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CNAM, Mai 2002

Cycle C : Ingnieur en Organisation

Professeur : Y. PESQUEUX

U.V Organisation des systmes dinformation

Fiche de lecture

Fernand BRAUDEL

" Le Temps du Monde "

dans " Civilisation matrielle, Economie et Capitalisme. XVe XVIIIe sicle "


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Philippe BRION

1. 1 Lauteur *

2" Le Temps du Monde " dans " Civilisation matrielle, Economie et Capitalisme.

XVe XVIIIe sicle "*

3Les postulats*

4Les hypothses*

5Mode de dmonstration*

6Rsum*

6.1 Les divisions de lespace et du temps *

6.1.1Espaces et conomies : les conomie-mondes*

6.1.2Lconomie-monde : un ordre face dautres ordres*

6.1.3Lconomie-monde face aux divisions du temps*

6.2 En Europe, les conomies anciennes domination urbaine : avant et aprs Venise *
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6.2.1La premire conomie-monde dEurope*

6.2.2 La prminence de Venise *

6.2.3 La fortune inattendue du Portugal ou de Venise Anvers *

6.2.4 Le sicle des Gnois *

6.3 Les conomies anciennes domination urbaine : Amsterdam *

6.3.1 Les provinces unies chez elles *

6.3.2 Saisir lEurope, saisir le monde *

6.3.3 Succs en Asie, insuccs en Amrique *

6.3.4 Prminence et capitalisme *

6.3.5 Sur le dclin dAmsterdam *

6.4 Les marchs nationaux *

6.4.1 Units lmentaires, units suprieures *

6.4.2 Compter et mesurer *

6.4.3 La France victime de son gigantisme *

6.4.4 La prminence marchande de lAngleterre *

6.5 Le monde pour ou contre lEurope *

6.5.1 Les Amriques ou lenjeu des enjeux *

6.5.2 LAfrique Noire *

6.5.3 La Russie *

6.5.4 Le cas de lEmpire turc. *

6.5.5 LExtrme Orient *

6.6 Rvolution industrielle et croissance *

6.6.1 Des comparaisons utiles *

6.6.2 La Rvolution anglaise, secteur par secteur *

6.6.3 Dpasser la Rvolution industrielle *

6.7 En matire de conclusion : ralits historiques et de demain *

6.7.1 La longue dure *
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6.7.2 La socit enveloppe tout *

6.7.3 Le capitalisme survivra-t-il ? *

6.7.4 Le capitalisme face lconomie de march *

7 Principales conclusions *

8 Discussions et critiques *

9 Actualit de la question *

10 uvres principales. *

11 Bibliographie *

2.

3. Lauteur

Fernand Braudel nat en Lorraine en 1902. Agrg dhistoire en 1923, il est nomm au lyce de Constantine en Algrie

franaise puis Paris et So Paulo. Ds 1927, il choisit comme sujet de thse " La Mditerrane et le monde

mditerranen au temps de Philippe II. ". En 1937, il assure une direction dtudes lEcole pratique des Hautes Etudes.

Prisonnier en juin 1940, il rdige une partie de sa thse dans des camps en Allemagne et la prsente en 1947. Cest une

rvolution dans la manire dcrire lHistoire, qui nest quun lment pour comprendre le pass. Lhistorien doit

sattacher aux aspects culturels, conomiques, politiques et sociaux mais aussi ethnologiques et sociologiques.

En 1946, F. Braudel devient un des directeurs de la revue des Annales. Il sera galement membre du Collge de France et

prsident de la VIe section de lEcole des Hautes Etudes

A la fin des annes 50, une rforme des programmes dhistoire au lyce est projete. Braudel crit alors " La grammaire

des civilisations ".

En 1962, il est le premier administrateur de la Maison des Sciences de lHomme.

Dconsidr aprs 1968, la fois par les tudiants et le pouvoir politique, il travaille sur " Civilisation matrielle,

conomie et capitalisme du XVe au XVIIIe sicle ".

Les annes 1970 voient la conscration de F. Braudel qui, reconnu au plan international, devient docteur honoris causa de

nombreuses universit.

Quelques mois avant sa mort en 1985, il est lu lAcadmie Franaise.

4. " Le Temps du Monde " dans " Civilisation matrielle, Economie et Capitalisme.

XVe XVIIIe sicle "

" Le Temps du Monde " est le troisime volume dune srie de trois. Dans le premier, " Les Structures du quotidien " F.

Braudel voque la culture matrielle et le quotidien des hommes. Il est possible dobserver leurs diffrences et la trame

des civilisations.

Dans le deuxime, " Les Jeux de lchange ", lauteur tudie les grandes compagnies qui commercent au loin et lesbourses qui abritent les oprations des changes internationaux. Il met en vidence les points communs, diffrences et

oppositions entre conomie de march et capitalisme.
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Dans le troisime, " Le Temps du monde ", Braudel tudie, lchelle internationale, les dominations successives des

villes puis des Etats jusqu la Rvolution industrielle. Il se demande si ce dernier phnomne constitue une vritable

rupture ou bien sinscrit dans un continuum qui se poursuit jusqu aujourdhui.

Seul ce dernier volume fait lobjet de cette fiche de lecture.

5. Les postulats

Les postulats reprennent lessentiel des ides de Braudel.

LHistoire ne peut se comprendre quau travers dune dimension globale qui prend en compte la gographie, lconomie,

la politique, les sciences sociales et la culture.

Les rgles propres aux activits humaines organisent lespace qui varie lentement.

Des cycles temporels, dune amplitude de quelques annes un sicle, rythment le temps.

6. Les hypothses

Selon Braudel, le capitalisme qui apparat ds le XIII e ou le XIVe sicle est un bon indicateur de la modernit et de

lvolution du monde. Il permet daborder partir des conomies-mondes les problmes et activits conomiques, la

longue dure, les divisions de la vie conomique, les fluctuations temporelles ainsi que les hirarchies sociales.

Les conomies-mondes prsentent des caractristiques semblables.

Des surplus de production se dgagent, des marchs se forment, le commerce se dveloppe, un circuit montaire se met en

place, les lettres de change et le crdit suivent, les marchands passent progressivement du commerce la finance. La

division du travail suit la croissance, elle est un indicateur des progrs de cette dernire. Au secteur primaire sajoutent les

secteurs secondaire et tertiaire. Ce dernier est le signe dune socit en voie de dveloppement.

Une conomie-monde est constitue dune zone centrale dynamique et dune priphrie forme dune zone attarde et

dhommes quelle exploite. Elle tend vers une situation de monopole, ses instruments de domination vont du canon

loffre de produits nouveaux, en passant par le crdit.

Le centre des conomies-mondes est dabord constitu par des villes puis par des Etats territoriaux qui, plus lents se

mettre en place, disposeront de davantage de moyens et tendront leur domination au monde entier.

La Rvolution industrielle qui sensuit est le rsultat de toutes les tapes prcdentes qui aboutissent une croissance qui

devient continue. Tous les secteurs de lconomie sont mis en mouvement sans quaucun ne constitue un goulot

dtranglement.

La Rvolution industrielle est-elle le rsultat dune vritable rupture ou bien sinscrit-elle dans une continuit qui va

jusqu nos jours ? Le modle construit par Braudel peut-il sadapter la priode actuelle ? Quel est lavenir du

capitalisme ?

7. Mode de dmonstration

Dans cet ouvrage, F. Braudel met en vidence un processus de domination internationale, avec des points communs et des

diffrences. Il part des conomies-mondes prdominance urbaine et des marchs nationaux pour arriver la conqute du

monde en passant par la Rvolution industrielle qui sintgre une croissance continue dont les prolongements existent

encore aujourdhui.

Dans un premier chapitre Braudel dfinit les conomies-mondes par rapport lespace. Il lie histoire, conomie, politique

et culture et aborde les divisions du temps en explicitant les cycles, leurs amplitudes et le rsultat de leur observation.

Dans la deuxime partie, il aborde depuis le XIe sicle, les conomies anciennes domination urbaine, de la premire

conomie-monde dEurope qui aboutit la suprmatie de villes-Etats. Venise, Lisbonne, Anvers et Gnes se succdent.

Dans la troisime partie, Braudel aborde le cas dAmsterdam, dernier empire du commerce et du crdit exister sans le

concours dun Etat moderne. Il dcrit dabord les Provinces-Unies, la monte de la puissance dAmstersam qui lui permet


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de saisir de la mme manire lEurope puis le monde avec un succs en Asie et un insuccs en Amrique. Il sinterroge

ensuite sur le capitalisme en place et les liens de ce centre du monde avec les zones de lconomie- monde quil domine.

Pour finir ce chapitre, il traite du dclin de la ville et de ses causes. Ce ne sont plus les crises de lAncien Rgime, lies

lconomie agricole et industrielle mais des grandes faillites qui provoquent leffondrement. Une rvolution politique et

sociale majore le phnomne.

Dans la quatrime partie, Braudel montre lmergence des marchs nationaux partir dunits de taille infrieure. Il

introduit des lments de comparaison chiffrs comme le produit national brut, le revenu pro capite ou la tension fiscale.

Il sattache ensuite au cas de la France, victime dun gigantisme qui retarde ses progrs et sa croissance et celui de

lAngleterre qui prend la premire place.

Au chapitre cinq, lauteur aborde les cas des Amriques, de lAfrique Noire, de la Russie, de lEmpire turc et de

lExtrme Orient, tous domins par lEurope qui en fait des priphries.

Dans la sixime partie, la Rvolution industrielle et la croissance sont abordes. Braudel compare les conditions pouvant

mener une Rvolution industrielle. Il le fait dune part la lumire des priodes antrieures pendant lesquelles une partie

des critres pouvant conduire une Rvolution industrielle taient prsents. Dautre part il prend en compte le Tiers

Monde des annes 1970. Il tudie ensuite, secteur par secteur la Rvolution industrielle anglaise avant de laborder au

travers de lindustrialisation, de la modernisation et de la croissance.

