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  • DbutLe Collectif anti-hirarchiePetit historique

    InspectionsComment refuser linspection ?Chers insoumis, le tmoignage de LaurenceQuelques rouages rpressifs de lordre moral dans lducation, par Philippe Geneste Ce nest pas le moment de se faire inspecter, il na plus de points distribuer

    valuationsUn texte de Gianni RodariDeux, trois choses que je sais delle, par DidierRefusons les valuations nationales, par Nathalie AstolfiLvaluation et moi, par MarineLlve, produit scolarifacturQuel avenir pour les lents ? par ClaireValeurs : du mieux au moins bien et du bien au mal... par DominiqueEn dessins...

    HirarchiesCamarade Dirlo, noublie pas que sous l'uniforme tu restes un enseignant ! Texte de lancienCAH actualis par Jean-FranoisStratgies de rsistance, par ClaireRalits quotidiennes, par CaroQuand lIA veut nous mettre au pas, par lcole Tanger (Paris)Conseillers pdagogiques et matres formateursLa hirarchie lassaut (IATOSS du suprieur), par HervLa lutte anti-hirarchie dans le second degr, 4 tracts prsents par Jacques : Le management libral s'empare des tablissements scolaires Les chos de la rentre au lyce Mousseron Revendications des lycens de Carnot Le lyce Malraux la sauce no-librale ?

    EnfancesOn enferme bien les enfants... par Alnor Kawavolution rgressive des stratgies ducatives, par Yann Le PennecIdologie scuritaire : un concept qui fait cole, par LEnvole

    FinLes mots croiss du Couvre-Chefs... Et mme une fiche de prp !Tract du Collectif anti-hirarchie

    Pour nous contacter

    SommaireLe Couvre-Chefs, Collectif anti-hirarchie, www.abasleschefs.org

    Ours, pour le respect des obligations lgalesLe Couvre-Chefs : supplment commun aux journaux Zro deConduite (CNT ducation, ISSN 1274-0608, CPPAP en cours, dir.de la publication : X. Soucies) et SUD ducation Paris Le Journal(SUD ducation, dpt lgal en cours, CPPAP 0309 S 06897, dir.de la publication : F. Pinson), imprimerie Le Ravin bleu R.C.S.Paris B555666444. Toutes illustrations : D.R.

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    Lestextes

    pour refuser

    linspection,

    p. 5

    Desmots

    croiss,p. 38

    Hein ?

    Soyez donc rsolus neplus servir et vous serez libres. Je ne veux pas que vous le heurtiez ni quevous lbranliez, mais seulement ne le soutenezplus, et vous le verrez, comme un grand colossedont on a drob la base, tomber de son propre poids et se briser.

    La Botie, Discours de la servitude volontaire.

    2 superbesaffiches au milieude ce magazine !

    d. mars 2005

  • www.abasleschefs.org

    L ' i n s p e c t i o n g n r a l e d el'Instruction publique a t crepar le consulat de NapolonBonaparte par la loi du 11 floralan X (1/5/1802).La contestation de l'inspection nedate pas d'hier. En 1933, ClestinFreinet sanctionn par son inspec-teur lui rpond par un contre-rap-port ; il sera plus tard exclu.Jusqu'en 1970, les manifestationsde rejet de l'inspection sont isoleset ponctuelles. Elles se heurtent un mur de silence. Les premiresaffaires qui ont un cho national,dans les annes 70, concernent desrefus individuels, d'abord dans lesecond degr et donnent lieu degraves sanctions : Hurst, Henning,Papinski, Morin, Blache... En octo-bre 1971 Franoise Cluchague(Grenoble) est rvoque, RobertVergnes (Paris) est suspendu pour10 ans, Jocelyne Bensimon (Saint-Denis) est suspendue. Par contrelorsque Josette Laplace et RogerLeroy exposent les raisons de leurrefus d'inspection devant le conseilde discipline acadmique d'Aix,deux reprsentants de l'administra-tion se rangent de leur ct et il n'yaura pas de sanction (pour la pre-mire fois un comit de soutiens'est constitu).Ds lors, le ministre dcide de tra-duire les refuseux devant unconseil de discipline unique, runi Paris, et les menace de deux ansde suspension sans traitement.Pourtant des refus ont lieu dans leGard, les Bouches-du-Rhne, enBretagne, Lyon, Paris. Lessanctions sont variables, selon lerapport de forces et il arrive quel'administration ferme les yeux.Aprs 1976, il n'y a plus de conseilde discipline pour les professeursqui refusent l'inspection.

    Petit

    historique

    s'est recr puisqueque nos chefs multiples et varis en fonction de nos sta-tuts n'ont rien perdu de leurs prtentions de dtenteursdu savoir et, bien sr, du pouvoir (un peu comme nousinstit' face aux enfants). Il n'est pas de jour sans conflit,qui avec son inspecteur, qui avec son directeur-collguese prenant pour un chefInitialement constitu par des enseignant.e.s syndiqu.e.s SUD et la CNT, notre Collectif regroupe galement desnon syndiqu.e.s et des adhrent.e.s dautres syndicats.Nous nous opposons tous ceux et celles qui veulentdans notre quotidien nous contrler et nous plier leurdiscipline. ducation (nationale) rime souvent avec nota-tion et soumission (gnrale).Le sens de notre opposition est celui du refus de se fairejauger (d'autant plus par ce procd invalide et infantili-sant qu'est l'inspection) et de notre dtermination lutterpied pied pour que les directeurs restent des collgues,et rien de plus.Notre combat ne se limite pas nos petites fonctions ni nos petites oppressions quotidiennes d'enseignant.e.s. Ilvise aussi l'limination des diffrents statuts prcaires,qui n'ont fait que renforcer les divisions des personnels,par la titularisation sans condition des AE, vacataires,employs de cantine, CDD, agents de service... Il se refuse tout recours la hirarchie pour lutter contre lahirarchie. travers ce Collectif, nous luttons contre les valuations,l'inspection et, plus gnralement, toutes les formes dehirarchie et leurs outils de contrle dans le but videntde les faire disparatre.

    Le Collectifanti-hirarchie

  • Dans le premier degr, entre 1976 et 1979, des insti-tuteurs s'organisent collectivement. Brest etWoippy, le refus est provoqu par le non-respect parl'administration de contrats d'valuation d'quipes.

    Les sanctionstombent : blmes,suspensions avecdemi-traitement,dp lacemen t s ,rtrogradations.En Seine etMarne, en 1979,se dveloppe lepremier mouve-ment sur unebase plus ido-logique l'che-lon d'un dparte-ment : 80 institu-teurs (SGEN, colemancipe, ICEM)signent une pti-tion de refusd ' i n s p e c t i o n ,organisent desr u n i o n spubliques dans

    les mairies, appellent la grve... Rsultat : 12 bl-mes, 14 avertissements, des retraits de salaire... et 3instits traduits en CAPD disciplinaire pour l'exemple l'cole normale de Melun le 5 juillet 1979. Cetteaffaire a un cho dans la presse nationale. Lesdbats durent 18 heures, 150 personnes manifestenttoute la journe sous les fentres de l'cole norma-le. L'administration qui demandait la radiation recu-le : les sanctions seront en retrait (deux affectationsd'office, une rtrogradation d'chelon). partir decette date il n'y a plus de conseil de discipline pourrefus d'inspection, y compris dans le premier degr.Jusqu'en 1981 la contestation se poursuit, la rpres-sion se fait plus discrte et feutre mais existe tou-jours. Des collectifs de contestation se dveloppentdans diffrentes rgions avec des modalits pra-tiques d'accueil des inspecteurs. Ils rassemblentmajoritairement des militants du SGEN, de l'colemancipe et des quipes ICEM.Dans l'acadmie d'Orlans-Tours, des pravis degrve par tablissement permettent aux enseignantsde dbrayer quand un inspecteur arrive : Pas dechance monsieur l'inspecteur, aujourd'hui nous som-mes en grve ! En 1978, dans les Bouches-du-Rhne, se constituela Commission inspection (au sein du syndicatSGEN). Les refus sont de plus en plus nombreux, l'ac-tion s'amplifie. L'administration exige de ceux quirefusent un engagement crit recevoir le prochaininspecteur.En 1981, Alain Savary est ministre de l'ducationnationale, il s'intresse l'inspection pendant que lacontestation prend plus d'ampleur. Des manifestes

    sont signs : l'un d'entre eux comportant 1 280signatures est publi dans Le Matin de Paris du 22mars 1983.En liaison avec le refus d'inspection se dveloppe larflexion sur une autre valuation, sur travaillerautrement et collectivement ; des propositions sontdiffuses. Les inspecteurs se font plus rares dans lestablissements.Le 13 dcembre 1983, le ministre Savary signe unenote de service 83512 (lire pages suivantes) dfinis-sant les nouvelles modalits de l'inspection, l'amna-geant tout en maintenant l'inspection individuelle etla note. Le refus d'inspection est reconnu.En 1986, les collectifs s'organisent au niveau natio-nal. Une premire runion a lieu Belfort en fvrier1986. Par la suite, ils se retrouvent au moins une foispar an. Aprs les grves de l'hiver 87 contre le pro-jet des matres-directeurs, le Collectif national dcided'largir son champ, au-del du refus d'inspection, la lutte contre tous les abus de la hirarchie dans l'ducation et de diffuser sur abonnement un journalnational Rsistances.Depuis la fin des annes 80, le nombre des refuseuxa diminu (effets du plan Jospin en 89, lassitude, airdu temps ?), mais d'aprs Bernard Toulemonde,conseiller au ministre de l'ducation nationale puisrecteur de l'acadmie de Montpellier, environ 200refus sont enregistrs chaque anne par le ministre.Sachant que tous les refus ne sont pas signals etque ceux qui refusent ne revoient pas de sitt uninspecteur, ces chiffres prouvent que la contestationn'est pas en sommeil.Aujourd'hui, les cas de sanction pour le motif derefus d'inspection ont a priori disparu. Le cadre lgalobtenu par les luttes des collgues dans les annes70 et 80 l'a permis. Toutefois, la pratique du refusd'inspection a, elle aussi, beaucoup diminu Onpeut noter tout de mme quelques victoires juri-diques supplmentaires, dont l'arrt du Conseild'tat n 115444 lecture du 18/11/1993 qui fait obli-gation l'administration de l'N de noter ses ensei-gnants (y compris les refuseux). De faon plus miti-ge, la note de service n 94-262 du 2 novembre1994 donne le cadre du refus dans le secondaire enlaissant la possibilit l'administration de l'tablisse-ment d'abaisser la note administrative, voire d'enta-mer une procdure de sanction administrative.L'arrt du tribunal administratif de Caen n 9616 du27 mai 1997 empche thoriquement la hirarchiede sanctionner par une sale note et sans autre formede procs un refuseux (cas individuel dans le 1er

    degr).Et surtout, la renaissance du Collectif anti-hirarchieen novembre 2002 avec la premire runion d'infor-mation syndicale tenue sur ce thme. Le dveloppe-ment s'est fait en commenant par le refus d'inspec-tion et les autres sujets anti-hirarchiques sur Paris etcommence faire des petits un peu partout enRgions. Nous organisons maintenant des stagesrgulirement pour se rencontrer, changer et agir

    Le Couvre-Chefs [email protected]

    Linspecticide,journal du Collectifdes ensei-gnants deParisrefusantlinspectionet la nota-tion (1985) :notreglorieuxanctre !

  • nest pas un refus douvrir sa classe un regard ext-rieur. Bien au contraire, nous estimons que la confrontation des pratiques estncessaire.

