15
Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 26 septembre 2006 — Volume 96 Numéro 3 • Caressés par l’autodépréciation depuis 1977. Perdez-vous dans l’empire Quebecor en pages centrales

ledelit_20060926

Embed Size (px)

DESCRIPTION

en pages centrales Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 26 septembre 2006 — Volume 96 Numéro 3 • Caressés par l’autodépréciation depuis 1977.

Citation preview

Page 1: ledelit_20060926

Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 26 septembre 2006 — Volume 96 Numéro 3 • Caressés par l’autodépréciation depuis 1977.

Perdez-vous dans l’empire Quebecor

en pages centrales

Page 2: ledelit_20060926

02xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Nouvelles

Andreea IliescuLe Délit

Éléments d’une culture ancienne et ambiance des temps révolus animaient la pelouse de McGill, le

jeudi 21 septembre denier; la modernité faisant place à la tradition ou plutôt les deux se retrouvant. Non, il ne s’agissait pas d’un bal style Louis XIV sur le thème de l’exploration du «Nouveau Monde». C’était tout simplement le cinquième pow-wow organisé par la First Peoples’ House (FPH).

Revaloriser la culture autochtoneLe discours de Waneek Horn-Miller,

directrice de la FPH, ouvrait le spectacle. Athlète et avocate, capitaine de l’équipe canadienne de water-polo lors des Jeux

olympiques de 2000, elle a rendu hommage à son père qui l’avait encouragée dans ses études –ancien étudiant à McGill, il était présent pour l’occasion. Le but de Waneek est d’apporter du soutien aux étudiants autochtones, de les aider à s’intégrer et de faire valoir leur culture. Encourageant, quand on pense que des 56 langues aborigènes parlées au Canada 53 sont menacées de disparaître avant la fin du siècle. «Go with the flow», a-t-elle conclu, faisant référence à un dicton aborigène qui reviendrait en français à «Laissez-vous aller».

En quittant la scène, Waneek accorde au Délit quelques minutes de son temps. Elle organise ce spectacle pour la deuxième fois. Pourquoi «pow-wow»? «C’est tout simple, il s’agit d’un rassemblement traditionnel, rien de sophistiqué à ce nom.» Elle confirme que McGill compte à peu près vingt étudiants autochtones: «C’est important qu’ils puissent se retrouver et se sentir chez eux.» Interrogée sur l’organisation de l’événement, elle déclare: «Difficile, très difficile, beaucoup de travail, beaucoup de coups de fils à passer pour s’assurer de la présence de tous nos collaborateurs, pour s’occuper des stands et du spectacle.»

Elle ajoute qu’elle est très contente du résultat, la célébration ayant visiblement attiré beaucoup plus de monde que l’année passée, et «beaucoup plus d’étudiants en particulier». «C’est intéressant de voir toutes

les boutiques et tous ces gens en train de danser», affirme une étudiante qui assiste pour la troisième fois au pow-wow. Elle reconnaît une meilleure organisation que les fois précédentes. «C’est trop cool, je n’ai pas envie d’aller en cours», lance une autre.

Des chants et des danses. Lisa Odjig, une des participantes au

spectacle, explique son costume pour Le Délit: «Tout est fait main. Ma danse s’appelle Ladies Fancy Dance, une danse plus rapide avec beaucoup de pirouettes, mon costume s’accompagne d’un châle qui peut représenter les ailes d’un papillon ou d’un aigle, la liberté. Les couleurs… le bleu est ma couleur, je viens d’Ontario et là-bas il y a beaucoup d’eau, l’eau délivre, elle assainit, elle purifie le corps et l’esprit. Voilà ce que cela signifie pour moi. Et je ne t’ai parlé que d’une seule couleur.»

La musique et son rythme ont guidé les pas des danseurs et des spectateurs disposés à se joindre à eux car tout le monde était invité. Les plus talentueux pouvait tenter de coordonner les mouvements de leurs mains avec ceux de leurs pieds; pour ceux qui avaient du mal à se concentrer sur deux choses à la fois, les mouvements de pieds suffisaient!

Tout reposait sur le courage de se join-dre à la foule de personnes autochtones pas-sionnés par leur art. x

Danse avec les autochtonesLe cinquième pow-wow de la maison des Premières Nations de McGill propose des chants et des danses traditionnelles à tous les étudiants.

campus

Mon premier est très bon dans ce qu’il fait. Mon deuxième est ce que vous êtes en droit de réclamer. Mon troisième est la quatorzième lettre de l’alphabet grec.Mon quatrième est un «nous» qui se conjugue à la troisième personne du singulier. Mon tout est ce que vous allez coordonner.

Contactez [email protected]

Terrasse��������������

���

��������������������

Vous avez le droitd’y fumer !

Les Samedis����������

������������

Entree gratuite�����������������������������

valide les vendredis seulement�

�������

����

�����

���

������

���

���

�����

������������������

MONTREAL’S FINEST APARTMENTSLocated in the heart of entertainment activities!

Barcelona – 3465 HutchisonDurocher - 3455 Durocher

Place Elgin - 1100 Dr. Penfi eld Ave.Chatel – 1625 Maisonneuve W

Citadelle – 2125 St-MarcDe la Montagne - 2075 De La Montagne

Visit our website for more information!www.cogir.net

petites annoncesLogements Services

SERVICES DE SECRÉTARIATAnglais et français, traitement de texte, transcription, procès-verbaux, convocations, listes, etc. (514) 292-1415

STUDENT INCOME TAX - $20On McGill/Concordia Campus. Student rate is ALWAYS $20 per fi scal year. Rate for non-student is $29 / for couple $49. Le service en français est disponible. Call Mister Twenty / Monsieur VingtPierre 514-703-1089

Lisa Odjig, participante, admire le spectacle. Nous pouvons admirer son costume! Andreea Iliescu

Réponse: Pro-dû-xi (ξ)-on (production).

Page 3: ledelit_20060926

03xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

RÉDACTION3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 [email protected]

Rédacteur en chef [email protected]

Alexandre de LorimierChef de pupitre–nouvelles [email protected]

Maysa PharèsChefs de pupitre–arts&culture [email protected]

Émilie BeauchampLaurence Martin

Rédacteurs-reportersPierre-Olivier BrodeurDavid Drouin-Lê

Coordonnateur de la production [email protected]

ゴジラCoordonnateur [email protected]

Mathieu MénardCoordonnatrice de la correction

Laurence Bich-CarrièreCollaboration

Benoît Auclair, Catherine Côté-Ostiguy, Margarita Gonzales, Lucille Hagège, Andreea Iliescu, Morgane Lapeyre, Olivia Lazard, Renaud Lefort, Mariana Pérez, Victor Raynaud, Ari Ryan

CouvertureMathieu Ménard

BUREAU PUBLICITAIRE3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 (514) 398-6790

Télécopieur : +1 (514) [email protected]

Publicité et direction générale Boris Shedov

Gérance Pierre Bouillon

Photocomposition Jack Sanford

The McGill Daily • [email protected]

Rishi Hargovan

Conseil d’administration de la Société de publication du Daily (SPD)

Alexandre de Lorimier, Joshua Ginsberg, Rishi Hargovan, Peter Lipsombe, Erika Meere, Joël Thibert, Jefferey Wachsmuth, Aaron Wright

[email protected]

Le seul journal francophone de l’Université McGill

Éditorial

Écrivez en nouvelles. Écrivez les nouvelles. SOYEZ les nouvelles. Rendez-vous mardi à 18h au local du Délit.

Alexandre de LorimierLe Délit

Vendredi dernier était une journée exceptionnelle pour tous ceux qui aiment la ville. L’événement Ma

ville, sans ma voiture était l’occasion rêvée de parcourir ne serait-ce que quelques rues du centre-ville de Montréal à pied, sans s’inquiéter d’être renversé par un véhicule à moteur. La vue était pour le moins romantique sur la rue Sainte-Catherine où manquaient plusieurs de ces protagonistes normalement si envahissants.

Ses artères évidées, la métropole toute d’asphalte, de verre et de béton regagne enfin l’échelle humaine. Des jours comme ceux-ci nous permettent de sensibiliser une population de plus en plus urbanisée aux problèmes de l’étalement urbain et du gaspillage d’énergie et d’espace qui s’ensuivent. Les transports en commun sont une des solutions à de nombreux problèmes urbains, bien que les gouvernements ne semblent pas prêts de l’admettre.

Certains verront dans mon discours le facile confort d’un résident bien loti du plateau Mont-Royal. À l’occasion de la journée sans voiture, plusieurs commentateurs ont tenté leur chance en prenant le train de banlieue. Leurs efforts étaient, pour la majorité, vains. Et la liste des désagréments est longue: les trains sont bondés, ne circulent que quelques heures par jour, n’ont pas été conçus pour les jeunes enfants (et encore moins pour les personnes à mobilité réduite)... et j’en passe.

Le gouvernement provincial, principal bailleur de fonds pour le développement urbain, a failli à la tâche au niveau du logement et du transport. Il a laissé aller l’étalement en construisant ponts et routes et a permis une spéculation immobilière toujours plus grande sur les terrains des centres-villes. Aujourd’hui, les écoles se vident dans les cœurs des grandes villes, les classes moyennes ne pouvant plus s’offrir de logement aux dimensions acceptables pour élever ses enfants.

Et, tandis que l’obésité gagne du terrain partout en Amérique du Nord, les distances vont en augmentant entre le domicile et le lieu de travail ou d’études. Avi Friedman, un influent professeur d’architecture de

l’Université McGill, a remarqué dans une émission de santé publique que le commun des mortels ne devrait jamais mettre les pieds dans un centre sportif si la ville jouait son véritable rôle. Se rendre au travail à pied, s’apparente aujourd’hui à une odyssée homérique, dans un dédale parsemé de voitures et d’autres obstacles qui empêchent une utilisation efficace de notre mode primaire de locomotion. En appliquant des normes novatrices de design urbain qui donnent plus d’espace aux transports actifs comme la marche ou le vélo, le citadin pourrait se réapproprier son espace et ainsi vivre mieux en s’efforçant plus.

***Ces derniers jours, les commentaires

de la chroniqueuse Jan Wong du Globe and Mail ont fait beaucoup de bruit sur les scènes politiques québécoise et canadienne. Cette dernière a attribué les actes homicides

de Kimveer Gill à une prédilection de la société québécoise pour le «pure laine». La commentatrice n’a de toute évidence rien compris du Québec. De tels propos n’ont pas leur place dans un grand quotidien se voulant représentatif d’un Canada pluriel et qui comprend –selon toutes attentes– le Québec. De plus, des insultes de ce genre fomentent un nationalisme radical et méprisant à l’égard du Canada.

Il va sans dire que tous et toutes sont les bienvenus au Québec. C’est un choix de respect et d’ouverture qu’a fait la société pour assurer sa pérennité tout en se diversifiant culturellement et ethniquement. Et, bien que le français soit pour certains un obstacle à l’intégration, notre langue ne fait pas des Québécois un peuple chauvin et rétrograde comme le pense Mme Wong. Préserver sa culture est une fonction innée de tous les peuples, si, évidemment, ils en possèdent une. x

Arriver en villelocal

Pow-wow sur le campus

Bière et bricolage sont le propre de l’homme

Venez jouer aux moufettes écrasées!