Dans le chapitre sept Braudel revient sur la longue dure et lmergence lente du capitalisme ds laube de lhistoire, sur

les liens de celui-ci avec la socit et enfin sur son avenir.

8. Rsum

1. Les divisions de lespace et du temps

Il sagit de situer les ralits conomiques et les ralits sociales qui les accompagnent selon leur espace puis selon

leur dure.

1. Espaces et conomies : les conomie-mondes

Les Etats, les socits, les cultures, les conomies, toutes les ralits de lhistoire confrent lespace un

rle et une signification diffrente.

Lconomie mondiale stend la terre entire, une conomie-monde se limite une partie seulement. Elle

est autonome conomiquement, ses liaisons et ses changes lui confrent une certaine unit.

Lconomie-monde dpasse les limites des empires mais aussi celles des civilisations, dlimite un espace

propre, lui donne un sens. Elle est facilement reprable parce que ses frontires sont lentes se modifier.

Les conomies mondes doivent vaincre lespace pour le dominer et cest au prix dimmenses efforts

quelles sagrandissent Lespace est hirarchis : cest une somme dconomies particulires. Il existe un

centre, une ville capitaliste dominante, o transitent informations, marchandises, capitaux, crdits,

hommes, ordres, lettres de change. Ces villes, Venise, Amsterdam, sont exceptionnelles, blouissantes,

cosmopolites. La tolrance est obligatoire pour quelles puissent vivre et travailler en paix. La

diversification sociale est prcoce, on trouve des proltariats, des bourgeoisies, des patriciats. Les riches le

sont de plus en plus, les pauvres le sont de plus en plus. La vie est trs chre et linflation importante.Malgr cela elles sont trs attractives. Ces villes dominantes ne sont pas ternelles, elles se remplacent.

Ainsi Anvers, Amsterdam, Londres et New York se succdent. Au centre dune conomie-monde, il ne

peut y avoir quun ple la fois. A chaque changement, une masse norme dhistoire bascule entranant

des bouleversements. Tout le cercle de lconomie-monde est affect jusqu sa priphrie. La domination

des premires villes nest pas complte, il peut leur manquer lindustrie, un systme de crdit complet. Par

ailleurs, lencadrement politique est trs variable, fort Venise, insignifiant Anvers. Les armes de

domination sont la navigation, le ngoce, le crdit

Les diverses zones dune conomie-monde sont hirarchises et convergent vers leur centre. Au fil des

sicles, des chanes de marchs locaux et rgionaux sorganisent. Ils sont progressivement intgrs au profit

dune ville ou dune zone dominante. Le schma de la domination repose sur une dialectique oscillante

entre une conomie de march se dveloppant presque delle mme et un conomie surplombante quicoiffe ces activits mineures, les oriente. Toute conomie-monde est un embotement, une juxtaposition de

zones lies ensemble mais des niveaux diffrents. Le cur runit tout ce qui est le plus avanc et le plus


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diversifi. La rgion centrale ne dispose que dune partie de ces points forts. La priphrie est immense,

son peuplement diffus, larchasme et lexploitation facile par les autres sont de rgle.

2. Lconomie-monde : un ordre face dautres ordres

Lconomie-monde ne gouverne pas la socit elle seule. Le politique, le social et la culture

hirarchisent galement la socit et agissent sur lconomie-monde .

Lconomie joue progressivement un rle de plus en plus important avec la modernit par rapport aux

autres ordres. Les ingalits samplifient. La division du travail lchelle du monde stablit

progressivement comme une chane de subordination. Il est plus fructueux dagir sur le secteur tertiaire que

sur le secondaire et plus encore que sur le primaire. Les rapports de force entre les nations drivent de

situations parfois trs anciennes et il est difficile de les modifier.

Dans lordre politique, lEtat est divis en trois zones : la capitale, la province, les colonies. Son but est de

constituer et de tenir les priphries de faon que ne soit pas menace la puissance centrale. Un Etat

possde la fois des composantes conomiques et politiques. Les Etats-villes aussi bien que les Etats

territoriaux sont sous la domination des marchands. Ces Etats ont des gouvernements forts, capables de

simposer au dedans comme au dehors. Dans ce cas de domination extrieure, il est possible de parler

demble de colonialisme et dimprialisme. La mtropole vise se rserver les profits marchands dans unsystme dexclusivit. Dans les priodes de crises, les Etats se protgent en mettant en place une politique

mercantiliste.

Les empires-mondes, comme la Moscovie des tsars, sont des formations archaques o le politique a

triomph de lconomique. LEurope a trs tt chapp cette forme que les Habsbourg ont tent en vain

dimplanter. Ds le Moyen Age les zones complmentaires dune conomie-monde se sont mises en place

en Europe avec une hirarchie des productions et des changes. Des conomies diverses ont pu se loger,

vivre les unes avec ou contre les autres. Un ordre conomique occidental sest ainsi constitu faisant

apparatre le capitalisme ds avant le XVIe sicle.

La guerre, renouvele par la technique, mobilisant crdits et intelligence, favorise la mise en place du

systme capitaliste. Pour se dvelopper, il lui faut abondance dhommes et de moyens. La guerre sans

merci ne commencera quavec la Rvolution et lEmpire. La rgle est de toujours porter la guerre chez levoisin afin de se mnager.

La socit change du tout au tout selon lespace. Selon cet angle, Pologne et France du XVII e sicle sont

trs diffrentes. Les socits nvoluent que trs lentement au cours des sicles. Les rvolutions elles-

mmes ne sont pas des coupures brutales et totales. Lordre social se construit en accord avec les ncessits

conomiques de base. Lorsque la socit rpond une nouvelle volution conomique, elle se trouve

contrainte par ladaptation apporte. Toutes ces adaptations obissent des impratifs densemble, mais

sont variables en fonction des cultures ou de la gographie. La lutte des classes est une constante et il ny a

pas de socit sans forces conflictuelles, sans hirarchie, cest dire sans rduction des masses au travail

et lobissance. Esclavage, servage et salariat sont les rponses successives cette condition.

La culture a aussi ses cercles concentriques : au temps de la Renaissance, Florence, lItalie, le reste delEurope. Comme les conomies, les cultures organisent lespace et dpassent lconomie-monde. Ce que

la socit ne parvient pas faire, la culture qui est le fruit de multiples processus le ralise, car elle intgre

aussi politique et expansion conomique. Ne plus tre entre marchands justiciables des mmes principes et

juridictions augmenterait par trop les risques. Par ailleurs, depuis toujours la technique se dveloppe de

faon lective dans les zones dominatrices du monde conomique. La manire dont lingalit du monde

rend compte de la monte du capitalisme explique que la rgion centrale se trouve mise au-dessus delle

mme, la tte de tous les progrs possible. Lhistoire du monde est un ensemble de modes de production.

Ces modes de production sont lis les uns aux autres, les plus avancs dpendant des plus arrirs et

rciproquement.

Lconomie-monde peut donc se lire la lumire dune grille qui intgre la fois des lments

conomiques, politiques, sociaux et culturels.

3. Lconomie-monde face aux divisions du temps


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Il sagit ici de mieux situer et comprendre les monstres historiques que furent les conomies-mondes que lhistoire

met des sicles construire et dtruire.

Seule la conjoncture conomique a t srieusement tudie. On distingue des cycles courts et des cycles longs :

les Kitchins de 3-4 ans, les Juglar de 6-8 ans, les Kuznet de 20 ans environ, les Kondratieff de 50 ans et les trend

de 100 ans. Tous ces cycles se mlent, se renforcent ou sannulent.

Les prix ne cessent de varier. Ces fluctuations souvent synchrones sur de vastes espaces sont le signe de la mise en

place prcoce, en Europe de rseaux de marchs. Elles sont aussi le tmoignage de la cohrence dune conomie-

monde pntre par lchange montaire et qui se dveloppe dj sous le signe organisateur du capitalisme. La

rapidit de leur propagation est la preuve de lefficacit des changes. Dj les fluctuations europennes ont une

incidence qui dpassent les limites de lconomie-monde. Le rythme des prix, impos ou retransmis est un signe

dallgeance : le rayonnement de lconomie-monde europenne dpasse trs tt les limites les plus ambitieuses

quon peut lui prter. Bien que peu perceptible dans linstant, le trend, le plus nglig des cycles, est un processus

cumulatif, lent qui sajoute ou se retranche lui mme, de manire prolonge. Les sommets se situent en 1350,

1650, 1817 et 1973-1974. Des mouvements brusques traversent les trend. Joindre les Kondratieff et les trend

permet une vision longue deux focales. Leurs sommets concident une fois sur deux, provoquant attnuation ou

renforcement.

Les mouvements conjoncturels sont dcrits mais encore peu expliqus. Dautres cycles existent galement : ceux

des prix, des productions industrielles, de lor, des mouvements longs de la population. Chaque mouvement est

une oscillation, rsultat dun choc externe. Les fluctuations du commerce au loin ont des consquences sur les prixintrieurs.

Les crises marquent le dbut dune dstructuration, une conomie-monde meurt, une autre va natre, le tout trs

lentement. La rupture est cause par une succession daccidents, de distorsions.