    Mais linspection est cense assurer deux fonctions :conseiller et sanctionner ; or ces deux oprations sexcluent.Linspecteur donne des conseils, cest vrai, parfois. Toutefois,que vaut un conseil quand linspecteur na pas les mmes lubiesque le prcdent (ou le suivant) ? Que vaut un conseil fig dansun rapport ? Que vaut un conseil donn par quelquunqui ne pratique plus le mtier depuis des annes, sil la prati-qu ?

    Mais une inspection est un acte dautorit. Mme charg de bonnesintentions, un inspecteur, cest toujours un inspecteur. Cette subordi-nation hirarchique tend linfantilisation : plaire ou ne pas plaire linspecteur. Pour nous, il ne saurait y avoir de collaboration pdagogiqueen dehors du cadre collectif et galitaire dune quipe.

    Mais une inspection, cest une note. Nous refusons la venue dune personne quine vient que pour juger, faire un rapport et mettre une note. Limportant nestpas de juger lenseignant, cest de comprendre lacte ducatif dans sa dure etde le faire voluer, ce qui ne peut se faire quau sein dune quipe.Sil est absurde dvaluer le travail dun lve sur un seul exercice, cela lest toutautant pour le travail des enseignants.La notation, cest le chantage lavancement au choix, la mutation. Elle nevise qu crer des ingalits dans le droulement des carrires.

    Linspection est une institution rtrograde qui fait partie dun systme socialfond sur la hirarchie. Nous ne lacceptons pas.

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    Inspections

    Refuser linspection

  • Tout d'abord, vous pouvez signaler votre refusd'inspection, ds vos prises de fonction, en dbutd'anne scolaire, sur la feuille de renseignementsque vous remplissez pour l'IEN de votre circons-cription. Si toutefois votre petit chef insiste pourvenir vous inspecter ou si vous ne l'avez passignal, la procdure est la suivante :Lorsque vous tes averti de la visite de l'inspec-teur, vous devez l'informer oralement mais sur-tout par crit (en recommand avec accus derception en cas de conflit prvisible, voire de

    recours administra-tif) de votre refusd'tre inspect. Lemodle de lettre derefus se trouve ci-contre.Aprs ce refus,vous recevrez ven-tuellement un cour-rier du rectoratvous informant del'obligation quivous est faite defournir quatre ty-pes de justificatifs :1. L'emploi dutemps.2. Le registre d'ap-pel.Ces deux pointssont une obliga-tion administra-tive. Ils permettentde justifier de votretravail et de remplirles conditions lga-les de celui-ci.3. Les relevs d'-valuation.4. Le bulletin sco-laire des lves.

    Le caractre obligatoire de ces points 3 et 4reste dterminer puisqu'ils sont plus pdago-giques qu'administratifs. vous de voir si vou-lez les fournir. Pour les autres outils pdago-giques utiliss, aucun cadre lgal n'oblige lesprsenter.L'inspecteur, en gnral, repasse pour rcup-rer ces documents. Certains mnent un entre-tien avec vous, d'autres non. Votre attitudereste libre de toute contrainte : vous pouvez ounon vous entretenir avec votre chef, vous pou-vez le faire dans votre classe ou dans le bureaude l'cole dit bureau du directeur . En toutcas, soyez ferme dans votre attitude et, s'il lefaut, rappelez votre petit chef qu'il existe uncadre lgal au refus d'inspection en citant lestextes et rfrences lgaux (voir ci-contre). ales impressionne toujours, parfois a les dsta-bilise et c'est le but, car ils montrent souventune certaine ignorance, alors qu'ils sont censsles connatre. Si l'inspecteur insiste pour entrerdans votre classe, vous pouvez alors choisir desortir avec vos lves (pas forcment de le sor-tir, quoique) en prenant soin de lui donnerles documents obligatoires (cf. ci-dessus).Il ne vous reste plus qu' attendre votre rapportd'inspection avec une note qui va pouvoirvarier de 0,5 L'administration a l'obligationde vous noter et en aucun cas ne peut vousattribuer une note gale zro. Sachez aussique, depuis quelques temps, dans la majoritdes acadmies, l'IEN ne propose pas de note. Ilfait remonter le constat de refus d'inspection etc'est le courrier contresign par l'IA (le grandchef dpartemental) qui vous informe de votrenote.Il arrive aussi que le courrier de l'IA ne vousparvienne jamais. Vous pouvez exiger alors,par la voie hirarchique, d'en tre inform parune demande en communication de note et/oude dossier administratif dans lequel votre der-nier rapport doit figurer.

    Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le refusd'inspection concerne uniquement les ensei-gnants titulaires. Les enseignants stagiaires nepeuvent refuser les visites que leur rendent tantles IEN que les conseillers pdagogiques de cir-conscription ou les IMF et PIUFM, y compris encas de prolongation ventuelle de scolarit.

    Comment refuserindividuellement l'inspection

    dans le 1er degr ?

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    Refus collectif, refus individuel

    Il se peut que votre cole refuse collectivement l'inspection(cas rare mais possible), dans ce cas tous signalent indivi-duellement leur refus l'inspecteur de la faon dcrite ci-dessus. En tout tat de cause, chaque refus individuel s'ins-crit dans une dmarche collective : prvenez donc leCollectif anti-hirarchie et votre syndicat.

    Et dans le secondaire ?Il faut bien reconnatre que dans le secon-daire le refus dinspection est une pra-tique (encore !) moins courante que dansles coles et quelle a particulirementdclin depuis les annes 80. Il restenanmoins des professeurs pour sopposer la hirarchie. Il existe mme des coll-ges o des collgues nacceptent pas col-lectivement linspection. De nouveauxcas de refuseux se sont fait connatre cesderniers temps. Un point mettre lac-tif de la renaissance du Collectif anti-hi-rarchie ?Si les droits et la dmarche de refusdinspection sont identiques, une diff-rence majeure entre le primaire et lesecondaire tient au chef dtablissement,suprieur hirarchique des enseignants,amen les noter administrativement.Ainsi, en cas de refus, il faut informer lechef dtablissement paralllement linspecteur... et envisager une possibledgradation des rapports quotidiens ! Lerefus entranera probablement une baissede la note administrative, ce que le minis-tre ne se privait pas de rappeler aux rec-teurs dans sa note de service du 2 novem-bre 1994.

  • Textes de rfrence- La note de service du 13 dcembre1983 du ministre de lducation natio-nale (Savary) qui explicite les modalitsdinspection et autorise le refus. Elle estreproduite ci-dessous.Cette note est prcise par une lettre du4 mai 1984 (BOEN n 20 du 17 mai1984).- L'arrt du Conseil d'tat n 115444,lecture du 18 novembre 1993, qui faitobligation l'administration de l'du-cation nationale de noter ses ensei-gnants, suite au recours dune refu-seuse. Cest cet arrt qui ne permetplus la hirarchie de mettre zrocomme note.- Le jugement du 27 mai 1997 du tri-bunal administratif de Caen (quisemble faire jurisprudence) qui a per-mis un refuseux de retrouver unenote normale.Toutefois, par des notes de serviceconcernant le primaire comme lesecondaire en 1994, l'administrationa sembl durcir le ton en rappelantque le refus dinspection pouvaitentraner une procdure disciplinaire.Nanmoins, dans les faits, la seulesanction applique actuellement estla baisse de la note.

    Inspections 5www.abasleschefs.org

    La note deservice de1983 quiautorise lerefusdinspec-tion.

    Note de service n 83-512 du 13 dcembre 1983(ducation nationale : DAGEN)Texte adress au doyen de l'inspection gnrale de l'ducation nationale, auxrecteurs, aux inspecteurs d'acadmie, directeurs des services dpartementauxde l'ducation nationale et aux chefs d'tablissement (lyces, collges, coles).Modalits de l'inspection des personnels enseignants.Des prcisions ayant t demandes au sujet des nouvelles orienta-tions annonces au mois de janvier 1983 pour l'inspection des per-sonnels enseignants, la prsente note a pour objet de faire le point desdispositions arrtes dans ce domaine.Les enseignants, comme les autres fonctionnaires, doivent faire l'ob-jet d'un contrle de leurs activits. Compte tenu de leurs missions, cecontrle ne saurait se limiter aux aspects administratifs pris en comp-te, le cas chant, par la notation propose par le chef d'tablissement l'autorit comptente ; il doit permettre d'valuer leurs activitspdagogiques et ducatives.De faon concrte, les modalits suivantes ont t retenues pour l'in-tervention des diffrents corps d'inspection.1. La visite d'tablissements et de classes sans notation est recom-mande avant les inspections individuelles. Elle donne lieu uneobservation pralable des conditions d'exercice de la fonction ensei-gnante, compte tenu de l'environnement socioculturel, du cursus sco-laire des lves et du projet d'tablissement.2. Toutes les visites des inspecteurs dans les tablissements sontannonces avec mention de leurs objectifs.3. L'inspection individuelle comprend un entretien approfondi avecl'enseignant d'une part, et avec l'enseignant et l'quipe pdagogiqued'autre part.4. Le rapport d'inspection porte sur l'ensemble des activits de l'ensei-gnant. Le contexte dans lequel il effectue son travail fait l'objet d'une ana-lyse.

    5. Le rapport d'inspection est adress l'enseignant dans un dlai d'unmois. Il peut donner lieu des observations de l'intress, qui bn-ficie d'un droit de rponse ; ces observations sont intgres au dos-sier d'inspection.6. Les notes pdagogiques sont arrtes aprs avoir t harmonisesau niveau national, acadmique ou dpartemental. Elles sont, danstoute la mesure du possible, communiques aux enseignants dans letrimestre qui suit l'inspection.7. En cas de baisse de note, une nouvelle inspection peut tre prvuedans un dlai rapproch. Les commissions administratives paritairescomptentes sont informes des cas de baisse de notes.8. Les inspecteurs pdagogiques rgionaux peuvent inspecter lesclasses prparatoires aux grandes coles. Dans ce seul cas, ils inspec-tent sur dlgation de l'inspection gnrale.9. En cas de refus d'inspection et compte tenu des garanties qui sontdsormais donnes aux enseignants, aucune note pdagogique n'estattribue, avec toutes les consquences que ceci entrane, le caschant, pour la dtermination de la note globale.S'agissant de l'enseignement priv sous contrat d'association, lesinspecteurs pdagogiques rgionaux ont, en l'tat actuel des textes,une mission moins ample puisqu'elle ne porte pas sur le projet du-catif des tablissements. Ils vrifient que l'enseignement est dispensselon les rgles gnrales et les programmes de l'enseignementpublic. Ils procdent la notation pdagogique des matres des clas-ses sous contrat d'association. Ils inspectent en temps utile les ma-tres des classes sous contrat d'association. Ils inspectent en tempsutile les matres sous contrat provisoire pour apprcier leurs aptitudesavant l'octroi ventuel d'un contrat dfinitif.

    (B.O. n 46 du 22 dcembre 1983)

    NomVille, datefonction et affectation

    M. ou Mme XInspecteur/ice de l'ducation nationalede la ne circonscription de dpartement

    Refus d'inspectionpar voie hirarchique et lettre RAR

    Monsieur l'Inspecteur,Je vous informe de mon refus d'tre inspect. Je tiens toutefois vous prciser brivement les motifs de ce refus.Souhaitant de nouvelles modalits d'animation pdagogique et d'va-luation, tant du fonctionnement du systme ducatif que du travaildes enseignants, qui ne sauraient se confondre avec une notationdestine essentiellement tablir des ingalits dans le droulementdes carrires ni avoir pour cadre un rapport hirarchique, je ne peuxconsidrer que l'inspection, dans ses modalits actuelles, rponde ces objectifs.