Découvrez les forces de Mathieu Lavoie

1372 15L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société de publication du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimerie Quebecor, Saint-Jean-sur-le-Richelieu (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 96 Numéro 3

Page 4: ledelit_20060926

04xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com Controverses

Vladimir Poutine décoré par la France

Le président russe Vladimir Poutine a reçu de la part de la France la Légion d’honneur le 22 septembre dernier. Cette distinction, d’ordinaire réservée aux chefs d’État les plus proches de la France, a indigné Reporters sans frontières en raison des atteintes à la liberté de la presse existant en Russie. Jacques Chirac a remis cet honneur à Poutine pour sa contribution à l’amitié franco-russe. Rendu là, il devait avoir désespérément besoin d’amitié... (AFP/Le Monde)

Un kilo de cocaïne dans la chevelure d’une madame

Une touriste américaine a été arrêtée lundi alors qu’elle entrait en Irlande avec l’équivalent de 70 000 euros (environ 99 000$ CAN) de drogue, dissimulés dans sa perruque. Sa chevelure abritait environ un kilogramme de cocaïne conditionnée dans des emballages de coton noir. (AFP/Cyberpresse)

Les feux de la passion

Le jour de leur anniversaire de mariage, un couple décide de visionner La Passion du Christ, le fi lm de Mel Gibson. Après quoi, ils sont

se sont lancés dans une dispute théologique. L’homme s’emporte et tente d’étrangler sa femme. Il n’a cessé que lorsqu’elle lui a rappelé qu’elle avait reçu «l’onction du Seigneur». Vive l’amour. (Courrier international)

Vous avez cuit quoi?

Une Américaine, Leslye Creighton, vient d’être accusée de méfait public. En effet, elle a tenté de passer au micro-ondes un pénis en plastique. Comble du bon goût, en fondant, le pénis dégageait une charmante odeur d’urine. C’est un commis qui croyait qu’on passait un véritable membre au micro-ondes qui a alerté les policiers. On ne connaît pas les motivations de la dame. Le juge en décidera. (AP/FARK.ru)

Son dernier jugement.

Aux Philippes, le juge Florentino Floro vient d’être démis de ses fonctions. La raison de son licenciement? Il expliquait écrire ses jugements sous le coup d’une dictée divine que lui donnaient Armand, Luis et Angel, trois nains mystiques. Floro a par la suite clamé son innocence, expliquant qu’en fait, les nains n’étaient que des guides spirituell, la preuve qu’il possédait un don de Dieu et qu’il pouvait guérir et prophétiser. (BBC/MSNBC)

Voici pourquoi le monde est fou

La citation de la semaine

J’aime à dire que quand la dernière page d’histoire sera

écrite sur la question irakienne, elle ressemblera à une virgule

parce qu’elle est... En fait, ce que j’essaie de dire, c’est

qu’il y a une grande volonté démocratique.

Les propos très convaincants et les métaphores très soutenues du président américain George W. Bush, en entrevue avec Wolf Blitzer, sur la chaîne CNN. (CNN/PH)

L’INCOMPÉTENCE DE MCGILL

Elle a valu à vos déliites d’êtres laissés dans le noir absolu de l’édifi ce Shatner. La raison: l’Université, qui

avait déjà oublié de prévenir ceux qui occupaient le

building dimanche qu’elle comptait couper le courant, avait oublié de rebrancher la ventilation après les travaux

de la fi n de semaine. La prochaine fois, au lieu de sous-contracter n’importe

comment, faites donc appel à des gens qui savent comment

fonctionne le système d’aération de McGill!(Le

Délit)

En hausse

OUSSAMA BEN LADENPersonne ne semble d’accord

sur son sort. Lorsqu’une autorité quelconque aura fi nalement décidé si Big

Bennie Ben est encore vivant ou pas, alors nous saurons où le mettre dans cette rubrique. Pour l’instant, le monsieur, il

reste au neutre. (cyberpresse.ca)

LE CANADIENOù sont passés notre Tricolore

victorieux, nos Glorieux, notre Sainte-Flanelle! Les

amateurs de hockey et les fans du Canadien peuvent d’ores et déjà préparer leurs larmes

et ranger leurs crécelles si la pré-saison est une image

fi dèle de ce qui attend le club de hockey montréalais cet

hiver. En effet, le Canadien a trouvé le moyen de perdre quatre fois d’affi lée en match préparatoires. Ça patine de la bottine, ça manque la poque

pis quand ç’a l’a, ça fait le tour du Forum avec pis ça va

s’écraser su’a bande. (LaPresse)

En baisse

Au neutre

En trois vitesses

Sans commentaireLaurence Bich-Carrière

LORSQUE LE CHAT A TELLEMENT griffé le sac qu’il va en sortir de toute façon, mieux vaut en délier les cordons et implorer la grâce des amis des bêtes. Vous êtes au bord du gouffre et vous n’avez guère le choix? Con-fessez, mon ami, confessez, après tout, faute avouée est à demi pardonnée. Et vous y ga-gnerez de l’humanité. Ferenc Gyurcsány, pre-mier ministre hongrois, explique comment.

D’abord, faites un déclaration-choc. Em-ployez des termes qui seyent mal au chef d’un gouvernement, des mots qui dérangent, com-me «connerie», ou qui surprennent, comme «nous avons menti». Dix sur dix pour Gyurc-sany, lorsqu’il a déclaré le 18 septembre der-nier: «Nous avons merdé, pas un peu, beau-coup. Personne en Europe n’a fait de pareilles conneries, sauf nous». En gros, nous n’avons rien foutu pour arranger le défi cit depuis dix-huit mois, sinon truquer nos comptes avant les élections, merci d’avoir assuré nos sièges en croyant à nos salades, mais là, il faudrait faire quelque chose.

Personne n’aime jamais recevoir ce type de claque dans la face, mais le maire Tremblay a fait la même chose avec les taxes munici-pales, que je sache, et personne n’est descen-du dans les rues fl euries d’Outremont. «J’ai brisé le lien de confi ance», a-t-il admis, l’œil mouillé, après quelques critiques dans les journaux.

Quel lien de confi ance? D’accord, Gérald Tremblay est un sympathique bonhomme. Mais, de façon générale, l’opinion publique ne croit-elle pas que la politique et le mensonge sont comme cul et chemise? Ai-je rêvé toutes ces années de sondage où, sur la question de la crédibilité, le politicien évitait la dernière place en se classant de justesse au-dessus du

vendeur d’automobile usagé (tout doit être dans la gourmette)?

Et ce n’est pas différent en Hongrie ou d’après la maison de sondage Szonda Ipsos, 57 p. cent de la population pense que de toute façon les politiciens mentent toujours.

Quoi qu’il en soit. Ensuite, profi tez de l’émoi suscité par vos déclarations pour de-mander pardon. Essayez de trouver une rai-son noble, qui montrera que vous avez mal-gré tout des idéaux ou que vous êtes humain. Pour Gyurcsany, c’était «convaincre la gauche qu’elle pouvait gagner [les élections], qu’elle n’avait pas à courber la tête dans ce putain de pays, qu’elle n’avait pas à faire dans sa culotte devant [la droite]».

Ah vous dirais-je maman ce qui cause mon tourment! Qui résiste à un enfant pe-naud qui vient s’agenouiller à votre chevet? Qui résiste à l’idée d’aider un plus petit que soi? Qui résiste à l’idée d’un politicien hu-main? Mes connaissances en politique hon-groise sont assez limitées, mais de ce côté de l’Atlantique, l’idée cartonne: l’alcoolisme de ses quarante ans étant notoire, George Bush a joué la carte de l’homme nouveau pour être élu. Et puisque ils l’ont-tu l’affaire, les Amâri-cains, André Boisclair n’a pas fait autre chose avec ses histoires de cocaïne: l’«erreur de jeu-nesse» est humaine.

Vous pouvez en profi ter pour accuser vos ennemis d’avoir des cœurs de pierres (et de leur souhaiter secrètement de se scléroser en politiques trop rigides, pensée que doi-vent nourrir plusieurs acteurs du scandales des commandites à l’égard des commissaires à l’éthique de Stephen Harper) ou, au con-traire, de les traiter de saintes-nitouches (et de vous activer à chercher des squelettes dans

leurs placards pour pouvoir leur remettre leur attitude sur le nez).

Entre-temps, n’oubliez pas de vous con-fessez régulièrement. Cette absolution multi-média qui efface vos péchés à force de redif-fusion devient le tremplin du politicien repen-tant vers les gens ordinaires.

C’est là tout le génie des faiseurs d’image, permettre au petit peuple (dont on s’était jus-que-là bien moqué, mais le petit peuple est prompt à serrer la main qu’on lui tend en si-gne de réconciliation) de croire qu’il voit écla-ter au grand jour les rouages de la politique et que la franchise permettra de dépoussiérer la Vérité.

Or, il y a des franchises qui ne dépous-sièrent pas la vérité. Elles ont les mêmes fonc-tions que le vomitorium romain: lorsqu’on en peu plus, lorsqu’on en a tellement pris qu’on menace d’éclater, on expurge, c’est tout. Et ensuite, on recommence.

Et des fois seulement, le morceau est trop gros et on s’étouffe avec.

L’hameçon

Page 5: ledelit_20060926

05xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Controverses

En 1979 et en 1980, Le Délit savait cibler son lectorat avec ces publicités rafraîchissantes.

Page 6: ledelit_20060926

06xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

���������������������������� ������������������������������� ����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������

����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������

���������������������������������

������

���������������������������

�������������������������������������

������������������������������������������������������������������������������������������������

Maysa PharèsLe Délit

C’est une «victoire morale» que le parti municipal Projet Montréal déclare

avoir accomplie lors des élections partielles tenues dans le district Marie-Victorin de l’arrondissement Rosemont-Petite-Patrie, le 24 septembre dernier. Avec 31,7 p. cent des voix, la candidate Kettly Beauregard est parvenue à se glisser en deuxième position derrière la candidate de l’Union des citoyens et citoyennes de l’île de Montréal (UCIM), le parti du maire Tremblay, devançant de loin Vision Montréal, dans le fief même

de monsieur Bourque. Émilie Thuillier, attachée

politique de Projet Montréal, salue l’avancée significative de son parti sur la scène municipale. Selon elle, il est statistiquement prouvé qu’un électorat vote plus souvent pour le parti déjà en place lors des élections partielles: le résultat obtenu par Projet Montréal ne peut donc qu’être meilleur aux prochaines élections générales.

Projet Montréal, un parti avec une philosophie

Interrogée sur le fait que la candidate du parti soit une ancienne conseillère municipale ayant servi sous la bannière de Vision Montréal de 1994 à 2001, Thuillier soutient qu’en politique municipale, il y a moins de mal à changer de parti

qu’au niveau fédéral où les lignes directrices sont plus fortes. Elle en profite pour souligner le caractère unique de Projet Montréal qui, contrairement à ses adversaires sur la scène locale, aurait un «projet original», qu’elle n’hésite pas à qualifier de «philosophie».

Le programme sur lequel Projet Montréal appuie sa marche vers les municipales de 2009 se fonde sur quatre points saillants. Pour Émilie Thuillier, cela peut se résumer à «remettre l’humain au cœur de la ville», une manière d’exprimer l’importance que le parti accorde à l’amélioration du réseau de transports publics, du logement, de l’environnement et

de la démocratie dans la prise de décision au niveau de la ville.

Un souci d’environnement naissant

Le souci du parti pour l’environnement aurait sans doute pu trouver un écho dans la dernière Journée sans voitures. Cependant, Thuillier décrit l’entreprise de vendredi dernier comme inutile. Elle déplore en effet le fait qu’aucune alternative à la voiture n’ait été offerte aux citoyens: «Il n’y avait pas plus de métro, ni plus de bus», affirme-t-elle, ajoutant «c’est beaucoup trop symbolique. Il est temps de passer à l’action.»