Quen est- il de la majorit des hommes pendant ce temps ? Pendant les priodes de croissance, une charge accrue

est impose aux mondes divers de laction et du travail. Lcart se creuse alors entre les prix et les salaires qui

restent la trane. Le progrs des hautes sphres et laccroissement du potentiel conomique sont pays par la

peine dune masse dhomme dont le nombre saccrot en mme temps ou plus vite que la production. Cest peut-

tre lorsque la multiplication des hommes et de leurs efforts nest plus compense par laugmentation de leur

productivit que le mouvement sinverse et que la crise commence. Cest alors que les salaires se mettent

augmenter : la priode de 1350 1450 est un ge dor pour les petites gens. Cependant lors de la premire phase

de la Rvolution industrielle et de la progression induite, il ny aura pas de diminution du revenu pro capite. Est-ce parce que cette progression norme a dun coup lev le plafond des possibilits ?

2. En Europe, les conomies anciennes domination urbaine : avant et aprs Venise

Jusqu la prminence de lAngleterre, lconomie-monde europenne aboutit un Etat-ville, rduit ses seules

forces et faiblesses. Toutes les villes marchandes du Moyen Age tendent vers la saisie du profit et se modlent sur

cet objectif. Tous les outils du capitalisme existent dj : banques, crdit, frappe de monnaie Les Etats-villes

profitent des faiblesses, retards et infriorits des autres. Les Etats territoriaux ont du mal vivre et se

dvelopper.

1. La premire conomie-monde dEurope

Entre le XIe et le XIIIe sicle, de vastes espaces de circulation se crent, sorganisent, se hirarchisent, les

villes en sont la fois relais, instruments et bnficiaires. Le proto-capitalisme sesquisse et la

modernisation se prsente comme une srie dtapes. Les anciennes limites gographiques romaines sont

repousses. Lespace maritime slargit. La Mditerrane est reconquise sur lIslam. Les hommes

dfrichent, utilisent la roue, les moulins. Dinnombrables villes surgissent au croisement des trafics, elles

assurent la pousse gnrale de lEurope, dautant plus quelles se dveloppent dans un monde rural dj

organis. Les villes possdent des routes, des marchs, des ateliers, de largent qui saccumule. Les

paysans y apportent leurs surplus. Cest avec ceux-ci vers 1150 que lEurope passe de la consommation

agricole directe la consommation indirecte. Simultanment la ville attire toute lactivit artisanale et cre

son monopole de la fabrication et de la vente des produits industriels. Ces lments sont lorigine dune

immense rupture, une vritable renaissance, qui cre la socit europenne et la lance vers ses russites.

Cest dans ce contexte que se dveloppe un rseau urbain, mettant les villes en relation et les obligeant

prendre place dans une conomie de march . LOccident de cette poque est bipolaire. Au nord, des pays

dabord primitifs qui vont aller plutt en " sindustrialisant ", au sud des pays plutt marchands. Au total


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deux mondes diffrents qui se compltent et sattirent. Leur jonction se fait sur une ligne nord-sud dont les

foires de Champagne au XIIIe sicle sont lieu de rendez-vous. Lconomie du nord se cre partir de zro,

ce nest quau dbut du Moyen Age quapparaissent des villes comme Anvers, Lige ou Bruxelles. Les

relations entre loutre-Rhin et les pays de la mer du Nord raniment les Pays-Bas. La population augmente,

lagriculture et lindustrie textile prosprent. Tout ceci aboutit la fortune de Bruges. Ds 1200 des

marchands trangers la frquentent, elle commerce avec lAngleterre, lEcosse, la Normandie, le Bordelais.

En 1277 les Gnois mettent en place une liaison maritime entre la ville et la Mditerrane, suivis par les

Vnitiens en 1314. La ville est alors captive des Mridionaux qui prennent en main son dveloppement

mais elle profite dapports de biens, marchandises et capitaux, de techniques marchandes et financires.Bruges est alors en relation avec la Mditerrane, le Portugal, la France, lAngleterre, lAllemagne rhnane

et hansatique. Son industrie textile, sans gale en Europe, envahit la Flandre. En 1309, elle cre sa bourse.

La Hanse se met en place progressivement vers 1160 dans lespace Baltique-mer du Nord. Au dbut une

nbuleuse de marchands et de bateaux dveloppent des changes entre les pays peu dvelopps de la

Baltique qui fournissent matires premires et produits alimentaires et la mer du Nord. Bruges accueille les

gros bateaux de la Hanse. Toutefois toutes les matires premires venant du Nord nont de valeur que

rexportes vers lOccident avec en retour sel, draps et vin. Les bnfices sont faibles. Pour russir, il est

indispensable de tenir la fois loffre et la demande. Au nord la Norvge est domine. A Londres et

Bruges, la Hanse possde des privilges comme lexemption dimpts. Lapoge de la Hanse arrive

seulement aprs 1370, au moment o survient la grande crise de lOccident. Son dclin dcoule en fait de

la rencontre entre une conomie peu volue, au capitalisme lmentaire, recourant peu au crdit et celle

de lOccident, plus dynamique.

Au XIIIe sicle, les changes reprennent en Mditerrane. Les ports italiens et siciliens profitent de liaisons

prcoces et prfrentielles avec lIslam. Venise est sans eau potable ni agriculture et doit tout changer,

aussi ses habitants ne travaillent-ils que dans les secteurs secondaire et tertiaire ce qui revient laisser aux

autres les travaux les moins profitables. Pour prendre de lampleur Venise multiplie ses bateaux de

commerce et de guerre, sapproprie lAdriatique, carte les villes concurrentes et forge ses institutions

fiscales, financires, montaires, administratives et politiques. Ce sont les Croisades qui en font une plaque

tournante du transport et lui donnent son essor. Les Etats chrtiens ouvrent une brche vers lOrient, le

poivre, les pices, la soie. Lapparition de la frappe de la monnaie en 1250 Florence marque un

affranchissement et une affirmation de force par rapport au dinar islamique encore largement utilis. Les

villes italiennes sont en concurrence, ayant cart lIslam. Venise lemporte. Deux zones conomiques

importantes, formant deux ples se constituent. Le centre conomique se situe entre eux pour de longuesannes, en Champagne. Les tissus du nord partent vers le sud, lItalie envoie poivre, pices, soie, argent

comptant et crdits. Les changeurs italiens mnent le jeu, commandent les foires et saisissent ainsi le

march europen. Les foires dclinent ds les dernires annes du sicle, les affaires se ralentissent,

touchant dabord les marchandises puis le crdit vers 1310-1320. La grande rcession du XIV e sicle et la

Peste Noire suivent de peu. La cration dune route maritime entre la Mditerrane et la mer du Nord la

fin du XIIIe sicle est un autre lment essentiel dans la rgression des foires. De plus, une route alpine se

met en place, favorisant listhme allemand qui connat un essor gnral avec la prosprit de mines

dargent et de cuivre. Lexpansion des marchands allemands se marque dans tous les pays dOccident et en

Baltique. Les foires de Champagne ont t extrmement bnfiques la France qui est devenue le plus

brillant des Etats europens. Avec les derniers Captiens la France est mise progressivement hors du circuit

privilgi du capitalisme et de la modernit qui lencercle en la laissant de ct. Mais nest-ce pas plutt

lEtat territorial qui, avec la France, lAngleterre et le Portugal, est cart ?

2. La prminence de Venise

Aprs les foires de Champagne, lItalie prend la premire place avec ses marchands, ses bateaux, son

crdit. Avec le dveloppement de ses propres centres industriels, il ne lui est plus utile de se rendre au

nord. Elle est protge de la crise conomique du XIV e sicle par son avance conomique et sa capacit

dadaptation, ce qui nest pas le cas des Etats territoriaux. Venise, un temps en lutte ouverte avec Gnes,

est avantage par son chemin dles vers lOrient. Elle se prsente la premire la porte de la Syrie et de

lEgypte. Enfin, elle est proche de lAllemagne et de lEurope centrale qui sont ses clients et lui fournissent

le mtal blanc indispensable son commerce dans le Levant. Celui-ci lui donne une puissance et une

richesse considrables. Le revenu pro capite des Vnitiens est trs lev. Malgr son exigut ses recettes

sont comparables celles de lAngleterre ou de lEspagne, ce qui permet de constater la supriorit desVilles-Etats sur les Etats territoriaux. Le capital investi chaque anne Venise est de dix millions de

ducats. Ceux-ci rapportent quatre millions. Politiquement, Venise est capable de geler lquilibre des villes


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italiennes, de rsister ses adversaires et dcarter le roi Charles VIII de France.

Venise contrle lEurope entire et la Mditerrane. Lespace europen est travers par un axe Venise-

Bruges-Londres. Le centre conomique se situe dsormais lextrmit sud, sa jonction avec laxe

mditerranen. La politique conomique de Venise est une des causes de ce recentrage. Les marchands

allemands ne peuvent vendre que sous le strict contrle de Venise et ne doivent utiliser largent des ventes

que pour lachat de marchandises vnitiennes. En revanche les marchands vnitiens ne peuvent ni acheter

ni vendre directement en Allemagne. Ce systme est impos par Venise toutes les villes qui lui sont

soumises. Au total, toutes les marchandises passent obligatoirement par le port vnitien.

La premire place de Venise peut tre attribue une organisation capitaliste prcoce. Dautres villes

auraient aussi pu y prtendre. Nanmoins, demble, Venise, seule, met en place un systme qui pose tous

les problmes des relations entre capital, travail et Etat. Ds la fin du XII e sicle, elle possde tous les

outils de la vie conomique, les transactions marchandes se font de compte compte sans numraire, par

des jeux dcriture. Les banques permettent certains clients des dpassements de compte et jouent sur les

dpts qui leur sont confis. Des runions boursires fixent le cours des marchandises, les taux des

assurances maritimes. Une hirarchie marchande se met en place, la rpartition de la richesse se diversifie,

les bnfices saccumulent tous les niveaux et ne cessent dtre rinvestis. Les " capitalistes " sont

parfois trs modestes et cest toute la socit qui avance son argent en permanence aux marchands

entrepreneurs. Le crdit est omniprsent et la construction de compagnies de longue dure nest pas

indispensable. Cette autosuffisance capitaliste explique en partie les limites de lentreprise vnitienne qui

nest pas attire par un transfert de ses activits lextrieur. Linvestissement est surtout massif et courtterme. Aprs chaque dpart de galres, la ville est vide de son numraire. Une activit marchande intense

se trouve fragmente en de multiples petites affaires. Le roulement du capital est rapide, de lordre de six

mois.