    En consquence, sur consigne syndicale, dans le cadre du mouvementcollectif national de refus de l'inspection et en rfrence la note deservice du 13 dcembre 1983 de Monsieur le ministre de l'ducationnationale, j'ai l'honneur de vous confirmer ma dcision de refuserl'inspection que vous vous proposiez de me faire subir.Je vous prie de croire, Monsieur l'Inspecteur de l'ducation nationale, mon dvouement au service public d'ducation.

    Nom et signature

    Modle delettre pourrefuserlinspection.

    Ce modleest bienentenduadaptable etmodifiable.Il importesimplementde conserverlaspect col-lectif (vousntes passeul/e) et larfrencelgale.

  • Voici un compte-rendu de ma carrire :Je suis sortie de l'cole normale des Batignolles deParis avec la note de 12 au CAP d'instit qui venaitcomplter mon sous-DEUG d'enseignement. Donc,la note de dpart, c'tait ma note de CAP.Il existait l'poque un mouvement libertaire auSGEN (j'tais au SNI) qui avait mont un collectifanti-hirarchie. La plupart des gens que j'y ai ren-contrs taient de jeunes mecs ou nanas, norma-liens ou instits dbutants. Ils ditaient une petitefeuille rigolote, L'Inspecticide. La base c'tait : bas l'inspection et la notation ! Ils avaient fait unelettre type de refus d'inspection et proposaient desalternatives comme l'valuation collective d'unequipe pdagogique. C'est un mouvement qui n'ajamais eu une grande ampleur et qui s'est teintassez vite, mais bon le truc tait lanc. Je trouvaisa super mais j'avais la flemme d'y adhrer, asignifiait des conflits n'en plus finir avec la hi-rarchie et j'tais dj en position d'affrontementdepuis le dbut. Heureusement, pour ma premi-re inspection professionnelle , je suis tombesur une conne si prodigieuse qu'elle m'a convain-cue de sauter le pas. Aprs avoir vu cette spcia-liste de l'intimidation, de l'humiliation, de l'abus depouvoir (il y en a) dtruire mthodiquement unecollgue, je me suis dit qu'entrer franchement enrsistance vaudrait mieux que l'insulter ou la baf-fer en public, et ds qu'elle a manifest son inten-tion de m'inspecter je lui ai envoy la lettre-type.Le rsultat ne s'est pas fait attendre : cette horriblepouffiasse a dferl dans ma classe l'improvisteen brandissant ce torchon illgal . J'ai compristout ce que je gagnais m'engager : le spectaclede l'impuissance du pouvoir est profondmentrconfortant. J'ai rpondu d'abord calmement, la fin en rigolant franchement. Alea jacta est, ettoutes ces choses. J'ai t informe peu aprs detout ce que je perdais (je le savais dj) : une pro-motion rapide, le droit de tenir un poste de direc-tion, le droit aux stages de formation. Pour lereste, les poursuites ultrieures (blme, mise pied) sont dcides par l'inspecteur d'acadmie. Ilfaut croire que celui-l, ou celle-l, n'a pas jugbon de poursuivre, l'poque le mouvement n'-tait pas encore tout fait mort, soutenu par leSGEN, je ne devais pas tre un cas unique. Ensuitej'ai chang de circonscription. L'inspectrice du 17e

    tait une petite mamie bienveillante qui m'a expli-qu que je ne pouvais pas refuser cette part del'inspection qu'ils appellent administrative : lesprsences, les moyennes, etc., tout ce qui concer-ne le cahier d'appel. Non seulement elle m'a foutuune paix royale, mais elle m'a prodigu ses excel-lents conseils pdagogiques lors de discussions

    persos et est intervenue auprs de la mairie deParis pour me faire attribuer un HLM (a n'a pasmarch) quand j'tais dans la merde.Je suis partie en Lozre, o je suis reste deux anset ai vu un inspecteur (charmant). Les classes iso-les de montagne taient lgres (trois cinqmmes), nous les avons laisss jouer dans l'herbepour discuter l'aise. J'ai appris que le mouve-ment tait mort, que j'tais la seule survivante,que ce serait bien de ne pas faire trop de prosly-tisme quand mme (et que pouvais-je proslyter 1 000 m fors les vaches ?), qu'il n'existait pas degrille d'valuation nationale pour la notation desinstits, qu'eux aussi ils taient nots et ne pou-vaient pas la refuser, leur note, que dans l'admi-nistration c'tait comme a, bref discussions int-ressantes, amicales. Je me sentais dans la peaud'un phnomne attachant. J'avais nanmoinschop le zro qui est la principale mesure de rtor-sion, et que j'appelais firement zro de condui-te . Ensuite j'ai t en Beauce, et je suis restetrois ans sur le mme poste, avec le mme inspec-teur. Celui-l, non seulement je n'ai pas sign sonrapport, mais je l'ai foutu la poubelle, ce qui m'avalu de passer pour folle aux yeux de sa secrtai-re : j'avais jet loriginal, j'avais beau essayer de luiexpliquer que ce n'tait qu'un bout de papier, c'-tait comme si j'avais brl la Bible. Nos rapportstaient difficiles. Il est venu me harceler pour queje signe un autre bout de papier sur lequel il avaitsimplement not qu'il ne m'avait pas inspecte, etj'ai fini par le faire. (Jusque-l j'avertissais lesinspecteurs que je ne signerais rien, et je refusaisde faire cours devant eux. Un rapport non signde votre main est nul et non avenu.) Ce type taitun spcialiste du harclement : il a ainsi poussune jeune collgue prendre une direction dontpersonne ne voulait et que nous tions dcides partager en cinq.Dernire ligne droite : l'Ardche, et mes six der-nires annes d'exercice. L, cas de figure indit :ds mon premier poste, l'inspecteur nous inspectetous deux, le directeur et moi. C'est un mec agr-able, comprhensif et... emmerd : comme il leraconte mon directeur, l'inspecteur d'acadmie,ulcr d'avoir hrit du bton merdeux que jereprsente, a dcid, je cite : d'avoir ma peau .Il se prpare entrer dans la spirale blme, mise pied, etc. L'inspecteur, pour sa part, fait un rap-port bienveillant, soulignant que certes je refusel'inspection mais que le directeur s'est rpandu enloges, les parents sont trs contents, tout baigne.Par ailleurs le pote du SE (je suis au SNUIPP) dontj'assure la dcharge syndicale intervient en com-mission paritaire pour rclamer que mon 0 soitremplac par ma note de CAP, 12. On l'envoie surles roses car le sujet n'est pas l'ordre du jour ,mais enfin le soutien syndical s'est manifest. (partir de l mon zro sera remplac par le symbo-le mathmatique ensemble vide ).

    Le Couvre-Chefs [email protected]

    Chers insoumis,

    Laurence

  • L'inspection a eu lieu en mai, et pendant l'tl'inspecteur d'acadmie est mut ou demandeson changement, bref il dcarre. Ce sera le seulmoment de danger de toute ma carrire.L'inspecteur suivant se contrefout de ma person-ne. Des trois autres inspecteurs dpartementaux queje verrai, l'un me parlera de sa grille d'valuation personnelle (qualifie par moi de la gueuledu client ), l'autre passera en coup de vent justepour voir quoi je ressemble, mais sans tenter dem'inspecter, le dernier, paradoxal comme nous lesommes tous, tentera un ou deux abus de pou-voir, me surveillera (sans m'inspecter) comme dulait sur le feu et sans rien trouver de rprhensi-ble dans mon boulot, et finira par nous dfendre,moi et une copine, contre des parents abusifs quis'taient plaints lui, avec une pugnacit que jen'ai jamais vue aucun autre inspecteur. Il estmort la fin de l'anne scolaire, j'espre que jen'y suis pour rien.Bilan : j'ai chang de poste onze fois, parfois parchoix, parfois par obligation. Le zro de condui-te fait qu'on passe l'anciennet, et dsavan-tage beaucoup lors des changements : on a engnral les postes dont personne ne veut, les pos-tes provisoires. la fin de ma carrire je pouvaischoisir juste avant ceux ou celles qui sortaient deformation, ou avaient un an d'anciennet. Dansles petits pays ce sont les postes trs isols, enville probablement les ZEP. (J'ai quitt Paris asseztt, et je n'y ai t que brigade, puis ZIL. Par cont-re j'ai eu droit tous les remplacements, en CLIN,en classes d'adapt et de perf, et sans la moindrebauche de formation, alors qu'il existait l'-poque un corps, supprim depuis, de rempla-ants spcialiss. Ds que j'ai su que je pouvaisrefuser ces postes, je l'ai fait... a a pris deux ans.)Niveau pognon, le salaire est li l'chelon,lequel dpend en l'occurrence de l'anciennet, etl'anciennet a va pas vite. J'ai fini au septimechelon avec dix-huit ans d'anciennet. Niveau stages, ne plus y penser. Je n'ai essayqu'une fois, a n'a pas march. Et pourtant lespotes ont pouss. Niveau direction, j'ai quandmme t trois fois charge d'cole classeunique, ce qui n'est pas exactement un poste dedirection mais en comporte les charges. Lesenqutes de rentre, comme PQ, c'est pas le top.Bref, j'ai pas eu de pognon, j'ai eu des postes unpeu dlirants, mais mme isole qu'est-ce que afait du bien de rsister ! Toutefois je pense avecl'exprience que a aurait pu plus mal se passer :un inspecteur d'acadmie retors doit avoir lesmoyens de vous foutre dehors terme (encoreque sans motifs d'ordre professionnel a doit pastre facile, mais les motifs... vous le savez, a setrouve...). Donc le soutien syndical et la solidari-t sont trs importants. J'en ai bnfici souvent,et mme d'inspecteurs dpartementaux, comme

    vous l'avez vu, mais de faon plus ou moins offi-cieuse. Est-ce que a aurait suffi en cas de conflitfrontal avec l'inspecteur d'acadmie ? Il faudraitque la chose soit officielle : pourquoi ne pasrclamer un statut sur le modle de celui desanciens objecteurs de conscience ?Ce statut se substituerait la note.C'est une ide comme a. Il y a ence moment une puissante offensivesur la notion de mrite. a peut setraduire dans les rglements, et jepense que l'administration peut semontrer beaucoup plus chiennequ' mon poque (j'ai pris maretraite la rentre 99).Lorsqu'on a eu les fameux cahiersd'valuation pour les moutards, aa fait un toll chez un grand nom-bre d'instits. Nous avons t nom-breux tablir nos propres grilles,bases sur nos objectifs, et cela aabouti la cration de cahiers dpartementaux.Personnellement j'ai refus toute notation desgamins, et je n'ai jamais rempli ces putains decahiers, d'o qu'ils viennent (mais je soutenais lescahiers d'tablissement). Avec le recul je me disqu'on peut peut-tre proposer, sans notation nipour les mmes ni pour nous, des listes collecti-ves d'objectifs, et voir ce qui a march ou pas.C'est un peu le systme des projets d'cole , etj'ai connu au moins une cole o il y avait un vraiboulot collectif, avec change rgulier de classes,de cours, des objectifs et projets communs (ontait 7 ou 8). Dans ce cadre, l'inspection indivi-duelle tombait de fait, sans tre critique, commeun cheveu sur la soupe. On bouffait au restautous ensemble deux fois par an, uniquementpour parler boulot. Chaque instit connaissait tousles gosses, de plus il y avait peu de turn-over,donc ils connaissaient le quartier, les familles.C'tait vraiment un fonctionnement diffrent,sans d'ailleurs aucun discours politique, aucuneremise en cause de l'institution. Les deuxemplois-jeunes taient compltement impliquset participaient toutes les runions. Je penseque ce qui aurait du poids, c'est que le refus et laproposition alternative se fassent par tablisse-ment, voire par rseau d'tablissements (on peutrver). En tant qu'insoumis individuel on estvachement isol, il ne faut pas avoir peur despressions, des brimades, il faut tre combatif ettrs trs ttu, et ne pas flipper sur ses conditionsmatrielles de vie. En fait, mon niveau, ceuxqui m'ont le plus pourri la vie, ce sont certain(e)sdirecteur(rice)s. Enfin, tout ce que j'ai dire pourconclure, c'est que mme isol, emmerd et har-cel, a vaut le coup, a marche. En fait, beau-coup de gens, mme dans la hirarchie, ont de lasympathie pour ce type de dmarche.

