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11 2011/1 FISCALITÉ Le régime fiscal des sociétés en liquidation : principes essentiels et considérations particulières Pierre-François Coppens Conseil fiscal BDO Juriste Maître de conférences à l’Ulg, à l’Ucl et aux FUCaM A. Les principes fiscaux essentiels applicables aux sociétés en liquidation L’article 183, § 1 er , du Code des sociétés énonce que « les sociétés commerciales sont, après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation ». Les causes de dissolution qui sont prévues par le droit des sociétés sont la dissolution vo- lontaire (qui résulte d’une décision prise par l’assemblée gé- nérale extraordinaire des actionnaires ou des associés), la dissolution de plein droit (intervenant par l’expiration du terme statutaire si la durée de la société n’est pas illimitée) ou la dissolution judiciaire (qui est prononcée lorsque l’actif net de la société devient inférieur au montant minimum du capital, en cas de non-dépôt persistant des comptes an- nuels, ou encore pour justes motifs). Une société dissoute ne disparaît pas pour autant. Elle poursuit son existence après sa dissolution, mais avec pour unique finalité de se liquider, c’est-à-dire d’effectuer toutes les opérations qui tendent à la réalisation des actifs en vue de rembourser les créanciers et, si possible, de restituer un excédent éventuel aux action- naires ou associés. Le régime fiscal des liquidations est essentiellement réglé par deux dispositions : l’article 208 du CIR et l’article 209 du CIR. L’article 208 du CIR traite du régime fiscal des sociétés en liquidation et énonce que celles-ci restent soumises à l’impôt des sociétés selon les dispositions des articles 183 à 207 du CIR, qui déterminent la base imposable de toute so- ciété. Quant à l’article 209 du CIR, il règle le régime fiscal des répartitions des sommes aux actionnaires ou associés. Il dé- finit tout d’abord ce qu’il faut entendre par « boni de liqui- dation » et comment celui-ci doit être traité fiscalement. Le boni de liquidation est l’excédent des sommes réparties sur le capital libéré revalorisé. Cet « excédent » est assimilé à un dividende. Depuis la loi du 24 décembre 2002, le boni de liquidation est soumis à un précompte mobilier de 10 %. En revanche, la partie des répartitions qui n’excède pas le capi- tal libéré (revalorisé) n’est pas imposable, ce qui est logique puisqu’il ne s’agit que du remboursement de la mise de dé- part des actionnaires. L’article 209 du CIR détermine ensuite l’ordre d’imputa- tion des répartitions : les sommes réparties sont censées pro- venir d’abord du capital libéré, puis des réserves taxées et enfin, des réserves immunisées. Cela signifie qu’il n’y a de boni de liquidation, et donc d’assimilation à un dividende (et retenue d’un précompte mobilier), qu’à partir du mo- ment où la répartition dépasse le capital libéré et porte sur les réserves de la société (taxées et immunisées). Il n’y aura toutefois d’imposition dans le chef de la société en liquida-

Le régime fiscal des sociétés en liquidation: principes ... · ment où la répartition dépasse le capital libéré et porte sur les réserves de la société ... l’impôt des

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Le régime fiscal des sociétés en liquidation : principes essentiels et considérations particulières Pierre-François CoppensConseil fiscal BDOJuristeMaître de conférences à l’Ulg, à l’Ucl et aux FUCaM

A. Les principes fiscaux essentiels applicables aux sociétés en liquidation

L’article 183, § 1er, du Code des sociétés énonce que « les sociétés commerciales sont, après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation ». Les causes de dissolution qui sont prévues par le droit des sociétés sont la dissolution vo-lontaire (qui résulte d’une décision prise par l’assemblée gé-nérale extraordinaire des actionnaires ou des associés), la dissolution de plein droit (intervenant par l’expiration du terme statutaire si la durée de la société n’est pas illimitée) ou la dissolution judiciaire (qui est prononcée lorsque l’actif net de la société devient inférieur au montant minimum du capital, en cas de non-dépôt persistant des comptes an-nuels, ou encore pour justes motifs). Une société dissoute ne disparaît pas pour autant. Elle poursuit son existence après sa dissolution, mais avec pour unique finalité de se liquider, c’est-à-dire d’effectuer toutes les opérations qui tendent à la réalisation des actifs en vue de rembourser les créanciers et, si possible, de restituer un excédent éventuel aux action-naires ou associés.

Le régime fiscal des liquidations est essentiellement réglé par deux dispositions : l’article 208 du CIR et l’article 209 du CIR. L’article 208 du CIR traite du régime fiscal des sociétés en liquidation et énonce que celles-ci restent soumises à

l’impôt des sociétés selon les dispositions des articles 183 à 207 du CIR, qui déterminent la base imposable de toute so-ciété.

