156
ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03 Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 1 Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du sexe et de l’« origine» Approches quantitative et qualitative - Novembre 2008 - Annie MAGUER Annick MARNAS Fabrice FORONI Avec la participation pour les enquêtes de Sandrine ARGANT

Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 1

Les agents du Grand Lyon et la discrimination

en raison du sexe et de l’« origine»

Approches quantitative et qualitative

- Novembre 2008 -

Annie MAGUER Annick MARNAS Fabrice FORONI

Avec la participation pour les enquêtes de Sandrine ARGANT

Page 2: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 2

Page 3: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 3

SOMMAIRE

INTRODUCTION générale ................................................................................................... 5 1ERE PARTIE :Situations professionnelles et progressions de carrière en fonction du sexe et de «l’origine» - Récapitulatif des analyses statistiques effectuées ...........................9

1. Informations disponibles pour une approche statistique .............................................. 10 1.1 Intérêt et limite des bilans sociaux ................................................................................ 10 1.2 Données extraites des fichiers du personnel .................................................................. 12

2. Comparaisons en fonction du sexe ................................................................................... 19 2.1 Situations professionnelles au 31/12/2005 .................................................................... 19 2.2 Les carrières au Grand Lyon ......................................................................................... 29

3. Comparaisons selon la consonance des noms et prénoms ............................................. 36 3.1 Situations professionnelles au 31/12/2005 .................................................................... 36 3.2 Les carrières au Grand Lyon ......................................................................................... 41

2ème PARTIE : Les agents du Grand Lyon et la discrimination à raison du sexe et de "l'origine"- Approche qualitative......................................................................................... 47

Introduction ............................................................................................................................ 48

1. Définition de la discrimination par les agents ................................................................ 50 1.1 Une définition générale en termes de perception ou de pratiques ................................. 50 1.2 Une définition qui réfère à des critères ......................................................................... 54 1.3 La discrimination pensée comme une action ou un état ................................................ 56 1.4 Une définition qui évoque les effets .............................................................................. 56 1.5 Discrimination, racisme, sexisme .................................................................................. 57

2. La discrimination au Grand Lyon ................................................................................... 59 2.1 Un tabou ? ..................................................................................................................... 59 2.2 La discrimination au Grand Lyon ça existe .................................................................. 60 2.3 Vécu discriminatoire des femmes au Grand Lyon ........................................................ 64 2.4 Vécu discriminatoire des personnes discriminables par leur patronyme ou leur couleur de peau ................................................................................................................................. 84

3. Des procédures de recrutement : formaliser pour objectiver ....................................... 96

3.1 Le recrutement au Grand Lyon ..................................................................................... 97 3.2 Les perceptions des agents à propos du recrutement .................................................. 102 3. Le recrutement au Grand Lyon ....................................................................................... 97

Conclusion : "Pour une autre grille de lecture des environnements, conditions et relations de travail" ............................................................................................................. 147

Page 4: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 4

Page 5: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 5

INTRODUCTION générale Le projet « A.V.E.R.R.O.E.S. », un ancrage européen

Fort d’une expérience ancienne des programmes d’Initiative Communautaire1, ISM CORUM, institut d’étude et de formation, s’est engagé dans un accord de partenariat de développement avec le projet « AVERROES » (Action Visant à l’Egalité sans distinction de Race, de Religion ou d’Origine dans les Emplois et les Services) conduit au titre du thème B du programme EQUAL, contribuant aux objectifs assignés au Fonds Social Européen en matière de lutte contre les inégalités et les discriminations en lien avec le marché du travail. Le Grand Lyon, au titre du volet « Fonction Publique Territoriale » est partie prenante de ce projet aux côtés des organisations syndicales CFDT, CGT, CFTC, CFE-CGC, FAFPT, UNSA et de la DRDFE, tout comme les villes de Lyon et de Grenoble. Les autres signataires de ce partenariat de développement sont les groupes Adecco, Casino, Club Méditerranée pour le volet « Responsabilité Sociale d’Entreprise ». Un troisième volet « Dialogue Social Territorialisé », a mobilisé avec le soutien de la Région Rhône Alpes les cadres du dialogue social dans deux territoires : bassin d’emploi d’Oyonnax et Loire Sud. L’ambition de la recherche-action engagée est l’amélioration des situations observées à partir de l’analyse des effets sur les ressources humaines d’éventuelles discriminations raciales et sexuelles. Une méthodologie de recherche-action inscrite dans le cadre du dialogue social Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur une méthodologie commune de recherche-action. Son domaine d’intervention privilégié - l’emploi - a été considéré selon les collectivités territoriales de façon quelque peu différente tenant compte de deux types de paramètres : les enjeux locaux spécifiques à chacune et le caractère expérimental du programme PIC EQUAL qui permet la mise en place d’actions innovantes, ce qui dans la recherche-action se traduit par des études complémentaires les unes aux autres à des fins éventuelles de mainstreaming. La Fonction Publique qu’elle soit d’Etat, hospitalière ou territoriale est soumise à un cadre de contraintes et de garanties fixé par loi, décret et ordonnance. Son statut garantit les emplois et les fonctionnaires qui les occupent, qu’ils soient permanents ou temporaires, les litiges entre un fonctionnaire et un employeur public relèvent du tribunal administratif. Ce cadre s’applique donc aux collectivités territoriales, il traduit l’unicité de la fonction publique, en revanche les filières et les métiers des collectivités locales sont différents d’une collectivité à une autre en raison des missions qu’elles assument.

1 PIC Intégra (1997-2000) avec la ville de Vienne »accessibilité aux services publics des personnes vulnérables, démarche ASPECT(1999-2001), EQUAL LUCIDITE (2001-2005).

Page 6: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 6

Au Grand Lyon le cadre du dialogue social animé par le directeur des Ressources Humaines a réuni l’ensemble des organisations syndicales (6) à l’exception de FO. Toutes les orientations de la recherche-action et tous les résultats y ont été débattus, validés. L’état des lieux de la discrimination raciale et sexuelle demandé et suivi par les partenaires s’est appuyé sur une analyse quantitative et qualitative des process de recrutement, d’évolution de carrière, de conditions de travail y incluant les relations de travail dans quatre directions : Finances et Ressources Humaines, Propreté et Eau. Un accord social de lutte contre les discriminations a été co-rédigé par la direction et les organisations syndicales représentées au sein du Grand Lyon avec l’appui d’ISM CORUM2. L’objectif visé par ce type de méthodes est la définition concertée des modalités de la recherche menée et, par là-même, une appropriation de ses résultats. La mise en place du comité de recherche action est en soi un premier aboutissement. Il signe une volonté partagée à s’engager ensemble dans la lutte contre les discriminations au-delà des différents enjeux existants par ailleurs. La composition et l’organisation de chaque comité de recherche-action, ainsi que leur rythme d’avancée plus ou moins rapide témoignent de la volonté et de l’effort partagé de travailler dans le cadre du dialogue social. Afin que les partenaires puissent définir ensemble les orientations souhaitées localement, un temps de formation consacré au droit antidiscriminatoire français3 et aux définitions des différents types de discrimination. Chaque opération de recherche a ensuite été validée en CRA ainsi que les résultats présentés au fur et à mesure et finalisés ici. Une réflexion en termes de discriminations Le regard, jusqu’alors porté plutôt sur la logique d’insertion ou de l’intégration, ayant tendance à mettre l’accent sur les manques des personnes à intégrer, vient interroger, à travers la problématique des discriminations, davantage les contextes censés intégrer ces personnes. « De nombreux phénomènes discriminatoires ne se ramènent pas, en effet, à l’acte ponctuel d’un seul individu, mais tiennent à des habitudes, des règles et des processus impliquant plusieurs acteurs, et qui peuvent former des systèmes pourvoyeurs de discriminations, ne serait-ce que parce qu’ils reproduisent des discriminations déjà constituées. »4 De nombreux travaux, relevant de ce qu’aux USA on qualifie de women studies, ou feminist studies puis gender studies se sont efforcé de repérer les traitements inégalitaires subis par les femmes, les stéréotypes de sexe, le système de genre. Sans revenir sur la bicatégorisation des sexes que certaines études se sont attaché à montrer comme résultant d’une construction sociale5, il est notoire que l’attribution d’une catégorie de sexe est à ce point justifiée par une vision naturalisante de la différence, qu’elle constitue un principe de classement qui n’interroge guère et qui opère au quotidien. Or cette naturalisation sert très souvent de justification non seulement aux différences entre les individus mais également aux inégalités quant à la place qu’ils-elles peuvent occuper, par exemple sur le marché du travail.

2 Une fois négocié et rédigé cet accord a été soumis à l’expertise du professeur Michel Miné, titulaire de la chaire de droit social du CNAM. 3 Directive RACE (2000/43 du 29 juin 2000), directive EMPLOI (2000/78 du 27 novembre 2000), directive REFONTE (du 5 juillet 2006) 4 Plaquette AVERROES p 5. 5 GARDEY Delphine et LÖWY Ilana : L’invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin Editions des archives contemporaines, 2000, 228 pages.

Page 7: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 7

Le découpage de la population en deux catégories « hommes », « femmes » donne ainsi souvent lieu à un enregistrement administratif peu remis en question. Ainsi par exemple, l’état civil recense l’assignation à l’une ou l’autre catégorie dès la naissance d’un individu. Si les formulaires administratifs ne demandent pas toujours aux individus d’énoncer directement leur appartenance à la catégorie « hommes » ou à la catégorie « femmes », il est courant qu’ils précisent une civilité par la mention « madame, mademoiselle, monsieur »6. L’information de l’appartenance de sexe des personnes est souvent répertoriée et utilisée comme variable dans les analyses statistiques. Pour autant, cela ne signifie pas que dans la pratique les traitements réservés aux unes et aux autres soient identiques et égalitaires. Pour étudier statistiquement ces écarts potentiels, il faut bien évidemment accéder à des chiffres sexués. Mais « faire la preuve chiffrée » n’est pas forcément chose aisée quand les statistiques produites ne prennent pas systématiquement en compte la variable sexe, ce qui peut par ailleurs aussi témoigner d’un moindre intérêt pour l’étude de cette question, considérant que la non-distinction équivaudrait à une égalité de fait. Grâce aux efforts des politiques publiques nationales et internationales, qui se sont traduits notamment par d’adoption d’une circulaire le 8 mars 2000 relative à l’adaptation de l’appareil statistique de l’Etat pour améliorer la connaissance de la situation respective des femmes et des hommes, un mouvement de recension de données sexuées a été impulsé.7 Lorsque l’on veut s’assurer de l’existence d’un réel traitement égalitaire ou repérer d’éventuelles discriminations liées au genre, il faut pouvoir travailler sur la variable sexe. Un autre critère de discrimination a trait à la question de « l’origine ». L’expression utilisée dans le droit anti-discriminatoire français est celle de « l’appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race.8 » Peu importe en fait que cette origine soit réelle ou supposée, peu importe qu’elle soit considérée comme raciale, ethnique, nationale ou même géographique, pour que le droit français définisse et condamne toute discrimination sur ce motif. Dans la discrimination, l’origine est celle que l’individu ou le système discriminateur impute à celui qui sera ainsi discriminé. Si l’apparence physique peut servir de critères de classement mobilisés par l’opinion pour catégoriser l’origine des personnes9, de nombreux témoignages et plus récemment des « tests de discriminations » ont démontré que le nom et le prénom servaient très communément de base pour les discriminer au motif de l’origine réelle ou supposée qui leur est imputée.10 A telle enseigne que le code du travail retient aujourd’hui « le nom de famille », en tant que tel, comme critère de discrimination illégale11. 6 Nous noterons que dans un tel énoncé, le traitement réservé aux individus appartenant aux deux catégories de sexe n’est pas tout à fait identique puisque seules les femmes sont invitées à se définir en lien avec un statut matrimonial (le terme mademoiselle étant réservé aux femmes non mariées) ; trace d’un fonctionnement patriarcal où les femmes passaient de la tutelle paternelle à la tutelle maritale. 7 Dans le domaine de l’éducation et la formation, par la Convention interministérielle du 25 février 2000, la création du groupe de travail « Etat des lieux » piloté par Jacquelin Heinen et Valérie Roullin, au sein de la mission « Egalité des chances Femmes/Hommes dans l’enseignement supérieur » (confiée à Armelle Lebras-Chopard), le recueil des données sexuées a été encouragé dans les établissements de l’enseignement supérieur. Chaque université a été invitée à faire remonter au ministère ces informations et ensuite à s’en saisir pour les exploiter. 8 Rappelons que les travaux en biologie ont montré que la notion de race n’était pas pertinente pour l’espèce humaine. Cf lois du 16 novembre 2001 et du 27 mai 2008. 9 Notamment la couleur de la peau. 10 Cf par exemple l’étude réalisée pour le BIT (2007) par ISM CORUM, E. Cédiey et F. Foroni. 11 Art L1132-1 « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à une stage ou à ure période de formation en entreprise (…) en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales

Page 8: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 8

Dans une telle perspective, c’est le repérage d’une discrimination potentielle qui nous intéresse. Ainsi peuvent être touchées des personnes de nationalité plus spécifiquement extra-européenne ou de « patronyme » dont la consonance et l’histoire renvoient à l’idée que la personne qui le porte peut être « d’origine extra-européenne ». Mais alors que le sexe est une des informations facilement renseignée dans divers fichiers administratifs, celles ayant trait aux autres critères de discrimination possible ne le sont pas toujours. Le chercheur va donc devoir définir des indicateurs qui lui permettent, à partir d’informations enregistrées, d’approcher ce qui pourrait donner lieu à un traitement discriminant. L’utilisation des noms et prénoms pour repérer une origine pouvant donner lieu à une discrimination est soulevée en France à l’heure où se tiennent les débats sur la pertinence de la production de « statistiques ethniques ». En effet, on peut redouter l’utilisation de catégories ethniques pour définir la population et la CNIL en garantit l’interdiction.12 Un diagnostic partagé Pour prendre la mesure de phénomènes discriminatoires, il convient de pouvoir repérer comment les principes de classement mis en actes ont une incidence par exemple en matière de recrutement, d’affectation de poste ou de déroulement de carrières pour ce qui relève du domaine de l’emploi que ce soit dans le cadre de l’entreprise ou de la Fonction Publique. Un première étude vise la description de la population des agents de la collectivité pour identifier les services, les filières de travail qui sont plus susceptibles d’enregistrer des phénomènes discriminatoires. Il s’agit d’un état des lieux qui, s’il ne dit rien des mécanismes qui ont présidé à cet état de fait, a le mérite de rendre visibles les répartitions des agents selon diverses caractéristiques sociodémographiques et de repérer certains écarts. Les partenaires du CRA du Grand Lyon ont choisi de procéder à une telle photographie. Une démarche a donc été entreprise par les services juridiques de l’établissement, auprès de la CNIL, pour déclarer l’exploitation quantitative de ces informations par ISM CORUM, doublée de la signature par l’ensemble des membres du CRA d’un protocole d’accord sur la méthode de traitement de ces informations et l’utilisation des résultats. On peut également s’intéresser au process de recrutement, les différentes étapes présidant à la sélection du candidat sur un poste.

Un troisième axe de travail peut être consacré à l’analyse du vécu des personnels en matière de discrimination.

En parallèle de l’étude quantitative engagée suite aux échanges entre les différents partenaires du CRA pour réaliser un état des lieux des effectifs du Grand Lyon, un second travail qualitatif a donc été proposé pour approcher ces deux autres axes à partir des discours tenus par les agents du Grand Lyon sur les modalités de recrutement, la carrière et les discriminations.

ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. » 12 Cf Colloque La mesure des discriminations liées à « l’origine » organisé à Lyon le 22 octobre 2007 par ISM-Corum. http://www.ismcorum.org/colloque-la-mesure-des-discriminations-liees-a-l-origine-M22-R22-A319.html

Page 9: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 9

Partie 1 Situations professionnelles et progressions de carrière au Grand Lyon en fonction du sexe et de « l’origine »

Récapitulatif des analyses statistiques effectuées

Fabrice FORNONI Annick MARNAS

Page 10: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 10

Une première approche consiste à dessiner une photographie des ressources humaines de l’établissement. Pour ce faire, il est possible de se référer aux outils existants comme le bilan social. Si celui-ci fournit quelques indications sur les situations professionnelles occupées par les hommes et les femmes, très vite nous pouvons constater les limites pour les problématiques abordées dans le cadre du projet A.V.E.R.R.O.E.S. C’est pourquoi les partenaires ont choisi de poursuivre l’analyse en menant un travail plus approfondi à partir d’extractions du fichier de gestion du personnel du Grand Lyon.

1. Informations disponibles pour une approche statistique

1.1. Intérêt et limites des Bilans Sociaux Le Bilan Social propose une "photographie" périodique, au 31 décembre de chaque année, de la population des agents du Grand Lyon. Les chapitres relatifs aux « effectifs », à « l'insertion professionnelle », aux « mouvements du personnel », au « déroulement de carrière », au « temps de travail » ou encore aux « rémunérations » apportent des éléments de cadrage intéressants sur la composition démographique de la population des agents et sur la structuration des emplois du Grand Lyon.

Des informations démographiques sur la population des agents... Chaque année, le Bilan Social présente des pyramides et des moyennes d'âge, qui ont conduit ces dernières années à souligner le vieillissement progressif de la population des agents du Grand Lyon : 27 % des agents employés au 31/12/2006 ont ainsi plus de 50 ans et partiront à la retraite au cours des prochaines années. Comme l'illustrent les résultats du tableau 1, tirés du Bilan Social 2006, ces futurs départs concernent en particulier des hommes occupant des emplois de catégorie A et B, et le renouvellement de ces postes constituera probablement un enjeu important pour le Grand Lyon dans les années à venir. Tableau 1 Proportion d'agents de plus de 50 ans suivant le sexe et la catégorie

(résultats provenant du Bilan Social 2006, tableau annexe, page 93)

HOMMES FEMMES

Catégorie Effectif total

dont âgés de plus de 50 ans

Catégorie Effectif total

dont âgées de plus de 50 ans

A 300 123 41 % A 285 67 24 % B 315 124 39 % B 213 48 23 % C 2 903 721 25 % C 560 167 30 %

Total 3 518 968 28 %

Total 1 058 282 27 %

Page 11: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 11

Des informations permettant de préciser la structuration des emplois du Grand Lyon... Dans chaque Bilan Social, les agents du Grand Lyon sont systématiquement répartis par catégorie, par filière, par direction et suivant leur situation juridique (titulaire, stagiaire ou contractuel). Dans le Bilan Social de 2004, des statistiques encore plus détaillées étaient proposées en annexe, sous la forme de plusieurs tableaux croisés présentant successivement :

- les arrivées et les départs par catégorie et par direction, - les recrutements et mobilités internes par filière, catégorie et cadre d'emploi, - les effectifs par direction et par situation juridique, - les effectifs par direction et par catégorie, - le nombre de titulaires et de non titulaires par filière, catégorie, cadre d'emploi et grade, - les effectifs par direction et par classe d'âge, - les effectifs par catégorie, par sexe et par classe d'âge, - le nombre d'hommes et de femmes par direction, - le nombre d'hommes et de femmes par filière, catégorie, cadre d'emploi et grade.

Les deux derniers tableaux cités sont plus particulièrement intéressants, dans la mesure où ils permettent de comparer les emplois occupés par les hommes et par les femmes. Et ces résultats ont d'ailleurs servi à réaliser le tableau 16 présenté dans la suite de ce rapport.

Des statistiques qui restent limitées pour effectuer des exercices de comparaison... Malheureusement, ces statistiques détaillées qui figuraient dans le Bilan 2004 n'ont pas été poursuivies dans les Bilans Sociaux 2005 et 2006, dont les résultats consistent avant tout à aborder séparément chaque variable : catégorie, filière, statut juridique, ancienneté... En outre, le choix de présenter les résultats exclusivement sous la forme de graphiques (histogrammes et camemberts) restreint encore davantage les possibilités de croisements et donc de comparaisons en fonction du sexe, de l'âge, de la catégorie, de l'ancienneté... Le chapitre du Bilan Social 2006 consacré au « déroulement de carrière » illustre ces limites, puisque les seules informations présentées sont la répartition par catégorie des promotions internes et des avancements de grade – en proposant d'ailleurs deux graphiques différents13 pour présenter deux fois les mêmes résultats –sans effectuer de croisement avec d'autres variables telles que le sexe ou l'ancienneté. Les analyses proposées dans les Bilans Sociaux sont donc insuffisantes pour pouvoir comparer les situations professionnelles des hommes et des femmes, et plus encore pour comparer leurs carrières. D'où la nécessité de recourir aux informations contenues dans les fichiers de gestion du personnel.

13 d'abord sous la forme de secteurs (ou "camemberts") en page 51, puis par des histogrammes en page 52.

Page 12: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 12

1.2. Données extraites des fichiers du personnel

1.2.1. Contenu de l'extraction informatique L'extraction de données réalisée à partir des fichiers du personnel du Grand Lyon a porté sur l'ensemble des 4 584 agents employés à la date du 31/12/2005. Cette date a été choisie de manière à pouvoir s'appuyer sur les résultats du Bilan Social 2005, établis eux aussi au 31/12/2005.14 Les informations communiquées permettent de préciser :

a) les situations professionnelles au 31/12/2005 : - situation juridique - filière

- catégorie - cadre d'emploi - grade - service d'affectation - poste encadrant ou non encadrant15

b) les carrières avant cette date : - date d'entrée dans la F.P.T. - date d'entrée au Grand Lyon - mode d'accès au Grand Lyon - situation juridique à l'entrée au Grand Lyon

- filière à l'entrée au Grand Lyon - catégorie à l'entrée au Grand Lyon

- cadre d'emploi à l'entrée au Grand Lyon - service d'affectation à l'entrée au Grand Lyon

- poste encadrant / non encadrant à l'entrée au Grand Lyon2 - nombre total de formations suivies - durée totale des formations suivies c) le "profil" des personnes : - sexe

- nom usuel, nom de naissance et prénom(s) - lieu de naissance - nationalité - âge au 31/12/2005 - nombre d'enfants au 31/12/2005 - niveau d'étude au 31/12/2005

14 Lorsque l'étude statistique a démarré début 2007, le Bilan Social 2006 n'était pas encore disponible. 15 Cette distinction entre postes encadrants et non encadrants a nécessité un examen au cas par cas réalisé par Anne Magnin.

Page 13: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 13

1.2.2. Variables relatives aux situations professionnelles

Les tableaux 2 à 5 conduiront à passer en revue les principales variables professionnelles utilisées dans la suite du rapport, et à présenter de manière globale la structuration des emplois au sein du Grand Lyon, sans distinguer pour l'instant les agents suivant leur sexe ou leur "origine". Plus des trois quarts des salarié.e.s du Grand Lyon sont des agents de catégorie C...

Tableau 2 Répartition des agents par catégorie suivant la filière (situations professionnelles au 31/12/2005, les deux sexes réunis)

Catégorie Filière technique

Filière administrative

Total

A 10 % 21 % 12 % B 9 % 20 % 11 % C 81 % 59 % 77 %

Total 100 % 100 % 100 %

Effectifs 3 753 831 4 584

Les effectifs du Grand Lyon au 31/12/2005 sont composés pour les trois quarts par des agents de catégorie C, tandis que les catégories A et B constituent à parts égales le quart restant (cf. dernière colonne du tableau 2). Le poids respectif des trois catégories varie suivant la filière : dans la filière technique, les agents de catégorie C représentent 81 % des effectifs, tandis que les catégories A et B rassemblent respectivement 10 et 9 % des agents. Alors que dans la filière administrative, les catégories A et B sont en proportion deux fois plus importantes et représentent respectivement 21 et 20 % des effectifs de cette filière. Des catégories d'emploi et des filières dont la part varie d'une direction à l'autre... Tableau 3 Répartition des agents par catégorie et par filière suivant la direction

(situations professionnelles au 31/12/2005, les deux sexes réunis)

DIRECTION OU DELEGATION

Filière et catégorie Propreté Voirie Eau DGR DGDU DGDEI Autres

Technique A 2 % 7 % 5 % 12 % 40 % 24 % 18 % B 3 % 15 % 14 % 7 % 9 % 13 % 3 % C 91 % 64 % 71 % 38 % 7 % 2 % 24 %

Administrative A 0 % 1 % 1 % 10 % 10 % 17 % 19 % B 1 % 2 % 1 % 11 % 10 % 17 % 7 % C 3 % 11 % 8 % 22 % 24 % 27 % 29 %

Total des deux filières 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %

Effectifs 2 039 629 605 728 268 136 200

La direction de la Propreté, dont les effectifs (2 039 agents) représentent près de la moitié des salarié.e.s du Grand Lyon, est composée pour l'essentiel par des agents de catégorie C appartenant à la filière technique. Ceux-ci sont également majoritaires dans les directions de la Voirie et de l'Eau, même si les catégories A et B ainsi que la filière administrative y sont un peu plus représentées.

Page 14: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 14

En revanche, les effectifs de la DGR, la DGDU et la DGDEI se répartissent de manière à peu près équilibrée entre les filières technique et administrative, et la part des catégories A et B y est nettement plus élevée : ces deux catégories représentent en effet 40 % des agents de la DGR, 69 % de ceux de la DGDU et 71 % de ceux de la DGDEI. 14 % des agents occupent un poste d'encadrant... Un traitement manuel au cas par cas – effectué par Anne Magnin – a été nécessaire pour identifier, parmi les 4 584 agents employés au Grand Lyon à la date du 31/12/2005, les 651 personnes occupant un poste d'encadrant. Ceux-ci représentent donc 651 / 4 584 = 14 % de la population des agents (dernière ligne du tableau 4). Cette proportion est un peu moins élevée dans la filière administrative (83 / 831 = 10 %) que dans la filière technique (568 / 3 753 = 15 %). Elle varie également suivant la catégorie et le cadre d'emploi. Dans la filière administrative, elle a ainsi tendance à décroître en fonction de la catégorie d'emploi : si 7 des 10 administrateurs assument une fonction d'encadrement, ils ne sont plus que 36 % dans ce cas parmi les attachés et 11 % parmi les rédacteurs, tandis qu'aucun poste d'adjoint ni d'agent administratif n'implique de fonction d'encadrement. Tableau 4 Proportion de postes encadrants suivant la filière et le cadre d'emploi

(situations professionnelles au 31/12/2005, les deux sexes réunis)

FILIERE TECHNIQUE

Cadre d'emploi au 31/12/2005 Effectif total

dont encadrants

A. Ingénieur en chef 58 38 58 % Ingénieur 320 80 25 %

B. Technicien 273 61 22 % Contrôleur de travaux 62 28 45 %

C. Agent de maîtrise 502 348 69 % Agent technique 1 044 ---- ---- Agent de salubrité 1 494 13 1 %

Total 3 753 568 15 %

FILIERE ADMINISTRATIVE

Cadre d'emploi au 31/12/2005 Effectif total

dont encadrants

A. Administrateur 10 7 (70 %) Attaché 162 59 36 %

B. Rédacteur 160 17 11 %

C. Adjoint administratif 218 ---- ---- Agent administratif 281 ---- ----

Total 831 83 10 %

Total des deux filières 4 584 651 14 %

Page 15: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 15

Dans la filière technique, les proportions évoluent de manière inverse, puisque les postes d'encadrement sont moins fréquents dans les catégories A et B (de 22 à 45 % selon le cadre d'emploi) que dans la catégorie C, où 69 % des agents de maîtrise sont en charge d'une équipe. Des postes de "petit" ou de "gros" encadrement... Dans le tableau 4, les pourcentages étaient calculés "en ligne", de manière à rapporter le nombre d'encadrants identifiés dans un cadre d'emploi à l'effectif total de celui-ci. Le tableau 5 illustre une autre manière de lire les effectifs d'encadrants, avec des pourcentages calculés "en colonne", afin de voir comment se répartissent les 651 postes encadrants entre les différents cadres et catégories d'emploi. Tableau 5 Répartition des postes encadrants par filière et par cadre d'emploi

(situations professionnelles au 31/12/2005, les deux sexes réunis)

Cadre d'emploi au 31/12/2005 Effectif total

dont encadrants

FILIERE TECHNIQUE

A. Ingénieur en chef 58 38 6 % Ingénieur 320 80 12 %

B. Technicien 273 61 9 % Contrôleur de travaux 62 28 4 %

C. Agent de maîtrise 502 348 54 % Agent technique 1 044 ---- ---- Agent de salubrité 1 494 13 2 %

FILIERE ADMINISTRATIVE

A. Administrateur 10 7 1 % Attaché 162 59 9 %

B. Rédacteur 160 17 3 %

C. Adjoint administratif 218 ---- ---- Agent administratif 281 ---- ----

Total des deux filières 4 584 651 100 %

On constate ainsi que 87 % de ces postes encadrants sont concentrés dans la filière technique. A eux seuls, les agents de maîtrise occupent 54 % des postes d'encadrement. Ils sont le plus souvent en charge d'équipes de taille réduite, généralement composées de 5 à 10 agents, sauf à la Propreté où elles peuvent atteindre 15-20 personnes. De même, les quelques rédacteurs occupant un poste d'encadrement ont en charge de très petites équipes, de 2 à 3 personnes au maximum. En revanche, les fonctions d'encadrement occupées en filière technique par des agents de catégorie A ou B concernent le plus souvent de "grosses équipes", pouvant compter de 30 à 50 personnes. Les cadres A de la filière administrative peuvent aussi avoir à gérer de "grosses équipes", soit par leur nombre, soit par le degré de qualification de leurs membres (comme c'est par exemple le cas pour les Grands Travaux).