    Voil, bon courage tous !

    Inspections 7www.abasleschefs.org

    Le spectacle de

    l'impuissance du

    pouvoir est

    profondment

    rconfortant.

  • PhilippeGenesteextrait de larevueL'manci-pationsyndicale etpdagogiquedu 8 octobre2004

    1. AndrySogue, LeProf ne vitpas.

    Eh oui, ce pre Nol n'a pas une hottesans fin. En effet, chaque anne, lebudget de l'ducation nationale estvot par l'Assemble nationale.Une fois fait, ils calculent combien defonctionnaires peuvent augmenter plusvite que la musique, dductions faitesdes augmentations l'anciennet et desventuelles augmentations de salaires(quand elles existent). partir de ce calcul, l'administration

    divise par le nombre d'acad-mies et de circonscriptions. Aubout du compte, l'inspecteurse retrouve avec un nombremaximum de promotions distribuer. Une fois ce chiffreatteint, il peut continuer endistribuer pour se faire plaisirmais sera crt par l'inspec-teur d'acadmie. Il peut donc

    rencontrer le meilleur instit du mondeselon ses critres, s'il n'a plus de point, iln'a plus de point. Donc, mme cettepseudo-justification de salaire au mri-te n'existe pas. Le fait qu'il puisse distri-buer le nombre de points qu'il veut nejustifierait pas son inspection. Cela neferait que perptuer son pouvoir dedomination.Pourquoi je refuse Je refuse l'inspec-tion pour rabaisser son reprsentant

    mon niveau. Je ne lui dois rien, pourma carrire , pour ma situation pro-fessionnelle, etc. Il ne peut plus meregarder de haut, l'air de dire attentionc'est moi qui tiens l'pe de Damocls .Il n'est plus qu'un autre travailleur de l'-ducation, comme moi, avec une posi-tion un peu particulire, administrativo-coordinatrice. Ce qui ne m'empche defaire mon travail comme n'importe quiet de m'adresser lui quand j'en aibesoin. Mais ces demandes se basentsur des critres lgaux et non plus obs-curs. Si j'ai besoin d'une signature pourfaire une classe nature, je n'hsite pas lui demander par courrier ou de vivevoix. lui, s'il veut m'ennuyer, de trou-ver une justification son refus. Mais cen'est plus moi de justifier mon travail.Et pour l'instant, je n'ai pas eu de refus.

    Le Couvre-Chefs [email protected]

    L'inspection-police : le rapport est un terme qui dans les institu-tions d'tat, dans les cellules rela-tives la gestion des personnels,porte le mieux le caractre sp-cifiquement policier qui marquela discipline de notre enseigne-ment secondaire 1.L'inspection surprise est une des-cente d'inspection : elle vise prendre en faute, donc fabri-quer un coupable. Elle exige lesilence et le mystre : le prof n'estpas averti, preuve de la volontde lui nuire ; la conspiration dusilence est un vieux procd. Elledmontre par son procdmme l'arbitraire dans l'valua-tion des profs.Pour s'y opposer : Construire dessolidarits non pas seulementpour une dfense individuellemais pour une rsistance/vigilan-ce collective permanente ; pen-sons, par exemple, aux ATOSS

    soumis l'arbitraire des inten-dants. Constituer un groupecontre l'arbitraire hirarchiquesous toutes ses formes (bonneconscience l'volution en coursdes autorits de l'tablissementscolaire). L'action directe contrela rpression, c'est l'auto-mobili-sation. Mener la bagarre avec lespersonnels (si possible, toujours).Mme si le succs n'est pas aubout. On sait que l'institution s'as-soit sur le droit qu'elle dicte elle-mme. Mener la bataille c'estcrer la conscience et faire vivrela dignit. largir l'action anti-rpression hors de l'tablissement(avec les parents, peut-tre queles lves spontanment semobiliseront). Avec les syndicatsvidemment au niveau local,dpartemental, avec campagnede presse nationale et locale.Le silence sur la rpression sertles buts des rpresseurs. Les cas

    de rpression non connus permet-tent l'extension de la rpression.Toute plate-forme revendicativerepose ncessairement sur unnon la hirarchie inspecteur/inspect, chef d'tablissement/personnels, travailleur.se.s de l'-ducation/lves (les lves doi-vent se voir offrir des dispositifsqui permettent tou.te.s et pas quelques lus de les faire vivredans l'tablissement, d'y exercerdes responsabilits). Pour les per-sonnels prcaires, les chefs d'ta-blissement jouent avec le chma-ge et chacun a peur de se fairereprer, d'o une peur de dfen-dre ses ides et mme ses raresdroits. Le premier travail c'est devaincre cette peur par une rac-tion collective pour que la colreremplace la peur et qu'elledevienne constructive d'une lgi-timit vidente de lutte, avec lesyndicat comme point d'appui.

    Ce n'est pas le moment dese faire inspecter,il n'a plus de point distribuer.

    Quelques rouages rpressifs del'ordre moral dans l'ducation

  • Sylvie empoigne la poupe, lui administre une fesse, la trai-te de "vilaine mchante" et lui reproche de choisir juste le jour de Nol pour fairedes btises :-- Je t'avertis, si tu n'es pas sage, je t'enferme dans l'armoire et tu n'en sortirasplus jamais !-- Pourquoi ? demande la poupe.-- Parce que tu as cass la vaisselle.-- Je n'aime pas jouer ces jeux idiots ! dclare la poupe. Je veux jouer avecdes autos de course.-- Je t'en ficherai moi, des autos de course ! annonce Sylvie. Et elle lui adminis-tre une nouvelle fesse.Mais la poupe ne se laisse pas impressionner et lui tire les cheveux.-- Ae ! Qu'est-ce qui te prend ?-- Lgitime dfense, explique la poupe. C'est toi qui as commenc. C'est toi quim'as appris me battre. Sans toi, je n'aurais pas su comment m'y prendre.-- Eh bien, maintenant, on va jouer l'cole, propose Sylvie pour dtourner laconversation. Moi je serais la matresse et toi l'lve. a, se serait ton cahier. Tuferais tout faux dans la dicte et je te mettrais zro.-- Pourquoi zro ?-- Parce que. C'est ce que fait la matresse l'cole. ceux qui font tout juste,elle met dix sur dix. ceux qui font tout faux, elle met zro.-- Mais pourquoi ?-- a leur apprend.-- Laisse-moi rigoler !-- Quoi ?-- Naturellement. Voyons, rflchis un peu. Sais-tu aller bicyclette ?-- Bien sr !-- Quand tu apprenais faire du vlo et que tu dgringolais, quefaisaient tes parents ? Ils te mettaient un zro ou un pansement ?Sylvie se tait, perplexe. La poupe insiste :-- Allons, rflchis bien. Quand tu apprenais marcher et que tu te prenaisune bche, est-ce que ta maman te dessinait un gros zro sur le derrire ?-- Non.-- Et pourtant, tu as quand mme appris marcher. Et tu as aussi appris par-ler, chanter, manger toute seule, boutonner tes vtements et lacer tessouliers, te laver les dents et les oreilles, ouvrir et fermer les portes, teservir du tlphone, du tourne-disque et de la tlvision, monter et descen-dre les escaliers, jouer la balle contre un mur, distinguer un oncle d'un cou-sin, un chien d'un chat, un Frigidaire d'un cendrier, un fusil d'un tournevis, leparmesan du gorgonzola, la vrit du mensonge, l'eau du feu. Tout cela sansbonnes ni mauvaises notes ;est-ce vrai ou non ?

    Quand tu apprenais faire du vlo et que tudgringolais, que faisaient tes parents ?Ils te mettaient un zro ou un pansement ?

    GianniRodari,extrait deNouvelles la machine,Messidor Tempsactuels ,1985.

    GianniRodari(1920-1980)est consid-r commel'un desmeilleursauteursitaliens pourla jeunesse.Il a reu en1970 le prixAndersenpour l'en-semble deson uvre.

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    Reste seule,

    valuations

  • 1. MichelFoucault,Surveiller etpunir,Gallimard,1975,p. 195-196.

    Ds qu'il s'agit d'valuations chez les ensei-gnants, nombreux sont ceux reconnatre ladiversit de ses formes et aprs tout la ncessi-t ou l'utilit de suivre les progrs de l'lve, debaliser ses apprentissages, de le situer sur unparcours, bref les arguments ne manquent paspour constater ses bnfices.Dans ces quelques remarques, il s'agit de pren-dre un peu de recul par rapport ces banalitsconfortables et resituer un cadre plus gnral,les stratgies et les finalits qui donnent toutleur sens long terme des pratiques. Car leterme valuation est utilis pour dsigner unensemble de pratiques assez diverses quiconcernent aussi bien la gestion des ressour-ces humaines , comme dit le Ministre, que lesdiffrentes techniques qui voudraient mesurerles performances des lves.Et ce n'est pas un hasard si les textes officiels,les discours de l'institution oprent l'amalgameentre des situations assez diffrentes concer-nant aussi bien les lves que les enseignants,car il s'agit de leur confrer une rationalit d'en-semble, de les insrer dans un fonctionnement finalit identique. Entre le livret scolaire,l'examen, les pratiques de notation, les grillesde comptences, l'inspection (ou d'autres for-mes de rituels de pur contrle tranger toutedmarche formatrice), ou le rcent PCIE (permisde conduire informatique europen, propospour les enseignants par la Commission euro-penne, priv et payant !), les modalits sontdiverses, irrductibles, mais il faut saisir en ellesce qui fait systme et les logiques institution-nelles qui fixent les enjeux. En quoi s'y cons-truisent des validations adquates certainesformes de gestion du social.

    Il faut essayer de situer tout ce qu'implique laproblmatique valuative l'cole et au-del,depuis sa signification dans le rapportmatre/lve jusqu'au type de formation-pro-duction-dfinition de la vie sociale qu'elleengage. L'valuation, dans la mesure o elleest construction de chanes de dpendancesentre lve-matre-chef d'tablissement-inspec-teur-acadmie, illustre bien le fait que chacun, son niveau dans une hirarchie, est pris etcontribue faire exister, reproduire des rap-ports de pouvoir. valuation des lves, des enseignants, despersonnes en formation, des salaris, des ch-meurs, il y a chaque fois modulation d'unemme rationalit de production, contrle, dif-

    frentiation, identification des sujets et de vali-dation sociale de leurs capacits, et dont ilrevient l'cole d'tre la premire matrice.L'valuation, du moins le sens qu'elle revt l'cole, au collge ou la fac, ce quoi elle sertet ce qu'elle fabrique concrtement pour ceuxqui s'y soumettent, n'a rien d'une pratiqueinnocente ! Il faut voir tout ce qui est en jeuderrire, tout l'implicite vhicul, sa significa-tion non pas idologique ou symbolique maisen tant qu'instrument effectif de production,aux raisons, aux effets induits, de ces tech-niques de mise en place de certains comporte-ments attendus socialement.

