Leportique 2827 35 Lacan Logicien

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    Le Portique35 (2015)Philosophie du management

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    Stoan Stoanoff

    Lacan logicien

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    Avertissement

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    Rfrence lectroniqueStoan Stoanoff, Lacan logicien , Le Portique[En ligne], 35 | 2015, document 2, mis en ligne le 10 mars 2016,consult le 12 mai 2016. URL : http://leportique.revues.org/2827

    diteur : Association Les Amis du Portiquehttp://leportique.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur :http://leportique.revues.org/2827Document gnr automatiquement le 12 mai 2016. La pagination ne correspond pas la pagination de l'ditionpapier.Tous droits rservs

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    Lacan logicien 2

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    Stoan Stoanoff

    Lacan logicien

    Introduction

    1 Ds ses premiers crits Lacan se pose en logicien, en quoi son sminaire sur La lettre vole

    reste paradigmatique. Sa dmarche sinscrit en rupture avec celle du phnomnologue 1dontle propos est de comprendre . Bas les pattes est linterdit dapprocher formul parHeidegger lgard de celui qui ne sent pas sur un sol authentique . Gardons-nousde comprendre trop vite devient, a contrario, le mot dordre lacanien assorti de lapriorimthodologique qui consiste dissoudre le vcu en ses composants logiques , inversant

    ainsi la recommandation heideggrienne 2. Car la clart duHinsehenheideggrien est un pointde vue susceptible de nous mener aux limites de laveuglement 3.

    2 Quest-ce que la logique ? Un propos liminaire simpose ici ne serait-ce quen raison du terme dissoudre qui vient de glisser sous ma plume, terme dont le contraire simpose tout autant,

    savoir conjoindre 4

    . Il convient de rappeler quun nomm Parmnide jouait dj sur cesdeux tableaux en disant que le feu disjoint (leau svapore sous leffet du feu) et la terre runit(a contrario leau est prise en masse et donc gle ; noter aussi que le premier ciment utilistait base de terre). Un Ren Thom viendra nous rappeler tout a, aprs coup, en parlantde changements de phase en introduisant dsormais les rudiments dune topologie singulire.Au moyen-ge les termes changent au sens o les alchimistes diront solve et coagula ;do, par le biais de la scolastique, sortira une psychologie, voire une thique, qui procderontpar soustraction (des prjugs) et adjonction (de vertus), en correspondance avec ce qui sepratiquait sur les chantiers des tailleurs de pierre, jusquau moment o un Kant parlera dejugements analytiques et synthtiques. Lacan ne sera pas en reste puisquil fera la promotiondes oprateurs V et au titre de rudiments dune syntaxe langagire, (il a t jusqu enseigner son auditoire les diagrammes de Venn) ainsi que lobjet a de son invention, savoir la pars , le reste, le dbris (l-tracas des archologues

    3 Aussi, ds son poque, Lacan pressentait la mutation en train de se produire, dont il annonaitla teneur en disant que le contemporain est logologique . Je minterroge sur le fait desavoir jusqu quel point, dans son projet darithmtisation de linconscient (sous lgide de Canrobert ), Lacan aurait adopt le point de vue de Dirichlet 5qui consisterait substituerles ides au calcul ; les quaternions de Hamilton, par exemple, tant susceptibles de jouer lerle de nombres dans ce nouveau mode de calcul. Hamiltoniens que Lacan promeut,sans le dire, au titre de mathmes , dans lobservation du Petit Hans , ainsi que jai

    tent de le montrer 6. Il serait intressant de voir jusquo Lacan a pu adopter aprs Quine lastratgie de la monte smantique , que Donald Davidson proposera dans son Myth of the

    Subjective,avec la promotion du thtre cartsien 7.4 Cest en logicien 8 que Lacan aborde luvre de Freud et cest dans son adresse aux

    psychanalystes niois intitule Le phnomne lacanien quil avoue qu la mythologie dela pulsion freudienne il prfre carrment ses propres lucubrations, notamment son stadedu miroir . Propos scandaleux pour lensemble du peuple psychanalytique qui se bouchedsormais les oreilles et fait semblant din-duire, de forcer lobjet a dans la topologie quilconvient. Objet a dont on cherche encore quel sens lui donner depuis que Lacan en a fait

    ce qui sattrape au coincement du symbolique, de limaginaire et du rel comme nud 9.5 Cest bien par convention que Lacan le situe cet objet a hors sens et lui confre la place

    dune pure fonction syntaxique, dun enforme, dun liage entre les trois dimensions R, S et I ;dimensions quun Plotin, dans sesEnnades, nommait dj les trois hypostases . Oprationqui fleure bon lhrsie freudienne incontestable. Le clinamen, la pente laquelle ledit peuple

    psychanalytique se cramponne tient au prjug quune proposition doit ncessairement avoirun sens et surtout une signification. Peut-on en effet se plier envisager lobjet a , comme

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    pur rapport ? Comme rapport anharmonique ? Comme nombre dor ? Comme : Gegenstandvorber 10, disait Edmund Husserl ?

    6 Ainsi, vouloir le substantifier cest exiger quil ait une essence, ce que hlas, Lacan se refuse lui accorder. Comment en est-il arriv l ? Par le taosme certes, mais il y a lieu de lui chercherdautres antcdents encore. Cest dans ses Propos sur la causalit psychique (E161) queJacques Lacan annonce le fondement prochain de sa thorie de lobjet en disant :

    Il serait dj beau que par une pure mene de lesprit nous puissions voir se dessiner le concept delobjet o se fonderait une psychologie scientifique. Cest la dfinition dun tel concept que jaitoujours dclare ncessaire, que jai annonce comme prochaine, et qu la faveur du problmeque vous me proposez, je vais tenter de poursuivre aujourdhui en mexposant mon tour voscritiques.

    7 Le coup dassommoir tombe lorsquil annonce que lobjet a serait un ludion logique ? 11

    De ce fait, plus jamais personne nosera avancer la moindre critique lgard de ce concept.Mais nous le retrouvons tel quel sous la plume de Heidegger dans son projet de Sminaire surla phnomnologie religieuse (sminaire qui est le seul qui nait pas eu lieu) [PVR p. 358] :

    Lob-jet (sic) originel, lAbsolu, nest pas ce qui ne peut pas tre encore dtermin, ni ce quinest pas encore dtermin, mais ce qui est essentiellement, de soi, libre de toute dtermination .

    8 LAbsolu, savoirLafemme, pour autant quil en est qui singnient lincarner.9 Jacques Lacan est entr dans la tourbire de la logique un moment o se posait la question de

    ses fondements ainsi que celui de son statut pistmique. Pataugeant entre Kant (ou Brentano)et Frege, la pense de Husserl se meut en direction de ces fondements, cet UngrunddisaitJacob Bhme, et bute sur ce quil nomme lexprience antprdicative . Do cette phrase

    que je copie dans un recueil de textes fort documents 12:

    Lobjet final de lanalyse de Husserl est donc lacte de jugement antprdicatif, dans lequellactivit logique humaine apparat sous sa forme lmentaire. Selon Husserl cet acte de jugementantprdicatif est un acte objectivant de se tourner vers, un acte qui slectionne un objetde perception comme tant son objet (rfrence : Husserl : Exprience et jugement, p. 70-72,[Erfahrung und Urteil, Klaassen Verlag, Hambourg, 1964, (p.90 : ersten Zuwendung des Ichs)].

    10 Or, nest-ce pas dans son Stade du miroir que Lacan situe ce moment du se tourner vers ,

    inaugural pour ce quil en est du fondement de laltrit ? Par ailleurs, dans sa fable des troisprisonniers, Lacan avait us de lexpression linstant de voir , chose que lon retrouve ici

    sous la plume de Husserl sous la forme dun Jetzt-sehen 13. Se pose alors la question dulieu o se tient, do surgit : le jugement antprdicatif . Sagirait-il du lieu do smetun acte, un jugement, un trait de poignard, alors que lappareil discursif (et donc la parole)y ferait dfaut ? Pour Husserl ce lieu serait-il lutrus ? Ce dernier venant rsumer ce quonvoque traditionnellement en parlant du ciel toil, des limbes et de la Jrusalem cleste ? Surce, Husserl nous interroge perfidement pour savoir : Quelle est la source ultime de toutes lesformations de la connaissance ? 14Au blackout jet par Freud sur ce qui subsisterait commetraces mmorielles au-del de lombilic du rve, au silence des pulsions quil postule en-dede cette limite, Lacan oppose un brouhaha, un bruit de fond do merge un essaim (S1) de

    signifiants que la cure a pour mission de le rduire. Cest ici que Lacan propose la mtaphoredu jeu dchecs (L06 p. 224-225) :

    On devrait comparer tout le droulement dune analyse au jeu dchecs. [...] Et en somme, dans unjeu qui se joue laide dune srie de mouvements en rplique fonds sur la nature du signifiant,chacune ayant son propre mouvement caractris par sa position comme signifiant, ce qui se passecest la progressive rduction du nombre des signifiants qui sont dans le coup. Et on pourrait aprstout dcrire une analyse ainsi : quil sagit dliminer un nombre suffisant de signifiants pour quilreste seulement en jeu un nombre assez petit de signifiants pour quon sente bien o est la positiondu sujet dans leur intrieur.

