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16 Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie / Année 5/Avril 2005. © Masson, 2005.Tous droits réservés. Comment se situe le médecin face à ses deux devoirs ? - le respectable secret, connu, apanage – voire flambeau – de cer- taines professions, mais aussi considéré comme désuet et battu en brèche ; - la réponse à une demande d’information à laquelle il se trouve en permanence confronté, dans une évolution sociétale et humaine. Repères Il faut, tout d’abord, re-situer le contexte, avec des propos par- fois simplistes, mais en essayant de poser quelques repères. Secret médical Le Code de la santé publique contient, dans le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995, le Code de déontologie dont l’article 4 décrète un secret professionnel dû au patient qui s’impose à tout médecin ; le Code pénal définit l’atteinte à ce secret (article 226- 13). Déontologiquement, tout ce qui vient du patient, au cours de l’acte médical, contribue en fait à la construction du secret. Seul le partenaire professionnel sent peser sur lui cette architecture. Information L’information, quant à elle, émane du médecin vers d’autres per- sonnes. Prioritairement, envers son malade Le Code de déontologie (article 35) parle d’une information appropriée au malade, à son âge, à sa compréhension, à sa récep- tivité, dans un contexte défini. Il prévoit la possibilité de laisser le malade dans l’ignorance ou de révéler avec circonspection cer- tains éléments, mais également de prévenir chaque fois que pos- sible les proches en cas de pronostic fatal. L’accès du patient à son dossier passe par l’intermédiaire d’un autre médecin (article 46). La loi du 4 mars 2002 a précisé les droits du patient en tant qu’usager du système de santé. Inscrite au Code de la santé publique, elle réaffirme le droit du patient au respect de sa vie privée, mais également à son information pour pouvoir partici- per aux décisions concernant sa santé (art. L. 1110-4, L.1111-2, L.1111- 7 et L.1111-9). La communication du dossier au patient obéit à des règles (liste des documents et modalités). Demandes provenant de tiers Il peut s’agir d’autres confrères, notamment experts ou méde- cins-conseils de compagnies d’assurances. Le médecin doit tou- jours se poser les mêmes questions : « Puis-je ou ne puis-je pas communiquer une partie ou la totalité des renseignements recueillis ? ». Une fois la réflexion enclenchée, il semble plus facile de trouver des réponses. Certains médecins pensent qu’ils ne doivent jamais répondre ; d’autres ne pensent pas que le patient représente la meilleure courroie de transmission, car principal acteur responsable des dépenses qu’il engage et des démarches qu’il entreprend. Lorsque l’interlocuteur appartient à d’autres professions (notaire, avocat, domaine médiatique, magistrature ...), il faut procéder avec rigueur, en privilégiant le secret médical. La société La société, consciente de ses droits et de ses besoins, a régle- menté quelques exceptions au secret médical : - les dérogations obligatoires concernent les déclarations à l’Etat civil, auprès d’organismes sociaux, ou dans le cadre de la pro- tection de la santé publique ; Le secret médical et l’information M.-C. Roure-Mariotti MCU-PH Honoraire, Médecine du Travail, Faculté de Médecine, 255, route de Saint-Antoine-Ginestière, 06200 Nice. Correspondance : M.-C. Roure-Mariotti, adresse ci-dessus. Psychiatrie Neurologie Gériatrie Dossier Situations médico-légales et sujet âgé

Le secret médical et l’information

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16 Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie / Année 5/Avril 2005. © Masson, 2005.Tous droits réservés.

Comment se situe le médecin face à ses deux devoirs ?- le respectable secret, connu, apanage – voire flambeau – de cer-taines professions, mais aussi considéré comme désuet et battuen brèche ;- la réponse à une demande d’information à laquelle il se trouveen permanence confronté, dans une évolution sociétale ethumaine.

Repères

Il faut, tout d’abord, re-situer le contexte, avec des propos par-fois simplistes, mais en essayant de poser quelques repères.

Secret médicalLe Code de la santé publique contient, dans le décret n° 95-1000du 6 septembre 1995, le Code de déontologie dont l’article 4décrète un secret professionnel dû au patient qui s’impose à toutmédecin ; le Code pénal définit l’atteinte à ce secret (article 226-13).Déontologiquement, tout ce qui vient du patient, au cours del’acte médical, contribue en fait à la construction du secret. Seulle partenaire professionnel sent peser sur lui cette architecture.