Page 16: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 16

1.2.3. Conditions nécessaires pour mesurer des progressions de carrière

Les variables abordées précédemment permettront dans la suite du rapport de caractériser les situations professionnelles occupées par les agents du Grand Lyon et d'effectuer des comparaisons suivant leur sexe ou leur "origine". Mais il s'agira également dans ces analyses de comparer les progressions de carrière des un.e.s et des autres. Pour ce faire, il sera nécessaire de passer d'une observation "figée" – à une date donnée – des situations professionnelles, à une approche plus "dynamique", de manière à observer des parcours professionnels. A partir des informations extraites des fichiers du personnel du Grand Lyon (détaillées dans le paragraphe 1.2.1. précédent), les parcours professionnels des agents du Grand Lyon peuvent être approchés en comparant les situations occupées au 31/12/2005 avec celles qu'ils occupaient à leur entrée au Grand Lyon. Ce type d'approche, pour être pertinent, nécessite au préalable de s'assurer que deux conditions sont bien remplies. S'assurer que les parcours des agents sont comparables... Parmi les informations disponibles pour chaque agent figurent sa date d'entrée dans la Fonction Publique Territoriale et la date à laquelle il est entré au Grand Lyon. Lorsque ces deux dates sont identiques, cela signifie que l'agent a débuté sa carrière au Grand Lyon. Le tableau 6 montre que c'est le cas de 85 % des agents employés au 31/12/2005, qui peuvent ainsi être qualifiés de "primo-entrants". Tableau 6 Ancienneté dans la F.P.T. des agents à leur entrée au Grand Lyon

(agents employés au Grand Lyon au 31/12/2005, les deux sexes réunis)

Ancienneté dans la F.P.T. Effectifs %

0 année (= "primo-entrant") 3 968 85 %

[ 01 - 05 années [ 288 6 % [ 05 - 10 années [ 187 4 % [ 10 - 15 années [ 104 2 % [ 15 - 20 années [ 73 2 % ≥ 20 années 63 1 %

Total 4 683 100 %

En revanche, les 15 % restants avaient déjà une ancienneté plus ou moins importante dans la Fonction Publique Territoriale lorsqu'ils sont entrés au Grand Lyon, où ils arrivent très probablement en provenance d'une autre collectivité territoriale. Les situations professionnelles occupées par ces personnes à leur entrée au Grand Lyon ne peuvent donc être comparées à celles des agents pour lesquels l'entrée au Grand Lyon marque le début de leur carrière. Compte tenu des effectifs concernés de part et d'autre, l'analyse sera restreinte à ce groupe des agents ayant débuté leur carrière au Grand Lyon lorsqu'il s'agira de prendre en compte les situations à l'entrée pour mesurer les progressions de carrière.16

16 Cf. les paragraphes 2.2.2. et 2.2.3, puis les paragraphes 3.2.2. et 3.2.3.

Page 17: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 17

S'assurer que les informations professionnelles disponibles sont comparables... La question de la comparabilité des informations professionnelles disponibles se pose chaque fois qu'il s'agit de confronter les situations occupées par des salarié.e.s à plusieurs années de distance, en raison de possibles modifications dans les nomenclatures utilisées, l'organisation des services, les statuts juridiques...

De fait, la confrontation des informations professionnelles disponibles pour caractériser les emplois occupés par les agents à leur entrée au Grand Lyon et au 31/12/2005 a permis de relever un problème concernant l'indication dans les fichiers du personnel du cadre d'emploi à l'entrée au Grand Lyon. En effet, le tableau 7 montre que cette information n'est pas systématiquement renseignée pour les personnes entrées avant 1986 et que, lorsqu'elle est indiquée, les termes utilisés – "employé communal", "contractuel", "ancien commis" – ne sont plus en usage et n'ont pas d'équivalent avec ceux utilisés après 1986. Tableau 7 Termes utilisés pour désigner les cadres d'emploi

pour les agents entrés au Grand Lyon avant ou après 1986

FILIERE TECHNIQUE DATE D 'ENTREE AU GRAND LYON

Cadre d'emploi à l'entrée avant 1986 de 1986 à 2005

Ingénieur en chef / Ingénieur* 3 % 6 %

Technicien supérieur 0 % 3 % Technicien 3 % 4 % Contrôleur de travaux 0 %

Agent de maîtrise 2 % Agent technique 8 % 20 % Conducteur 3 % 5 % Agent de salubrité 4 % 19 % Agent d'entretien 2 % 37 %

Emploi communal 55 % 0 % Contractuel 17 % 0 % Non renseigné 5 % 4 %

Total 100 % 100 %

Effectifs 1 349 1 939

* Les grades à l'entrée n'étant pas systématiquement indiqués dans le fichier du personnel, il n'a pas été possible de distinguer les "ingénieurs en chef" et les "ingénieurs"

FILIERE ADMINISTRATIVE

Administrateur 1 % Attaché 2 % 15 %

Rédacteur 10 % 13 %

Adjoint administratif 6 % 12 % Agent administratif 0 % 43 %

Emploi communal 31 % 7 % Commis (ancien) 2 % 0 % Secrétaire de mairie 0 % Non renseigné 49 % 8 %

Total 100 % 100 %

Effectifs 192 436

Page 18: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 18

Ce problème de changement de nomenclature avant et après 1986 nous conduira par la suite à fixer une contrainte supplémentaire à l'analyse des situations à l'entrée (cf. paragraphes 2.2 et 3.2) en n'observant, parmi les agents ayant débuté leur carrière au Grand Lyon, que ceux qui y sont entrés depuis 1986.

1.2.4. Un exercice de comparaison entre groupes pour mesurer d'éventuels écarts

L'approche statistique proposée dans les pages suivantes consistera à comparer les situations professionnelles et les progressions de carrière de groupes d'individus qui diffèrent en fonction du critère dont il s'agit de mesurer l'effet discriminatoire éventuel : en l'occurrence le sexe puis "l'origine". Si le critère de sexe apparaît clairement identifié dans les fichiers du personnel, et conduira par la suite à comparer les situations professionnelles et les progressions de carrière des hommes et des femmes, il n'en est pas de même du critère "d'origine", qui nécessite d'être précisé. Les deux critères classiques de la statistique publique pour déterminer l'origine des personnes sont la nationalité et le lieu de naissance. Concernant la nationalité, son utilisation dans le cadre du Grand Lyon se heurte à l'obligation d'être de nationalité française pour pouvoir accéder à un emploi dans la fonction publique territoriale. Quant à l'exploitation des lieux de naissance, elle permet de constater que 91 % des agents du Grand Lyon sont nés en France ou dans un autre pays d'Europe, tandis que les 9 % restants sont nés hors d'Europe – au Maghreb dans la plupart des cas (cf. tableau 8). Mais cette distinction opérée à partir des lieux de naissance reste très approximative pour repérer les personnes susceptibles d'être discriminées en raison de leur "origine". En effet, elle ne permet pas de prendre en compte les enfants et petits-enfants d'immigrants, dans la mesure où ils sont nés en France, et elle conduit à l'inverse à considérer comme susceptibles d'être discriminées toutes les personnes nées au Maghreb, y compris les rapatrié.e.s. Tableau 8 Distribution des agents du Grand Lyon en fonction de leur lieu

de naissance et de la consonance de leurs noms et prénoms

L IEU DE NAISSANCE

CONSONANCE DES NOMS ET PRENOMS

France + Europe

Maghreb DOM-TOM + Afr. Noire

Total

européenne 82 % 5 % 1 % 88 %

extra-européenne 9 % 3 % 0 % 12 %

Total 91 % 8 % 1 % 100 %

(N = 4 584) Une autre approche a donc été préférée, en s'appuyant sur la consonance des noms et prénoms des personnes, de manière à distinguer deux groupes d'individus :

- l'un constitué par des porteurs de noms et/ou prénoms ayant une consonance "européenne", qui seront désignés par la suite comme "potentiellement non discriminés" en raison de leur origine. On constate dans le tableau 8 que ce groupe

Page 19: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 19

représente 88 % des agents du Grand Lyon, et que certains d'entre eux sont nés au Maghreb (représentant 5 % des agents) et correspondent probablement à des rapatrié.e.s ;

- l'autre groupe, représentant 12 % des agents, est constitué par des porteurs de noms et/ou prénoms ayant une consonance "extra-européenne", qui seront désignés par la suite comme "potentiellement discriminés" en raison de leur origine. Les résultats du tableau 8 montrent que les trois quarts de ces personnes sont nées en France, et qu'il s'agit probablement d'enfants et de petits-enfants issus d'immigrants d'origine extra-européenne.

2. Comparaisons en fonction du sexe Les exercices de comparaison entre groupes présentés dans cette partie auront pour objectif de vérifier l'existence ou l'absence d'écarts entre hommes et femmes :

- en confrontant dans un premier temps les situations professionnelles occupées par ces deux groupes à la date du 31/12/2005 (chapitre 2.1.) ;

- puis en comparant leurs progressions de carrière depuis leur entrée au Grand Lyon (2.2.).

2.1. Situations professionnelles au 31/12/2005 La comparaison des situations professionnelles occupées au 31/12/2005 consistera à voir successivement comment les agents de chaque sexe se répartissent par filière et catégorie (paragraphe 2.1.1), entre les différentes directions et délégations (2.1.2), à l'intérieur des cadres d'emploi (2.1.3) et en fonction du type de poste – encadrant ou non encadrant (2.1.4).

2.1.1. Filière et catégorie d'emploi

Une répartition sexuée très nette par filière et catégorie d'emploi... La première caractéristique à souligner à propos de la répartition des hommes et des femmes au sein du Grand Lyon concerne la faible proportion de celles-ci, puisqu'elles ne représentent que 22 % de 4 584 des agents employés au 31/12/2005. Tableau 9 Distribution des agents par filière et par sexe

(situations professionnelles au 31/12/2005)

Filière au 31/ 12/2005 Hommes Femmes Total

Technique 3 443 75 % 310 7 % 3 753 82 % Administrative 130 3 % 701 15 % 831 18 %

Total 3 573 78 % 1 011 22 % 4 584 100 %

Page 20: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 20

La quasi totalité des 78 % d'agents de sexe masculin sont concentrés en filière technique. A l'inverse, les deux tiers des femmes (15 des 22 %) se trouvent dans la filière administrative. Le Grand Lyon est donc composé d'une filière technique dont les effectifs sont très majoritairement masculins, et d'une filière administrative essentiellement féminine. Les résultats du tableau 10 (page suivante) présentent, dans chacune de ces deux filières, la répartition des hommes et des femmes par catégorie d'emploi. Dans la filière technique, composée à 91 % par des agents de sexe masculin, on constate que ceux-ci sont concentrés pour plus des trois quarts d'entre eux dans la catégorie C, et ils représentent d'ailleurs la quasi totalité des effectifs de cette catégorie. A l'inverse, les 9 % de femmes également présentes dans cette filière technique sont davantage concentrées – pour les deux tiers d'entre elles – dans les catégories A et B.

Tableau 10 Distribution des agents dans chaque filière par catégorie d'emploi et par sexe (situations professionnelles au 31/12/2005)

FILIERE TECHNIQUE

Catégorie d'emploi au 31/ 12/2005 Hommes Femmes Total

A 239 6 % 139 4 % 378 10 %

B 264 7 % 71 2 % 335 9 %

C 2 940 78 % 100 3 % 3 040 81 % Total 3 443 91 % 310 9 % 3 753 100 %

FILIERE ADMINISTRATIVE

Catégorie d'emploi au 31/ 12/2005 Hommes Femmes Total

A 53 7 % 119 14 % 172 21 %

B 44 5 % 116 14 % 160 19 %

C 33 4 % 466 56 % 499 60 % Total 130 16 % 701 84 % 831 100 %

Un phénomène similaire s'observe dans la filière administrative, sauf que les positions sont inversées entre hommes et femmes. En effet, dans cette filière essentiellement féminine, les femmes sont concentrées dans la catégorie C pour les deux tiers d'entre elles (466/701 = 0.67). Tandis que les hommes – très minoritaires dans cette filière – se retrouvent de préférence dans les catégories A et B.

On a donc :

- une filière technique très majoritairement masculine, en particulier dans la masse considérable d'emplois de catégorie C, et où les femmes occupent de préférence des emplois des catégorie A et B – même si les hommes restent les plus nombreux dans ces deux catégories.

Page 21: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 21

- une filière administrative très majoritairement féminine, en particulier dans les emplois de catégorie C, et où les hommes sont davantage représentés dans les emplois de catégorie A ou B – même si les femmes restent deux fois plus nombreuses dans ces deux catégories.

On précisera par la suite (cf. paragraphes 2.1.3. et 2.1.4) la nature des emplois occupés par les hommes et par les femmes dans ces deux filières, en abordant la question du cadre d'emploi et du type de poste concerné – encadrant ou non encadrant.

Auparavant, il s'agit de poursuivre ce rapide panorama de la répartition des hommes et des femmes au sein du Grand Lyon, en voyant leur part respective dans les différentes directions et délégations.

2.1.2. Direction ou délégation

Une répartition sexuée également observée au niveau des directions et des délégations...

Les résultats du tableau 11 ci-dessous montrent un clivage très net entre : d'une part les directions de la Propreté, de la Voirie et de l'Eau, dont les effectifs sont à plus de 80 % masculins (pour atteindre même 95 % à la Propreté) ; et d'autre part les délégations, dont les effectifs sont plus équilibrés entre les deux sexes – cas de la DGR – où même s'inversent nettement en faveur des femmes – comme à la DGDU et à la DGDEI, dont les effectifs sont aux deux tiers féminins.

Tableau 11 Proportion de femmes suivant la direction ou la délégation (situations au 31/12/2005, toutes catégories et filières confondues)

Direction ou délégation au 31/12/2005 Hommes Femmes Total Effectifs

Propreté 95 % 5 % 100 % 2 039 Voirie 82 % 18 % 100 % 629 Eau 84 % 16 % 100 % 605

DGR 54 % 46 % 100 % 707 DGDU 37 % 63 % 100 % 268 DGDEI 39 % 61 % 100 % 136

Autres 42 % 58 % 100 % 200

Total 78 % 22 % 100 % 4 584

DGR = Délégation Générale aux Ressources DGDU = Délégation Générale au Développement Urbain DGDEI = Délégation Générale au Développement Economique et International

Ce clivage s'explique en grande partie par la part prépondérante de la filière technique dans les directions de la Propreté, de la Voirie et de l'Eau, tandis que la filière administrative est majoritaire dans les délégations17.

17 Voir tableau 3 paragraphe 1.2.2

Page 22: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 22

C'est pourquoi les effectifs de la filière technique et administrative ont été distingués dans le tableau 12 (page suivante) au niveau de chaque direction et délégation. Concernant les emplois administratifs, on constate que la part de chaque sexe évolue peu d'une direction à l'autre, et qu'ils sont toujours occupés les plus souvent par des femmes, dont la proportion reste située entre 80 et 91 %. En revanche, pour les emplois techniques, la proportion de femmes varie de manière importante suivant les directions et délégations. Dans les directions de la Propreté, de la Voirie et de l'Eau, les femmes sont très peu nombreuses à occuper des emplois techniques, leur part restant toujours inférieure à 10 %. Et l'on a vu précédemment dans le tableau 10 qu'il s'agit alors le plus souvent d'emplois de catégorie A ou B ; tandis que la masse des emplois techniques de catégorie C qui composent ces trois directions apparaissent comme "typiquement masculins". Tel n'est pas le cas en revanche des emplois techniques relevant des délégations, puisque ceux-ci sont plus fréquemment occupés par des femmes : les 150 emplois techniques de la DGDU sont notamment occupés dans 49 % des cas par des femmes. Tableau 12 Proportion de femmes suivant la direction et la filière

(situations professionnelles au 31/12/2005, toutes catégories confondues)

FILIERE TECHNIQUE FILIERE ADMINISTRATIVE

Direction ou délégation au 31/12/2005

Effectif total dont femmes

Effectif total dont femmes

Propreté 1 954 37 2 % 85 72 85 % Voirie 538 29 5 % 91 82 90 % Eau 548 43 8 % 57 52 91 % DGR 420 89 21 % 287 239 83 % DGDU 150 73 49 % 118 96 81 % DGDEI 53 17 32 % 83 66 80 % Autres 90 22 24 % 110 94 85 %

Total 3 753 310 8 % 831 701 84 %

Le tableau 13 présente un autre type de comparaison entre directions et délégations, en fonction cette fois-ci de la catégorie d'emploi (sans distinguer les filières technique et administrative).

Page 23: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 23

Tableau 13 Proportion de femmes suivant la direction et la catégorie

(situations professionnelles au 31/12/2005, les deux filières confondues)

CATEGORIE A CATEGORIE B CATEGORIE C

Direction ou délégation au 31/12/2005

Effectif total

dont femmes

Effectif total

dont femmes

Effectif total

dont femmes

Propreté 45 44 % 71 31 % 1 923 3 % Voirie 50 28 % 105 18 % 474 16 % Eau 37 38 % 90 26 % 478 12 % DGR 154 47 % 118 51 % 435 45 % DGDU 134 54 % 50 54 % 84 83 % DGDEI 55 47 % 41 56 % 40 85 % Autres 75 53 % 20 65 % 105 60 %

Total 550 37 % 495 21 % 3 539 3 %

Ces résultats viennent confirmer les constats faits à partir des tableaux précédents. Concernant les directions de la Propreté, de la Voirie et de l'Eau, on remarque ainsi que la proportion de femmes est plus importante dans les emplois de catégorie A –qui sont par exemple occupés dans 44 % des cas par des femmes à la Propreté – tandis que cette proportion diminue en catégorie B et plus encore en C. A l'inverse, les emplois de catégorie C à la DGDU et à la DGDEI sont très nettement "féminins", alors que la proportion de femmes se réduit dans les catégorie B et A – même si les femmes y restent le plus souvent majoritaires.

2.1.3. Cadre d'emploi et grade

Après avoir précisé la répartition au 31/12/2005 des hommes et des femmes dans les différentes catégories d'emploi, filières et directions du Grand Lyon, il s'agit maintenant de préciser la nature des emplois qu'ils et elles occupent. Ce sera l'objet des tableaux suivants, à travers la prise en compte du cadre d'emploi et du grade puis – dans le paragraphe suivant – en distinguant les postes encadrants et non encadrants. Des résultats contrastés d'une filière à l'autre... Le tableau 14 montre à nouveau la répartition contrastée des hommes et des femmes selon la filière, avec comme information supplémentaire des résultats détaillés par cadres d'emploi. Dans la filière technique, on remarque que près des trois quarts des hommes sont agents de salubrité (42 %) ou agents techniques (29 %), tandis que seulement 7 % d'entre eux sont ingénieurs. Les résultats sont quasiment inversés pour les femmes, que l'on trouve dans les deux tiers des cas à des postes d'ingénieur (42+3=45 %) ou de technicien (22 %), tandis qu'elles sont moins d'un tiers dans des emplois de catégorie C.

Page 24: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 24

Tableau 14 Répartition par cadre d'emploi des agents de chaque sexe (situations professionnelles au 31/12/2005)

FILIERE TECHNIQUE

Cadre d'emploi au 31/ 12/2005 Hommes Femmes

A. Ingénieur en chef 50 2 % 8 3 % Ingénieur 189 5 % 131 42 %

B. Technicien 206 6 % 67 22 % Contrôleur de travaux 58 2 % 4 1 %

C. Agent de maîtrise 491 14 % 11 4 % Agent technique 1 003 29 % 41 14 % Agent de salubrité 1 446 42 % 48 14 %

Total 3 443 100 % 310 100 %

FILIERE ADMINISTRATIVE

Cadre d'emploi au 31/ 12/2005 Hommes Femmes

A. Administrateur 6 5 % 4 1 % Attaché 47 36 % 115 16 %

B. Rédacteur 44 34 % 116 17 %

C. Adjoint administratif 15 12 % 203 29 % Agent administratif 18 14 % 263 38 %

Total 130 100 % 701 100 %

Dans la filière administrative, les femmes sont majoritairement sur des emplois d'agent (38 %) ou d'adjoint administratif (29 %), tandis que seulement un tiers d'entre elles occupent un emploi de rédacteur, d'attaché ou d'administrateur. Ce sont précisément dans ces trois cadres d'emploi que les hommes se retrouvent pour 5 + 36 + 34 = 75 % d'entre eux. Il est nécessaire de rappeler que les commentaires précédents portent sur des pourcentages, qui expriment des fréquences relatives d'occuper tel ou tel type de poste suivant le sexe. Ainsi faut-il garder à l'esprit les effectifs concernés – également indiqués dans le tableau 14 – qui montrent que les hommes restent très nettement les plus nombreux dans tous les cadres d'emploi de la filière technique. Et que de la même manière les femmes restent les plus nombreuses dans tous les cadres d'emploi de la filière administrative, à l'exception – significative – de celui d'administrateur, où l'on compte 6 hommes et 4 femmes. Ces effectifs permettent d'ailleurs de calculer d'autres types de pourcentages, non plus "en colonne" comme dans le tableau 14, mais "en ligne" comme dans le tableau 15 ci-dessous. Les pourcentages obtenus dans ce dernier tableau indiquent la proportion de femmes dans chaque cadre d'emploi. On peut lire par exemple que 37 % des 378 ingénieurs sont des femmes, tandis qu'elles ne sont plus que 25 % parmi les techniciens, et que cette proportion baisse encore dans les cadres d'emploi les moins qualifiés. La filière administrative présente un phénomène inverse, avec des emplois d'agent et d'adjoint administratif pour la plupart occupés par des femmes, tandis que leur part se réduit à 71-73 % parmi les rédacteurs et les attachés, et que l'on ne compte que 4 femmes parmi les 10 administrateurs.

Page 25: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 25

Tableau 15 Proportion de femmes dans chaque filière et cadre d'emploi

(situations professionnelles au 31/12/2005)

FILIERE TECHNIQUE

Cadre d'emploi au 31/ 12/2005 Effectif total dont femmes

A. Ingénieur en chef 58 8 14 % Ingénieur 320 131 41 %

B. Technicien 273 67 25 % Contrôleur de travaux 62 4 6 %

C. Agent de maîtrise 502 11 2 % Agent technique 1 044 41 4 % Agent de salubrité 1 494 48 3 %

Total 3 753 310 8 %

FILIERE ADMINISTRATIVE

Cadre d'emploi au 31/ 12/2005 Effectif total dont femmes

A. Administrateur 10 4 (40 %) Attaché 162 115 71 %

B. Rédacteur 160 116 73 %

C. Adjoint administratif 218 203 93 % Agent administratif 281 263 94 %

Total 831 701 84 %

N.B. : les pourcentages indiqués entre parenthèses doivent être interprétés avec prudence en raison de la faiblesse des effectifs concernés

Des femmes moins représentées aux grades les plus élevés, et ce dans les deux filières... Les résultats précédents laisseraient penser que la raréfaction des agents de sexe féminin dans les emplois les plus qualifiés est un phénomène spécifique à la filière administrative. En fait il n'en est rien, comme le montrent les résultats du tableau 16 (page suivante), dans lequel la répartition des emplois occupés par les hommes et des femmes a été affinée en prenant en compte les grades. Que ce soit dans l'une ou l'autre filière, il apparait en effet que les hommes occupent généralement les grades les plus élevés, tandis que les femmes sont davantage concentrées dans les grades inférieurs. Ainsi, dans la catégorie A en filière technique, on ne compte aucune femme parmi les 33 ingénieurs en chef de classe exceptionnelle, et elles ne représentent qu'un tiers des ingénieurs en chef classe normale et des ingénieurs principaux ; tandis que leur proportion atteint 54 % parmi les ingénieurs.

Page 26: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 26

Tableau 16 Proportion de femmes dans chaque grade (catégories A et B) (situations professionnelles au 31/12/2005)

FILIERE TECHNIQUE (catégories A et B)

Cadre d'emploi Grade Effectif total dont femmes

A. Ingénieur en chef classe exceptionnelle 33 - Ingénieur en chef classe normale 25 8 (32 %) Ingénieur principal 219 75 34 % Ingénieur 101 56 55 %

Total A 378 139 37 %

B. Technicien supérieur territorial chef 169 26 15 % Technicien supérieur territorial principal 27 8 (30 %) Technicien supérieur territorial 77 33 43 % Contrôleur en chef 11 - Contrôleur principal 29 3 (10 %) Contrôleur 22 1 ( 5 %)

Total B 335 71 21 %

FILIERE ADMINISTRATIVE (catégorie A et B)

Cadre d'emploi Grade Effectif total dont femmes

A. Directeur général 1 - Directeur général adjoint 1 - Administrateur hors classe 6 2 ( 33 %) Administrateur 2 2 (100 %)

Directeur territorial 38 23 61 % Attaché principal 1ère ou 2eme classe 36 28 78 % Attaché 88 64 73 %

Total A 172 119 69 %

B. Rédacteur en chef 67 50 75 % Rédacteur principal 33 25 76 % Rédacteur 60 41 68 %

Total B 160 116 73 %

N.B. : les pourcentages indiqués entre parenthèses doivent être interprétés avec prudence en raison de la faiblesse des effectifs concernés

Toujours dans la filière technique, on ne compte au sein du cadre d'emploi des techniciens que 15 % de femmes parmi les techniciens supérieurs territoriaux chefs, alors que ce pourcentage s'élève à 30 % parmi les techniciens supérieurs territoriaux principaux, pour atteindre 43 % des techniciens supérieurs territoriaux.

La même tendance s'observe également dans la filière administrative, et ce malgré la faiblesse des effectifs ayant servi au calcul des pourcentages.

Page 27: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 27

Si l’on affine en prenant en compte l’ancienneté dans la fonction publique territoriale, on constate que là encore, globalement pour chaque cadre d’emploi, à même ancienneté, la part des agents sur les grades les plus élevés est plus importante pour les hommes que pour les femmes. La distinction de quatre tranches d’ancienneté nous conduisant à travailler sur des effectifs trop faibles pour une approche statistique et pour garantir l’anonymat des personnes nous nous en tiendrons ici au tableau concernant les grades détaillés pour la catégorie A de la filière technique pour une ancienneté inférieure à 20 ans et une ancienneté supérieure à 20 ans. Tableau 16bis Proportion de femmes dans chaque grade (catégories A filière technique)

par tranches d’ancienneté dans la fonction publique (situations professionnelles au 31/12/2005)

FILIERE TECHNIQUE (catégorie A) < 20 ans d’ancienneté ≥ 20 ans d’ancienneté

Cadre d’emploi Grade Effectif total Dont femmes

Effectif total Dont femmes

A. Ingénieur chef classe exceptionnelle 8

-

25 - Ingénieur en chef classe normale 11 7 (64%) 14 1 Ingénieur principal 135 54 40% 84 21

Ingénieur 96 56 58% 5 -

Total A 250 117 47% 128 22

2.1.4. Type de poste (encadrant ou non encadrant) Une dernière étape dans l'analyse des situations professionnelles au 31/12/2005 consistera à distinguer les postes "encadrants" et "non encadrants", afin de vérifier si les hommes et les femmes les occupent dans les mêmes proportions. La dernière ligne du tableau 17 indique que 559 des 3 573 agents de sexe masculin – soit 16 % – occupent un poste encadrant, contre 9 % des femmes. Mais cet écart entre les deux sexes est nettement plus important au niveau des différents cadres d'emploi de la filière technique :

- parmi les ingénieurs, les hommes sont 41 % à occuper un poste d'encadrant, contre seulement 15 % des femmes ;

- parmi les techniciens, 26 % des hommes occupent une fonction d'encadrement, contre seulement 10 % des techniciennes.

- quant aux agents de maîtrise, ils sont à 70 % des « encadrants » parmi les hommes, contre seulement 36 % pour les – quelques – femmes du même cadre d'emploi.

Page 28: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 28

Tableau 17 Proportion d'hommes et de femmes occupant un poste encadrant

suivant leur cadre d'emploi (situations professionnelles au 31/12/2005)

HOMMES FEMMES

Cadre d'emploi au 31/12/2005 Effectif total dont encadrants

Effectif total dont encadrants

FILIERE TECHNIQUE A. Ingénieur en chef 50 33 66 % 83 17 20 % Ingénieur 189 64 34 % 56 4 7 %

B. Technicien 206 54 26 % 67 7 10 % Contrôleur de travaux 58 28 48 % 4 0 ( 0 %)

C. Agent de maîtrise 491 344 70 % 11 4 (36 %) Agent technique 1 003 ---- ---- 41 ---- ---- Agent de salubrité 1 446 13 1 % 48 0 0 %

FILIERE ADMINISTRATIVE A. Administrateur 6 5 (83 %) 4 2 (50 %) Attaché 47 13 28 % 115 46 40 %

B. Rédacteur 44 5 11 % 116 12 10 %

C. Adjoint administratif 15 ---- ---- 203 ---- ---- Agent administratif 18 ---- ---- 263 ---- ----

Total des deux filières 3 573 559 16 % 1 011 92 9 %

N.B. : les pourcentages indiqués entre parenthèses doivent être interprétés avec prudence en raison de la faiblesse des effectifs concernés

De tels écarts n'apparaissent pas dans les cadres d'emploi de la filière administrative. Ainsi, la proportion d'encadrant.e.s est quasiment la même (10-11 %) parmi les rédacteurs et les rédactrices, tandis que les attachées occupent même un peu plus fréquemment un poste encadrant (pour 40 % d'entre elles) que leurs homologues de sexe masculin (28 %). Il ressort de l'analyse des situations professionnelles occupées au 31/12/2005 que des écarts étaient apparus dans la répartition des hommes et des femmes suivant la filière, la catégorie d'emploi et entre les directions et délégations du Grand Lyon, et que la prise en compte de la nature des emplois occupés a permis de préciser et éventuellement de nuancer ces écarts. En effet, dans la filière technique, essentiellement masculine, si les femmes sont concentrées dans les emplois de catégorie A et B (tableaux 10 et 15), elles restent le plus souvent cantonnées aux grades les moins élevés (tableau 16) et occupent moins souvent que les hommes des postes d'encadrement (tableau 17). Dans la filière administrative, très majoritairement féminine, les emplois les plus qualifiés sont là aussi davantage occupés par des hommes (tableaux 10 et 15). Mais les écarts apparaissent bien moins évidents entre les deux sexes, notamment concernant les postes encadrants, auxquels il semble que les hommes et les femmes accèdent dans des proportions assez voisines (tableau 17).