    11 Ce qui prcde dfinit un parcours mais il est ncessaire de rpertorier quelques-uns parmi lesouvrages qui traitaient de la logique en psychanalyse, et ce avant et pendant les priodes o

    Lacan est mont en ligne. Le recours louvrage dImre Hermann : Psychanalyse et logique[IH] 15simpose par consquent.

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    1. Psychanalyse et logique

    12 Le 27.3.1963, dans son sminaire sur lAngoisse, Lacan nomme Imre Hermann 16. Pour direque, hors dialectique, il aurait bauch le phnomne quil qualifie de Randbevorzugund,lection prfrentielle du champ phnomnal analytique pour les phnomnes de bord . Sansplus. Il est oblig de le citer vu lusage surabondant quil fera par la suite de cette jouissancede bord, mais il se garde de donner en exemple la logique dImre Hermann. Alors que ce

    dernier sintresse surtout la logique telle quelle fonctionne chez un certain nombre depsychanalystes. Il y a lieu de noter qu linverse de Lacan Jacques Derrida a largement puisdans les ouvrages dImre Hermann.

    13 Dans son livre de rfrence, Imre Hermann dveloppe au moins trois cas, cest--dire troisstrotypes et cest se demander si Lacan ne sen serait pas inspir pour ce quil en est deproduire certaines figures centrales de sa topologie (lEntzweiiungfreudienne comme donnantlieu un accolement entre deux bouteilles de Klein, le retournement en son contraire commeretournement de la sphre et le dtournement [explicit comme suit : Envelopper le rel defantasmes typiques ; formuler et observer des tabous , IH, p. 72] rductible aux proprits dubonnet crois (dit cross-cap). Notre auteur hongrois, lve de Ferenczi, voit dun mauvais illes manuvres dvanglisation auxquelles se livrent les psychanalyses sur leurs analysants.Il dcline un de leurs paralogismes [IH p. 95] :

    Quand on instruit quelquun, on veut faire en sorte quil soit savant au lieu de rester ignorant, onveut donc quil devienne ce quil nest pas encore et quil ne soit plus ce quil est actuellement :on veut lanantir.

    14 Imre Hermann propose des rudiments de ce quil nomme une thorie de la pense qui vise donner une place prpondrante la recherche de [IH p. 114] la nature interne des choses ,mais pointe la prsence persistante dun arrire-plan psychique fait dune conceptionmagico-mythique du monde . Il note [IH p. 117] le rapport entre les conceptions de basede la logique et de linstitution totmique et va jusqu :

    risquer une hypothse beaucoup plus spciale, selon laquelle la science de la logique serait unprolongement tardif et pour ainsi dire sublim de la faon de penser magico-sociale.

    15 Il fait un parallle entre la conception platonicienne de la participation de nos perceptions durel objectif et la logique intuitive de Lodzjii . Mais plus radicalement il tmoigne de laproximit rsiduelle au sein de maints esprits entre le mcaniquement formel de la logiqueactuelle et la pense 17 mystico-magique sous-jacente. Cette dernire admet la preuve paranalogie (voir la projection de limago-pre dans un animal ) ainsi que la doctrine du logosspermaticos assurant la conservation des species, sur le modle de lengendrement .

    16 Du chapitre sur Les modalit de perception et formes de la pense nous retiendronslincidence de lolfaction dans la paranoa, mais aussi bien au quotidien pour ce quil en estdengendrer la mfiance, et, par contrecoup, pour justifier les excs du principe de prcaution(Irai-je jusqu dsigner un parti des nez-pincs ?).

    17 Un autre auteur mrite de retenir notre attention. Il sagit dAldo Gargani dont le livre :Freud,

    Wittgenstein, Musil[FWM])18

    pose un srieux problme pistmologique la psychanalyse.Le second chapitre de cet ouvrage sintitule : Epistemologia e scena primitiva : Freud eWittgenstein et constitue la fois une critique du Fort/Daet de la scne dite primitive par Freud. Gargani commence par rhabiliter la rptition en tant instrument de progrs dans

    le domaine de la recherche et donc comme symptme 19fructueux. Ce quil y a de primitifdans la scne de Freud est en fait linstauration dun rituel et il parait que Wittgensteinaurait publi un opuscule intitul : Note sul Ramo doro di Frazer [FWM p. 45, note4], o il ferait linventaire de ce que Frazer propose concernant cette question de loriginedune rptition. videmment, la tentative rcente, russie, de poser un moteur de recherchesur une comte situe des millions de km de la terre, premire impensable ce jour,ressemble sy mprendre au dpart laborieux dun spermatozode la conqute dun ovule.

    Et Gargani insiste sur le fait que la scne primitive de Freud est devenue le paradigme quirend inattaquable [FWM p. 41] toute forme de recherche dordre pistmologique.

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    2. Il y a de lagrammatical

    18 Cest par rfrence Husserl que le 28.2.1968 Lacan parle du concept de grammaire pure,pour dire quil permet de constater quil y a de lagrammatical , quelque chose que Husserlrejetterait alors que pour Lacan cest quand mme encore du logique , faisant allusion ainsi ces manifestations de vrit que sont le mot desprit, lacte manqu ou le rve .

    19 Ailleurs, le 21 janvier 1970, voquant la problmatique du jugement (tiens-tiens !) Lacanchatouille Husserl au sujet du sens et du non-sens :

    Comme sujet de la phrase, il ny a que le sens. Do cette dialectique do nous sommes partis,que nous appelons le pas-de-sens avec toute lambigut du mot pas. Cela commence au non-sens forg par Husserl le vert est un pour . Cela peut pourtant trs bien avoir un sens, silsagit par exemple dun vote avec des boules vertes et des boules rouges. Seulement ce qui nousemmne dans une voie o ce quil en est de ltre tient au sens, est ce qui a le plus dtre. Cestdans cette voie, en tout cas, quon a franchi ce pas-de-sens de penser que ce qui a le plus dtrene peut pas ne pas exister.

    20 Dans lescrits (p. 162), Lacan dsigne nouveau Husserl mais pour raffirmer que la folie

    soit un phnomne de la pense 20et rappeler que la structure constitutive de la connaissancehumaine , cest : ce support que le symbolisme de la pense trouve dans la perceptionvisuelle, et que jappellerai avec Husserl un rapport de Fundierung, de fondation . Lacan

    ferait-il ici allusion au fait que dansIdesHusserl se disait en qute de la source ultime de laconnaissance ? Ne regimbe-t-il pas contre lide dune source ultime , lorsquil voquele pas un par le biais du zro en tant quorigine de to ute computation ? Et aussi, lorsquilconfre lacphalie le statut de principe fondateur de la structure du nud borromen, nerfute-t-il pas lide mme dune priorit, dune antcdence dune dimension sur les autreset donc la notion mme dun commencement ?

    21 Jai lair dinsinuer que Lacan a pomp divers sources mais vrai dire il ne sen cache pas.Pas toujours. Ainsi, propos de lhistoire du message que chacun reoit sous sa forme inverseil avoue ceci ; Je dis a depuis trs longtemps et a a fait rigoler. la vrit, cest ClaudeLvi-Strauss que je le dois .