Sur les 150 000 Vnitiens au XVIe et XVIIe sicle, quelques milliers seulement sont des privilgis, les

autres sont des ouvriers non qualifis ni encadrs ni protgs et desArti, qui forment des corps de mtiers.

Limmigration doit fournir un complment indispensable. LEtat surveille de prs la production et impose

des normes strictes qui garantissent la qualit mais gnent parfois les indispensables adaptations.

La paix sociale sexplique par une redistribution des richesses tous les niveaux et par des salaires levs

qui un jour nuiront la concurrence, notamment avec lindustrie textile du Nord. Venise au XV e sicle est

le premier centre industriel europen. La fin de cette prosprit industrielle, la fin du XVI e sicle et au

dbut du XVIIe, scellera le dclin de la ville. Le capitalisme marchand lemporte sur le capitalisme

industriel jusquau XVIIIe sicle. Lindustrie nest intervenue, avec un certain retard, que pour compenser

un environnement hostile. Avant mme les Grandes Dcouvertes (1492-1498), les Etats territoriaux

saffirment et menacent la destine des villes. LEmpire Turc est le plus redout de Venise. Ses conqutes

territoriales encerclent progressivement la mer. Constantinople est prise en 1453 et transforme en une

ville nouvelle et puissante : Istanbul. Venise choisit la paix, plus favorable aux affaires que la guerre.

Quant au sultan, il est oblig de poursuivre ses changes avec lEurope. Pour cela, Venise lui est

indispensable. Si ce conflit mine la ville peu peu, la dcadence vnitienne ds le dbut du XVI e sicle,

est lie au dcalage progressif du centre europen vers le nord, aux Grandes Dcouvertes, la mise en

circuit de lAtlantique et la fortune du Portugal.

3. La fortune inattendue du Portugal ou de Venise Anvers

Le Portugal lance lexpansion europenne la fin du XVe sicle. Ds 1253, il achve sa reconqute sur

lIslam. En 1415 il sintroduit dans le secret des trafics lointains. Des voyages de dcouverte commencent

ds 1416. Lextrmit sud de lAfrique est atteinte en 1487 mais ce nest que dix ans plus tard que V. de

Gama pourra entreprendre son voyage. Les circuits de locan Indien sont alors vite reconnus et grce au

canon, les navigations arabes et indiennes sont disperses. Les dcouvertes portugaises sachvent avec le

succs de larrive du poivre et des pices Lisbonne.

Le Portugal est une puissance europenne autonome capable dinitiative. Son conomie a dvelopp une

conomie montaire assez vive pour induire le salariat dans les villes et les campagnes. Ses navires

naviguent des ctes dAfrique jusquen Irlande et en Flandre.

A cette priode, lconomie portugaise est encore une conomie priphrique. Ds la fin du XIIIe sicle,


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elle est touche par le circuit maritime et capitaliste qui va de lItalie Bruges et lAngleterre. Pour

contrebalancer le monopole de Venise, Florence et Gnes se tournent vers Lisbonne qui passe alors en

partie sous leur contrle. De 1453 1471, lexpansion portugaise cre un espace conomique cohrent. Le

Portugal a le monopole du commerce avec lAfrique Noire. Gnois, Florentins et Flamands contribuent

ses conqutes et son succs commercial. Les efforts du Portugal vers locan Indien lui cotent

lAmrique, dcouverte avec trop de retard pour concurrencer les autres pays.

Le Portugal reste prisonnier dune conomie-monde qui lui fixe sa place. Anvers le remplace, profitant de

la bascule de lconomie vers le nord. Les navires gnois abordent Bruges en 1277 et placent la ville au-

dessus delle mme. Le dplacement des routes mondiales la fin du XVe sicle et lbauche dune

conomie atlantique dcident du sort de la ville. Anvers qui lui succde na jamais possd de flotte de

commerce, elle na pas de marchands nationaux denvergure internationale. Les trangers transforment la

ville qui est alors mdivale avec une exprience des foires, mais peu lexprience de lentreprise

maritime, du commerce au loin et des formes modernes dassociations marchandes.

De 1500 1569 Anvers subit les ambiguts, les fluctuations et les contraintes dune Europe qui saisit le

monde et a du mal se stabiliser. La ville va vivre trois essors successifs. Le premier est li la collusion

entre le Portugal matre des pices et les marchands allemands, matres du mtal blanc. Le deuxime est en

rapport avec lessor de lEspagne et le mtal blanc dAmrique. Le troisime est le rsultat de la monte de

lindustrie dAnvers et des Pays-Bas.

En 1500, la Flandre et le Brabant sont en pleine euphorie. Anvers est une tape du commerce du drapanglais qui y est teint et redistribu. Les marchands allemands sinstallent massivement dans la ville, y

livrent vin du Rhin, cuivre et argent. Le premier bateau dpice portugais arrive en 1501. Le Portugal na

pas les moyens dorganiser de bout en bout le commerce des pices et prfre confier la redistribution

dautres. Il trouve Anvers le cuivre et le mtal blanc ncessaires ses paiements en Extrme-Orient. En

quelques annes, Anvers brise le monopole vnitien. Cependant, la prosprit de la ville tarde aboutir

un vrai march de largent qui ne peut exister quavec le circuit des lettres de change, des paiements et des

crdits dans tout lespace europen. Or elle ne sy intgre que trs lentement. Les guerres entre Valois et

Habsbourg de 1521 1529 gnent son commerce. Dans les annes trente, le march du poivre et des pices

se dtriore. En ce qui concerne le mtal blanc, le Portugal dispose de Sville, plus proche o arrive le

mtal blanc dAmrique.

La monte des importations de mtal blanc dAmrique via Sville relance Anvers. Charles Quint rvaluelor par rapport largent. Pour faire face ses paiements europens, il se lie aux marchands allemands

dont la capitale reste Anvers. Le march de largent de la ville se constitue entre 1521 et 1539 et les prts

lempereur permettent un emploi fructueux de capitaux. Face sa tche nouvelle de construction de

lAmrique, lEspagne doit se faire aider. Elle a besoin de matires premires et manufactures mais aussi

de navires que le nord lui fournit. Elle ne peut quilibrer sa balance quavec des apports de monnaie et

dargent. La ville devient espagnole. Jusquen 1537 elle brille de tout son clat. Sa population augmente.

Les prix et les salaires montent, la distance entre riches et pauvres saccrot. Des manufactures se crent

dans de nouvelles branches employant de plus en plus douvriers sous-qualifis et sous-pays. Cette

seconde prosprit de la ville est frappe de plein fouet par la banqueroute espagnole de 1557 qui touche la

plupart des pays europens. Le circuit de largent se brise. Les banquiers allemands seront dsormais

remplacs par les Gnois.

En 1559 lEurope retrouve la paix. Le commerce anversois redmarre, bien que lAngleterre, sous le coupde rvaluation de la livre, soit dfavorable aux Pays-Bas. LAngleterre choisit Hambourg pour apprter et

vendre ses draps, et cre sa propre bourse en 1566. Dans ces conditions, Anvers ne peut trouver son salut

que dans la cration de sa propre industrie textile qui lui permet de rinvestir ses capitaux. La russite est

prsente mais des dsordres religieux, politiques et sociaux vont la dtruire. En 1568, les Anglais

annihilent la liaison maritime entre les Pays-Bas et lEspagne qui, pour continuer ses paiements, doit se

servir de Gnes qui deviendra le centre de lEurope.

Anvers a su emprunter la comptabilit en partie double, la lettre de change mais elle a aussi su crer ses

solutions. En 1500, elle ne possde pas de vritable organisation bancaire. Or le numraire ne peut suffire ,

le " papier " doit intervenir, largent fictif jouer son rle en facilitant lcoulement des affaires. La solution

anversoise est constitue par des rglements double sens (doit et avoir), les cdules. Un mme papier

passe de main en main jusquau moment o il sannule. La vieille pratique de lassignation qui tablit une

responsabilit " des cranciers cdants jusquau dernier dbiteur " se gnralise. Ce systme est la fois

simple et efficace dans le sens o il rsout le problme de lescompte. Le montant de la cdule ne fixe ni


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son prix dachat ni son prix de vente. Achete contre argent, elle est paye en dessous de son cours, reue

comme dette elle donne droit une somme suprieure.

4. Le sicle des Gnois

Le sicle des Gnois qui suit, dure de 1557 1627. Discret, il est longtemps pass inaperu. Par le maniement des

capitaux et crdits, les Gnois ont arbitr les paiements et crdits europens.

Les difficults de Gnes sont constantes : sapprovisionner et se dfendre. Ltranger y domine dailleurs souvent.La ville, vulnrable par terre et par mer est plusieurs fois pille et bombarde.

La plupart des problmes se rsout facilement grce largent. Au XVIIIe sicle le port redistribue le bl et le sel.

Gnes fabrique et navigue pour les autres chez qui elle investit la moiti de ses capitaux. Cette situation risque la

pousse la fois tre prudente et prendre des risques. Ses russites et ses checs sont retentissants. Elle doit

montrer les plus grandes facults dadaptation et de mobilisation. Elle dtourne trs tt son profit la soie, les

pices, lor et largent. En 1261, elle sinstalle Constantinople, en 1283 en Sicile o elle confisque la source

lexportation du bl, indispensable lAfrique du nord et obtient en retour la poudre dor. Au XIII e et au XIVe

sicles, elle est partout dans lconomie-monde. Au XVe et au XVIe les Gnois financent les changes entre

lEspagne et lAmrique et commencent avancer de largent lEspagne.