Quant à l’article 209 du CIR, il règle le régime fiscal des répartitions des sommes aux actionnaires ou associés. Il dé-finit tout d’abord ce qu’il faut entendre par « boni de liqui-dation » et comment celui-ci doit être traité fiscalement. Le boni de liquidation est l’excédent des sommes réparties sur le capital libéré revalorisé. Cet « excédent » est assimilé à un dividende. Depuis la loi du 24 décembre 2002, le boni de liquidation est soumis à un précompte mobilier de 10 %. En revanche, la partie des répartitions qui n’excède pas le capi-tal libéré (revalorisé) n’est pas imposable, ce qui est logique puisqu’il ne s’agit que du remboursement de la mise de dé-part des actionnaires.

L’article 209 du CIR détermine ensuite l’ordre d’imputa-tion des répartitions : les sommes réparties sont censées pro-venir d’abord du capital libéré, puis des réserves taxées et enfin, des réserves immunisées. Cela signifie qu’il n’y a de boni de liquidation, et donc d’assimilation à un dividende (et retenue d’un précompte mobilier), qu’à partir du mo-ment où la répartition dépasse le capital libéré et porte sur les réserves de la société (taxées et immunisées). Il n’y aura toutefois d’imposition dans le chef de la société en liquida-

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tion que lorsque la répartition porte sur les réserves immuni-sées. Car, dans le cas d’un prélèvement sur les réserves taxées, la reprise en dividendes est compensée par la disparition de ces réserves taxées et l’opération est neutre fiscalement.

Pendant de très nombreuses années, l’Administration fis-cale imposait aux sociétés d’établir deux déclarations fis-cales pendant l’année de leur dissolution : une pour la pé-riode qui va du premier jour de la période comptable jusqu’au jour de la dissolution, l’autre pour la période qui va du jour de la dissolution à la date de clôture de l’année comptable ou de la liquidation. Cette exigence, que l’on re-trouve dans le commentaire de l’article 305 du CIR, pouvait se justifier à l’époque où les sociétés en liquidation étaient soumises à un régime de taxation différent de celui appli-cable aux sociétés en activité (c’est-à-dire avant 1989 !). Cette règle n’a plus aucun sens aujourd’hui. Les sociétés en liquidation sont et restent en effet soumises aux mêmes règles de l’impôt des sociétés que les sociétés en activité. On ne trouve, en tout cas, aucune trace de cette obligation dans l’article 305 du CIR. Le texte se limite à dire que la déclara-tion à remettre chaque année incombe au liquidateur pour les sociétés dissoutes.

Or, imposer deux déclarations fiscales peut avoir des conséquences non négligeables pour une société en liquida-tion. Outre les coûts liés aux obligations comptables supplé-mentaires, la société risque, par exemple, de se voir exclue du bénéfice du taux réduit si elle n’octroie pas une rémuné-ration suffisante à l’un de ses dirigeants. Et cette exigence peut être difficile à remplir lorsque la période correspondant à l’une ou l’autre des déclarations fiscales se réduit à quelques mois, voire quelques jours. Cette double déclara-tion fiscale entraîne aussi des effets pervers en matière de versements anticipés.

Les tribunaux de Liège1 et d’Anvers2 ont fort heureuse-ment réagi face à cette situation et ont condamné cette pra-tique. Le tribunal de première instance de Liège se prononce en ces termes : « Les sociétés mises en liquidation à partir du

1 Trib. Liège, 22 octobre 2002, R.G.C.F., 2003/4, pp. 51-55.2 Trib. Anvers, 11 décembre 2002, Fiscologue, no 833, 21 mars 2003,

p. 6.

1er janvier 1990 demeurent, contrairement à l’article 217 du CIR 64, soumises aux règles ordinaires de l’impôt des socié-tés de sorte que les conditions d’assujettissement ne cessent d’être réunies qu’après la clôture de la liquidation. Pour la période au cours de laquelle la société est mise en liquida-tion, il n’y a pas lieu de s’écarter des règles générales appli-cables en ce qui concerne la période imposable en matière d’impôt des sociétés et, par voie de conséquence, la société mise en liquidation ne doit pas souscrire une déclaration à l’impôt des sociétés exercice d’imposition spécial ». Après s’être ralliée à ces jugements, l’Administration a émis une circulaire3 mettant à jour son commentaire. Cette circulaire impose à tous ses services de taxation de mettre fin à cette exigence de double déclaration fiscale l’année de la liquida-tion. La circulaire précise également que cette mesure est d’application immédiate, à tous les stades de la procédure, y compris aux litiges pendants et à venir.

Par exemple, une société qui clôture traditionnellement ses comptes au 31 décembre est dissoute le 15 mars 2008 et la clôture de liquidation a lieu le 27 novembre 2010. La so-ciété a dû introduire trois déclarations : deux déclarations ordinaires pour les années 2008 et 2009 et une dernière dé-claration dite « spéciale » relative à la période allant du 1er janvier 2010 jusqu’au 27 novembre 2010 (date de la clô-ture de liquidation).

3 Circulaire no  Ci. R.H.  81/557.698  – AFER 32/2003 du 10  dé-

cembre 2003.