    22 Pour ceux qui, la suite de Lacan, sont alls interroger les prsocratiques, suivis par Platon

    et Aristote21

    (cits chacun plus de soixante-dix fois par Lacan), puis Augustin avec sonparadigme de linvidia, de la jalousie enfantine, et son discours du Matre, (discours du nobliau , dira Lacan 22), il est tout fait indiqu de poursuivre en passant par une kyrielledauteurs o Saint Thomas dAquin et son interlocuteur attitr (son comparse) Averros,font bonne figure, sans compter les thologiens de la scholastique, jusqu Hegel et lesaxiomaticiens de la logique et des mathmatiques qui ont suivi, tels que Dedekind, Frege,C. S. Peirce, Riemann, Russel (bras-dessus bras-dessous avec Whitehead), puis Peano etBoole, Cantor et quelques autres ; ni oublier, notamment ses contemporains, et en premier lieu

    Wittgenstein 23, quil a cit peu de fois mais qui lui a tendu la perche avec son Tractattuspourun meilleure approche de la psychose 24et du mtalangage. Mtalangage que Wittgensteinrcuse alors que Lacan, le 17 mai 1977, sinterroge ce propos : Quest-ce que a veut dire,

    la mtalangue, sice nest pas la traduction ? 23 Dans ce domaine Heyting lui fournit la cuillre crmer le carr logique des propositionsdAristote pour situer en bonne place le ex falso seguitur quod libet, que le fondateur delAcadmie excluait et qui figure dsormais sur leblason des intuitionnistes. Cest nanti dunetelle moisson que Lacan a fray son propre chemin, parcours qui nen finit pas dtonner ceuxqui sy sont intress vraiment. Quest-ce que a change par rapport la conception que Freudavait propose de linconscient ? a autorise en tout cas Lacan dfinir linconscient commeun langage logique, excluant tout psychologisme, et ce la manire du BegriffisschriftdeFrege, paradoxes compris.

    24 Il men cote davoir rappeler tout ceci, abruptement, layant dj dlay dans toutes sortesdcrits auparavant. Mais cest ce prix, ainsi que celui de leffort requis pour entrer dans levocabulaire de Lacan, lorsquil use des termes tels ceux dapplication ou dhomomorphisme,par exemple, quon est susceptible, arm de la sorte, de sessayer se faire dupe des nuds ,en vue dune ventuelle construction dune clinique du rel .

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    25 Jai voqu rcemment laKK-thesisde Hintikka 25, et cest cette problmatique que Lacansonge (sans le dire tout en le disant) lorsquil entre dans celle queffleure leDindonde Feydeau,et donc du Je sais que tu sais que je sais que tu sais . Jolie suite de parenthses embotes, queLacan avait confi le soin de la commenter quelquun, dont lintervention son sminairetmoignait dune occultation des deux rfrences que je viens de proposer ; et qui na pasmanqu aussi par la suite de zapper ce que les propos avec lesquels Lacan saluait sa performance avaient de malicieux, voire dironique. En clair, mieux vaut donc parfois ne

    pas tout lire, dans ce que Lacan a os produire.26 Bref, Lacan na nomm Hintikka que sept fois, notamment (L21) le 19.2.1974, et ce pour faire

    son loge, par exemple :

    Jaakko Hintikka a fait un bouquin qui sappelle Time and Necessity, avec comme sous-titre : tude sur la thorie de la modalit dAristote . a nest pas mal. [...] a suppose [...] queHintikka [...] mavait devanc depuis longtemps /.../ sur ce que je vous faisais remarquer ladernire fois, que lOrganon dAristote a vaut la peine dtre lu parce que [...] ce qui est difficilecest bien de savoir, chez un frayeur [...] comme dAristote [...] pourquoi il a choisi ces termes-l est pas dautres.

    27 Nous retrouverons Hintikka 26plus loin au sujet de la dfinition de linconscient comme le non-su du sujet.

    3. Positions de lInconscient

    28 Le texte de Lacan, qui prend place dans lescritssous le titre Positions de lInconscient , sesitue entre deux autres textes, dont un gros morceau : Subversion du sujet et dialectique dudsir , gros au sens o tout ce quon pourra dire du nud borromen et de ses intersections :en dcoule ; sans compter qu ce sujet, et surtout dans le commentaire que Lacan en fait dansson sminaire, il a recours des notions non triviales telles que celle de vecteur , de nombrecomplexe, voire de foncteur , dune part ; dautre part, Positions de lInconscient est suivi Du Triebde Freud , texte qui, de par la critique des positions freudiennes quil constitue,vient renforcer les thses de celui qui le prcde. Je me limiterai ici au fait de remarquer quBonneval Serge Leclaire et Jean Laplanche se sont affront (ainsi que jen parle dans un livre

    paraitre, intitul : Seelenbehandlung). Leclaire soutenant la thse du comme un langage tandis que Laplanche reformulait celle de la pulsion freudienne, stant tous deux mis daccordsur le fait de pousser sous la tapis la question de lholophrase pose par le Poordjeli , dansle livre de Leclaire (Psychanalyser). Les textes publis suite au colloque de Bonneval ontsubi une rfection, dixit Lacan, pour ne pas dire un repltrage, mais jusqu quel point, allezsavoir, sauf celui de Lacan qui a t rduit par Lacan lui-mme. Ouf !

    29 Bref, ce qui est remarquable demble cest la rfrence de Lacan au temps logique ,mais il y a lieu de se souvenir que dans sa fable le jeu des trois prisonniers nest quunsophisme dans la mesure o il suppose indment une forme dintersubjectivit (chacun rglantsa conduire laune de son prochain ), alors quentre individus , une telle clause, foi deStrawson, nest absolument pas requise.

    30 Depuis, la logique est devenue une sorte de patate chaude que les psychanalystes se refilent,alors quau temps de Freud on tait encore labri de tels tsunamis. Do des msusages, desincartades qui transgressent les rgles, celles de linduction par exemple, et cest ainsi queLacan peut parler de lerreur centrale de la psychologie (E831).

    31 Lorsquil dit que linconscient est coupure en acte (E839), il se situe du ct de lamonstration wittgensteinienne dun fait, et il est utile de noter que le poinon qui la dsigneest directement issu de lobservation de lHomme au Loup , ainsi que je lai point dans

    Freudaines (chez LHarmattan, 2014). Ici la transition de Freud Lacan est claire. Lacanlogifie, l o Freud nen tait quau stade de lobservation. Bien sr, Lacan ira bien plus loinlorsquil situera la coupure du fantasme en tant que plan projectif des surfaces de Riemann .Avec ce prolongement (E847), savoir que cest au niveau de la coupure anatomique quese dcide la fonction de certains objets dont il faut dire non pas quils sont partiels, mais quilsont une situation bien part . Et Lacan de se lancer (en note) dans lcriture mathmatiquedun flux rotationnel .

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    Fonction de lobjet partiel 27qui a migr depuis lors dans le discours commun, puisquune Damesautorise lancer son prtendant (suppos volage) : Je ne suis pas ton objet transitionnel ! .Du coup il en est qui se retrouvent dans la position dintermittents du mariage, autre avatar du flux rotationnel . Mais dans ce texte Lacan reste freudien en ce quil parle encore pulsion ,notamment de pulsion de mort (E848).

    32 Quen dit Freud dans sa Mtapsychologie ?

    4. Das Unbewusste 33 Das Unbewusste , que Lacan baptiselUnebevue est un texte que vous trouverez dans les

    Gesammelte Werkede Sigmund Freud au tome IX (1912), et aux pages 264 303. Ce texte estencadr dune part par un crit sur le Refoulement et de lautre par son texte sur lAmourde transfert et il est difficile de ne pas lorgner en passant et sur lun et sur lautre. Dembleje remarque que Freud veut quon fasse une Gleichstellung, et donc une comparaison entrele conscient et les tats dme (mit dem Seelischen). la page suivante (GW XII s. 267) ilvoque les actes de lme (seelischen Akte), ce qui me fait penser lexpression lhommeme avec son me , lance par Lacan. la page 276 (l nous sommes dans la section IIIrserve au Destin des sentiments inconscients , dans le texte freudien), je note que parle biais du refoulement la reprsentation originaire du ressenti se trouv noue (Verknpft),capitonne une autre, qui seule restera consciente. Cette faon de diffrer et de dplacer la

    prise de conscience sera interroge plus loin lorsquil sera question du connais-toi toi-mme,qui a pour corrlat le sautoriser de soi-mme lacanien.

    34 On doit supposer que le refoulement agit en deux temps : dabord la charge motionnelle,initialement porte par S1, sera transfre sur un autre support S2 ; S2 qui devient lereprsentant de la reprsentation (Vorstellungsreprsentanz) ; vient ensuite loccultation deS1, qui est leffet du refoulement proprement parler. Or, selon Lacan : S2, en tant quepur semblant, vient se substituer S1 qui : lui, tombe la trappe. Chose qui, suivreses dveloppement ultrieurs, revient un changement de discours. Do une divergenceapparente davec Freud, moins que ce dernier ne se risque faire supporter au transfertle report (linvestissement) dune charge motionnelle, ainsi que ctait dj le cas danslEsquisse. Bref, l o Lacan considre le refoulement comme un procd mtaphorique

    crateur de sens, lambition de Freud se limite proposer une mtonymie.35 Quelques pages plus loin (GW XII s. 280), Freud sinquite des voies que ce S2 doit emprunter

    afin que le refoulement soit durable. Et cest l quintervient un autre procd, celui duGegenbesetzung, du contre-investissement, destin parer au retour du refoul. Il y a donc nonseulement nouage mais constitution dune chane dvnements, sous le regard scrutateur dunserre-gent, savoir le Surmoi. Cest dire que le refoulement suppose toute une dynamique, etLacan ne sen souciera que dans la mesure o elle sera diffrente lors du dni (Verleugnung),ainsi que lors de la forclusion (Verdrngung) ; forclusion que Freud voque dans la suite deson texte sous lespce de lUrverdrngung, du refoulement primordial, en tant que matrice detous les refoulements. Sauf que (GW XII s.281) se trouvent voqus aussi des cas o, par unesorte de porosit de la Gegenbesetzung, langoisse parviendra se manifester ouvertement,

    ou alors sous le couvert dune phobie ; ici Freud parle dune reprsentation de substitution(Ersatzvorstellung). Puis il nous promne de processus primaire en processus secondaire, maisrien ne vaut une illustration clinique.

