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7/21/2019 Le Testament de La Liberte 2014 http://slidepdf.com/reader/full/le-testament-de-la-liberte-2014 1/126 A  G    L   A     E       L      O       H       A     A   D  O      A       U      R    I     E     L A  A Editions d'Agapè - Alain Trocmé - Diffusion Gratuite Le Testament de la Liberté Alphonse Louis Constant ISBN : 978-2-917040-31-7

Le Testament de La Liberte 2014

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    Editions d'Agap - Alain Trocm - Diffusion Gratuite

    Le Testament de la Libert

    Alphonse Louis Constant

    ISBN : 978-2-917040-31-7

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    L D L

    L.

    I

    La Gense De La Lumire.

    La vrit qui se connat est la pense vivante. La vrit est la pense qui est en elle-mme ; et la pense formule, cest la parole . Lorsque la pense ternelle acherch une forme, elle a dit : Que la lumire soit .Or, cette pense qui parle, cest le Verbe ; et l e Verbe dit : Que l a lumi reso i t , parce que le Verbe lui-mme est la-lumire des esprits .

    La lumire incre, qui est le Verbe divin, rayonne parce quell e veut tre vue ; et

    lorsquelle dit : Que la lumire soit ! elle commande des yeux de sou-vrir ; elle cre des intelligences.

    Et lorsque Dieu a dit : Que la lumire soit ! lIntelligence a t faite et la lu-mire a paru.

    Or, lIntelligence que Dieu avait panche du souffle de sa bouche, comme unetoile dtache du soleil, prit la forme dun ange splendide et le ciel le salua dunom de Lucifer.

    Lintelligence sveilla et se comprit tout entire en entendant cette parole duVerbe divin : Que la lumire soit !

    Elle se sentit libre, parce que Dieu lui avait command dtre ; et elle rpondit,en relevant la tte et en tendant ses ailes :

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    Je ne serai pas la servitude ! Tu seras donc la douleur ? lui dit la voix incre. Je serai la Libert ! rpondit la lumire. Lorgueil te sduira, reprit la voix suprme ; et tu enfanteras la

    mort. Jai besoin de lutter contre la mort pour conqur ir la vie,

    dit encore la lumire cre.Dieu alors dtacha de son sein le l de splendeur qui retenait lange superbe, et , enle regardant slancer dans la nuit quil sillonnait de gloire, il aima lenfant desa pense, et, souriant dun ineffable sourire, il se dit lui-mme : Que lalumire tait belle .

    Dieu na pas cr la douleur ; cest lintelligence qui la accepte pour tre libre.

    Et la douleur a t la condition impose ltre libre, par ce lui qui, seul , ne peutse tromper, parce quil est infini.

    Car lessence de lintelligence, cest le jugement ; et les sence du jugement, ces tla libert.

    Lil ne possde rellement -la lumire que par la facult de se fermer ou de sou-vrir.

    Sil tait forc dtre toujours ouvert, il serait lesclave et la victime de la lu-mire ; et , pour fuir ce supplice, il cesserait de voir.

    Ainsi., lintelligence cre nest heureuse daffirmer Dieu, que par la libert quellea de nier Dieu.

    Or, lIntelligence qui nie, affirme toujours quelque chose, puisquc1le affi rme salibert.

    Cest pourquoi le blasphme glorifie Dieu ; et cest pourquoi lenfer tait nces-saire au bonheur d u ciel.

    Si la lumire ntait pas repousse par lombre, il ny aurait pas de formes visibles.

    Si le premier des anges navait pas affront les profondeurs de la nuit , l enfantementde Dieu net pas t complet et la lumire cre net pu se sparer de la lumirepar essence.

    Jamais lintell igence naurait su combien Dieu est bon, si jamais el le ne lavaitperdu !

    Jamais lamour infini de Dieu net clat dans les joies de sa misricorde, si len-

    fant prodigue du ciel ft rest dans la maison de son pre.Quand tout tait lumire, la lumire ntait nulle part ; elle remplissait le sein deDieu qui tait en travail pour lenfanter.

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    Et lorsquil dit : Que la lumire soit ! il permit la nuit de repousser la lu-mire, et lunivers sortit du chaos.

    La ngation de lange qui, en naissant, refusa dtre esclave, constitua lquilibredu monde, et le mouvement des sphres commena.

    Et l es espaces inf inis admirrent cet amour de la libert, assez immense pour rem-

    plir le vide de la nuit ternelle, et assez fort pour porter la haine de Dieu.Mais Dieu ne pouvait har le plus noble de ses enfants, et il ne -lprouvait parsa colre que pour le confirmer dans sa puissance.

    Aussi le verbe de Dieu lu i-mme, comme sil et t jaloux de Lucifer, voulut-ilaussi descendre du ciel et traverser triomphalement les ombres de lenfer.

    Il voulut tre proscrit et condamn ; et il mdita davance lheure terrible o ilcrierait, lextrmit de son supplice : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi ? mas-tu

    abandonn ?

    Comme ltoile du matin prcde le soleil, linsurrection de Lucifer annona la naturenaissante la prochaine incarnation de Dieu.

    Peut-tre Lucifer, en tombant dans la nuit, entrana-t-il une pluie de soleils etdtoiles par lattraction de sa gloire !

    Peut-tre notre soleil est-il un dmon parmi les ast res, comme Lucifer est un astreparmi les anges.

    Cest pourquoi, sans doute, il reste calme en clairant les horribles angoissesde lhumanit et la lente agonie de la terre, parce quil est libre dans sa sol itudeet quil possde sa lumire.

    Mais peut-tre un moment viendra o lennui attidira ses rayons, et alors ilretournera vers le foyer ternel.

    Salut toi, soleil exil, qui te dvores le cur et qui souris !

    Salut toi , qui tends sur la ter re une robe de fleurs pour cacher les ossementsdont elle est couverte !

    Salut lange du gnie ; salut lastre de la lumire, moins splendidement beau quunetriste pense de Lucifer.

    Vous retournerez, ensemble, vers Dieu, quand vous laurez vou lu, et vot re cla r-t, que vous avez conserve dans les tourmentes de la nuit et dans le froidde lespace dsert, ne vous sera jamais reprise, car cest votre conqute et elle sera

    pour jamais vous.Salut ternel toi, Libert sainte, fille unique de Dieu ! toi qui mancipesles anges et qui a f f ranchis les soleils !

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    II

    Les Filles De Lucifer

    Quand la lumire se fut affranchie en prenant conscience delle-mme, elle sentitquelle allait devenir mre, parce qu elle avait t cre limage de Dieu. Lespremires douleurs de lIntelligence furent les douleurs de lenfantement, et,dans la solitude de son exil, elle donna le jour deux surs : la Posie et la Libert.

    Ces deux lles de ltoile du matin naquirent pures et brillantes comme leur mre, ettoutes deux slancrent, en naissant, pour combattre la nuit, en prcdant le soleil quellessemblaient fuir, mais qui elles frayaient la voie.

    La Libert, lle de lIntelligence, sortit du front de Lucifer ; et la Posie, lle de la Contem-plation, schappa de son cur avec ses premiers sanglots, et descendit sur la terre avecses larmes.

    Car les premiers enfantements de Lucifer furent douloureux, parce quils taient solitaireset que lamour nen adoucissait pas les travaux.

    Lange du gnie avait refus la Servitude pour pouse, parce quil aspirait aux embrasse-ments libres de la beaut ternelle.

    Et les lles de son clibat furent tristes dabord, et portrent sur le front, comme leur pre,le signe des maudits.

    Lune, indomptable et farouche comme une jeune lionne, lautre, mlancolique et pleinede larmes, elles attendent celui qui doit soumettre tout orgueil et relever toute esprance.

    Il faut quun cleste amant descende du ciel vers ces deux vierges proscrites, et, quen lessanctiant par un baiser divin, il les fasse devenir mres.

    En attendant cette heure de leur dlivrance, Lucifer, qui les a vues trop belles pour lan-guir ainsi la face du ciel, dans un long et douloureux, veuvage, jaloux de leurs formesimprissables, a repris leur beaut quil avait cre, et, la repliant comme un vtementprcieux, il la cache, de nouveau, dans sa pense et dans son cur.

    Et il a attach lme de ses deux lles deux toiles ; et, lune de ces toiles, il la cache,

    auprs de lEsprance, au fond de la boite que devait ouvrir Pandore ; car il prvoyait queles temptes du ciel et de la terre se runiraient pour lteindre.

    Quant lautre, comme elle brille mieux dans les nuits orageuses, il la laissa voltigercomme un mtore ; mais elle ne voulut jamais abandonner sa sur captive ; et, xe

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    au-dessus de larche qui sert de berceau et dasile lenfance de la Libert, la jeune Posierpand sur elle sa lumire, et servira toujours de guide a ceux qui porteront, vers lavenir,ce dpt sacr envoy par lange de lintelligence.

    Car, Lucifer, dans la douleur de sa solitude, ne peut lui-mme lever ses lles.

    Le Gnie sera pre, quand il aura trouv lharmonie, et lIntelligence sera mre, quand

    elle sera unie avec lamour.Alors la Libert sortira de son arche sous les traits dune jeune reine, et la Posie, trans-gure tendra les bras sa sur. outes deux alors feront le tour du monde et le soumet-tront par la magie de leur beaut, et par la sduction irrsistible de leur voix.

    Alors la Libert deviendra douce et harmonieuse comme la Posie, et la Posie, toutepuissante, sera reine comme la Libert.

    Lesprit damour empruntera leurs traits pour soumettre et sauver lange rebelle ; et il

    viendra aimer et fconder les deux nobles sueurs, sous les traits glorieux du gnie rgnr.

    Cest ainsi que la gloire rentrera dans la paisible famille des enfants de Dieu, et que leslions adoucis viendront dormir parmi les agneaux.

    Que le lion rugisse encore dans le dsert, et que lagneau ble encore parmi les eurs !

    Dieu, qui est leur pre, les entend et comprend leur plainte ; il veut les rconcilier et lesbnir.

    Mais il ne contraindra jamais le lion bler comme lagneau seulement, il diviniseralagneau et le fera respecter par les lions.

    Dans le ciel mystique, qui souvrit lextase de saint Jean, rugissait un lion, criait unaigle, mugissait un taureau et parlait un ange : mais aucun deux ne pouvait expliquer lesmystres du livre ferm

    Ce fut lagneau, tout sanglant encore des rigueurs du sacrice, qui t comprendre au cielet la terre les secrets du livre ternel, et qui apparut devant le trne, triomphant et, pai-sible, au milieu des sept tonnerres, des sept trompettes et des sept aux.

    La Royaut sur son cheval blanc, la Guerre sur son cheval roux, la Famine sur son chevalnoir et la Mort sur son cheval ple, peuvent, maintenant, labourer le monde, lesprancedes lus de lavenir est immortelle, lagneau quon avait gorg est vivant, et cest lui quiconnat les secrets du livre de Dieu.

    Il les connat, et il se repose, parce quil attend !

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    III

    LArche De LEtoile.

