beau dire que c’est un mauvais collège, question structure et tout, et tout
ce que l’enfant a besoin, et si le parent est derrière, il n’y aura pas de soucis, tout ce passera
bien, c’est un collège très bien équipé. Mais quand mes enfants ils sont arrivés là, il y avait
une de ces violence, mes enfants ils ont rien compris ! Ma fille à un moment, elle avait peur,
elle m’a fait « Maman j’ai pas envi d’y aller, les garçons ils tapent les filles. Alors qu’a
Bourtzwiller il n’y avait pas ça. Elle me fait « Il y en a un il a carrément pris les ciseaux il a
coupé les cheveux à une fille qui passait comme ça. Ecoute moi j’arrive pas. »Au début elle a
eu du mal, elle a vraiment eu du mal. Et mon fils c’est pareil. D’ailleurs il a peut être fait trois
ans ici, mais il a jamais fait des amis. C’était l’école/ la maison, ça c’est arrêté là. Et d’ailleurs
encore maintenant, il a pas, il est au lycée mais je veux dire, au collège c’était ça, l’école/la
maison.
Paradoxalement, les personnes relogés veulent redéménager
Ces critères d’insatisfactions récurants amènent une autre idée : la volonté de
déménager. En effet, l’envi de quitter ce logement pour un autre, en particulier plus
grand(cinq personnes) et dans un meilleur environnement(trois personnes) apparait
régulièrement. Que ce soit dû à des problèmes techniques (froid dans l’appartement à cause
d’une mauvaise isolation) ou à des problèmes de taille de logement (famille qui s’agrandit)
les ménages interrogés souhaitent redéménager. Cependant, malgré l’insatisfaction des
ménages, leur idée de déménagement se fait avec Mulhouse Habitat, ils souhaitent rester
chez ce bailleur. L’idée de quitter ce bailleur pour un autre ou même de passer dans le privé
est très rare. Cette idée effraie les relogés, les démarches à effectuer ne sont pas simples
35
pour certains qui ne maitrise pas totalment le français. Ce qui nous laisse penser que ces
ménages sont quelque peu captifs de leur situation. En effet, ils ne disposent que de peu de
ressources, et donc la possibilité de déménager dans le parc du bailleur reste faible , voir
impossible dans le privé.
‐Et vous avez déjà fait une demande ?
Non, pas vraiment. Bon je regarde de temps en temps, mais si vous voyez les prix dans
le journal. Et moi un peu le privé, parce moi ça fait quarante et un ans que je suis chez
Mulhouse Habitat, et un peu dans le privé ça me fais un peu…On sait pas…Parce si après le
propriétaire veut le vendre, on sait pas…
Bien que certaines personnes relogées le soient déjà depuis cinq ans, cette volonté
de redéménager semble être un critère important pour évaluer la résussite d’un relogment.
Les objectifs du relogement ne semblent pas être atteints vue la forte proportion de
ménages souhaitant quitter ces logement. On pourrait penser que ces ménages souhaitent
retourner aux 420 pour retrouver des habitudes, mais seules deux personnes interrogées
souhaitent retourner dans les nouveaux logements actuellement en construction. Cette
volonté de déménager n’est donc pas dû à une certaine nostalgie, mais à une insatisfaction
vis‐à‐vis du logement actuel.
36
Conclusion À la lecture des premiers entretiens, il semble que nos première hypothèses doivent
être tempérées. Nous pensions rencontrer des ménages fortement attachés à leur quartier,
où des réseaux sociaux entre voisins seraient très fort, mais il apparait que ce n’est pas le
cas. La plus part des ménages n’entretiennent pas de relations avec leurs nouveaux voisins,
ne sont pas particulièrement attaché à leur ancien quartier et ne souhaitent pas y retourner.
Pour tenter de comprendre pourquoi, nous avon émis de nouvelles hypothèses pour
expliquer cela et affiner notre analyse.
La question de l’échelle : les enquêtes dont nous nous sommes inspirés ont été
réalisés dans de grandes agglomérations, comme Lyon ou la région parisienne. Reloger un
ménage à l’autre bout de la ville peut donc bouleverser ses habitudes, ses relations avec son
entourage. Dans notre cas, sur Mulhouse il est toujours possible de garder contact car la ville
est peu étendue et toujours accessible à l’aide de la voiture ou des transports en commun.