Pour augmenter la sécurité des piétons et cyclistes et préserver l’environnement, le parti de Richard Bergeron met un point d’honneur à favoriser les moyens de transport publics alternatifs à la voiture. Cela passe par la création d’un tramway, dont devrait être dotée «toute grande ville en Amérique du Nord», selon Thuillier.

Il est aussi question de faire indirectement payer les automobilistes pour les pistes cyclables, à travers une taxe prélevée à des péages.

À ce propos, Émilie Thuillier souligne que le maire Tremblay n’a jamais autant parlé des pistes cyclables ou de la hausse des tarifs de stationnement que depuis l’entrée de Projet Montréal dans le paysage politique. Elle en déduit l’influence qu’ont les idées du parti sur la politique municipale actuelle.

La récente publication par Projet Montréal d’un bilan du mandat du maire Tremblay, qualifié de «lamentable», fait partie des activités qui permettent au parti de maintenir sa visibilité jusqu’en 2009. Le parti ne disposant à ce jour que d’un seul élu, le chef du parti Richard Bergeron, conseiller dans le district Delorimier, il mise sur les médias pour se faire entendre et reste actif à travers ses associations d’arrondissements. x

Un parti montant à MontréalNouvelles

Le jeune parti municipal Projet Montréal s’arme en vue de remporter la bataille pour la mairie en 2009.

local

Il faut remettre l’humain au cœur de la ville, croit-on chez Projet Montréal

Page 7: ledelit_20060926

07xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Nouvelles

Morgane LapeyreLe Délit

Trente ans après le premier die-in contre l’automobile en 1976, un nouveau rassemblement symbolique

a eu lieu, le vendredi 22 septembre, à l’inter-section des rues Université et Ste-Catherine. À l’origine de l’événement de 1976, Le mon-de à bicyclette, une organisation fondée par Claire Morissette et Robert Silverman, avait souhaité défendre la cause des piétons et des cyclistes et lutter pour leur bien-être et leur sécurité au centre-ville. Aujourd’hui, un petit groupe d’étudiants s’en inspire à l’occasion de la journée En ville, sans ma voiture.

«La voiture continue de tuer parce que les piétons et les cyclistes n’ont pas leur place dans la rue», accuse Jasmine Bergeron, une des organisatrices de l’événement. Ce qu’elle appelle «la supériorité de la voiture» cons-titue un réel danger pour les populations piétonne et cycliste de l’île de Montréal. Si «les gens se plaignent de ne pas avoir leur place», ce n’est pas pour autant qu’ils se font entendre. C’est pourquoi il est important de rassembler, dans un acte engagé et percep-tible, ces populations mécontentes qui, de-puis trop longtemps, ne se sentent plus en sécurité en ville. «On aimerait que le centre-ville soit accessible à tous», a-t-elle insisté. «Quarante-cinq personnes ont participé à la manifestation en 1976, notre objectif est de mobiliser une centaine de manifestants en 2006», a ajouté Jasmine Bergeron d’un ton plutôt confiant, une heure avant le rassem-blement.

Un message visuel: une véritable mise en scène

À 17h30, une foule de manifestants s’est emparé du point de ralliement, le car-ré Phillips, situé devant le magasin La Baie. Dans un climat d’entraide, les participants se sont couverts de faux sang et bandés les bras, le crâne ou les jambes. Le souci de transmet-tre efficacement un message évocateur s’est fait indéniablement ressentir. «On a repris les pancartes de 1976 qui ont été conservées», a précisé Jasmine Bergeron.

Peu avant 18h, l’objectif était rempli. Entre deux cents et deux cent cinquante personnes étaient au rendez-vous., bien plus que les quarante-cinq participants d’il y a

trente ans. Munis de béquilles ou en chaise roulante, en rollers, à vélos ou à pied, les ma-nifestants, escortés par une dizaine de po-liciers à bicyclette, ont ensuite emprunté la rue Cathcart pour se rendre au coin des rues Université et Ste Catherine. Profitant du fait que la rue était inaccessible aux voitures, ils sont demeurés allongés sur la chaussée pen-dant cinq minutes, le temps, selon Jasmine Bergeron, «d’avoir une image-choc de gens qui se couchent par terre et qui simulent la mort»

Une fois au sol, les participants ont ob-servé une minute de silence pour «commé-morer les morts causées par la voiture». Le die-in n’est en effet pas seulement un acte de protestation et d’avertissement, mais égale-ment un moment de recueillement, en sou-venir des nombreuses victimes de la route.

Bilan de la situation en ville : circulation excessive, accidents et inaction politique

Depuis le premier die-in, la situation en ville n’a fait que s’aggraver. Jasmine Bergeron a insisté sur les dangers de la voiture et les conséquences d’un flot de circulation crois-sant. «La voiture tue», a-t-elle déclaré avant d’ajouter que «le nombre de victimes d’ac-cidents de la route dans le monde s’élève à 20 millions par an». À Montréal, on comp-te environ 12 000 blessés par an, dont en moyenne cinq piétons par jour, signale le Rapport annuel 2006 sur la santé de la popula-tion montréalaise. «L’augmentation de la cir-culation est de l’ordre de 2,5 p.cent par an, soit 45 000 véhicules de plus par an dans la

ville de Montréal». Il est indispensable de «se procurer d’autres moyens de transport que la voiture», a poursuivi l’organisatrice, «notre objectif est de diminuer la circulation automobile du même pourcentage par an.»

Soulignant q ue le réseau de transports en commun laisse à désirer, tout comme le nombre et la qualité des pistes cyclables, elle a affirmé que «ce n’est pas dû à un manque de fonds, [mais] à un manque de volonté des fonctionnaires». Jasmine Bergeron propose quelques solutions: outre le développement de pistes cyclables, il faudrait «rétablir les postes de péages qui existaient jadis, se ser-vir de l’argent des parcomètres et augmenter encore davantage les taxes sur les plaques d’immatriculation des véhicules à émis-

sions polluantes». «Ce n’est pas normal de se promener en hummer […] dans la ville de Montréal» a-t-elle conclu.

La pression populaire comme solution D’autres organismes comme Vélo-

Québec ou le parti municipal Projet Montréal, militent pour une meilleure qualité de vie urbaine, a expliqué Jasmine Bergeron: «Ce qu’il manque, c’est la pression de la popu-lation», croit-elle, en ajoutant que les gens peuvent agir mais qu’ils sont en général mal informés. «Ce que les gens peuvent faire, c’est assister aux conseils municipaux», a-t-elle suggéré. Une fois qu’ils auront présenté leur requête au maire d’arrondissement, ce dernier n’aura pas d’autre choix que de «faire bouger les fonctionnaires [qui] ne veu-lent pas que les citoyens soient présents [aux conseils municipaux] pour pouvoir [mieux] n’en faire qu’à leur tête».

Finalement, un bel exemple d’encou-ragement à l’utilisation d’autres moyens de déplacement que la voiture est celui du mouvement international Masse critique: Vélorution qui a été créé dans le but de «fai-re prendre conscience aux gens que le vélo, c’est génial».

Le dernier vendredi du mois, il suffit de consulter leur site Internet pour s’informer de l’heure et du lieu de rencontre des ama-teurs de bicyclettes qui font ensemble un trajet improvisé, occupant entièrement une voie sur la chaussée. Pour ceux ou celles qui se sentent concernés, la fin du mois de sep-tembre approche, alors préparez vos vélos pour vendredi. x

Deux cents vélos se mettent en scène pour renverser le règne de l’auto

À l’occasion de la journée sans voitures, des cyclistes simulent la mort pour une circulation urbaine moins dangereuse.

local

ああ! ゴジラ! (Ah! Godzilla!)Morgane Lapeyre

Jasmine Bergeron s’est fait mal pour de faux.Morgane Lapeyre

Morgane Lapeyre

Page 8: ledelit_20060926

09xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com08 xle délit | 26 septembre 2006

www.delitfrancais.com

Avec environ 170 mai-sons d’édition, le mi-lieu du livre au Qué-bec est très dynami-que. Jacques Michon, titulaire de la chaire de

recherche du Canada en histoire du livre et de l’édition à l’Université Sherbrooke, affiche son optimisme: «c’est un secteur qui croît toujours […]. Les gens écrivent de plus en plus, les éditeurs publient plus». Ainsi, il s’est publié au Québec un ratio de 51 titres pour 100 000 habitants l’an dernier, contre 34 au Canada anglais, 20 aux États-Unis et 47 en France. Mon-sieur Michon attribue cette «bonne per-formance» à la faible concentration dans le milieu de l’édition. Anthony Glinoer, professeur à l’Université de Toronto et coauteur de Naissance de l’Éditeur. L’édition à l’âge romantique, partage ce constat. «Au Québec, il existe un mécénat d’État qui permet aux petits éditeurs de survivre», explique-t-il, c’est pourquoi «le Québec a peu subi le phénomène de fusion et de concentration, comparativement à la France, l’Allemagne ou les États-Unis.» On compte bien sûr quelques entrepri-ses majeures, comme Les Intouchables, la Bibliothèque québécoise, Boréal et les

éditions Quebecor, mais elles se parta-gent le marché.

Cette donne pourrait cependant être en train de changer. En effet, Que-becor a complété, l’an dernier, l’achat du groupe d’édition Sogides, s’assurant ain-si une place de choix dans le milieu de l’édition. L’acquisition, notamment, des Messageries ADP et du Groupe Ville-Marie littérature, qui compte VLB Édi-teur, L’Hexagone et Typo, trois acteurs importants,fait de Quebecor le déten-teur de 26 p. cent du domaine de la dis-tribution par l’intermédiaire de ses cinq réseaux de distribution, et 15 p. cent du domaine de l’édition.. Cela englobe une quinzaine de maisons d’éditions, qui ont vendu 4,8 millions de livres en 2004 et représentent 75 p. cent de l’édition po-pulaire.

Le spectre de la convergence

L’achat de Sogides a soulevé beau-coup d’inquiétude dans le milieu litté-raire, inquiétude que Jean-Yves Soucy, éditeur chez VLB Éditeur, qualifie de phénomène «typiquement québécois». «On a toujours peur de ce qui est gros […], des gros succès», déplore-t-il, pré-

cisant que «paradoxalement, l’achat [par Quebecor] fait qu’on a gagné plus d’autonomie [éditoriale].» Ce point de vue est partagé par Robert Laliberté, directeur littéraire chez VLB Éditeur, selon qui «la gestion d’une maison d’édition fait en sorte que les théories du complot qu’on entend, ça ne peut pas tenir». Selon lui, les réactions né-gatives au regroupement de maisons d’édition tiennent d’«une conception romantique de l’édition» valorisant les petites maisons.

Mais selon plusieurs, le danger proviendrait du potentiel de conver-gence de Quebecor. Anthony Glinoer en identifie deux types: «La conver-gence horizontale concerne la posses-sion d’un grand nombre de maisons (situation d’oligopole). La convergence verticale est un phénomène plus per-vers, qui consiste à intervenir sur tous les maillons de la chaîne de produc-tion.» C’est-à-dire qu’un livre pourrait être édité par les éditions Quebecor (ou VLB, Stanké, etc.), imprimé sur les presses de Quebecor World, distribué par Messageries ADP, mis en évidence sur les étalages des librairies Archam-bault, publicisé dans le 24 Heures et cri-

tiqué dans le Journal de Montréal et sur les ondes de TVA. «Il y a un risque de développement massif du “livre-marke-ting” […]: un livre qui se vend bien […] mais surtout dont on parle, qui permet de mettre en branle toute la machine médiatique. Le résultat final, c’est que le choix d’un livre n’est pas fait en fonc-tion de la qualité, mais du marketing.»