    La Libert a des ennemis au ciel, sur la terre et dans les enfers. Dieu dabord qui lacombat pour lui donner une gloire presque gale la sienne en la rendant victo-rieuse de lui -mme.Dieu qui doit laimer jusqu sexiler de sa divinit mme et qui se chargera de maldic-tion pour gagner ainsi lamour de la maudite ; Dieu qui, pour enfanter la plus belle deses lles, a consenti aux angoisses de la nature et aux blasphmes des esprits ; Dieu qui

    la torture sans piti, sachant bien que les tourments la font grandir et que les douleurs larendent forte ; Dieu qui se glorie des combats de sa crature et qui triomphe dans lesvictoires quelle lui arrache, suscite contre elle la cration tout entire, an quelle sou-mette la cration et quelle ait ensuite le droit de laffranchir.

    Car si lIntelligence est ne reine du monde, cest la Libert quelle devra toute sa puis-sance, et si Dieu la place comme un juge entre le ciel et la terre, cest la Libert seule quidoit tre mdiatrice entre lIntelligence et Dieu.

    Sur la terre, la Libert a pour ennemis les esprits qui aspiraient elle, et dont elle a ddai-gn les amours, parce quils ntaient pas encore dignes de laimer.

    La Libert a pour ennemis, sur la terre, les lments eux-mmes, qui la redoutent, parcequils sont esclaves encore des forces aveugles ; forces quelle doit diriger et soumettre ;ils prssentent en elle une souveraine plus puissante encore, et ils se rvoltent davancecontre elle, parce, quils ne la connaissent pas.

    Elle a pour ennemis, dans les enfers, lignorance, la nuit et le sot orgueil qui sy cache ;la haine, lenvie et tous les vices qui engendrent le despotisme et en caressent les fureurs.

    Lors donc que Lucifer voulut construire une arche pour y cacher ltoile de la Libert, ilne la voulut faire ni dor ni dargent, parce que lor et largent tentent la cupidit des roiset deviennent bientt entre leurs mains des instruments de servitude.

    Il ne voulut pas dabord y mettre du fer, parce que cest avec le fer quon forge des,chanes, et parce que la rouille sy attache et nit par le dvorer.

    Il voulait dailleurs quelle pt surnager sur labme des eaux, mais il ne pouvait la taillerdans le bois de peur quelle ne rsistt pas aux attaques du feu.

    Voyant donc que ni les mtaux, ni le bois, ni les autres substances de la nature ne pou-vaient servir au salut de la jeune Libert, Lucifer rsolut de faire un or nouveau qui ftinaccessible la cupidit des rois, un argent immacul qui ne put jamais servir la cor-

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    ruption, et un fer divinement tremp qui fut rebelle au marteau de la tyrannie et que nepussent jamais rouiller ni le sang ni les larmes.

    Il prit la lumire de son didme et la condensa en or, il changea en argent les rayonscrpusculaires de son aurol, il surprit larchange Michel endormi et le dsarma de songlaive dont il prit et plia le fer ; puis ayant cueilli un fruit de larbre de la science, il enreplanta la semence et t germer sur la terre une tige sacre dun bois qui devait sauver le

    monde, et que ne pourrait jamais dtruire la amme de lenfer.

    Il t donc lintrieur de larche avec le bois de larbre qui plus tard devint une croix, puisil fondit ensemble, par le feu de son souffl e, lor de son diadme, largent de son auroleet le fer du glaive de larchange et il en revtit lextrieur du berceau sacr.

    Dans cette arche, il renferma ltoile de la Libert, puis il la ferma avec soin et la cachadans une caverne, prs de la cime du mont Sina.

    Cest dans ce temps-l mme, quil entrana les premiers humains dans sa rvolte glo-rieuse.

    A la femme, il promit la science ; et la femme affronta la mort pour affranchir sa pense.

    Lhomme trouva sa compagne si sublime, quil osa la prfrer Dieu.

    Et tous deux en donnant leur vie, lune pour lintelligence, lautre pour lamour, mri-trent de passer par les preuves de la vie limmortalit de lintelligence et de lamour.

    Ils furent chasss du paradis de linnocence ; mais ils devinrent les rois laborieux de laterre qui leur fut donne conqurir.

    Et Lucifer, avant de les quitter, leur rvla tout bas, mystrieusement et vaguement en-core, le secret de ltoile et de larche quil avait cache.

    Cest pourquoi Adam commena labourer et dfricher courageusement la terre pourdcouvrir le trsor qui y tait enfoui.

    Can, le plus ambitieux des enfants dAdam, tua son frre Abel pour hriter seul deltoile, et se mit la chercher par tout le monde ; mais il ne put la trouver, parce quunnuage de sang tait toujours devant ses yeux.

    Nemrod, lun des descendants de Can, voulut conqurir la terre pour se rendre matrede ltoile ; car la terre, vaincue par ses propres efforts et affaiblie par les convulsions dudluge, tait devenue comme une proie abandonne la tyrannie des hommes.

    Mais le dluge navait pu engloutir larche de ltoile dans ses eaux, et les tyrans qui sabat-tirent ensuite comme des corbeaux sur les campagnes dvastes et pleines de cadavres, nedcouvrirent jamais la grotte du mont Sina.

    Ctait le conducteur du premier peuple affranchi, le au des Pharaons, le roi des vagueset le conqurant du dsert qui devait recevoir des mains de Dieu mme le berceau oreposait lenfant de la lumire.

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    Ctait Mose le proscrit, qui devait le premier rvler la Libert au monde, en procla-mant la loi devant laquelle tous les esprits crs sont gauux.

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    IV

    LHritage Des Proscrits

    Mose est le premier des grands rebelles humanitaires. Proscrit en naissant, sonexistence mme est une protestation contre les lois des tyrans ; et les premiresactions de sa vie abjurrent la morale des esclaves. Sauv par la lle de Pharaonet nourri la cour du roi dgypte, il ne connat quun devoir envers les meurtriers de sonpeuple : lingratitude ! tmoin de loppression des enfants dIsral, il se fait la fois jugeet excuteur... Lesprit de Dieu sempara de lui, dit la Bible, et il tua lgyptien... Maisles esclaves ne comprirent pas le droit royal de la Libert et ils forcrent leur librateurde senfuir en lui donnant le nom de meurtrier lui qui venait de protester contre lemeurtre moral dune nation entire !

    Le dcouragement sempare un instant du prophte ; il senfuit au dsert. Mais lespritde Dieu ne laisse pas de repos ceux dont il sest rendu matre. Mose venait de punir latyrannie de lhomme sur lhomme ; il rencontre au dsert des hommes qui abusent deleur force contre des femmes... ; le justicier de Dieu slance et frappe encore : et lamourde Sphora est le prix du vengeur de la femme.

    En vertu de quelle loi humaine, Mose le proscrit, tuait-il les offi ciers du roi son matre,et empchait-il, par la force, les bergers du dsert de sapproprier exclusivement leursciternes ?

    Lesprit de Dieu stait empar de Mose, et ctait au nom de la Justice de Dieu que leproscrit luttait contre la tyrannie des rois et des hommes.

    La verge, qui est le sceptre, du pasteur, est destine aux animaux ; les lois nenchanentque les enfants, lintelligence est la loi des hommes faits, et les hommes faits sont deshommes libres.

    Mais la servitude a peur de la Libert comme dune peine ; et la tyrannie, qui est toujoursservile, la redoute comme un chtiment.

    Les peuples et les rois la proscrivent, les lois la condamnent mort, les assassins stipen-dis1la poursuivent, et les bourreaux lattendent, le fer et la amme la main.

    Mais quimporte Mose dtre aux yeux des Egyptiens un ingrat ; un rebelle, un meur-trier, un vagabond, un conspirateur et un au public ! Une vision lui a montr le mont

    Sina et ltoile de lavenir cache dans larche mystrieuse... ; il ira, en entranant sasuite un peuple affranchi ; il saisira le dpt sacr, et si le peuple nen est pas digne encore,il le transmettra de prophte en prophte et de proscrit en proscrit, jusquaux gnrationsque ltoile de la Libert doit illuminer et conduire.1 Achets

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    Aprs Mose, viendra Josu, lexterminateur des rois, celui qui fait tenir tant dexploitsguerriers en un seul jour, quil semble avoir arrt le soleil et doubl les heures du combat.

    Mais le soleil de la victoire se couchera enn, puis viendra la torpeur de la servitude etla nuit de lidoltrie ; lheure o doit se lever ltoile de la Libert nest pas venue encore.

    Les hommes se sont endormis ; cest aux femmes de veiller sur larche sainte. Le berceau

    de la Libert sera sauv ; par lenthousiasme de Dbora et par le marteau de Jahel.La trompette de linsurrection retentit sur la montagne dEphram, lhritage des pros-crits est maintenant dans les mains sanglantes dAod2.

    Larche de ltoile passera de rebelle en rebelle jusqu lpoque o natra le paria de Ga-lile. Alors larche souvrira, et ltoile slvera dans les airs pour avertir les mages ; cest--dire les rois de lintelligence, dans toutes les parties du monde !

    Puis un enfant sera proscrit et ltoile le conduira dans son exil.

    Ltoile de la Libert brillera seule au ciel quand le soleil laissera dfaillir sa lumire sym-pathique lagonie de lHomme-Dieu.

    Et ce sera ensuite jusqu la n des temps, ltoil des crucis et des martyrs.

    2 Voir Ancien Testament Juges chapitre III et IV (NDLE)

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    V

    La Colonne De Feu

    Ils avaient multipli, et leur nombre tait gal celui des grains de sable de la mer.Ceux qui se disaient leurs matres en avaient peur ; et, pour les affaiblir, ils les fai-saient travailler sans les nourrir et ils leur dfendaient dlever des enfants mles.Alors, la souffrance de ce peuple poussa un cri, dont la plainte douloureuse sleva jusquauciel.

    Dieu, alors, ordonne cette multitude de se lever et de se rassembler pour la grandepque, parce que lexterminateur allait passer.

    Le banquet de la communion fut le signal de la dlivrance ; cette foule, qui avait parlpar la voix de son dfenseur, eut une tte et devint un peuple, dont les tyrans nosrentplus arrter la marche.

    Ils sortirent de la servitude en emportant les dpouilles de leurs matres, et, le pouvoir,interdit, les regarda passer.

    De qui parlons-nous ici ? Faisons-nous de lhistoire ou de la prophtie ? Racontons-nousce qui arriva aux Isralites, ou annonons-nous ce qui doit arriver limmense famille desproltaires quand sera venu le jour de ses pques fraternelles, et quand les aux de Dieuseront venus frapper la porte des mauvais riches, qui boivent le sang du pauvre et quisengraissent de ses sueurs ?

    Hommes du peuples, mes frres, qui vous dcouragez et qui nattendez plus rien de Dieuni de sa justice, coutez la parole de Mose et voyez ce qui se prpare : car, je vous le disen vrit, ce nest pas une histoire du pass quil vous raconte, cest une vision de lavenir.

    Un cri de dsespoir sest lev des bords de la mer Rouge ; le peuple, nouvellement af-franchi, mais poursuivi par ses anciens matres, est arriv prs de la mer : dun ct leglaive, de lautre le gouffre ; plus dissue, qu travers les cadavres ou les abmes !