Gnes, prsente dans tous les domaines devient trs discrtement premire entre 1550-1560 et 1620-1630. Labanqueroute espagnole qui met fin au rgne des banquiers de la Haute Allemagne ouvre vers 1557 celui des

Gnois. Les Gnois assurent au roi dEspagne des revenus rguliers partir de ressources irrgulires, la fiscalit

et le mtal blanc dAmrique. Pris dans des tches grandissantes et des bnfices croissants, ils passent des

activits marchandes aux activits financires. Les prts au roi rapportent en principe 10 % mais sy ajoutent

souvent les intrts des intrts, le tout sur des sommes normes. Gnes accumule largent et devient larbitre de la

fortune europenne, essentiellement par sa facult mobiliser le crdit.

La crise des annes 1550 secoue lEurope. Lancien quilibre montaire se rompt. Le mtal blanc plus rare se

valorisait sur le mtal jaune. Larriv de mtal blanc dAmrique inverse cette tendance, les Gnois peroivent les

premiers ce phnomne. Ils jouent la fois sur le change des mtaux mais aussi sur les lettres de change. Le

Portugal et les villes italiennes achtent largent contre des lettres de change payes en or. La liaison est

permanente entre la finance italienne et la finance espagnole. Les banqueroutes de la seconde se rpercutent sur la

premire. Cest la conqute de lespace conomique tranger et la domination dun vaste systme qui a permis lagrandeur de Gnes.

En 1630, la paix signe entre lAngleterre et lEspagne prvoit le transport du mtal blanc vers Londres au moyen

de bateaux anglais. Un tiers de cette masse dargent est monnaye la Tour de Londres. Ce systme de transport

simple et plus sr supplante probablement celui plus compliqu des Gnois qui fait intervenir les lettres de change

dans un circuit plus complexe.

Gnes reste en relation avec les flux de mtal blanc dAmrique grce aux changes commerciaux avec lEspagne

qui elle fournit des produits manufacturs, essentiellement textiles. Les prts avec celle-ci redeviennent plus

faciles et plus profitables dans la premire moitie du XVIIe. Gnes peut ainsi participer plus aisment lnorme

contrebande dargent qui ravitaille lEurope. Les capitaux gnois sinvestissent auprs des princes, des Etats, des

villes comme Venise ou de simples entrepreneurs et particuliers, ceci dans toute lEurope sauf en Angleterre. Levolume des capitaux placs ltranger grossit rgulirement.

Malgr ses volutions, Gnes nest pas revenue au centre de lconomie-monde. Le reste de lItalie semble stre

dsolidaris. Incapacit de lItalie payer le prix de la primaut gnoise ? Incapacit de lEurope supporter une

circulation fiduciaire disproportionne par rapport la masse montaire et au volume de la production ? Par

ailleurs, lEurope du XVe sicle bascule vers le nord.

3. Les conomies anciennes domination urbaine : Amsterdam

Avec Amsterdam, cest la dernire fois quun vritable empire du commerce et du crdit existe sans le concours

dun Etat moderne et unifi.

1. Les provinces unies chez elles


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Etroit territoire, les Provinces Unies ne peuvent suffire leur subsistance alimentaire.

Compte tenu du peu despace disponible levage et agriculture sont dans lobligation dobtenir la meilleure

productivit. Ds 1570, les progrs permettent les premiers dmarrages conomiques, ils inaugurent ceux

qui auront lieu lors de la rvolution agricole anglaise. Les campagnes surbanisent, se commercialisent et

vivent dapports extrieurs. Elles sorientent vers les cultures les plus rentables. Les paysans sadressent au

march pour leurs achats de matires premires, ils sortent de leur isolement, des marchs se dveloppent.

Les marchands quant eux traitent souvent directement avec les producteurs.

En raison de la densit de leur population, les Provinces Unies sont trs urbanises et trs organises. Les

changes et les liaisons sont multiples. Sept Etats indpendants, obligs par lintrt une action commune,

constituent le pays. Ils forment un rseau de villes domines par Amsterdam. Les marins et commerants

de la Baltique y tablissent leur centre. Toutes les nations y abordent et la ville est considre comme le

" magasin gnral de lunivers ". La prosprit de la ville saccompagne dune forte croissance

dmographique. Limmigration est importante, lie aux guerres et aux perscutions religieuses. Un norme

proltariat existe, essentiellement catholique, accompagn dune charit qui tempre la lutte des classes.

Les salaires permettent tous de vivre condition de travailler. Les Provinces Unies partir de 1609 sont

en proie des querelles religieuses et politiques jusquau retour une tolrance indispensable la

prosprit. Le textile emploie de nombreux artisans issus de limmigration. Larrive des protestants

franais, chasss par la rvocation de lEdit de Nantes en 1685 relance cette industrie. Une partie des

rfugis de toutes origines arrive avec des capitaux importants.

La flotte hollandaise est elle seule quivalente toutes les autres flottes europennes. Les transports sont

beaucoup moins chers que dans les autres nations. Les chantiers navals, dont les techniques sont des plus

modernes, produisent des cots imbattables partir de produits venus de la Baltique. Enfin, le crdit est

facile, abondant et bon march. Les marins sont souvent inexpriments et dorigine trangre mais bien

encadrs.

LEtat parat faible et incapable dintervenir. Toute dcision importante doit tre renvoye aux Etats

provinciaux et approuve par eux lunanimit. Cest une lutte sans fin entre la Hollande qui utilise son

pouvoir financier et les princes de la famille dOrange qui " gouvernent " en tant que stathouders de cinq

des sept provinces. Il en rsulte des crises et une alternance des deux rivaux la tte de lEtat. La politique

extrieure joue un grand rle. Nanmoins, dans tous les cas, le souci majeur du pays aura t de conserver

la puissance et le prestige au travers des intrts marchands.

Malgr tous ces changements dorientation, la classe dominante dans son ensemble reste en place avec une

classe privilgie qui se situe au centre de tout le systme politique. La " rvolution " ne fait que consacrer

la classe des rgents, lite qui dtient dimportants pouvoirs en matire de fisc, justice et activit

conomique locale. Les rgents se cooptent, sortent des mmes familles, du mme milieu social. Ils

tiennent les villes, les provinces et toutes les institutions. Durant le Sicle dOr ce pouvoir sexerce dans la

plus grande discrtion alors que les tensions sociales existent dj mais sont rfrnes par largent. Vers

1650 avec larrive au pouvoir des " rpublicains " les choses changent, le luxe fait son apparition.

Loligarchie se retire en grande partie des affaires, dans un processus de bureaucratisation. Le commerce

au XVIIIe devient secondaire pour les privilgis de largent, les capitaux sen dtournent pour sinvestir

dans les rentes, la finance, les jeux de crdit. Les riches rentiers se dtachent de la masse de la socit.

Tourns vers la culture franaise, ils abandonnent la culture traditionnelle. Cette dernire en sera

progressivement influence.

Le systme des impts pargne le capital. Limpt sur le revenu est de 1 % et il ny pas de droits

successoraux en ligne directe. Le poids fiscal sur les impts indirects, beaucoup plus faciles manipuler

que les impts directs, accable le consommateur, surtout modeste. Le riche contribuable peut ainsi

largement participer aux divers emprunts des Etats Gnraux, des villes ou des provinces. Ainsi, vers 1764,

les Provinces-Unies ont un revenu de 120 millions avec une dette de 400 millions faible intrt. Cette

situation permet lEtat de ne pas manquer dargent dans un contexte de guerre et de reconqute

permanente du pays sur les eaux. La bonne gestion de la dette publique permet de ne jamais manquer de

souscripteurs. Au centre de cette conomie-monde, la vie est chre et le privilgi y trouve son avantage.

Jusquaux annes 1680, les Provinces-Unies sont un Etat fort. Lors de la guerre de Trente Ans, elles jouent

souvent un rle diplomatique dominant. Elles maintiennent la guerre hors de chez elles. Les Provinces-

Unies restent une puissance importante jusquen 1718, dpasses progressivement par lAngleterre et la

France.


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Ce sont les intrts marchands qui en fait commandent tout, dpassant les passions religieuses et

nationales.

2. Saisir lEurope, saisir le monde

LEurope a t la premire condition de la grandeur hollandaise, le monde a t la seconde. Dans les deux

cas les Provinces-Unies ont impos leur prminence de la mme manire.

La Baltique et ses matriaux permettent la premire ouverture et sont moteurs des changementsconomiques et politiques du XVIIe sicle. Vers 1554 Amsterdam devient le grenier de lEurope. En 1560,

les Nerlandais attirent 70 % du trafic lourd de la Baltique et leurs navires assurent la redistribution des

cinq siximes des marchandises changes entre la pninsule ibrique, dtentrice des espces mtalliques et

lAtlantique. La saisie de cette ligne de trafic correspond la fondation de la Bourse dAmsterdam. Cette

liaison est si vitale pour ces deux partenaires que la rvolte des Pays-Bas ne linterrompt pas (1572-1609).

Lorsquen 1568 les marchands gnois renoncent financer le commerce svillan avec lAmrique, les

Hollandais prennent la place. Le Nord sintroduit galement dans le commerce espagnol des Indes. Le

mtal blanc obtenu dans la pninsule ibrique permet la Hollande de forcer le march avec la Baltique et

den carter la concurrence. La fortune hollandaise se construit la fois partir de la Baltique et de

lEspagne, bl et mtal blanc dAmrique tant indissociables.