Page 29: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 29

2.2. Les carrières au Grand Lyon Les résultats présentés dans le chapitre précédent ont été établis à partir de l'analyse des situations professionnelles au 31/12/2005. Il s'agit donc d'une "photographie" à un moment donné, qui ne tient pas compte de la trajectoire antérieure des personnes et du déroulement de leur carrière. Celui-ci peut être mesuré – de manière sommaire – en comparant les situations professionnelles des agents au 31/12/2005 avec celles qu'ils occupaient en début de carrière, pour repérer notamment ceux qui, dans l'intervalle, ont pu changer de cadre d'emploi (paragraphe 2.2.1) et/ou accéder à un poste encadrant (paragraphe 2.2.2.). Comme il a été expliqué dans le paragraphe 1.2.3, cette comparaison de situations professionnelles distantes dans le temps exige de pouvoir disposer d'informations comparables. Pour ce faire, il est apparu nécessaire de restreindre l'analyse qui va suivre aux seuls individus ayant débuté leur carrière au Grand Lyon après le 01/01/1986. Les résultats présentés dans ce chapitre ne porteront donc que sur des personnes ayant au maximum 20 ans d'ancienneté au Grand Lyon comme dans la Fonction Publique Territoriale. Cela représente un groupe encore très hétérogène, avec des individus pouvant avoir débuté leur carrière depuis peu et d'autres ayant déjà plusieurs années d'ancienneté. Lors de l'analyse, des sous-groupes ont été constitués en fonction de la période d'embauche ou de la tranche d'ancienneté, afin de vérifier que cette hétérogénéité ne risquait pas de biaiser les comparaisons en fonction du sexe et de "l'origine" des personnes. Ce risque ayant été vérifié et finalement écarté, et afin de faciliter la lecture des tableaux, les résultats seront présentés en distinguant seulement les deux groupes qu'il s'agit de comparer, composés des 1 816 hommes et des 549 femmes ayant débuté leur carrière au Grand Lyon après le 01/01/1986.

2.2.1. Changer de cadre d'emploi Le tableau 18 présente la répartition de ces hommes et de ces femmes en fonction du cadre d'emploi dans lesquels ils/elles étaient lorsqu'ils sont entré au Grand Lyon. Les résultats obtenus sont proches de ceux précédemment observés au 31/12/2005.18 Ainsi, dans la filière technique, près de 90 % des hommes ont débuté sur des postes d'agent de salubrité et d'agent technique ; tandis que les femmes – beaucoup moins nombreuses – commençaient dans les trois quarts des cas sur des postes d'ingénieur ou de technicien. Dans cette filière technique, la seule différence significative par rapport aux situations occupées au 31/12/2005 est la proportion très faible – seulement 2 % – d'hommes ayant débuté en tant qu'agent de maîtrise, alors qu'ils sont 14 % sur ce cadre d'emploi au 31/12/2005 (cf. infra, tableau 14). Cette différence indique probablement qu'on ne rentre que rarement au Grand Lyon en tant qu'agent de maitrise, mais plutôt qu'on le devient à la suite de mobilités internes.

18 cf. infra, tableau 14 paragraphe 2.1.3.

Page 30: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 30

Tableau 18 Cadre d'emploi occupé à l'entrée au Grand Lyon

(agents ayant débuté leur carrière après le 01/01/1986)

FILIERE TECHNIQUE

Cadre d'emploi à l'entrée Hommes Femmes

A. Ingénieur* 94 5 % 82 51 %

B. Technicien 88 5 % 46 28 % Contrôleur de travaux 8 0 % 1 1 %

C. Agent de maîtrise 28 2 % 2 1 % Agent technique 459 26 % 29 10 % Agent de salubrité 1 069 61 % 28 8 %

Total 1 746 100 % 188 100 %

FILIERE ADMINISTRATIVE

Cadre d'emploi à l'entrée Hommes Femmes

A. Administrateur 2 3 % 2 1 % Attaché 25 36 % 56 15 %

B. Rédacteur 21 30 % 50 14 %

C. Adjoint administratif 11 16 % 42 12 % Agent administratif 11 16 % 211 58 %

Total 70 100 % 361 100 %

* le grade à l'entrée n'étant pas toujours renseigné, il n'est pas possible de distinguer les ingénieurs en chef des ingénieurs. Il en sera de même dans les tableaux suivants.

La répartition des hommes et des femmes entre les différents cadres d'emploi de la filière administrative présente elle aussi de fortes similitudes avec les situations observées au 31/12/2005.19 70 % des femmes qui entrent dans cette filière ont débuté sur des emplois de catégorie C, alors que 69 % des hommes sont entré sur des emplois de catégorie B ou A. Une différence apparait là aussi par rapport aux situations observées au 31/12/2005, avec une proportion d'agents administratifs plus élevée à l'entrée (58 %) qu'au 31/12/2005 (38 %20), tandis que c'est l'inverse pour le cadre d'emploi des adjoints administratifs, dans lequel sont entrés 12 % des femmes alors qu'elles sont 29 % au 31/12/2005. Là encore, ces variations correspondent probablement à des agents ayant changé de cadre d'emploi dans l'intervalle. Volume et nature des changements de cadre d'emploi survenus en cours de carrière... Les tableaux 19 (pour les personnes ayant débuté en filière technique) et 19bis (pour les personnes ayant débuté en filière administrative) ont précisément pour objet de visualiser les changements de cadre d'emploi survenus entre la date d'entrée au Grand Lyon et le 31/12/2005. Les résultats sont présentés pour les deux sexes réunis, car il s'agit dans un premier temps de préciser le volume et la nature des changements de cadre d'emploi au sein du Grand Lyon.

19 cf. infra, tableau 14 20 cf. infra, tableau 14

Page 31: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 31

Les deux tableaux croisés se lisent de la même manière : les individus sont répartis sur différentes lignes en fonction du cadre d'emploi qu'ils occupaient à leur entrée au Grand Lyon. La première ligne du tableau 19 concerne par exemple les 1 097 personnes ayant débuté comme agent de salubrité, qui se distribuent sur cette ligne en fonction du cadre d'emploi qu'ils occupent au 31/12/2005. Ainsi, 943 de ces 1 097 personnes sont toujours agents de salubrité ; 114 sont passées agents technique ; 33 autres sont devenues agents de maîtrise et les 7 cas restants ont changé de filière21. La ligne suivante présente de la même manière les situations occupées au 31/12/2005 par les personnes ayant débuté en tant qu'agent technique, etc... Tableau 19 Comparaison du cadre d'emploi à l'entrée au Grand Lyon (pour des agents ayant

débuté en filière technique) avec celui occupé au 31/12/2005 (sexes réunis)

CADRE D'EMPLOI AU 31/12/2005

CADRE D'EMPLOI A L 'ENTREE

Agent salubrité

Agent technique

Agent de maîtrise

Contrôleur travaux

Technicien Ingénieur (autre filière)

Total

Agent de salubrité 943 114 33 (7) 1 097

Agent technique 6 419 52 2 9 488

Agent de maîtrise 1 24 2 3 30

Contrôleur de travaux 1 2 6 9

Technicien 1 2 115 15 (1) 134

Ingénieur 176 176

Total 949 534 111 8 133 191 (8) 1 934

Il est pratique de lire les résultats de ce type de tableau croisé en se référant à la diagonale, signalée par un fond grisé. En effet, les individus figurant sur cette diagonale ont pour caractéristique de ne pas avoir changé de cadre d'emploi entre le moment où ils sont entrés au Grand Lyon et le 31/12/2005. Ainsi, parmi les 1 934 personnes entrées au Grand Lyon en filière technique, 1 679 (soit 87 %) étaient encore dans le même cadre d'emploi au 31/12/2005. En revanche, les personnes qui figurent de part et d'autre de cette diagonale ont vu leur situation évoluer entre les deux dates :

- en dessous de la diagonale sont situés les cas – peu nombreux – correspondant à des personnes dont le cadre d'emploi au 31/12/2005 est inférieur à celui qu'ils occupaient à leur entrée au Grand Lyon. Il s'agit probablement de rétrogradations liées à une sanction disciplinaire.

- au dessus de la diagonale figurent les cas – qui nous intéresseront plus particulièrement – des personnes ayant accédé à un emploi plus qualifié, et qui sont au nombre de 236 (soit 12 %).

21 Ces changements de filière, qui restent rares, ne seront pas comptabilisés comme des changements de cadre d'emploi dans les analyses qui vont suivre.

Page 32: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 32

On constate que ces "mobilités ascendantes" s'effectuent le plus souvent en direction du cadre d'emploi immédiatement voisin : 114 agents de salubrité sont ainsi devenus agents techniques, 52 agents techniques sont devenus agents de maîtrise, et ces deux types de mouvement représentent d'ailleurs 70 % des mobilités observées. On remarque également que les changements plus importants, impliquant notamment un changement de catégorie d'emploi (dont les limites sont signalées par des pointillés), sont plus rares. Les résultats du tableau 19bis, concernant les 431 hommes et femmes ayant débuté leur carrière au Grand Lyon en filière administrative, peuvent être lus de la même manière. Parmi eux, on compte – sur la diagonale – 330 personnes (soit 77 %) qui sont encore dans le même cadre d'emploi au 31/12/2005. En revanche, 71 personnes ont accédé à un cadre d'emploi plus qualifié, et l'on constate qu'il s'agit là aussi le plus souvent de mobilités vers le cadre d'emploi suivant. Les deux tiers de ces changements concernent des agents administratifs devenus adjoints administratifs. Tableau 19bis Comparaison du cadre d'emploi à l'entrée au Grand Lyon (pour des agents ayant

débuté en filière administrative) avec celui occupé au 31/12/2005 (sexes réunis)

CADRE D'EMPLOI AU 31/12/2005

CADRE D'EMPLOI A L 'ENTREE

Agent administr.

Adjoint administr.

Rédacteur Attaché Administr. (autre filière)

Total

Agent administratif 168 46 6 (2) 222

Adjoint administratif 2 40 10 (1) 53

Rédacteur 1 45 8 1 (16) 71

Attaché 2 73 (6) 81

Administrateur 4 4

Total 171 86 63 81 5 (25) 431

A partir des résultats des deux tableaux ci-dessus, il est possible de produire un indicateur plus synthétique et plus pratique pour effectuer des comparaisons, en calculant sur chaque ligne la proportion de personnes qui ont changé de cadre d'emploi. Par exemple, parmi les 1 097 hommes et femmes ayant débuté comme agent de salubrité, 114 + 33 = 147 ont changé de cadre d'emploi, soit une proportion de 13 %. Ces calculs ont été effectués en distinguant les hommes et les femmes. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 20 (page suivante). Peu d'écart entre les sexes au niveau des changements de cadre d'emploi... Globalement, la proportion d'hommes ayant changé de cadre d'emploi entre le moment où ils sont entré au Grand Lyon et le 31/12/2005 est la même que celle des femmes – 13 % dans les deux cas. Quelques écarts apparaissent lorsque l'on compare des hommes et des femmes ayant débuté dans le même cadre d'emploi au sein de la filière technique. Mais ils restent relativement faibles, compte tenu de la faiblesse des effectifs féminins. Ils correspondent avant tout au fait que la plupart des hommes sont concentrés dans la catégorie C, d'où proviennent l'essentiel

Page 33: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 33

des changements de cadre d'emploi. Alors que les femmes sont bien moins nombreuses dans cette catégorie d'emploi, et que celles qui y figurent sont rares à avoir par la suite changé de cadre d'emploi. Tableau 20 Proportion d'hommes et de femmes ayant changé de cadre d'emploi

entre leur entrée au Grand Lyon et le 31/12/2005 (agents ayant débuté leur carrière au Grand Lyon après le 01/01/1986)

HOMMES FEMMES

Cadre d'emploi à l'entrée Effectif total

dont "mobilité ascendante"

Effectif total

dont "mobilité ascendante"

FILIERE TECHNIQUE

A. Ingénieur 94 ---- ---- 82 ---- ----

B. Technicien 88 9 10 % 46 6 13 % Contrôleur de travaux 8 5 (63 %) 1 1 (100 %)

C. Agent de maîtrise 28 5 18 % 2 ( 0 %) Agent technique 459 60 13 % 29 3 10 % Agent de salubrité 1 069 150 14 % 28 1 4 %

FILIERE ADMINISTRATIVE A. Administrateur 2 ---- ---- 2 ---- ---- Attaché 25 0 % 56 0 %

B. Rédacteur 21 3 14 % 50 6 12 %

C. Adjoint administratif 11 4 (36 %) 42 6 14 % Agent administratif 11 1 ( 9 %) 211 51 24 %

Total des deux filières 1 816 237 13 % 549 74 13 %

N.B. : les pourcentages indiqués entre parenthèses doivent être interprétés avec prudence en raison de la faiblesse des effectifs concernés

Dans la filière administrative, les effectifs encore plus réduits, cette fois-ci du côté des hommes, limitent là aussi les possibilités de comparaisons. Et les résultats détaillés par cadre d'emploi, pour autant que les effectifs le permettent, n'indiquent pas d'écart significatif entre hommes et femmes.

2.2.2. Accéder à un poste d'encadrant Le même type d'analyse que pour les changements de cadre d'emploi peut être effectué pour vérifier si les hommes et les femmes accèdent de manière égale à des postes d'encadrant. Il s'agira donc :

- dans un premier temps, de comparer les proportions d'hommes et de femmes ayant été affectés sur ce type de poste à leur entrée au Grand Lyon (tableau 21) ;

- de s'intéresser ensuite, à partir d'une comparaison entre les situations à l'entrée et au 31/12/2005, à ceux et celles qui ont pu passer d'un poste non encadrant à un poste encadrant au cours de leur carrière (tableau 22).

Page 34: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 34

Concernant la proportion d'hommes et de femmes entrés au Grand Lyon sur un poste d'encadrant, le principal résultat du tableau 21 concerne le cadre d'emploi d'ingénieur, dans une filière technique où l'on a vu précédemment22 que les femmes étaient le plus souvent concentrées dans les catégories A et B. De fait, on constate qu'elles sont quasiment aussi nombreuses (82) que les hommes (94) à être entré en tant qu'ingénieur au Grand Lyon depuis le 01/01/1986. Mais les résultats du tableau 21 montrent surtout qu'elles ne sont que 7 % à avoir alors été affectées sur un poste encadrant, contre 24 % des hommes. Parmi les techniciens, un écart, moins important, s'observe également au profit des hommes. La comparaison entre hommes et femmes tourne court pour les autres cadres d'emploi de la filière technique, en raison de la faiblesse des effectifs féminins. Tableau 21 Proportion d'hommes et de femmes occupant un poste encadrant à leur entrée

au Grand Lyon (agents ayant débuté leur carrière après le 01/01/1986)

HOMMES FEMMES

Cadre d'emploi à l'entrée Effectif total dont encadrants

Effectif total dont encadrants

FILIERE TECHNIQUE A. Ingénieur 94 23 24 % 82 6 7 %

B. Technicien 88 9 10 % 46 3 7 % Contrôleur de travaux 8 1 (13 %) 1 (0 %)

C. Agent de maîtrise 28 17 61 % 2 (0 %) Agent technique 459 ---- ---- 29 ---- ---- Agent de salubrité 1 069 1 0 % 28 0 %

FILIERE ADMINISTRATIVE A. Administrateur 2 2 (100 %) 2 1 (50 %) Attaché 25 4 16 % 56 10 18 %

B. Rédacteur 21 0 % 50 2 4 %

C. Adjoint administratif 11 ---- ---- 42 ---- ---- Agent administratif 11 ---- ---- 211 ---- ----

Total les deux filières réunies 1 816 57 3 % 549 22 4 %

Quant aux hommes et femmes entrés au Grand Lyon sur des emplois administratifs, les résultats obtenus ne montrent pas d'écart significatif entre hommes et femmes, d'autant plus que les effectifs restent faibles. Et il semble que les uns et les autres aient accédé à leur entrée au Grand Lyon sensiblement dans les mêmes proportions à des postes encadrants. Le tableau 22 permet de comparer, parmi les hommes et femmes entrés au Grand Lyon sur un poste non encadrant, combien ont ensuite accédé à un poste encadrant au cours de leur carrière.

22 cf. tableaux 14 et 15 paragraphe 2.1.3.

Page 35: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 35

Dans la filière technique, on constate à nouveau parmi les ingénieurs que la proportion de femmes qui sont passé d'un poste non encadrant à un poste encadrant est nettement moins élevée (4 %) que parmi les hommes (18 %). Un écart important s'observe également pour les techniciennes ayant débuté sur un poste non encadrant, qui ne sont que 7 % à être ensuite passé sur poste encadrant, alors que leurs homologues masculins sont 25 % dans ce cas. Quant aux agents de catégorie C ayant accédé à un poste d'encadrement, il s'agit presque exclusivement d'hommes, dans la mesure où les femmes sont quasiment absentes de cette catégorie, et que les rares à y être entré n'ont pas changé par la suite de type de poste.

Tableau 22 Proportion d'hommes et de femmes qui sont passé d'un poste non encadrant à un poste encadrant (agents ayant débuté au Grand Lyon après le 01/01/1986)

HOMMES FEMMES

Cadre d'emploi à l'entrée Non encadrants

dont devenus encadrants

Non encadrants

dont devenus encadrants

FILIERE TECHNIQUE A. Ingénieur 71 13 18 % 76 3 4 %

B. Technicien 79 20 25 % 43 3 7 % Contrôleur de travaux 7 ( 0 %) 1 ( 0 %)

C. Agent de maîtrise 11 3 (27 %) 2 1 (50 %) Agent technique 459 36 8 % 29 0 % Agent de salubrité 1 068 30 3 % 28 0 %

FILIERE ADMINISTRATIVE A. Administrateur ---- 1 (0 %) Attaché 21 1 5 % 46 5 11 %

B. Rédacteur 21 1 5 % 48 1 2 %

C. Adjoint administratif 11 1 (10 %) 42 0 % Agent administratif 11 ( 0 %) 211 2 1 %

Total des deux filières 1 759 105 6 % 527 15 3 %

En revanche, les résultats observés dans la filière administrative ne révèlent une nouvelle fois pas d'écart significatif entre hommes et femmes, et l'on peut seulement noter que les passages vers un poste d'encadrement en cours de carrière restent rares, tant pour les hommes que pour les femmes. En conclusion à ces exercices de comparaison des évolutions de carrière des hommes et des femmes, il faut avant tout souligner les écarts constatés entre hommes et femmes dans l'accès aux postes d'encadrant de la filière technique. Alors que les femmes travaillant dans cette filière se concentrent dans les catégories A et B, il semble qu'elles accèdent moins souvent que les hommes aux postes d'encadrant. Des écarts s'observent dès le début de carrière, avec des femmes qui sont plus rarement affectées sur ce type de poste à leur entrée au Grand Lyon que leurs homologues de sexe masculin (tableau 21). D'autres écarts sont apparus en cours de carrière, avec des passages d'un poste non encadrant à un poste encadrant qui concernent là encore davantage des hommes que des femmes (tableau 22). En revanche, les comparaisons dans la filière administrative n'ont pas révélé d'écart significatif dans l'accès des hommes et des femmes aux postes encadrants (tableaux 21 et 22).

Page 36: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 36

3. Comparaisons selon la consonance des noms et prénoms Les analyses présentées dans ce chapitre consisteront à comparer les situations professionnelles et les carrières de deux groupes d'individus23 :

- l'un composé de personnes considérées comme "potentiellement non discriminées" car porteuses d'un nom et/ou d'un prénom à consonance européenne ;

- l'autre composé de personnes considérées comme "potentiellement discriminées" car porteuses d'un nom et/ou d'un prénom à consonance extra-européenne.

Le tableau 23 présente la part respective de chacun de ces deux groupes, selon le sexe. Tableau 23 Proportion de personnes potentiellement discriminées suivant le sexe

(agents employés au Grand Lyon au 31/12/2005)

Sexe Potentiellement non discriminés

Potentiellement discriminés

Total

Hommes 3 096 87 % 477 13 % 3 573 100 % Femmes 940 93 % 71 7 % 1 011 100 %

Total 4 036 88 % 548 12 % 4 584 100 %

Parmi les 4 584 agents du Grand Lyon au 31/12/2005, 548 personnes (soit 12 %) ont été considérées comme étant "potentiellement discriminées". La part de ce groupe atteint 13 % parmi les hommes, contre seulement 7 % parmi les femmes. Comme celles-ci sont déjà peu nombreuses au sein du Grand Lyon, les résultats concernant les femmes "potentiellement discriminées" porteront sur des effectifs relativement faibles – 71 personnes au total – qui limiteront dans certains cas les possibilités de comparaison et d'interprétation.

3.1. Situations professionnelles au 31/12/2005 Le déroulement des analyses présentées dans les pages suivantes sera quasiment le même que celui qui a été suivi précédemment pour comparer les hommes et les femmes. On s'intéressera dans un premier temps aux situations professionnelles occupées à la date du 31/12/2005 par les personnes potentiellement discriminées et par les personnes potentiellement non discriminées (chapitre 3.1). Puis l'on comparera les progressions de carrière de ces deux groupes, en confrontant les situations des individus au 31/12/2005 avec celles qu'ils occupaient lorsqu'ils sont entré au Grand Lyon.

23 Cf. supra, paragraphe 1.2.4.

Page 37: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 37

3.1.1. Filière et catégorie d'emploi Le tableau 24 permet de constater que les personnes potentiellement discriminées ne sont pas réparties de manière homogène entre les différentes filières et catégories d'emploi du Grand Lyon. En effet, ce groupe représente 14 % des hommes de la filière technique, alors que sa part n'est que de 6 à 8 % parmi les hommes de la filière administrative et parmi les femmes de l'une et l'autre filières. Tableau 24 Evolution de la proportion de personnes potentiellement discriminées

suivant le sexe, la filière et la catégorie d'emploi (situations au 31/12/2005)

HOMMES FILIERE TECHNIQUE FILIERE ADMINISTRATIVE

Catégorie au 31/12/2005

Effectif total

dont potentiellement discriminés

Effectif total

dont potentiellement discriminés

A 239 6 3 % 53 1 2 % B 264 1 0 % 44 3 7 % C 2 940 460 16 % 33 6 18 %

Total 3 443 467 14 % 130 130 8 %

FEMMES FILIERE TECHNIQUE FILIERE ADMINISTRATIVE

Catégorie au 31/12/2005

Effectif total

dont potentiellement discriminées

Effectif total

dont potentiellement discriminées

A 139 5 4 % 119 7 6 % B 71 4 6 % 116 3 3 % C 100 9 9 % 466 43 9 %

Total 310 18 6 % 701 53 8 %

La part des individus potentiellement discriminés varie également de manière importante suivant la catégorie d'emploi, en particulier parmi les hommes. En effet, cette part atteint 16 à 18 % selon la filière parmi les hommes en catégorie C, alors qu'elle est en revanche très faible dans les catégories A et B, où les personnes potentiellement discriminées sont très peu présentes. Ces variations entre catégories d'emploi sont moins importantes parmi les femmes : déjà parce que la proportion de personnes potentiellement discriminées est moins élevée (9 %) parmi les femmes de catégorie C qu'elle ne l'était pour les hommes ; mais aussi parce qu'elles sont également un peu plus représentées parmi les femmes des catégories A et B.

3.1.2. Direction ou délégation La proportion de personnes potentiellement discriminées varie également suivant la direction ou la délégation, comme le montrent les résultats du tableau 25.

C'est à la Propreté que leur part est la plus importante, puisqu'elle représente 20 % des effectifs de cette direction, tandis qu'elle n'est que de 7 % à la Voirie, et que les proportions sont encore plus faibles – entre 3 et 6 % – dans les autres directions et délégations.

Page 38: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 38

Comme la Propreté est également la direction la plus importante en termes d'effectifs, on constate que 409 des 548 personnes potentiellement discriminées – soit les trois quarts de ce groupe – sont concentrées dans cette direction.

Tableau 25 Evolution de la proportion d'agents potentiellement discriminés

suivant la direction (situations professionnelles au 31/12/2005)

Direction ou délégation au 31/12/2005

Effectifs total

dont potentiellement discriminés

Propreté 2 039 409 20 % Voirie 629 47 7 % Eau 605 24 4 % DGR 707 43 6 % DGDU 268 16 6 % DGDEI 136 4 3 % Autres 200 5 3 %

Total 4 584 548 12 %

DGR = Délégation Générale aux Ressources DGDU = Délégation Générale au Développement Urbain DGDEI = Délégation Générale au Développement Economique et International

Le tableau 26 permet de constater que la proportion de personnes potentiellement discriminées atteint 21 % parmi les hommes travaillant à la Propreté, tandis qu'elle est deux fois moindre parmi les femmes travaillant dans cette même direction. Tableau 26 Evolution de la proportion d'agents potentiellement discriminés

suivant le sexe et la direction (situations professionnelles au 31/12/2005)

HOMMES FEMMES

Direction ou délégation au 31/12/2005

Effectif total

dont potentiellement discriminés

Effectif total

dont potentiellement discriminées

Propreté 1930 399 21 % 109 10 9 % Voirie 518 31 6 % 111 16 14 % Eau 510 19 4 % 95 5 5 % DGR 379 21 6 % 328 22 7 % DGDU 99 4 4 % 169 12 7 % DGDEI 53 1 2 % 83 3 4 % Autres 84 2 2 % 116 3 3 %

Total 3 573 477 13 % 1 011 71 7 %

Cette proportion est également bien plus faible parmi les hommes des autres directions et délégations, qui ne comptent que de 2 à 6 % de personnes potentiellement discriminées. Du côté des femmes, on peut signaler par ailleurs que c'est à la Voirie que la proportion de personnes potentiellement discriminées est la plus élevée, représentant 14 % des effectifs féminins de cette direction.

Page 39: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 39

3.1.3. Cadre d'emploi Le tableau 27 présente la répartition par cadre d'emploi au 31/12/2005 des personnes potentiellement non discriminées et de celles qui sont potentiellement discriminées, dans chaque filière et pour chaque sexe. Concernant les femmes en filière technique et les hommes en filière administrative, les effectifs concernés sont particulièrement faibles et limitent les exercices de comparaison. Leurs résultats n'ont été présentés qu'à titre indicatif, et les analyses et les commentaires proposés dans les pages suivantes ne porteront que sur les hommes en filière technique et les femmes en filière administrative, pour lesquels on dispose d'effectifs plus consistants pour effectuer des comparaisons. Tableau 27 Répartition par cadre d'emploi suivant la filière et le sexe

(situations professionnelles au 31/12/2005)

FILIERE TECHNIQUE HOMMES FEMMES

Cadre d'emploi au 31/12/2005

potentiellement non discriminés

potentiellement discriminés

potentiellement non discriminés

potentiellement discriminés

A. Ingénieur en chef 2 % 0 % 3 % Ingénieur 6 % 1 % 43 % (28 %)

B. Technicien 7 % 0 % 22 % (17 %) Contrôleur de travaux 2 % 1 % ( 6 %)

C. Agent de maîtrise 16 % 3 % 3 % ( 6 %) Agent technique 31 % 21 % 13 % (22 %) Agent de salubrité 36 % 75 % 15 % (22 %)

Total 100 % 100 % 100 % (100 %) Effectifs 2 976 467 292 18

FILIERE ADMINISTRATIVE HOMMES FEMMES

Cadre d'emploi au 31/12/2005

potentiellement non discriminés

potentiellement discriminés

potentiellement non discriminés

potentiellement discriminés

A. Administrateur 5 % 1 % Attaché 38 % (10 %) 17 % 13 %

B. Rédacteur 34 % (30 %) 17 % 6 %

C. Adjoint administratif 11 % (20 %) 30 % 17 % Agent administratif 12 % (40 %) 35 % 64 %

Total 100 % (100 %) 100 % 100 % Effectifs 120 10 648 53

N.B. : les pourcentages indiqués entre parenthèses doivent être interprétés avec prudence en raison de la faiblesse des effectifs concernés

Comme le suggéraient déjà les résultats du tableau 24, on constate que les personnes potentiellement discriminées sont pour la plupart concentrées dans la catégorie C. Parmi les hommes de la filière technique, il apparaît ainsi que 75 % des personnes potentiellement discriminées sont agents de salubrité. Si l'on ajoute les 21 % qui sont agents techniques, la presque totalité des hommes potentiellement discriminés reste donc cantonnée

Page 40: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 40

aux deux cadres d'emploi les moins qualifiés de la filière technique, tandis qu'ils sont très peu représentés parmi les agents de maîtrise, et sont quasiment absentes des catégories B et A. On constate que cette répartition est très différente de celle (dans la colonne voisine) concernant les hommes de la filière technique potentiellement non discriminés, puisque les deux tiers d'entre eux sont agents de salubrité ou agents technique, tandis que le tiers restant se répartit entre les cadres d'emploi d'agent de maîtrise (16 %), ainsi que dans les catégories B (9 %) et A (8 %). Les répartitions ne sont pas aussi contrastées parmi les femmes de la filière administrative, où les différences concernent essentiellement les cadres d'emploi d'agent et d'adjoint administratif. En effet, les deux tiers des personnes potentiellement discriminées sont agents administratifs, et plus rarement adjoints (dans 17 % des cas) ; tandis que les personnes potentiellement discriminées se répartissent de manière à peu près égale (respectivement 35 et 30 %) entre ces deux cadres d'emploi. A la différence des hommes de la filière technique, les femmes potentiellement discriminées sont davantages représentées dans les catégories B et A.