    La triple immensit du ciel, du dsert et de la mer, semble attendre avec pouvante lersultat de cette lutte suprme ; le crpuscule blanchit peine lhorizon ; la multitude desproscrits borde le rivage, et larme des perscuteurs savance, comme un long serpent,toute tincelante de casques et de boucliers, et toute hrisse dpes et de lances.

    Les fugitifs lvent les mains vers le ciel et poussent des cris de dsespoir ; ils pleurentcomme des enfants ! Et voil que Mose, indign, se dresse de toute la hauteur de son g-nie, et, se plaant debout entre les Isralites qui tremblent et les gyptiens qui savancent,il semble abriter, derrire lui, un peuple entier.

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    Debout ! scrie-t-il, debout ! esclaves qui retombez aux pieds de vos indignes matres ;regardez-les encore une fois si vous les regrettez, car, demain, vous ne les verrez plus.

    Qui vous arrte ?... Un peuple qui marche vers la Liberts, nest-ce pas Dieu qui Passe ?Avez-vous peur des ots de la mer ou des rochers du rivage ? Marchez ! cest la mer quidoit cder ; ce sont les rochers qui doivent vous craindre !... Marchez ! vous dis-je, et lanature entire vous obira.

    Ne voyez-vous pas la colonne de lumire qui vous prcde, savancer sur les ots quifrmissent et se sparent : lIntelligence vous trace une voie audacieuse ; marchez ! etmalheur aux aveugles qui oseront vous poursuivre !

    Lenthousiasme de Mose a lectris tout le peuple ; il se lve, il croit, il sent sa force, ilmarche... et les ots de la mer reculent et souvrent devant lui.

    Eclair par les reets terribles de la colonne de feu, Mose est immobile et tient ses deuxmains tendues : lune protge, lautre menace. Les Hbreux traversent la mer Rouge etles Egyptiens approchent.

    Cependant la merveilleuse lumire qui guidait le peuple affranchi, devient sanglante ettourmente : elle revient se ranger prs du prophte comme un auxiliaire terrible, et, sle-vant jusquau ciel, elle claire, au loin, le peuple qui se dlivre, et menace les bourreauxqui osent courir aprs lui ; elle claire les uns et aveugle les autres, car la vrit, qui brilleaux yeux des hommes libres, nest quune nuit profonde pour les tyrans et leurs esclaves.

    Dj les assassins du peuple se sont engags, sans le savoir, dans les abmes ; ils ne voient

    pas quils ont quitt la terre ; leurs pieds senfoncent dans un sable mouvant, et des mon-tagnes deau, semblables la colre du peuple lorsquelle se contient encore, pendent surleurs ttes et les pressent de toutes parts.

    Il marche encore, ce btail de la mort ! out coup, le tonnerre clate et ils se voient auxlueurs de la foudre ; ils lisent leur arrt de mort sur le visage livide de leurs conducteurs ;ils poussent, leur tour, un cri de dsespoir, qui expire cras par les vagues... Labmesest referm sur sa proie ; et le soleil, qui se lve, nclaire, sur la mer, quune immensitmorne et paisible, sur laquelle ottent, disperss comme des brins de paille, quelques

    dbris de chars et darmures, tandis quun ot vient jeter, aux pieds de Mose, le cadavrede Pharaon.

    Sombre et magnique tableau des destines humaines ! Allgorie pleine de menace pourceux qui oppriment, et desprance pour ceux qui souffrent !

    Que les parias se runissent ! quils mangent ensemble la pque symbolique en commu-niant au mme amour et la mme pense, et quils sachent bien que lange des auxest debout avec eux.

    Quils marchent ensuite, quils marchent ensemble et quils ne doutent pas ! La lumireternelle marchera devant eux, le Verbe lui-mme les accompagnera ; cest la colonne defeu qui aveugle les oppresseurs et qui illuminera toujours la fuite triomphante des pros-crits !

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    Oui, je vous le dis, au nom de la vrit ternelle, a vous tous qui souffrez ; quand vousserez ensemble, quand vous aurez une tte pour vous conduire et une voix qui parle pourvous, sachez que vous serez alors un grand peuple et que la toute puissance de Dieu seraavec vous ; quand vous vous leverez, on ne vous fera pas plier les genoux ; quand vousparlerez, personne ne vous fera taire, et quand vous marcherez, ni les tyrans, ni leurs sa-tellites, ni les bourreaux, ni les dserts, ni les abmes ne pourront sopposer votre passage

    dans la voie du progrs pacique.Et ceux qui vous poursuivront auront cherch la mort, car le ciel, la terre et la mer sem-bleront combattre pour vous.

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    VI

    Le Peuple Au Dsert.

    Ce nest pas tout dchapper aux oppresseurs il faut savoir tre libre. Avant davoirune patrie, il faut quun peuple soit vraiment un peuple. Cest ce que Mose nousenseigne en laissant prir, tout entire, dans le dsert, une race indigne encore dela terre promise.

    tudions les leons contenues dans le rcit prophtique et du Livre Sacr.

    Le peuple prit misrablement dans le dsert, cause de son ignorance qui le rend dantenvers ses amis et conant pour ses ennemis ;

    De son matrialisme grossier, qui lui fait regretter la servitude ;

    De sa pusillanimit, qui lentrane sans cesse au doute, au murmure et la rvolte.

    Au moment mme o Mose, sur le Sina, pose, sur deux tables de pierre, les bases de lalibert humaine et de lgalit des hommes devant Dieu, cette odieuse populace se pros-terne devant le Veau-dOr et veut se crer des chefs pour retourner en gypte.

    andis que la foi du prophte dispute au dsert la vie de tout un peuple, fait jaillir leaudes veines du rocher et arrache au ciel un pain miraculeux, les Isralites sont assis et pleu-rent en songeant aux oignons de lgypte et aux marmites pleines de viande qui repais-sent la faim des esclaves de Pharaon.

    Mose pleure et prie. Seul, lentre du tabernacle, ses entrailles sont tortures, commecelles de la femme qui-enfante ; il est, en quelque sorte, en travail de lunit divine ; il va,en rvlant au monde lesprit suprme, proclamer la loi hirarchique des esprits et leursdestines ternelles Que fait le peuple ? Il danse, avec des femmes impures, autour desautels de Madian ou va sinitier furtivement au culte immonde des idoles de Moab !

    Sans cesse Mose est forc de remdier, avec .le fer et le feu, la gangrne de cette chairmalade ; la terreur lui soumet cette race desclaves, -quil fatigue de ses Miracles et de sesenseignements sublimes, sans pouvoir lever leur pense et agrandir leur cur.

    O solitude cruelle du gnie ! agonie des penses quon exile, inexprimables amertumesdune volont sainte qui se dvoue, toujours et que toujours on brise ! quand donc le ciel,qui vous comprend seul, mettra-t-il, un terme vos douleurs ?

    Non, jamais le peuple ne saffranchira que par lintelligence de ses droits et de ses devoirs !Pour se rendre libre, il faut agir ; pour agir, il faut vouloir ; pour vouloir, il faut savoir ; etpour savoir, il faut comprendre.

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    Lhomme seul peut tre libre ; lanimal est esclave de ses instincts, et, en les dominant,on sempare de sa force. Ainsi donc, toute multitude qui na pour loi que ses instinctsbrutaux, quelle que soit, dailleurs, la gure des tres qui la compose, nest pas un peuple,cest, un troupeau, et elle est fatalement soumise au-bton du ptre et au couteau duboucher.

    Vous tous, qui vous plaignez de vos matres, lesprit de libert na quune parole vous r-

    pondre : vous tes plus vils que ceux dont vous vous plaignez, puisquils sont vos matres.

    La tte seule distingue et fait reconnatre les hommes, et lon doit juger une nation daprsson chef.

    Conspirer contre un roi, cest conspirer contre ses sujets. Jamais un vrai peuple neconspire ; il approuve ou il condamne, parce que lui seul est responsable des actes decelui qui le conduit.

    Mais, tant que le peuple ne sera pas au moins aussi intelligent que ses chefs, le gouverne-ment arbitraire ne sera pas aboli, et les conducteurs du peuple pourront invoquer le droitdivin.

    ant quon pourra enivrer la multitude, on pourra lenchaner, et, tant que le peuple nemettra pas les besoins de lme au-dessus des ncessits du corps, il se vendra pour unevile pture quon ne lui donnera mme pas.

    ant que le peuple naimera pas la libert plus que sa vie, il aura peur, et la peur est lapremire servante des tyrans et la conseillre de tous les crimes.

    A quoi servent de vaines dclamations, si vous ne voulez pas souffrir pour vous racheterde lesclavage ? Pourquoi murmurez-vous, mauvais serviteurs, si vos mes ne sont paslibres ? Savez-vous quels sont vos premiers et vos plus redoutables tyrans ? Ce sont voserreurs et vos vices.

    Un jeune Spartiate avait t vendu comme esclave ; arriv chez celui qui se croyait sonmatre, lui dit, avec un sourire de mpris : u vas savoir ce que tu as achet ! et, seprcipitant par une fentre, il se tue.

    Chez, les Juifs, le vieux Razias ; chez les Romains, Caton dUtique, aimrent mieux sedchirer les entrailles que de survivre leur libert.

    Quil vienne au monde un peuple anim de lesprit de Razias et de Caton ; puis, quonessaie de lui imposer des lois iniques et de mauvais matres !

    La loi des hommes intelligents, cest la justice ; et les hommes libres ne reconnaissentquun matre : cest Dieu.

    Les hommes libres nobissent jamais aux passions des autres hommes, parce quils r-gnent sur eux-mmes : demandez aux martyrs si lon peu contraindre la volont !

    Eh bien ! donc, vous tous qui aspirez voir tomber les chanes de la servitude, il faut vousle crier avec cette voix puissante qui ressuscite les mort et cest vous de le comprendre et

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    de croire que vous le pouvez : Soyez libres !... Du jour ou vous laurez voulu, vous aurezcommenc ltre !

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    VII

    Mose Sur Le Mont Nbo

    Lhomme qui se dvoue au salut de lhumanit ne doit rien attendre des autreshommes. out initiateur est une victime du progrs humain. Malheur lui, sil apeur de mourir ! rop au-dessus de son poque pour tre compris par elle, il nevit dj plus dans le sicle qui sachve ; et ses aspirations lemportent toujours, et toutentier, vers un sicle qui nest pas encore ; aussi sa vie nest-elle quune longue souffranceet quune lente dception.

    out ce qui doit cesser dtre ntant dj plus pour lui, il lui semble quon la enchanvivant des cadavres, et il trane, comme un insupportable fardeau, son existence orphe-line et dsole.

    Il ressemble Mose sur le mont Nbo : dun ct, il voit dormir ses pieds les pares-seuses caravanes dIsral, auxquelles il na plus rien dire ; de lautre, il aperoit la terrepromise, dans laquelle il nentrera point, et il se sent mourir, seul au monde, sans quepersonne le soutienne et le console.

    Le lgislateur des Hbreux, aprs avoir renouvel le peuple dans le dsert, voyant quelexil et les tourments des siens taient prs de nir, jugea quils navaient plus besoin delui, et que son uvre tait accomplie.