    36 la section VII de son texte il est question de la reconnaissance (Agnoszierung) delInconscient. Ce terme rvle le pot-aux-roses de linconscient, au sens o il serait : le non-su du sujet. Un non-su qui serait un su au futur antrieur, ce que le sujet a failli savoir. Quenserait-il dun savoir ainsi chu 28,falsusdira Lacan, mais toujours luvre chez le sujet ? Dolinsistance de Lacan sur la formule il ne savait pas quil tait mort .

    37 Et cest l (GW XII s.280) que Freud prsente un cas quil emprunte Victor Tausk ; celuidune jeune fille qui se disait victime dun tourneur dyeux. Et donc dun savoir malin. Ence point il convient de faire retour dans ce volume au texte o Freud parle de lHistoire duMouvement Psychanalytique , et o il voque le trio des trois mousquetaires de lhypnoseet de la suggestion, savoir Charcot, Libault et Bernheim, non sans avoir distribu cheminfaisant quelques coups de chapeau son compre Janet, mais surtout Schopenhauer et

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    Nietzsche, dont il a t averti (aprs-coup) quils avaient dj mis les mains dans le cambouisde linconscient.

    38 Bref, la schizophrne dbutante que dcrit Tausk fonctionne comme si elle tait sous influence,sous leffet dune suggestion qui la positionne en porte-parole (lorganum) de la langue delinconscient (sie ist Organsprache geworden, GW XII s. 297 et donc en tant que ne sachantpas ce quelle dit (tout en le sachant). Alors quelle se tenait lglise, a lui a fait commeune secousse (Ruck) lui intimant quelle devait se tenir autrement, en position autre, comme

    si elle y tait assigne . Le terme gestellt, vient illustrer en quelque sorte ici le sens duconcept de Gestellt, tel que Heidegger en use en tant quimpliquant une mutation dordretopologique. Tausk entend ces paroles comme une impulsion se positionner la place de

    son amoureux, et ce au titre dune identification 29. Phnomne dordre structural qui sobtientquand le mcanisme du refoulement vient dfaillir, et quau lieu de produire des symptmesle sujet glisse sur le toboggan des identifications. Pour nous rsumer : un possd cest celuiqui nest plus lui-mme .

    5. Connais-toi toi-mme ! Une nigme

    39 Que certains se soient trouvs dans la position de passeurs de Freud, tels Tausk et Ferenczi,et que cela les ait conduits des impasses logiques et existentielles, ne doit pas nous imposer

    de nous en tenir l. Jai personnellement voqu (ailleurs) la passe de Lacan Royaumontet la disjonction que subit son message lorsquil transite par les vecteurs divergents queconstituent ses ailes [L, L] dalors : Laplanche et Leclaire 30. Et il faut dire qu force depapillonner, tel Lao Tseu, du penser ltre, Lacan nest pas parvenu cibler son auditoire,sa masse , son jury en somme, dans son cole, pas plus qu Royaumont, puisqu ladissoudre, il a d se rsoudre lui donner cong. Dire que Lacan a manqu l sa passe ne prjuge en rien de ce qui a failli passer, et qui ne cesse, en effet, de chercher son pointdimpact jusqu ce quil lait trouv. En attendant, son dict , sa parole/gnose, persiste dansles mythes dont il a su lentourer. Le fort/da en est un, et cest pour le rendre momentanmentinoprant que du ct de luniversit on en a tent lexhaustion sous la forme de thses.

    40 Il y a lieu de prendre appui sur cette symbolisation initiale de manire en saisir la fonction

    et aussi le rle qui lui est dvolu dans la procdure de la passe. O il sagit de produireun sous-ensemble reprsentatif du discours du sujet. Procdure ncessite aux fins de lamise en vidence de la sorte de dcrochement, de ricochet que comporte linconscient. Aveclintrusion de ceux de lcole Normale Suprieurs dans lcole Freudienne de Paris en 1966,et la publication des Cahiers de pour lAnalyse, qui en mane, le lexique des logiciens entreen jeu dans le champ de la psychanalyse ce qui autorise Lacan dy recourir (suture et procsdu sujet, le non-identique soi, etc.).

    41 Le passant touche le jury par son Fort, par sa prsence signifie dans son dict pieusementrecueilli par les passeurs. Ce dict-me, quoi sonFortse rduit peut navoir pour nous aussipeu de sens quen eut leFortvhicul par les anciens mystres. Cet ab-sens (cettejouissancequil ne faudrait pas) durera autant quil le faudra, moins quun cartel aguerri (et non point

    un jury inexpriment) ne cesse de prendre la cause pour leffet. Seule cette cause pourratransmuter tous les effets seconds de la cure en un Primo, qui ne savrera premier qu servler impair. Tour de passe-passe si lon veut, mais surtout subversion du sujet qui ne peutse connatre qu se destre... (de se dprendre) des signifiants qui le portent. Ce qui ncessiteun retour sur ce que nous nommons depuis Freud linconscient et dont Lacan nous dit quon nesait pas sil existe en dehors de lexprience du divan. Le refoulement tient son point dimpactet son ex-sistence exclusivement du fait du discours tenu sur le divan. Le trait unaire, sourcedes identifications hors divan, et donc hors transfert, ne rvle son incompltude que dans leprocessus tel quil se droule sur le divan.

    42 Du divan en tant que rvlateur dun cart fondamental entre le su et le su non-su ; etrien ne laisse mieux prsager de la bance quil constitue, comme lorsque tel sujet (pas si maldans sa peau, et fort disert au naturel) se surprend de ne pouvoir articuler sur le divan autrechose quune plainte, voire une longue srie de sanglots. Dcouverte pas moins scandaleuse,dailleurs, que celle dune paix inexplicable qui lenvahit, toujours sur le divan, lui qui

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    linstant davant avait toutes les raisons du monde de pester au sujet de nimporte quoi etmme envers son analyste. Cest dans cet cart, dans ce dcalage prouv, bien que souvent

    ni 31, que gt laune laquelle se mesureront les effets de linconscient ; effets dont le sujetse soutient dans sa ralit et quon se doit de prendre en compte. prendre en compte : cest--dire intgrer dans le rseau des lments qui lui servent de limite, quil les nommeaffects, dmons ou signifiants.

    43 Cet cart fondamental entre le su et le su non-su a pour effet une diaphragmatisation

    de la vrit comme cause (E874).44 Il peut sembler parfaitement abusif, de ma part, de renvoyer le lecteur au travail dAlain de

    Libera La double rvolution (2014, Vrin) qui, mine de rien, sefforce de donner statutpistmique ce non-savoir, lorsqu la page 512 il voque lventualit que je puissepenser quelque chose mon propre insu, et faire quelque chose sans savoir que je le fais .Dautant que ce volume porte en quelque sorte sur ce dbat, dbat situer entre Aristote,Augustin et Thomas dAquin, Averros venant y jouer la mouche du coche et Hintikka legarde-chiourme. Et pourtant, dans son texte Le savoir et la vrit Lacan nous incite de nousarmer dAugustin, notamment de sonDe Veritate, dont il considre (E873) quil a : tous lescaractres dun ouvrage de thorie .

    45 Et cest sur ce point quintervient de Libera quand il profre Quand est-ce quon sait que

    lon sait ? [AS tome III, p. 55232

    ]. Cest aussi lui qui nous fournit tous les lments du dbatqui, au XIIIesicle, tournera autour de la question : est-ce que lme (ou lintellect agent)se connat elle-mme ? . Cest l quapparait une bifurcation, une schize dira Heidegger, quimotivera aprs-coup la prsence de deux passeurs lors de la procdure de la passe.