Gaston Bellemare, président de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANÉL), se montre également in-quiet face au potentiel de convergence de Quebecor. Dans une déclaration faite devant le bureau de la concurren-ce peu de temps avant que celui-ci ne donne son aval à la transaction, il expli-quait que «le processus de mise en mar-ché découlant des moyens financiers et médiatiques à sa [Quebecor] seule disposition actuellement rétrécira les possibilités de […] concurrence tout en ayant aussi de possibles conséquences sur la qualité et la quantité de la mise en place dans les librairies et autres lieux de vente. » Il ajoute que «cet efficace processus de convergence pourrait sé-duire [les] auteurs», qui risqueraient de se diriger massivement vers Quebecor au détriment d’autres éditeurs, d’autant plus que Quebecor est à même de leur faire miroiter une éventuelle distribu-tion en Europe.

Jacques Michon se montre plus sceptique: «c’est sûr que Quebecor peut pratiquer la convergence, mais il y a quand même une autonomie des dif-férentes instances qui l’empêche. […] Actuellement, il y a un danger, mais il n’est pas réalisé». Pour Jean-Yves Soucy, la convergence est également à l’état de potentiel: «on essaie d’en profiter, mais c’est plus les dirigeants qui poussent l’idée de la convergence. Dans le quo-tidien, c’est très difficile converger. […] Chaque entreprise étant autonome, on n’est pas intéressé à faire des cadeaux aux autres.» Il admet avoir accès à des «tarifs préférentiels» pour la publicité,

mais précise que, de toute façon, il ne les utilise pas.

Si la concentration de l’édition a eu des effets c’est, selon lui, plutôt au niveau d’une division des vocations: «il était entendu que les Éditions de l’Hom-me [également propriété de Sogides, donc de Quebecor] faisaient les beaux livres et nous on ne devait pas toucher à ça, comme eux ne devaient pas toucher à la fiction.»

Quebecor: nouveau mécène québécois?

Monsieur Soucy affirme que la créa-tion du géant de l’édition Quebecor a eu des effets positifs, dont celui d’assurer un contrôle québécois de l’édition. «C’était très important pour tous les cadres chez Sogides que [l’entreprise] demeure une propriété québécoise», afin de conserver le fond littéraire de la compagnie qui, avec plus de 2 000 titres, est un des plus importants au Québec. De plus, Quebe-cor est en mesure de diffuser des auteurs québécois en France. «C’est en marche!» s’écrie, enthousiaste, Jean-Yves Soucy lorsqu’on aborde ce sujet. «Mais c’est long, et ça coûte cher.»

Cette possibilité de diffusion en France, si elle peut s’avérer bénéfique pour le rayonnement de la littérature québécoise, inquiète le président de l’ANÉL. «Comment [les petits éditeurs] pourront-ils convaincre les auteurs de publier chez eux lorsque Quebecor leur fera miroiter la diffusion en France?» Cependant, Gaston Bellemare souligne la «gentilhommerie» du géant: «[Que-becor] a investi de 5 à 6 millions de $ dans «Montréal, capitale mondiale du livre». Plus que tous les gouvernements. Résultats : plus de 35 p. cent d’augmen-tation des ventes de livres québécois. Quebecor vient de donner un million de $ au Rideau Vert, Pierre Karl Péladeau a présidé la campagne de financement et

la cueillette de livres de la Fondation des parlementaires et a soutenu le festival des Correspondances d’Eastman.» Cette année, Quebecor finance le Festival in-ternational de la poésie de Trois-Riviè-res.

Anthony Glinoer se montre très critique face à ces gestes apparemment altruistes, jugeant qu’il s’agit là d’un moyen de se bâtir un «capital de pres-tige bon marché». Et quant à l’argument nationaliste de Quebecor, l’intellectuel répond que «comme Quebecor est une entreprise cotée en bourse, […] elle n’a à peu près que le nom de québécois.»

Perspectives d’avenir

Pour lui, il y a une question centrale pour l’avenir. «Y aura-t-il une promo-tion équitable pour les livres plus diffi-ciles d’accès?», demande-t-il, avant de conclure qu’«il y a un risque de préférer Sophie Chiasson à Nicole Brossard…». Il refuse tout de même de tomber dans le pessimisme: «Il existe des garde-fous [pour limiter les effets de la concentra-tion] juridiques et légaux, pour subven-tionner les éditeurs en fonction de la qualité des livres édités. De plus, on voit que plusieurs petits éditeurs se regrou-pent, afin d’avoir plus de poids.»

Pour Jacques Michon, bien qu’il y ait encore beaucoup d’éditeurs indé-pendants au Québec, l’avenir appartient aux grands: «il y a la lutte entre les deux géants Quebecor et Transcontinental dans l’imprimerie. Transcontinental, qui est une imprimerie d’abord, fait mainte-nant de l’édition et achète des maisons d’édition […] donc elle se positionne contre Quebecor. On voit deux géants se positionner, et c’est sûr qu’à terme cette lutte peut mener à la situation française, où on a deux grands groupes qui domi-nent le marché.» Et d’ajouter, réaliste: «C’est un danger qui plane au-dessus de nos têtes.» x

Géant du livreAprès l’achat du groupe Sogides, un des plus gros groupes d’édition québécoise, Quebecor est devenu l’année dernière le premier géant du livre au Québec. Pierre-Olivier Brodeur enquête sur la première manifestation québécoise d’un phénomène mondial: la concentration du milieu de l’édition.

Géant du livreLes éditions Quebecor, Publis-

tar, Libre-Expression, Trécarré, Alain Stanké, CEC (livres scolai-res), Les Presses libres, Le Jour, Utilis (agendas et calendriers), L’Hexagone, les éditions TVA, les éditions de l’Homme (livres pratiques et beaux livres), VLB Éditeur et Typo et les Éditions logiques (technologies et livres scolaires) sont autant de mai-sons d’édition qui appartiennent désormais à Quebecor.

L’empire Quebecor →

Page 9: ledelit_20060926

10xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Nouvelles

Mariana PérezLe Délit

C’est la particularité des périodes préélectorales que d’être souvent décisives en matière d’éducation,

le ministre de l’Éducation devenant plus attentif, dit-on, aux revendications étudiantes. L’approche des élections provinciales porte à s’interroger sur l’existence d’un mouvement étudiant panquébécois coalisé, puissant, transcendant les idéologies de ses membres et disposé à unir les forces nécessaires aux négociations avec le gouvernement. Le souvenir des discordes qui ont tiraillé l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM) et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) jusqu’à la fin de la session d’hiver 2006 impose de faire le point en ce début d’automne.

Une année 2005-2006 houleuseLes dissensions entre les deux

groupements universitaires ont été formulées dans un document intitulé La FEUQ 2005-2010, des changements en profondeur s’imposent.

Rédigé l’année dernière par le comité exécutif de l’AÉUM, le document dénonçait des lacunes démocratiques au sein de la Fédération, expliquant notamment qu’elle ne lui paraissait pas véritablement représentative. Le document remettait également en question la capacité de la FEUQ à négocier avec le gouvernement. Parallèlement, la Confédération des étudiants de l’université Laval (CADEUL), comptant plus de 28 000 membres, a tenu un référendum de désaffiliation à la FEUQ, proposition acceptée par les étudiants.

Max Silverman, vice-président aux affaires externes de l’AÉUM, contacté plus tôt cette semaine, a donné son interprétation, en français pour L e Délit, des hostilités AÉUM-FEUQ. Selon lui, le conflit s’était particulièrement envenimé en raison du manque de respect du comité exécutif national de la FEUQ à l’égard des associations membres. La Fédération aurait agi à sa guise et –contrairement à ce que sa charte lui impose– fait preuve de négligence envers ses propres mandats. À titre d’exemple, la Fédération soumettait certains documents aux associations deux à trois jours seulement avant les congrès nationaux, alors qu’un délai d’une semaine avait été établi entre l’AÉUM et la FEUQ. L’AÉUM s’était plainte à plusieurs reprises

du manque de transparence résultant de ces retards.

Perspectives d’améliorationChristian Bélair, président de la FEUQ,

affirme toutefois que les relations avec l’AÉUM se sont améliorées en ce début de session. Afin de continuer sur la voix du bon voisinage, les deux associations ont instauré, dès le début de l’été, des rencontres

h e b d o m a d a i r e s,

destinées à élargir le

d i a l o g u e entre elles. Aujourd’hui, l’AÉUM a repris sa place à la table des associations membres de la FEUQ et se

distingue particulièrement par son influence sur la question des transferts fédéraux. L’association des étudiants de McGill est partie prenante aux propositions déposées dans le plan d’action de la FEUQ pour l’année 2006-2007.

Pour faire suite aux recommandations de l’AÉUM, la FEUQ a procédé à la création de deux postes –celui de coordonnateur régional et celui de vice-président aux communications. Cette mesure, de même

que l’implication de deux mcgillois au sein de la Fédération, ont contribué à retisser les liens brisés entre les associations. Le roulement de personnel et le changement des cohortes d’exécutifs ont de plus facilité l’incorporation de l’AÉUM au sein de la FEUQ.

Max Silverman aborde la question du conflit avec un scepticisme sans doute hérité des dernières dissensions. Il se dit toutefois

assez satisfait de la situation actuelle, attribuant lui aussi cette récente harmonie à un nouvel exécutif. À titre indicatif, depuis le début de l’été, la FEUQ a livré et traduit à échéance respectable les documents essentiels à la préparation des congrès,

établissant ainsi un nouveau climat de confiance.

L’AÉUM se réjouit de l’intérêt que la FEUQ porte à la question provinciale du gel des frais de scolarité pour les étudiants étrangers. Tout comme l’AÉUM, la FEUQ espère fortement canaliser l’énergie de ses 140 000 membres pour la question des transferts fédéraux et du déséquilibre fiscal.

Finalement interrogé sur les rapports historiques entre les membres de la FEUQ et du Parti québécois, Max Silverman dit être conscient de leur existence. Le comité exécutif actuel de la FEUQ ne présente cependant aucun signe de partisannerie, la priorité restant, pour tous, l’éducation. x

Le plan d’action de la FEUQ pour l’année 2006-2007 est disponible à l’adresse suivante: Voir plan d’action 2006-2007 www.feuq.qc.ca.

Début de session à la FEUQAprès des relations difficiles en 2005-2006, l’AÉUM et la FEUQ parviendront-elles à se réconcilier pour l’année 2006-2007?

campus

Benoît AuclairLe Délit

La crise du logement ne se résume pas aux ménages qui peinent à trouver un

endroit pour vivre le 1er juillet ar-rivé. Elle s’étend aussi à ceux qui allouent une proportion trop im-portante de leurs salaires au loyer de leur habitation. Déjà en 1996, Statistique Canada indiquait que la majorité des ménages au Québec consacraient plus de 30 p. cent de leur revenu au paiement du loyer. Cette barre est officiellement ad-mise comme un palier de précarité. Montréal abritant plus de locatai-res que de propriétaires, nombreux sont les ménages concernés.

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRA-PRU) milite depuis 1978 pour l’amélioration des conditions de vie des personnes à faible revenu. Il a contribué à ce que des habi-tations à loyers modiques, qu’ils soient coopératifs ou gérés par des organismes à but non lucratif, soient construits pour abriter plus de 100 000 personnes. La situation générale n’a cependant pas changé et les plus pauvres continuent de payer les frais élevés de la crise du logement. L’organisme réclame donc du gouvernement qu’il agisse en créant un chantier de 8000 lo-gements sociaux.