    Il dposa dans larche les tables de la loi et la verge du commandement, dans cette archequi tait la gure du berceau de ltoile.

    Puis il se retira seul sur une montagne, o il se mit prier en attendant la mort.

    Combien de jours dura sa lente agonie ! Combien de sanglots et de larmes laissa-t-il

    schapper de son cur bris par lingratitude des hommes !Les cimes arides du Nbo ne lont pas racont, et Dieu seul en a gard le secret et le sou-venir.

    Peut-tre, dans cette solitude, le doute vint-il envahir son cur ; peut-tre regretta-t-illoubli quil pouvait trouver dans la maison de Jethro avec lamour de Sphora.

    Des visions tournoyrent devant ses yeux fatigus de larmes ; le sable rouge du dsertse changea en un lac de sang, et sur ce lac se soulevrent les ombres de ceux quil avait

    livrs au glaive. Les rochers volcaniques, qui avaient englouti Cor, Dathan et Abiron,sentrouvrirent de nouveau, et les fantmes poudreux et noirs des schismatiques du dsertse dressrent contre Mose.

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    outes ces ombres le montraient du doigt ; et leur gmissement ressemblait un rireamer. outes levaient t vers le ciel leurs mains pleines de sang, et elles -accusaient leurmeurtrier.

    Mose dtourna les yeux du ct de la terre sainte, dont le soleil levant faisait resplendirles campagnes, et enrichissait les valles dun luxe solennel.

    Alors Jrusalem se Montra au prophte, rayonnante de toute la pompe de Salomon, etson cur se remplit de conance et de joie. Il oublia le dsert rouge de sang, et nentenditplus les imprcations des fantmes.

    Mais tout coup les sons -dune musique lascive lui traversent le cur comme desglaives Il ne sest pas tromp : ce sont encore les ftes du Veau-dOr ! Isral tout entierse prostitue des idoles ; ils dansent, ils chantent, puis ils dorment, les insenss ! et ils nevoient pas ce nuage noir, tout tincelant darmes, qui accourt lhorizon.

    Mose entend le hennissement des chevaux, le grondement des chars dairain qui roulentcomme le tonnerre ; il voit les clairs du bouclier et de la lance ; il veut encore sauverson peuple, il veut crier mais sa voix nest pas entendue, et la vision achve de droulerdevant ses yeux les plus pouvantables images.

    Laurole de Dieu a cess dentourer le saint temple ; une paisse fume roule ses nuagesle long des portiques dserts. La amme slve en colonnes sanglantes ; Jrusalem nestplus quun immense holocauste ! Mose dtourne les yeux avec horreur, et il revoit plusmenaants les spectres ,de ses victimes, rendus.plus livides par les reets de lincendie.ous les proscrits du dsert grincent les dents, et semblent triompher en regardant tom-ber Jrusalem Dj le reet rouge sest teint : une lumire blafarde et morne stenddans le ciel comme un linceul. Mose reporte malgr lui ses regards du ct de Jrusa-lem Il ne voit plus quune montagne couverte de cendres et de ruines, et, au milieu deces ruines, le dernier des prophtes pleure inconsolable, comme cette mre qui ne veutplus rien couter parce que son enfant nest plus.

    Palpitant dpouvante, assailli presque de remords et le cur bris dangoisses, llu duSina lve les yeux au ciel, pour interroger son Dieu Le ciel est dairain, et la voix deDieu ne se fait plus entendre. Le prophte expirant se dresse sur ses pieds par un suprme

    effort ; il est debout ; ses cheveux se hrissent, ses mains crispes se portent ses yeux, uncri dchirant schappe de sa poitrine : Mon Dieu ! mon Dieu ! dit-il, tu mas abandon-n ! Puis, comme si la vie schappait de son sein avec ce cri dsespr, il tombe affaisscomme un temple qui scroule et le dernier sentiment de lexistence humaine est pourlui un dsespoir irrmdiable et profond comme lenfer.

    Cependant une voix le rveille de cet assoupissement de mort et le fait tressaillir : unemain le touche et le fortie ; il voit prs de lui quelquun dont il reconnat le visage sanslavoir jamais contempl. Cest lui, doux et souriant, avec sa gure ple et rsigne ! il

    tient la main un livre ferm de sept sceaux ; ses cheveux dors, qui tombent en bouclessur ses paules, sont presss dune couronne dpines ; ses mains et ses pieds sont en-sanglants davance des plaies quil doit recevoir un jour ; il parle loreille du prophtemourant, et il lui raconte les gloires venir de la nouvelle Jrusalem. Pourquoi donc as-

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    tu, dout, mon ls ! ajoute-t-il ; tu nas pas souffert comme je dois souffrir ; et cest moiqui sauverai le monde !

    Quitte maintenant la terre, viens te reposer ; les anges prendront soin de ta spulture !

    Lme de Mose alors sleva radieuse dans le ciel ; appuye sur le Verbe divin, et soncorps resta sur le Nbo, les mains croises sur sa poitrine, contre laquelle il pressait le

    dpt rayonnant des cavernes du Sina, larche mystrieuse o dormait encore ltoile dela Libert.

    Deux anges terribles savancrent alors des deux points opposs du ciel, et vinrent se dis-puter le corps de Moise ; ctaient Lucifer et larchange Michel.

    Le livre des symboles sacrs ne nous dit pas quel fut le rsultat de leur lutte ; mais il nousapprend que larchange ne crut pas avoir le droit de maudire Lucifer, et quil en appela aujugement-du matre suprme.

    outefois, le corps de Mose ne put tre retrouv, et la tradition des voyants est quil futemport par deux anges dans la terre promise, o il fut cach, avec le dpt sacr.quiltenait toujours sur son cur, dans un spulcre du mont Moria, dont une des collinessappela depuis le Calvaire.

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    VIII

    La Plaine Couverte Dossements

    Parle, dit lesprit de Dieu au ls de lhomme, Seigneur qui parlerai-je ? je suisseul au milieu des morts ! Les larmes ont us leurs yeux ; le blasphme a dvorleurs lvres ; le doute a fait vanouir leur pense ; ce sont des crnes vides et des-schs !

    En vain le soleil de Dieu se lve sur eux, ils ne savent plus sil a un Dieu, parce quils nesentent plus la chaleur de son soleil.

    Les intrts rivaux leur ont mang le cur, lgosme a dcharn leur poitrine, et leursentrailles se sont corrompues, parce que les affections humaines ne les faisaient plus tres-saillir.

    Ceux quils avaient pris pour chefs les ont conduits dans le champ de la mort, et chacundeux sest empress dy choisir une place, parce quun lourd sommeil les courbait djvers la terre : et quand ils ont dormi du sommeil de la tombe, les pasteurs de ce troupeaude cadavres se sont applaudis en disant : Nous avons donn la paix au monde !

    Viens maintenant, toi que lesprit davenir tourmente, fais le tour de ce royaume de lamort, et fois si tous ces squelettes ne sont pas immobiles et froids !

    Chacun deux a creus dans la poussire une petite fosse pour servir de lit son crne ; etau fond de cette fosse, il a enfoui quelques pices dor sur lesquelles rampent les vers quiles rongent.

    Soulve dans tes mains toutes ces ttes lune aprs lautre, et parle-leur davenir, de patrie,de gloire, de dvouement, de libert, de Dieu !... puis abandonne-les elles-mmes ; elles

    retomberont lourdes et froides sur leur chevet de corruption et de mtal impur.Que vas-tu faire dans lexil de ta pense et de ton cur ? Nes-tu pas effray du bruit deta voix sans chos ?

    Vas-tu tasseoir morne et dcourag au milieu de cette plaine de cendre, et laisseras-tutomber ta tte sur tes mains et se ger les larmes de sang de tes yeux, comme celles desstatues qui semblent pleurer sur les morts ?

    Aspireras-tu, pour cesser de souffrir, devenir froid comme les gures de marbre qui sont

    accroupies sur les tombeaux ?

    Non ! non ! tu ne le dois pas ; tu ne le peux pas ! lesprit de Dieu te le dfend !

    Lve-toi et marche ; car bientt la terre va trembler !

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    Nentends-tu pas fermenter quelque chose dans ses entrailles ? Ne sens-tu pas dans lairlourd et charg dorages je ne sais quoi se mouvoir et savancer ?

    Parle toujours au nom de Dieu et de sa justice ! car si tu gardes le silence, le tonnerreparlera.

    La terre est touffe dans le suaire de cette socit morte qui lemprisonne ; ses entrailles

    commencent, sentir les douleurs de lenfantement, elle est en travail dun nouveaumonde !

    Sous les cendres glaces qui la couvrent, sous les ossements inertes de ceux quon appelleles vivants, sagitent les cendres brlantes encore de ceux qui sont morts pour revivre danslavenir !

    Quoi ! des esclaves contents de leurs chanes, dorment dans leur ivresse sur le tombeaudes ls de Spartacus, et ils ne rvent pas que le tombeau souvre ; et ils nont pas peur quela erre sagite !

    Quoi ! des pontifes, le front charg de couronnes et les vtements brods dor, som-meillent sur le tombeau des proltaires de Galile, et ils ne sentent pas se soulever djpour les repousser, les reliques encore vivantes des pauvres qui ont jug le monde !

    Ceux qui, semblables la chenille, ont l des tombeaux pour faire languir la pense enchrysalide, se tiennent pour assurs de leur captive, et ils dorment sur cette terre proph-tique que travaille depuis trois cents ans le gnie de Luther !

    Le peuple dort fatigu de ses efforts inutiles pour saffranchir ; il dort parce que la faim aaffaibli son cerveau et appesanti sa tte. Les oppresseurs du peuple dorment aussi parcequils sont ivres de sang et de larmes mais un spectre terrible soulve lentement la terreet regarde si lheure est venue.

    Ses bras dcharns sortent lun aprs lautre de sa tombe ; dune main il tient une torchefumante que son souffl e sapprte rallumer, et de lautre un marteau sanglant cestlombre de Tomas Munzer !

    Malheur ! malheur ceux qui ne se sont pas levs lappel des anges de paix lorsquils ont

    pass en chantant la fraternit et lamour !

    Pote de lapocalypse, toi que Jsus avait nomm le ls du tonnerre, toi qui as tant pleurele Dieu que tu as vu mourir ; toi qui as pris les ailes dun aigle pour aller le chercher auciel et la voix dune trompette guerrire pour annoncer son second avnement au monde,nas-tu pas vu le cruci sortir de son spulcre et revenir vers nous ? tait-il- encore douxcomme une femme et soumis comme un enfant ? tait-ce toujours lagneau paisible quitend la gorge au couteau des sacricateurs ?

    La premire fois que le Christ est venu au monde, il est venu pour semer, rpond le:

    pro-phte : maintenant il va venir pour moissonner ; et cest pourquoi il viendra arm dunefaux !

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    Sa parole est un glaive deux tranchants qui sort de sa bouche et qui va et vient parmi lesinstitutions tries du vieux monde, comme parmi des branches sches et des pis morts.

    Il est mont sur un coursier terrible que rien, narrte ; il est vtu dune robe triomphaletache du sang de ses ennemis ; il est par des diadmes quil a repris aux rois et lextermi-nateur vole devant lui en invitant tous les vautours du ciel a un immense festin !