    46 ce sujet, voici un bout de passe , passe qui se droule (aux Cartels Constituant pourlAnalyse) comme suit. En seconde position se prsente devant le jury de passe une jeunedame qui se charg de rapporter les propos du passeur-mle. Ce qui me frappe demble estquelle porte une robe qui, du point de vue de sa teinte, est une sorte de patchwork de toutesles couleurs. Et je me suis dit : Elle en a vu de toutes les couleurs . Sans que cette rvlationmienne nait mu le jury daucune faon. Aprs-coup, et donc des annes plus tard, jai ralisque cette robe tait, dans le visible, tout un symbole, symbole quil sagissait de lire comme

    un message, l o quelque chose navait pu se dire . Mais quoi ? Jai pens aux couleursde larc-en-ciel 33, et ce que ce dernier vient symboliser dans certaines manifs. Messagequon pourrait intituler Maltraitance et homosexualit , certes, mais de qui envers qui ?Serait-ce aussi une indication que dans une passe le passant sarrange pour proposer lundes passeurs ce qui ne cesse pas de se dire , et lautre ce qui ne peut se dire ?

    6. Linsu que cest de lune-bvue saile a mourre

    47 Passons prsent au sminaire n 24 intitul Linsu que cest de lune-bvue saile amourre . Nous tenons l une holophrase. Il sagit dun nonc qui mrite dtre transcrit,translittr, et il abrite au moins deux versions qui simbriquent.

    48 Dont il convient de souligner lagrammaticalit.

    49 Une premire version dirait : Linsu que saile de lune Bvue sait la-mourre ; a inclutle mot mourre qui renvoie au jeu du mme nom et a constitu pour Lacan une premireapproche structurale de ce qui est en jeu dans linconscient. Le nud borromen, auquel Lacanaccde par la suite, pour sa plus grande satisfaction, constituera un mcanisme, un moteur,dont il na cess depuis de varier les formats de manire en prouver les effets. Les pluspessimistes diront quil en est mort, de cette bvue ancillaire, que a lui a nou les tripes, etquil la cherch. Point.

    50 Dans une seconde version de son holophrase 34nous aurons par exemple : Linsuccs delUne-bewue cle (cest) lamour . LUnbewusst, son machin, son tourniquet, quoi faitallusion laile en question, fonctionne aussi comme un moulin paroles, paroles dont leleitmotiv rpt lenvi- et en pure perte, indique clairement quil sagit l de la demandedamour intervenant au titre de cause dun ratage, et donc dun symptme.

    51 Dsir dharmonie et de paix espre, au prix dune sorte dtourdissement, dun vertige, dontse soutient la demande damour, dune part ; vu dont litration fait de vous un derviche

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    tourneur, dautre part. Bref, ici Lacan articule ce qui ne peut se dire , ce dont il nous serineds le dbut de la sance du 17.5.1977 de son sminaire, do ceci :

    Tout ce que nous savons de lhomme, cest quil a une structure ; mais cette structure, il ne nousest pas facile de la dire. La psychanalyse a mis sur ce sujet quelques vagissements, savoir quelhomme penche vers son plaisir, ce qui a un sens bien net. Ce que la psychanalyse appelle plaisir,cest ptir, subir le moins possible.

    52 La structure serait-elle ineffable, cet ineffable 35, maintes fois invoqu par Wittgenstein ?

    Toutefois, ce qui ne peut se dire (lamour ?) a doit tout de mme pouvoir scrire.53 Lacan ira jusqu dire que le ncessaire (lamour ?) cest ce qui ne cesse pas de

    scrire (rapport aux lettres damour, ou les textos qui pleuvent de nos jours comme Gravelotte, prcisment). Ceci par opposition limpossible, qui est ce qui ne cesse pas dene pas scrire (le rapport sexuel). La question du cesse ou ne cesse pas est traitetout au long de lanne 1973, Ainsi, la sance du 13.2.1973 nous lisons ceci :

    Le ncessaire ce que je vous propose daccentuer de ce mode est ce qui ne cesse pas, dequoi ?- de scrire. Cest une trs bonne faon de rpartir au moins quatre catgories modales. Jevous expliquerai a une autre fois, mais je vous en donne un petit bout de plus pour cette fois-ci. Ce qui ne cesse pas de ne pas scrire, cest une catgorie modale qui nest pas celle que vousauriez attendue pour sopposer au ncessaire, qui aurait t plutt le contingent. Figurez-vousque le ncessaire est conjugu limpossible, et que ce ne cesse pas de ne pas scrire, cen estlarticulation. Ce qui se produit, cest la jouissance quil ne faudrait pas. Cest l le corrlat dece quil ny ait pas de rapport sexuel, et cest le substantiel de la fonction phallique. Je reprendsmaintenant au niveau du texte. Cest la jouissance quil ne faudrait pas conditionnel .

    54 Ce que je retiens en cette formulation cest que la jouissance (ou la conscience) quil nefaudrait pas sobtient au niveau de la proximit %, ou lpissure , entre le ncessaire (duSymbolique) et limpossible (du Rel). Le terme de corrlat nous retiendra un instant

    partir du moment o Husserl pose le nome comme corrlat 36de lacte (la nose). Ny a-t-il pas l un parallle probable avec ce que professe Lacan lorsquil suggre, tout commeici, que le fantasme phallique ($ a) serait le corrlat de la jouissance de ltre (S R),venant se substituer lacte qui nexsiste pas ? ce propos, dans Quappelle-t-on penser ?[WHDf] (PUF, 1959, p. 197) Heidegger interroge ce quil en est de ltre de ltre (ou

    de ltre en tant qutre) pour dire (p.200) que dans le pome de Parmnide : : (quil traduit : Il est dusage : ainsi le laisser tre pos devant, (le)prendre en garde aussi ) est suivi dun .Avec cette prcision : Linfinitif

    est, comme , une forme ancienne pour et signifie tre . Or, cet

    est phontiquement trs proche de lesmayer 37que Lacan donne pour quivalentdmoi, qui est deux doigts de glisser du ct de la jouissance de ltre ou encore dela jouissance de lAutre barr [S()]. Ce nest pas vraiment se planter mais cest tout demme planter, tablir ( la date du 30 avril) larbre du mois de mai, esmayer disent lesdictionnaires.

    55 Ce qui fait obstacle cette jouissance, au sens de linhibition freudienne, cest lenstasis, cestce que Lacan explicite dans Encore (L20 p. 64-67) :

    Lamour courtois, cest pour lhomme, [...] la seule faon de se tirer avec lgance de labsence derapport sexuel. Cest dans cette voie que jaurai affaire plus tard [...] [...] lenstasis, lobstaclelogique aristotlicien que javais gard pour la bonne bouche. [...] La pense est jouissance. Cequapporte le discours analytique, cest ceci [...] il y a jouissance de ltre.

    56 Vous avez bien entendu : lobstacle logique et non pas le refoulement . Il reste trouvero Lacan parle du lien du ne cesse lamour. Le 26 juin 1973 il profre ceci :

    La contingence, je lai incarne du cesse de ne pas scrire. Car il ny a l rien dautre querencontre, la rencontre chez le partenaire des symptmes, des affects, de tout ce qui chez chacunmate la trace de son exil, non comme sujet mais comme parlant, de son exil du rapport sexuel.[...] Le dplacement de la ngation, du cesse de ne pas scrire au ne cesse pas de scrire, de lacontingence la ncessit, cest l le point de suspension quoi sattache tout amour. Tout amour,de ne subsister que du cesse de ne pas scrire, tend faire passer la ngation au ne cesse pas descrire, ne cesse pas, ne cessera pas. Tel est le substitut qui par la voie de lexistence, non pas durapport sexuel, mais de linconscient, qui en diffre fait la destine et aussi le drame de lamour.

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    57 Manifestement, un schma serait ici bien utile (o dsigne la ngation) :

    POSSIBLE Ce qui cesse de scrire

    Cesse + scrire +IMPOSSIBLE Ce qui ne cesse pas de nepas scrire

    Cesse scrire

    NCESSAIRE Ce qui ne cesse pas descrire

    Cesse scrire +CONTINGENT Ce qui cesse de ne passcrire

    Cesse + scrire

    58 Le cas signal en haut et droite de ce schma fait lobjet dun commentaire la sance du26 juin 1973 du sminaire de Lacan, en ces termes :

    Nest-ce pas cette impasse, cette impossibilit do se dfinit un rel, quest mis lpreuvelamour ? Du partenaire, lamour ne peut raliser que ce que jai appel par une sorte de posie,pour me faire entendre, le courage, au regard de ce destin fatal. Mais est-ce bien de courage quilsagit ou des chemins dune reconnaissance ? [Agnoszierung ?] Cette reconnaissance nest riendautre que la faon dont le rapport dit sexuel devenu l rapport de sujet sujet, sujet en tantquil nest que leffet du savoir inconscient cesse de ne pas scrire. Cesser de ne pas scrire,ce nest pas l formule avance au hasard. je lai rfre la contingence, tandis que je me suiscomplu au ncessaire comme ce qui ne cesse pas de scrire, car le ncessaire nest pas le rel.Relevons au passage que le dplacement de cette ngation nous pose la question de ce quil enest de la ngation quand elle vient prendre la place dune inexistence. Dautre part, jai dfini lerapport sexuel comme ce qui ne cesse pas de ne pas scrire. II y a l impossibilit.