Vingt-quatre mille ménages montréalais sont sur liste d’attente pour un logement à loyer modi-que. Ce besoin avait été le cheval de bataille du Nouveau Parti dé-

mocratique au printemps 2005 et avait notamment permis au gou-vernement minoritaire de Paul Martin de «survivre» six mois de plus, grâce à sa promesse d’inves-tir 1,6 milliards$ dans le logement social. Ce financement, destiné aux provinces, s’élève à 187,4 millions$ pour le Québec. Il devra être remis par le gouvernement conservateur au cours des prochaines semaines. Le FRAPRU craint cependant que cet argent ne soit utilisé par Jean Charesst pour «éponger» des in-vestissements antérieurs dans ce domaine, préservant ainsi le statu quo de la crise. À en croire le FA-PRU, la subvention fédérale risque-rait de n’avoir pas d’effet concrets au Québec si l’on ne surveille pas de près monsieur Charest.

L’organisme déplore égale-ment la quasi-absence de publicité par Québec pour un programme d’aide financière aux locataires. Si l’on se fie à un communiqué de presse publié dernièrement par le FRAPRU, ce déficit d’information se traduirait par une baisse de près

de 15 p. cent du nombre d’alloca-tions en sept ans. Alors que le PQ reprochait dernièrement les pro-messes de «dépenses extraordinai-res» totalisant 2,8 milliards par le premier ministre Charest à la vue des élections, les coupures voilées sont à soupçconne. En juillet, La Presse rapportait l’inquiétude des organismes responsables du loge-ment social face au projet de Qué-bec de vouloir arrimer la gestion des logements sociaux au réseau de la santé. La fermeture de lits dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée serait alors accompagnée par une politi-que facilitant l’accès au logement social par les personnes malades et résulterait en un engorgement su-périeur du système déjà en crise.

Dans son livre La Régie du logement après 25 ans: un chien de garde efficace? (2006), François Saillant, coordonnateur du FRA-PRU, déplore que la Régie ait «si peu de dents», en matière de légis-lation. C’est en ce sens que vont les pressions actuelles du FRAPRU

afin que la nouvelle évaluation fon-cière de l’agglomération de Mon-tréal, qui doit entrer en vigueur en 2007, n’étouffe pas davantage les locataires. Le FRAPRU mise sur l’équation suivante: plus d’in-terventions de l’État égale plus de logements disponibles.

C’est dans ces circonstances que la population était invitée ce lundi 25 septembre à se rassembler au métro Beaudry pour une con-férence de presse, un dîner com-munautaire et ensuite une visite à quatre cabinets ministériels afin de faire entendre la voix des locataires. Québec, Saguenay, Trois-Rivières et d’autres villes participaient aussi au mouvement. x

Pour un suivi de la situation de la crise du logement de même que de l’information pour les personnes concernées, consulter le site du FRAPRU au www.frapru.qc.ca. À Montréal, on peut rejoindre le ministère du Revenu du Québec au 514 864-7020 pour avoir de l’information à ce sujet.

national

Le FRAPRU fait le point sur la situation du logement abordable au Québec.

Logement social au Québec

Page 10: ledelit_20060926

11xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.comArts&Culture

Renaud LefortLe Délit

L’oreille tendue, l’œil aux aguets et l’es-prit vidé de tout a priori: telles sont les conditions pour aborder la mise en

scène de Circus minimus de Dominic Cham-pagne, présenté au Théâtre d’Aujourd’hui la semaine dernière. Sur le plateau, première agréable surprise: une «ostie» de roulotte, admirable de détails, de couleurs et d’ingé-niosité. Plongés dans l’enfer d’un monde du cirque décadent et pathétique, les spectateurs assistent volontiers à la dernière journée des carrières d’un clown et d’un homme- canon, qui se termineront le soir même par un dernier numéro. Tout est combat, souf-france et injustice pour nos deux égarés. Que faire quand le monde est plus enclin à applaudir le caniche qui mord le cul de son maître que le maître lui-même? Que faire dans ce quotidien qui résiste aux bonheurs les plus simples? Champagne propose son Circus mininus, soit une véritable explosion de colère qui se manifeste par des mots durs et des corps qui s’épuisent.

Pulsations cyniquesLa principale difficulté à surmonter en

tant que spectateur est le langage: la pièce est écrite dans une langue plutôt vulgaire. Âmes sensibles s’abstenir… Mais 1247 «ostie» et trente-cinq «calvaire» plus loin, que reste-t-il? D’abord, il y a Christian Bégin, clown frustré qui monopolise la scène par ses longs hurlements et ses chialeries déblatérées à un rythme effréné. Sa misère fait rire sans relâ-che d’un bout à l’autre de la pièce.

À ses côtés et pour le soutenir, l’homme- canon, son compagnon de treize ans, le vrai professionnel qui répète inlassablement ses échauffements pour être au sommet de sa forme. Martin Drainville réalise une vérita-ble performance entre cynisme et froideur digne marquée par cette ligne de souffrance qui précède souvent la chute finale.

La mise en scène ne doit rien au hasard, les mots et les gestes se répondent durant cette interminable journée qui s’écoule der-rière un jeu ingénieux de lumières et de fonds sonores répétitifs. Atout majeur de la pièce, le faux décalage philosophique et scénique des deux acteurs, qui exécutent leur rôles à merveille et qui ont bien rendu la mission de l’auteur, qui se vante lui-même d’avoir voulu avec sa pièce «chier au visage des cyniques qui n’ont de courage que la parole».

Des clowns humains, trop humainsUne heure et demie plus tard, l’atmos-

phère est tendue. Les rires du début lais-sent place aux questions et aux visages figés. Quelque chose de grave va se passer… mais quoi? Petit détail, grand indice qui fait tout le charme de la pièce: notre clown n’a tou-jours pas enfilé son nez rouge et il semble que Champagne ait voulu nous le jeter en pleine gueule! Et ils nous laissent sur une réplique définitive: «Il faut faire de quoi», clame le clown. «Oui, mais quoi?», rétorque l’homme-canon…

Cela suffit à donner un sens à la repré-sentation. Circus minimus n’est pas un En attendant Godot: Beckett attendait Godot en vain, Bégin attend les hommes ou n’attend rien du tout. Un succès pour la première œuvre de cet auteur qui commence sa tour-née au Québec et qui n’ira malheureusement pas plus loin. x

Circus Minimus part en tournée au Québec! Pour de l’information sur les futures représenta-tions, tapez le www.theatredaujourdhui.qc.ca.

Lucille HagègeLe Délit

Ah! l’amour, l’honneur, les grands idéaux…. Faites-vous plaisir cet automne avec une bonne pièce «de

cape et d’épée», une vrai, où la grandeur de la production n’est égalée que par votre en-thousiasme gamin.

Scaramouche, parcours initiatique sur fond de Révolution française, est une pièce d’aventure pur genre, avec duels, robes bouf-fantes, intrigues politiques et secrets de fa-mille.

On y suit les aventures d’André-Louis Moreau, un jeune étudiant sans problèmes qui, du jour au lendemain, se met la France noble à dos alors qu’il décide de venger la mort d’un ami révolutionnaire. Amour, trahison et vengeance viennent alimenter sa lutte de plus en plus en plus politique, mais aussi de plus en plus personnelle.

Avec ses treize comédiens, ses grands décors et ses effets de scènes très dramati-ques, Jean Leclerc fait bien honneur au ro-man d’aventure de Rafael Sabatini, sorte d’Alexandre Dumas du XXe siècle.

Malgré les longueurs, le jeu un peu mou de certains acteurs et l’effet très chorégraphié des scènes d’action, les centaines de specta-teurs du Théâtre Denise-Pelletier se sont le-vés à l’unisson vendredi soir pour applaudir cette première performance de la saison.

Est-ce le romantisme fou des fresques histori-que qui a tant fait vibrer les foules? Ou le charme contagieux du jeune pre-mier, Carl Poliquin, qui soutient presque toute la production par son jeu malin et sincère? Dur à dire car la pièce, dont Leclerc accentue les mo-ments les plus dramati-ques à coup de longues tirades de violons, est l’un de ces classiques qui donne envie de se dé-tendre dans son fauteuil et de se laisser emporter par le flot gigantesque de l’histoire.

Un auteur déjà très dramatiqueComment, le nom de Rafael Sabatini ne

rime à rien dans votre grande connaissance des classiques? En fait, Sabatini est surtout connu grâce aux succès cinématographiques tirés de ses romans: The Sea Hawk et Captain Blood, deux histoires de pirates dont les scè-nes d’actions navales font beaucoup d’effet à l’écran. Héros intrépides et demoiselles en détresse sont partout dans l’œuvre de cet écrivain prolifique, qui produisait presque un roman par année. Né en 1875 en Italie d’une mère anglaise et d’un père italien, Sabatini s’installe définitivement en Angleterre à l’âge de dix-sept ans et adopte l’anglais comme

langue de plume car, dit-il, «les meilleures histoires sont écrites en anglais». Son pre-mier roman sort en 1902 mais le succès, lui, ne vient qu’un quart de siècle plus tard à la sortie de son best-seller Scaramouche en 1921. À sa mort en 1950, il a à son compte trente et un romans, huit recueils de nouvelles, six essais et une pièce de théâtre. x

Scaramouche est à l’affiche du 22 septembre au 14 octobre au Théâtre Denise-Pelletier, 4353 rue Sainte-Catherine E. Billetterie: (514) 253-8974. Information: (514) 253-9095 ou www.denise-pelletier.qc.ca.

Circus minimus ou la révolte des clownsDominic Champagne traque le cynisme dans le pathétique du quotidien.

Oh, Scaramouche…Faites revivre l’adolescent en vous avec Scaramouche, une aventure des plus dramatiques au Théâtre Denise-Pelletier.

théâtre

théâtre

Scaramouche, un classique pour les fervants d’aventuregracieuseté Théâtre Denise-Pelletier

Aux éclats des premières minutes de Circus Minimus succèdent un rire jauneYves Renaud

Page 11: ledelit_20060926

12xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Olivia LazardLe Délit

Au tournant d’un siècle, le soir du réveillon de 1799, un vieux Casanova s’éteint.

Il nourrit le maigre feu qui le réchauffe des lettres de ses amantes qu’il relit au fur et à mesure avec amertume et dépit. Affalé dans son fauteuil, il semble que la vie de ce personnage mythique ne se résume qu’à une longue errance parfumée de fragrances féminines. Sa propre désillusion s’allie à celle de l’époque et de ses Lumières mourantes. Il se fait ainsi philosophe et poète de l’amour déchu dans ses dernières heures et ce, jusqu’au moment où Francisca fait son entrée et avoue son amour à Casanova. Voici alors deux époques qui se bousculent dans une même nuit, incarnées par un vieillard et une jeune fille

de treize ans. L’époque de la raison trahie et celle d’un romantisme désespérément tragique. Francisca sera alors le dernier «ange» du charlatan et lui donnera l’ultime souffle nécessaire pour tirer sa révérence avec dignité et douceur.

L’auteur de la pièce, Marina Tsvetaïeva, reprend la vie d’un personnage haut en couleur là où on l’attend le moins. À force de connaître Casanova en tant que séducteur irréductible, nous en oublions l’homme lui-même, ainsi que ses faiblesses. En écrivant cette pièce, Tsvetaïeva veut explorer l’humain derrière le mythe auquel on se réfère toujours aujourd’hui. Pierre Lebeau nous propose l’interprétation d’un Casanova cassé et résigné. C’est d’ailleurs sa voix avant tout qui exprime toute la complexité du caractère de son personnage. En effet, épuisé par le temps et les jupons, Casanova n’a plus que celle-ci pour se reconnaître lui-même et se rappeler

toute la poésie qu’il voyait dans ses conquêtes. Avec son expérience de la scène, Lebeau est parfaitement ancré dans son personnage et entraîne ses partenaires de scène loin dans l’émotion pour dépasser la fiction et atteindre le vrai sentiment d’un homme aux portes de la mort.