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Les sociétés en liquidation sont et restent soumises aux mêmes règles de l’impôt des sociétés que les sociétés en activité

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La société en liquidation a le droit de poursuivre normale-ment ses amortissements selon les mêmes principes que ceux qui s’appliquent aux sociétés commerciales. Comme nous l’avons vu plus haut, l’article 28 de l’AR/C. soc. précise toutefois que les règles d’évaluation doivent être adaptées par les sociétés en liquidation. Celles-ci doivent en effet complètement amortir les frais d’établissement et compta-biliser, le cas échéant, des amortissements additionnels sur les immobilisations, pour ramener la valeur comptable à la valeur probable de réalisation. De tels amortissements sont-ils admis fiscalement ? En principe, le droit fiscal suit le droit comptable, sauf dérogation expresse, et il faudrait en ad-mettre la déduction. Le ministre des Finances a cependant considéré, en réponse à une question parlementaire4, que ces amortissements complémentaires ne sont pas des frais professionnels déductibles, sauf s’ils sont comptabilisés du-rant le dernier exercice comptable, c’est-à-dire celui de la clôture de liquidation. Cette position nous semble excessive et par trop dérogatoire au prescrit comptable.

Dès la liquidation, les réserves antérieurement immuni-sées (notamment les plus-values de réévaluation) devien-nent imposables lorsqu’elles font l’objet d’une distribution aux actionnaires, c’est-à-dire lorsque la condition d’intangi-bilité ne peut plus être respectée.

Après de nombreuses tergiversations, le ministre des Fi-nances a admis que les plus-values réalisées avant la dissolu-tion de la société et susceptibles de donner lieu au régime de la taxation étalée continueront à bénéficier de ce régime après dissolution, à condition toutefois que les opérations de liquidation se déroulent sur plusieurs années avant la cessation de l’activité professionnelle.5 En revanche, les plus-values réalisées après la dissolution ne peuvent plus profiter du régime de taxation étalée.

L’article 208, alinéa 2, du CIR inclut parmi les bénéfices imposables d’une société en liquidation toutes les plus-values que la société aurait réalisées ou constatées à l’occasion du partage de l’avoir social. Cette disposition vise les répartitions faites en nature aux actionnaires. Ces

4 Question no 826 de M. EERDEKENS du 6 novembre 2001.5 Question no 825 de M. EERDEKENS du 6 novembre 2001.

plus-values subissent donc l’impôt des sociétés, qui dimi-nuera d’autant le montant à répartir.

Si le partage comprend, par exemple, un immeuble, la plus-value se déterminera sur la base de la valeur vénale de celui-ci. La question s’est posée de savoir si les plus-values réalisées par la société en liquidation sur des actions de so-ciétés tierces que détiendrait cette société en liquidation bé-néficient toujours de l’exonération prévue par l’article 192 du CIR. Le ministre des Finances a répondu à cette question par l’affirmative.6

À l’instar des sociétés en cours d’activité, les sociétés en liquidation peuvent bénéficier du taux réduit si leurs reve-nus imposables n’excèdent pas 322  500  EUR. Il convient toutefois de rappeler que ce taux réduit est exclu lorsque le dividende distribué excède 13 % du capital libéré de la so-ciété. Or, au cours de la liquidation, les répartitions sont par priorité imputées sur le capital. Il s’ensuit que la société per-dra rapidement le bénéfice du taux réduit.

6 Bull. contr., no 755, pp. 3141-3142. On lira l’excellente analyse de

S. VAN CROMBRuGGE, « Plus-values sur actions et sociétés en liquida-

tion », Fiscologue, no 538, pp. 5-6.

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L’article 208, alinéa 2, du C.I.R. inclut parmi les bénéfices imposables d’une société en liquidation toutes les plus-values que la société aurait réalisées ou constatées à l’occasion du partage de l’avoir social

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La dissolution de la société n’entraîne pas l’imposition de la réserve d’investissement. La dissolution a toutefois pour effet que la réserve d’investissement constituée antérieure-ment et pour laquelle la société n’a pas encore satisfait à l’obligation d’investissement sera imposable, bien que le dé-lai de trois ans ne se soit pas écoulé. On raisonne ici par année civile et non par période imposable.

Exemple : une société clôture ses comptes au 31 décembre et constitue en 2009 une réserve d’investissement. La mise en liquidation intervient en décembre 2010. Si la société ne peut justifier d’aucun investissement, la réserve d’investisse-ment sera imposable (en plus des intérêts de retard) pour l’exercice comptable clôturé au 31 décembre 2010.

On ajoutera que la réserve d’investissement devient impo-sable dès que la condition d’intangibilité n’est plus respec-tée et que cette taxation ne pourra être compensée par l’un ou l’autre élément déductible.

B. Le régime fiscal des répartitions dans le chef de la société en cours de liquidation

L’article 209 du CIR énonce que l’excédent que présentent les sommes réparties, en espèces, en titres ou autrement, sur la valeur réévaluée du capital libéré est considéré comme un dividende distribué. Les sommes réparties sont donc divi-sées en :• une partie des sommes attribuées qui ne dépasse pas le

montant du capital libéré (éventuellement réévalué si le capital a été libéré avant 1950) : cette partie est non taxable ;

• une autre partie des sommes attribuées qui dépasse le montant du capital libéré : cette partie est ce qu’on ap-pelle le boni de liquidation.