    59 Ce dont cet extrait tmoigne cest que, pour ce quil en est de ses thorisations, il y a lieude lire Lacan avec Lacan et donc de soutenir son discours actuel par ce quil a dj labordans le pass, sans reculer devant lampleur que de tels dbordements peuvent engendrer.Mthodologie laquelle une large majorit des membres de lALI semble rpugner, plaidantpour le fait de sen tenir un ici et maintenant auquel on se cramponne de craindre deglisser dans la confusion. Principe de prcaution qui, en la matire, comme en gnral, savrecontre-productif. Car il est vrai que lon observe depuis quelque temps, chez les agents desmilieux intra- et para-mdicaux, une forme de dficit de lexpression sous toutes ses formes,ce qui conduit les jeunes psys dbutants viter les cnacles o lon tient un discours pluttacadmique. Leur rendre accessible un certain bagage culturel, fait partie aujourdhui de leffetde formation auquel ils ont droit.

    7. Coupure, suture60 On glose sur la sparation, la schize, sur la ncessit de se dprendre du maternel et

    inversement sur la suture, entre le savoir et la vrit par exemple, en tant que supporte par lesujet prcisment. Bref, un ventuel passage de la suture une bance illustre la structure dela bande de Mbius, et donc ce qui se passe lorsquelle se trouv fendue longitudinalement.Cliniquement, parlant du dlire de Schreber o la note douloureuse joue un rle trsimportant , Lacan propose ceci (L03, p. 123) :

    Du point de vue phnomnologique /.../ on admettra quil y a l un tat qui peut tre qualifi decrpuscule du monde. Il [Schreber] nest plus avec des tres rels -ce ntre plus avec estcaractristique, car il est avec dautres lments bien plus encombrants. [...] Je suis celui qui est

    loign 38; nous trouvons cette formule qui rend un cho biblique dans une note o Schrebernest pas celui qui est, cest celui qui est... bien loin.

    61 Jai dj pos (en note plus haut, citant de Libera) quelques jalons relatifs la question dela pars, de ce qui se prte sparation mais il importe de remonter bien plus loin danslarchologie de cette notion pour signaler le jalon de Plotin dans sa cinquime Ennade(dition des Belles Lettres, 1967 p. 163 ; V9/3.7) o il dit ceci :

    Il est sans doute ridicule de se demander si lintelligence est au nombre des tres [...] il faut pluttchercher si elle est telle que nous disons, sil y a une intelligence spare (), si cetteintelligence est identique aux tres, et si elle contient les ides, sujet que je veux traiter aussimaintenant.

    62 De son ct Lacan use du terme sparer 39dans un autre sens encore, celui de se parer, separere dit-il, en quoi il suggr quil ne sagirait l que du semblant, propre ceux qui necessent de parader dans lex-sistence (les psychanalystes de droit divin qui ont tout compris ,

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    par exemple). Nempche que ce dont on se spare primordialement cest le placenta, oudlivre. Cest lobjet petit a par excellence selon Lacan, das Dingselon Heidegger, et cedont chacun porte la marque. Marques causales que je collectionne, et dont le livre de JacquesBouveresse Wittgenstein lecteur de Freud 40me fournit loccasion den compter une de plus.Dans sesRecherches philosophiquesLudwig Wittgenstein raconte ceci :

    la question pourquoi je me reprsente la ville dans cette direction je ne peux pour commencerdonner aucune rponse. Je navais aucune raison de croire cela. [...] nous marchions en effet le

    long dun canal [un Lacan ], et jen avais suivi un une fois auparavant, dans des circonstancesanalogues, et la ville tait ce moment-l notre droite. Je pourrais essayer de trouver en quelquesorte psychanalytiquement les causes de ma conviction infonde.

    63 Wittgenstein ne trouve donc pas de raisons psychologiques susceptibles dtayer sa

    conviction. Freud arguerait de ce quil sagit l lun Einfall 41, dune sorte de convictiondlirante qui accompagne un phnomne de dj-vu. Je propose pour ma part que la cause,lobjet a dansce cas, est la ville et ses villosits propres voquer le placenta, quonest droit se situer auprs dun canal (le canal ombilical). Nous tenons l le format initial,lUrbild(le rfrent gauche-droite) de toute fantasmagorie ultrieure du sujet. Le problme deWittgenstein, son scrupule, cest de ne rien dire plus quil nen sait (Bouveresse, op. cit.,p. 11) et cest une certaine faon de se garder du non-su quil eut pu cracher.

    64 Ce que Wittgenstein a retenu de lenseignement de Freud cest (Bouveresse, op. cit., p. 56)que : la grande majorit des nvroses graves chez les femmes proviennent du lit conjugal . Ilen a tir les consquences. a le motive profrer quelques phrases double entente, commelorsquil dit (Bouveresse, op. cit., p. 14) :

    Mon originalit (si le mot est exact) est, je crois, une originalit de terrain et non de semence (jenai peut-tre pas de semence propre). Jai une semence sur mon terrain [...].

    65 Suture infamante du Nom-du-Pre (le von Wittgenstein) puisque rduit ici sa semenceet donc lanank,suture verser dsormais au compte de la double hlice chromosomiquequi en tient lieu. sa manire il plaide en faveur dune certaine innocence : Linnocencedont vous parlez nest pas celle pour laquelle un homme lutte, mais celle qui nat delabsence naturelle de tentation . La tentation contre laquelle le protge une telle innocence

    cest (Bouveresse, op. cit., p. 12) : Lhumiliation que peut reprsenter la dcouverte [parFreud] dune vrit objective insupportable pour notre dignit . Coupure pistmique freudo-lacanienne inassumable.

    Pour conclure

    66 Sous le prtexte louable de la compassion que lon se doit de manifester, en tant queprofessionnels, envers ceux qui viennent nous conter leurs malheurs , et, au nom du respectdu prochain et de ses supposes valeurs, les propos tenus par les formateurs es psychanalysevirent une sorte de fatras de circonlocutions, puisquon renonce de nommer un chat unchat 42, glissant ainsi dans un discours qui nest plus pour nos interlocuteurs quune salade

    de mots, voire un ragot dantinomies. Enseigner est impossible disait Freud mais on peuttoujours essayer : moderato cantabile.

    Notes

    1 HEIDEGGERpar exemple, inPhnomnologie de la vie religieuse, 2011, NRF Gallimard [PVR p. 347].

    2Ibid., p. 347.

    3 Lacan se targue davoir invent lobjet a mais il importe de sinquiter de ses sources ventuelles.Il reconnait que le Mehrlust, le plus-de-jouir, dsigne la plus-value de Karl Marx ; mais il y a chezAristote quelque chose qui sen approche, savoir le , que Heidegger traduit parMehran Hinsehen, et son traducteur J.-F. Courtine par surcrot de pntration ou de considration (in : M.HEIDEGGER,Interprtations phnomnologiques dAristote, T.E.R. bilingue, p. 45.)

    4 Faut-il rappeler ici lusage quasi sotrique que Lacan a pu faire des termes s urimpression etsurimposition dans sa clinique. Urim et Tummim relevant de la pratique de lart divinatoire.

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    5 VoirFrege-Husserl Correspondance, 1987, p. 35 n 7 ; & Postface de Jean-Toussaint Desanti, p. 73,T.E.R. bilingue.

    6 VoirLacneries, Les Impliqus, 2014, p. 137.

    7 Denis FISETTE,Lecture frgenne de la phnomnologie, Lclat, 1994, p. 78.

    8 Les termes dduire et rduire se partagent les quelque 300 occurrences dduire, dans leSminaire, laissant quelques miettes sduire. Esduire est parfois traduit par plaisir , ou par refuge ,do loccurrence dun sduirechez Lacan ( retrouver !).

    9 Voir Lacan : La troisime . Intervention au Congrs de Rome (31.10.1974 / 3.11.74) paru inLettresde lcole freudienne, n 16, 1975, p. 177-203.