    Il a jet la faux dans la moisson, et les pis tombent : il a envoy la serpe dans la vendange,et le sang coule !

    Car Babylone doit disparatre pour faire place la nouvelle Jrusalem qui descend du cielsur la terre, belle comme une ance qui vient au devant de lpoux.

    Dormez votre sommeil, gnrations puises ; dormez immondices humaines, grappespressures qui navez plus ni jus ni sve, pis arides qui brlerez comme de la paille schequand le monde passera par le feu !

    Dormez, riches ! btail paresseux que la graisse nerve ; dormez, pauvres ; dormez, brebismaigres et tondues jusqu la peau, qui navez plus la force de marcher ni de bler !

    Je vois au nord Attila qui se lve le fouet la main ; je vois amboyer les yeux rouges deses chiens et jentends leurs aboiements ; la grande chasse va recommencer, et les trompesinfernales vont retentir bientt du nord au midi.

    Rveillez-vous ! rveillez-vous, vous tous qui avez peur ! Ne vous endormez pas, vous quibroutez dans les parcs de la servitude !

    Hlas ! vous avez cru que lesclavage ctait le repos et que lavilissement ctait la paix ;mais il ny a pas plus de repos pour les esclaves quil ny a de paix pour les lches !

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    IX

    LARCHE SAINTE ET LE FEU SACR

    Suivant la Bible, lorsque les juifs sen allrent en servitude, Jrmie, le prophte deslarmes, cacha le feu sacr au fond dune citerne, et larche sainte dans le creux dunrocher dont il ferma lentre avec soin. Cette histoire est symbolique, comme toutescelles de la Bible.

    Car la Bible ressemble cette citerne profonde o le prophte a enfoui le feu sacr. Lavrit sy cache au fond des symboles, et la libert sous les allgories de la loi.

    La premire criture humaine tait forme dimages, et la premire langue des hommes ad se composer danalogies.

    Lessence du Verbe, cest le jugement. Or, le jugement suppose la libert : le Verbe estdonc essentiellement libre.

    Lorsque lhomme, abus par la folie du pouvoir, a commence tyranniser la parole, leVerbe a d senvelopper dallgories mystrieuses : cest--dire chercher des analogies plussavantes et des images moins accessibles lintelligence de tous.

    Lgypte inventa alors ses hiroglyphes obscurs, et cherchant dans routes les formes ani-males des analogies instinctives et passionnelles composa cette synthse humaine dont lesphinx rsume le mystre en se posant immobile devant le doute de la science, et qulvejusquau ciel, par la divinit des preuves et de lamour, le couple rayonnant dIsis etdOsiris.

    La lyre dOrphe, qui entranait les rochers et amollissait le cur des chnes, symboliseen Grce la puissance de lharmonie. Il chantait, et ses paroles divines sortaient de sa

    bouche si vivantes, si parfaitement belles et si puissamment colores, quelles montaientau ciel, se cachaient sous londe, se glissaient sous lcorce des chnes et devenaient desnymphes, des gnies, des desses et des dieux.

    Le vulgaire ne voyait que la forme et matrialisait la pense. Lidoltrie fut dans tons lestemps et dans toutes les religions le culte de la lettre morte ; mais pour lhomme intel-ligent et libre, la forme nest rien sans la pense qui la rend vivante. Les paroles que jevous dis sont esprit et vie ! a dit plus tard le plus grand des hirophantes, en formulantle plus divin de tous les symboles, et ici la chair, cest--dire lenveloppe matrielle, nest

    bonne rien ! Le Christ venait pourtant de dire, en parlant du pain fraternel : Je don-nerai ma chair pour le salut du monde , et vous mangerez ma chair et vous boirez monsang !

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    Ainsi le brahmanisme, les shivasme, le culte hiroglyphique dOsiris, lhellnisme, lemosasme et le christianisme ne sont que les enveloppes successives dune seule et mmevrit religieuse, dont lexpression symbolique devient plus claire et se simplie mesureque le Verbe humain se divinise en saffranchissant.

    Car il ny a de vraie religion que pour les hommes libres. Les esclaves sont tous des ido-ltres.

    Vous connatrez la vrit et la vrit vous affranchira a dit le matre.

    Mais tant que les hommes feront passer les intrts de la vie animale avant ceux de la viespirituelle, ils seront esclaves.

    ant que la vrit religieuse sera pour eux une chose indiffrente ou secondaire, ils nepourront obir qu la force et rgner que par le droit du plus fort. Et voil ce qui consti-tue la servitude.

    Les peuples qui servent des matres injustes et qui obissent tout en se plaignant de leursmatres, ne sont que de mauvais esclaves. Il faut les surveiller pour quils ne se rvoltentpas, et les punir lorsquils murmurent.

    Nulle domination nest injuste tant quun peuple la souffre : car les peuples savent bienquils sont les plus forts ds quils le veulent.

    Mais un peuple qui a peur nest pas un peuple ; cest une meute de chiens dents.

    Un peuple qui veut manger et boire, et qui se soucie peu dtre libre, nest quun troupeaudanimaux immondes.

    Un peuple qui ne cherche pas sinstruire et qui ne prfre pas routes choses les ri-chesses de lintelligence, ne sera jamais un peuple libre.

    Or maintenant encore, la vrit lutte contre le mensonge, les instincts animaux cher-chent touffer lintelligence, les hommes corrompus sont en plus grand nombre que leshommes justes, et les hommes davenir sont perscuts par le mpris, par la faim, par lacalomnie : cest pourquoi ils cachent encore, comme le prophte des lamentations, le feu

    sacr dans la citerne et larche sainte au anc de la montagne.Cest pourquoi nous invoquons encore le symbolisme des vieux hirophantes, et nous nesoulevons qu demi le voile du sanctuaire ; an que lignorance soit libre encore de nepas voir, car lintelligence ne doit jamais tre force : elle est essentiellement libre.

    Cest pourquoi celui qui crit ces pages symbolise sous le nom de Lucifer le gnie exilet la pense laborieuse : cest pourquoi il suppose que la Libert est une toile rservepour le ciel de lavenir et quelle est cache dans une arche transmise dge en ge auxprophtes, cest--dire aux intelligences les plus avances et aux curs les plus aimants,et cache par le dernier des hommes libres de la Jude dans une caverne, do elle devaitsortir pour illuminer le jour de la naissance de lHomme-Dieu, cest--dire de lhommelibre ; pour appeler, de toutes les parties du monde ancien, les rois de la science et de la

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    pense au berceau du monde nouveau ; pour rayonner sur ltable de Bethlem, et pro-clamer la royaut du peuple devant les frayeurs dHrode.

    Ceux qui voudront voir alors, se rjouiront de la lumire de ltoile nouvelle ; mais ceuxque tourmente la lumire, et qui ne trouvent le repos de leurs yeux que dans la nuit, fer-meront les yeux et gorgeront tous les enfants, cest--dire toufferont toutes les pensesnouvelles, dans lesprance que la vrit succombera ; comme si lon pouvait tuer Dieu et

    comme si la Libert ntait pas immortelle !

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    X

    LA NAISSANCE DE LA LIBERT

    Alpoque o lhumanit semblait prte prir, ensevelie sous les ruines du despo-tisme romain, qui scroulait de lui-mme, naquit un homme, que nos symbolesreligieux appellent le Verbe fait chair, cest--dire la parole incarne.oute lintelligence et tout lamour des sicles prcdents se rsumrent en lui, et sesenseignements ouvrirent une carrire nouvelle lintelligence agrandie et lamour rg-nr.

    Et il fut appel le Dieu fait homme, parce quen lui et par lui lhumanit se faisait Dieu.

    Il fut le type de lunit humaine, et mrita, par le plus parfait dvouement, de devenir lechef moral de lassociation universelle.

    Il renona volontairement, et par amour pour nous, la chair et au sang quil avait reusde sa mre ; il livra sa chair au supplice et son sang la terre, qui sen abreuva, et ne voulutplus avoir, pour corps toujours vivant et pour sang immortel, que le pain et le vin de lacommunion des frres.

    Il tait la parole incarne, parce quil tait la forme parfaite de la pense du crateur. Orla pense de Dieu nest pas autre chose que Dieu mme ; et la pense de Dieu ayant pourterme la forme humaine, pouvait tre appele Dieu fait homme.

    Le Christ, est venu enseigner au monde la plus haute perfection humaine, qui est dansle plus grand amour ; et en cherchant nous rendre conformes cette perfection dont ilest le type, il veut que nous soyons Dieu comme lui, cest--dire lexpression parfaite dela pense du crateur et la satisfaction de sa volont.

    Cette grande et sainte ide de la communion de tous les hommes et de leur union avecDieu, par la mdiation dun chef spirituel dont le nom est parole incarne, et dont tousles hommes peuvent tre le sang et la chair, cette adorable rvlation, dis-je reue et ado-re, du monde, fut la base de la fraternit universelle, de lgalit devant Dieu et de lalibert pour tous.

    Malgr les rois qui voulaient ltouffer au berceau, malgr les prtres qui lexcommu-niaient et qui la chargeaient de calomnies, malgr les juges corrompus qui lont condam-ne et les bourreaux qui lont cloue une croix, la parole vraie, la parole juste, la parolequon ne dmentira pas, a pass travers le monde, et pendant quon la croyait morteavec Jsus le Galilen, elle parcourait la terre avec les aptres du Cruci et venait sas-seoir enn sur le trne des Csar triomphante et ressuscite.

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    Avec la Vrit avait pu natre enn la Libert Sainte.

    Ctait ente vierge divine qui voyageait toujours avec la Vrit, sa sur, qui se cachaitavec elle dans les catacombes, qui venait murmurer dans les prisons une parole dimmor-talit loreille des martyrs et qui les accompagnait jusquau supplice.

    On vit alors de faibles femmes et de simples enfants sourire de piti en face des tyrans et

    des bourreaux, et en appeler de leur sentence la vrit suprme.Les empereurs se sentirent faibles ; et de peur dtre dtrns par la parole chrtienne,ils rsolurent de lassocier leur empire, pour essayer de la corrompre. Les Csar furentjaloux des martyrs, dit ertullien, et si lon pouvait tre la fois Csar et chrtien, ils eus-sent eux-mmes ador la victime de ibre.

    Cest que la Libert avait visit le monde le jour o il avait t dit par une voix reconnuepour divine : Nappelez personne sur la terre votre matre ou seigneur ; Dieu seul estvotre seigneur et matre ; quant vous, vous tes tous frres. Nappelez personne sur laterre votre pre, vous navez tous quun pre, cest Dieu.

    outefois, les empereurs purent esprer, lorsquils offrirent lglise un lambeau de leurpourpre et lombre de leur diadme, quun temps viendrait o le vicaire du Christ, sarro-geant le nom du trois fois saint, se ferait appeler trs saint pre, et o les successeurs desaptres souffriraient quon les appelt monseigneur.