Le boni de liquidation est considéré comme un dividende distribué. Les bonis attribués à partir du 1er  janvier  2002 font l’objet d’une retenue d’un précompte mobilier égal à 10 %.7

7 La loi du 24 décembre 2002, qui prévoit la taxation d’un précompte

mobilier de 10 %, a entraîné la modification de trois articles du CIR :

l’article 18 du CIR (qui ajoute à la liste des dividendes les bonis), l’ar-

ticle  21 du CIR (sur les revenus mobiliers non imposables, au rang

L’article 209 du CIR prévoit aussi l’ordre d’imputation des répartitions. Celles-ci sont censées d’abord provenir :• du capital libéré (réévalué) ;• puis, des réserves taxées ;• et enfin, des réserves immunisées.

Cet ordre d’imputation permet de savoir à partir de quand il y a boni de liquidation et, par conséquent, à quel moment celui-ci doit être soumis à un précompte mobilier.

Il arrive souvent que la répartition se produise par frac-tions successives et sur plusieurs exercices. En ce cas, le texte de loi précise qu’il faudra tenir compte des imputations déjà réalisées précédemment pour déterminer si un impôt est dû.

Le boni de liquidation n’entraîne pas d’imposition dans le chef de la société dans la mesure où il correspond à la répar-tition des réserves taxées. En effet, la taxation du boni de liquidation est compensée par la diminution des réserves taxées correspondantes. En revanche, le boni de liquidation devient imposable lorsqu’il entraîne la répartition de ré-serves immunisées ou bien de revenus perçus durant la pé-riode de liquidation (le bénéfice de l’exercice de la société ou les plus-values réalisées à l’occasion du partage).

Il s’ensuit que le liquidateur doit tenir compte de la dette d’impôt estimée dont est redevable la société sur le bénéfice de l’exercice de liquidation ainsi que sur les réserves immu-nisées, avant de répartir les sommes entre les actionnaires ou associés.

Un exemple illustre ces principes :

Le bilan de la société A, mise en liquidation, est le suivant :

A P

ImmeublesStockMachines

8 0002 0007 000

CapitalRéserve légaleRéserves disponiblesRéserves immuniséesDettes

4 0001 0005 0003 0004 000

TOTAL 17 000 TOTAL 17 000

desquels ne figurent plus les bonis de liquidation (sauf l’exception des

sociétés d’investissement)) et l’article 269 du CIR (qui crée un nouveau

taux de précompte mobilier de 10 %).

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Au cours du premier exercice comptable de sa période de liquidation, la société réalise une partie des actifs pour un montant de 10 000 et dégage à cette occasion une plus-va-lue de 3 000, qui, après déduction de l’I.Soc (33,99 % (ar-rondi à 34 % pour simplifier) sur 3 000, soit 1 020), est affec-tée au bénéfice reporté. Grâce aux sommes obtenues à la suite de cette réalisation, la société décide de procéder à une première répartition de 9 000. Cette répartition doit être im-putée selon la fiction légale par priorité sur le capital libéré, puis sur les réserves disponibles.

SolutionLes conséquences fiscales de cette première répartition

sont les suivantes :1. une réduction de capital libéré de 4 000 (qui disparaît) ;2. une distribution d’un boni de liquidation égale à la diffé-

rence entre 9 000 (sommes distribuées) et 4 000 (capital libéré), soit 5 000. Ce boni de liquidation doit être repris en dividende dans la déclaration fiscale (et fait l’objet d’une retenue de précompte mobilier de 10 %) ;

3. une diminution des réserves taxées (disponibles) de 5 000 ;

4. une DNA impôt de 34 % sur 3 000, soit 1 020, correspon-dant à la dette fiscale estimée sur les plus-values réalisées au cours de l’exercice.

La déclaration fiscale sera donc celle-ci :

IV. Cadre I, ASituation au

01/01Situation au 31/12

Réserve légale

Réserve disponibleRésultat reporté

1 000

5 000

0

1 000

0

1 980 (3 000 – 1 020)

TOTAL 6 000 2 980

Diminution des réserves taxées

3 020

Cadre II (DNA) : 1 020 (dette fiscale estimée)Cadre III (Dividendes) : 5 000 (boni de liquidation)

Le résultat fiscal est donc de 3 000 (– 3 020 + 1 020 + 5 000). Ce résultat imposable équivaut très logiquement au résultat de l’exercice (plus-values réalisées au cours de l’exercice).

On constate que la distribution d’un boni de liquidation n’en-traîne aucune imposi-tion dans le chef de la société tant que celui-ci s’impute sur les réserves taxées. En effet, la taxa-tion en dividendes est « neutralisée » par la di-minution des réserves taxées. Il faut toutefois tenir compte du pré-compte mobilier qui doit être retenu sur le dividende.

Dans notre exemple, le boni de liquidation ne s’impute pas sur les réserves immunisées et la société échappe donc à l’I.Soc (à part, bien sûr, l’I.Soc. sur le résultat de l’exercice).