Les disettes cralires mditerranennes des annes 1590 permettent aux navires hollandais de commercer

avec tous les ports mditerranens.

Le dbut de la domination hollandaise est discret et concide avec la bascule de lEurope vers le nord.

Entre 1600 et 1650, lors de la crise sculaire, le Sud sappauvrit mais le Nord se maintient aisment. Tenir

lconomie-monde suppose la saisie de lAmrique et lAsie. La premire, trop retarde, est un chec, la

seconde est brillante et se fait progressivement au dtriment du Portugal vieillissant. Les Hollandais

pensent dabord que leurs expditions vers lAsie peuvent tre purement commerciales mais ds 1599, ils

bombardent le fort lusitanien dAmboine. La Compagnies des Indes orientales, la V.O.C., cre en 1602

regroupe et coordonne toutes les compagnies et activits existantes et constitue un Etat dans lEtat. La

trve conclue pour douze ans avec le Portugal est de plus en plus difficile. La compagnie doit galement

lutter avec les Anglais et les marchands asiatiques. En 1619, la fondation de Batavia concentre en un point

privilgi lessentiel de la puissance et des trafics hollandais. De l, un rseau stable de trafics et

dchanges est cr, avec le Japon vers 1616, Formose en 1624. En 1641, Malacca est enleve et en 1682,lInsulinde est conquise. Les Hollandais simplantent en Inde de 1605 1621 pour sen procurer les toiles

puis Ceylan en 1661. Lempire hollandais ne prend toute sa dimension qu partir de 1650 aprs

lviction et le remplacement du Portugal. Si les Hollandais navaient pas pris cette premire place, les

Anglais avec qui ils sont trs vite en concurrence, lauraient fait.

Les trafics entre des zones loignes, conomiquement diffrentes constituent la plus grande richesse de

lAsie. Toutes les marchandises sont lies les unes aux autres mais aussi aux mtaux prcieux et aux lettres

de crdit qui ne sont quun palliatif. Lor et largent prennent la premire place et viennent la fois

dEurope et dAsie. La Hollande se dtourne du march de la soie en Iran pour maintenir positive sa

balance des paiements, dautant plus quelle peut sapprovisionner en Chine ou au Bengale. Le systme des

compensations marchandes tabli par la Compagnie fonctionne bien jusquen 1690. Un monopole sexerce

sur le march des pices fines. Il consiste enfermer la production dans un territoire insulaire, le tenir

solidement et sen rserver le march. Ce systme aboutit des monocultures qui rendent ces les

dpendantes de limportation des vivres et des textiles. La supriorit hollandaise tient longtemps la

discipline exemplaire de ses agents et la poursuite de plans long terme. Les pices fines qui se vendent

bien en Europe mais aussi en Inde sont une excellente monnaie dchange. Toutes les occasions sont

bonnes la Hollande pour faire dAmsterdam le magasin dun monde quelle exploite.

3. Succs en Asie, insuccs en Amrique

La Hollande doit dgager de ses oprations en Asie la quantit de marchandises que lEurope acceptera de

consommer dans une rotation Amsterdam-Batavia qui doit squilibrer en permanence.

Le monopole des pices et la fixation autoritaire des prix donne longtemps la Hollande lavantage sur les

autres pays dEurope. Nanmoins la concurrence se renforce progressivement. Le systme monopolistiquede coercition et de surveillance est coteux. Au total, des avantages existent au XVIIe sicle, puis la

situation se dtriore malgr des adaptations difficiles. La compagnie anglaise prend une place


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grandissante et finit par lemporter dans des liaisons comme celle du Bengale la Chine. Bien quenvoyant

des quantits grandissantes de mtal en Extrme-Orient, la V.O.C est sur le dclin qui se marque de 1680

1720. En fait la compagnie se prive des avantages dune augmentation de capital. Celui-ci ne permet pas

aux Hollandais dinvestir autant quils le souhaitent ; ils le font sur les valeurs anglaises. Enfin, il est

possible de penser que la compagnie distribue des dividendes trop importants en regard de bnfices

difficiles estimer aujourdhui mais certainement modestes. La Compagnie gagne trois fois moins que ses

actionnaires. Les bnfices de la Compagnie dabord modestes, avoisinent zro en 1724 et deviennent

ensuite des pertes. Le commerce dInde en Inde et les bnfices qui en dpendent dcroissent, ceci cause

de la conjoncture mais surtout cause de la concurrence anglaise. La fraude et la corruption augmententencore le problme, au moins partir de 1650. De plus, la diffrence samplifie entre Amsterdam o vivent

des rentiers tranquilles et Batavia o la dsobissance et le dsordre aboutissent des fortunes particulires

qui augmentent le dficit de la Compagnie. Par ailleurs Amsterdam, la V.O.C savre tre une machine

au service des marchands, dabord non spcialistes mais qui le deviennent ensuite. Pour Braudel, le

commerce au loin a des vertus " capitalistes ", les gros acheteurs sont les vrais matres de lconomie mais

aussi de lEtat des Provinces-Unies.

Contrairement aux pays riches en hommes et en ressources, la Hollande naurait pas eu les moyens de

simposer en Amrique sauf en diminuant les apports migratoires vers lAsie.

Comme les autres pays, elle commence par prfrer le pillage plutt que la colonisation, de prfrence

dans les zones fragiles comme lAmrique portugaise.

4. Prminence et capitalisme

Quel peut tre le capitalisme en place, que se passe-il Amsterdam, comment ce centre du monde se relie-

t-il aux zones de lconomie-monde quil domine ?

A Amsterdam, tout est concentr, des quantit normes de marchandises et de capitaux sont toujours

disponibles. La quantit de marchandises stockes permet de compenser lirrgularit et la lenteur de la

circulation et donc de ragir rapidement la demande et dimposer les prix lEurope entire.

Cette situation devient un monopole qui simpose aux autres nations et toute lconomie hollandaise est

subordonne lentrept. Par ailleurs, la Banque dAmsterdam utilise peu la monnaie mtallique et

travaille essentiellement avec des critures plus souples et plus rapides. En revanche, la Banque

dAmsterdam ne pratique pas le crdit alors que celui-ci est une ncessit vitale compte tenu de

limportance des stocks qui peuvent tre immobiliss trs longtemps. Les marchands eux-mmes offrent un

crdit abondant et bon march dont le rle est clair dans le commerce de commission et le commerce

dacceptation.

Pratiquer le commerce de commission, cest soccuper de marchandises pour le compte dautrui. On

distingue les commissions dachat, de vente, dentrept et de banque. La Hollande impose lingalit entre

les parties, soit le commissionnaire tranger nest quun excutant, soit le marchand hollandais est

commissionnaire. Son crdit lui donne tout pouvoir et cest lui qui finance le commerce de son

correspondant. Cette ingalit contribue rabattre sur Amsterdam une masse norme de marchandises. A

partir de 1750 le commerce de commission saltre, les marchandises ne transitent plus toujours par la

Hollande. Cependant, laccompagnement financier des oprations reste indispensable.

Le commerce dit dacceptation se dveloppe alors son tour. Il est fond par les lettres de change qui

vhiculent le crdit et se concentrent sur la Hollande. Elles circulent comme argent comptant et portent

intrt par escomptes successifs. Compte tenu de la lenteur des diffrents lments circulants, le crdit est

indispensable jusquau moment o le marchand aura la possibilit de rembourser. Le papier se dmultiplie,

reprsentant tantt des avoirs solides, tantt de la cavalerie mais aboutissant Amsterdam o les

marchands trouvent des commodits irremplaables. Ils peuvent remplacer leurs lettres de crdit par de

nouvelles qui augmentent toutefois la dette. Le comptant est lui aussi utilis, souvent abondant, il permet

les jeux risqus de cavalerie rendus possibles par le crdit. Les grands ngociants souvent runis dans des

oprations denvergure sont puissants et relativement indpendants de toute autorit dans tous les Etats de

lEurope.

La prosprit de la Hollande aboutit des surplus, largent est surabondant. Les banques prtent aux

princes des taux trs bas. Le commerce est de plus en plus centr sur largent. De plus en plus difficile employer sur place, il est prt ltranger contre des garanties. La firme qui lance lemprunt livre le

capital lemprunteur et distribue les intrts contre commission. Des titres sont placs par des


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professionnels puis introduits en bourse.

Comment une conomie dominante peut-elle exploiter des conomies subalternes ? Les solutions varient

en fonction de la nature et de lefficacit de la domination.

Les conomies subalternes sont formes dune part dun ensemble de zones faiblement peuples avec des

conomies o la vie rurale cratrice de surplus reprsente la totalit des activits, et dautre part

dconomies territoriales et nationales qui vont peu peu tenir les premiers rles politiques comme le

Danemark ou le futur Etat prussien. Ces conomies sont coiffes par une conomie-monde qui offre

quelquefois une contrepartie, mais qui nexisterait pas sans elles.

La Sude est la fois prcoce, avec un espace politique trs tt dessin, et retardataire avec un espace

longtemps trs limit. Sa population est trs rduite. Elle ne matrise ni son espace ni sa circulation

maritimes. La Hollande carte la concurrence, ses marchands sy installent quelquefois et disposent dune

libert de manuvre accrue. Amsterdam contrle la fort sudoise, le district minier, la mtallurgie. A

partir de 1720, la marine sudoise progresse et sort de la Baltique, ce qui lui permet daccder directement

la plupart des ressources en cartant les intermdiaires. La Sude cre sa propre compagnie des Indes,

cherche galement soutenir une circulation montaire, crer des industries. Nanmoins elle continue

dpendre des circuits financiers dAmsterdam.