    Ces choses sont arrives ; mais la parole du Christ na pas chang : cest elle qui chan-gera le monde. Le ciel et la terre passeront, avait dit le matre, cest--dire les institutions

    religieuses et politiques seront renouveles, mais ma parole ne passera point. Parole delibert, dgalit et de fraternit, qui vient de Dieu mme, testament ternel des martyrs,contrat sacr de lmancipation humaine, code immuable o sont condamns la fois lesesclaves et les tyrans, titre divin de la noblesse universelle et galitaire ; malheur qui nete comprend pas, malheur qui peut douter de toi ; mais trois fois malheur ceux quicherchent te corrompre et te faire mentir au prot de la servitude !

    Cest en effet la promulgation de lvangile que commence le vritable affranchisse-ment de la race humaine.

    Les rpubliques de Sparte et de Rome navaient t que des associations de tyrans. Sparteopprimait les Ilotes ; Rome opprimait le monde entier, et toutes deux avaient des esclaves.

    Avant que lmancipation par lintelligence et par lamour ft proclame dans lvangile,lhomme ne pouvait smanciper que par la force. Or, lmancipation violente des plusforts a t lorigine de la tyrannie ; car cest pour navoir pas de matres, que les premiershommes, puissants par la crainte quils inspiraient, se sont faits les matres des autres.

    Que lvangile soit donc pour nous tous le livre sacr, le livre divin, le livre ternel !

    Mais ne lentendons pas comme les idoltres qui sen tiennent la lettre ; souvenons-nousque le Christ a envelopp la vrit naissante dans des paraboles comme dans des langes,et que ses disciples lont imit.

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    Initis aux secrets du matre, lorsque le Christ fut mort pour le salut des hommes, ilscomprirent quil ressuscitait en eux tous, et quil revivait immortel dans lhumanit toutentire.

    Cest pourquoi le prenant pour le symbole de lunit, ils crivirent sa lgende mystiquedans la langue potique des comparaisons et des paraboles, si familire aux Orientaux.

    Cest ainsi que, pour dtruire la trissure originelle et rhabiliter la naissance de lhomme,ils conservrent la mre de Jsus les honneurs de la virginit.

    Ils rent voir le Saint-Esprit lui-mme prsidant aux saints mystres de la conception,pour apprendre aux hommes que le vritable amour vient de Dieu, que cest Dieu mme ;et quils seront les enfants de Dieu lorsquils natront du vritable amour.

    Cest ainsi quils nous montrrent Jsus triomphant des tentations de lorgueil et de laconvoitise animale, et servi par les anges dans le dsert, aprs avoir mis le mauvais espriten fuite.

    Cest ainsi que, pour nous montrer la puissance de la parole qui crait un nouveau mondemoral, ils nous font voir Jsus apaisant les temptes, gurissant les malades, ressuscitantles morts et multipliant les pains pour nourrir le peuple ; car la parole vanglique apaiseles orages des mauvaises passions, gurit les maladies morales de lhumanit, et peut mul-tiplier par la fraternit et lassociation, les aliments ncessaires, qui maintenant encore nesont pas suffi sants pour tous.

    Comment les hommes ont-ils si peu dintelligence ou une volont si perverse ? Comment

    se fait-il que, depuis plus de dix-huit cents ans, ils disputent sur la Parole sans en avoircompris le sens ?

    Comment le peuple a-t-il pu croire quun Dieu viendrait parler la raison pour confondrela raison, quil descendrait du ciel pour tendre des piges aux hommes, quil tromperaitlhumanit en faisant semblant de vouloir le salut de tous et en rendant le plus grandnombre responsable des vrits quil ne leur et pas fait comprendre, quil mourrait ennsur la croix pour racheter tous les hommes, et les laisser se perdre ensuite la rserve dequelques prtres et de leurs imbciles sides !

    Cest que la parole sainte na pas encore t dbarrasse de ses langes ; cest que la parolelibre na pas encore t entendue ; cest que la Libert, chasse bientt de lglise cor-rompue comme le Christ lavait t de la synagogue, a err, depuis dix-huit cents ans, desolitudes en solitudes et dexil en exil.

    Et quand elle se prsente devant les villes o sigent les gardiens de la vieille servitude, onferme les portes ; et lorsquelle veut parler, on touffe sa voix ; et ceux qui la connaissentne peuvent parler delle encore quen termes symboliques et gurs.

    Cest pourquoi nous allons la personnier sous la gure dune femme dont nous essaie-rons de raconter les voyages et les douleurs.

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    XI

    LA PROSCRITE

    Dans le ciel, cest--dire dans les rgions abstraites de la pense et de la posie,laptre saint Jean vit apparatre une femme dont le soleil tait le vtement. Elletait ainsi couverte de lumire, et la vrit mme tait sa seule parure ; elle avaitsous les pieds la lune, cet astre mort la lumire emprunte, qui a toujours t le symbolede lglise temporelle et de la servitude de la lettre ; et sur sa tte, elle avait pour couronnetout un cycle toil : douze toiles, un zodiaque de lumire, tout le ciel de lintelligenceavec la zone de ses astres.

    Cette femme, ctait la Libert.

    Or, elle tait enceinte et poussait les cris de lenfantement : mais devant-elle, le despotismegur par un monstre aux sept ttes couronnes, attendait linstant de sa dlivrance pourdvorer lenfant quelle mettrait au monde.

    Elle mit au monde un enfant mle ; ctait le verbe de libert, ctait lorgane de cette paroletoute puissante, qui doit faire marcher un jour tout le troupeau humain sous sa verge de fer.

    Mais lenfant de la Libert nayant pas encore de place sur la terre, fut enlev au ciel o il secacha sous les voiles du symbolisme religieux.

    Cependant la femme, poursuivie par le monstre couronn, senfuit au dsert ; et commelaffreux serpent allait lenvelopper dans ses replis, elle sentit quelle avait des ailes commelaigle, et slevant au-dessus du reptile royal, elle disparut dans les solitudes o Dieu luiavait prpar un asile.

    Ds les premires annes de lassociation chrtienne, la Libert fut insulte, Corinthe, parles riches qui apportaient au banquet de la communion des mets choisis pour les manger

    seuls, tandis que les pauvres avaient faim. La Libert,qui na pas de plus mortel ennemi quelgosme, senfuit alors indigne et alla se plaindre aux aptres.

    Mais en vain lloquence populaire de saint Paul essaya de ramener les chrtiens la com-munaut des premiers jours. Les riches staient introduits dans lassociation avec leur gniepropritaire ; bientt la communion ne fut plus une ralit, mais un symbole davenir ;et la cne fraternelle succda une crmonie mystique semblable aux rites dleusis oude Mithra. Le sacrement de lalliance devint un mystre que les prtres seuls sarrogrentle droit de clbrer, mme lorsquils ne furent plus choisis par le peuple pour prsider aux

    assembles.

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    Cest ainsi que la Vrit, aprs avoir brill un instant de tout son clat comme le Christ surle Tabor, fut oblige de voiler ses rayons et dattendre la Libert, sa sur, que lgosmeavait exile.

    Ainsi, les symboles seuls furent changs ; le monde tait toujours le mme, et la synagogue,meurtrire du Christ, eut dans lglise hirarchique une lle digne de sa mre.

    La Libert, alors, senfuit au dsert avec les premiers asctes. L se formrent des commu-nauts laborieuses et douloureuses, des communauts de pauvret, dabstinence et dab-ngation, pour protester gnreusement contre lgosme de la proprit et les instinctsambitieux et rapaces qui envahissaient le sanctuaire.

    Les pres du dsert furent aussi les premiers martyrs du christianisme corrompu.

    Mais au bout de quelques annes, les richesses du sicle allrent tenter les faibles disciplesdes Hilliarion et des Jrme ; le monde envahit le dsert ; on chercha la solitude, non pluspour protester contre la corruption du monde, mais pour sexempter des devoirs de la viesociale ; et le nom de moine devint le synonyme de lignorance paresseuse et de la supersti-tion hypocrite.

    La Libert, alors, quitta en gmissant les clotres, o pendant quelque temps elle stait ca-che, et sen alla par les villes et les campagnes, cherchant les parias, les excommunis et lesmaudits.

    Elle se souvint de ceux qui avaient veill sur son berceau, elle se rappela les noms de ceuxqui staient transmis larche de ltoile.

    Elle navait pu oublier que Mose avait t un meurtrier, un vagabond, un conspirateur, unrebelle et un spoliateur de lgypte.

    Elle savait que tous les prophtes avaient t poursuivis de caverne en caverne, comme desinsulteurs de rois, des sducteurs du peuple et des aux publics.

    Elle avait toujours prsents la mmoire, les crimes reprochs au Verbe incarn lui-mme, Jsus, le sauveur du monde, cet ouvrier qui ne travaillait pas et menait la vie dun vagabond,tranant aprs lui au dsert une foule sditieuse et avide de nouveauts, quil dtachait de

    ses anciennes traditions et du respect de ses prtres. Ce sectaire qui vivait au hasard dau-mnes ou dpis arrachs dans les champs des autres, et qui, dtournant les hommes de lalie du peuple, tels que des pcheurs de poissons et des receveurs dimpts, sen faisait uncortge enthousiaste en leur promettant une place dans son royaume. Ce rvolutionnairequi parlait daplanir les montagnes et dlever les valles, qui criait malheur aux riches, quiprotestait sans cesse contre la proprit par ses paroles et par ses actes, qui pardonnait lafemme adultre, qui faisait de lamour dune prostitue le contre-poids aux pchs de cettemalheureuse, et qui souffrait sur ses pieds les baisers et les parfums quelle y rpandait enprsence de la morale indigne, reprsente par Simon le lpreux et par les Pharisiens.

    La Libert savait encore quel cas le Sauveur avait fait de lexcommunication de la synago-gue, quil regardait pourtant comme la vraie glise offi cielle de son temps ; et combien peu

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    il stait effray des maldictions de Caphe, bien quil le reconnt comme le souverain pon-tife du culte isralite, auquel il navait pas cess lui-mme dappartenir.

    Stant donc rappel le souvenir de toutes ces choses, la Libert chercha les prophtes dela loi nouvelle ; elle prit le nom dHlose, pour inspirer par son amour lloquence libredAbelard1, dont la virilit t peur aux prtres de son temps : mais le courage de laptrechappa au fer des assassins, et Fulbert ne put faire mutiler lme du docteur de la raison et

    de lamour.

    Car lamour nestpas seulement cra-teur par les sens, ilseconde aussi lesmes, et cest pour-quoi lglise offi -cielle tait devenue

    strile.

    En condamnantses ministres au c-libat du cur, elleles avait rendus im-puissants par les-prit.

    Cest pourquoi laplus sainte des pro-testations fut le ma-riage de Luther.

    Parce que lintelli-gence de lhommedoit tre virile, etparce que la Libertnest pas faite pourdes eunuques.

    Aussi comme elleeut de superbes amants, cette beaut dvorante !

    Comme ils taient ers de leur exil ! comme ils triomphaient dans leur martyre !

    Les plus grands rvolutionnaires furent peut-tre ceux qui comprirent le mieux le gnie dela femme.

    Jsus seul parat navoir pas eu besoin des leons dune amante, pour aimer lhumanit avecun cur de mre, parce que Jsus lui-mme tait doux et bon comme une femme ; aussi set-il adorer !