3.1.4. Type de poste (encadrant ou non encadrant) Dans la filière technique, 18 % des hommes potentiellement non discriminés occupent un poste encadrant au 31/12/2005, contre seulement 2 % des hommes potentiellement discriminés. L'écart très important entre les deux pourcentages s'explique avant tout par le fait que ces derniers sont pour la plupart agents de salubrité ou agents techniques. Or, ces deux cadres d'emploi ne comportent pas ou quasiment pas de postes encadrants, et la plupart des personnes potentiellement discriminées ne sont donc même pas concernées par l'accès éventuel à un tel poste. Le constat est d'ailleurs sensiblement le même pour les femmes en filière administrative (tableau 28 bis). Tableau 28 Proportion d'hommes occupant un poste encadrant en filière technique

(situations professionnelles au 31/12/2005)

HOMMES EMPLOYES EN FILIERE TECHNIQUE

POTENTIELLEMENT NON DISCRIMINES

POTENTIELLEMENT DISCRIMINES

Cadre d'emploi au 31/12/2005 Effectif total

dont encadrants Effectif total

dont encadrants

A. Ingénieur en chef 49 33 67 % 1 ( 0 %) Ingénieur 184 62 34 % 5 2 ( 40 %)

B. Technicien 263 81 31 % 1 1 (100 %) Contrôleur

C. Agent de maîtrise 479 338 71 % 12 6 ( 50 %) Agent technique 906 ---- ---- 97 ---- ---- Agent de salubrité 1 095 13 1 % 351 0 %

Total 2 976 527 18 % 467 9 2 %

Finalement, seul un très petit nombre de personnes potentiellement discriminées sont en situation d'occuper éventuellement un poste d'encadrant, parce qu'ils sont ingénieurs (6 personnes), technicien (1 cas), agents de maîtrise (12 cas) ou encore administrateurs (7 cas).

Page 41: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 41

Les pourcentages calculés pour déterminer la proportion d'encadrants n'ont qu'un caractère anecdotique. On peut toutefois remarquer que ces "proportions" sont globalement comparables pour les deux groupes. Tableau 28 bis Proportion de femmes en filière administrative occupant un poste encadrant

(situations professionnelles au 31/12/2005)

FEMMES EMPLOYEES EN FILIERE ADMINISTRATIVE

POTENTIELLEMENT NON DISCRIMINEES

POTENTIELLEMENT DISCRIMINEES

Cadre d'emploi au 31/12/2005 Effectif total

dont encadrants Effectif total

dont encadrants

A. Administrateur 112 45 40 % 7 3 (43 %) Attaché

B. Rédacteur 113 12 11 % 3 ( 0 %)

C. Adjoint administratif 194 ---- ---- 9 ---- ---- Agent administratif 229 ---- ---- 34 ---- ----

Total 648 57 9 % 53 3 6 %

3.2. Les carrières au Grand Lyon Comme pour la comparaison entre hommes et femmes, les analyses qui vont suivre s'intéresseront dans un premier temps aux situations occupées lorsque les personnes sont entré au Grand Lyon ; puis il s'agira de comparer ces situations à l'entrée avec celles occupées au 31/12/2005, afin de repérer les individus ayant changé de cadre d'emploi et/ou accédé à un poste encadrant, et de vérifier si ces changements concernent dans les mêmes proportions les individus potentiellement discriminés ou non.

3.2.1. Changer de cadre d'emploi Les situations occupées parmi les hommes de la filière technique à leur entrée au Grand Lyon montrent des écarts moins importants entre les personnes potentiellement discriminées et les personnes potentiellement discriminés, que les écarts précédemment constatés à partir des situations au 31/12/2005.24

Concernant les personnes potentiellement discriminées, elles restent concentrées pour la quasi totalité d'entre elles dans les cadres d'emploi d'agent de salubrité et d'agent technique, tandis que très peu d'entre eux sont entrés directement au Grand Lyon en tant qu'agent de maîtrise, technicien ou ingénieur. La répartition des hommes potentiellement non discriminés n'est finalement pas très différente, puisque 85 % d'entre eux sont également entré au Grand Lyon en tant qu'agent de salubrité ou d'agent technique, et c'est avant au niveau de la part respective de ces deux cadres d'emploi que se situent les principales différences avec les hommes potentiellement non discriminés. 24 Cf. tableau 27 paragraphe 3.1.3.

Page 42: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 42

Tableau 29 Cadre d'emploi à l'entrée au Grand Lyon

(hommes ayant débuté en filière technique après le 01/01/1986)

HOMMES EMPLOYES EN FILIERE TECHNIQUE

Cadre d'emploi à l'entrée potentiellement non discriminés

potentiellement discriminés

A. Ingénieur* 91 7 % 3 1 %

B. Technicien 85 6 % 3 1 % Contrôleur de travaux 8 1 %

C. Agent de maîtrise 26 2 % 2 1 % Agent technique 413 30 % 46 13 % Agent de salubrité 759 55 % 310 85 %

Total 1 382 100 % 364 100 %

* le grade à l'entrée n'étant pas toujours renseigné, il n'est pas possible de distinguer les ingénieurs en chef des ingénieurs. Il en sera de même dans les tableaux suivants.

Cette relative proximité des emplois occupés en début de carrière par les deux groupes laisse supposer que les écarts que l'on avait constatés précédemment au 31/12/2005 peuvent en fait s'être creusés avec les évolutions de carrière. D'où l'intérêt du tableau 30, qui indique la proportion d'individus ayant changé de cadre d'emploi entre le moment où ils sont entré au Grand Lyon et le 30/12/2005. Tableau 30 Proportion d'agents ayant changé de cadre d'emploi

entre leur entrée au Grand Lyon et le 31/12/2005 (hommes ayant débuté en filière technique après le 01/01/1986)

HOMMES EMPLOYES EN FILIERE TECHNIQUE

POTENTIELLEMENT NON DISCRIMINES

POTENTIELLEMENT DISCRIMINES

Cadre d'emploi à l'entrée Effectif total

dont "mobilité ascendante"

Effectif total

dont "mobilité ascendante"

A. Ingénieur 91 ---- ---- 3 ---- ----

B. Technicien 85 8 9 % 3 1 (33 %) Contrôleur 8 5 (63 %)

C. Agent de maîtrise 26 5 19 % 2 ( 0 %) Agent technique 413 56 14 % 46 4 9 % Agent de salubrité 759 119 16 % 310 28 9 %

Total 1 382 193 14 % 364 33 9 %

Il apparait en effet que les hommes potentiellement non discriminés ont changé plus fréquemment de cadre d'emploi que les hommes potentiellement discriminés. Les écarts sont les plus nets dans la catégorie C, où l'on dispose d'effectifs suffisants. On constate par exemple que, parmi les hommes potentiellement non discriminés ayant débuté au Grand Lyon en tant qu'agent de salubrité, 16 % ont par la suite changé de cadre d'emploi, alors qu'ils ne sont que 9 % à avoir connu une mobilité similaire parmi les hommes potentiellement discriminés.

Page 43: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 43

Les tableaux 31 et 32 présentent pour les femmes de la filière administrative le même type d'analyse, en comparant d'abord leurs situations à l'entrée au Grand Lyon (tableau 31), puis en les confrontant aux situations finalement occupées au 31/12/2005 pour repérer d'éventuels changements (tableau 32). Tableau 31 Cadre d'emploi à l'entrée au Grand Lyon

(femmes ayant débuté en filière administrative après le 01/01/1986) FEMMES EMPLOYEES EN FILIERE ADMINISTRATIVE

Cadre d'emploi à l'entrée potentiellement non discriminées

potentiellement discriminées

A. Administrateur 2 1 % Attaché 54 17 % 2 5 %

B. Rédacteur 46 14 % 4 10 %

C. Adjoint administratif 40 12 % 2 5 % Agent administratif 179 56 % 32 80 %

Total 321 100 % 40 100 %

Concernant les situations à l'entrée au Grand Lyon, on remarque que 80 % des femmes potentiellement discriminées sont entrées au Grand Lyon sur des emplois d'agent administratif, contre seulement 56 % des femmes potentiellement non discriminées. Des écarts apparaissent également dans les autres cadres d'emploi, et notamment dans les emplois de catégorie A, sur lesquels très peu de femmes potentiellement discriminées ont été embauchées. Tableau 32 Proportion d'agents ayant changé de cadre d'emploi

entre leur entrée au Grand Lyon et le 31/12/2005 (femmes ayant débuté en filière administrative après le 01/01/1986)

FEMMES EMPLOYEES EN FILIERE ADMINISTRATIVE

POTENTIELLEMENT NON DISCRIMINEES

POTENTIELLEMENT DISCRIMINEES

Cadre d'emploi à l'entrée Effectif total

dont "mobilité ascendante"

Effectif total

dont "mobilité ascendante"

A. Administrateur 2 ---- ---- ---- ----

Attaché 54 0 % 2 (0 %)

B. Rédacteur 46 5 11 % 4 1 (25 %)

C. Adjoint administratif 40 6 15 % 2 ( 0 %) Agent administratif 179 37 21 % 32 2 6 %

Total 321 48 15 % 40 3 8 %

Quant à la comparaison de ces situations à l'entrée avec celles finalement occupées au 31/12/2005, les résultats présentés dans le tableau 32 montrent – comme pour les hommes de la filière technique – l'existence des écarts en faveur des personnes potentiellement non discriminées, qui ont en général plus souvent changé de cadre d'emploi que leurs homologues potentiellement discriminées.

Page 44: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 44

3.2.2. Accéder à un poste d'encadrant Le tableau 33 compare parmi les hommes de la filière technique la proportion d'individus occupant un poste encadrant à leur entrée au Grand Lyon, selon qu'il s'agit ou non de personnes potentiellement discriminées. La comparaison s'avère très rapide, dans la mesure où l'on vient de voir25 que la presque totalité des hommes potentiellement discriminés avaient débuté sur des emplois d'agent de salubrité ou d'agent technique, qui précisément ne comportent pas ou quasiment pas de poste encadrant. Et de fait, seuls des hommes potentiellement non discriminés – au nombre de 50 – occupaient ce type de poste à leur entrée au Grand Lyon. Tableau 33 Proportion d'agents occupant un poste encadrant à leur entrée au Grand Lyon

(hommes ayant débuté en filière technique après le 01/01/1986)

HOMMES EMPLOYES EN FILIERE TECHNIQUE

POTENTIELLEMENT NON DISCRIMINES

POTENTIELLEMENT DISCRIMINES

Cadre d'emploi à l'entrée Effectif total

dont encadrants Effectif total

dont encadrants

A. Ingénieur 91 2 3 25 % 3 ( 0 %)

B. Technicien 85 9 11 % 3 ( 0 %) Contrôleur 8 1 (13 %)

C. Agent de maîtrise 26 16 62 % 2 1 (50 %) Agent technique 413 ---- ---- 46 ---- ---- Agent de salubrité 759 1 0 % 310 0 %

Total 1 382 50 4 % 364 1 0 %

Le tableau 34 permet de vérifier si, à défaut d'avoir accédé à des postes d'encadrant dès leur entrée au Grand Lyon, des personnes potentiellement discriminées ont pu durant la suite de leur carrière accéder à ce type de poste. Les résultats du tableau 34 montrent que ces passages d'un poste non encadrant à un poste encadrant sont restés exceptionnels parmi les personnes potentiellement discriminées : on remarque par exemple que parmi ceux ayant débuté comme agents de salubrité, seuls 1 % occupent finalement un poste d'encadrant au 31/12/2005, alors que ces passages ont été quatre fois plus fréquents parmi les hommes potentiellement non discriminés ayant débuté dans le même cadre d'emploi.

25 Cf. Tableau 30 paragraphe 3.2.1.

Page 45: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 45

Tableau 34 Proportion d'agents qui sont passés d'un poste non encadrant à un poste encadrant

(hommes ayant débuté en filière technique après le 01/01/1986)

HOMMES EMPLOYES EN FILIERE TECHNIQUE

POTENTIELLEMENT NON DISCRIMINES

POTENTIELLEMENT DISCRIMINES

Cadre d'emploi à l'entrée Non encadrants

dont devenus encadrants

Non encadrants

dont devenus encadrants

A. Ingénieur 68 12 18 % 3 1 (33 %)

B. Technicien 76 18 24 % 3 2 (67 %) Contrôleur 7 ( 0 %)

C. Agent de maîtrise 10 3 (30 %) 1 ( 0 %) Agent technique 413 34 8 % 46 2 4 % Agent de salubrité 758 28 4 % 310 2 1 %

Total 1 332 95 7 % 363 7 2 %

Les résultats concernant les femmes de la filière administrative ne permettent pas d'effectuer le même type de comparaison, en raison de la faiblesse des effectifs concernés – et notamment de la quasi absence de femmes potentiellement discriminées dans des cadres d'emploi comportant des postes encadrants. Les tableaux 35 et 36 ci-dessous ne sont donc présentés qu'à titre indicatif. Tableau 35 Proportion d'agents occupant un poste encadrant à leur entrée au Grand Lyon

(femmes ayant débuté en filière administrative après le 01/01/1986)

FEMMES EMPLOYEES EN FILIERE ADMINISTRATIVE

POTENTIELLEMENT NON DISCRIMINEES

POTENTIELLEMENT DISCRIMINEES

A. Administrateur 2 1 (50 %) ---- Attaché 54 10 19 % 2 (0 %)

B. Rédacteur 46 2 4 % 4 (0 %)

C. Adjoint administratif 40 ---- ---- 2 ---- ---- Agent administratif 179 ---- ---- 32 ---- ----

Total 321 13 4 % 40 0 0 %

Tableau 36 Proportion d'agents qui sont passé d'un poste non encadrant à un poste encadrant

(femmes ayant débuté en filière administrative après le 01/01/1986)

FEMMES EMPLOYEES EN FILIERE ADMINISTRATIVE

POTENTIELLEMENT NON DISCRIMINEES

POTENTIELLEMENT DISCRIMINEES

A. Administrateur 1 (0 %) Attaché 44 4 9 % 2 1 (50 %)

B. Rédacteur 44 1 2 % 4 ( 0 %)

C. Adjoint administratif 40 (0 %) 2 ( 0 %) Agent administratif 179 2 1 % 32 0 %

Total 308 7 2 % 40 1 3 %

Page 46: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 46

Page 47: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 47

Partie 2 Les agents du Grand Lyon et la discrimination à raison du sexe et de « l’origine » Approche qualitative

Annick Marnas Annie Maguer Avec la collaboration pour les enquêtes de Sandrine Argant

Page 48: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 48

Introduction Le travail qualitatif présenté ici vient compléter l’étude quantitative engagée, avec l’objectif de repérer dans le milieu du travail que représente le Grand Lyon, les représentations, les procédures, les critères, les pratiques qui peuvent soit être porteurs ou facteurs de discriminations soit à l’inverse réguler leur existence. Le repérage des procédés et procédures de recrutement, la description des situations de travail, la compréhension des trajectoires professionnelles, la mise en évidence des représentations concernant les discriminations liées au genre et à l’origine constituent autant d’éléments explicatifs préalables à toute forme d’amélioration. Pour obtenir une représentation contrastée des réalités professionnelles, nous avons veiller à interroger une variété d’agents. Les premiers constats, et notamment les discours prégnants évoquant des actions racistes dans certains services, invitaient à se centrer sur des services urbains. L’objet central du projet, les discriminations, ne se réduisant pas aux seuls faits de racisme déjà repérés d’ailleurs par les organisation syndicales, il a donc été décidé de réaliser le diagnostic sur quatre directions ou délégation : DRH, Finances, Eau, Propreté, afin de constituer un corpus significatif d‘agents tant en termes de catégories d’emploi, de filières (administrative/technique26) que de fonctions ainsi, bien sûr, que de femmes et d’hommes, d’origines réelles ou supposées (par leur nom de famille, leur couleur) différentes. Cadre méthodologique de l’étude

Déroulement des entretiens La réalisation des entretiens s’est déroulée du début février à la mi-mai 2007. Les agents ont été reçus dans les locaux d’ISM-CORUM afin d’assurer un certain anonymat et un maximum d’indépendance dans les propos tenus. Cette initiative a été soutenue par la direction du Grand Lyon qui a fourni des carnets de tickets de bus-métro aux agents pour leur permettre de se présenter à l’entretien sans en supporter les frais de déplacement. La DRH a affiché dans les services une information générale concernant la démarche entreprise, a contacté les agents sélectionnés par nos soins,27 par courrier, directement à leur domicile afin d’éviter les intermédiaires dans la transmission d’informations et en conséquence limiter d’éventuelles pressions sur les agents. Les entretiens de type « semi-directifs »28 ont duré entre deux et quatre heures et ont été réalisés en face à face, de manière strictement individuelle et confidentielle. Il a été préalablement acté avec la DRH que la durée d’un entretien étant de 3 heures en moyenne, les personnes y participant pouvaient s’absenter une demi-journée de leur poste de travail, voire la matinée entière pour les agents techniques en poste du matin.

26 Rappelons qu’en décembre 2005, la filière technique représente 82% des effectifs, la filière administrative 18%. 27 Cf infra 1.2 28 Le guide général d’entretien figure en annexes.

Page 49: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 49

Il convient de noter également le rôle facilitateur des syndicats ou encore de chefs de service impliqués dans AVERROES qui en ont relayé l’intérêt. Dans un premier temps, des entretiens avec des personnels en responsabilité RH ont permis d’avoir des éléments sur les procédures de recrutement complémentaires aux documents transmis aux membres du CRA par la DRH. Dans un second temps, les agents ont été sollicités pour décrire leur propre parcours professionnel, leur poste, leur entrée au Grand Lyon, leur évolution, leurs perspectives… Plusieurs points ont été explorés : l’expérience du recrutement, que ce soit le leur ou ceux auxquels ils peuvent participer, la description des conditions de travail, des relations de travail tant avec les collègues qu’avec la hiérarchie, leur définition de la discrimination, leur perception de leur existence ou non existence au Grand Lyon, les situations éventuellement rencontrées, les réactions. Ce matériau recueilli par prise de notes informatisée, simultanée, a fourni plus de 1300 pages qui ont ensuite été exploitées sous le logiciel Modalisa.

Sélection du corpus d’enquête

Outre la définition d’un périmètre d’étude comprenant les quatre grandes directions évoquées (Propreté, Eau, DRH et Finances) nous avons proposé une grille combinant les divers critères validés par le CRA, afin de sélectionner de façon raisonnée environ 70 agents.29 La variété des profils des agents porte également sur les trois niveaux statutaires A, B, C.30 Les syndicats ayant attiré notre attention sur la position « d’encadrant » ou « non-encadrant » des agents, cet élément a été pris en compte pour sélectionner les agents invités à participer à cette étude.31 Par ailleurs, au regard de l’objet qui nous préoccupe ici, il convenait d’interroger des hommes et des femmes32 ainsi que des agents susceptibles d’être l’objet de discrimination directe ou indirecte en raison de l’origine qu’ils sont susceptibles de se voir attribuer à partir de leur apparence physique ou leur patronyme33. Le travail entrepris ici n’ayant pas comme objectif de saisir l’opinion d’un échantillon représentatif des agents du Grand Lyon, nous n’avons pas procédé à un échantillonnage représentatif aléatoire ni à un échantillon par quotas qui aurait visé à reproduire la répartition mise au jour dans l’état des lieux quantitatif, précédemment cité. Nous avons opté pour le recueil d’un corpus significatif à partir d’une sélection raisonnée concernant ces différents critères de manière à obtenir suffisamment de discours qui rendent possible l’analyse de l’impact dans les trajectoires et les représentations, de ces critères (sexe, patronyme, couleur, par rapport aux autres critères (catégories, filières, directions, fonctions d’encadrant ou non).

29 Précisons que cela représente plus de 110 sollicitations ; certains agents ayant refusé de participer à l’enquête, d’autres étant en congés au cours de la période, d’autres encore n’appartenant plus au fichier du personnel (au 31 décembre 2005) à partir duquel la sélection a été opérée, ont dû être remplacés par des agents aux caractéristiques socio-démographiques et professionnelles équivalentes. 30 Pour rappel : la catégorie A représente 12.5 % des effectifs, la B : 11% et la C : 76.5%. Au niveau de la filière technique, ce sont respectivement : 10.5%, 9% et 80.5% Au niveau de la filière administrative, ce sont respectivement : 21.5%, 19.5% et 59% 31 Pour rappel : les encadrants représentent 14% des effectifs 32 Si la part des femmes est de 22% au total des effectifs du Grand Lyon, elle n’est que de 8% dans la filière technique et atteint 84% dans la filière administrative. 33 Ils représentent 12% des effectifs.

Page 50: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 50

1. Définition de la discrimination par les agents

1.1. Une définition générale en termes de perception ou de pratiques

Les réponses des agents du Grand Lyon interrogés sur ce qu’est la discrimination, s’organisent en deux grandes tendances.

1.1.1- La discrimination : un jugement sur une différence

Plusieurs définitions mettent l’accent sur la manière de percevoir autrui. Elles évoquent les préjugés, les a priori, le manque de tolérance, le jugement… On retrouve ici une approche large en lien avec l’étymologie latine discriminatio « séparation ». Le premier sens psychologique ou littéraire donné par le Petit Robert de la Langue Française renvoie à « l’action de distinguer l'un de l'autre (des objets de pensée concrets)(…) l’action de discerner, de distinguer les choses les unes des autres avec précision, selon des critères définis. »

- « Pour moi c’est juger la personne vis à vis de son appartenance à une communauté, de son faciès et surtout de son origine. » e14 - « c’est quand on a des préjugés sur quelqu’un car il a les cheveux frisés, le teint mate ou le faciès, je pense que c’est beaucoup sur le faciès. » e27 - « c’est avoir des a priori sur des personnes en fonction de leur sexe, âge religion, origines, des a priori car lorsqu’on connaît les gens on se fait sa propre opinion même si on continue à penser ce qu’on pense au départ ; il y a beaucoup d’ignorance des cultures etc. » e37 - « c’est ne pas accepter la différence » e40 - « C’est ça la discrimination, juger les gens pour ce qu’ils représentent et pas ce qu’ils sont » e43 - « Je pense que c’est quelqu’un qui n’accepte pas les personnes, qu’elles soient femmes, étrangers. Préjugés sur des gens qu’ils connaissent pas et parlent d’eux sans les connaître. » e54

1.1.2- La discrimination : un traitement différencié ou /et inégalitaire

D’autres définitions proposent une formulation en termes plus opérationnels, une référence à des pratiques, portant plus sur les effets de la discrimination, qui correspond davantage au second sens, d’usage courant, énoncé par le Petit Robert « le fait de séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal. »

« Inégalité de traitement entre deux personnes, une réaction différente suivant les intervenants suivant la personne. » e12

« Pour moi c’est faire une différence entre deux personne pour x raisons, sexistes, raciales, culturelle, de religion. C’est ne plus mettre les personnes sur un pied d’égalité » e36

« On n’est pas traité à égalité tout simplement. On a beau nous dire qu’on est tous égaux devant tout ce qu’on veut, l’égalité n’y est pas. On n’a vraiment pas tous les mêmes chances. » e30

Nous retrouvons là une conception de l’égalité formelle ou abstraite34 à laquelle la France est particulièrement attachée.

34 Fiche n°3 Millénaire 3 Grand Lyon « Les cadres conceptuels jamais neutres. Discriminations « raciales » et politiques antidiscriminatoires. » « La première conception est celle sur laquelle s’est historiquement appuyée la France : la loi

Page 51: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 51

Le préambule de la Constitution de 1946 insiste sur cette idée « (...) le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.(...) La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.(...) Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. » qui sera reprise dans l’article premier de celle de 1958 « la France est une République indivisible laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » N’oublions pas non plus, que l’étude se situe dans le cadre de la fonction publique territoriale et que la notion d’égalité est une valeur importante du service public. La rupture du principe d’égalité auquel les agents font référence se traduit d’abord par la mise en avant d’un favoritisme injustifié,

« C’est toute mesure privilégiant une catégorie, une personne au détriment d’une autre. »

« C’est favoriser une personne par rapport à une autre en fonction de critères raciaux sexistes physiques et des choses comme ça. »

Mais aussi, par l’accent mis davantage sur un aspect négatif à travers le refus ou le rejet. « C’est refuser quelque chose à quelqu’un en fonction d’un critère personnel qui ne me correspond pas. » e23

« C’est un rejet pour une différence. » e59

« Je vois ça d’une façon négative. C’est quelque part dévaloriser quelqu’un par rapport à sa race, son sexe, sa couleur de peau. Une connotation négative et dévalorisante. C’est par rapport à une norme que l’on s’est donnée et tout ce qui est en dehors pose des problèmes. » e18

« La discrimination pour moi c’est de fermer la porte devant par exemple une personne qui est d’une autre couleur ou autre origine et ne pas lui laisser la possibilité d’accéder aux mêmes droits que les autres. » e31

1.1.3- Les agents du grand Lyon et les deux termes de la définition

Notons qu’on retrouve ces deux dimensions de la définition de la discrimination donnée par les agents dans d’autres études qui ont pu être réalisées par Ism-Corum que ce soit en entreprise35, ou dans la fonction publique36. Dans la fonction publique d’Etat, certains agents évoquaient une simple définition en terme « d’opération intellectuelle », ramenant la discrimination à toute opération de sélection, d’autres privilégiaient le « jugement sur autrui », d’autres l’abordaient soit « en termes juridiques et déontologiques » soit en termes de « pratiques concrètes ». Dans l’entreprise Casino, les définitions données par les salariés ont été rassemblées en deux catégories principales soit « d’opinions sur les gens » soit de « critères et de pratiques ». Toutes ces études qui totalisent 142 entretiens réalisés nous

« formelle », qui s’applique de façon uniforme à tous et en toute situation, permet en elle-même de réaliser le principe d’égalité. Mais la pluralité et la complexité du monde contemporain ont amené, en France et plus encore au niveau communautaire européen, à tenir compte de la multiplicité des situations concrètes et à adapter, au besoin, l’application de la loi aux réalités. C’est l’idée d’ « égalité réelle » ou « concrète ». 35 « Diagnostic partagé sur les discriminations liées à l’origine et au sexe » - Résultat d’une recherche-action au sein du groupe Casino Programme Equal- Lucidité, juin 2005 Eric Cédiey- Ism-Corum. « Diagnostic des discriminations liées à l’origine ». Programme Equal lucidité, Adecco, Oyonnax , Sid Ali Zaïr, Ism-Corum, mai 2005 36 « Pour une exploration de la question des discriminations dans la relation de service, l’accès à l’emploi et le déroulement de carrière ». Préfecture de l’Isère. Programme Equal-Lucidité, mai 2005, Annie Maguer-Ism-Corum

Page 52: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 52

montrent donc que ces deux dimensions dans la définition de la discrimination se retrouvent aussi bien chez les agents de l’Etat, les salariés du privé que chez les agents de la Fonction Publique Territoriale. Toutefois, dans l’étude concernant les processus de recrutement dans deux agences d’Adecco, Sid-Ali Zaïr constatait en premier lieu une difficulté à définir la discrimination raciale : «en l’absence d’outils théoriques d’analyse et de compréhension du phénomène discriminatoire, la discrimination peut apparaître comme affectant tous les domaines, non seulement le monde du travail mais aussi le monde social. Sont alors énumérées un certain nombre de situations identifiées comme des discriminations, « la pauvreté, l’origine sociale », alors qu’il eut été préférable de parler d’inégalités, de différenciations». Cette perception « fourre-tout » conduit ainsi à donner le sentiment d’un phénomène impalpable sur lequel il devient difficile d’agir. Dans le cadre du Grand Lyon, si l’on retrouve en partie cette définition qui renvoie à un jugement global, il apparaît qu’une partie des agents a conscience d’une définition de la discrimination davantage fondée dans ses effets, mettant en avant le traitement inégalitaire ce qui laisse augurer d’une meilleure possibilité d’action sur le processus discriminatoire qui peut être systémique. Contrairement à ce qui se passe lors des entretiens réalisés en préfecture, on ne retrouve pas le sentiment que poser la question de la discrimination est déplacée dans le contexte du Grand Lyon. Les agents ne s’étonnent pas qu’une telle question puisse être énoncée même dans le cadre de la fonction publique.

Si l’on observe des agents des trois catégories A, B, C, des deux sexes, d’origine extra-européenne ou non, en position d’encadrement ou non dans les deux formes de définition, on s’aperçoit que les agents qui s’en tiennent à une définition en termes de perception d’autrui sont en tendance plutôt de sexe féminin quelle que soit la filière administrative ou technique. Pour les hommes, ils sont dans la filière technique, en catégorie C. Les agents de catégorie A ou B, en position d’encadrement, hommes ou femmes, qui se réfèrent à cette définition, ont majoritairement un « patronyme potentiellement discriminé » alors que les agents encadrants, de catégorie A et B, proposant une définition en termes de traitement inégalitaire ne sont le plus souvent pas porteurs d’un tel patronyme. Les agents, hommes, de catégorie C qui se référent à cette définition de la discrimination, appartiennent autant à la filière administrative que technique.

Est-ce le vécu de phénomènes racistes et sexistes qui conduit les hommes de catégorie C en filière technique avec un « patronyme potentiellement discriminé » ainsi que leurs homologues femmes, y compris en position d’encadrement et en catégorie A ou B, à centrer leur attention sur le jugement ? Nous aborderons le lien opéré par les agents entre racisme, sexisme et discrimination un peu plus loin.

1.1.4- De la rupture du principe d’égalité…à la non-discrimination Dans leur article faisant le point sur les débats autour de la discrimination, Séverine Lemière, et Rachel Silvera pointent les deux principes présents dans l’analyse de la discrimination, sur le plan juridique : le principe d’égalité et celui de non-discrimination.

Page 53: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 53

On passe donc d’un principe d’égalité non respecté à une définition qui s’approche de l’usage plus limité du concept de discrimination, lequel s’attache à proscrire certaines différences de traitement et à en lister les critères et les domaines. Ne pas discriminer ce n’est pas appliquer le même traitement à tous, c’est faire en sorte que les traitements appliqués ne dépendent pas de critères illicites et qu’ils puissent être justifiés.

« Pour moi, la discrimination est multiforme, elle peut porter sur plusieurs aspects, physique, ethnique, social, culturel, sexe, la couleur, la religion, économique. Par rapport à ces considérations, on va écarter une personne, sur ces motifs là. Ce sont des critères qui n’ont pas de lien avec les exigences demandées par la sélection. Par exemple en matière de logement, j’ai la caution et tout, et quand j’arrive ça ne va pas, parce que vous êtes de couleur. Pour la FPT, compétence, casier judiciaire vierge, aptitude médicale, nationalité française ou européenne. » e63

« C’est lorsque du fait de son appartenance ou de son origine ou ses opinions politiques, syndicales, ou sa religion éventuelle, des décisions sont prises à l’égard de l’agent qui tiennent compte de sa situation et lui portent préjudice » e4

Les situations inégalitaires ne sont donc pas forcément le résultat de discriminations. La loi s’efforce d’énoncer les caractéristiques des individus qui, si elles étaient prises en considération dans la sphère professionnelle par exemple, se révéleraient être discriminatoires. Les textes juridiques de référence : la loi du 16 novembre 2001 et la loi du 27 mai 200837 viennent modifier le code du travail qui énumère le champ et les critères des discriminations dans l’article L. 1132-1 : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou d’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de son apparence physique, de son nom de famille ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, en raison de son état de santé ou son handicap ».