Si l’on suppose que lors de l’exercice comptable suivant, une seconde répartition entraîne une imputation sur les ré-serves immunisées, le boni de liquidation deviendrait sou-mis à l’I.Soc.

Depuis la loi du 24 décembre 2002, le boni de liquidation est désormais soumis à un précompte mobilier de 10  %. C’est donc à la société en liquidation de retenir ce pré-compte. Lorsque le bénéficiaire est une société, ce précompte mobilier est imputable sur l’impôt des sociétés et, lorsque le bénéficiaire est une personne physique, il constitue un im-pôt définitif.

La loi du 24 décembre 2002 a ici un effet rétroactif : le pré-compte mobilier sur le boni est applicable aux revenus attri-bués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2002, pour autant que la liquidation ne soit pas clôturée avant le 25 mars 2002. Cette rétroactivité a toutefois été sanctionnée par la Cour constitutionnelle.8

8 C.Const., 23 juin 2004, n° 110/2004.

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Il faut encore souligner que l’introduction d’un précompte mobilier sur les bonis ne fait pas obstacle aux possibilités de renonciation prévues par le droit commun. Ainsi, il n’y aura aucune retenue de précompte mobilier sur les bonis attri-bués aux sociétés mères belges ou étrangères qui détiennent une participation minimale de 25 % pendant une période ininterrompue d’au moins un an dans le capital de la filiale (article 106, §§ 5 et 6, de l’AR/CIR).

Dans notre exemple, nous avons considéré une réalisation des éléments d’actifs suivie d’une répartition en espèce. La répartition aux actionnaires peut toutefois être réalisée di-rectement en nature. Quelles en sont les incidences fiscales ? Si l’attribution porte sur des actions que la société en liqui-dation détient en portefeuille, les plus-values réalisées béné-ficieront de l’exonération pour autant que les exigences de l’article  192 du CIR soient satisfaites. Ce point de vue a d’ailleurs été confirmé par le ministre des Finances à deux reprises.9

En qui concerne l’attribution d’un immeuble, le régime d’imposition des plus-values étant conforme aux principes généraux, c’est sur le plan des droits d’enregistrement que se situent les particularités essentielles. Si la société en liqui-dation est une SA, le transfert donnera lieu à la perception d’un droit de 12,5 % (10 %) sur la valeur actuelle de l’im-meuble (article 130 du Code des droits d’enregistrement).

En revanche, en cas d’acquisition par un associé d’une SPRL, SNC ou SCS, seul le droit de partage (1 %) sera dû par l’associé (même si l’actionnaire principal est l’associé unique lors de la liquidation), à condition (article 129 du Code des droits d’enregistrement) que :1. l’immeuble ait été acquis par la société avec paiement du

droit de vente de 12,5 % ;2. l’associé qui devient propriétaire de l’immeuble faisait

partie de la société au jour de l’acquisition par celle-ci (preuve facile à fournir si la constitution et l’acquisition ont eu lieu le même jour).

9 Question no 1040 du 21 avril 1994 et Question no 69 du 9 août

1995, Bull. contr., n° 755, p. 3141.

C. Le traitement fiscal des répartitions dans le chef des actionnaires de la société en liquidation (actionnaires sociétés ou personnes physiques)

C.1. L’actionnaire est une société (résidente)

Lors de la liquidation, la société actionnaire réalisera éventuellement une plus-value sur ses actions. La plus-value est égale à la différence entre les sommes réparties et la va-leur d’investissement ou de revient des actions.10 Il convient d’insister sur le fait que la plus-value réalisée par la société actionnaire, qui se détermine au départ de la valeur comp-table des actions, ne doit pas être confondue avec le boni de liquidation, qui, quant à lui, se détermine par comparaison avec le capital libéré. Pour les actions qui avaient été émises lors de la constitution de la société, ces notions sont bien entendu identiques, puisque la valeur d’investissement cor-respond à la contre-valeur du capital libéré.

La plus-value obtenue par la société actionnaire est consi-dérée comme un revenu définitivement taxé et est donc en principe déductible aux conditions et dans les limites de ce régime.

Il faut toutefois tenir compte d’une règle particulière in-troduite par le législateur et applicable, depuis le 12  jan-vier 2010, aux bonis de liquidation qui peuvent naître de ce qu’on appelle une « fusion mère-filiale », dans laquelle une société est reprise de manière fiscalement neutre et où, avant la reprise, la société repreneuse détenait déjà des ac-tions dans la société reprise. Pour de tels bonis de liquida-tion, il ne doit pas être satisfait aux conditions de participa-tion relatives à la déduction RDT telles qu’elles sont visées à l’article 202, § 2, du CIR (participation minimale, etc.). En outre, la déduction des RDT est accordée à 100 % au lieu du taux normal de 95 % (article 202, § 2, et article 204, alinéa 2, du CIR).

Lorsqu’une société dissoute remet à ses actionnaires, lors du partage de son avoir social, des actions de sociétés tierces en sa possession, la plus-value ainsi constatée dans le chef de la société dissoute peut être considérée comme une plus-value réalisée, pour l’application de l’article 192 du CIR (ar-ticle 57 de la loi portant des dispositions fiscales et diverses

10 Éventuellement augmentée des plus-values y afférentes antérieure-

ment exprimées et non exonérées.