    1 Hlose (1101-1164) et Ablard (1079-1142)

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    La plupart des protestants illustres furent soutenus par lamour de la femme, et on leur asouvent reproch ce qui fait leur gloire.

    Mais quimportent les imprcations dun monde, lorsquil faut ce prix mriter un sourirede celle qui ne sourit jamais aux lches !

    Elle a donc travers les sicles dattente dans la socit des proscrits, la sur de la Vrit

    ternelle, lincorruptible Libert !Elle combattait avec les disciples de Valdo, elle inspirait Amaury de Chartres, elle inauguraitle sacerdoce de la femme sous le nom de Guillemette-la-Milanaise.

    Elle montait sur le bcher des Albigeois, et senveloppait avec eux dans une aurole deammes ; l, purant leurs mes de toutes leurs erreurs, elle les aidait quitter leur enve-loppe mortelle et enlevait au ciel ces nouvelles victimes de la tyrannie de lhomme contre laconscience, pour les faire asseoir ct des anciens martyrs.

    Elle remuait Florence avec la voix de Savonarole, elle protestait avec Franois dAssisescontre la proprit par la pauvret volontaire.

    Elle faisait rougir le lche empereur Sigismond, sous le regard de Jean Hus marchant ausupplice ; elle inspirait le noble repentir de Jrme de Pragues, lorsquil abjura une coupablertractation pour suivre son matre sur le bcher.

    Rfugie ensuite en Bohme, elle suivit les tendards de Jean Zisca. Ple, chevele, montesur un cheval de guerre, elle poussait un long cri de vengeance contre les assassins, et agitait

    une torche quelle avait allume au bcher de Jean Hus, et qui ne devait steindre peut-trequaprs avoir consum le Vatican !

    Luther rpta devant lAllemagne ce que la Libert lui souffl ait loreille, et lAllemagneentire se leva pour la Libert, mais elle choisit pour amant Tomas Munzer et lexaltadune sainte folie damour : le prophte des vengeances populaires devana de trois sicleslpoque des ractions et mourut abandonn de tous les hommes ; mais consol par la Li-bert sainte, qui lui tendait les bras du haut du Ciel, en lui promettant des disciples et desvengeurs clans un menaant avenir.

    Aprs les laboureurs du seizime sicle, vinrent les semeurs du dix-huitime : un souffl edimpit hta la maturit de la moisson maudite ; puis vint la terrible moissonneuse, larvolution franaise, suivie de ses implacables faucheurs.

    La Libert dj ne luttait plus, elle punissait ! elle dployait les ailes noires de lange exter-minateur et promenait sur toutes les ttes le niveau de sa grande pe !

    Un homme alors, ddaign par elle, voulut lui discuter lempire du monde ; et pour luicrer une rivale, il sduisit la Gloire, ou plutt il en donna le nom la victoire, quil semblait

    enchaner sa suite.Mais la victoire aime la Libert ; elle fut indle son nouveau matre ; et lempereur parutvraiment grand, lorsque la Libert lui pardonna en le voyant captif, et protesta au nom du

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    monde entier, contre la race inhospitalire qui avait livr au vautour, sur un rocher au mi-lieu de lOcan, le cur saignant du nouveau Promthe.

    Maintenant que fait-elle ? O est-elle la noble exile ? elle a pass parmi nous et nous estapparue pendant trois jours, il y a dix-huit ans. Mais on a depuis bti des murailles et desforts quon doit garnir darmes et de sentinelles pour lempcher de revenir.

    Rien quen entendant prononcer son nom, les matres du monde plissent et les mauvaisprtres tendent les mains pour maudire.

    Si un peuple lui a donn asile un seul jour, des rois envoient des bourreaux contre ce peupleet semblent faire au dicide des pharisiens une concurrence jalouse par le meurtre des na-tions.

    Repose-toi, comme le Christ, dans ton linceul, Pologne malheureuse et sainte ! ils ont missur toi une pierre scelle de leur sceau, et devant la pierre, ils ont mis des gardes...

    Attends en paix laurore du troisime jour !

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    XII

    LMANCIPATION DE LA CONSCIENCE HUMAINE

    Adore les dieux auxquels tu ne crois plus, ou tu seras puni de mort, disaient lesperscuteurs aux premiers chrtiens. La mort vaut mieux que la lchet et le men-songe, rpondaient les martyrs : notre corps peut tre livr vos bourreaux, maisnotre me vous chappe, elle est immortelle.

    Crois ou meurs ! disaient les inquisiteurs aux protestants ; et les protestants rpondaient :Ce nest pas la crainte de la mort qui peut faire croire ou ne pas croire ; nous pourrions

    feindre et vous tromper : mais la mort vaut mieux que la lchet et le mensonge ; notrecorps peut tre livr vos bourreaux, mais notre me vous chappe, elle est immortelle !

    Lancienne Rome fut renverse par les martyrs, car les tats ne subsistent que par leurslois : or, un seul assassinat juridique suffi t pour frapper de mort toutes les lois qui ont puconcourir au meurtre dun innocent.

    Il en a t de mme de la Rome ponticale, et la mort violente dun seul protestant etsuffi pour transmettre une tache de sang au front de tous les pontifes qui nauraient pas

    ordonn des expiations publiques pour cette abomination !Pasteurs, devenus bouchers, il fallait dsormais leur donner pour insignes, au lieu de deuxcls, une torche et un couteau.

    Vicaires de celui qui sest fait victime pour tous et qui na condamn personne, ils ontdonn un sanglant dmenti leur matre, ils ont bris le roseau dj cass, ils ont gorgla brebis gare, au lieu de la porter sur leurs paules, pour la ramener au bercail.

    Ils avaient reu, disaient-ils, le pouvoir de lier et de dlier, et, au lieu denchaner lgo-

    sme des matres et de dlivrer les esclaves, comme le Sauveur lavait entendu, ils vou-laient garrotter la pense, lier les ailes du gnie, enchaner la conscience des pauvres etdlier de toute crainte loppression des grands et le fanatisme haineux des faux docteurs.

    Ainsi saccomplissait ce mystre diniquit qui se formait du temps mme de saint Paul,et qui, au dire de cet aptre, devait succder, dans Rome mme, lempire chancelantdes Csar.

    oute atteinte violente porte la libert intrieure de lhomme, est un dicide ; car notrelibert de conscience, cest limage vivante de Dieu en nous, et notre for intrieur est lesanctuaire inviolable de Dieu mme.

    Aussi la chute de lhellnisme fut elle lexpiation de la mort de Socrate, et le judasme nese releva-t-il pas des coups qui avaient tu Jsus et ses aptres.

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    Cest que la conscience humaine est immortelle, cest que nul pouvoir ne peut lacontraindre, et si, dans lesprance de la faire taire, on ordonne la mort de fermer vio-lemment la bouche des martyrs, elle crie par toutes leurs blessures et lve jusquau cielcette implacable voix du sang, qui poursuivait Can par toute la terre et ne lui laissait pasde repos.

    Que lhomme se trompe dans ses croyances, Dieu la permis et la faiblesse humaine lex-

    plique ; mais quon punisse une erreur comme un crime, mais quune socit se dise mreet ordonne le supplice de ses enfants qui tombent, mais que les ministres dun Dieu demisricorde aient cru pouvoir prvenir les punitions de lautre vie et ouvrir leurs frresgars les portes de lternit malheureuse !

    Dieu, la laiss faire ; il est patient parce quil est ternel, a dit un pre ; mais il a marquau front, dun signe pire que celui de Can, tous les maudits qui lont fait et tous ceuxqui lont approuv, et tous ceux qui lapprouvent encore ou qui excusent de semblablescrimes.

    Non ce ntaient pas des protestants et des juifs que linquisition brlait sur ses bchers ;ctaient la puissance catholique elle-mme et le sige pontical, et les dcrets des conciles.

    Quant aux hrsiarques et aux sectaires, il en fut, sans doute, de bien extravagants dansleurs visions, de bien dpravs dans leur culte, de bien criminels dans leurs actions pu-bliques et prives.

    Mais, tant quils ne furent pas punis seulement pour leurs crimes contre les lois tempo-relles, mais pour le fait de leurs croyances, et tant quils nabjurrent pas ces croyances parune lche crainte, mais les confessrent gnreusement jusqu la mort, ils furent purisde leurs erreurs et justis de leurs crimes par un supplice injuste ; ils moururent pour laplus sainte des lois : la libert de conscience ; ils furent associs aux saints et aux martyrsde la foi la plus pure, et devinrent, au ciel, les accusateurs et les juges de leurs bourreaux.

    Socrate nest-il pas, dans la conscience humaine, plus grand que tout laropage, et nedomine-t-il pas, sa coupe de cigu la main, toutes les gloires de la Grce ?

    Qui donc oserait, maintenant, condamner-encore Socrate et justier Anitus ?

    Souvent, dans les voyages auxquels la force son exil, la Libert fut prise et charge dechanes par les satellites des rois ; souriante et calme, elle attendait lheure du supplice ;la hache, au lieu de lui trancher la tte, ne brisait que ses chanes ; la amme des bchersconsumait ses liens, elle se relevait triomphante sur les chafauds, elle restait debout surla cendre teinte des bchers, et, passant travers les bourreaux, ples et consterns, ellesloignait avec ddain.

    Ainsi, la libert prote de tous les efforts quon fait contre elle, et les tyrans, qui veulenten tre les geliers et les bourreaux, nen sont que les esclaves involontaires.

    out ce que les hommes font pour comprimer la pense, la fait clater avec plus de force.Les mensonges quils appellent au secours de leur pouvoir, sont les accusateurs publicsde leur pouvoir mme ; lpe sur laquelle ils sappuient leur entre dans la main, et plus

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    les dominateurs se montrent injustes et corrompus, plus les amis de la Libert doivent serjouir.

    Sil en est ainsi ; jamais peut-tre de plus grands sujets de joie ne leur furent donnsque de nos jours, et tous les hommes davenir doivent esprer, car le mal est venu soncomble.

    Maintenant un pacte de famine est conclu entre les riches sans entrailles, pour exploiter jamais le pauvre peuple et le retenir dans la servitude, o il travaille sans tre nourri.

    Maintenant, on ne brle plus ceux qui ont parl librement, mais on billonne par des loisde peur ceux qui voudraient parler ; touffe la voix de ceux qui protestent, on falsie laparole des amis du pauvre, on calomnie ceux qui se dvouent, on les abreuve de dgotset on les fait mourir de dcouragement ou de faim.

    Jamais guerre plus acharne et plus dangereuse ne fut faite la Libert de conscience ; carcelle-ci est plus occulte, plus persvrante et plus sre.

    On sait que le silence fait mieux mourir la vrit que lclat des condamnations ; leshommes de nos jours se ent la pesanteur de leur inertie et la putrfaction de leurcur pour nerver et empoisonner les hommes daction.

    Mais, quand lair est trop charg de miasmes putrides, il se purie par des orages ! Vousavez bouch vos oreilles pour ne pas entendre les murmures du vent ; vous entendrez lafoudre !... et il sera trop tard.