    Qu'est-ce qu'valuer ? Qui peut valuer etqu'est-ce qu'il y a valuer ? Pourquoi ? Quiest intress valuer ? Quel est le sens et quidtermine les critres d'valuation ? Que pro-duit-elle du ct de celui qui en est l'objet ?Que conforte-t-elle du ct de celui qui en estle matre ? D'o vient cette demande rcentepour valuer les enfants en maternelle ? quoicorrespond socialement ce type d'exigencecroissante en terme de sanction d'un apprentis-sage ? En quoi se joue-t-il l quelque chose quiva nous suivre tout au long de notre vie enterme de fabrication des comptences, desaptitudes, de leur lgitimation, de leur hirar-chie, de leurs valeurs respectives ? En quoi est-elle une manire de construire la validit, lanormalisation des savoirs et de leurs porteurs travers une objectivation subordinatrice ?L'valuation transforme celui qui y est soumisen sujet aux deux sens du terme : - sujet, assujetti par le contrle et la dpen-dance au dispositif qui le prend en charge ;- sujet attach sa propre identit, aux traitsdiffrentiels, aux mesures, aux distinctions pro-duites par les technologies disciplinaires.

    On peut dire qu'il s'agit ainsi d' une techniquepour constituer effectivement les individuscomme lments corrlatifs d'un pouvoir etd'un savoir. L'individu, c'est sans doute l'atomefictif d'une reprsentation idologique de lasocit ; mais il est aussi une ralit fabriquepar cette technologie spcifique de pouvoirqu'on appelle "la discipline" 1.

    Les diverses analyses de Foucault sur la fabri-cation des individus par les disciplines insistentsur deux points importants : l'individu doit treproduit et pour tre matris il doit tre spar,

    Deux, trois chosesque je sais delle

    Le Couvre-Chefs [email protected]

    Didier

  • coup, dconnect de certaines relations qui leconstituent, et ensuite rabattu sur une formequi le rend dpendant et instrumentalis pourune gestion hirarchique.Les technologies disciplinaires visent rabattresur une identit individuelle un ensemble deprocessus pr- et transindividuels au niveau et partir desquels peut oprer le processus d'in-dividuation dans lequel tous les discours radi-cal psy ou pda ont un rle jouer.L'individu, gnralement confondu avec lesujet, la personne dans toutes les dimensionsde son tre et de sa puissance, et pos commeralit premire, rsulte d'une gense, de pro-cessus de constitution partir de, avec, associ un milieu, et il consiste en relations. Les dis-ciplines ont pour but d'oprer une capture, unprlvement, une dterritorialisation comme disaient Deleuze et Guattari, dans ceprocessus pour le recoder en coupant ses rela-tions pour lui en attribuer de nouvelles qui vontle rendre dpendant d'un contexte dfini pardes normes extrieures qui vont le contraindre.Il y a dans ces oprations d'individualisationune occultation (indispensable pour le pou-voir !) de ce qu'il en est du collectif, du com-mun, des processus de coopration, des pro-cessus o les relations sont mises en question.

    Le rapport Monteil de juin 99 qui analyse laquestion de la valorisation des ressourceshumaines et le rle de l'valuation nous livreclairement la justification ultime qui peut treattribue cet instrument disciplinaire malgrtoutes ses imperfections et son manque de fia-bilit : Nos socits n'tant pas particulire-ment voues aux dclins des hirarchies, aumoins fonctionnelles, le jugement en demeurela cl de vote. 2 On ne saurait tre plus clair dans l'aveu d'uneraison uniquement politique, dans l'noncd'une ncessit produire les justifications derapports de domination.Michel Foucault a port toute son attention cette assise de nos socits de droit sur un sou-bassement form par un quadrillage serr demcanismes disciplinaires, de procdures d'as-sujettissement, de coercitions, de mcanismesde pouvoir, de dispositifs de contrle, pourproduire un certain type de sujet, d'individu,identifi et constitu comme effet, relais dupouvoir.Loin d'tre un simple outil pour les enseignantsdans leur pdagogie, l'valuation est d'abord etavant tout une technique de production socia-le de l'individu adquat certaines exigencesd'un systme. Technique est prendre bien srau sens de reformulation, traduction, rductiond'un problme qui relve d'une politique

    (instrument dont on dnie le contexte relation-nel pour mieux en masquer les enjeux suscep-tibles de faire dbat). L'valuation fait partie deces multiples procdures qui individualisentceux qu'elles soumettent leur contrle, enmme temps qu'elle produitdes savoirs qui permettentd'avoir prise sur eux et deleur faire intrioriser cettemodalit d'objectivation, ceque signale Foucault la finde Surveiller et punir :l'homme connaissable estl'effet-objet d'une domina-tion-observation.

    En tant que fonction de rgulation, qui a pourbut d'assurer un accord entre les exigences d'unsystme et les conduites de ceux qu'il s'agit deformer, l'valuation est indissociable des rlesattribus l'cole et de ce que l'tat exige de safonction de prparation aux rles sociaux etaux ncessits de l'emploi. Comme le dit trsjustement le rapport Thlot, le but de l'cole estd'assurer des qualifications strictement asso-cies la structure des emplois, et pas d'enfaire plus !L'valuation qui constitue l'lve en un tre quiest mesur, compar, jug, dfini, sanctionn,l'installe dans une relation o il est l'objet d'unregard hirarchique qui lui renvoie commeattribut sa raction un stimulus qui ne le trai-te gure mieux qu'un cobaye. Cette pratiquede mise l'preuve est un jugement qui signi-fie que l'observateur sait mieux, que c'est luiqui pose les bons critres, les bonnes mesures,les bonnes questions, que c'est lui qui est capa-ble de dfinir ce que pense et sent son sujet,qu'il peut rduire la situation ce que lui ren-voie l'observ, la raction, au phnomneque son dispositif a cr. Et que finalement, l'-vnement observ peut tre saisi sous unedimension isole, dtache d'un contexte rela-tionnel l'intrieur duquel il prend sens. Tantdu ct de l'observateur que de l'observ.

    Bien souvent, l'valuation n'est qu'un juge-ment de valeur qui infre partir d'lmentsmatriels sur ce que font les gens dans certainscontextes des gnralits sur ce que sont lesgens, des attributs psychologiques qui identifie-raient la personne.

    Souvent, elle se veut mesure. Les enqutes surles pratiques de notation et les tudes de doci-mologie ont abondamment soulign leurcaractre approximatif, subjectif, arbitraire,incertain, ce qui permet d'infrer que les rai-sons invoques pour l'utilisation de tels instru-

    valuations 11www.abasleschefs.org

    2. P. 2 durapport.

  • 3. ESF, 1997.

    4. Ibid, p.28.

    ments ne sont pas essentielles, mais renvoient l'exercice de mcanismes disciplinaires injus-tifiables dans les termes du droit.

    C'est une constatation laquelle arriveCh. Had j i dans son tudeL'valuation dmystifie 3 sur lessystmes de notation en s'attachantessentiellement aux paradoxescontenus dans la chane d'quiva-lence : notation = mesure = va-luation = instrument de saisie desperformances d'un lve. Au termedes enqutes menes sur nombred'examens (dont le bac) il conclut : Qu'il s'agisse de disciplines littrai-res (ce qui, pour le sens commun,pourra paratre moins tonnant) ouscientifiques (ce qui apparatra auxmmes plus choquant !), les rsul-tats des exprimentations vont tou-jours dans le mme sens. Qu'enconclure, sinon que : a) S'il s'agitvraiment d'une opration de mesu-re, l'instrument de mesure manquetotalement de fiabilit. Il sera alors

    vraiment trs difficile, voire impossible, deredresser la situation. b) Il s'agit vraisemblable-ment de tout autre chose que d'une oprationde mesure. 4 On rapprochera non sans intrt ceci de laconclusion que Michel Tort faisait dans sonlivre (Le Q.I.) sur les prtentions des tests de quotient intellectuel mesurer l'intelligence :puisqu'ils chouent cette fin, c'est qu'ils ontun autre but !

    L'valuation a pour but essentiel de faireadmettre comme une vidence indiscutableque le jugement fait partie de notre intgrationsociale, de notre adaptation, dfinissant cedont nous sommes capables, et que nousavons sans arrt rendre des comptes uneautorit seule juge de nos faits et gestes, mmequand une marge de manuvre tout faitrelle leur est accorde. Mais ce qui est intrio-ris, c'est que la validation sociale est dfinie etgarantie par l'autorit productrice de normes.L'valuation en tant que sanction, modalitd'habilitation qui produit la reconnaissance de comptences et par l mme d'incompten-ces, en dcoupant dans tous ces processus oon apprend et comprend par soi-mme unedmarcation entre savoir et ignorance, eninstaurant une production d'ignorance qui n'estque le revers d'une certaine modalit d'accsau savoir, l'valuation donc s'inscrit dans unecertaine conception de ce qu'est la connaissan-ce, de son mode de production et d'acquisition,

    des intrts qui la commandent, des processusde constitution de l'tre en sujet.Finalement, est-ce que l'valuation plutt quetentative pour cerner un niveau de savoir neserait pas plutt un procd indispensable laconstitution d'un certain type de formation ?Un procd pour slectionner des aptitudesisoles et dtaches de la personne, insrerdans un schma hirarchique forme/contenuune manire dont on acquiert quelque chose,dont on s'adapte, plutt que d'envisager l'ap-prentissage et la transformation de ce qu'il enest du sujet et du rapport entre le savoir et savie ?

    C'est ce que faisaient aussi ressortir les enqu-tes menes entre autres dans la 23e circonscrip-tion [de Paris] il y a quelques annes parJ. Bernardin, formateur du GFEN.Ses questionnaires auprs des enfants sur leursmobiles pour apprendre, sur le sens de cequ'on apprend, sur l'image qu'ils se font de l'ap-prentissage, mettaient en vidence deux cho-ses : la conception du savoir que vhicule l'-cole et l'image trs instrumentale des savoirsqui se construit pour une bonne partie de ceuxqui la frquentent. Le savoir est une chose,trangre, lointaine, qu'on ne connat pas,qu'on peut acqurir ou pas, mais qui n'engageen rien ce qu'il en est du sujet. Une absence delien entre savoir, vie et sujet ! Tout l'opposd'une dmarche de pratique rflexive, unedynamique endogne de formation et dve-loppement qui ne spare pas la question dusavoir de celle du milieu qui le fonde et leporte. Ces constats viennent illustrer la concep-tion dominante de l'apprentissage commeacquisition opportuniste de comptences,structures indtermines applicables dessituations diverses, rebours d'une conceptiono quelqu'un construit dans une expriencesingulire les outils dont il a besoin pourapprendre et comment il se construit lui-mme.Peut-tre mme le rle principal de l'valuationest-il dans nos socits de couper la transmis-sion des savoirs des enjeux dont leur constitu-tion est insparable, ce dont nous comprenonsl'importance alors que sont remis en cause lessavoirs experts, savoirs disciplinaires sparsconstruits sur une connivence avec le pouvoir.Son rle serait de conforter une mise en uvreobjectiviste des savoirs, leur constitution endomaines spars, abstraits, dtachs de toutcontexte, indpendants, autonomes, ralitsinformatives produites par des spcialistes, quine relveraient que de pures logiques internes la connaissance et pas du milieu de vie quiles produit.

    Le Couvre-Chefs [email protected]

    Puisque les

    tests de Q.I.

    chouent

    mesurer

    l'intelligence,

    c'est qu'ils ont

    un autre but !