En Finlande le systme est triangulaire : paysan producteur, Etat qui peroit limpt et marchand. Le

paysan qui sendette progressivement dpend du marchand qui dpend lui-mme de Stockholm et doncdAmsterdam. Peu peu le paysan se dgage de ses liens avec le marchand et oriente sa production vers le

secteur le plus avantageux tout en restant dpendant des compagnies. Ici, pas de Hollandais en Finlande.

La France du XVIIe sicle est subjugue par la Hollande dont les bateaux envahissent les ports o les

marchands nerlandais se sont installs et ont fait fortune en monopolisant le transport des denres

prissables vers leurs entrepts. Face aux mesures de rtorsion prise par la France, la Hollande boycotte les

produits franais.

LAngleterre ragit plus efficacement que la France aux empitements hollandais : guerre, protectionnisme

vigilant, conomie plus solide. A partir de 1750, la balance sinverse en faveur de lAngleterre, en partie

grce largent prt par les Pays Bas qui a trouv un dbouch indispensable ses capitaux.

Loccupation se ralise en trois tapes : le navire marchand, la " loge " et le territoire occup. Des circuitsexistent dj et il est difficile de les matriser. Les intermdiaires remplissent cette mission et dominent le

commerce jusqu ce que les Hollandais tablissent un monopole leur permettant de remonter les filires,

de devenir indispensables, de prendre tout en main en ruinant lconomie locale puis leur propre conomie

par contrecoup.

Ainsi une conomie-monde fonctionnerait partir dun centre nergique et des faiblesses de sa priphrie,

les conomies infrieures tant rgulirement accessibles lconomie dominante. La liaison avec les

puissances secondes se fait sans violence excessive mais la priphrie ne peut tre tenue que par la force,

par le colonialisme.

5. Sur le dclin dAmsterdam

A la fin du XVIIIe sicle, Amsterdam perd la premire place au profit de Londres. A cette poque elle abandonne

une partie de ses avantages commerciaux et se tourne vers les activits bancaires qui lui assurent de larges profits.

Cette mutation reprsente une dtrioration du capital et une recherche de profits " tranquilles ", rservs une

oligarchie qui se renferme sur elle-mme. Il est possible de comparer le recul dAmsterdam avec celui de Gnes, le

capitalisme dominant achoppe alors au seuil dactivits o lensemble de lconomie arrive difficilement le

rejoindre.

Toutes ces crises paraissent lies au crdit, la masse d" argent artificiel " qui aurait un seuil ne pas dpasser et

qui excderait les possibilits conomiques europennes. Sont galement prendre en compte les guerres pour les

1re et 3me crises et le reflux de la production agricole pour la 2me. Dans tous les cas, le comptant fait dfaut et

lescompte monte brutalement. Des grande faillites font chaque fois craquer un systme tendu lavance. Ces

crises sont diffrentes de celles de lAncien Rgime enracines dans les rythmes et processus de lconomieagricole et industrielle. La Hollande se trouve aussi aux prises avec une rvolution politique et sociale qui aboutit

la division du pays en deux coteries opposes.


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4. Les marchs nationaux

On dsigne ainsi la cohrence conomique acquise dun espace politique donn, cadre de lEtat territorial

aujourdhui et de lEtat national hier. Quand et comment ces Etats ont-ils acquis conomiquement parlant une

certaine cohrence intrieure et la capacit de se comporter comme un ensemble vis vis du monde, relguant

larrire plan les ensembles conomiques primaut urbaine ? Cette mergence correspond une acclration de

la circulation, une monte des productions ainsi qu une augmentation de la demande gnrale. Le march

national a t une cohrence impose la fois par la volont politique et par les tensions capitalistes du commerce,

notamment du commerce extrieur et de longue distance. Ceci incite penser que les marchs nationaux devaient

a priori se dvelopper au plus prs dune conomie monde. De plus le march national a t lun des cadres o

sest labore une transformation essentielle pour le dmarrage de la Rvolution industrielle.

1. Units lmentaires, units suprieures

Le plus lmentaire de ces espaces est lisolat qui permet un groupe humain de vivre et de se reproduire.

Au dessus se situe lunit conomique de plus petit format avec gnralement, quelques villages et un

march loign au plus dune demi-journe de marche. Cette unit correspond un " canton " . Ensuite

viennent les "pays " qui correspondent une ralit culturelle. Les " provinces " mesurent de 15000km

25 000 km et ont t longtemps considres comme la patrie par excellence et " lentreprise politique de

grandeur optima ".

Ces units provinciales sont en fait danciennes nations de taille infrieure qui ont tent de constituer des

marchs nationaux leur chelle. Au centre se trouve toujours une ville qui a su dominer les autres. Le

march rgional dune conomie en bonne sant est toujours concern par un march national et un march

international vers lesquels il doit souvrir pour ne pas stagner.

Le march national est un rseau aux mailles irrgulires, souvent construit en dpit de villes trop

puissantes, de provinces qui refusent la centralisation et dautres intrts divergents. A lorigine du march

national, il y a toujours eu une volont politique centralisatrice. Dans toute lEurope se sont imposes trs

tt des rgions privilgies comme lIle-de-France, partir desquelles ont commenc des constructions

politiques, amorces dEtats territoriaux. Tout ou presque sest construit partir de routes essentielles.

Lconomie est aussi luvre et est ncessaire pour que les Etats modernes sexpriment nouveau au

XVe

sicle. A cette poque, Angleterre, France, Espagne et Europe de lEst ne sont pas les zones les plusavances conomiquement du continent. Elles sont devances par la zone des vieux nationalismes urbains.

En effet, la forme politique rvolutionnaire quest lEtat territorial ne trouve pas sy loger. Une scission

se marque entre les Etats nationaux qui slvent au lieu gomtrique de la puissance, et les zones urbaines

qui le font au lieu gomtrique de la richesse. A priori, une surface politique devient conomiquement

cohrente lorsquelle est traverse par la suractivit des marchs qui finissent par saisir et animer au moins

une grande partie du volume des changes.

Les marchs nationaux et les espaces nationaux ne sont cependant pas en cohrence parfaite, sauf peut tre

pour lAngleterre et les Provinces-Unies. Dans le contexte des marchs nationaux, il sagit plutt de la

recherche de mcanismes intrieurs et de rapports avec le monde dune conomie volumineuse, tale dans

lespace et assez cohrente pour que les gouvernements parviennent plus ou moins la modeler. Le

mercantilisme est la prise de conscience de cette possibilit de manuvrer densemble lconomie dun

pays, autant dire la recherche dun march national.

Les conomies fondes sur les Etats-villes et les Etats territoriaux ont la fois des points communs et des

diffrences. Dans les deux cas, un espace ajout est cr, constituant progressivement une conomie-

monde. Les moyens de domination sont toujours bass sur la force. Les banques centrales constituent un

moyen dasservissement supplmentaire. Lensemble constitue une forme de colonisation. Les conomies

fondes sur les villes achtent leurs moyens de subsistance, les produit du secteurs primaire. Lorsquelles

les produisent se sont seulement ceux qui lui sont les plus profitables. Au contraire les Etats territoriaux

doivent dabord matriser leur conomie agricole, ce qui suppose un budget important, une fiscalit leve,

un surplus de production agricole pour nourrir les villes. La population agricole doit ensuite tre assez riche

pour faire vivre son tour lartisanat. Cest pourquoi lEtat territorial ne peut pas, dans un premier temps,

sengager dans la conqute des marchs mondiaux. Mais une fois cette premire phase ralise, il se rvle

trs suprieur aux villes. De plus, son march national lui donne une puissance supplmentaire.

2. Compter et mesurer


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A ce point de louvrage, il est indispensable de comparer les conomies nationales des priodes donnes

afin de mesurer leur volution. Une " optique des quantits globales " comparable lactuelle comptabilit

nationale est utilise. Lanciennet et limprcision des donnes permettent dobtenir des ordres de

grandeurs.

Lepatrimoine est la richesse globale, la masse des capitaux susceptibles dintervenir dans le processus de

production. Le capital a une efficacit qui varie selon les poques et augmente avec le temps. Le revenu

national peut tre considr selon les optiques, comme tant constitu par la production, par les revenus

des particuliers et par ceux de lEtat et par la dpense. Le revenu pro capite est le rapport entre le produitnational brut (P.N.B.) et le nombre dhabitants. Ce coefficient est un indicateur du niveau de vie moyen et

des variations de ce niveau.

Croissance, dveloppement et progrs. Les deux premiers mots sont souvent utiliss de manire un peu

trop simplifie comme synonymes. Le troisime est trop peu utilis. Le progrs neutre, sans rupture des

structures en place est diffrent du progrs non neutre qui fait craquer les cadres. Lafflux de lor au

Portugal est un exemple du premier et le dveloppement des techniques celui du second.

Le but est dappuyer les chiffres les uns sur les autres pour quils se justifient et se vrifient entre eux tous.

La densit de population a t peu utilise mais il est probable que des seuils de densit ouvrent des

priodes bnfiques ou malfiques influant sur la maturit ou la dsorganisation dun march national. Une

augmentation nest pas systmatiquement favorable.

Le rapport produit de lagriculture / produit de lindustrie a partout bascul en faveur de lindustrie entre

1811 (Angleterre) et 1885 (France).

Le quotient P.N.B. / budget public se situe entre 10 et 20 %.

La tension fiscale est galement un indicateur intressant, le rapport est gnralement suprieur 10 %

voire 24 % en Angleterre au moment des guerres napoloniennes. La pression fiscale semble beaucoup

plus importante dans les conomies urbaines (Venise atteignant 15 %) que dans les Etats territoriaux

(environ 5 %). Les Etats- villes pourraient avoir atteint au XVIe sicle la limite fiscale dangereuse au-del

de laquelle une conomie dAncien Rgime risque de se dtruire elle-mme.