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du 22 décembre 2009, M.B., 31 décembre 2009). Au cas où la condition de taxation est remplie, ces plus-values peu-vent donc être immunisées par l’adaptation de la majora-tion de la situation du début des réserves. Par le passé, le ministre des Finances avait confirmé cette règle en réponse à une question parlementaire.11

Le texte légal est aujourd’hui explicitement modifié en ce sens : l’immunisation des plus-values réalisées (telles qu’elles sont visées à l’article 192, § 1er, alinéa 1er, du CIR 1992) vaut aussi à l’égard des plus-values qui sont « constatées à l’occa-sion du partage de l’avoir social d’une société dissoute ».

Cette adaptation du texte légal est entrée en vigueur le 10 janvier 2010.

Les moins-values sur actions ou parts ne sont en principe pas déductibles. Toutefois, ces moins-values de liquidation sont déductibles jusqu’à concurrence de la perte du capital libéré de la société liquidée.12 Cela signifie que la partie de la moins-value sur les actions qui représente une perte en ca-pital libéré sera déductible pour l’actionnaire. La loi du 22 décembre 1998 va même plus loin puisqu’elle considère comme du capital libéré la partie de celui-ci qui a été réduite en vue d’apurer les pertes comptables ou pour la constitu-tion d’une réserve destinée à couvrir une perte prévisible et utilisée.13 Cet ajout dans la loi se justifie pour éviter toute discrimination entre les sociétés qui, respectueuses du droit comptable, ont apuré de cette manière leurs pertes comp-tables et les autres sociétés, qui ne se sont jamais souciées de

11 Question n° 49 de M. DuPRÉ du 9 août 1995, Q.R., Ch. repr., sess.

ord. 1995-1996, n° 5, 2 octobre 1995, p. 309.12 Article 198, alinéa 1, 7°, du CIR.13 Article 198, alinéa 2, du CIR.

leurs pertes comptables.14 La loi instaure en quelque sorte une « renaissance » du bon capital.

Exemple (moins-value)

Soit le tableau des mouvements du capital de la société A :

Année comptable

Opérations Capital libéré

1997 Constitution200 000

(20 000 actions à 10 EUR)

2002Remboursement du capital libéré

(20 000)

2009Apurement des pertes comptables

(30 000)

150 000

La société B a acheté, en 2001, 2 000 actions de la société A pour un prix de 25 000. Lors du partage total de l’avoir so-cial de A, qui a lieu le 31 décembre 2009, la société B reçoit une somme de 12 000 EUR pour solde de tout compte.

La quote-part du capital libéré représenté par les actions A détenues par B (sachant que depuis la loi du 22 décembre 1998, il ne faut pas tenir compte de la réduction de capital libéré pour apurer les pertes comptables) est de 180 000 x (2 000 / 20 000) = 18 000.

La moins-value de 13 000 (25 000 – 12 000) se décompose de la manière suivante :

14 On ajoutera, pour être complet, que, sur la base de la jurisprudence

de la cour d’appel de Bruxelles (arrêt du 19 février 1999, Cour. fisc.,

1999, p. 344), les moins-values sur actions d’une société faillie sont

aussi déductibles. En effet, l’article 198, 7°, du CIR exige seulement un

partage total de l’avoir social et non la disparition d’une société par

suite de dissolution. Dès lors, à l’occasion d’une faillite, lorsque tous les

actifs sont réalisés et qu’il ne reste plus rien à partager, la condition de

« partage total » est remplie et les éventuelles moins-values sur actions

sont déductibles.

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La dissolution de la société n’entraîne pas l’imposition de la réserve d’investissement

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• la partie du prix d’acquisition qui excède la quote-part du capital libéré représenté par les actions détenues par B, soit 25 000 – 18 000 = 7 000, constitue une DNA ;

• la différence entre cette même quote-part du capital libé-ré et la somme obtenue lors du partage total, soit 18 000 – 12 000 = 6 000, constitue une charge profession-nelle déductible.

Lorsqu’une société avait comptabilisé antérieurement une réduction de valeur (rejetée en DNA) sur ses actions, cette réduction avait pour conséquence logique de diminuer la valeur résiduelle des actions et donc aussi la moins-value éventuelle de liquidation. Pour ne pas léser ces sociétés qui respectent strictement la loi comptable, le commentaire ad-ministratif admet aussi que la société pourra déduire la moins-value de liquidation comme si aucune réduction de valeur n’avait été comptabilisée. Sur le plan de la technique de la déclaration fiscale, les réductions de valeur qui corres-pondent à une perte de capital libéré seront ajoutées à la situation de début des réserves.15

Le précompte mobilier de 10 % qui a été retenu par la so-ciété en liquidation lors de la distribution du boni de liqui-dation sera imputé sur l’impôt des sociétés de la société ac-tionnaire.