  • valuations 13www.abasleschefs.org

    Les enjeux sur l'valuation et au-del sur l'cole peuvent se prciser sil'on fait retour sur la mise en placede l'cole de Jules Ferry. Au moinssur certains points.L'cole est faite pour instruire, elle at institue pour a. Mais pas n'im-porte comment et par n'importe qui.Quand l'instruction a t monopoli-se par l'tat car c'est lui que reve-nait le rle de former, unifier, dfinirle Peuple, et surtout former l'armedu travail (expression de JulesSimon, ministre) dont la nation avaitbesoin, il fallait lutter contre desconcurrents, contre d'autres syst-mes, rgimes, conceptions de la for-mation, de l'apprentissage, de laproduction de savoir. Contre l'glise,bien sr, mais contre d'autres beau-coup plus dangereuses car porteu-ses d'autres valeurs que la soumis-sion.

    Pratiques d'autodidactes, ducationmutuelle, formes autonomes d'du-cation populaire et ouvrire, autantde foyers de contestation o se pen-sent et construisent des processusd'mancipation. Dans son livre LeMatre ignorant, Rancire rapporteune de ces expriences dangereusespour le pouvoir qui vise montrerqu'on peut apprendre/comprendrepar soi-mme, sans passer par ledtour du matre explicateur. partir de l'exemple historique d'unmatre mancipateur du dbut duXIXe sicle, Jacotot, qui enseignait cequ'il ignorait, il soutient une thseoriginale : ce n'est pas le savoir dumatre qui instruit.Jacotot disait ses lves : Il fautque je vous apprenne que je n'airien vous apprendre. Son problme lu i , c ' ta i tl'mancipation.

    Le Matre ignorant de Jacques Rancire

    L'valuation tend de plus en plusdepuis quelques temps se gnra-liser comme dispositif de produc-tion, de hirarchisation, de mise envisibilit des activits des individusobjectives comme comptences.Comme une cartographie partir delaquelle il est possible d'avoir prisesur la gestion des personnes.Depuis une vingtaine d'annes, l'-valuation des comptences estdevenue le matre mot des D.R.H.,des agences de recrutement, syst-me de gestion de la main-d'uvrepour les grandes entreprises.Pour donner un cadre d'analysegnral, on pourrait signaler ce quia t tudi par certains analystesdes nouvelles formes du mode deproduction capitaliste dans sa phase post-fordiste , le fait que lamesure de la valeur de l'activitn'est plus le temps de travail,comme dans l'activit taylorise(paradigme dominant jusque dansles annes 70), mais la lisibilit descomptences reconnues (id est :attribues, requises) chez les indivi-dus. La politique des comptencesdveloppe par les entreprises

    signifie un dplacement du mode decontrle de l'activit vers l'amont,sur la valeur des ressources pourl'entreprise.Aprs un systme massifi ou l'co-le attribuait des diplmes rpartis-sant les gens sur des postes dfinispar une division rigide du travail, onpasse de nouvelles formes d'adap-tation individualises, par rfren-ce des normes partir desquellessont mis en place les dispositifs quivont faire merger les comptencesrequises par la mise au travail.La logique des comptences, c'estle systme qui permet d'talonnerla valeur qui va tre attribue auxindividus en liminant toute autresource de lgitimit qu'une logiqueprocdurale qui fait driver cettevaleur d'outils d'valuation qui seveulent objectifs.La comptence relve accessoire-ment d'une logique cognitive etessentiellement d'une logique socia-le de rpartition, de dfinition dece qui va tre stock de ressources exploiter, de mesure de l'engage-ment au travail, de division et hi-rarchisation des gens.

    La logique des comptences

    Il est des raccourcis qui nous pourrissent del'intrieur. Tordons donc tout de suite le couau seul argument que peuvent nous oppo-ser nos collgues : il est question ici de s'op-poser un dispositif national, non de sepositionner sur l'utilit ou pas de conduiredes valuations dans un dispositif d'ap-prentissage. Nous ne prtendons donc pasque les valuations en gnral sont nocivesaux lves en particulier ! Quoique ! Il fau-drait faire la part des choses entre valua-tions et contrles des connaissances.Mais c'est un autre dbat !Des valuations au service dune ido-logie Le Collectif anti-hirarchie se pro-pose de crer un large mouvement quis'oppose tous les dispositifs d'valua-tions nationales . Il y a urgence en effet reprendre en main ce qui nous concerne :la sauvegarde du service public d'duca-tion. Or nous constatons depuis l'introduc-tion des valuations nationales qu'elles ser-vent une idologie nfaste car :Elles sont directement inspires des tech-niques de management dans les entrepri-ses. Elles aboutissent l'tablissement d'unpalmars des meilleurs acadmies, arron-dissements, quartiers, coles et pourquoipas enseignants ! Elles accentuent le senti-ment d'chec des enfants les plus loigns culturellement de ces pratiques ! Elles neprennent en compte que les maths et lefranais, matires nobles et font fi detoutes les missions d'apprentissage de lacitoyennet l'cole !Elles annihilent tous les combats que nouspouvons mener au sein de nos classes pourprendre en compte la globalit du dvelop-pement des enfants. Elles disqualifientd'emble les pratiques qui se centrent sur lacoopration et l'entraide, ainsi que le dve-loppement de l'autonomie des enfants,puisque le dispositif lui-mme fonctionnesur la comptitivit (travail individuel, cha-cun pour sa pomme !) et la matrise dutemps (tout est rigoureusement minut).Elles exacerbent le sentiment de culpabilit

    Refusons lesvaluationsnationalesL'enfant n'est pasune marchandise !

  • et isolent les enseignants entre eux. Elles nerendent pas compte des comptences deslves : les critres de correction sontcomme partout ailleurs : hautement par-tiaux. Elles uniformisent les pratiques ensei-gnantes, vers l'acquisition de mcanismes pavloviens , rentables sur le plan produc-tiviste !Elles mettent volontairement de ct l'am-bition ducative de l'cole publique. Ellesne cachent plus leur nature doutils deslection et dorientation au collge. Ellestransforment l'cole publique en une vul-gaire antichambre des pratiques de l'coleprive : au service de la rentabilit et de lasoumission des lves l'ordre moral.Nous ne sommes pas des vaches lait !Sachons enrayer le mouvement : oppo-sons-nous aux valuations CE2, rsistons leur mise en place la maternelle, naccep-tons pas la nouvelle fourne annonce enCE1. L'enfant n'est pas une marchandise,les lves ne sont pas des machines pro-duire. Nous ne sommes pas des vaches lait ! Opposons-nous ces drives qui com-promettent l'existence mme de l'colepublique. Osons refuser !Osons vaincre !

    Le Couvre-Chefs [email protected]

    Nathalie Astolfi

    L'valuation sur nos lves est ncessairement impr-gne de notre propre histoire. Que reproduisons-nous ?Que nous oblige-t-on reproduire ?Tout d'abord, nous avons d passer par le systmeducatif et l'accepter plutt plus que moins, sinonnous ne serions pas l. Le concours de prof d'cole estun modle en matire d'valuation compltementdconnecte des aptitudes ncessaires la profession,si tant est qu'elles soient identifiables ! La formation l'IUFM est totalement infantilisante. Mes souvenirs melaissent l'impression d'avoir t plus note, l'issuedes cours thoriques, sur l'application mise dans laprsentation des documents remis que sur le fondQui n'tait pas bien intressant, il faut bien le recon-natre ! Ah, a, c'tait bien soulign en rouge ! Je mesouviens avoir dbattu une heure avec ma prof demaths en visite dans ma classe sur l'intrt d'utiliserdes vrais ufs (mais, a casse !), des balles de ping-pong (mais, a rebondit !) ou des cubes (mais, c'est siloin de la ralit !) pour aborder la division en CM1.J'avoue que j'tais un peu dsempare par la teneurde l'change Heureusement que je ne devais pasl'valuer, cette discussion : elle n'aurait pas eu unebonne note, ma prof ! vrai dire je ne me souviensplus de la mienne, de note !Et puis un jour, nous y voil, nous avons accept toutesces infantilisations, et nous sommes enfin responsablesd'lves. Responsables des progrs qu'ils font et dans l'obligation de les valuer.Pour ne surtout pas oublier que les notes restent leseul moyen d'valuation, nous continuons tre va-lus de la mme manire Mme si nous refusonsl'inspection, l'administration est oblige de nous met-tre une note L'absence de jugement quivaut pourl'administration la note la plus basse qui ne soit pasnulle ! Elle n'ose* tout de mme pas nous juger nuls etnous laisser l, en responsabilit de classe ! a contri-bue donner une haute ide de cette fameuse note !Et cette fameuse note donne toute son importance l'inspection. Elle obnubile l'inspecteur qui se doit d'tre juste dans la rpartition de ses points, plus quedans l'analyse de notre conduite de classe, qui doitjustifier le nombre de points qu'il nous accordera, plusqu'couter et discuter les motivations qui nousconduisent adopter notre dmarche pdagogique.Face l'inspection, on se retrouve ncessairement, sion l'accepte, dvelopper des stratgies de sduction,plutt qu' tayer sur nos convictions Tout a, cause de cette fichue note !Et nos lves reproduisent la mme chose. Sachantqu'ils seront tt ou tard nots, ils se refusent analy-ser leur comprhension au moment mme desapprentissages, prfrant nous laisser seuls juges de

    Lvaluation etmoi

    * En fait, elle ne le peut plus depuis une dcision du Conseildtat de 1993 en ce sens. Voir la partie Inspections .

    Les valuations nationales sont des indica-teurs des performances des lves. Il est normal[en ZEP] que ladministration soit en demandede rsultats en rponse aux moyens mis.

    Une inspectrice, Nanterre.

  • leur progression. D'une va-luation, ils ne retiennent quela note et non pas le contenu.Face des valuations rguli-rement ngatives, ils entri-nent leur mdiocrit apparen-te, se construisent avec,oubliant ce qu'ils sont relle-ment : des enfants en appren-tissage, comme tant d'autrescapables d'apprendre !Finalement l'valuation nuitaux apprentissages. Elle foca-lise l'attention sur un rsultatet non sur un contenu.Cela ne risque pas de s'arran-ger : dans la volont annon-ce d'amliorer la main-d'u-vre sortant du systme duca-tif, le rapport Thlot demandeplus de contrle du systmeducatif. Bientt seules lesvaluations CE2/6e permet-tront de juger de la qualitd'une organisation pdago-gique. On oubliera toute larichesse de la diversit destres et de leurs interactions !On ne retiendra que des indi-ces facilement comparables,mettant en comptition ta-blissements et individus.Quelles solutions alors ? Noussommes cartels entre notredsir de considrer chaquelve comme un enfant-adulteen devenir, quelles que soientses aptitudes, qualits, dons,heureusement invaluables, lancessit d'tre critiques surl'influence de notre travail avecnos classes et au sein de noscoles, et l'obligation de fournir la socit (collgues, parents,administration) le rsultat lisi-ble de notre valuation.Il est de notre rle d'ensei-gnant/ducateur de construireune rflexion personnelleautour de ces thmes afin demultiplier dans nos pratiquesavec les enfants-futurs adultesdes situations o les interac-tions entre individus sontmises en avant plutt que cel-les mettant en comptition lesuns et les autres. Peut-tre ylaisserons-nous germer desides d'entraide, de coopra-tion ?