    10 Voir le sminaire de Husserl en 1908 repris dans Vorlesungen ber Bedeutungslehre ,Husserliana,tome XXVI, Martinus Nijhoff publishers, Dordrecht/Boston/Lancaster, 1987, p. 85.

    11 LACAN, Radiophonie (32 p.) in Scilicet2/3, Paris, Seuil, 1970, p. 55-99 ; rponse la question n 4 : Car me voici revenir au cristal de la langue pour, de ce quefalsussoit le chu en latin, lier lefaux moins au vrai quile rfute, qu ce quil faut de temps pour faire trace de ce qui a dfailli savrerdabord [...]. Cest justement commefalsa, disons bien tombe, quune interprtation opre dtre ct,soit : o se fait ltre, du pataquest-ce. Noublions pas que le symptme est ce falsusqui est la causedont lanalyse se soutient dans le procs de vrification qui fait son tre. Nous ne sommes srs, pource que Freud pouvait savoir de ce domaine, que de sa frquentation de Brentano. Elle est discrte, soitreprable dans le texte de la Verneinung. Jy ai fray la voie au praticien qui saura sattacher au ludionlogiqueque jai forg son usage, soit lobjet a, sans pouvoir suppler lanalyse, dite personnelle, qui

    la parfois rendu impropre la manier .12 Leila HAAPARANTA, Lanalyse comme mthode de justification , in lisabeth RIGAL, JaakkoHintikka : questions de logique et de phnomnologie, Paris, Vrin, 1998, p. 239.

    13 Op. cit. p. 75.

    14 Voir H. DREYFUS, Husserl et les connaissances cognitives ,Les tudes Philosophiques, mars 1991,p. 14.

    15 Imre HERMANN,Psychanalyse et logique, Denol, 1978.

    16 L10, Paris, Seuil, p. 237.

    17 IH, p. 119.

    18 Aldo Gargani,Freud, Wittgenstein, Musil, Shakespeare and Co, 1982.

    19 [FWM p. 41] : La loi morale [selon Kant] [...] reprsente le strotype professionnel de la rptitionde lidentique : est morale toute maxime susceptible de se poser structuralement comme une identit.La moralit se manifeste ici comme comme symptme et impulsion de retourner ltat inorganiqueoriginaire [...]. Les schmes pistmologiques de ce type assument que le langage est connaissance quipuise dans [...] la scne primitive le fondement certain de sa propre inattacabilit .

    20 La pense est plutt suspecte chez Lacan. Certes, elle est jouissance mais il dit aussi que : la pense,cest bien ce quil y a de plus crtinisant agiter le grelot du sens ( La troisime ). Ainsi Heideggerest la recherche du sens de ltre sous prtexte quil y aurait de ltre inengendr . Or, si ltreprend une extension linfini son sens rtrcit dautant.

    21 Lacan reconnait sa dette envers Aristote lorsquil crit (in Le rve dAristote , Confrence lUnesco. Colloque pour le 23ecentenaire dAristote. Publication par Unesco Sycomore, 1978, p. 23-24) : La discriminationdu to ti esti et du to ti en einai, quon traduit par essence et par substance en tant que borne to horismon, reflte une distinction dans le rel, celle du verbal et du rel qui enest affect. Ce que jaimoi-mme distingu comme symbolique et comme rel .

    22 Avec la suite S1, S2, a, $, qui apparait dans les quatre discours , Lacan rvle sa ttraktys.23 Nest-ce pas Wittgenstein qui a dit que le corps cest la vture de lme , alors que Lacan a inverssa Proposition en disant que lobjet a cest lenforme du corps.

    24 Sept occurrences du nom de Wittgenstein dans le Livre XVIII du Sminaire( Dun discours qui neserait pas du semblant ).

    25 J. Hintikka, Knowing that One Knows reviewed, Synthese21, 1970, p. 141-162.

    26 Dans sonLacan lecteur dAristote(1973, dit. de lALI) Pierre Christophe Cathelineau cite Hintikka la page 344, en prlude lexposition de la problmatique des modalits chez Aristote dont ilsera question ci-dessous. Il na probablement pas eu le temps de prendre connaissance du mmoiredhabilitation de HEIDEGGER, publi en bilingue chez T.E.R. en 1992, sous le titre : InterprtationsphnomnologiquesdAristote, dont il est possible que Lacan ait eu vent et dont il se serait inspir pource quil en est de la distinction aristotlicienne : Sophia/Phronsis, que lon retrouve dans son Sminairesous la forme dune alternance annuelle entre les problmatiques du sujet et de lobjet.

    27 Ce partiel est la souris qui cache la montagne dont elle est issue. Ds le 20.1.1954 Lacan note : quil sagit de reconqurir dans ce domaine de linconscient, cette part du sujet qui est cette part de son

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    histoire spare par quelque chose qui le spare de son histoire ? Est-ce que cest, oui ou non, uniquementce quelque chose qui est lorganisation duMoi ? Est-ce que cest purement et simplement lorganisationduMoi qui, en tant que telle, constitue la rsistance et fait la difficult daccs dans le sens radial, pouremployer le terme mme quemploie Freud, dont il sagit quand nous approchons des phnomnes dela conscience, du contenu de la conscience ? Il y aurait tout un roman construire autour de cettesparation, notamment partir du troisime chapitre du livre dAristote qui traite de lme, mais surtoutde lintellect agenten tant que spar (), dont la trace est suivre en mille endroits delArchologie du sujetdAlain de Libera (notamment p. 307, note n1). Jen dduis que Jsus est dit le

    Christ parceque = spar = distingu = lu (nom quil porte chez les chrtiens orthodoxes).Mais cest aussi bien Satan, lange dchu, en position dinsignifiant, de mta=cart=affranchi, dEx-Il,rduit la pars de la particule [WHDf p. 209]. Se lappliquant lui-mme Lacan dira Jesuis en-- .Fluctuat nec mergitur.

    28 Chu rime avec dchet, cart, poubellifi, et la limite avec ordure. comparer avec lobjet lu,distingu, spar : , ci-dessus, mais dabord avec lostraca, le tesson des archologues.

    29 Tout ceci attire notre attention sur les rapports de crdibilit et de confiance quaurait cultivsFreud envers Tausk, dont on sait par ailleurs comment cette histoire de transfert finira. La lecture desMinutes de la socit psychanalytique de Vienne[MVPS] est fort instructive cet gard. Non seulementparce que Freud sy livre : par des apports cliniques inclus dans ces sances, sances spciales, qui-dans les trois volumes- sont prsents sous le titre : Reviews and Brief Clinical as well as otherCommunications , mais aussi parce quon y glane des indications prcieuses quant ceux avec lesquelsFreud est habituellement daccord, notamment Hanns Sachs. Dautant quentre Freud et Lacan, de par

    la filiation psychanalytique de ce dernier, il existe au moins deux crans, deux lentilles, lune quelquepeu enfume, cest celle de Lwenstein, lanalyste de Lacan, et lautre, singulirement grossissante, cellede Hanns Sachs, lanalyste de Lwenstein. Bref, le nom de Tausk apparait au moins en deux endroitsde ces Minutes . Une premire fois dans le tome II [MVPS, p. 328], o il fait un topo intitul : Psychanalyse et thorie de la Science et o il commet une grosse bourde, lorsquil dit et rpte quePlaton aurait t le successeur immdiat dAristote ; ce que, dans la discussion qui suivra, Freud nemanquera pas de lui renvoyer. Mais lexpos est brillant et Freud avoue ses propres difficults manier such abstract ideas[MVPS p. 335] . Au tome III, en novembre 1911, Tausk intervient proposde lexpos de Reinhold sur La prtendue intemporalit de lInconscient , et il sinscrit contre lequalificatif prtendue , avec -aprs-coup- le soutien de Sachs ainsi que celui de Freud. Lapport de toutceci souligne lintensit du dbat que linconscient suscite entre ceux qui sy intressent lpoque, ethistoricise ainsi les modalits selon lesquelles sest constitu ce que Lacan nomme la bande Freud .Formation de lInconscient freudien nomme Comit . Comit auquel Freud a imprim un mode defonctionnement dinspiration strictement maonnique, chaque membre tant identifi par une bague quil

    tait cens porter. Raison de plus pour ne dire rien quant la bande Lacan et quant celles quien sont drives depuis.

    30 Sagissant de lhritage lacanien, tel que saisi dans sa passe, cest surtout Jean Laplanche qui amtabolis la lettre ce genre dtouffe-chrtien, qui, ds lors, la mis hors dhaleine.