15 Com.IR 92, n° 195/73.

On observera que les conven-tions préventives de la double impo-sition prévoient des règles de dévo-lution d’imposi-tion différentes pour les plus-va-lues et les divi-dendes. La ques-tion se pose donc de savoir quelle qualification les conventions donnent aux revenus distribués à l’occasion d’une liquidation (ou encore d’un rachat d’actions). S’agit-il de dividendes ou bien de plus-values ? La réponse à cette question ne figure pas dans la convention modèle de l’OCDE elle-même, mais dans le commentaire de cette convention modèle (version abrégée, avril 2000) : le point 31 du com-mentaire de l’article 13 de la convention modèle énonce en effet que « si des actions sont vendues par un actionnaire à la société qui les a émises lors de la liquidation de cette société ou de la réduction du capital libéré, la différence entre le prix de vente et la valeur nominale des actions peut être traitée dans l’État dont la société est un résident comme une distri-bution de bénéfices mis en réserve et non comme un gain en capital ».

Il s’ensuit que les attributions faites aux actionnaires dans le cadre d’une liquidation sont considérées comme des divi-dendes si le droit interne de l’État de résidence de la société les traite comme tels. Ce droit interne peut toutefois traiter de telles distributions comme des plus-values. C’est donc la qualification donnée par la législation de l’État de résidence de la société distributrice qui déterminera l’imposition dans l’État de la source (l’État d’où proviennent les attributions).

C.2. L’actionnaire est une personne physique

Pour les actionnaires personnes physiques, le précompte mobilier de 10 % a un caractère libératoire.16 Cette taxa-tion de 10 % s’applique aussi dans le cas où le boni de li-quidation n’a pas fait l’objet d’une retenue parce qu’il a

16 Article 171, alinéa 2, f), du CIR.

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La plus-value est égale à la différence entre les sommes réparties et la valeur d’investissement ou de revient des actions

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été encaissé direc-tement à l’étran-ger, lorsqu’il est repris directement à l’étranger ou lorsqu’il est repris directement dans la déclaration à l’impôt des per-sonnes physiques.17

La moins-value subie par l’actionnaire personne physique n’est pas déductible.18

D. quelques considérations comptables et fiscales à propos des avances de répartition

S’agissant du traitement comptable qu’il convient de ré-server aux attributions aux associés d’une société en liqui-dation, sous la forme d’une avance sur l’actif net qui leur reviendra à la clôture de liquidation, la Commission des normes comptables, dans son avis n° 170/2 du mois de fé-vrier 1999, rappelle que de telles attributions se distinguent de celles décidées au cours de la vie de la société en ce que :– d’une part, il ne peut s’agir que d’avances sur l’actif net

qui sera à répartir, les attributions à titre définitif ne pou-vant se faire qu’après paiement des dettes et consigna-tion des sommes nécessaires à cet effet ;

– d’autre part, l’approbation des comptes de la liquidation et la décharge au liquidateur n’interviennent qu’à cette même clôture de liquidation.

La CNC recommande dès lors de comptabiliser ces avances sur répartition dans un compte distinct de la classe  1 (exemple : « Avances aux associés »), sans toutefois qu’il y ait lieu de ventiler ces avances selon qu’elles concernent le capital, les primes d’émission ou les réserves.

17 Si les actions ont été affectées à l’exercice de l’activité profession-

nelle – cas rarissime –, la plus-value sera soumise au taux de 16,5 %

ou imposée globalement selon que les actions sont détenues pendant

plus ou moins de cinq ans.18 Sauf pour le cas exceptionnel où les actions ont été affectées à l’exer-

cice de l’activité professionnelle.

Sur la base de ces éléments, la CNC recommande deux approches :• soit porter le montant de l’avance consentie à l’actif.

Cette comptabilisation n’aura pas d’impact sur les fonds propres ;

• soit porter le montant de l’avance au passif en déduction globale, mais explicite, des fonds propres.

Cette seconde méthode reçoit la préférence de la CNC, car il faut bien constater que les sommes attribuées à titre d’avance sur la répartition de l’actif ne forment pas un réel actif (donnant lieu à un flux de ressources favorables à la société).

La seconde approche permet, en outre, lorsque la liquida-tion est terminée, de solder le compte « Avances aux associés sur la répartition de l’actif net » par le débit des divers comptes de fonds propres, ce qui offre une plus grande conformité à la réalité comptable.

Un exemple permet d’illustrer le mécanisme.

Le bilan de la société à liquider se présente comme suit :

Bilan A

Actifs corporels 1 900 Capital 500

Disponible 100 Réserves 500

Dettes 1 000

TOTAL 2 000 2 000

Les valeurs comptables, fiscales et de marché des actifs de la société A sont les suivantes :

Valeur comptable

Valeur fiscale

Valeur de marché

Actif 2 000 2 400 3 000

Passif (1 000) (1 000) (1 000)

Actif net 1 000 1 400 2 000

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La société est en liquidation et choisit de réaliser ses actifs corporels. Par la suite, elle distribue une avance sur l’actif net disponible à la clôture de liquidation.