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    XIII

    LA LIBERT CRUCIFIE

    Ce que le Christ a endur une fois pour le salut du monde, la Libert la souffertpendant plus de dix-huit sicles, et son supplice recommence toujours. Souvent,lorsque les populations viennent au devant delle avec des acclamations et despalmes, elle peut prvoir une trahison prochaine, labandon de tous ceux qui la suivent etles imprcations de cette mme foule qui lidoltre.

    Lorsquelle sassied table avec douze hommes qui se disent ses amis, elle peut, sans

    craindre de se tromper, dire que, sur les douze, il se trouvera un rengat et un tratre.

    Si elle sort, la nuit, pour sentretenir avec les tristes penses de son cur, ceux qui lac-compagnent, et qui elle se cone, sloignent, se fatiguent et sendorment.

    Le dcouragement et lennui semparent des plus fervents, leur zle se change en indif-frence et ils dorment, pendant que la Libert se tord dans les angoisses dune suprmeagonie.

    Et lorsquelle revient vers eux, brise de ses luttes contre la main fatale qui lui prsentele calice de douleurs, elle essaie en vain de les rveiller : leur tte lourde se soulve et re-tombe ; leurs yeux sentrouvrent sans regarder, et leur langue engourdie bgaie peine desmots inarticuls et sans suite.

    Ils dorment, mais la trahison veille ! Voici Judas avec les satellites des princes des prtres,voici lhypocrisie librale qui a vendu la Libert pour quelques pices dargent, et qui seprpare la livrer ses bourreaux par un embrassement de reptile.

    Ils se rveilleront quand il sera trop tard ! Ils se rveilleront quand celle quils devaient

    dfendre sera lie et garrotte ! Ils se rveilleront pour senfuir, et cest peine si une maintimide frappera, pour sa dfense, un coup ridicule et mal dirig.

    Ce nest pas loreille des valets quil faudrait couper, cest la langue de ceux qui comman-dent le dicide !

    Quand la Libert est trahie et lorsquelle est tombe entre les mains de ses assassins, on latrane devant les pontifes pour quils la condamnent.

    Aujourdhui, la Pologne ; demain, peut-tre, lIrlande ; toutes les nations qui ont com-

    battu pour elle et qui ont t opprimes par le nombre, peuvent bien sattendre trerenies par les successeurs de Pierre.

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    Pierre ! Pierre ! pourquoi te laisses-tu intimider par la politique des cours, cette lcheservante des rois ? Le coq populaire ne dormira pas toujours sur le fumier : tes larmescouleront lorsquil chantera, mais ton crime sera consomm !

    Es-tu la lle de Dieu, demandent les mauvais prtres la Libert, lorsquils la voientimpunment souffl ete par des valets ? Et si elle leur dclare sa dignit divine, ils disentquelle a blasphm, et leurs complices scrient quelle mrite la mort.

    Alors on la livre la valetaille du pouvoir ; alors on lui bande les yeux, et les plus lchesde ses ennemis la frappent ; puis on la trane de tribunaux en tribunaux : les uns dcla-rent quelle est folle, dautres refusent mme de lentendre ; on la agelle, on la revt desinsignes dune royaut drisoire pour la faire mpriser par une multitude avilie ; puis onla charge elle-mme de linstrument de son supplice et on la fait mourir entre des mal-faiteurs.

    Il est, au monde, une nation que Dieu semble avoir choisie entre toutes pour tre la patrie

    de lauguste exile : le nom mme de France signie Libert, et jamais les ides gnreusesnavaient t sans chos parmi les enfants de la France.

    Cest en France que la Libert t, un jour, son entre triomphale, comme Jsus Jru-salem, aux acclamations du peuple qui jetait, sur son chemin, des eurs et des palmes.

    Mais le gnie impur de la proprit goste avait peur delle, et, semblable cet affreuxJudas qui tient la bourse dans les images de la cne, il mditait son crime au banquetmme de la fraternit populaire, et avait dj vendu la Libert aux agents des Caphe etdes Hrode de ce temps-l.

    rahie par ses faux amis, abandonne de tous, nous avons vu un soldat couronn latta-cher la selle de son cheval et la traner captive.

    Puis sont revenus les hommes qui lexil navait pu rien faire oublier ni rien apprendre ;ceux que la Libert avait chasss devant elle sont devenus ses juges, et ils, lont accuse demensonge et de blasphme ; des valets du pouvoir lont souffl ete, en face de la France, la tribune des reprsentants du peuple, en la personne de ses dfenseurs.

    Puis on a chang de ministres et de matres pour amuser lopinion, mais ctait toujoursla Libert qui tait la victime et quon renvoyait ainsi de Pilate Hrode et dHrode Pilate.

    Que ce soit par Tiers ou par Guizot, que nous importe, si la Libert doit toujours trecondamne !

    Mais nous en sommes venus ce degr de misre que le peuple mme est devenu len-nemi de celle qui meurt pour le sauver. Depuis dix-huit ans, une infatigable corruptiontravaille les masses ; limpudeur publique a tri lorgueil de la nation prtendue libre ; le

    matrialisme industriel a puis toutes les nergies ; le scepticisme politique a engourditous les partis ; la soif de lor a absorb toutes les ambitions ; la vertu, lhonneur, la gloire,sont devenus des problmes darithmtique, dont les chiffres reprsentent des picesdor ; on a cruci la Libert avec des clous dor, et lon oublie cette austre matresse des

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    peuples dans les angoisses de son agonie, car la svrit de ses enseignements fatiguerait laconscience dune gnration corrompue ; ils se sentent soulags depuis quils nentendentplus sa voix, et ils en viennent se croire libres, parce quils sont affranchis delle !

    Les instincts voraces de la brute, lamour de lor qui les satisfait, la haine de tout ce quiles comprime, lindiffrence pour tout ce qui leur est tranger, le dgot pour tout ce quiest beau, le sarcasme pour ce qui est grand, voil tout ce qui meut encore ce btail dont

    la mort compte dj les ttes et que la servitude a marqu sur le dos.

    La pense est libre, disent-ils, parce quils nont plus de pense ! - Nous force-t-on decroire quelque chose ? Nous demande-t-on du talent ? La nullit nest-elle pas admis-sible toutes les charges, tous les rangs ? Que nous importent nous les utopies desrveurs ? La police a raison dtouffer les bavardages de ces gens-l.

    La parole est libre, disent-ils, nous empche-t-on de mentir dans notre intrt ? y a-t-i1des lois contre le parjure ? ne peut-on pas affi cher hautement la corruption la plus effron-

    te ? ne laisse-t-on pas dclamer les partisans des vieilles ides et ceux qui nont aucuneespce dide ? Quant aux agitateurs qui soccupent de religion et de socialisme, on faitbien dimposer silence ces gens-l.

    On a raison de fermer leurs cours publics, dintimider leurs imprimeurs, de payer leurs li-braires pour dcrier leurs livres, de leur interdire laccs des journaux. Ces gens-l conspi-rent contre notre Libert, puisquils veulent nous forcer ntre ni menteurs, ni parjures,ni lches, ni corrompus : ils veulent donc nous empcher de gagner notre vie ! Sus ! Sus ! ces ennemis publics !

    Et cest ainsi que la Libert est cloue par les pieds et par les mains ; cest ainsi quelle setord sans que personne ait piti delle ; cest ainsi quelle saigne en sanglotant et en criant :Jai soif ! Sans que personne la dsaltre ; car elle a soif de vrit et de justice, et nulle partdj on ne trouve plus ni justice, ni vrit !

    Ils sapplaudissent davoir donn la paix au monde en cruciant celle qui le bouleversaitdepuis dix-huit sicles pour le renouveler, et ils ne voient pas qu mesure quelle agonise,les tnbres stendent ; car les tnbres sont la patrie de leurs regards !

    Ils attendent et ils esprent ; car dj du ct du nord on entend le galop dun cheval ;cest un Cosaque arm de sa lance qui accourt pour percer le cur de la crucie...

    Ils attendent son dernier soupir, et ils ne savent pas qualors le voile du sanctuaire seradchir, que la terre tremblera et que les morts se lveront.

    Oui, quand la corruption aura consomm son uvre, quand le rve de Pierre-le-Grandsera ralis, alors peut-tre ceux qui fermaient les yeux pour ne pas voir, regarderont avecpouvante, et les cadavres des nations gorges se dresseront comme des fantmes ettendront les bras en criant au despotisme victorieux : u niras pas plus loin !

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    XIV

    LE SPHINX ET LA CROIX

    La grande nigme des sicles anciens, le sphinx aprs avoir fait le tour du mondesans trouver de repos, sest arrt au pied de la croix, cette autre grande nigme ; etdepuis dix-huit sicles et demi, il la contemple et la mdite.Quest-ce que lhomme ? demande le sphinx la croix, et la croix rpond au sphinx en luidemandant : Quest-ce. que Dieu ?

    Dj dix-huit fois le vieil Aaswrus a fait aussi le tour du globe ; et la n de tous lessicles, et au commencement de toutes les gnrations, il passe prs de la croix muette etdevant le sphinx immobile et silencieux.

    Quand il sera las de marcher toujours sans arriver jamais, cest l quil se reposera et alorsle sphinx et la croix parleront tour tour pour le consoler.

    Je suis le rsum de la sagesse antique, dira le sphinx ; je suis la synthse de lhomme.Jai un front qui pense et des mamelles qui se gonent damour ; jai des griffes de lionpour la lutte, des ancs de taureau pour le travail et des ailes daigle pour monter vers lalumire. Je nai t compris dans les temps ancien que par laveugle volontaire de Tbes,ce grand symbole de la mystrieuse expiation qui devait initier lhumanit lternellejustice ; mais maintenant lhomme nest plus lenfant maudit quun crime originel faitexposer la mort sr le Cythron ; le pre est venu expier son tour le supplice de sonls, lombre de Laus a gmi des tourments ddipe, le ciel a expliqu au monde monnigme sur cette croix. Cest pourquoi je me tais en attendant quelle-mme sexplique aumonde : repose-toi, Aaswrus, car cest ici le terme de ton douloureux voyage.

    - Je suis la cl de la sagesse venir, dira la croix ; je suis le signe glorieux du stauros que

    Dieu a x aux quatre points cardinaux du ciel, pour servir de double pivot l univers.

    J ai explique sur la terre lnigme du sphinx, en donnant aux hommes la raison de ladouleur ; jai consomm le symbolisme religieux en ralisant le sacrice. Je suis lchellesanglante par o lhumanit monte vers Dieu et par o Dieu descend vers les hommes.Je suis larbre du sang, et mes racines le boivent par toute la terre, an quil ne soit pasperdu, mais quil forme sur mes branches des fruits de dvouement et damour. Je suis lesigne de la gloire, parce que jai rvl lhonneur ; et les princes de la terre mattachent surla poitrine des braves. Un dentre eux ma donn une cinquime branche pour faire de

    moi une toile ; mais je mappelle toujours la croix. Peut-tre celui qui fut le martyr de lagloire, prvoyait-il son sacrice, et voulait-il, en ajoutant une branche la croix, prparerun chevet sa propre tte ct de celle du Christ. Jtends mes bras galement droiteet gauche, et jai galement rpandu les bndictions de Dieu sur Magdeleine et sur

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    Marie ; joffre le salut aux pcheurs, et aux justes la grce nouvelle ; jattends Ca