Un certain nombre d’agents, femmes, font bien la distinction entre des situations d’inégalités et celles de discrimination qui supposent la mobilisation d’un critère illégitime dans la réalisation d’un choix.

« C’est sélectionner sur des critères raciaux, sexuels, ou autres, ... » e20

« Pour moi, multiforme peut porter sur plusieurs aspects, physique, ethnique, social, culturel, sexe, la couleur, la religion, économique. Par rapport à ces considérations, on va écarter une personne, sur ces motifs-là. Ce sont des critères qui n’ont pas de lien avec les exigences demandées par la sélection » e63

« Pour moi c’est juger une personne sur sa différence, après petit-grand, noir-rouge. C’est juste une question d’apparence et pas de compétence. » e48

37 loi n°2008-496 du 27 mai 2008 complétant la transposition du droit communautaire

Page 54: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 54

1.2 - Une définition qui réfère à des critères

1.2.1- Une large palette

Dans le cadre de la réponse à la question de la définition donnée à la discrimination, un certain nombre d’agents ne précisent pas de critères discriminatoires, se référant uniquement à l’idée générale de différence. Ceci est le fait aussi bien d’hommes que de femmes mais plutôt de personnes qui ne se trouvent pas en position d’encadrement. Par ailleurs, nous remarquons que ces agents travaillent plutôt pour la direction de l’eau ou bien en DRH/Finances. Parmi eux, les personnes ayant un patronyme pouvant induire une discrimination sont majoritaires. Il conviendra de vérifier ultérieurement ce que nous disent ces personnes de leur expérience personnelle de la discrimination.

Sur l’ensemble des entretiens, voici l’éventail des facteurs discriminatoires repérés par les agents : l’origine ou la race, le sexe, l’âge, l’orientation sexuelle, le handicap, les opinions politiques ou religieuses, l’apparence physique. Notons qu’ont également été spécifiés comme facteurs de discrimination potentielle, au niveau physique : le poids, la taille, la beauté. D’autres motifs sont mentionnés : l’opposition capitale/province, l’opposition administration/ technique ou contractuel/titulaire, l’argent, la manière de s’exprimer, la culture. Finalement, toute différence peut devenir alors un critère de discrimination si elle est utilisée pour un arbitrage indépendant des strictes questions de compétences professionnelles. Cela conduit un agent de catégorie A en position d’encadrement à se demander s’il ne discrimine pas lorsqu’il organise le travail en tenant compte de certains critères.

« Il y en a une qui me pose problème et que je pratique ; comme on est dans un système avec obligation de résultats avec une charge de travail importante et une équipe avec un panel de populations, quand vous êtes responsable, certains donnent satisfaction et d’autres compliquent les choses. Naturellement, vous allez voir celui qui produit quand vous avez quelque chose à confier. Avec le souci du résultat on ne sollicite pas les « planqués ». J’avais quelqu’un qui ne pouvait pas dire trois mots sans parler de problèmes, on passe un temps fou à décortiquer. J’ai l’impression d’avoir été roulé dans la farine pendant longtemps. C’est une forme de discrimination, il y a un aspect négatif à l’égard de celui qui est toujours sollicité. » e9

Cela pose la question de la limite de la définition retenue de la discrimination sachant que par ailleurs on peut s’interroger sur les caractéristiques qui sont peut-être implicitement associées à la catégorie ainsi mobilisée « les planqués ». En effet, cette dernière peut renvoyer de façon euphémisée à l’appartenance à un groupe défini par d’autres caractéristiques.

Quelques agents seulement ont mentionné le handicap, dont parmi eux des personnes en situation de handicap, quelques femmes exerçant des fonctions d’encadrement en catégorie A ou B. Auraient-elles été plus sensibilisées au cours de leur formation dans la mesure où ce sont des femmes qui exercent des fonctions de coordination ou en lien avec la prévention ou fonction RH ? Soulignons que parmi ces agents aucun n’a un « patronyme potentiellement discriminé ». Huit agents font référence au critère d’âge, autant d’hommes que de femmes, encadrants ou non, en filière technique ou administrative, plutôt en catégorie B ou A et avec une formation initiale supérieure au baccalauréat.

Page 55: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 55

L’engagement syndical est relativement peu cité, lorsqu’il l’est, c’est par quelques agents syndiqués ou ayant des responsabilités dans la fonction ressources humaines et donc habitués à travailler en lien avec les syndicats. La grande majorité des agents a mentionné spontanément au moins deux facteurs de discrimination : les femmes en position d’encadrement dans la filière technique ou non-encadrante dans la filière administrative, quelles que soient leurs catégories. Les hommes non-encadrants de la filière administrative en catégorie B ou C et les encadrants de catégorie C en filière technique portant un « patronyme potentiellement discriminé ». Il est à noter que la plupart de ces agents exercent une fonction qui n’est pas sans lien avec la fonction RH.

1.2.2- La discrimination raciale ou selon l’origine

Les agents qui centrent leur attention sur la discrimination raciale sont tendanciellement plutôt des agents de catégorie C, le plus souvent porteurs d’un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » (voire se reconnaissant comme « Domiens »). Cette discrimination est déclinée à partir de plusieurs expressions. Neuf agents utilisent uniquement le vocable « race », tant hommes que femmes mais exclusivement dans la filière technique, de toutes catégories. Chez les femmes, elles sont en position d’encadrement, aucune d’elles n’a de patronyme d’origine extra-européenne contrairement aux hommes qui emploient le terme. D’autres parlent « d’origine », « d’origines culturelles » voire de « faciès » ou « d’accent ». Mais d’une manière générale, la majorité des agents interrogés a évoqué la discrimination raciale en cumulant différentes manières de la désigner à travers les critères de « race », « origine », « couleur », le « patronyme » voire en évoquant la nationalité mais aussi la « religion ». On remarque que parmi les agents qui mentionnent cette dernière, ils le font toujours en lien avec au moins une caractéristique renvoyant à l’origine. Une association n’est établie entre conviction religieuse et origine ou patronyme que pour la religion musulmane et l’origine ou le patronyme du Maghreb. Qu’ils soient hommes ou femmes, ils appartiennent avant tout aux catégories A et B avec une fonction d’encadrement et portent un « patronyme non discriminé ».

1.2.3- La discrimination sexuelle

Globalement, la moitié des agents ont cité conjointement la discrimination raciale et sexuelle, la seconde étant le plus souvent évoquée en deuxième lieu. Les quelques fois où elle est citée en première instance c’est par des femmes qui portent par ailleurs un « patronyme non discriminé ». Parmi les agents masculins n’ayant pas directement fait mention de ce critère de discrimination, on trouve plutôt des agents de catégorie C. On remarque également que les hommes qui ne mentionnent pas ce critère exercent en proportion leur activité à la direction de la propreté et secondairement à la direction de l’eau, lieux où la présence féminine est quantitativement moins importante.

Page 56: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 56

1.3- La discrimination pensée comme une action ou un état Dans la majorité des cas, les agents ont utilisé une expression qui relève plutôt de la forme verbale active « discriminer c’est… ». La discrimination « c’est juger la personne », « c’est faire une différence », « c’est refuser quelque chose à quelqu’un », « mettre de côté », « ne pas appliquer le même traitement », « appliquer un traitement différent », « se donner un critère de choix a priori sans rapport avec l’agent » etc. Moins nombreux sont ceux et celles qui choisissent une forme passive ou une identification à la victime.

« Quand on n’a pas été victime soi-même c’est pas facile de dire » e17

«C’est la situation dans laquelle une personne se trouve de façon involontaire en situation inférieure ou défavorable par rapport à une personne semblable. » e6

« C’est un peu tout : le physique, le professionnel, la tête, comment on s’exprime, c’est un peu tout mélangé » e26

« La discrimination à l’embauche et sur le terrain, une fois que la personne va être embauchée, elle ne va pas être traitée comme les autres au sein de son travail » e22

« Quelqu’un qui pourrait avoir quelque chose, cette chose ne lui est pas donnée en fonction de…tout critère qui est non… un peu de l’ordre de…non égalitaire en fin de compte » e46

« Pour moi c’est quand on n’est pas face à des problèmes ou face à des évolutions égal à autrui » e39

Par contre, ce sont la plupart du temps des personnes discriminables par leur patronyme, leur couleur de peau, leur handicap, ce qui laisse penser qu’elles ont peut-être elles-mêmes été confrontées à un vécu discriminatoire.

1.4- Une définition qui évoque les effets Outre les facteurs de discrimination, sont évoqués les effets de celle-ci. L’incidence se fait sentir soit au niveau du recrutement soit au niveau de l’obtention d’un objectif souhaité, que ce soit en termes de promotion, de primes, de droits…

« C’est la discrimination à l’embauche et sur le terrain, une fois que la personne va être embauchée, ne pas être traitée comme les autres au sein de son travail. » e16

«C’est refuser à quelqu’un un avancement ou une prime en fonction de sa couleur, son âge, son sexe, qui serait accepté à quelqu’un d’autres. » e7

« C’est barrer des gens comme des collègues qui veulent passer agent de maîtrise comme chez nous » e66

« Mais là où il y a discrimination c’est dans les faits et la façon dont on le traite après, dans l’évolution etc. C’est par exemple le cas de celui qui a déjà eu une faute, le même fait n’aura pas la même conséquence selon qui on est, la subdivision à laquelle on appartient car le chef ne gèrera pas les conflits etc de la même façon. » e25

La discrimination peut se trouver dans les modalités de travail. Un agent de maîtrise nous décrit une attitude qui pourrait être discriminante.

Page 57: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 57

«Ca serait par exemple si je peux accepter demain de dire à toi le Français tu peux partir à 11h30 par contre toi le Maghrébin tu dois faire ton travail jusqu’à 13 heures. Daniel tu peux rester 10 minutes de plus au bar par contre toi Mohamed tu as un travail à faire, tu peux pas rester 10 minutes, ne pas accepter un retard un jour parce que le réveil n’a pas sonné. » e8

Si elle s’applique à différents niveaux depuis le recrutement, dans l’évolution de carrière ou dans les modalités de travail, la discrimination génère une action et une perception négatives.

« Le fond de la discrimination c’est le sentiment d’injustice. Et la forme de discrimination c’est le fait que les gens sont mal, harcelés ou harceleurs. Les promotions me font penser à ça. Les règles seraient plus transparentes ça serait pas plus mal. » e22

Un agent porteur d’un handicap tient ce propos fort :

« La discrimination c’est l’interdiction de vivre. T’es pas dans le moule. » e64

1.5- Discrimination, racisme, sexisme Le « jugement porté sur autrui » peut très bien référer à un positionnement raciste mettant en avant l’idée qu’une personne est inférieure à une autre en raison de son origine ou à un positionnement sexiste fondé sur l’idée que les femmes sont naturellement inférieures aux hommes. Dès lors, il peut être difficile pour les agents de distinguer discrimination et racisme/sexisme. Nous avons demandé aux agents si le racisme et la discrimination sont pour eux de même nature. Les agents qui répondent de manière affirmative sont plutôt des agents appartenant à la filière technique et principalement en poste à la propreté.

« Je dirais que oui ! » e30

« C’est un peu la même chose parce que pour moi si on ferme la porte à quelqu’un et une autre vient derrière moi, un blond aux yeux bleus et on lui ouvre, alors c’est de la discrimination et à la fois du racisme » e31

« Si on est raciste on va pas prendre un noir donc oui ! » e48

Quelques encadrants de la filière technique constatent un lien étroit entre les deux phénomènes.

« L’un ne va pas sans l’autre, il y a forcément du racisme dans la discrimination » e10 « Il sont souvent liés. Je me suis jamais posé la question. Dans un cas avéré de discrimination ils peuvent être liés. » e21

« Cela se rejoint oui. » e54 Selon que les agents partent du racisme ou de la discrimination, ils peuvent exprimer soit l’idée que racisme et discrimination sont de même nature, car le racisme peut conduire à leurs yeux à une discrimination, soit que la discrimination est plus large. Dans les deux cas, cela revient à mettre en avant que le racisme peut donner lieu à de la discrimination raciale, mais qu’il existe de la discrimination, même raciale, sans racisme et qu’il existe en plus, d’autres formes de discrimination que celle-là.

Page 58: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 58

Du côté des hommes, ce sont plutôt des agents non-encadrants qui avancent l’idée que le racisme est une forme de discrimination et des encadrants qui soulignent que la discrimination est un phénomène plus large. Du côté des femmes ce sont plutôt des agents en position d’encadrement qui disent que le racisme est une forme de discrimination et les non-encadrantes soulignent que la discrimination est plus large. Parmi ceux qui font une distinction entre racisme et discrimination, certains font référence à une hiérarchie de gravité, le racisme étant décrit comme plus fort plus grave.

« Le racisme est une forme plus importante, plus grave de discrimination » e62

« C’est pas la même chose que le racisme, le racisme c’est plus fort quand ça atteint la couleur de peau, l’origine… ça a un côté négatif. Discriminé quelqu’un je le vois plus par rapport à l’emploi, comme par rapport au sexe ou à l’homosexualité, plus que le racisme. » e51

Une autre distinction apparaît pour ceux qui associent la discrimination au travail et le racisme à un phénomène plus global.

« La discrimination se joue par rapport au travail tandis que le racisme peut être aussi en dehors du cadre de travail. Mais il est clair qu’il en fait partie aussi » e52

Un agent cadre A avouant ne s’être jamais posé cette question voit dans ces deux termes la désignation de deux faits discriminatoires distincts.

« Le racisme ça serait plus sur les origines, la discrimination ça serait plus sur les relations hommes/femmes. » e5

Un agent de maîtrise définit la discrimination par un traitement inégalitaire entre deux personnes portant des prénoms évoquant une origine différente et suggère que, dans ce cas, le traitement défavorable est la conséquence d’une idéologie raciste même inconsciente.

« Je pense que quelqu’un qui fait de la discrimination inconsciemment il doit être raciste. La discrimination on est bien d’accord c’est la différence entre Daniel et Mohamed selon qu’on lui accorde ou pas d’aller au café s’il a froid ? » e8

Quelques uns énoncent précisément la distinction entre les deux.

« Non la discrimination raciale est une discrimination mais on peut être raciste sans être discriminant » e19

« Une personne non raciste peut discriminer. Concrètement c’est pas la même chose, même s’il y a plus de chances que ça soit dans un cas que dans un autre… et puis le racisme a une origine raciale et la discrimination est bien plus large » e20

« On peut être raciste sans faire de discrimination et l’inverse est vrai aussi donc ça ne va pas de paire. Ce sont deux choses bien distinctes. Il y a des exemples tout bêtes : deux personnes demandent des congés ou des heures sup, par exemple deux européens blonds aux yeux bleus. L’un les obtient car il est pote avec le chef, l’autre non. Après on peut prendre un blanc et un noir. » e65

Or, comme le souligne Sid Ali Zaïr38 la confusion avec le racisme contribue au transfert de la stigmatisation sur la discrimination, lui faisant ainsi courir le risque de tomber dans le

38 Sid Ali Zaïr, rapport pré-cité

Page 59: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 59

registre unique de la culpabilisation. Il apparaît donc important de ne pas confondre les deux pour éviter que les agents par souci de ne pas paraître racistes dénient la réalité de la discrimination systémique. Dans le cadre du Grand Lyon toutefois, il est clair que plusieurs agents reconnaissent la présence du racisme.

« Mais je trouve que cela va mieux, je me souviens de certaines subdivisions où c’était vraiment Front National affiché. On voit plus ça. Globalement il y a une ouverture au recrutement, on y arrive, même si ça existe encore. » e41

Mais la non-distinction des deux phénomènes n’aide pas au traitement de la discrimination soit que toute attitude raciste soit assimilée à de la discrimination par ceux qui la vivent, soit que la discrimination soit minimisée en étant considérée comme la manifestation d’une attitude individuelle raciste sur laquelle on a peu de prise.

2. La discrimination au Grand Lyon

2.1. Un tabou ? Contrairement à ce qui apparaît lors de l’étude en Préfecture39, on ne retrouve pas le sentiment que poser la question de la discrimination est déplacée ni dans le contexte de la fonction publique territoriale ni dans celui du Grand Lyon. Est-ce là le signe d’une meilleure sensibilisation à cette question de la discrimination au sein de notre société aujourd’hui ? On trouvera d’ailleurs des agents ayant une réelle volonté de ne pas être discriminants et s’interrogeant sur la manière dont ils peuvent l’être de manière inconsciente, de même que des agents témoignant du soutien qu’ils ont pu recevoir de la part de quelques supérieurs hiérarchiques, dans certaines situations où ils se voyaient ramenés à leur appartenance de sexe ou d’origine supposée et ainsi freinés. Globalement, les agents interrogés sont sensibles à la question de la discrimination. Pour les agents travaillant à la DRH ou dans des fonctions RH dans les autres directions, le sujet est davantage abordé à partir des cas concrets et des notes d’informations qui circulent. Par contre, les agents en poste à la direction des finances semblent plutôt enclins à penser que la question est taboue, qu’on n’en parle pas vraiment ou pas assez.

« On en parle pas, on va nous envoyer trois messages dans la messagerie qui ne vont pas être ouverts après la lecture de la première ligne et ce à 90%. Je pense que c’est loin d’être une priorité pour les gens et je ne sais pas pour la direction. Donc c’est pas une question de tabou, j’ai l’impression que c’est une espèce de loi où on oblige de parler sur une plaquette du harcèlement, de l’alcool, du tabac et de la discrimination aussi ! Mais il y a une bien plus grande communication sur l’alcool et le tabac alors que c’est certainement moins présent que la discrimination. » e19

En subdivision, les agents pensent qu’il y a un tabou suite au constat du manque de réel traitement de la question et de sa minimisation.

39 Annie Maguer, op. cit, Equal LUCIDITE

Page 60: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 60

2.2. La discrimination au Grand Lyon ça existe

2.2.1- Pas de déni… Pour certains, la présence de la discrimination au sein du Grand Lyon est reconnue mais avec une certaine ambivalence.

« C’est quelque chose dans l’air du temps au Grand Lyon et plus globalement. Y’a des situations de discrimination au Grand Lyon c’est sûr statistiquement, le problème c’est de les repérer et les traiter. La question c’est la proportion. Je pense que ça reste des cas isolés. Il est difficile d’avoir une évaluation qualitative. C’est sûr il n’y a pas de discrimination au niveau du recrutement, ni du déroulement de carrière. Les seuls sujets où on peut éventuellement avoir de la discrimination c’est dans le fonctionnement quotidien des services, des congés, des heures sup. On peut avoir un chef raciste qui peut embarrasser un agent» e4

Pour les agents interrogés dans le cadre du programme Equal-AVERROES il paraît peut-être difficile de nier l’existence de discriminations et ils peuvent avoir tendance à réduire alors la discrimination à la discrimination directe pour la reconnaître en la minimisant.

« Pensez-vous que ça existe au Grand Lyon ? J’espère que non ! Il n’y a aucune consigne claire en tout cas fixant des critères liés à la race ou quoi que ce soit dans le recrutement. Mais est-ce que tout le monde va contre certains préjugés ?(…) Je ne parlerais pas de discrimination mais plutôt de préjugés, pour moi discrimination c’est volontaire (…)

Si la discrimination n’est pas vécue par l’agent, elle n’est toutefois pas niée pour autrui.

« Dans mon contexte personnel non. Si j’étais dans une subdivision à la propreté et je m’appelais Rachida, y a peut-être plus de risques. » e6

« Témoin ? Peut-être que je l’ai pas vue. Victime ? Non c’est sûr ! » e12

D’ailleurs certains sont conscients de la nécessité d’aborder cette question par ce qu’il est possible d’avoir des pratiques discriminatoires sans les penser comme telles.

« Il faut l’aborder pour en avoir conscience, ça peut exister, il faut le dire, ça se révèle sous certaines formes plus ou moins conscientes, même moi je peux avoir une certaine forme de discrimination. C’est important d’être en alerte. » e9

« Je me demande toujours si je fais pas de la discrimination, c’est pas évident. » e23

Le sujet est évoqué notamment au sein des organisations syndicales.

« C’est beaucoup entendu dans les organisations syndicales car il y a eu des difficultés, des contentieux sont en cours. On a eu des échos du côté syndical de ce qui s’était produit, je peux pas dire si c’est une forme persistante ou pas. » e9

Pour certains, la discrimination étant associée à une simple différence, d’autres critères que l’appartenance de sexe ou l’origine supposée sont évoqués, à moins qu’ils ne préfigurent une discrimination indirecte au détriment des femmes. Les femmes étant plus nombreuses dans les filières administratives que les hommes et vice et versa, des avantages de carrière, de rémunération entre les deux pourraient être remises en question. Dans les exemples qui sont ici repris ce sont des prééminences entre cultures de travail qui sont surtout évoquées.

Page 61: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 61

On remarquera que des femmes mettent en avant le clivage administratif/technique.

« Au Grand Lyon, on est une minorité d’administratifs et je trouve que la différence se situe plutôt là que dans le racisme ou le sexisme avec des personnels techniques qui ont une plus haute opinion d’eux-mêmes et considèrent que faire des RH n’est pas un métier. J’aimerais plutôt que cela évolue là-dessus. » e36

« Le clivage que je vois c’est plus : administratif/technique. On nous dit : « les administratifs vous êtes toujours là pour nous mettre des bâtons dans les roues car vous nous parlez de budget etc. » Maintenant, les petits trucs comme « la bonne femme », je constate que c’est rentré dans les mœurs même si c’est moche à dire. Et entre nous on le dit pour rire donc ça nous atteint pas trop. » e37

Une femme en catégorie C interroge la promotion par concours.

« En tous cas il y a de la discrimination entre ceux qui doivent passer des concours et les autres. Avant par ancienneté on pouvait. Quand je vois que des collègues arrivent à trouver un boulot sans rien faire et que moi avec l’ensemble des démarches, depuis le temps que j’y suis et mon dossier santé, je n’y arrive pas.. C’est grave.» e53

Un homme de la même catégorie considère également que la discrimination existe dans le cadre de la promotion et pointe la forme non forcément directe qu’elle peut prendre.

« La discrimination est insidieuse : cela se passe dans la promotion interne, dans les paroles aussi, les faits et les actes. C’est toujours bien fait de façon à ce que l’on ne puisse rien dire. C’est toujours un soupçon d’être là alors que j’en fous pas une. (…) La promotion interne se calcule au nombre d’années et la direction appuie ou pas et comme par hasard il y a des personnes qui se retrouvent comme une personne qui est passée d’agent administratif à technicienne territoriale. Une autre aussi. Alors qu’une personne arrive en fin de carrière et bien on ne la fait pas passer adjointe pour qu’elle parte au plus haut alors qu’elle a de très bonnes notes et appréciations. Si une personne était à passer au mérite c’était elle… » e14

Un autre agent évoque également plutôt la discrimination suivant les grades et une femme se demande si les commentaires qu’elle subit du fait qu’elle paraît beaucoup plus jeune que son âge relèvent de la discrimination.

2.2.2- …mais une minimisation par les victimes

Mais alors que des femmes et des personnes portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » exposeront maintes situations de vécu discriminatoire, il semble qu’un certain nombre d’entre elles soient, par ailleurs, enclines à en minimiser l’importance.

« J’ai été étonné lors des premières réunions syndicales, il devait y avoir deux ou trois personnes d’origine maghrébine, pas plus… J’ai été étonné. Des collègues ont dit que c’était fermé par rapport à ça à l’eau, il y a eu des problèmes avec certains Maghrébins et ils ont fermé la porte à ça. Et ça a du changer par rapport à la politique notamment par rapport à la discrimination. Je le ressens plus avec les anciens qu’avec ceux de maintenant. On arrive quand même à discuter et j’essaie de leur faire comprendre qu’en 2007 c’est fini ça. » e35

Page 62: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 62

« Alors je suis passé AM (…). C’est mieux de changer car il est dur de commander des collègues. L’après-midi j’étais à Vaulx en Velin, en fait non ! sur les extérieurs. Je voulais surtout pas ça et je me suis dit : « le seul arabe du concours et ils me donnent Vaulx ». Non je rigole, en plus on était deux sur 13. Mon collègue lui est passé du matin en centre ville. Non ! Il ne faut pas tout voir comme ça. Et puis là-bas c’est pas mon truc : c’est trop camarade, ils boivent trop et sortent et maintenant c’est le divorce au bout d’un an et demi !! C’est pas

mon truc. Et puis je ne veux pas tout voir comme ça. » e43 Une femme portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » énonce explicitement ce qu’elle appelle le « refus de paranoïa ».

« Mais pour moi j’ai jamais été victime directement de discrimination raciale même si j’ai peut être la mauvaise interprétation. Est-ce qu’il n’y a pas un peu de paranoïa ensuite... je ne cache pas que je n’ai pas envie de rentrer là-dedans. Et puis je pense que si on me fait une remarque comme ça alors je considèrerai que la personne a peu de jugeote ou alors je ferai remonter. J’ai pas envie de tomber à ce niveau-là. Et je me demande si les femmes d’origine étrangère on n’est pas moins confrontées que les hommes, j’ai un collègue à la ville de Lyon, il a mis beaucoup plus de temps à trouver du travail. Je ne ferme pas les yeux mais j’ai pas envie de rentrer dans une polémique comme quoi quand on me refuse quelque chose c’est de la discrimination raciale. Mais il clair que s’il y a une décision différente pour moi, alors je chercherai à comprendre et leur demanderai. e40

Et ce alors même qu’elle relate par ailleurs plusieurs éléments concernant les difficultés précisément rencontrées par les personnes associées à une origine étrangère.

Le fait que j’ai été portée par quelqu’un, cette responsable avec qui j’avais eu l’occasion de parler et qui pensait que je pouvais porter le poste(…) en plus elle me dit qu’elle n’a pas regretté. Mais j’aurais aimé rentrer autrement que par le bouche à oreille et qu’on ne vienne pas me dire que je n’ai pas le profil de poste. J’ai un peu le sentiment au Grand Lyon qu’on ne recrutera pas une personne d’origine étrangère si quelqu’un ne parle pas pour vous avant… Et je parle en connaissance de cause car j’ai fait rentrer deux personnes en catégorie C à l’eau. Ca ne marche pas par CV et lettre de motivation. » e40

Cette crainte d’être estampillée « paranoïaque » revient dans les propos des agents.

« Le chef de secteur a eu des sanctions. Quand il l’a su il s’est mis en longue maladie et il était pas très loin de la retraite. Il devait passer agent de maîtrise principal et ça ne s’est pas fait. Je n’ai plus jamais entendu parler de lui. Je pense que c’est l’ingénieur qui a fait pression alors même qu’ils étaient amis de longue date. Ce jour-là j’ai trouvé une oreille… Quand je parle de ces problèmes avec des amis on sait de quoi on parle, mais je sais qu’avec des agents je suis un parano... e14

Elle fait écho à ce qui est parfois désigné comme relevant de la victimisation. Plus l’expérience du racisme est forte moins il paraît possible de le considérer en tant que tel. La minimisation des faits devient un moyen de rétablir une dignité d’être humain par le pardon accordé à ce qui n’est volontairement qualifié que de « bêtises ».

« Au début, je vais pas dire que c’était dur, moi je m’adapte à tout on va dire et il y avait des personnes qui s’adaptaient pas à moi. C’étaient des anciens. C’est plutôt de la bêtise, plutôt que de la discrimination, des mots de la part des anciens qui sont partis en retraite dans les cinq ans qui suivaient. Du genre on fait revenir tous les blancs qui sont aux Antilles et on renvoie les Antillais chez eux. Des tracts où il y avait écrit les bougnoules, les bouccaques : moitié singe

Page 63: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 63

moitié je sais pas quoi, fixés sur les panneaux des syndicats dans les ateliers. Ca m’a un peu dégoûté, je déchirais, je jetais ; ça faisait rire certains, les anciens. Je portais pas attention, je calcule pas trop les gens qui se sentent supérieurs, moi je reste toujours à ma place. Généralement les gens qui font de la discrimination à mon égard, ils ne le font pas devant moi et quand ils discriminent d’autres ils me le disent à moi. » e11

Si cet agent décrivait précédemment les insultes et propos racistes dont il a été l’objet, ce qu’il relate à propos d’une demande de formation laisse penser que la discrimination n’est peut-être pas absente.