La société réalisera une plus-value fiscale de 600 (2  000  –  1  400). L’impôt sur la plus-value sera donc de 204 EUR (34 % x 600). Après constitution d’une provision pour l’impôt de liquidation, la société aura un montant net à distribuer de 1 796 (1 000 + 1 000 – 204).

Les écritures comptables, lors de l’attribution de l’avance, seront les suivantes :

a) Réalisation de l’actif et apurement des dettes55. Établissements de crédit 2 00023. Actifs corporels 2 00043. Autres dettes 1 000 76. Plus-values sur réalisation d’actifs immobilisés 1 000

b) Attribution, règlement des avances et constitution de la provision pour impôt de liquidation19. Avances aux associés sur la répartition de l’actif net 1 79648. Dettes associés 1 79648. Dettes associés 1 796 19. Établissements de crédit 1 79667xx Impôts dus    204

45. Dettes fiscales   204

Les écritures comptables, lors de la liquidation de la société, seront les suivantes :

45. Dettes fiscales 20455. Établissements de crédit    204

100. Capital 50013. Réserves 50014. Bénéfice reporté 796

19. Avances aux associés sur la répartition de l’actif net 1 796

E. qu’est-ce qu’une « plus-value constatée » quand il s’agit de déterminer la base imposable d’une société en liquidation (notion de valeur réelle au moment du partage) ?

L’article 208, alinéa 2, du CIR prévoit que les bénéfices des sociétés en liquidation comprennent aussi les plus-values réalisées ou constatées à l’occasion du partage de leur avoir social.

Il peut en être ainsi lorsque le liquidateur attribue des ac-tifs  – autres que des sommes d’argent  – aux actionnaires. Selon le fisc, les actifs transférés à l’occasion d’une telle at-tribution doivent être évalués à leur valeur réelle au mo-ment de leur partage pour la détermination du bénéfice im-posable (Com.IR 92, n° 209/11).

Mais que faut-il entendre au juste par valeur réelle ?

Cette notion est à l’origine de bien des litiges et question-nements en tout genre.

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Pour les immeubles, l’Administration considère souvent que la valeur vénale des biens attribués au moment de leur transfert doit servir de référence.

Les cours et tribunaux font parfois référence à des points de comparaison objectifs (par exemple, si une transaction similaire est intervenue quelque temps avant la dissolution, cette transaction peut donner une indication de prix19).

De leur côté, les fonctionnaires de l’Administration des contributions directes font souvent appel à leurs collègues d’autres administrations fiscales (par exemple, les services du cadastre, le receveur de l’enregistrement) pour obtenir une évaluation.

Mais cette méthode ne recueille pas toujours l’assenti-ment de la jurisprudence. Nous illustrons le rejet de la posi-tion administrative dans les deux arrêts suivants.

La cour d’appel de Gand a notamment déjà décidé que si le fisc s’appuie uniquement sur une évaluation communi-quée sans autre précision par une autre administration fis-cale, cette information ne peut pas être considérée comme un fait connu pouvant être utilisé dans le cadre d’une preuve par présomptions de l’homme. La cour d’appel de

19 Anvers, 12 novembre 1996, F.J.F., n° 96/264.

Gand a considéré comme arbitraire le renvoi à une évalua-tion communiquée par l’Administration du cadastre.20

Dans cet autre cas, soumis à la cour d’appel de Bruxelles21, le juge a suivi la thèse de la société, qui considérait que l’évaluation des actifs effectuée par le receveur de l’enregis-trement ne pouvait pas être utilisée sans plus pour la déter-mination de la base imposable. La cour constate que l’éva-luation réalisée par le receveur n’est nullement motivée et ne contient, par exemple, aucun point de comparaison.

Les faits de l’espèce concernent une société immobilière (SPRL) dont la liquidation est clôturée à peine quelques jours après l’acte de dissolution. L’acte notarié établi à l’oc-casion de la clôture de liquidation prévoit que les biens im-meubles que la société a acquis par le passé sont attribués aux associés. La valeur de ces immeubles est fixée dans l’acte notarié à 140 000 EUR (la valeur des immeubles attribués est égale à leur prix d’achat augmenté des frais de rénovation qui ont été supportés par la société).

La valeur des immeubles qui ont été attribués est sensible-ment supérieure à celle mentionnée dans l’acte de clôture de liquidation.

L’Administration des contributions directes fait état d’une évaluation réalisée par le receveur de l’enregistre-ment (255 000 EUR).

La cour d’appel juge toutefois que l’évaluation réalisée par le receveur ne constitue pas un fait connu permettant de déterminer la base imposable sur la base de présomptions de l’homme.

On notera que la cour a, dans ce dernier dossier, décidé finalement de désigner un expert et lui a donné pour mis-sion de déterminer la valeur réelle des immeubles à la date de la clôture de liquidation. •

20 Gand, 30 janvier 2002, non publié.21 Bruxelles, 4 octobre 2007, disponible sur www.fiscalnetfr.be.

F I S C A L I T É

L’évaluation réalisée par le receveur ne constitue pas un fait connu permettant de déterminer la base imposable sur la base de présomptions de l’homme