Le contraste est particulièrement intéressant lorsque Francisca, jouée par Éliane Préfontaine, s’impose à Casanova en tant que jeune première, dans la vie et dans la fiction. En effet, cette jeune actrice fait, avec Pierre Lebeau et le metteur en scène Denis Marleau, ses premiers pas dans le théâtre professionnel. Son rôle n’est pas des plus évidents car il lui faut incarner un personnage en directe opposition avec son partenaire. Francisca est impétueuse et naïve, ce qui pousse parfois Préfontaine à tomber dans le stéréotype de l’adolescente écervelée et dramatique.

C’est dans un décor intimiste, où les spectateurs sentent vraiment qu’ils font office de quatrième mur, que la pièce prend forme. Éclairée de simples bougies, l’installation de la scène se veut simple pour donner le plus d’espace possible

à la création et de liberté au duo insolite. Ce décor est juste et nous invite à entrer dans une époque qui peut nous sembler bien lointaine. Cette intimée, créée par le peu de distance entre les acteurs et leurs spectateurs, entame parfois la concentration des acteurs et semble les empêcher de s’exprimer clairement. La force poétique du texte s’en trouve coupée, nous empêchant ainsi de nous laisser porter.

Malgré quelques longueurs ici et là, la mise en scène de Marleau

réussit à donner forme à un texte épuré, où la poésie semble parfois plus importante que le dialogue. Pourtant, certains excès scéniques font défaut aux mœurs de l’époque retracée et donnent une idée floue des intentions du metteur en scène. Bref, des hauts et des bas, tout comme Casanova! x

La fin de Casanova est présentée à l’Espace Go du mardi au samedi jusqu’au 7 octobre 2006. Pour plus d’information ou pour réservations: (514) 845-4890.

La fin de Casanova, le début d’une histoireIl faut toujours que les grands de ce monde disparaissent un jour pour continuer à nous inspirer des siècles plus tard.

Marlène Gélineau-Payette

Pierre Lebeau nous offre un Casanova sincère et résigné

théâtre

Laurence Bich-CarrièreLe Délit

Inspiré par les opéras en un acte de Strauss, Puccini compose une œuvre en trois volets: Il tabarro, mélodrame vériste,

histoire d’une jalousie sanglante au point d’être presque grand-guignolesque, Suor Angelica, tragédie à faire pleurer toutes les mères de l’assistance, et Gianni Schicchi, un opéra-bouffe. L’Opéra de Montréal décide d’ouvrir sa vingt-septième saison avec les deux premières pièces, faisant du coup d’Il trittico un diptyque.

Un grand manteau et un mélodrame sanglant

«Il Tabarro évoque le Paris de Zola et affirme de nouveau le vérisme inconditionnel de Puccini», lit-on dans le programme. Effectivement, pour faire dans le thème zolien, on fait dans le thème zolien. Il y a l’ouvrier qui boit pour oublier que sa femme se prostitue. Il y a ceux qui voudraient revoir leur faubourg natal. Il y a Giorgetta (interprétée par Turid Karlsen que l’on avait

pu voir l’an dernier dans Ariane à Naxos) qui supporte mal la taciturnité de son mari, Michele, depuis la mort de leur bébé. Et que dire de l’exagération toute zolienne dans l’assassinat de Luigi, l’amant de Giorgetta, par Michele, qui cache le cadavre sous son grand manteau pour révéler le crime de manière plus dramatique à sa femme! Si Luigi (Marc Hervieux) semblait avoir la faveur du public en début de représentation, c’est sans conteste à Michele (le baryton Grant Youngblood) que sont revenus les applaudissements les plus soutenus à l’entracte (sa prestation était, à mon sens, plus sentie que celle de son collègue).

De la scène de la Seine à celle de SienneAvant de laisser place à des échanges

conventionnels (et porteurs de beaucoup plus de tension dramatique) entre les chanteurs principaux, Il tabarro nous plonge dans l’univers bigarré des bords de la Seine. La construction de la première moitié de la pièce est éclatée: au quotidien des pénichiers et aux cris des mariniers se mêlent les chansons de l’orgue de Barbarie, les lignes s’échangeant de tous bords tous côtés.

L’énergie et les fougueuses passions que l’on devine contrastent avec le recueillement et la dévotion de Suor Angelica, qui présente un drame plus poignant. Aux premières scènes qui laissent entrevoir un couvent très humain succède rapidement la douleur de sœur Angélique. Depuis sept ans, elle attend des nouvelles de sa famille et surtout de son fils, fruits d’amours illégitimes qui l’ont conduites au couvent. Enfin, un soir, elle

reçoit la visite de sa tante, la Princesse. Le rôle, originalement écrit pour une contralto, est joué avec justesse mais sans trop d’émotion par la soprano Robyne Redmon (sa voix plutôt moderne était mieux mise en valeur par son rôle de Frugola dans Il Tabarro). Pressée de questions, la princesse finira par annoncer (assez froidement) que de mauvaises fièvres ont emporté l’enfant. Sœur Angélique s’effondre.

Dans des airs sublimement interprétés par la soprano Marie-Josée Lord, sœur Angélique s’empoisonne pour aller rejoindre son fils au Paradis, puis, réalisant que son geste la met en état de péché mortel, implore la clémence de la «senza mamma». La Vierge lui apparaît et Angélique meurt en état de grâce.

L’enrobage: costumes et décorsÀ cet égard, la vision mystique est

réalisée avec une économie qui ne peut que mettre en valeur le déchirement que véhicule la voix de Marie-Josée Lord (sans conteste l’étoile de la soirée). Cette sobriété ne pourra que plaire au spectateur que le kitsch de certains récents décors avait pu heurter. Si rien dans Il Tabarro n’est vraiment extraordinaire, il n’y a rien qui détonne non plus. Par contre, les concepteurs de l’Opéra peuvent se féliciter d’avoir su accorder leur savant jeu de grilles et de colonnes à toute la gamme des émotions de Suor Angelica, de l’ambiance de concorde des premières scènes à l’amour maternel tragique de sœur Angélique. x

Il tabarro/Suor Angelica sera présenté les 27 et 30 septembre et le 5 octobre à 20h. L’Opéra offre des tarifs spéciaux pour étudiants: 35$ pour le premier opéra et 25$ pour les suivants ou 27$ pour la saison (cinq opéras). Encore dubitatif? Essayez les générales étudiantes gratuites. Visitez le www.operademontreal.com ou téléphonez à la billetterie de l’Opéra au 514 985-2258.

Houppelande, cornette et opéraL’Opéra de Montréal présente avec succès un programme double, Il tabarro et Suor Angelica.

Arts&Culture

opéra

Yves Renaud

Apparition (mystique) d’une croix fleurie figurant la Vierge qui pardonne à soeur Angélique le péché qu’elle a commis pour l’amour de son fils.

Page 12: ledelit_20060926

13xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Victor RaynaudLe Délit

Fabuleux, surprenant, extraordinaire, hilarant, mais aussi bouleversant. Le nouveau film de Michel Gondry est

un indescriptible délice au goût de rêve, saupoudré de réalité. Cette Science des rêves a une saveur enfantine et naïve à souhait. Mission accomplie pour Gondry: l’un des mandats du cinéma étant bien l’évasion, la passion, l’expression et l’émotion. Gondry, féru de techniques simplissimes et efficaces, déjà appliquées dans Du soleil plein la tête, nous livre un film extrêmement bien construit.

Après les méandres de la mémoire, explorées dans son dernier film, on ausculte ici l’extrapolation du réel au travers des rêves que l’on fait tous. La mise en scène est précise et suffisamment complexe pour restituer la logique propre aux rêves. Le résumé de l’histoire est quelque peu difficile à faire: qui peut se venter de pouvoir décrire la délicate et complexe interaction entre les rêves et la réalité d’un gamin qui n’a jamais grandi?

Le gamin en question s’appelle Stéphane (Gael García Bernal). Traumatisé par la vie et la récente mort de son père, Stéphane revient en France, attiré par un boulot «artistique» que lui a trouvé sa mère (la célèbre Miou-Miou). Son boulot n’a, en

réalité rien, d’artistique puisqu’il consiste à faire du collage de mots pour d’ennuyeux calendriers d’entreprise. Mais cette réalité n’empêche pas Stéphane de révolutionner ce boulot… dans ses rêves. Le très attachant collègue de Stéphane, Guy (jouée par Alain Chabat) est un obsédé sexuel au troisième degré qui essaie dans la mesure de ses possibilités d’aider Stéphane dans sa relation de rêveur amoureux. Car, oui, vous l’aurez bien compris, La science des rêves est une histoire d’amour, mais pas comme les autres. Stéphane a en effet une charmante voisine de pallier, Stéphanie (Charlotte Gainsbourg), qui n’est pas aussi atteinte que lui par la douce folie du rêve, mais il s’en faut de peu. Charlotte Gainsbourg joue avec brio, car sa douceur naturelle, cette timidité adolescente indécrottable qui la caractérise tant, laisse entrevoir une femme blessée, prudente, qui a elle aussi son histoire à gérer. Ils vont donc, tous les deux, tenter de construire une relation qui semblerait être vouée à l’échec. Au cours du film, les situations sont parfois rétros, parfois futuristes, mais traitent toujours de la cohabitation entre le rêve et la réalité. Les héros sont perdus dans des mondes où l’on n’est jamais sûr qu’ils existent…

Et nous, existons-nous ?La recette du film est celle dont on fait

les succès. Mélangez un bon casting, une histoire farfelue que tout le monde a plus ou moins expérimenté, beaucoup de rêves, un cheval en peluche qui galope pour de vrai, une machine à remonter le temps d’une seconde, une ville faite en rouleau de papier de toilette et un peu d’eau-cellophane et vous obtiendrez un véritable délice filmographique! x

Le directeur de Du soleil plein la tête nous revient avec son nouveau rejeton.

cinéma

La science des rêves: un deuxième bricolage farfelu à la Gondry

Catherine Côté-OstiguyLe Délit

C’est sans aucune attente que je me suis présentée, lundi dernier, au Sofa, un bar de la rue Rachel. Je dois

avouer que je n’avais jusqu’alors jamais en-tendu parler de Mathieu Lavoie. En bonne mélomane, toutefois, j’avais bien hâte de voir ce qu’il avait dans le ventre!

Ce n’est pourtant pas d’hier que ce chanteur, doté d’une voix claire et précise, roule sa bosse à travers le Québec et le monde! En effet, après avoir étudié le chant au cégep Lio-nel-Groulx et participé à divers concours (comme l’événement Cégeps en spectacles ou le Festival international de la chan-son de Granby), il s’em-barque, en 1996, avec la troupe du Cirque du So-leil. Pendant plus de deux ans, il sera soliste pour Quidam, l’une des productions du Cirque. Par la suite, il chante dans C.O.K.E., une revue musicale, avec la-quelle il fait une apparition au Festival juste pour rire. En 2002, il s’associe à nouveau au Cirque du Soleil, cette fois pour collaborer à Varekaï. C’est riche de ces expériences qu’il lance, en octobre dernier, son premier al-bum, intitulé Avaler le vent.