« Au début on me disait que ce stage est réservé à ceux qui se servent de l’informatique mais j’ai constaté que d’autres l’ont fait alors qu’ils ne touchent pas à l’informatique. Alors je ne sais pas ce qu’il faut faire. J’en ai parlé à mon évaluateur qui me dit qu’il faut passer par d’autres personnes, faire d‘autres demandes, par le secrétariat de l’atelier, mais ce que je ne comprends pas c’est que c’est les mêmes papiers, donc du coup je ne demande plus rien. J’ai parlé avec ceux qui l’ont fait, j’ai l’impression qu’à une époque c’était plus facile. J’interprète dans le sens où ils se disent que j’en ai pas besoin et puis pendant que je suis en stage je ne suis pas au travail. Et puis je sais pas s’il y a de la préférence parce que ceux qui l’ont fait il y a un chaudronnier ! y’a pas besoin d’informatique. » e11

D’ailleurs, racisme et discrimination se mêlent parfois. Une femme au « patronyme à consonance potentiellement discriminante » nous raconte son recrutement :

« J’ai rencontré le responsable de subdivision et la secrétaire que j’ai retrouvée plus tard dans une autre direction. C’est grâce à elle que j’allais être embauchée. Il y avait une fille avant moi sur ce poste qui était d’origine algérienne comme moi, elle était beaucoup en congé maladie. Et j’ai su que le responsable n’était pas trop chaud car il avait peur que moi cela fasse pareil. Elle a insisté pour me donner une chance, elle était... originaire d’un pays européen oui. Heureusement que certains sont là pour prouver le contraire. Mais c’est partout pareil, je sais qu’au boulot ça existe, on est tous d’ailleurs un peu racistes mais je ne suis pas touchée par ce fléau. Mais à l’extérieur, c’est pour tout. Pour le logement, quand on va dans un magasin… Je parle pas pour moi spécialement, quand je suis avec des amies…c’est difficile. Je le ressens pas trop au boulot mais je suis pas dupe non plus... un agent a dit « j’aime pas les arabes mais elle me ferait presque changer d’avis» ! Mais je ne cherche pas à rentrer dans le débat et à comprendre... » e50

Dans d’autres récits, les stéréotypes, sexiste et raciste, s’opposent et s’alimentent

« La réflexion qui m’a amusée le plus et qui conclut un peu et résume bien l’état d’esprit de cette boîte c’est : « t’es une femme mais toi c’est pas pareil ! » et cela même de la part d’un musulman intégriste avec la barbe jusque-là à qui j’ai dit que je ne pouvais pas cautionner le port du voile et d’entendre dire qu’elles sont libres de le faire… Quand d’autres se font tuer dans leur pays pour ne pas le porter. Donc effectivement, la Courly il y a des problèmes de racisme, le réaborder tout le temps n’arrange rien. » e47

Page 64: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 64

2.3 Vécu discriminatoire des femmes au Grand Lyon

2.3.1 Des métiers sexués

Les agents constatent une moindre présence des femmes dans les métiers techniques et lui opposent un monde administratif fortement féminisé. L’explication qui est avancée renvoie à une spécialisation des tâches associée à une différence naturelle. Certains métiers ne seraient pas des métiers de femmes. Les hommes mettent parfois en avant l’idée qu’ils apprécieraient de travailler avec davantage de femmes mais que les spécificités des métiers rendent difficile cette mixité.

« C’est plus par rapport à la pénibilité mais au contraire on aimerait bien qu’il y ait plus de femmes avec nous, des secrétaires et même des égoutières. » e54

« C’est vrai que cela m’a surpris qu’une femme puisse faire ce travail avec la saleté et le côté sombre. Je trouve ça très bien même si pour moi ce n’est pas un métier pour une femme. » e57

« Des femmes … ? Il n’y a qu’une femme dans notre service. Le travail n’est pas fait pour la femme… elle est en arrêt maternité et ça s’est mal passé et je sais qu’à l’avenir ils ont décidé de ne pas prendre de femme car c’est pénible et assez dur pour une femme. » e34

« Sur le nettoiement c’est pas un métier de femmes quand même, c’est un métier dur, physique quand même ! » e5

Sont exposées là des caractéristiques de métiers techniques comme éboueurs, égoutiers, cantonniers, qui s’opposeraient à la féminité par la saleté des tâches qui s’y déploient. Ce à quoi une femme répond à partir de son expérience de l’entretien d’embauche :

« Il me disait : mais pourquoi avoir choisi ce métier ? Mais je comprends la question et pour moi c’est pas plus sale que de nettoyer les fesses d’un malade ou nettoyer les plaies comme les infirmières qui est un métier de femmes. Moi je touche les poubelles que si je veux et c’est pas sale et puis j’ai le même salaire que les collègues hommes donc c’est un avantage et puis il y a à disposition du matériel que si en tant que femme on devait faire ce travail là, avec l’électronique il n’y a plus de manutention. »

Une femme cadre A encadrante, nous dira qu’elle a connu des femmes chauffeurs.

« On a aménagé des locaux (quand le Grand Lyon a recruté des conductrices). Donc ok ! Mais rippeur non ! Car c’est physique comme boulot ». e25

Effectivement, le rapport à la force physique est également un argument pour distinguer les métiers dits « masculins » des métiers dits « féminins ».

« Et quand vous évoquez les difficultés physiques, elles sont de quel ordre exactement ? Pour les métiers de cantonniers et d’éboueurs, elles sont de l’ordre que c’est quand même des métiers où les cadences de travail, l’effort physique demandé au personnel est extrêmement intense, il faut avoir une musculature et la corpulence, la résistance pour le faire » e4

« Si j’ai des femmes qui se présentent sur la procédure pour le recrutement d’égoutiers, je les écarterai pas mais je m’assurerai auprès du médecin que la personne pourra soulever les tampons. Parfois il faut être réaliste » e32

Page 65: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 65

« C’est pas évident au niveau physique même si je veux pas avoir de préjugés. Elle manque de force parfois. Moi je me suis fait deux fois mal au dos et j’ai été arrêté. Des fois il y a des tampons hyper lourds et collés…il faut prendre une barre-à-mine et une pioche » e54

Certains services ont cependant pour un même poste recruté des femmes ou aucune, ce qui laisse penser que ce n’est donc pas uniquement lié au poste en tant que tel.

« Pour autant il y a des services avec des femmes et des autres sans. Et on n’est pas dans une répartition moyenne et il y en a clairement auxquels elles n’ont pas accès et ce parfois sur des fonctions similaires. » e44

D’ailleurs, un agent de catégorie A s’interroge :

« On voit bien l’organigramme des services techniques, il y a très peu de femmes et la plupart sont dans l’administration. Quelque part je m’interroge, des femmes qui balaient la rue il y en a très peu. A Barcelone c’est 50% du personnel, le travail est exactement le même qu’à Lyon » e2

Un cantonnier évoque la présence d’une femme dans une entreprise privée à laquelle le Grand Lyon sous-traite les encombrants. Ce qui est corroboré par deux autres agents de catégorie C.

« Chez nous il y a pas de femmes… Pas de cantonnières ?… Ben non ! Mais ça me gênerait pas ! Elles sont bien chauffeurs routiers alors !… elles sont souvent au-dessus les filles : techniciennes territoriales ou cheffes de subdi. ou dans les bureaux mais sur le terrain j’en connais pas du tout. Pourtant chez les privés on en voit ! » e43

« On commence à voir dans le privé des femmes, j’ai vu une jeune fille énoueur carrément ! Cela change, c’est sympa. Je vois pas où il est le problème si la femme a envie de le faire. Pourquoi lui interdire l’accès ? Une fois je suis parti en ville et j’ai vu des jeunes filles qui travaillaient et faisaient bien leur boulot, il n’y a pas de raison. » e31

On pourrait donc dire qu’il y a des métiers perçus comme masculins mais dans lesquels il serait possible pour des femmes d’exercer. Ce choix de la part d’une femme est alors interprété comme un net intérêt pour ce travail « sinon elle ne serait pas là ». On voit alors poindre l’idée que ce n’est pas facile pour une femme d’investir un métier pensé comme masculin.

« Il y a des métiers typiquement masculins où il faut vraiment faire sa place en tant que femme. Mais ça dépend aussi de la volonté ; à la direction de la voirie il y avait un directeur qui voulait féminiser son staff et il a réussi. » e25

Du côté du recrutement, est soulignée la difficulté d’attirer des femmes dans les métiers techniques.

« Il y a toujours la condition du concours, donc la problématique c’est que beaucoup de femmes au Grand Lyon sont soit sur des emplois administratifs -il faudrait qu’elles passent un concours technique mais elles n’ont pas de formation de base-, soit elles sont après sur des postes de cadres, soit de technicien en catégorie B, soit d’ingénieur et là elles sont déjà sur des métiers techniques. De toute façon, la création de la communauté s’est faite essentiellement sur des métiers techniques, ça viendra peut-être d’avoir plus de femmes mais c’est une évolution culturelle aussi dans les formations. Il faut déjà qu’au niveau des formations de base on ait plus de femmes qui se forment. » e32

Page 66: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 66

« Ça dépend des directions, des métiers car malgré tout il y a encore des jeunes filles qui ne vont pas dans certains cursus et qu’on ne retrouve pas dans certains services. Il y a une minorité de femmes responsables de service et dans le haut encadrement encore moins. Je pense que c’est historique et que l’évolution va lentement. C’est sociétal. » e36

Nous développerons par la suite les difficultés auxquelles peuvent se heurter les femmes dans ces cas-là.

Mais pour autant on peut se demander s’il suffit d’occuper une même fonction pour se voir confier les mêmes tâches quand on est une femme.

« En urbanisme on place des gens sur des postes, si on prenait le temps de regarder les missions, on verrait que les missions les plus intéressantes sont pas forcément confiées à certains. Est-ce que c’est une question de vivier, de hasard de circonstances ? Par exemple, les missions opérationnelles en urbanisme c’est des hommes sur les secteurs considérés comme à enjeu, plus porteurs (mission Vaise, Mission Carré de Soie) tous les grands projets sont portés par des hommes. » e9

« Dans le travail il voit souvent une femme comme quelqu’un qui va faire ses compte-rendu, taper ses messages, faire son powerpoint mais pas trop dans la décision d’un certain nombre d’actions (…) Il y a un machisme phénoménal dans cette direction, quant il s’agit de faire du papier, parmi les tâches confiées à un rédacteur, on le confie volontiers à une femme (…) J’ai eu l’impression qu’il y avait plus de discrimination par rapport aux femmes dans le public par rapport à mes expériences. Il y a moins de femmes que d’hommes consultants mais ils ont les mêmes missions, à Entreprise X, on avait les projets importants comme les hommes. » e2

Au-delà des métiers techniques, il semble qu’exercer une fonction de management soit plus facilement conjugué au masculin doté d’une autorité naturelle. Ainsi les oppositions administratif/technique, exécution/encadrement semblent se superposer aux attributs de féminité/virilité.

2.3.2 Quand des qualités féminines deviennent des compétences

Même si certains agents admettent qu’aujourd’hui les femmes exercent tout type d’activité, il reste que souvent les compétences attendues d’elles renvoient aussi à des qualités perçues comme naturelles.

La douceur Notons tout d’abord le renvoi à la douceur féminine sensée apaiser les relations de travail.

« Certaines équipes c’était difficile, la plupart du temps ça apaisait les relations, la présence d’une femme modère le vocabulaire entre hommes. Les chefs d’équipe me l’ont rapporté, je le vois en recevant une équipe par semaine avec les trois techniciennes, certains s’excusent devant la technicienne pour dire certains mots comme « s’emmerder », ce qu’ils ne font pas avec moi » e1

« On pensait que ça allait améliorer d’amener une femme. (…) La volonté ça a été sur la subdi une erreur de penser qu’une femme allait changer les mentalités. On pensait que ça allait améliorer la communication avec les chauffeurs, qu’ils allaient moins faire les machos devant elle. En fait ils hurlent de la même manière. Mais notre volonté existe encore de prendre des femmes » e5

Page 67: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 67

« Les garçons se comportent mieux quand il y a une femme, je trouve. » e62

Cette représentation de la douceur des femmes, pensée comme naturelle, est ici mobilisée en termes de gestion des relations de travail et implicitement attendue comme une compétence féminine, sans pour autant être véritablement, évaluée et reconnue. Cela peut se révéler problématique, lorsqu’ensuite, en situation, les quelques femmes recrutées n’apportent pas cette douceur présupposée, ce qui par ailleurs est contradictoire avec l’idée que pour travailler dans un milieu masculin les femmes doivent s’imposer, nous y reviendrons.

« Mais par contre c’est que sur ces postes-là d’encadrement, un peu de douceur dans un monde de brutes… C’est à dire mettre des femmes sur les fonctions de chef d’équipe ou d’encadrement où il y a effectivement que des hommes, on essaie dans la mesure du possible si effectivement on a des candidates, à candidature équivalente entre un homme et une femme, peut-être effectivement qu’on va retenir la femme dans ces cas précis d’encadrement. (...) Donc on essaie, pareil pour les agents de maitrise, on essaie de recruter une femme dans une subdivision où on sait qu’elle est un peu dure, où il y a un rapport masculin très dur, pour essayer là aussi… prendre quelqu’un de compétent c’est une chose, mais quelqu’un qui a une touche un peu féminine peut quelquefois déjouer ou dénouer des situations, un peu de tensions, parce qu’évidemment dans nos métiers on a des hommes qui parfois… comment dire… montrent plus qu’ils ont des biscoteaux que des neurones. On est parfois, quand il a y un conflit dans des rapports physiques. Plutôt que de résoudre le conflit d’une manière intellectuelle, en essayant de faire une médiation, bref là c’est pas toujours le cas. C’est vrai que l’arrivée d’une femme, je dis toujours parce que c’est vrai -c’est l’ingénieur femme qui est partie qui nous la raconté-, qu’elle a bien senti parfois dans des situations de tensions que si elle n’avait pas été une femme elle se serait sans doute fait insulter ou injurier et le fait qu’elle soit une femme, les personnes en face d’elles se sont un peu retenues, et c’est même arrivé une fois qu’un mec ayant dépassé les limites s’en est immédiatement excusé, le lendemain il est revenu avec une rose. Je donne volontairement cette anecdote c'est-à-dire qu’on a quand même noté que dans ce type de situations la présence d’une femme peut être positive. » e4

De plus, elles semblent plus à même de remplir certaines fonctions.

« Il y a beaucoup de techniciennes sécurité je trouve. Cela passe bien dans leur bouche, c’est bien adapté, bien perçu. » e23

En effet, là encore les femmes sont implicitement associées à la fonction du « care », la prise en charge du soin d’autrui, une position maternante. Mais pour autant leur présence sur « le terrain » suscite l’amusement.

« Sur le terrain, dans le domaine de la prévention, une femme sur le terrain c’est toujours comique, la gente masculine se moquait un peu » e41

On peut d’ailleurs leur reconnaître des compétences spécifiques acquises dans la sphère domestique. L’agent précédent poursuit sa réflexion en disant :

« Et elles ont un sens de l’organisation aussi ! Si ma femme m’entendait elle dirait : « Il m’a jamais parlé comme ça ! ». J’essaie mais je suis pas parfait… C’est vrai que je le vois aussi à la maison, les hommes on est un peu assistés, on fait pas assez la vaisselle, on use trop d’eau, etc., j’essaie d’aider comme je peux mais je reconnais qu’il y a un sens de l’organisation qui apporte un plus. Je ne parle pas de parité car j’y tiens pas mais la mixité apporte plus de méthode, de

Page 68: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 68

structure. Car quand bien même je suis rigoureux et méthodique. Car beaucoup de femmes et notamment les mères doivent être organisées pour tout faire, il faut être à l’heure à l’école, à la crèche, passer au supermarché, prendre toute la nourriture, les devoirs d’école, le petit bain, etc. et si après on n’a pas cette structure on est vite débordé. » e62

Si cette réflexion met l’accent sur les compétences acquises dans la sphère familiale et domestique utiles dans la sphère professionnelle, elle comporte toutefois le risque d’essentialisation qui renforce les stéréotypes des différences de sexe. En effet elle prolonge une conception naturalisante aperçue avec l’idée de « douceur féminine » et contribue au maintien de l’idée qu’hommes et femmes ont naturellement des spécificités différentes qui les rendent plus ou moins adaptés à certains postes. Si une socialisation fortement sexuée a pour l’heure pu produire une probabilité plus grande de trouver certaines caractéristiques chez les individus assignés à un sexe plutôt qu’à l’autre, il faudrait sans doute se garder de penser que ces caractéristiques sont un donné de la nature et procéder à une association automatique de ces attributs. Ces réflexions interrogent sur la volonté politique de féminisation de certains métiers et l’objectif ainsi visé.

« Avant que j’arrive à la propreté, on a mis des femmes dans le centre de Lyon pour faire mieux pour l’image de Lyon mais j’ai entendu en retour que l’essai n’a pas été satisfaisant. » e2

De la minutie à l’obéissance D’autres qualités attribuées spontanément aux femmes sont la minutie, le sens du détail, l’application, voire la capacité à respecter les consignes.

« Il y a 5 filles agents d’entretien, elles n’ont pas la même mentalité que les gars au boulot, elles sont plus souvent absentes pour enfants malades, mais elles sont plus minutieuses que les gars, plus chiantes (rires) elles font comme à la maison, elles font plus attention aux détails, elles vont mettre 10 minutes de plus parce qu’elles ont vu ce que nous les gars on n’a pas vu ou qu’on a vu mais qu’on veut pas faire. (…) C’était bien les filles parce qu’elles travaillaient bien, elles disaient qu’elles allaient faire la rue : la rue était faite ! Elles suivaient plus les directives, les consignes qu’on leur donnait que les agents masculins. Par exemple quand on dit : telle rue faites attention il y a eu une réclamation, les filles vont commencer par là. Les gars vont la faire mais plus tard. » e8

Alors qu’il évoque la moindre présence de conflits majeurs sur son site, par rapport à d’autres collègues qui occupent le même poste et depuis plus longtemps, un responsable de site auquel on demande comment il explique cela nous répond :

« Je pense que ça vient du caractère, c’est pas de la compétence à l’état brut, je pense qu’une femme comme un mec peut y arriver. » e7

Faire preuve de caractère

Au-delà de la question de la compétence à manager, ce que nous retiendrons ici c’est l’idée que le caractère est un élément important. D’ailleurs, nous avons pu constater que c’est justement à leur trait de caractère que les femmes qui travaillent dans des métiers masculins ou dans un environnement avec une forte présence masculine sont renvoyées. Sans cette caractéristique de personnalité, il semble difficilement envisageable qu’une femme puisse

Page 69: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 69

travailler entourée d’hommes. Un agent de catégorie C nous dit d’une égoutière « elle a un fort caractère ».

« Une femme est arrivée après moi. Il n’y a pas eu de souci à son intégration même si des fois on la chamaille un peu et c’est vraiment de la rigolade. Mais je pense qu’avant, là où elle est passée, -au Grand Lyon il a fallu qu’elle fasse sa place-, ça n’a pas dû être de la rigolade. Mais ça va car elle est une grande gueule et ne se laisse pas marcher sur les pieds, elle a fait son trou. » e24

« Ça a l’air d’aller et elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Maintenant est-ce évident pour elle ? Il faudrait lui demander mais elle n’a pas l’air mécontente même si certains loustics chez nous doivent créer des accrocs. » e55

A propos d’une responsable qui avait des relations explosives avec le lieutenant colonel au moment où les pompiers dépendaient de la Courly, un agent nous dit :

« Elle s’imposait, elle avait été choisie pour ça, elle avait un tempérament pour s’imposer à un homme ; physiquement le lieutenant était imposant, la gestion administrative et financière était loin de ses préoccupations, les délais administratifs étaient incompris par lui. » e9

Le caractère affirmé parait alors être la condition pour pouvoir travailler dans un environnement majoritairement masculin.

« Par exemple sur un poste d’électricien une femme s’est présentée. Au début je me suis dit : chouette ! Apparemment elle avait les compétences mais elle était effacée donc dans un milieu d’hommes est-ce que ça va marcher ? En plus une petite jeune ! » e37

Une femme de catégorie A encadrante insiste également sur cette dimension du caractère tout particulièrement dans la fonction managériale.

« Il y a une femme cadre A sur un poste d’encadrement de terrain qui encadre une équipe qui compte 70 personnes (…). Et c’est quelqu’un qui est dans ce poste-là eu égard à sa compétence technique, sa formation de départ. Qui est ingénieur donc ? Oui. Et comment ça se passe au niveau des équipes justement le fait d’encadrer 70 personnes ? On a quelqu’une qui a de la personnalité donc ça va, maintenant il a fallu qu’elle fasse sa place, mais je dirais comme tout un chacun. Après quand on a le soutien de la direction et autres...Et puis c’est quelqu’un qui a de la personnalité donc je pense que ça, au niveau encadrement c’est ce qu’il faut. Ça me fait penser à ce que vous évoquiez tout à l’heure, le fait que vous avez été obligé de négocier le fait d’être une femme par exemple, vous le percevez comment votre rôle ? Moi ça ne me pose pas de problèmes mais c’est pareil j’ai de la personnalité, donc quand j’ai quelque chose à dire je le dis, il m’est arrivé d’avoir malgré tout l’impression de pas être prise autant au sérieux que si j’étais quelqu’un de la gente masculine. Dans quel cadre par exemple ? C’est toujours pareil, tout dépend des personnes avec lesquelles on travaille. Vous avez des personnes que vous soyez un homme, une femme, que vous ayez suivi des études ou pas, que vous soyez blanc ou noir, ça n’a aucune importance, ce sur quoi on vous évalue c’est sur votre compétence et puis il y a d’autres personnes qui considèrent qu’on n’est pas tous égaux notamment entre hommes et femmes. » e32

Page 70: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 70

Difficile de les penser sur des postes à responsabilités

Assez spontanément, l’exercice de responsabilité est renvoyé plutôt du côté du masculin.

« Il y avait beaucoup de relations avec le terrain, (pour) les chefs de subdivision notamment et là, j’arrivais dans un milieu essentiellement masculin, ce qui était d’ailleurs une question posée lors de l’entretien « Est-ce que ça vous dérange ? . D’ailleurs la directrice m’avait dit : « Il va falloir que vous sachiez vous imposer professionnellement et après vous aurez la crédibilité » et cela est vrai encore maintenant. Je pense qu’elle avait eu raison et je m’en suis rappelé, dès le départ, et je m’en souviens encore. » e18

Etre femme dans un univers d’hommes est pensé comme étant sûrement assez difficile et encore plus quand il s’agit d’exercer l’encadrement de cette population masculine notamment « sur le terrain » des services techniques.

« Jusqu’à l’année dernière il n’y avait aucune femme dans l’ensemble des directeurs et des adjoints du Grand Lyon. Ça a évolué il y en a deux. C’est sûrement parce qu’il n’y a pas de candidatures de femmes compétentes ! (ton ironique) Je pense que l’exemple vient d’en haut et que des femmes cadres en dehors de l’administration il y en a peu même s’il y en a de plus en plus, il y en a encore trop peu » e44

« On a une femme ingénieure. (…) Elle a en charge une activité très difficile de gens de terrain en régie, des égoutiers, très techniques mais qui travaillent dans des conditions pas toujours faciles, avec un gros effectif et un fort caractère. C’est pas toujours facile surtout quand on est une femme pour se faire respecter. (…) Je lui tire mon chapeau pour avoir eu à manager des gens de terrain de même profil à la SNCF. D’autant plus quand on est jeune ou une femme car la facilité est de jouer sur ce registre-là. » e62

Une femme de catégorie B encadrante, déclare :

« Cela se passe bien, et je pense qu’ils s’y sont faits d’être dirigés par une femme. » e22

Elle témoigne ainsi indirectement que les hommes auraient un a priori concernant l’exercice de l’autorité par une femme. Déficit initial à compenser par un fort caractère.

« Une technicienne est arrivée dans un milieu machiste à fond. Elle a fait l’erreur d’être vraiment cool avec tout le monde dès le départ, car c’est dur de changer d’attitude en cours de route » e15

Un homme encadrant de catégorie A le constate également à partir de l’exemple d’une surveillante de travaux.

« Elle doit aller sur le terrain et c’est pas évident sur les réactions des gars de chantier et je passe les commentaires sur « C’est pas une gonzesse qui va nous commander », je vous laisse imaginer, mais ça ne se dit pas en direct. Mais je gère pas ça et elle n’est pas venue se plaindre sur ça, il faut s’imposer, même si on en a parlé ces trois dernières années. Mais de par son caractère trempé dans l’acier elle dit : « Il n’y a pas de problème, s’il y en a un je le recadre facilement ». Mais elle n’a jamais eu à le faire… et puis chez nous la reconnaissance se fait par la compétence. Les femmes doivent être meilleures que nous les hommes et elles s’en font un fer-de-lance… » e62

Au-delà de la force de caractère on voit également ressortir l’idée qu’elles doivent « en faire plus que les hommes ».

Page 71: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 71

On voit d’ailleurs lorsqu’un cadre A nous raconte un recrutement effectué par un cadre d’exploitation de son équipe, que lorsque ces stéréotypes peuvent être dépassés dans une situation, cela peut constituer une ouverture.

« Il y a eu une dizaine de candidats pour deux postes et ils viennent me voir le lendemain de l’entretien pour me dire : on est bien embêté car le meilleur candidat reçu est en fait une femme. C’était un poste d’exploitation qui n’était pas en 3*8, un poste d’ouvrier. J’ai ouvert des grands yeux devant mes collègues : « Et alors ? » Ils ont commencé à évoquer des difficultés (…) La candidate a finalement été embauchée. Un an après, s’est présenté la même situation, le recrutement s’est fait avec moins de souci car il y avait un précédent. » e44

2.3.3 Etre testées et faire ses preuves

En fait, la présence inhabituelle de femmes dans un univers majoritairement composé d’hommes intrigue et suscite la curiosité ; les femmes se trouvent donc en situation de test, pensées a priori comme incompétentes.

« Le fait d’être une femme dans ce milieu-là : « hou la la qui c’est cette gonzesse ? Que va-t-elle nous sortir, nous pondre et refaire le monde ? ». Certains ont été très longs, ça a pris trois quatre mois avant de discuter un peu avec eux, ils restaient dans leur bulle, ils ne cherchaient pas à établir le contact et d’autres donnent leur chance de suite. Après ils disent qu’ils sont observateurs et disent peut-être après ce qui c’était passé, ils m’en ont parlé et disent qu’ils ne voient pas forcément d’un bon œil quand arrive une femme dans un service. » e52

Une encadrante de catégorie B nous rapporte une situation :

« Un jour, une boîte externe a fait venir un soudeur femme, c’est très rare car elles ne sont que deux en France ! Et cela s’est très bien passé. Ils étaient admiratifs car c’était un métier dur. Ils disaient : y’a une femme, y’a une femme… Ils chuchotaient. » e22

A propos d’une femme embauchée comme chauffeur à la collecte, un agent lui-même conducteur dit :

«Je ne la connais pas et on me l’a décrit comme un très très grand pilote et elle s’est jamais laissée faire même si elle a eu quelques accrochages avec un bonhomme. J’ai dit -Cette femme m’intéresse-, elle travaille avec des rippeurs et si un la fait chier, elle arrête le camion et va lui expliquer. Je demande à voir car il y en a derrière il faut se les farcir ! » e65

Un autre agent évoque une autre femme chauffeur.

« Elle était très bonne conductrice de bus dans une station de ski. Bon elle était pas très rapide au début car il y a des manœuvres très compliquées, donc elle était pas trop bien vue et des riverains qui disent : « Qu’est-ce qu’elle a celle-là ! qu’elle reste derrière ses fourneaux ». J’ai entendu ça mais je ne lui ai pas répété, c’était pas la peine. Mais elle est très bien au courant. Elle est tombée enceinte et elle est pas là depuis longtemps et là les gars ont dit : « Voilà elle s’est fait mettre enceinte car elle est rentrée à la Courly, elle va pas être là pendant un an, etc. ». Et alors ? Elle vaut bien mieux que des dizaines de bonhommes. Les chefs le savent, elle a beaucoup de valeur. Elle est respectée pour autant, ils font la bise mais c’est sournois et tout par derrière. » e 13

Page 72: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 72

Si les hommes sont dubitatifs par rapport aux compétences dans un premier temps, les femmes perçoivent qu’elles doivent faire leurs preuves et que leurs collègues masculins attendent la faute.

« Les collègues ont été surpris mais ça s’est bien passé, ils étaient intrigués le premier jour. Certains te lancent : « T’es qui et tu viens d’où ? » et quand ils voient le CV : « Ahhh … ok ! ». Au début t’entends : « Tu pars avec la gonzesse ? Tu me diras ». Ça a duré un mois… Au début ils se renseignaient avec l’équipe de la veille : « Elle donne quoi ? », car c’est dangereux (derrière le camion), ils peuvent être tués… Même si au début je pensais que c’est parce que j’étais une femme… mais ils le posent aussi aux hommes … même si c’est peut-être moins. Ils étaient inquiets car pas habitués aussi ; tout être humain à qui on change les habitudes… Les bruits de couloir vont vite de toute façon par rapport au CV, il faut pas me chercher non plus. Maintenant c’est : « Vaut mieux avec elle qu’avec l’autre connard ». e47

« Au début les jeunes pensaient qu’on était pas assez courageuses, etc., mais après on était appréciées car on faisait notre boulot » e60

Le test de la compétence de la nouvelle collègue peut s’apparenter à un bizutage. Ce n’est pas uniquement le cas pour les agents de catégories C, une femme encadrante de catégorie B raconte :

« Donc j’ai été très bien accueillie. Même si certains font certaines blagues qui cherchent plus à savoir comment on réagit. C’est pas de la méchanceté. Et puis la fille m’avait prévenue des personnes qui risquaient de me chercher sur ça, donc je m’étais préparée et j’ai pu dire « Attention, je sais où tu veux m’emmener ». Et après les relations ont été toutes autres et très sympathiques. (…) Dans certaines équipes, il y a des fanfarons, des grandes gueules et des provocateurs. Ils font des remarques à connotations sexuelles ou sexistes... en essayant de mettre mal à l’aise par des remarques pour voir si on se tait ou autre... Mais ayant été prévenue et sachant à qui j’avais à faire, ayant de la répartie et pouvant en faire autant que lui, après il a changé un peu d’attitude. » e52

Les agents lui diront d’ailleurs par la suite l’avoir testée parce que « femme » et « jeune ». En filière administrative, les femmes paraissent être plus à leur place et donc moins connaître ce que nous avons qualifié de « bizutage » mais elles sont tout autant soumises à justifier leur présence et suspectées rapidement de ne pas assez investir le travail.

« Donc aujourd’hui c’est clair qu’on n’est pas à égalité en tant que femme et que cela est inhérent à la maternité, du fait que c’est un leurre de dire que les opportunités arrivent n’importe quand. On peut l’être sur des missions ou des positionnements. Mais il y a un gros travail à faire encore dans la maison, il faut toujours en faire plus en tant que femme. Et pourtant je n’utilise pas mon droit de tirage enfants malades et je ne me sers pas de ça. De plus je m’arrange toujours pour que ça ne pèse pas trop et je pars toujours à 19h le soir. Et en plus, avant ça allait car on était deux cadres et on s’épaulait. Et le problème est que si j’envoie ma collègue cadre B et bien c’est pas possible car elle ne va pas se faire reconnaître. Il faut conjuguer grade et sexe, mais bon c’est aussi dur pour les hommes... Et puis une femme en réunion avec beaucoup d’hommes, il y a toujours la petite réflexion sur le temps partiel, une telle comment elle est foutue, etc. Donc il y a très souvent ce type d’allusion même si c’est pas toujours… et ce dans n’importe quelle réunion. »e41

Page 73: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 73

2.3.4 La suspicion d’absentéisme, du moindre investissement

La question de la disponibilité des femmes se pose donc en filigrane par rapport au temps partiel ou au congé parental.