InformationL’information, quant à elle, émane du médecin vers d’autres per-sonnes.

Prioritairement, envers son maladeLe Code de déontologie (article 35) parle d’une informationappropriée au malade, à son âge, à sa compréhension, à sa récep-tivité, dans un contexte défini. Il prévoit la possibilité de laisser le

malade dans l’ignorance ou de révéler avec circonspection cer-tains éléments, mais également de prévenir chaque fois que pos-sible les proches en cas de pronostic fatal. L’accès du patient à sondossier passe par l’intermédiaire d’un autre médecin (article 46).La loi du 4 mars 2002 a précisé les droits du patient en tantqu’usager du système de santé. Inscrite au Code de la santépublique, elle réaffirme le droit du patient au respect de sa vieprivée, mais également à son information pour pouvoir partici-per aux décisions concernant sa santé (art. L. 1110-4, L.1111-2, L.1111-7 et L.1111-9). La communication du dossier au patient obéit à desrègles (liste des documents et modalités).

Demandes provenant de tiersIl peut s’agir d’autres confrères, notamment experts ou méde-cins-conseils de compagnies d’assurances. Le médecin doit tou-jours se poser les mêmes questions : « Puis-je ou ne puis-je pascommuniquer une partie ou la totalité des renseignementsrecueillis ? ». Une fois la réflexion enclenchée, il semble plus facilede trouver des réponses. Certains médecins pensent qu’ils nedoivent jamais répondre ; d’autres ne pensent pas que le patientreprésente la meilleure courroie de transmission, car principalacteur responsable des dépenses qu’il engage et des démarchesqu’il entreprend.Lorsque l’interlocuteur appartient à d’autres professions(notaire, avocat, domaine médiatique, magistrature ...), il fautprocéder avec rigueur, en privilégiant le secret médical.

La sociétéLa société, consciente de ses droits et de ses besoins, a régle-menté quelques exceptions au secret médical :- les dérogations obligatoires concernent les déclarations à l’Etatcivil, auprès d’organismes sociaux, ou dans le cadre de la pro-tection de la santé publique ;

Le secret médical et l’information

M.-C. Roure-MariottiMCU-PH Honoraire, Médecine du Travail, Faculté de Médecine, 255, route de Saint-Antoine-Ginestière, 06200 Nice.

Correspondance : M.-C. Roure-Mariotti, adresse ci-dessus.

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M.-C. Roure-Mariotti Le secret médical et l’information

- les dérogations facultatives sont d’ordre médical ou judiciaire(article 226-14 du Code pénal).

Situations pratiques

Certaines situations délicates peuvent se voir en pratique.

Que faire lors de l’atteinte à l’intégrité d’une per-sonne ?Le médecin devra établir un certificat de constatations détaillées,donner une information sur la procédure.

Que faire en cas de sévices (y compris sexuels)ou de privations infligés à un mineur ?ou à une personne vulnérable ?La loi n’impose rien au médecin sur le fond : il peut dénoncer oune pas dénoncer. Dans la forme, il peut, comme toute personnedépositaire d’une information à caractère secret, la révéler auxautorités judiciaires, médicales ou administratives. De même,aucune sanction ne sera prise à l’égard du médecin qui dénoncece type d’actes au procureur de la République, avec l’accord de lavictime majeure, ou même sans accord dans le cas d’un mineur.

Le Code de déontologie incite davantage le médecin à l’alerte,dans les deux cas.

Que faire lorsqu’il est appelé à témoigner ?Le médecin peut ou peut ne pas coopérer en cas de crime (article434-1 du Code pénal), atteinte aux intérêts de la nation (article434-2 du Code pénal), sévices (article 434-3 du Code pénal).Il n’a pas obligation d’apporter la preuve de l’innocence de sonclient en violant le secret professionnel (article 434-11).Il est libre de parler ou non.

Que faire lors de certaines demandes(certificats, attestations...) ?Aucun praticien ne peut oublier son désarroi face à des situa-tions parfois douloureuses : divorce et gardes d’enfants, décèspar suicide.

Enfin, comment concilier secret jalousement gardé etabstention fautive (ou omission de porter secours à une per-sonne en péril), puisque aucune dérogation n’a été édictée etque, de ce fait, le médecin ne bénéficie pas d’un statut particu-lier lié à sa fonction? ■