C’est donc pour la promotion de cet album qu’il a choisi de lancer une série de douze spectacles, présentés les lundi soirs, au Sofa. On peut l’y voir depuis le 28 août, accompagné chaque semaine d’artistes diffé-rents. Et, franchement, quel beau spectacle! C’est avec beaucoup d’énergie et de bonne humeur que Mathieu nous invite dans un monde musical riche et éclectique, marqué

des influences les plus diverses. Il y en a pour tous les goûts: musique du monde, rythm and blues, reggae, électro, un peu de rock, un peu de pop… Bref, il serait étonnant que vous n’y trouviez pas votre compte! Il avoue lui-même avoir abandonné l’idée de ne choisir qu’un style musical. Résultat: un album et un spectacle pour le moins surprenants et dont la diversité ne peut que plaire. Me fai-sant penser tantôt à Marc Déry, tantôt à Du-mas, et parfois même à Serge Fiori, sa voix et son style sont pourtant uniques.

Il ne fait aucun doute que Mathieu La-voie nous réserve de belles surprises dans les années à venir. Avec un premier album déjà très bon, je meurs d’impatience de voir ce que son expérience et la maturité qu’il aura acquise apporteront à ses projets futurs. En effet, il songe déjà à son prochain album et ce, bien qu’aucune date ne soit encore fixée pour un enregistrement. En attendant, vous

avez jusqu’au 23 no-vembre pour aller prêter l’oreille à une musique neuve et originale!

En terminant, je m’en voudrais de passer sous silence la perfor-mance de Moran, qui assurait lundi dernier la première partie du spec-tacle. Ayant remporté quelques jours plus tôt le prix Gilles-Vigneault de

l’auteur-compositeur émergeant de l’année, ce chanteur à la voix rauque et chaude m’a, je l’avoue, complètement charmée! Avec des textes très imagés, truffés de métaphores, il nous parle de la vie, de l’amour, du temps qui passe… Son premier album, Tabac, est disponible chez les disquaires depuis mai dernier, et notez qu’il sera au Studio-théâtre de la Place-des-Arts les 12, 13 et 14 octobre prochains. Avis aux intéressés! x

Mathieu Lavoie sera tous les lundis au Sofa, au 452 Rachel Est (coin St-Denis), et ce jusqu’au 23 novembre. Le coût d’entrée est de 5$. Son album, Avaler le vent, est également disponible. Pour plus d’information, rendez-vous au www.mathieu-lavoie.com.

Lundi prochain, rendez-vous au Sofa pour découvrir Mathieu Lavoie.

musique

Un amalgame réussi!

Mathieu Lavoie ou la découverte d’une voix et d’un style uniquesgracieuseté YFB diffusion

Arts&Culture

Gael García Bernal et Alain Chabat nous livrent une fabuleuse performance à la hauteur du dernier film de Gondry.gracieuseté Gaumont Columbia Tristar Films

Page 13: ledelit_20060926

14xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Mathieu MénardLe Délit

Depuis ses humbles débuts, la photographie a sou-vent pris avantage de son

rendu impeccable pour déjouer les attentes du spectateur en détour-nant la réalité. Séparée en plusieurs thématiques, l’exposition La photo-graphie mise en scène présente une gamme suffisamment diversifiée de clichés pour plaire aux visiteurs de tous acabits.

Les férus d’histoire se réga-leront de photographies du XIXe siècle, d’épreuves au charbon sur papier salé et d’autres témoignages jaunis des premiers pas de cette technologie. Qu’il s’agisse d’illus-trations de romans ou de faux sui-cides, les premières photos s’aven-turent dans la narration sans gêne. L’exposition accueille aussi quel-

ques daguerréotypes stéréoscopi-ques: deux images légèrement dé-calées qui permettent de percevoir une profondeur... du cinéma Imax en prototype, diront certains.

Les amateurs d’histoire de l’art, de l’autre côté, s’amuseront à retracer les différentes influences des photographes postmodernes. La Dernière Cène de Vinci, Le Portrait des époux Arnolfini de Van Eyck ou encore l’Olympia de Manet sont détournés et déformés par les œu-vres d’Adi Nes, d’Anne Zahalka et de Yasumasa Morimura. Sous leur objectif, les nobles tableaux de-viennent respectivement un repas militaire, un mariage mixte arrangé et une célébration du kitsch pro-nippon.

Morimura, devenant tour à tour prostitué androgyne et ser-vante noire, amuse le spectateur tout en explorant les notions de genre, de nationalité et de culture. On retrouve une autre photogra-

phie de Morimura, où il copie avec une étonnante fidélité une pho-tographie de Cindy Sherman, la «femme-caméléon»par excellence. Man Ray, un autre géant de la pho-tographie, apparaît dans l’expo-sition avec un portrait du Marcel Duchamp en Rrose Sélavy.

L’exposition se permet aussi un détour du côté de la vidéo. La projection la plus étonnante est sans doute «89 seconds at Alcazar»: la mise en scène complexe du ta-bleau Les Ménines (1656) de Diego Vélasquez est reconstituée à la fa-çon du cinéma-vérité. L’ambiance sonore assourdie et les effets de flou étourdissants donnent au pu-blic l’impression d’être une pré-sence surnaturelle dans un passé lointain.

Plusieurs références de la pho-tographie canadienne actuelle font acte de présence. Adad Hannah (un incontournable du Mois de la photo 2005) exhibe son assem-blage complexe de «vidéos fixes». Evergon, professeur de photo à Concordia, confirme sa maîtrise de la couleur et de la texture. Jeff Wall divertit avec un pique-nique de vampires. Finalement, Michael Snow force l’admiration avec un arrêt sur image spectaculaire d’un souper en tête-à-tête: une coupe de vin s’envole en même temps

qu’une assiette de pains et quel-ques feuilles de laitue.

Ludique et instructive, l’ex-position réveille l’aspirant photo-graphe et l’invite à créer sa propre mise en scène. Qui sera le prochain conteur postmoderne? x

L’exposition La photographie mise en scène, au Musée des beaux-arts du Canada (380 promenade Sussex, Ottawa), se termine le 1er octobre 2006. Consultez gallery.ca ou appelez au 1-800-319-2787.

La photographie dans tous ses étatsLe Musée des beaux-arts du Canada propose une promenade historique et thématique dans le monde de la photographie. Narration, pastiche, surréalisme, vidéo: un peu de tout pour tout le monde.

arts visuels

Andreea IliescuLe Délit

Dans le monde de la démocratie, pas de place pour l’espoir et tout est en suspens, ainsi est le monde du terrorisme. C’est seulement le divertissement qui nous maintient en vie

— Afshin Matlabi (2006).

Terrorisme, démocratie et loisirs. Drôle de titre me suis-je dit en voyant an-noncée cette exposition d’Afshin

Matlabi, présentée par Montréal, arts inter-culturels (le MAI)! Enfin, le lecteur admet-tra que «drôle» n’est pas le meilleur adjectif que j’aurais pu choisir, cependant, le titre lui attirera sûrement de l’attention. Je n’irai pas jusqu’à qualifier d’oxymore la juxtaposition des termes «terrorisme», «démocratie» et «loisir», mais le titre a l’avantage de convenir parfaitement au message de l’artiste, qui est

très clair une fois sur les lieux. Cette clarté se double cepen-dant d’un message sombre, car l’expo vise à nous apprendre que la vie n’est pas rose, même si nous nous obstinons à ne voir que ce qui nous intéresse et à faire que ce qui nous plaît.

La Marseillaise guide mes premiers pas dans la chambre du MAI, qui accueille l’exposi-tion au rez-de-chaussée, mais ce chant est vite estompé par le son d’une mitrailleuse. La pénombre renforce l’atmos-phère de doute et nous oblige à plonger encore plus dans notre pensée. Couleurs fantaisistes, messages subliminaux, notre cerveau essaie de discerner tout cela en même temps!

Seule au centre de cette salle, entourée par les oeuvres d’Afshin Matlabi, les messages réveillent mes idées qui volti-gent et je me sens visée par les critiques.

Je prends la brochure de l’exposition et je lis : «L’exposition Terrorisme, démocratie et loisirs présente une étrange combinaison de l’absurdité du terrorisme, de la lutte op-timiste menée par la croyance démocratique et de la pulsion individuelle vers le loisir». L’artiste, né en Iran et possédant une maîtri-se en beaux-arts de l’Université Concordia, décrit ainsi pson projet. Nous ne savons plus où l’ironie s’arrête pour faire place à la cri-

tique… Mais en regardant les images proje-tées ou exposées, nous sentons qu’il y a un peu des deux dans chaque oeuvre.

C’est en fait un signal d’alarme que l’ar-tiste tente de décrire à chaque pièce pour nous réveiller de notre apathie. Le messa-ge de Matlabi est direct: il serait temps de nous rendre compte que ce qu’Alexis de Tocqueville appelait le despotisme démocra-tique n’est pas si loin de la réalité contempo-raine, que notre pouvoir est limité et que la démocratie est un masque qu’utilise la so-

ciété de nos jours dans le but de cacher son visage hideux.

Trop critique ? Peut être... mais il ne suffit pas de s’ébahir devant l’horreur de ce que l’on voit sur les chaînes de télévision, pour ensuite retourner devant l’ordinateur et préparer ses pro-chaines vacances à Cuba. Afshin Matlabi nous traiterait d’hypo-crites et il aurait raison, car son message invite à l’action. Que cherchons-nous dans le loisir sinon l’oubli de ce qui se passe autour de nous? Fermer les yeux ne suffit pas pour échapper aux malheurs de la planète. Isolés sur notre île, nous ne faisons qu’em-pirer l’état d’apathie dans lequel se trouve le monde et nous at-tendons la fin du cauchemar en oubliant une chose : pour que les mauvais rêves disparaissent il faut d’abord faire un effort et

les comprendre. Du moins, tel est le message de Matlabin. x

À surveiller: visite guidée en compagnie de l’artis-te dans le cadre des Journées de la culture, samedi 30 septembre à 14 heures. Aussi, l’événement spécial ayant pour thème l’art et le nationalisme, organisé en collaboration avec le collectif local Artivistic prend lieu le vendredi 20 octobre de 12h à 17h. Terrorisme, démocratie et loisirs est présentée jusqu’au 28 octobre. Pour plus d’infor-mation, rendez-vous au www.m-a-i.qc.ca.

La nouvelle exposition du MAI frappe fortAfshin Matlabin monte une exposition-choc pour nous dire qu’il ne suffit pas de fermer les yeux pour que les malheurs disparaissent et qu’une prise de position est nécessaire.

cinéma

Fin de semaine en famille, promenade avec le missile balistique

Une guerre apocalyptique contre un restaurant McDonald chinoisgracieuseté Musée des beaux-arts du Canada

Afshin Matlabi

Page 14: ledelit_20060926

15xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

La littérature sauvageLucille Hagège

Quoi! Vous appelez ça une bibliothèque?! Telle fut ma réaction lorsque je découvris

la toute petite étagère qui se faisait passer pour Bibliographe, la seule bibliothèque bilingue de fanzines de Montréal.

Adossée contre un mur du café Toc-Toc, cette étagère ne ressemblait en rien à ce que j’avais imaginé lorsque j’avais entendu pour la première fois le nom de ce lieu pour moi quasi-mythique. Sur l’élégant site Internet de Bibliographe, que j’avais attentivement lu avant ma visite, il est dit que la bibliothèque «a pour objectif de promouvoir et de conserver la culture littéraire et médiatique indépendante en offrant un espace accessible d’archivage d’oeuvres créées en marge de la culture de masse».