« Il n’y a pas une volonté particulière de ne pas laisser les femmes accéder aux postes à responsabilité. Sur les postes d’encadrement la question du temps partiel et de la disponibilité est posée. Vous en pensez quoi ? J’en parlais ce matin avec une collègue à 80%, c’est essentiellement une question d’organisation et de rigidité : si c’est quelqu’un à temps partiel qui met jamais les pieds le mercredi dans le service. Le temps partiel ou le temps de travail en général ça dépend de la capacité de la personne à travailler vite et être efficace. Pour moi c’est plus tenir sa charge de travail qu’en terme de temps partiel ou pas » e3

Il semblerait donc qu’il soit difficilement concevable qu’un poste d’encadrement voit la charge de travail repensée par rapport à un temps travaillé réduit.

« Donc ma collègue râlait car elle était contractuelle donc elle n’osait pas se mettre en temps partiel, même si on y a droit aussi en tant que contractuelle… et il n’y avait pas la compensation de la CAF… (indemnité pour compenser la perte de salaire). Des personnes sont un peu aigries par ça et font bien comprendre que quand on est à 70% on ne fait pas autant de travail qu’à 100%. Donc je pense qu’au niveau catégorie C c’est bien admis mais au niveau cadre non…Les hommes y ont droit comme les autres, y’en a qui le prennent même si c’est des cas isolés. C’est des choses positives dans le statut quand on a le contexte qui permet de le faire. » e25

Il est donc moins facile d’exercer à temps partiel pour les femmes cadres que pour les autres.

« J’ai donc eu repli sur un poste à 70% ce qui est rare pour un cadre. (…) Donc aujourd’hui je suis à 80% et ce depuis longtemps (…) et la communauté est gagnante car je finis tous les soirs à 19 heures et je reviens le mercredi. Mais je me plains pas car je veux quand même pouvoir prendre mon mercredi si besoin. Mais la situation est délicate pour moi car je pense aussi que le service est mal dimensionné, on manque de monde. Donc aujourd’hui c’est clair qu’on n’est pas à égalité en tant que femme et que cela est inhérent à la maternité, du fait que c’est un leurre de dire que les opportunités arrivent n’importe quand » e41

« J’ai toujours été à temps plein et le congé parental à l’époque n’était pas rémunéré. J’y ai pas pensé pour ma fille et quand j’ai eu mon fils je me suis dit : plein de femmes travaillent avec deux enfants, et puis il y a le problème financier quand même. Cela est donc un aspect car j’ai toujours été disponible pour mon travail. Ceci étant j’ai fait mes deux enfants dont le premier avec un arrêt maladie. Et puis ils étaient en bonne santé car je me rappelle avoir pris un jour suite au vaccin de ma fille d’un an, deux jours après elle était très mal… J’avais fait ça un mercredi et on m’a dit qu’il fallait le faire en fin de semaine et pas au milieu. C’était injuste car en plus elle avait une gastro. Mais ceci étant j’avais une responsable femme et ce n’est pas non plus de la discrimination. Est-ce que les femmes sont dures ? Oui elles ont fait des sacrifices et en plus on n’a pas tous les mêmes capacités. Elle avait une capacité de travail et une force extraordinaires. Et je pense que pour aller plus haut il faut en avoir sous la semelle quand même. L’idée c’est que moi j’ai eu des enfants… à la limite un responsable homme ne sait pas qu’il faut faire vacciner un enfant et qu’il peut être malade après. Après je pense que les congés maternité sont quand même mieux admis d’une façon globale par les responsables femmes. » e16

Page 74: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 74

Le temps partiel questionne aussi l’évolution de carrière ainsi que l’organisation du travail.

« Mais pour l’évolution c’est sûr que le temps partiel joue. Une personne à temps plein est systématiquement préférée. Moi heureusement que j’avais l’accord en amont. Et c’est l’organisation qui est interpellée car on n’embauche pas en plus bien sûr. Le temps est partiel mais il est entendu que le travail est le même. Sur une création de service c’est pas possible. L’employeur dit ok pour le temps partiel pour éviter les conflits mais cela n’est pas pensé du tout en termes d’organisation. Moi j’ai un effectif de 6 avec 4 temps partiels, donc ça fait 80% de temps en moins mais on a toujours compté 6 postes équivalents temps plein et ce n’est pas réaliste. C’est un peu de la roublardise aussi car du coup cela fait des économies pour la collectivité mais qui en sens inverse n’est pas obligée d’accorder de temps partiel pour nécessité de service. Mais c’est donnant-donnant cette histoire. Mais du coup cela amène des trucs où on n’est pas forcément en situation d’égalité pour négocier. Cela joue dans la carrière aussi! c’est aussi pour les grades » e41

La maternité est également mentionnée comme un facteur de « risque » dans le cadre des embauches. Une femme cadre A témoigne de la crainte qui transparait au moment des recrutements.

« Une question a été posée par un cadre par rapport à un recrutement : les jeunes femmes vont avoir des enfants et vont s’arrêter de travailler, est-ce que c’est un bon plan ? J’ai répondu qu’il pouvait engager un jeune homme qui tombe au ski, un homme qui fasse une crise cardiaque. Mais c’était quelqu’un qui avait plus besoin de se rassurer. » e3

Ce que rapportent plusieurs agents lors des entretiens.

« Tant que la personne n’a pas la possibilité d’avoir des enfants ça va. Si la personne est jeune et en âge d’avoir des enfants ça ne va plus. La maternité est perçue comme : c’est galère, elle va prendre son mercredi, prendre ses vacances. Ça pose problème dans l’évolution des carrières. (…) Oui c’est présent. Des phrases partent : « c’est une fille qui a fait cela ! Elle est jamais à son poste. C’est le mercredi… » » e64

« Il y a toujours beaucoup plus d’a priori sur le recrutement d’une femme avec les grossesses, les enfants… » e59

«Des directeurs disaient : elle ne pondra pas je suis tranquille ! C’est plus du côté péjoratif mais j’ai pas entendu d’injures, c’est plus insidieux » e9

« Une fois j’ai eu un entretien avec un chef car j’étais beaucoup absente et j’avais des problèmes de santé. J’avais eu une grave opération et je ne voulais pas rentrer dans le détail. Il voulait savoir… Il m’a dit « Les femme, font des enfants, etc.». Il m’a demandé « T’as été opérée du ventre ? », j’ai dit « oui » mais rien de plus... J’ai dit « Oui mais les femmes sont là pour procréer, non ? Et y’en a qui ont des enfants et d’autres ont des problèmes de santé ». J’ai dit « Moi j’ai pas choisi et je veux bien échanger avec votre santé et vaut mieux avoir des enfants (que mon problème) ». Je suis pas rentrée dans les détails et l’ai juste expliqué au médecin du travail dans un cadre privé, il raconte pas. » e53

Les femmes craignent cette suspicion et font attention à ne pas l’exacerber en restreignant au maximum les congés pris, en veillant aux heures effectuées voire en renonçant à un temps partiel pour les cadres comme nous l’avons entrevu.

« Au début j’avais pas d’enfant et j’étais pas mariée. Aujourd’hui je privilégie ma vie de famille : je fais 9h-16h15 tous les jours et il faut car sinon… mais au

Page 75: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 75

début je culpabilisais de faire mes heures. Mais du coup la journée elle est à fond. C’est un compromis. » e22

C’est bien parce que les femmes supportent davantage le poids de la sphère familiale et domestique dans la continuité de la reproduction biologique qu’elles sont plus nombreuses à être concernées par le temps partiel. Une femme en fonction RH garde en tête cette réalité lorsqu’elle évoque ce qu’elle ferait si elle était amenée à constater des faits discriminatoires.

« Après c’est plus sous forme de boutade, par exemple pour les maternités. Il y a la question du remplacement pendant les congés maternités, on oublie ça parfois et je ramène les gens à leur vie personnelle en disant : « Vous, vos enfants est-ce qu’ils sont nés dans un chou ou une rose ? »» e32

L’univers de travail - qui pouvait ne pas tenir compte de cette réalité personnelle extérieure à laquelle est renvoyée la maternité à une période où une répartition stricte des rôles entre hommes et femmes libérait les hommes des contraintes liées à la reproduction pour se consacrer uniquement à la sphère de la production - est interrogé par les femmes qui se confrontent à l’articulation des différents temps sociaux. Un fonctionnement des rythmes de travail calé sur cette définition implicite des rôles constitue de fait une discrimination indirecte pour les femmes. Nous l’avons pointé avec le temps partiel.

« Cela renvoie à des choix personnels mais si on veut être mobile, et comme il faut toujours démontrer que l’on peut apporter des plus-values, apporter une valeur ajoutée car ce sont des postes fonctionnels, on a la pression. Aujourd’hui j’ai la pression d’enfer d’un délégué qui veut que j’ai un portable professionnel et qui veut que je sois joignable à toute heure. Et je vais devoir céder de toute façon. Dans cette délégation c’est vrai qu’il y a des gens qui viennent du privé et qui gèrent la commande politique et donc c’est sans fin. Il est typique d’avoir une idée à 18 heures et de taper son truc et de l’envoyer. Et encore plus quand on travaille avec des cadres supérieurs. Et puis quand on est cadre et à temps partiel donc en plus, il est dur de gérer le temps partiel des filles car j’y suis aussi donc je ne peux pas refuser. Un autre exemple, c’est un directeur qui met systématiquement les réunions à 17 heures le mardi et ça ne pose pas de problèmes car il y a trois mecs, deux nanas sans gosse. Et bien je ne dis rien ! On ne prend pas en compte et ne fait pas l’effort de mettre ce qui me concerne en premier dans l’ordre du jour. Ça va se faire ponctuellement. C’est vrai aussi que les femmes passent sous silence le fait d’avoir des enfants et c’est leur carrière qui importe. Mais on a aussi des discussions d’enfants gâtés car plein de femmes n’ont pas ça, ni quelqu’un qui aide pour le ménage etc !!!! Donc c’est volontairement que je dis ça. » e41

Implicitement donc, l’organisation du travail continue à faire abstraction des contraintes afférentes à la reproduction et les renvoie du côté de la maternité. Certains agents apprécient la compréhension de leur encadrant de proximité face aux situations d’urgence ou d’imprévu que comporte la prise en charge d’enfants. Globalement, il semble que des arrangements possibles soient trouvés au niveau des horaires pour les agents de catégorie C. Les déclarations de certains hommes nous montrent qu’ils composent également avec leur choix de vie familiale, certains tempérant une progression de carrière pour permettre à leur épouse d’investir une formation, d’autres pour soulager une conjointe malade, d’autres parce qu’ils souhaitent consacrer davantage de temps à leurs enfants. Un agent célibataire ayant eu à prendre en charge une tutelle d’enfants suite à un décès familial constate avec satisfaction n’avoir eu aucune difficulté pour obtenir un supplément familial mais pointe la contrainte des horaires.

Page 76: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 76

« Au Grand Lyon être tuteur est reconnu comme ayant des personnes à charge et donc j’ai eu le supplément familial ce qui est plutôt intégrant et pas discriminant. Mais en ce qui concerne les horaires de travail… à l’époque on mangeait fort tard... » e9

Mais aucun homme n’évoque une conséquence négative professionnellement. Par contre, des hommes porteurs d’un handicap témoignent quant à eux de l’impact du temps partiel sur la carrière mais également les relations de travail et la considération. Le témoignage suivant illustre aussi que les hommes ne sont pas légitimes à s’occuper de leurs enfants, tâche supposée remplie par leur compagne.

« Donc on nous met toujours dans le même sac comme si on mentait toujours etc. Par exemple, une fois ma fille de huit mois avait une infection urinaire et je devais l’emmener à l’hôpital pour une analyse et j’ai demandé une journée enfant malade et on m’a dit : « Et ta femme ? Elle travaille ? » » e26

Cet agent porte un « patronyme à consonance potentiellement discriminante ». On peut penser qu’il s’agit ici d’une discrimination en lien avec le patronyme de l’agent qui s’appuie sur une certaine représentation de la famille où la mère est sensée être entièrement disponible pour ses enfants.

2.3.5 Quand les femmes bousculent l’organisation masculine Il semble donc qu’une fois embauchées les femmes soient parfois ramenées à la difficulté organisationnelle que génère le congé maternité.

« Une femme enceinte, qu’elle soit ici (subdivision) ou au bureau elle n’est pas remplacée. Et comme elle était enceinte et tout ça ils l’ont laissée au dépôt car elle avait un certificat comme quoi elle pouvait pas faire d’efforts ; elle faisait des tâches comme le nettoyage, ce qui revient habituellement au plus ancien du dépôt. Elle se laisse pas faire et a un caractère assez fort et elle dit les choses de façon claire et nette. Elle dit les choses et cela leur déplait. Elle disait : « C’est comme ça j’y ai droit, j’ai un certificat. » e54

On notera ici que cela vient bousculer les avantages habituellement liés à l’ancienneté. L’exercice de certains métiers comme celui d’égoutier par exemple impose une réaffectation sur d’autres tâches de l’agent en état de grossesse en raison du contexte de travail insalubre et les risques sanitaires que cela représente. D’ailleurs l’encadrant de catégorie A qui nous relatait sa surprise quand, pour un recrutement de personnel d’exploitation la candidature du meilleur candidat semblait poser question tout simplement parce qu’il s’agissait d’une femme, décrit les raisons invoquées en ces termes.

« Il n’y a pas de vestiaires, c’est un travail un peu dur, c’est une jeune femme alors si elle est enceinte et comme on manipule des produits insalubres, on ne voudrait pas qu’elle fasse un bébé avec des malformations : c’est dans son intérêt. J’ai dit : pour l’aspect santé il y a un médecin du travail mais si c’est le meilleur candidat je suggère qu’on la recrute. Et pour les vestiaires on devrait pouvoir trouver une solution. Et c’est ainsi qu’on a recruté notre premier agent féminin, qui s’est marié, a eu un enfant et à nouveau un autre, sans malformations. » e44

Page 77: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 77

On voit ici le rôle que peut jouer la hiérarchie dans une meilleure acceptation d’une présence féminine dans un univers d’où pour l’heure elles étaient exclues, ce que corrobore un encadrant à propos de la gestion des congés maternité.

« Ce qui semble important dans le recrutement c’est de le faire en toute objectivité et non que ce soit une femme et se dire aussi on compte les enfants, elle en a deux donc c’est rare qu’elle en ait quatre. J’ai vécu l’expérience il y a cinq ans que sur neuf femmes, cinq étaient enceintes en même temps. La dernière est venue à reculons mais ça s’est fini en fou rire à la fin, on s’est serré les coudes, on a joué de l’intérim et on a passé le cap. » e33

« A la direction de la voirie il y avait un directeur qui voulait féminiser son staff et il a réussi. » e 25

« Et ils voulaient des deux directeurs adjoints recruter une femme sur un poste de chef de subdivision » e38

«Je pense que ce qui a joué c’était la volonté de l’ingénieur à travailler avec une femme, il était pour, car hormis les secrétaires il n’y avait pas de femmes. » e49

Accueillir des femmes dans un milieu de travail pensé comme masculin pose la question de l’adaptation des conditions de travail. Les femmes cantonnières vont se trouver affectées sur un seul secteur avec des horaires de travail de l’après-midi ; la question du travail de nuit peut également être soulevée.

« On avait l’habitude d’accueillir un certain nombre de stagiaires. Mais un jour une minette est candidate apprentie sur un contrat long qui nécessitait de travailler de nuit. La question s’est posée clairement : « Etait-ce raisonnable ? Ne le regretterions-nous pas si un jour il arrivait malheur à cette jeune femme…J’avoue que cela m’a posé question entre une jeune femme candidate et une attitude protectrice de la jeune femme fragile. Mais on n’a pas eu à le faire grâce à la DRH qui a miraculeusement trouvé qu’on ne pouvait faire travailler un apprenti la nuit. Donc on n’a pas eu à statuer pour des raisons réglementaires » e44

On touche là au débat sur les mesures spécifiques concernant le travail des femmes envisagées sous leurs seuls statuts sexuel et maternel nécessairement à protéger. C’est encore cette exigence de protection qui fait parfois avancer l’idée que certains métiers ne sont pas faits pour les femmes.

« Sur le nettoiement c’est pas un métier de femmes quand même, c’est un métier dur, physique quand même ! (…) Après c’est une question d’organisation, il faut double vestiaire, etc. mais ça peut toujours se faire. C’est pas de la discrimination hein, au contraire c’est les protéger. Agents de maîtrise ça serait bien. » e5

La présence féminine pose également une question logistique comme l’aménagement de vestiaires pour les agents de terrain. Ainsi l’absence de cette infrastructure peut devenir un argument de non recrutement aux yeux de certains agents.40

40 C’est le même type d’argument qui est parfois mobilisé pour tenter de justifier la non-embauche de personnes en situation de handicap. Or la loi impose justement l’aménagement de poste sauf si cette mesure représente une charge disproportionnée.

Page 78: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 78

2.3.6 Les attributs féminins/masculins

Si la question des vestiaires se pose pour les femmes des services urbains agents de terrain, c’est plus largement la dimension vestimentaire et le comportement qui sont interrogés. C’est par exemple une remarque à propos du fait qu’une femme ne peut pas porter de jupes si elle veut être égoutière, ou bien une autre concernant la difficulté que peut avoir une encadrante pour s’imposer et qui apparaît agressive :

« Ce serait mentir de dire qu’il suffirait qu’elle se mette en jupe, quand bien même je l’ai vu avec une jupe longue comme ça (montre les chevilles) »

Une femme catégorie B met en évidence l’importance selon elle de savoir adapter le registre en matière d’habillement.

« La personne qui m’a pris en stage, elle, était contractuelle, ça se passait pas bien. Elle était toute fofolle et se mettait en mini-jupe. Ca n’allait pas dans l’environnement de l’usine pour marcher sur les caillebotis, etc., ils ne se souviennent bien entendu que de la mini-jupe. Moi je me suis habillée en fonction d’un environnement industriel. De toute façon je ne suis pas féminine donc ça allait bien mais il y a des choses que je garde pour chez moi. Je crois que c’est mieux comme ça et qu’on est davantage sur un pied d’égalité et ainsi ils se concentrent sur le travail au moins. » e22

Une agent technique en catégorie C insiste sur l’importance de la tenue :

« Il n’y a pas de différence entre eux et moi. J’ai dit : « Quand je suis habillée comme vous : vous me considérez comme un pélot ! » » e53

Une autre, en catégorie A relève en quoi son apparence physique et sportive joue en sa faveur :

« Moi, en tant que femme, j’ai pas peur d’eux, même si je ne suis pas super à l’aise devant 200 personnes le matin et j’ai beaucoup côtoyé d’hommes dans mes études. Je suis grande, sportive et ça les a amusés de me voir arriver en vélo ou moto. Je joue aussi. » e38

Ainsi, d’une manière générale le rapport à la féminité et à la masculinité est interrogé pour les femmes.

« J’étais la première à occuper ce poste mais certains avaient eu une ingénieure femme à la tête de la direction. Mais en général dans ce milieu très travaux publics, les femmes en poste étaient assez masculines, mais moi je veux garder ma féminité donc ça a surpris mais il n’y a pas de problèmes. » e49

Les femmes dans la filière administrative sont également renvoyées à la dimension physique et vestimentaire. On remarquera que l’affichage de la féminité via les vêtements est directement associée à la dimension sexuelle. Ainsi, très vite, les femmes courent le risque d’être perçues, comme aguicheuses tout en étant attendues sur ce registre. Un agent de catégorie A de la DRH nous dit :

« Le racisme est une discrimination, mais il y en a plein d’autre : être blonde, une femme, habillée un peu court peut être un peu mal vu chez nous ! » e25

« Je me rappelle qu’aux RH on m’a dit qu’on me reprochait ma frivolité…Ah ? Frivole ? C’est que je butine ou… ? Non, non ! On va pas le prendre dans ce sens là ! Je parle beaucoup oui, mais c’est gros tout de même ! » e30

Page 79: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 79

Nous l’avons évoqué à partir de quelques extraits plus haut, les agents, hommes, entrent facilement dans des rapports de séduction et les femmes doivent veiller à ne pas trop susciter leur attention. Cela nous renvoie plus globalement à la représentation d’une sexualité masculine irrépressible, par ailleurs en vigueur dans notre société. Une femme nous relate un événement concernant l’envoi d’une vidéo via internet par un agent à une technicienne.

« Une action a été faite, il y a eu convocation de l’agent, sanction ou blâme. Suite à ça, ce qui a circulé dans les locaux c’est un bruit de couloir disant qu’il y aurait une note demandant aux agents femmes de s’habiller correctement. Le responsable a demandé à une femme de mieux s’habiller. J’ai été choquée par le fait qu’il y ait une femme se trouvant en situation difficile par rapport à la vidéo porno et qu’ensuite il y ait une réaction basique du type c’est de sa faute, elle a pas à venir habillée comme ça. » e2

Et ainsi quand on lui demande ce qu’elle ferait en tant qu’agent si elle était confrontée à la discrimination, elle nous répond :

« J’essaie de faire comme je peux en me protégeant. (et prenant en exemple la situation où un agent avait évoqué de mettre un décolleté pour une femme amenée à rencontrer les syndicats) J’ai dit : si on envoyait un homme ça serait peut-être mieux, il mettrait un short ça serait peut-être bien. J’ai fait de la dérision sur la note concernant l’habillement des agents, j’avais dit : on pourrait aussi faire une note pour demander aux hommes de ne pas se pencher sur les décolletés. » e2

«Il y a eu pas mal de féminisation au niveau de la propreté par et dans le SRH. Il y a eu plein de postes créés et beaucoup de femmes ont été embauchées et j’ai entendu : « Et ben voilà des nanas se sont fait embaucher là-haut et bien quand il y aura des comités techniques elles ont qu’à venir en mini-jupe comme cela elles serviront à quelque chose », et ce, même de la part de la hiérarchie. » e52

2.3.7 Relations à la plaisanterie et au sexisme

Une femme de catégorie C nous décrit sa perception des relations entre hommes et femmes sur le terrain où l’on voit transparaître encore la dimension de la sexualité.

«Les hommes c’est : « Tu couches avec moi ? Non ? Ben on boit un café alors ? », alors que les femmes c’est : « T’es gentille et après … dans le dos… » » e58

Un homologue abonde dans le même sens.

« Ben vous connaissez les mecs… certains sont un peu bourrins. Parce que c’est une femme, alors ça tourne autour du sexe. Mais quand on leur dit qu’elles conduisent mieux qu’eux ils n’aiment pas. Bon vous connaissez les mecs. Sinon il y a une femme qui s’occupe de la sécurité, ça se passe bien. Comme elle est un peu charmante ça y va entre eux ! » e24

Cette dimension sexuelle est très présente dans les discours des femmes qui souffrent d’un sexisme ambiant.

Page 80: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 80

« Non ! je qualifierais pas ça de harcèlement, c’est des petites remarques : « Tu voudrais pas laisser ton mari pour venir avec moi ? », « Aujourd’hui tu es malade alors aujourd’hui on peut rien faire avec toi », « Aujourd’hui tu vas voir les syndicats alors mets un décolleté »… C’est toujours dans la plaisanterie (…) Quand on vit des situations de sexisme on ne sait pas vers qui se tourner si ce n’est les bonnes copines, les collègues et résoudre le problème, je pense que c’est la même chose pour le racisme. Le problème dépasse la limite de la blague, mais comment faire ? On ne sait pas. Mais ce n’est pas du harcèlement sexuel. Jamais n’est demandée une faveur pour une promotion non ce n’est pas ça. Il s’en rend pas compte et c’est dramatique. Tout le monde rigole autour et il n’y en a pas un pour arrêter. J’ai dit : « Tu vas pas rentrer voir ta femme-là ? C’est l’heure ! , mais c’est dur pour le dire sur le ton de la plaisanterie. » e2

« Quelquefois il y a des blagues qui se racontent ; par exemple un agent qui raconte : « Il y a une femme qui se fait violer par quatre mecs… ». Je dis « C’est une blague ça ? », « Oui, oui ! ». Mais j’ai pas envie d’entendre ça. Ils disent bien « Femme au volant, mort au tournant ». e27

Les hommes peuvent reconnaître par ailleurs une dimension de taquinerie à l’égard des femmes.

« Il y a des réflexions logiques comme « Les femmes au volant », mais j’aime bien chambrer de toute façon, c’est pareil avec ma femme. » e21

« Une femme est arrivée après moi. Il n’y a pas eu de souci à son intégration même si parfois on la chamaille un peu, c’est vraiment de la rigolade » e24

« J’ai fait une boutade une fois quand une dame est arrivée (dans le service), j’ai dit : « C’est bien, maintenant on va pouvoir dîner ! », pour dire qu’elle nous fera la cuisine, et un chef m’a dit : « T’as pas à dire ça ! », mais après lui il m’a dit : « Elle vient des cuisines », donc je pense que c’est lui qui avait eu cette idée en fait sachant cela. Comme quoi ! C’est vrai j’ai dit ça et c’était peut-être pas très gentil mais c’était pas méchant non plus et pas pour autant qu’elle me l’ait fait une fois (la cuisine) ! » e55

Cela ouvre la question de la plaisanterie et de la limite acceptable et celle d’un univers où la référence masculine est prégnante, tolérant au sexisme. Les femmes s’interrogent sur la manière d’interpréter certains propos présentés comme des plaisanteries.

« Il y a trois ans je faisais 50kg de plus et aujourd’hui je me fais siffler, ça va que c’est correct même si quand on me dit « Tu deviens baisable », je peux prendre deux témoins et aller voir la direction ou alors le prendre avec humour. » e47

« Si on en parle, ça nous ennuie mais de là à empêcher de travailler... Par rapport à une réflexion sexiste « De toute façon c’est une bonne femme ». C’est dit sur le ton de la rigolade donc on ne cherche pas ce qu’il y a derrière. Avant mon responsable qui était un peu macho disait « Vous êtes une bonne femme », au début je me demandais et je le prenais mal, qu’est ce que ça veut dire ? : « Vous êtes tatillon etc. » ? Je m’entendais bien quand même... Il y a des fois où c’était péjoratif. Ça va dépendre de comment c’est dit. Ensuite bon, je le prenais bien. Mais en plus d’être une femme je suis blonde ! ! » e37

« Et puis on travaille dans un monde d’hommes donc il y a toujours des remarques sur les femmes... J’en accepte pas certaines donc je le dis en blaguant et je ne fais pas celle qui a pas entendu, je ferais pareil sur les blacks si c’est dégradant. En dehors de ma sensibilité profonde, je recentre aussi car même si on est entre nous, en tant qu’agent je dis faut pas dire cela non plus. Mais on ne peut s’offusquer de tout et ça dépend de qui le dit et comment c’ est dit. Et puis on est amené même en temps que femme à faire des remarques sur les hommes. Les remarques c’est hors grades. » e46

Page 81: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 81

Il semble que certaines femmes adoptent le référent culturel masculin et jouent la dérision ou bien symétrisent la situation en adoptant une attitude posant les hommes en objet sexuel.

« La blonde, les arabes, les belges, … tout ce qu’on entend couramment. Je suis déçue car aujourd’hui on n’a plus le droit d’afficher les calendriers de femmes à poil et moi après avoir supporté des années ça, j’aurai aimé afficher un poster de mec à poil ! Et je pense qu’ils n’auraient pas aimé» e47

C’est la construction de l’identité masculine en lien avec la sexualité qui transparait, mettant en exergue l’idée d’un « esprit » propre à l’univers masculin.

Un agent, ancien militaire, fait d’ailleurs un rapprochement avec l’armée.

« A l’armée, ils ont déjà été confrontés à ça car ils ont fait rentrer les premières femmes dans une unité masculine, l’infanterie. L’armée de l’air a féminisé tous les postes. On avait peur que les sous-officiers fassent du favoritisme envers elles et ils l’ont fait, ils leur passaient un peu plus de choses… c’est un esprit aussi d’être entre mecs. C’est pas une histoire de compétences mais de camaraderie. C’est pas la même sensation. D’ailleurs ils ont montré un reportage très intéressant sur le parachutisme. Les filles ont réussi mais elles ont dit : « Le combat c’est pas pour nous ». C’est juste un esprit ! » e17

Un homme en catégorie A constate :

« J’ai été confronté à un problème assez classique de calendriers de femmes à poil, en me baladant dans les vestiaires, calendriers proposés par nos fournisseurs mais qui à moi proposent de beaux paysages ! J’avais réagi sur deux registres : une note de service par rapport au code du travail rappelant que la discrimination était interdite et que toute personne pourrait être tenue responsable. Un certain nombre de personnes sont venues : « Et pourquoi, y a pas de problèmes ! ». « Y’a pas de problèmes ? », et bien c’est bien qu’il y en avait ! Et puis je suis allé voir chaque personne dans les vestiaires et les camions et j’ai posé la question par rapport au calendrier : qu’est-ce que vous exposez là ? Et si vos épouses venaient dans les vestiaires ? Ils répondaient : « Ah non jamais ! ». Je leur disais : « Et pourquoi pas ? ». Et généralement il était retiré quelques jours après. » e44

On trouvera ailleurs dans ses propos cette idée d’une identité masculine qui se joue aux yeux des collègues.

« Je me suis toujours arrangé de mettre la personne face à elle-même et pas en position de faire le macho devant les collègues, faire du travail en bugne à bugne, entre quatre yeux parce que bien évidemment personne n’est raciste et ne fait de discrimination. »

C’est d’ailleurs bien à cela qu’ont fait référence certains agents qui ont invoqué l’idée de faire changer les mentalités en embauchant des femmes, comme nous avons pu le remarquer à propos de leur prétendue douceur.