Pour l’instant, les entretiens nous ont montré que les mobilités n’avaient pas changé avec le
relogement, les locataires se déplacent toujours de la même manière. Même en relogeant
un ménage à l’autre bout de la ville, il lui sera toujours possible de garder contact avec son
entourage qui pourrait être relogé à l’opposé.
Une mythologie du quartier : nous pensions rencontrer durant les entretiens des
ménages très attachés à leur quartier d’origine, ayant tissé des liens très forts avec les
différents membres de leur voisinage. Cependant il apparaît pour l’instant, qu’un seul des
ménages interrogés soit réellement attaché à son voisinage.
« ‐Donc pour vous, c’était vraiment important de rester ici ?
Mais oui. Franchement je sais pas, vous allez dans n’importe quelle famille qui est
encore là. De toute façon, toutes les familles qui sont encore dans ces blocs, c’est qu’ils
veulent rester, c’est qu’ils sont attachés au quartier. Ils vont tous vous dire la même chose. Y
en a pas un qui dira le contraire. Nous on veut rester là. » (Il est d’ailleurs en situation de
relogement tiroir actuellement, à sa demande).
37
L’entretien réalisé avec lui est le seul qui réponde à notre hypothèse de la nécessité
de tenir compte de l’environnement et du voisinage au moins autant que du logement. Cet
entretien nous servira « d’entretien témoin », montrant ce que l’on s’attendait à trouver lors
des entretiens. Cependant il n’en a pas été de tel, les autres ménages n’ont pas manifesté un
réel attachement à leur ancien voisinage, se limitant la plupart du temps à un simple
bonjour/au revoir. Il se pourrait donc que notre vision du quartier des 420 soit biaisée, que
l’idée d’un quartier avec des réseaux sociaux très développés soit apparue après le
relogement. Le travail de mémoire a peut‐être permis pour un grand nombre de familles de
faire le deuil du quartier et donc de passer à une nouvelle vie. Mais il est aussi possible qu’en
suscitant des émotions, en remémorant des souvenirs, il ait pu faire naître chez certains
ménages une nostalgie du quartier qu’ils n’avaient pas initialement, rendant le relogement
plus difficile pour eux ainsi que pour les bailleurs.
L’âge d’or du quartier : d’après certains entretiens, il y aurait eu dans la vie de la Cité
une évolution des relations sociales. Pendant une longue période, les habitants des 420
entretenaient des rapports de voisinages très forts, solidaires, où chacun se respectait
mutuellement. Il y avait un sentiment de communauté. Mais depuis quelques années, cela a
changé et les liens qui unissaient les habitants ne sont plus aussi développés que par le
passé. Les nouvelles générations arrivées il y a peu de temps dans le quartier ne se sont pas
insérées aussi fortement dans ces rapports de voisinage. L’évolution sociétale tend à
développer des comportements individualistes limitant les interactions entre voisins aux
simples règles de politesse dans le meilleur des cas.
« ‐Vous m’avez dit qu’avec vos voisins ça se passait bien. Vous les connaissez ?
Oui, j’en connais un ou deux, mais sinon… Si au premier étage on se dit tous bonjour
.‐Pas plus que ça ? Un ou deux oui, mais c’est dans ma nature.
‐Est‐ce qu’il y des anciens de Bourtzwiller qui ont déménagé ici ? Oui, ils sont de
l’autre côté. Et vous avez gardé des liens avec ? Non non, c’est « bonjour, bonjour », c’est le
respect c’est tout. C’est ma nature. »
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L’image que nous nous faisions du quartier, où tout le monde se connaît et est
solidaire serait donc une image du passé, une période qui ne serait plus d’actualité, ce qui
pourrait expliquer pourquoi un grand nombre des ménages déjà interrogés ne soient pas
autant attachés à la Cité des 420 que nous le pensions. Cette nouvelle situation donnerait à
la Cité des 420 une « dimension normale», presque banale, dans laquelle les rapports entre
voisins ne seraient pas spécialement plus développés que dans un autre quartier de la ville.
39