C’est demander beaucoup d’une étagère! Il n’y avait même pas un endroit où s’asseoir! Mais je me suis tout de même accroupie par terre et j’ai commencé à feuilleter les dizaines de fanzines au hasard… et c’est là que je me suis rendu compte du génie de cette étagère!

Pour ceux qui ne le savent pas, les fanzines (ou zines) sont des petits magazines à but non commercial qui regroupent souvent des textes et des dessins originaux d’aspirants artistes ou écrivains. Ces pages photocopiées et brochées à petit budget peuvent contenir de la fi ction, des bandes dessinées ou des réfl exions personnelles ou politiques. Elles servent à promouvoir leurs auteurs dans le cercle restreint de la contre-culture.

À moins de compter les pamphlets et autres publications révolutionnaires, le fanzine a véritablement émergé dans les années 70 avec le mouvement punk, qui publiait ses propres tracts anarchistes. Le faible coût des photocopies permet alors à bien d’autres mouvements minoritaires et fans de musique de se publier. Dans les années 80, plusieurs catalogues de fanzines (tels que

Factcheet Five) émergent pour recenser toutes ces publications de marge et agir comme point de contact entre leurs auteurs.

Peu à peu, le fanzine s’est défi ni comme une forme artistique en soi, et malgré l’ascension des magazines Internet et des blogues, le format imprimé original reste encore très utilisé dans les milieux littéraires underground.

Ce sont les évidences de ce mouvement de marge très dynamique que Bibliographe tente d’archiver. Les auteurs de fanzines sont invités à envoyer des copies de leurs publications pour qu’ils puissent entrer dans la postérité, même s’ils restent exclut de l’institution littéraire établie.

Explorer la collection de Bibliographe s’est avéré être aussi intime que retrouver de vieilles lettres dans un grenier. Chaque magazine renferme les réfl exions, les écrits, les dessins parfois très personnels de quelqu’un qui ne désire qu’être lu. Nouvelles, poèmes, bêtises loufoques, j’avais l’impression de m’asseoir à une table de classe et de retracer avec mon doigt les marques qu’un autre élève y aurait gravées.

Un tel musée de la contre-culture ne pouvait pas, je m’en rends maintenant bien compte, ressembler à une bibliothèque traditionnelle, emblème de ce monde littéraire qui ne fait pas dans le journal intime. Un bon nombre de ces fanzines n’ont d’ailleurs aucun mérite littéraire, il faut être honnête et l’avouer. Cependant, il y a quelque chose de fascinant dans l’acte de publication, tenté par ces centaines de personnes de partout dans le monde, qui fait qu’il est bien diffi cile de rester insensible à cette petite étagère recenseuse d’Histoire, et d’histoires, nommée Bibliographe.

Ari RyanLe Délit

Prenez un moment et rappelez-vous vos cours d’arts plastiques au primaire. La joie de revenir à la

maison et d’offrir avec fi erté ce qui était de toute évidence un arrangement de bâtons de Popsicle représentant un singe sur une branche d’arbre. En y repensant, le tout ressemblait probablement plus à un chien qu’à d’autre chose. Ayant quitté l’innocence enfantine, le commun des mortels délaisse aussi ses aspirations dans le domaine des arts plastiques. Enfi n, il est temps pour nous, portions de la populace plus ou moins habiles artistiquement, de lâcher notre fou et de nous remettre les mains à la pâte! Accompagnées d’une bière, ou de deux, ou de quatre, il n’y a aucune raison que nos créations ne soient pas issues d’un génie caché aux yeux de tous. Ce qui nous emmène à la découverte de cette semaine, la Soirée arts plastiques (Arts and Crafts Night) au Cock ‘n Bull.

Le Cock ‘n Bull est un pub comme

l’ouest du centre ville sait si bien nous en offrir. Situé dans un demi-sous-sol, le décor est fi ni au bois et l’atmosphère est confortable. De bonnes matrones sont à votre service vous offrant de la bière à des prix très abordables (4$ à 5$/la pinte) et même si les sièges au bar sont souvent occupés par des messieurs aux cheveux grisonnants, il y a généralement une bonne foule dans la fl eur de l’âge. Le pub est reconnu pour ses soirées à thème, dont la soirée consacrée aux arts plastiques du lundi soir. Il n’y a pas de

prix d’entrée, il s’agit simplement de consommer. Les matériaux sont toujours disponibles près du bar vont de la pâte à modeler aux toiles et peintures. Pour mettre la main sur des matériaux et une table, il est habituellement recommandé de commencer la soirée plus tôt que tard… x

Le Cock ‘n Bull est situé au 1944 Ste-Catherine O. Tél. : (514) 933-4556. Ouvert aux heures habituelles des bars.

découverte

D’art et de bières fraîchesArtiste ou non, un lundi soir au Cock ‘n Bull promet bien de la créativité!

Découvrez vos talents artistiques cachés au Cock’n’Bull les lundis soirs

kulturkalendercompilé avec amour

par Émilie Beauchamp

Mardi 26 septembre

Documentaire post-soviétique

Découvrez comment Anna vit son adolescence durant la chute du régime communiste en Union soviétique sous la caméra du directeur Nikita Mikhalkov (Close to Eden, Burnt by the Sun). Pour réaliser Anna: from 6 to 18, Mikhalkov risqua la sévère censure de l’URSS. Un documentaire percutant.

Où? 688, Sherbrooke O., salle 361Quand? À 17h.Entrée gratuitePlus d’infos? Juliet Johnson, (514) 398-

6120; Elaine Weiner, (514) 398-6843

Vendredi 29 septembre

Soccer fémininL’équipe de soccer féminine de McGill

affrontera pour la première fois de l’année l’Université Bishop ici au stade Molson. Venez encourager les Martlet, deuxième dans le classement universitaire canadien, à écraser leur adversaires les Gaiters.

Où? Stade Molson (475, av. des Pins O.)Quand? À 18h.Entrée gratuitePlus d’infos? Visitez le www.athletics.mcgill.

ca/varsity_sports_upcoming_games.ch2

Samedi 30 septembre

Débat public

Le Réseau des étudiants noirs de McGill offre un forum ouvert à tous dans le cadre du lancement du livre Visions of Tomorrow: Beacons that Light the Path en compagnie des auteurs Wanda Thomas-Bernard (Université de Dalhousie) et Joy Degruy-Leary (Université de Portland). La discussion portera sur les questions fondamentales que la diaspora africaine pose de nos jours.

Où? Édifi ce McConnell (3480, University), salle 204Quand? De 12h30 à 14h30.Entrée gratuitePlus d’infos? Aqiyla Lawrence, (514) 222-3661

Lundi 25 septembre

Ensembles de jazz de McGill

L’école de musique Schulich nous présente un soirée jazz organisée avec l’orchestre de jazz de McGill dirigé par Gordon Foote. Le prestigieux ensemble, qui s’est déjà produit en Angleterre, en Irlande, au Mexique, aux États-Unis et ailleurs au Canada, revient à McGill pour le plaisir de nos tympans.

Où? 527, Sherbrooke O., salle Tanna-Schulich.

Quand? À 20h. Entrée gratuitePlus d’infos? Contactez le (514) 398-4547

ou le (514) 398-5145.

www.delitfrancais.com

Ari Ryan

Ça marche même à l’envers:

La bibliothèque de fanzines

Page 15: ledelit_20060926

16xle délit | 26 septembre 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Margarita GonzalesLe Délit

Emportés par le tourbillon de notre quo-tidien, il faut parfois s’arrêter pour souf-fler, puis se laisser guider par nos sens…

La ville qui nous entoure est en constante trans-formation, et cette dernière ne se fait pas comme par magie, mais par l’effet des changements que nous, ses habitants, y apportons. Ce sont les sujets de réflexion proposés jusqu’au 1er octobre par la septième Manifestation internationale vidéo et art électronique (MIVAÉM), présentée par Champ libre, dont le thème est « Cité invisible ». Elle le fait par des approches axées sur l’art, les nouvelles technologies, l’architecture et l’urbanisme.

Des installations surprenantesLa MIVAÉM propose de redécouvrir la ville à

travers des programmations vidéo, des visites gui-dées, des ateliers et des performances par des ar-tistes des nouvelles technologies. La Bibliothèque nationale du Québec est l’endroit qui s’impose pour la tenue d’un tel événement. En explorant ses recoins, vous tomberez à chaque instant sur une installation audio ou vidéo de la MIVAÉM, qui vous poussera à porter un regard nouveau sur votre ville. Ainsi, un innocent banc de parc ou un écran installé au milieu d’une passerelle seront les signes précurseurs d’une nouvelle expérience. Au sous-sol, vous trouverez une œuvre vidéo de Marie Maquaire intitulée La Chute (immobilis) qui présente un immeuble en constante fragmentation qui vous entraîne dans sa chute sans fin! Aussi présenté en exclusivité, un montage de Catherine Cattaruzza et Vatche Boulghourjian, réalisé à par-tir d’un film trouvé dans les décombres d’un édi-fice au Liban après la fin du conflit de 1992.

Découvrir la ville à l’aveugletteMais, quelle meilleure façon de redécouvrir la

ville que de s’y promener les yeux bandés! C’est ce que propose l’activité «Blind City» en offrant au public de se laisser guider dans la ville, les yeux bandés, par des non-voyants. Une expérience hors du commun qui changera à jamais votre percep-tion du monde qui vous entoure et vous amène-ra à réfléchir sur le rôle de l’interaction avec les autres dans cette immense solitude que l’on res-sent parfois au milieu d’une foule.

Cet événement s’est organisé autour du Colloque international Ville - Art - Technologie qui s’est déroulé les 22 et 23 septembre. Des con-férenciers invités provenant de plusieurs pays y ont discuté avec le public des nouvelles concep-tions de la ville qui naissent des changements globaux, et des nouvelles pratiques artistiques qui en émergent. La présence de l’espagnol Francisco Lopez, instigateur du projet « Blind City », a no-tamment permis d’amener la discussion sur les perceptions sonores de la ville.

La Grande Bibliothèque: parking pour conteneurs

Vous avez peut-être remarqué deux con-teneurs stationnés dans le jardin de la Grande Bibliothèque? Eh bien, ils font eux aussi partie de l’événement! Ils abritent des artistes du son en plein travail. Le collectif MU et le collectif Conteners y préparent une performance qui aura lieu le 30 septembre prochain. Le collectif MU, dans son conteneur, recueille des sons de la ville de Montréal dont il se servira pour la création de son œuvre. Depuis l’autre conteneur, Conteners vous invite à les emmener dans vos endroits favo-ris de Montréal dans des déambulations sonores qui seront ensuite fusionnées avec le travail de MU. Conteners est un centre d’art itinérant qui diffuse sur Internet, d’où le choix d’un conteneur, symbole de mobilité internationale, comme logis. Prenez donc le temps…! x

La MIVAÉM sera jusqu’au 1er octobre à la Bibliothèque nationale. Pour plus d’informations, visitez le www.champlibre.com. « Blind City » sera accessible les 29 et 30 septembre ainsi que le 1er octobre, gratui-tement mais sur rendez-vous en téléphonant au 514 235-6629. Pour participer à l’activité Conteners, vous pouvez prendre rendez-vous sur place, visitez le www.conteners.com ou écrire à [email protected].

Montréal: cité invisibleDans le cadre du MIVAÉM, osez un regard neuf sur la ville grâce aux arts et aux nouvelles technologies à la Grande Bibliothèque.

arts visuels

Margarita Gonzales

gracieuseté Champ libre

gracieuseté Champ libre