    31 Il est des sujets qui ne cessent daccumulent les dngations dans la vie, mais surtout sur le divan ;sous leffet de la ncessite, duZwangfreudien, ils sadonnent au refoulement. Mais cest sans compterceux qui sont dans le dni perptuel. Surtout si lanalyste ne bronche pas.

    32 Lme : a) ne connait donc les choses matrielles et sensibles que par lentremise de leurs espces ousimilitudes ; b) or elle intellige les choses spirituelles sans de telles espces.

    33 O donc Lacan parle-t-il de larc-en-ciel ? Curieusement a vient juste au moment o il est sur lepoint de donner la parole Alain Didier Weill pour quil nous conte son histoire de Bosef. Voici ceque Lacan en dit (le 11.1.1977) : Cest tout de mme assez curieux que la rose, par exemple, na pas

    lintrt que Descartes a russi donner larc-en-ciel. La rose est un phnomne aussi naturel quelarc-en-ciel. Pourquoi est-ce que a ne nous fait ni chaud ni froid ? Car, ayant lu au pralable cetteconfrence venir il est en position de savoir que mme dvoil Bosef, arguant dun problmatiquesupplment dtre, ose se formuler ceci : Je peux quand mme en treencore . En ralit, la prestationdAlain Didier Weill est lire comme un commentaire de la Bible. Le sujet (Bosef) tente une partiede cache-cache avec Dieu alors que son ange gardien (le Messager) ne cesse de renseigner le supposomniscient, jusquau moment o, Bosef dmasqu, priv de sa parole, affronte le jugement dernier, sousla forme dune lutte, telle celle de Jakkob avec lange au gu du Jabbok ; face-face avec lAnge et doncunion, consubstantialit, par laquelle sefface sa division subjective et do surgit ce schibboleth (tel quementionn par Lacan au niveau du signifiant de lAutre barr), quAlain Didier Weill reformule sous laforme dun cest toi (azen hbreux ?). Serait-ce l une illustration de lAgnoszierungde Freud ? Unsemblant ? Une upanishad ? Et pourtant, on est loin du retournement de la lettre (de ltre) que comportele conte dEdgar Poe comment par Lacan dans sescrits.Le retour dans le rel du signifiant ayant subila forclusion primordiale sous la forme dune marque sur la hanche de Jakkob y garde tout son mysstre.

    Lire (en anglais) La tache sur le mur de Virgina Woolf est nettement plus clairant.

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    34 Holophrase : la sance du 10.6.1964 de son SminaireLacan lie le surgissement de lholophrase leffet psychosomatique : Ceci peut aller infiniment plus loin, de faon de formuler ainsi la formule quatre termes qui est ici reprsente en bas :

    35 Voir Jaakko HINTIKKA,La Vrit est-elle ineffable ?,Lclat, 1994 p. 68.

    36 Cit par Rudolf BERNET, Le concept husserlien de nome ,Les tudes philosophiques, mars 1991,p. 91.

    37 (L10 Langoisse , le 14.11.1962 p. 62 Seuil) : En tout cas, apprenez, jirai vite, que le termeesmayer, quavant lui esmais et mme proprement parler esmoi-esmais, si vous voulez lesavoir est dj attest au XIIIesicle nont connus, pour mexprimer avec les auteurs, nont triomphquau seizime. Quesmayer a le sens de troubler, effrayer, et aussi se troubler. Quesmayer esteffectivement encore usit dans les patois et nous conduit au latin populaire exmagare qui veut direfaire perdre son pouvoir, sa force .

    38 loign, en exil, spar (), en position de mta () ou de gond , etc., toutesdnominations dont Lacan affuble son objet a . Voir aussi [PVR p. 346 note 1] : Des sichabscheidenden Gottfindens. Allusion vidente la notion eckhartienne de lAbgeschiedenheit(N.d.T.) .

    39 Dans son Que sais-je ? surLacan(2002), Paul-Laurent ASSOUN(professeur Paris VII maisdune chaire apparemment sans nom) utilise deux reprises le terme sparation (p.73), sparationcorrle celle de coupure, telle quvoque dans une citation de Lacan : lobjet a est le fait dunecoupure qui trouve faveur du trait anatomique dune marge ou dun bord [...] . Il ne va pas jusquvoquer les plaies du Christ. Il insiste aussi sur le retour de Lacan Freud, mais ne donne paslimpression de le concevoir comme un retour la Terre promise . Et, pour rester sur ce terrainthologico-magique, notons que dans les Zohar(tome I, 1981, Verdier dit. p. 104-105) et donc dansle commentaire des travaux du deuxime jour de la Gense, il est question de la sparation des eaux. Ilsagit dun dploiement qui a pour effet la partition du nom divin Elohim en El (les eaux den-haut)et Him (les eaux den-bas), diffrentiation (havdala) quoi va correspondre en retour (trois pages plusloin) une runion, une unification en un seul lieu (lEn-haut), sous un nom secret qui serait le produitdun cryptage singulier du nom divin YHHV Elohnou YHHV (op. cit., p. 108 note 2). Ainsi le grandAutre rintgrerait lobjet a .

    40 1991, aux ditions de lclat, p. 85.

    41 Bouveresse rapporte (op. cit., p. 109) ce que Freud dit de lEinfall: Einfall devait se rapporter llment refoul comme une allusion, comme une reprsentation de ce mme lments dans le discoursindirect .

    42 Il serait malsant, parait-il, de dire que les oprations lies lexercice de la lecture colonisent

    chez lenfant des zones du cerveau, zones qui chez les analphabtes sont occupes par dautres fonctions(rsultats des recherches rcentes dont on peut lire le compte rendu dans un ouvrage intitul : C3RV34U,1914, aux ditions de la Martinire). Cette colonisation nest pas sans rsistances puisquil est dessujets qui lisent mais ne comprennent rien ce quils ont lu. Cette leve de boucliers contre lusage dunterme (ici colonisation ) est manifestement le produit dun discours qui arbore le dni commun durisque que comporte la vie en socit (position idologique nourrie du souvenir de la colonisation par la France de certains territoires conquis, souvenir que le dni croit pouvoir exorciser jamais par desincantations rptitives). Dni qui privilgie le local au dpens du global, et qui, grce dun passage surle divan, risque de se muer en symptme ; avec certes ce bnfice ultrieur de mettre le sujet labri dunesomatisation pure et dure. Mais on aura toujours le loisir de stigmatiser comme fait de rejet de lautreles manifestations de dfense quengendre langoisse de lautre. Reste savoir si cette thrapeutiquephilosophique intensive a quelquimpact sur un malaise ambiant expression sociale.

    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Stoan Stoanoff, Lacan logicien ,Le Portique[En ligne], 35 | 2015, document 2, mis en ligne le 10mars 2016, consultle12 mai 2016. URL : http://leportique.revues.org/2827

    propos de lauteur

    Stoan Stoanoff

    StoanStoanoff-Nenoffest neuropsychiatre et praticien de la psychanalyse.

    Droits dauteur

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    Le Portique 35 | 2015

    Tous droits rservs

    Rsums

    Ds ses premiers crits Lacan se pose en logicien, en quoi son sminaire sur La lettrevole reste paradigmatique. Il se dsignait Le dernier des kabbalistes chrtiens ce qui

    lautorisait de traiter le carr logique dAristote par les modalits du solve et coagula, jusquedans son projet darithmtisation de linconscient (place sous lgide de Canrobert linstar dun clbrissime Bourbaki ). Si bien qu la place de la mythologie de la pulsion freudienne il substituera le modle de subjectivation que propose son stade du miroir . IciLacan transcrit le Jetzt-sehen husserlien comme moment dun retournement dialectiquefondateur de laltrit. Puis il inventera lobjet a dont il dit que cest ce qui sattrape aucoincement du symbolique, de limaginaire et du rel comme nud . Do une topologiequi sengendre au grand dam de ses sectateurs, qui tendent den esquiver les consquences(notamment la castration borromenne) en invoquant un improbable retour Freud . Suitun long dveloppement essentiellement historique cens exploiter le thme : Psychanalyseet Logique , qui souligne les apories qui sengendrent ds lors quon prend en compte

    lontologie implicite de la proposition : ex falso seguitur quod libet. Il y a l de quoi couperllan de plus dun philosophe dans ses chappes vers la Vrit.

    Lacan the logician

    From his first writings Lacan presents himself as a logician. This article examines severalexamples of the substitutions, transcriptions and inventions of concepts, from which a topologyemerges, disturbing even his partisans who attempt to avoid some of its consequences. Willfollow an essentially historical development supposed to mine the Psychoanalysis and Logictheme, which will underline the aporias produced when one considers the implicit ontology ofthe statement ex falso seguitur quod libet. Enough therein to make any philosopher stumbleas they rush towards the Truth.