    valuations 15www.abasleschefs.org

    Marine

    Les valuations mises enplace par l'ducation nationa-le ne considrent que lesrsultats individuels.Est-il lgitime d'extirper unlve du groupe dans lequel ilvolue, pour lui demander derpondre seul des questionsqui s'adressaient jusqu'alors l'ensemble de la classe ?Le principe mme d'unesocit est de rassembler desindividus particuliers, avecdes comptences particuli-res, qui enrichissent par celles-ci le groupe classe.Pourquoi n'y a-t-il pas d'va-luations collectives dans cecas ?Peut-tre parce que le syst-me, scolaire ou autre, ne veutpas considrer une dyna-mique de groupe ou qu'ilveut, en ralit, casser cetteforce. L' effet de meute atoujours fait peur ! Contrlerun individu isol est beau-coup plus simple. Alors onprne l'individu, isol dugroupe, et certains lmentsse hissent en haut de l'chelle,aurols des lauriers de larussite personnelle. En fait,on les hisse ces sommets enleur vantant les mrites de l'-crasement d'autrui, puisqu'ilne peut y avoir qu'un seul pre-mier.L'autre devient un rival, il n'estplus un alli.Il est malheureux de constaterque, en continuant valuerles lves individuellement,on cautionne une socit cla-te, o l'on valorise les dipl-mes et non les motivations oules aspirations de chacun.Ce qu'un lve peut apporterau groupe n'a aucune valeur.Et parfois a commence ds lamaternelle, pour ceux qui ontle privilge d'avoir un livretd'valuation de leur toutejeune scolarit et pourtant,

    quel est l'objectif fondamentalde la maternelle ? N'est-ce pasla socialisation ? Sous ceterme on regroupe desnotions comme le travail engroupe, le partage, l'entraide,la coopration. Est-ce celaqu'on value ? Bien sr quenon, puisque ce n'est pasquantifiable.L'individu aurait donc unevaleur. Il s'apparente unesomme de rsultats et sacapacit trouver sa place ousa caste dans un groupe s'ef-fectue coups d'valuations :un coup de maths droite, uncoup de dicte gauche ethop le voil bien cadr !Mais il y a pire encore, unenfant fragile peut cder lapanique devant un problmequ'il ne peut rsoudre seul eten arriver se remettre encause en tant qu'individu. Il ya des ges (mais y en a-t-ilvraiment ?) o l'amalgameentre ce que je suis et ce queje vaux se fait trs vite : ilchoue en tant qu'lve, doncil est nul, dans le sens qu'iln'est rien. L, l'institution faittrs fort, elle inculque la nga-tion de soi. La pression est siforte chez certains ados ouplus jeunes que dans lemeilleur des cas ils renoncent apprendre et se moquentdes notes ; mais il y a ceux quise sont pris au jeu de la per-formance et de l'excellencesans faille et qui s'effondrent la plus petite contre-perfor-mance. Et cet effondrementpeut conduire aux actes lesplus extrmes comme le suici-de. Alors, bravo cette institu-tion qui pousse des jeunes se dvaloriser ce point et se rduire nant. En revan-che, on n'a jamais vu uneclasse entire mettre fin sesjours parce qu'elle n'avait pastrouv la solution !

    valuation solitaire :L'lve, produit scolarifactur

  • Les valuations, telles qu'elles sont conues, et tous les niveaux, ont un critre incontournable : letemps.Il y avait dj le problme pos par le temps entant que date, et la question de quand faire cesvaluations ; on voit rapidement toute l'injusticeque le choix d'une date faisait natre. Les indivi-dus, leur rflexion et leurs sens, ne sont pas tous disponibles un instant t choisi.Mais supposons qu'un premier formatage ouqu'un quelconque dopage, dirait-on en sport, aitrussi amener tous les participants au top avant l'preuve, se pose alors la question de larapidit. Celle-ci entre en jeu et s'avre tre unequalit dcisive dans toutes les valuations qui sedroulent en un temps limit. Si la tche n'est pasaccomplie et la solution pas trouve la minutede fin d'preuve, la note, quelle que soit sa forme,ne sera pas maximale.Alors, interrogeons-nous sur qui dcide de cettedure et, surtout, comment elle est fixe. S'agirait-il de savants un peu fous qui se seraient chrono-mtrs eux-mmes sur chaque type d'preuve, etqui auraient donn leurs chronos comme rf-rent universel ? Ou bien encore des individussadiques, adeptes de l'exprimentation animale,auraient-ils pris des enfants-cobayes qu'ilsauraient mis l'preuve et dont ils auraient calcu-l le temps moyen pris pour russir ? Une tellerigueur scientifique, bien qu'existante, ne ressem-ble pas trop nos chercheurs en lucubration del'ducation nationale et encore moins l'ensei-gnant bta (lettre de l'alphabet grec je prcisepour lever toute suspicion d'outrage et dempris). Craignons plutt qu'il ne s'agisse d'unchoix de dure arbitraire, autrement dit au pif ,par quelque groupe de travail accro du journalL'quipe.Si l'on regarde maintenant les effets des valua-tions sur les valus eux-mmes, on constatequ'on dclenche chez eux un stress plus ou moinsimportant. En effet, un individu potentiellementcapable de rsoudre un problme se voit inflig

    une contrainte supplmentaire, le faire en untemps donn, voire mme devoir donner unerponse immdiate. C'est, d'ailleurs, de penser cette chance qui devient une contrainte.L'chance gnre l'angoisse et peut mme rdui-re nant tous les moyens et toutes les facults.On favorise les rflexes au dtriment de larflexion.Cette course la montre qu'est l'valuation, plusque de donner une image de russite, participe augmenter l'chec.Sans tre particulirement excessif, on peut parlerde sadisme concernant ces personnes qui mettentdes individus dans une situation de stress qui leurfait envisager un potentiel d'chec. Peu leurimporte que tout le monde russisse, puisquaucontraire il se dgage l'issue de l'preuve unelite. Nous appliquons les lois de la prdation : leprdateur le plus rapide mangera sa faim, et laproie la plus rapide survivra. Il est regrettable dansce cas que l'ducation se rsume une vulgaireloi de slection naturelle prne chez les humainspar les rgimes fascisants partisans de l'eugnis-me. Dans tous les cas, l'valuation s'apparente unepreuve d'athltisme o, si tu es le premier tu asgagn. Gagn quoi ? C'est encore une autre ques-tion. Paul Virilio, dont les livres ont pour thmecentral une rflexion critique sur la vitesse, cri-vait : La vitesse, c'est la violence dans tous lesdomaines et un analyseur extraordinaire de notresocit. Il nous faudrait absolument une cono-mie politique de la vitesse ou ce que j'appelle une"dromologie", c'est--dire une discipline qui s'int-resse aux ravages de l'acclration et de lacourse. Quel est l'objectif d'un enseignant ? Que tout lemonde comprenne, ou que certains compren-nent vite ? En se posant cette question l'ensei-gnant se remet lui-mme en cause ; en effet,voyant que seulement une partie de ses lvescomprend, il devrait se dire que cette partie taitformate au type d'enseignement qui est le sien.Mais l'autre partie va avoir besoin de cette faculttoute professorale qu'est le rabchage. Le rab-chage : perte de temps ou conscience profession-nelle ?Si l'on convient qu'il faut plus ou moins de temps un individu pour faire passer son enseignement,on admettra aisment qu'il en faut plus ou moinsaussi un autre pour le recevoir et le restituer. Et, pour terminer, cette parole de Touareg : L'important n'est pas quand la caravane arrive,mais qu'elle arrive. Et maintenant, que les chiens aboient...

    Quel avenir pour les lents ?

    Claire

    Le Couvre-Chefs [email protected]

  • Le problme de la notation estun problme de surface, unarbre qui cache une fort. Lanote conclut une valuation,elle-mme consquence de lavaleur donne des actes, despersonnes, des choses desmarchandises ? Il y a deux sour-ces au jugement de valeur : ceque je pense moi -- allez donctalonner avec tant de subjecti-vit ! -- et ce que pense le plusgrand nombre -- vous savez, cebon sens commun sous dpen-dance, de l'air du temps, despouvoirs conomiques, poli-tiques ou scientifiques, desmdias Peut-on sortir de l ?Jamais deux enseignants n'ac-corderont la mme importance tel ou tel type d'acquisition,non plus qu'aucun adulteparent n'aura jamais les mmesattentes qu'un autre auprs deses enfants. Qu'est-ce qui vautquoi ? Qu'est-ce qui est mieux ?(Bien, mal, cela me rappelle unair sur lequel plus que jamais sechante -- se hurle certaine guer-re) Je sais l'histoire d'un ado-lescent extrmement brillant enclasse qui tait tellement inapte la vie quotidienne et matriel-le que son pre demanda, entoute confiance, au cancre de la classe de veiller sur lui etses affaires, lors d'un voyageextrascolaire. Lequel de cesdeux est le plus valable (!)mme aux yeux de la socit ?Ils ont tous deux leurs comp-tences, ils ont acquis desconnaissances et des savoir-fairediffrents. N'estimez-vous pasque les deux sont indispensa-bles ? La valeur de chacun, c'estqu'il est de toute manire indis-pensable quelqu'un, quelque chose, quelques-uns.Et pas pour une valeur de 5 sur10, ni mme de 15 sur 20. Quoiqu'en pensent les pouvoirs pourlesquels les personnes ne sontjamais que chair travail ou canon.

    Croyez-vous qu'il faille absolu-ment tre un chanon institu-tionnel conforme la demandede l'actuelle socit, elle-mmetrangre tout sens coopratifet obnubile par la rentabilit(que a rapporte de l'argent, dupouvoir, du succs) ? Nousrisquons de finir par ne plusvaloriser (i. e. bien valuer) queles comptences qui permet-tent l'lve, plus ou moinslongue chance, d'tre lui-mme rentable ou, mieux, apte rentabiliser son environne-ment matriel et/ou humain.De nos jours, les matires

    nobles qui permettent d'treremarquable scolairement nesont plus forcment celles d'au-trefois, qui taient tout aussidpendantes d'une mode,d'une conomie. La valeur desgens dpend-elle de leur valeurmarchande prsente ?Mettrons-nous une meilleurenote Rimbaud ou Einstein ? Freud ou Pasteur ? Marxou Picasso ? Heisenberg ou Alva J. Fisher 1? FernandPelloutier 2 ou Mozart ? Il y apeut-tre un critre : celui dubnfice que fait la Fnac avecleurs uvres.

    Valeurs : du mieux au moins bienet du bien au mal

    1. Je sais,vous neconnaissezsans doutepas cet ano-nyme vala-ble, inven-teur du premierlave-lingelectrique !

    valuations 17www.abasleschefs.org

    Dominique

    2. Fondateurde laFdrationdes Boursesdu Travail.

  • Lorsque les hommes reoiventquelque bien de la part de celui dontils nattendaient que du mal,ils en sont beaucoup plusreconnaissants.

    N. Machiavel, Le Prince

    Le Couvre-Chefs [email protected]

    ce propos,le dernierministre lgifrer surle cahierjournal declasse a tJules Ferryen octobre1881 etctait pourle suppri-mer ! Il nevoulait pas manifester lgard ducorpsenseignantunemfiancequil nemrite pas .

    Autrementdit, le cahierjournal nesten aucunefaon unepice exigi-ble en casdinspection.