Lvolution dmographique des villes peut tre considre comme une volution indispensable auprocessus de croissance qui a dtermin le mouvement de la proto-industrie.

3. La France victime de son gigantisme

Politiquement parlant, la France est la premire nation apparatre et se parachever avec la Rvolution de

1789. Toutefois, elle est loin dtre un march national parfait. Le pays est essentiellement agricole.

Commerce, industrie et finance ne transforment le pays que lentement. Lmergence dun march national

est un mouvement gnrateur dchanges et de liaisons, contre une inertie qui peut tre lie la taille du

pays.

La France est compose de petits pays replis sur eux-mmes, influencs par les axes de circulation qui

permettent les changes et le changement. Les longues distances concernent les produits indispensables

comme le bl. Ces changes dcloisonnent des provinces qui ont tendance se spcialiser dans certaines

activits profitables, preuve que le march national commence jouer son rle de diviseur de tches. Les

progrs des transports sont dcisifs pour lunit du pays.

Le march national est issu dun espace politique antrieur. La correspondance entre structure politique

nationale et structure conomique ne stablit que peu peu au cours des XVII e et XVIIIe sicles. Les

princes puis la politique interviennent trs tt sur le march national. LEtat franais, form trs

prcocement, surpasse bientt les autres. Malgr la rgression du XIVe sicle, la France reprend la

premire place ds le dbut du XVI e sicle. Cette surpuissance emplit de crainte voisins et rivaux. La

France en subit les consquences contre lEspagne qui prend la suprmatie. Lchec de la France

sexplique par son loignement des centres de richesse successifs que sont Venise, Anvers, Gnes et

Amsterdam. Le partage du monde se fait sans le march national franais, presque ses dpens.

Le pays est victime de son gigantisme qui rend difficile ses liaisons et la diffusion des progrs techniques.

Lexpansion territoriale, bnfique lEtat monarchique et la culture franaise, gne le dveloppement de


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son conomie. Mme pour le bl, le march densemble fonctionne mal et le pays consomme sa production

sur place.

De plus, Paris et Lyon se disputent longtemps la direction de lconomie franaise. Lyon sappuie sur le

commerce, lconomie, lindustrie et les finances. Cependant elle ne sappuie pas assez sur lEurope

avance et une conomie internationale en essor. La fortune de la ville ne rsistera pas des crises

financires successives. Le prestige et le pouvoir de Paris sont lis son importance politique qui lui

permet de dominer la France, sa supriorit sur sa rivale rsulte de lmergence dun capitalisme financier.

Une nouvelle Bourse cre Paris permet la capitale de jouer un rle financier digne delle. Le tournant

dfinitif se situe vers 1760. Paris devient le carrefour financier et politique de la partie continentale de

lEurope occidentale, les capitaux affluent, les affaires se dveloppent. Cependant la capitale ne devient

pas un trs grand centre conomique dans la comptition internationale. La socit franaise manque

dgards vis vis des ngociants et Paris est trop loin de la mer o transitent les richesses du monde. Paris

est donc la premire place financire de France mais pas du monde.

Dautres diffrences existent dans lEtat franais, divis par le mridien de Paris. Louest peut passer pour

en avance grce ses ports jusquen 1570. Lapparition dune France industrieuse au nord et dune France

qui prend progressivement du retard au sud, fait apparatre une nouvelle ligne de partage. La gographie

signale des diffrences permanentes, notamment entre des zones marginales troites et de vastes rgions

centrales.

Les premires suivent en gnral le contour des ctes et des frontires. Elles sont en gnral plutt riches,le commerce est important mais elles se plaignent de manquer de libert. Les trafics des ports diffusent

lintrieur du royaume mais leurs intrts, tout en attendant de la France une attitude plutt protectionniste,

vont gnralement beaucoup plus loin. LAngleterre et la Hollande pour les marchandises, lEspagne pour

le mtal blanc, sont largement concernes.

Les rgions centrales et la terre triompheront nouveau lors de lpisode des Girondins mais une

agriculture trop morcele et une industrie qui manque de moyens et dinitiatives fonctionneront mal. Il est

aussi possible de considrer une troisime France compose dune guirlande dune douzaine de villes

principales comme Grenoble, Dijon, Lyon et de villes accessoires qui tendent une chane de la

Mditerrane la Mer du Nord, sindustrialisent et sont des plaques tournantes commerciales et

financires.

Ds le XVIIe sicle, la France forme dj un march national.A partir des villes-cls, il est possible de

constater un morcellement du pays en zones dpendantes qui dbouchent sur une conomie europenne qui

domine tout.

4. La prminence marchande de lAngleterre

Comment lAngleterre est-elle devenue un march national, comment celui-ci a-t-il impos sa prminence ?

Celle-ci commence au moment du trait dUtrecht en 1713 et est acquise en 1783, une fois la Hollande limine.

LAngleterre est alors au centre de lconomie mondiale.

Entre 1453 et 1558 le pays est vraiment devenu une le autonome et distincte du continent. Cette situation le

conduit valoriser au mieux son espace intrieur. De plus, une dimension modeste lui permet de dvelopper

rapidement un march national. Au moment du schisme, la vente des biens de lEglise relance lconomieanglaise. Les Grandes Dcouvertes le font plus encore, lAngleterre devient le point de dpart vers les mondes

nouveaux. Son aire commerciale stend progressivement sur le monde. Par ailleurs, elle se sent menace par une

Europe inamicale tant sur le plan conomique que sur le plan politique. Elle ragit avec vigueur et entend faire la

loi, dabord chez elle puis lextrieur.

Contrairement aux autres monnaies europennes, malgr toute une srie de crises, la livre ne varie quasiment pas

jusquen 1920. Cette fixit est un instrument crucial de la grandeur anglaise qui lui permet un crdit facile, la

scurit pour les prteurs et des contrats en confiance. Au total, la stabilit de la livre sexplique par une srie de

solutions pragmatiques adoptes pour rgler un problme de linstant et qui se trouvent tre, dans le long terme

une solution efficace. Cette stabilit est lie la tension agressive dun pays contraint par son insularit, par son

effort pour percer le monde, par sa claire notion de ladversaire abattre. La stabilit de la livre est un instrument

de combat.

Londres joue un rle essentiel dans la construction de lAngleterre. Vers 1700, elle compte environ 10 % de la

population anglaise. Tout comme Paris, Londres est un lieu de luxe et de gaspillage. La ville contrle toutes les


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productions et les redistributions de lle grce un quasi-monopole de lexportation et de limportation.

Lessentiel de la circulation se fait par la route mais aussi par cabotage et rseau fluvial. Dans les deux sens les

tapes sont nombreuses, ce qui gnre de lemploi. Les Anglais ne se contentent pas des produits locaux mais

veulent aussi des marchandises de partout. Des banques locales apparaissent ds 1695. Elles se multiplient et sont

lies aux banques londoniennes. Ainsi, sur le plan du crdit, les conomies provinciales sont unifies et satellises.

Au XVIIIe sicle , les centres manufacturiers de province et les ports connaissent un dveloppement rapide.

Au Nord et lEst, lAngleterre impose la culture anglaise des voisins le plus souvent rfractaires. LEcosse du

XVIIe sicle est un pays pauvre avec une conomie archaque. Une vie marchande anime les villes maritimes desLowlands, les marchands sont entreprenants malgr la faiblesse de leurs capitaux. En 1707, lunion politique avec

lAngleterre est vote. LEcosse peut alors jouir des avantages commerciaux dont se prvalent lextrieur les

Britanniques. Par ailleurs le pays ne possdant rien qui puisse avoir un intrt conomique na pas lutter contre

une mainmise imprieuse. Toutefois la prosprit et la possibilit de commercer avec l" Empire " anglais ne sont

pas immdiates. Ce nest que pendant la seconde moiti du XVIIIe sicle que les exportations et lindustrie se

dveloppent franchement, dabord avec le commerce du btail sur pied puis de laine. La terre prend alors plus de

valeur que le travail, llevage stend au dtriment des labours. Ce nest quaprs 1760 que des manufactures de

lin puis de coton, appuyes sur un systme bancaire efficace se dveloppent. La pousse des villes fournit

lagriculture une demande suffisante pour promouvoir une transformation tardive mais efficace.

La situation en Irlande est trs diffrente. Au XII e sicle, les Irlandais sont des ennemis, mpriss et craints qui

peuvent tre considrs comme les grandes victimes du systme qui assura la Grande-Bretagne son hgmoniemondiale. La sujtion irlandaise au march anglais est totale. Lexploitation sorganise partir des domaines

dAnglo-Irlandais qui ont confisqu les trois quarts de la terre. Le pays paie une redevance allant jusqu un

million de livres ces propritaires. Le paysannat travaill par une dmographie montante est misrable. LIrlande

senfonce dans une situation de pays " priphrique ", des " cycles " sy succdent. Elle devient dabord

fournisseur de bois et dveloppe une industrie du fer au profit de lAngleterre jusqu ce que lle soit dforeste.

Ensuite, elle produit dnormes quantits de viandes sales, totalement destines lexportation. La population

locale est toujours aussi affame. Lorsque la viande russe ou des colonies anglaises fait concurrence, samorce le

" cycle " du bl. Des quantits considrables sont exportes jusquen 1846. L encore la population ne profite pas

de la production. La guerre amricaine permet de supprimer un certain nombre dinterdictions qui limitent le

commerce irlandais. Le pays profite de ces concessions. Cependant lIrlande est trop proche de lAngleterre pour

lui chapper et trop grande pour tre assimile.

Au total, le march des les Britannique se dessine partir de la guerre dAmrique qui marque une acclration.LAngleterre devient matresse de lconomie-monde p

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