    -

  • Les hirarchies sont multiples et souvent diffuses. Ce n'est pas uneralit propre au systme scolaire. Nous pouvons y constater desphnomnes de division du travail, de corporatisme et de hirarchiesociale qui existent depuis longtemps (mais pas une ternit) dans toutela socit.Certaines hirarchies sont concrtises par les statuts (inspecteur,directeur d'acadmie, principal d'tablissement, etc.) mais d'autresn'existent que sous l'effet d'idologies plus ou moins souterraines.Comme telles, elles possdent souvent la force d'une vidence, et sontdonc d'autant plus difficiles remettre en cause qu'elles sont souventnies par ceux et celles qui les exercent. Nous voulons parler ici dupouvoir laiss, par exemple, aux directeurs d'coles, aux conseillerspdagogiques, aux plus anciens , ou de celui impos aux agents deservice, aux aides-ducateurs et aux travailleurs statut prcaire engnral. On le voit, pas de hirarchie sans volont de s'imposer, mais,tout autant, pas de hirarchie sans soumission de personnes qui selaissent commander.Remettre en cause toutes les hirarchies ? Oui. Le CAH prtend lutterpour une cole et une socit plus justes et galitaires, et donc contreles soumissions et l'autoritarisme qui, comme la mauvaise herbe,repoussent continuellement.Nous proposons donc un petit voyage dans les divers statuts destablissements scolaires. Nous avons modestement essay de dessinerquelques processus de mise en place des hirarchies entre les uns et lesautres -- avec des tmoignages vcus -- et nous avons esquiss quelquesstratgies possibles de rsistance.

    www.abasleschefs.org

    Hirarchies

    La hirarchiecest comme les tagres

    plus cest haut,moins a sert.

  • Un jour, un militant duCollectif parisien anti-hi-rarchie avait dcid de seprsenter -- pour rire -- l'entretien de recrutementdes futurs directeurs d'cole. la tradi-tionnelle question Pourquoi voulez-vousdevenir directeur ? , il s'est empress derpondre : Pour gagner plus d'argent, pouravoir un logement de fonction, pour exercerune autorit sur mes collgues et avoir lareconnaissance de mes suprieurs, et sur-tout, surtout, pour ne plus voir un lve ! Inutile de prciser que l'administration nelui a pas su gr de cette sincrit peineprovocatrice. Il n'en est pas moins vrai qu' Paris, tou-jours en avance sur son temps et sur lasituation gnrale, le statut des direc-teurs d'cole -- officiellement non sup-rieurs hirarchiques des adjoints -- est exor-bitant du droit commun en vigueur danstous les dpartements :- Une dcharge de service de classe pourtous : complte partir de 5 classes dansl'cole, mi-temps pour les quelques coles moins de 5 classes.- En plus des bonifications indiciaires fourniespar l'tat aux directeurs d'cole et qui entra-nent dj une ingalit financire avec lesadjoints, des indemnits verses par la Ville deParis, sans commune mesure avec celles deleurs collgues de banlieue ou de province :celles et ceux qui cumulent indemnits pourcharges administratives, pour responsabilits etcollectes des paiements de cantine, garderie outude, pour ateliers bleus et/ou cours du soirpour adultes, voient leur paye se gonfler d'unbien joli pcule (pouvant dpasser 50 % deleur traitement de base certains mois, et large-ment 10 000 euros annuels pour les mieuxlotis).- La priorit, garantie par la mairie de Paris entoute illgalit, pour bnficier d'un logementde fonction dans l'cole (ou proximit), alorsque des dizaines d'instits cas sociaux jugs prio-ritaires par la commissions d'attribution des

    logements de fonction atten-dent en vain un logementauquel ils ont thoriquementdroit.- Une notabilisation

    manifeste : trait de chef d'tablisse-ment par la mairie et le rectorat, voire

    les parents d'lves et mme parfois sescollgues instits ou PE, le directeur d'co-le n'est jamais mis sur le mme plan queses adjoints , il est de plus en plusconsidr comme un cadre , voireun rouage de la hirarchie, qui l'onvoudrait imposer devoir de rserve etsolidarit l'gard de celle-ci contrede modestes avantages tels qu'invita-tions quelques pince-fesses acad-miques ou municipaux...Tout cela, renforc par le rouleaucompresseur de la formation desfutur(e)s directeur(trice)s, explique

    que des conflits de plus en plus fr-quents et de plus en plus violents sur-viennent dans les coles maternelles

    et lmentaires avec des directeurs, quise croient investis des pleins pouvoirs

    sur les enseignants, les personnels muni-cipaux, les locaux, le matriel, sans parler

    des lves. Depuis un an, dans les 2e, 8e, 10e,12e, 13e, 15e, 18e, 19e, 20e arrondissementsnotamment, les problmes se sont multiplis etont ncessit des ractions syndicales et collec-tives. Car, quinze ans aprs la lutte contre les matres-directeurs , il n'est pas question deles laisser revenir, sous quelque dguisementque ce soit ! Or, c'est justement ce que nous prpare le gou-vernement : l'article 86 de la loi de dcentrali-sation vote la sauvette en juillet 2004 pr-voit la cration exprimentale , l'initiativedes mairies et avec l'accord des recteurs,d' tablissements publics d'enseignement pri-maire (EPEP). Et qui dit tablissement ditaussi chef d'... !Le travail tait de toute faon prpar par le rap-port du recteur Pair, missionn par le gouverne-ment Jospin en 1997, qui prconisait des regrou-

    Camarade Dirlo,n'oublie pas que sous l'uniformetu restes un enseignant !

    Le Couvre-Chefs [email protected]

    Texte delancien CAH,actualispar Jean-Franois

  • pements d'coles en ensemblesde 30 classes en moyenne,avec leur tte un super-direc-teur disposant de la plupart despouvoirs d'autorit actuelle-ment dvolus l'inspecteur etassist d'un secrtariat pour lestches administratives. C'taitaussi la logique des rseauxd'coles voulus par le ministreFerry (Luc) et abandonns parson successeur Fillon (qui,donc, prfre la formule EPEP).Ce projet de faire des directeursde vrais chefs d'tablissements'inscrit dans un contexte devalorisation de l'autorit quel'on retrouve la fois dans leprojet de loi d'orientation pourl'ducation, le rapport del'inspection gnrale sur l'aca-dmie de Paris, les discoursmanant du ministre et durectorat.Quant la mairie de Paris, elleva au bout de sa logique : avecle soutien actif de la plupart dessyndicats corpos et du lobby(dit amicale ) des directeursparisiens, elle a dcid de rser-ver les logements de fonctiondes coles exclusivement auxdirecteurs. Quelques adjointslogs cause de leur situationsociale, familiale ou financire,c'tait encore trop ! Prise en juin2004, cette dcision entrerapleinement en vigueur en 2007ou 2008, l'extinction du corpsdes instituteurs. ce moment,les directeurs devront s'acquit-ter d'une redevance d'environ600 euros par mois pour l'oc-cupation du logement (c'estloin du tarif des loyers pari-siens !) et seront redevables lamairie de servitudes dans ledomaine de la responsabilitdes locaux en dehors des heu-res scolaires, comme les chefsd'tablissement du seconddegr. Un pas de plus vers l'as-similation cette catgorie !Nous n'accepterons pas dechefs d'tablissement dans leprimaire, pas plus que desdirecteurs qui y ressemblent.Tous sur un mme pied d'ga-lit, de responsabilit, desalaire et de statut !

    Hirarchies 21www.abasleschefs.org

    Tout systme hirarchiquefonctionne grce la mise enplace de diffrentes strates depouvoir et au rle que chaqueindividu accepte d'occuperdans ces strates. Ne jamaisconsidrer le statut de l'autrecomme suprieur ou infrieurau ntre, ne concder aucunereconnaissance quelqueautorit que ce soit, met djen difficult tous ceux et celles qui on a dlgu une par-celle d'autorit, et qui consti-tuent autant de relais sur les-quels le pouvoir centraliss'appuie.Il ne s'agit pas pour autant des'enfermer dans un duel certesjouissif, mais la longue pui-sant, avec nos soi-disantchefs. N'oublions pas que lesstratgies des dtenteurs dupouvoir sont d'autant plus effi-caces qu'ils sont confronts des individus isols, enfermschacun dans la fonction quilui est attribue. Pour luttercontre la hirarchie, il est doncnon seulement ncessaire des'organiser collectivement, ceque nous faisons formelle-ment travers le CAH, mais ilnous faut aussi dans la vie detous les jours sortir de notrepropre isolement.

    Refuser notre pouvoirhirarchique Discuter avecceux qui nous entourent(dames de service, ASEM, AE,surveillants, parents), parleret faire parler des tches quinous ont t plus ou moinsarbitrairement attribues etrflchir sur le bien-fond deces attributions, bref, crer dulien, permet de se sentir plusproche et plus solidaire desautres. On dit souvent dansles luttes que lorsque l'un denous est attaqu, nous le som-mes tous, mais on a plus demal ragir selon cettelogique. Se rapprocher des

    autres suffisamment pourqu'ils fassent concrtementpartie du fameux nous, voilpeut-tre une piste explorer.Une solidarit concrte, unesolidarit de classe, devraitgalement nous aider ne pasnous comporter plus oumoins consciemment commel'un des rouages de l'organi-gramme hirarchique.En effet, s'il semble vident des'opposer la hirarchiequand on s'en estime la victi-me, il faut tre attentif nepas nous retrouver nous-mmes dans la position del'oppresseur ou de son alli.Alors qu'on nous y incite deplus en plus, notamment avecla loi Perben qui permet decondamner plus lourdementl'usager qui oserait outrager lefonctionnaire que nous som-mes dans l'exercice de sesfonctions, nous devons refuserde mettre en avant notre sta-tut dans quelque situation deconflit que ce soit, et le fairesavoir haut et fort.Dans une logique similaire, ilfaut viter d'avoir recours quelque autorit que ce soitpour rgler un problme avecun enfant, un collgue ou unparent. L encore, le dialo-gue, le lien qu'on cre en par-lant et en coutant les autres,est notre plus fidle atout pourrgler un conflit.

    N'oublions pas que toutrecours l'un des rouages dela hirarchie sert justifier sonexistence.

    Rompre avec les habitudesde soumission Face auxdiverses pressions et attaquesdont nous pouvons tre l'ob-jet, qu'elles viennent d'un petitchef ou du ministre, souve-nons-nous que les droits seconquirent, et s'effritent dsqu'ils ne croissent plus.

    Stratgiesde rsistance

    Claire

  • Le Couvre-Chefs [email protected]

    Notre premier rflexe, avec nos statuts encore protgs-- du moins quand nous sommes titulaires --, est sou-vent de nous poser la question des textes : Ont-ils ledroit de ? Avons-nous le droit de ? Mais un regardfroid et critique sur nos expriences passes nousmontrera vite que le droit, ils le prennent, en haut,comme ils le veulent ; qu'obtenir d'un recteur qu'ilcontraigne un proviseur respecter un texte est aussiefficace et logique (cf. ci-dessus) que demander unbanquier d'obliger un patron respecter les formes dulicenciement conomique ! D'autant que, au vu de lamultiplication des cas, on peut souponner qu'estvenue d'en haut la consigne de se montrer pervers etabusif. Quant la voie judiciaire, la plupart des conflitsque nous pouvons connatre et vivre ne peuvent atten-dre les annes ncessaires au tribunal administratif.Alors, renversons la situation, et, dans l'action collecti-ve, sachons nous aussi outrepasser nos droits. Le rap-port de force se joue entre notre nombre, notre dter-mination, notre unit, et leur pouvoir excutif de fait.Le rapport de force est certes largement dfavorablelorsqu'un individu est isol pour tre seul frapp. Latentation de faire jouer les textes, et donc de s'y plier,ou la tentation de faire appel la hirarchie suprieu-re pour les faire respecter, ou enfin la tentation de la

    conciliation et du compromis, est d'autant plus grande.Pourtant, ce n'est pas, l non plus, la stratgie la plusefficace. La tnacit, le refus de plier s'avre, en pra-tique comme en thorie, bien plus satisfaisant que lespetits reculs dus la lassitude, qui nous font perdre cesdroits que nous croyions acquis jamais et pour les-quels il faudra encore se battre, avant de les lcher nouveau dans un va-et-vient strile et indfinimentpuisant. L'intransigeance, l'inflexibilit, ds le premiercontact, dcouragent vite les tentatives d'intimidationet le harclement.