« Ca a été une erreur de penser qu’on allait changer les mentalités. On pensait que ça allait améliorer la communication avec les chauffeurs, qu’ils allaient moins faire les machos devant elles. En fait ils hurlent de la même manière. » e5

Les femmes peuvent de leur côté faire corps en réponse à cela.

« Dernièrement une femme a été nommée à la voirie en service urbain, ça a été un moment de rigolade entre femmes, tout arrive, enfin le milieu masculin voit arriver des femmes. » e2

Page 82: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 82

Certaines femmes sur des postes en services urbains abondent dans l’idée d’une spécificité des caractéristiques liées aux catégories de sexe.

« J’ai travaillé et formé des hommes et c’était bien, ils étaient pas machos dans l’ensemble. Je préfère, plutôt qu’être qu’avec des femmes où c’est crêpage de chignon… on est cinq on dirait qu’on est cinquante. » e53

« Un truc rigolo c’est que les techniciens qualité c’étaient trois femmes et une technicienne les fédérait. Et bien il y a eu embrouilles car c’étaient quatre femmes. Je pense que c’est le côté féminin de petite susceptibilité et jalousie. C’est différent si c’est pas que quatre femmes entre elles » e38

Les femmes sont ramenées à cette dimension sexuée comme par ailleurs les personnes portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » peuvent l’être à leur origine supposée. Elles doivent estimer ce qui leur semble tolérable en termes de blagues et d’humour, acceptant pour certaines un référentiel commun et jouant sur l’humour, refusant pour d’autres et préférant un affrontement.

«Oui, moi j’ai de la galanterie et j’apprécie car je reste une femme à part entière avec un métier d’homme, j’apprécie qu’on me tienne la porte, me lave le camion… La galanterie ça passe par : « T’es une femme, tu vas pas quand même faire ça ! ». Et pourquoi puisqu’on a le même contrat et le même travail ? Donc si il y a un geste aimable comme laver le camion qui est désagréable et pas évident… je peux le gérer soit en acceptant, soit en disant tu me crois incapable ? » e47

« Mon ingénieur c’est une femme et elle, limite elle est agressive. Limite on lui dit rien mais même sans rien lui dire elle se sent agressée d’être une femme à l’usine. Du coup, les agents la cherchaient et vu qu’elle démarre vite !… Une fois ils avaient mis une blague au tableau sur les femmes, et elle s’était mise en colère et a cherché à savoir qui c’était. Cela me fait sourire car elle est à fond dedans, juste comme ils voulaient. » e22

L’équilibre est fragile entre s’affirmer en tant que femme dans un univers masculin et être considérée comme une « caractérielle ». Il arrive également de qualifier de manque d’humour les réactions des femmes à des propos sexistes Enfin certaines femmes se sentent remises en question dans leur identité de femme par des propos qui font appel à des faits d’ordre privé.

« J’ai été arrêtée 15 jours pour début de déprime. Je voulais pourtant tenir le coup et ne pas craquer avant eux. Ils m’ont enlevé tous mes dossiers. L’ingénieur m’avait dit : « Oui s’il veut que tu laves son bureau tu le fais ! ». Et puis entre-temps j’ai divorcé alors leur gros truc c’est « J’ai un problème avec les hommes ». Je ne vois pas le lien de toute façon ! Donc je cumule : femme et divorcée, c’est pas compatible pour eux avec le métier. Et ça je l’entends régulièrement, dès qu’il y a un problème, on dit : « C’est parce que tu ne supportes pas les hommes et c’est super dur à contrer, j’ai beau dire non… » e49

La tâche peut se révéler ardue : obligée de faire ses preuves en permanence, de prouver que la place occupée n’est pas usurpée et plus particulièrement sur la durée ; le soutien hiérarchique s’avère particulièrement important. D’autant que les femmes peuvent anticiper ces difficultés et renoncer d’elles-mêmes à s’y confronter. On connaît bien ce mécanisme social qui fonctionne sur le mode du « c’est pas pour moi ». Un homme de catégorie A et de « patronyme à consonance potentiellement discriminante » le décrit très bien.

Page 83: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 83

« Ça me fait penser au cas d’une femme technicienne de laboratoire qui était intéressée pour des raisons professionnelles et géographiques à changer de poste. Et il se trouve que le cas s’est présenté proche de chez elle et le contenu lui correspondait très bien à tel point qu’on pouvait croire qu’il était taillé sur mesure pour elle. Un beau jour, j’apprends que le choix du titulaire c’était pas elle. Je lui ai demandé des explications et elle m’a dit : je n’ai pas candidaté. Mais pourquoi ? Elle m’a répondu d’une façon très embarrassée : non j’ai préféré ne pas candidater. Il est vrai que c’était un service avec aucune femme et elle a donc compris que ce n’était pas la peine car elle aurait été refusée. Et une fois de plus officiellement il n’y a pas de discrimination puisqu’elle n’a pas été candidate. Donc les choses sont clean du point de vue de la DRH. Pas de candidate donc pas de discrimination. » e44

2.3.8 Le sexisme, une spécificité des hommes des services urbains ou une histoire d’établissement ?

Les différences constatées sont très rapidement expliquées par une caractéristique naturelle et ne sont pas envisagées comme résultat d’une socialisation différenciée non immuable. Il semble que l’idée d’un univers où l’esprit est masculin, viril, est prégnante. Pourtant, les femmes nous décrivent aussi cette confrontation au machisme à tous les niveaux hiérarchiques et dans toutes les filières. On prendra pour exemple une situation qui nous est relatée :

« L’autre fois avec la secrétaire, on a une salle de réunion comme ça et un paperboard, il était écrit au feutre rouge « Les secrétaires sont folles, vicieuses, cochonnes, elles sont toutes bonnes à sauter ». Dans la salle, il y avait plusieurs ingénieurs qui tenaient leur réunion et riaient, ils ne l’avaient même pas effacé. Ils avaient fait des fautes exprès. On a été très choquées et j’ai dit que ça montrait bien toute la considération que l’on a pour nous. Mais il paraît qu’il faut le prendre à la rigolade. D’ailleurs, une cadre m’a fait une réflexion très choquante « On aurait été dans une subdi avec des techniques cela n’aurait pas été choquant mais là cela l’est », parce que c’est des têtes ! Ça en dit long et je suis pas d’accord car dans le technique il y a un respect qui s’installe si on sait y faire. e56

Cet extrait nous montre bien que dans les représentations, les services urbains sont, là encore, facilement associés à l’image du sexisme, comme ils le sont au racisme. Les propos sexistes semblent ainsi aller de soi dans un univers à prérogative masculine. Mais si les propos relatant l’irrespect que subissent les femmes sont nombreux, quelques femmes témoignent de la considération que leur statut leur octroie.

« Je pense que ça a un peu transpiré que je ne m’étais pas laissée faire mais de toute façon avec les cantonniers c’est : « Vous êtes une femme, on a beaucoup de respect ». Et idem car je suis la supérieure. » e52

Un homme au « patronyme à consonance discriminante » fait d’ailleurs une remarque :

« Après c’est toutes ces petites choses. Une fois une secrétaire fait tomber un stylo par terre et se baisse. Un collègue qui n’est pas chef dit « Dommage que tu ne sois pas en jupe aujourd’hui ». J’ai bondi, j’ai dit « Quoi ? Tu lui donnes pas un coup de pied dans la bouche ? ». L’ingénieur était juste derrière et il a dit « T’as pas du travail etc ». J’ai dit « Il faut pas laisser passer », mais il m’a dit « C’est toujours comme ça, on entend plus ». Mais moi je ne peux plus et c’est physique avec cet agent. Et soit dit en passant les agents sont plus respectueux que les chefs avec les secrétaires de toute façon. (…) e15

Page 84: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 84

Ainsi, les femmes qui atteignent une position hiérarchique peuvent éprouver le rôle de protection que peut exercer le grade sur les agents de terrain.

« Une de mes difficultés, avant j’avais travaillé dans des petites collectivités et je n’avais pas compris que cela fonctionnait hiérarchiquement, je n’avais pas cette culture et on me le faisait sentir. J’avais pas du tout la notion que je pouvais être responsable de ce qu’il y a en dessous. On vous fait bien comprendre la place de chacun. Je ne l’ai pas encore bien ressenti à l’usine. Les agents disaient « mais tu es technicienne ! », « Oui mais alors ?». Je le comprends davantage avec du recul et je n’avais personne à encadrer. Mais j’appréhendais ce contact avec les 60 bonhommes et j’avais un peu peur de tomber avec des gros lourds qui allaient avoir des réactions un peu sexistes. Mais comme la fille m’avait déjà présentée, même si c’était à 20 personnes chaque jour, ça faisait un peu beaucoup, j’ai senti un certain respect et je pense, ce que je n’avais pas réalisé, que l’aspect du grade a joué. » e52

Il semble donc que les femmes soient assez souvent confrontées au sexisme au sein du Grand Lyon et que cela ne soit pas le propre des services urbains contrairement à certaines représentations.

« J’imagine que certaines personnes doivent être dérangées d’être dirigées par une femme, par exemple des gens issus de l’immigration. » e12

2.4. Vécu discriminatoire des personnes discriminables par leur patronyme ou leur couleur de peau

Au cours des entretiens, nous avons demandé aux agents de nous parler de la présence ou non au sein de leur service de personnes de sexe féminin ou d’origine étrangère. Nous allons maintenant aborder la manière dont ces dernières sont perçues au sein du Grand Lyon et la manière dont elles vivent cette perception. Le bilan quantitatif nous a permis d’objectiver ce qui était présent dans les discours à savoir que les agents portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » ne sont pas répartis de manière homogène dans les directions. C’est au sein de la direction de la propreté qu’ils sont le plus représentés. Lors des entretiens, les agents ont très vite associé personnes d’origine étrangère et origine maghrébine.

« Quelqu’un de raciste va discriminer quelqu’un d’une origine qui ne lui plait pas, pour pas dire Maghrébins, qui sont les plus discriminés je pense, ou Portugais ou ayant une forte connotation pas française... e22

« Si on peut parler ouvertement, l’accent est vraiment mis, je vois à la communauté et même dans mon entourage, s’il y a bien une communauté qui est mise en cause : ce sont les Maghrébins ». e39

A contrario, certains interviewés relèvent que les « Africains noirs » sont peu représentés au Grand Lyon tout comme les personnes d’origine asiatique. Les deux personnes d’origine asiatique que nous avons rencontrées nous ont confié que leur patronyme pouvait même être une prime à l’embauche car « gage de sérieux, de précision et de discrétion ».

Page 85: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 85

2.4.1 Une origine étrangère supposée

Le patronyme est un indicateur mobilisé par les agents pour identifier une origine. Ainsi un nom inhabituel peut être perçu comme « à coucher dehors ».

« On a aussi des Réunionnais, quelqu’un d’origine indienne très sympathique avec un nom à coucher dehors » e1

« Les noms comme les noms russes, il y a quand même une curiosité et pas de rejet ; bien que là il y a l’arrivée des nouveaux pays de l’Est qui arrivent avec tout leur cortège . » e16

« Et puis des fois il y a des gens on ne sait pas de quelle origine ils sont car c’est pas marqué dessus et des fois on croirait pas du tout » e28

« Bahia c’en est une, elle s’en défend bien car elle dit qu’elle est née en France mais elle a aussi le faciès… mais il y a personne d’autre. » e 56

Des agents nous expliquerons qu’ils s’interpellent à partir des nationalités d’origine de certains : Italiens, Portugais, Espagnols et que cela se fait particulièrement à l’occasion d’évènements sportifs comme des matchs. Les agents ont bien en tête l’image qui peut être associée à leur patronyme. Ainsi une femme déclare :

«Je cherchais du travail mais j’avais peur d’envoyer des CV du fait de mon nom d’arabe, je pensais pas qu’ils m’embaucheraient. » e27

Elle mentionne la difficulté d’une collègue :

« avec un nom à consonance étrangère car son grand-père est Algérien. Elle n’a jamais trouvé de boulot du fait de son nom car elle a un prénom français. Elle a été pistonnée car elle a un mari qui travaille dans une grande boîte qui travaille avec la COURLY. L’ancien chef a voulu la prendre d’abord comme contractuelle puis elle a été titularisée. Pourtant elle vit comme une Française, elle n’a pas de religion, rien. Elle a plein de diplômes. Elle était contente quand elle s’est mariée ; son mari a dit : « enfin ils vont pouvoir lire tes CV jusqu’au bout. »

Lorsque le patronyme ne coïncide pas avec l’apparence de l’agent, comme par exemple pour les Domiens, l’agent est souvent présenté en précisant son origine géographique. L’un d’entre eux estime qu’on le présente ainsi dans 70% des cas.

« Mais par contre j’ai entendu dire c’est machine d’origine italienne ou Sabrina d’origine algérienne ou machin d’origine congolaise. » e39

Ou bien, des informations complémentaires sont recherchées pour pouvoir attribuer une origine.

« J’ai oublié de dire qu’en fonction de mon nom de famille qui fait pas trop maghrébin et mon apparence qui n’est pas trop marquée... les filles, les agents de bureau, sont allées regarder ma fiche d’était civil que l’on donnait à l’époque alors, travaillant, là-bas je l’ai enlevée. C’est petit et ça fait mal. » e51

2.4.2- Le renvoi aux origines

Outre l’attribution d’une origine supposée, ce que mentionnent les agents portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » c’est en plus le renvoi systématique à celle-ci. La répétition peut devenir harcelante pour la personne qui la vit.

Page 86: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 86

Qu’ils soient encadrants ou non, ces agents relèvent pour la plupart nombre de situations dans lesquelles ils sont renvoyés à ces origines supposées et aux attributs qui leurs sont associés comme la religion, les banlieues etc dans lesquelles ils ne se retrouvent pas.

« Pour la plupart des gens être arabe c’est être musulman alors qu’on a des chrétiens aussi. Etre arabe n’a pas de frontière. » e15

Au moment du recrutement

Intégrer la Fonction Publique suppose de justifier de la nationalité française ou tout au moins son appartenance à un Etat membre de l'Union européenne 41. Mais celle-ci apparaît ne pas toujours suffire pour certains agents comme le soulignent les propos d’un agent de catégorie C portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » relatant son recrutement.

« On a retiré un dossier. C’était en décembre 1990 ou janvier1991 et d’ailleurs quelque chose m’a choqué et je ne répondrais plus comme ça maintenant. On demandait de remplir « nationalité » je veux bien, et après c’était « nationalité d’origine ». J’ai mis algérien. Mais aujourd’hui je ne mettrais pas ça. Ça s’arrête où l’origine ? L’Algérie avant était française etc. » e43

Même si cet agent n’a pas été recruté selon les nouvelles modalités mises en place récemment, ce qu’il relate de l’interaction qui a présidé à son recrutement nous éclaire, au-delà du risque discriminatoire direct que constituent les questions sur la religion, quant à la violence symbolique à l’œuvre qui peut être vécue comme de la discrimination.

« J’ai été convoqué à un entretien avec un truc privé, un psychologue. Il proposait un truc balourd où il fallait faire des points. J’ai demandé pourquoi on me faisait faire ça et on m’a dit que c’était pour voir si j’étais alcoolique. J’ai dit : quoi ? ! ! stop ! moi j’arrête ces bêtises, je bois pas ! C’était un truc américain mais bon pour balayer je vois pas trop à quoi ça sert ! Mon père on lui a jamais demandé ça. Mais bon comme il était sympa… (l’agent évoque un échange qui a eu lieu à propos de son physique où le recruteur a pointé sa coquetterie ce à quoi l’agent a répondu en mettant en avant la dimension génétique qu’il ne maîtrisait pas et en notant que le recruteur était lui-même coquet puisqu’il portait des vêtements de marque). Et en fait on a parlé de la guerre d’Algérie car c’était au moment du FIS. On a parlé longtemps ... mais bon si il veut… Maintenant il ne doit plus y avoir de trucs privés dans les entretiens mais je sais que ça parle religion... c’est pas bien ça ! Est-ce qu’on parle de l’ETA à un Corse ? On demande : vous faites la prière etc Mais tant que ça ne gêne pas dans le travail qu’est ce que ça a à voir ? » E43

41 « Les candidats ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ont accès aux concours organisés par le CNFPT, sauf celui de chef de service de police municipale et de directeur de police municipale. Sont concernés : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie, et la Suède. Ainsi que les trois autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, à savoir l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Les candidats qui ont la nationalité monégasque ou andorrane ont aussi accès aux concours organisés par le CNFPT. Toutefois, au moment du recrutement, pour certains cadres d'emplois, la collectivité employeur appréciera la condition de nationalité au vu des fonctions à exercer ; le cas échéant, la nationalité française pourra être exigée. » cf Site CNFPT

Page 87: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 87

Effectivement, à travers cet exemple, on voit comment l’agent étonné des remarques qui se veulent positives sur son physique en conclut à une manière d’établir une relation sympathique, relation qui se poursuit dans une discussion un peu longue qui le renvoie à une idée de conversation sur le FIS. Conversation d’une part décalée par rapport à l’objectif qui est le recrutement, d’autre part qui présuppose que l’agent a forcément un avis sur la question du simple fait qu’il est ramené à cette origine. On retrouve plusieurs fois évoquée cette association systématique à des éléments culturels prêtés aux personnes d’origine étrangère qui est vécue comme pesante.

« Je ne le sens pas directement dans mon travail mais je sens qu’il y a des choses, des comportements comme quoi les gens ne sont pas naturels avec vous. Ma collègue est née en Italie mais elle est de faciès européen, elle est blonde aux yeux verts. Oui, je le ressens de la part de mes collègues. Pas venant des techniciens mais de la part du gros lourd là, un agent de maitrise. Une fois il a fait une remarque « oui mais vous vous avez des coutumes » comme si on mangeait des enfants ! Et un autre avec qui on s’entend super bien mais il se justifie tous les jours, vraiment tous les jours « mais moi j’ai une copine, l’autre son fils s’appelle Mohamed etc », et puis il est toujours en train de dire « lui il est algérien etc » ou alors il est noir, rouge etc. Il ramène tout à mon origine et ça toujours. Ma collègue qui elle est d’origine italienne le trouvait gentil mais je lui ai dit : est ce que lui tous les jours il te parle des plats de spaghettis, de pâtes à la carbonara etc. J’en ai marre. » e27

Des travaux ont pu montrer que chaque vague migratoire connaît les mêmes stigmatisations, les mêmes accusations par rapport aux spécificités culinaires, les mêmes dénonciations concernant les odeurs, le bruit, les modes de vie etc.42 Ce qui fait violence c’est bien la réduction de l’identité personnelle à ces seules dimensions, notamment dans un cadre de travail où la fonction des individus, leur compétence, sont attendues comme éléments principaux d’identification.

Dans les relations de travail

La figure de l’immigré imprègne les relations quotidiennes et les représentations évoquées ci-dessus sont à l’œuvre. Ainsi, les personnes ayant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » ou bien la peau noire vont se voire renvoyées, à travers la référence à leurs origines, à la question de l’intégration. Et ce, comme le font remarquer les agents concernés, alors même qu’ils sont français, nés en France, de parents eux-mêmes français. Un agent s’interroge sur cette notion d’intégration, non sans humour.

« Et la phrase qui tue : « j’aime pas les arabes mais toi c’est pas pareil ». J’aime pas non plus quand on parle d’être intégré, c’est quoi. Boire de l’alcool et manger du porc ? C’est quoi ? On se respecte c’est tout ! » e43

On remarquera d’ailleurs qu’il peut exister une confusion pour certains agents entre intégration et discrimination. Prenons pour exemple les propos d’un encadrant de catégorie A quand nous lui demandons de dire ce qu’est pour lui la discrimination.

42 Cf les travaux d’Olivier Chavanon sur l’histoire de l’immigration en France

Page 88: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 88

« La couleur de la peau n’est pas importante. Mais je crois que tout le monde doit faire des efforts ceux qui cherchent à être intégrés et ceux qui accueillent. Il est possible que certains qui accueillent refusent des personnes pour la couleur, c’est une forme de discrimination. Il faut savoir pourquoi, c’est un problème aussi d’éducation : est-ce que ceux qu’on accueille se mettent en conditions pour ? Est-ce qu’ils acceptent les règles de société ? Elles peuvent peut-être être trop dures pour certains, c’est aussi à équilibrer. (…) Quand on recrute des agents on ne fait pas de discrimination, mais quand même quand je prends l’exemple de l’ensemble des problèmes à régler, 80% des problèmes sont liés à des gens d’origine différente et qui ne respectent pas les règles. Si j’étais petit patron, j’ai 4-5 employés, on peut se poser ces questions de recrutement ; nous il n’y a pas de souci parce que c’est noyé dans la masse. On peut aussi se poser la question de : est-ce qu’on s’y prend bien ? C’est aussi un problème de société, des gens restent dans les banlieues entre eux, est-ce qu’ils ne sont pas un peu sur la défensive aussi ? C’est possible. C’est un problème de société, les gens ont peut-être été dénigrés pendant leur jeunesse, il faut aussi le comprendre. »

Cela se traduit également dans les termes d’adresse ou de désignation ainsi que dans ce qui se veut être des plaisanteries

A travers …des injures et des blagues

Des insultes sont rapportées par les agents. Cela peut aller de l’invective directe comme « fait du café sale nègre » adressée à une personne ayant la peau noire ou bien « as-tu fini de ramasser ton champ de coton ?» à l’utilisation de termes comme « bougnoulettes », « beurettes ».

« Dans le premier mois, alors qu’on était en train de travailler un agent m’a appelé le bougnoule, donc la première fois j’ai fait comme si je n’avais pas entendu . La seconde, le chef était là avec deux trois personnes et je me suis dit : je dis rien et le chef va réagir. Mais non, rien ! La troisième fois, j’ai convoqué tout le monde dont mon chef et j’ai dit, énervé, « écoute c’est la troisième fois et la dernière ». Il m’a dit « oui, mais j’ai travaillé dans les chantiers et on avait l’habitude de les appeler comme ça ». J’ai dit : « moi je ne m’habituerai jamais donc toi il va falloir t’y faire car sinon il va falloir t’habituer à recevoir des coups ». J’avais les boules de parler comme ça, des coups… Car ce n’est pas mon style. Le chef a dû lui parler et un collègue a aussi pris parti en lui disant « c’est à cause de toi que certains votent FN ». Et puis ça s’est arrêté. C’est con, mais je sais que maintenant les gens comme ça vont devenir minoritaires... » e15

Les insultes viennent parfois aussi des usagers que les agents de terrain sont amenés à rencontrer, au cours de leurs tournées par exemple.

« Au volant du camion poubelle surtout « sale arabe ou sale bougnoule », je descendais et après les chargeurs me retenaient. Mon père racontait souvent que c’était un peu la même chose quand il bloquait la rue « retourne dans ton pays etc » e55

« Il y a aussi des insultes... j’ai un agent qui avait déposé plainte car un riverain l’avait menacé avec un couteau. Il avait téléphoné à la subdi. Entre temps je suis allé le voir chez lui, mais il n’avait pas ouvert. Il était raciste et disait « je veux pas d’arabe dans ma rue ». L’ingénieur avait dit « il n’a pas à parler comme ça ». Mais je pensais que ma hiérarchie irait plus loin et m’assisterait. Sachant que j’ai entendu, mais ils ne m’ont rien dit directement. Je ne sais plus si finalement l’agent a porté plainte. E43

Page 89: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 89

L’utilisation de l’injure raciste est présente et suffisamment fréquente de la part d’agents comme de la part de résidents pour que cette récurrence soit devenue banale tout en restant insupportable pour ceux qui en sont l’objet et cependant acceptée tacitement par beaucoup de responsables dans l’incapacité fonctionnelle d’agir.

Pour les agents qui occupent des fonctions administratives, le media internet est utilisé. Certaines personnes interviewées nous ont indiqué qu’elles ne consultaient pas certains messages à la lecture de l’expéditeur, sachant qu’elles y trouveraient a priori des blagues. D’autres les lisent, mais restent mal à l’aise face à la signification latente.

« Oui, des fois, c’est de l’autodérision. Moi ça me gêne toujours quand même. J’ai une copine maghrébine, elle passe des blagues sur l’ordi, c’est de l’autodérision : elle montre qu’elle est capable d’intégrer les sujets qui révèlent leur personnalité. Je me fais une petite récréation le soir avant de partir en lisant les messages. Je reçois, mais je ne transfère pas beaucoup. C’est une des seules qui m’envoient des blagues » e9

Un agent à la peau noire dit en rire aussi.

« Il n’y a pas de blagues sexistes mais racistes dans l’atelier. Les réactions : ça rigole, des fois c’est marrant je suis obligé d’en rire. (...) Ça me fait rire dans le sens de qui le dit, pas pour le fond. C’est une caricature, c’est la dérision qui fait rire. Sinon parfois c’est un peu lourd. J’en ris parce que c’est marrant ce qu’il dit mais pas par solidarité. Passé un moment je m’en prenais fermement à eux mais après je me suis dit qu’il valait mieux que je me taise ; c’étaient des blagues sur les maghrébins, après on peut penser que je les défends. Je passais pour celui qui défendait les arabes et j’entendais des trucs du genre on est mieux qu’eux. » e11

Avec cet exemple, on perçoit la difficulté pour ceux qui se sentent concernés par les blagues racistes à trouver la juste réaction. S’y opposer c’est courir le risque d’être mis à l’écart. Faire allégeance aux blagues « majoritaires » les accepter et en rire est souvent une position contrainte dans un espace de travail où elles se répètent quasi quotidiennement. Insidieusement s’installent des hiérarchies raciales où les caractéristiques des uns se jouent contre celles des autres. Ces blagues ne sont pourtant pas toujours perçues négativement ; qu’elles soient alors prises comme un signe d’autodérision de la part de personnes susceptibles d’être discriminées ou comme la marque d’une certaine liberté d’expression.

« Il est vrai qu’être politiquement correct tout le temps ce n’est pas possible ; moi aussi je dis des blagues sur les arabes mais faut savoir avec qui, on ne peut pas rire de tout avec tout le monde » e27

« En fait je pense qu’on peut le faire tant qu’on ne blesse personne. C’est du second degré alors si on peut plus le faire ! C’est à chaque personne de se contrôler, sinon c’est une perte de liberté aussi. Maintenant la liberté s’arrête là où commence celle de l’autre » e17

Il peut apparaître dommage à certains de devoir renoncer à ce genre de plaisanteries, tout en comprenant la limite.

« Dans l’absolu il n’est pas souhaitable qu’il n’y ait plus rien et c’est s’enfermer dans un politiquement correct et on ne peut plus rien dire. Je fais le lien avec l’affaire des caricatures. Maintenant il faut distinguer. Par exemple quand j’étais au collège une personne qui était dans ma classe et que je fréquentais régulièrement passait son temps à me sortir des blagues sur les beurs et à la fin

Page 90: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 90

ça devenait lourd. Quand c’est dans le but de faire rire, je trouve que c’est plutôt sain à partir du moment où il n’y a pas de malentendu. Si on ne peut pas rire des pratiques culturelles que peuvent avoir les uns et les autres c’est dangereux car quand quelqu’un va vouloir en rire, on va le taxer de raciste »e42

Se pose donc la question de la limite de la plaisanterie : avec qui plaisanter, dans quelles circonstances et surtout à quelle fréquence.

« Quand c’est de temps en temps cela fait rire mais quand on a que ça dans la bouche c’est pas possible » e27

« Moi je suis partisan de rire de tout mais vraiment de tout. Avec vos amis c’est possible, sinon ce n’est pas la peine s’il faut aller voir ailleurs. La franchise c’est clair chez moi et d’ailleurs j’ai très peu d’amis, même si j’ai des copains et des copines. Mais dans le boulot, quand vous savez pertinemment que la personne en face de vous a des a priori, même si la blague que le mec a conçue est très marrante, on sait très bien pourquoi la personne la sort... mais je ne rentre pas dans le jeu du mec qui est de blesser. Certaines choses sont tolérables, d’autres non. » e14

La dérision peut être un jeu salutaire bien qu’elle contribue à entériner et faire circuler les stéréotypes à l’œuvre dans les blagues. Si l’on peut attendre d’autrui une part d’auto-dérision à l’écoute de certaines boutades, comme le fait remarquer un agent, on ignore parfois, dans le cadre des relations de travail, un certain nombre d’éléments de la vie des collègues pour pouvoir anticiper la manière dont celles-ci pourront être reçues.

« Aujourd’hui je vais être dur... pour moi il ne faut rien laisser passer en ce qui concerne les femmes, les races, etc, car on ne connaît pas le vécu de l’autre et on ne sait pas ce qui va le blesser ou non. Il va rire peut-être par politesse. Moi je ne ris pas donc il est vite fixé. Accepter ça c’est revenir en arrière. Ce sont souvent ceux qui n’ont pas vécu ça qui ne comprennent pas. » e15

« Franchement, des fois c’est marrant mais ça dépend de comment la personne interprète cela. Moi j’éviterai de parler comme ça car pour moi cela ne se fait pas. Quand les collègues plaisantent je le prends pas mal. Moi je pense que cela peut dégénérer si la personne en face digère mal cela » e31

Ainsi d’après certains agents, des propos qui avaient pu être tenus et tolérés au titre de plaisanteries peuvent ressurgir ensuite en cas de conflits entre agents.

… la représentation des compétences Tout comme pour les représentations sexuées des métiers, les personnes ayant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » sont facilement associées à un niveau de qualification moindre. Le fait qu’au Grand Lyon ces personnes soient plus nombreuses sur des postes de catégorie C à la propreté, comme nous l’a montré l’analyse quantitative, renforce certainement cela. D’ailleurs, à plusieurs reprises différents agents ont mentionné leur espoir de voir évoluer les choses à partir de cas exemplaires.

… Réduites à des tâches spécifiques

Nous avons noté la plus forte présence des personnes portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » sur des postes d’agents de salubrité et de cantonniers. Par ailleurs des agents nous rappellent l’image négative associée à ces métiers. Aussi pouvons-

Page 91: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 91

nous nous interroger sur les propos tenus à un agent portant un « patronyme à consonance non-discriminante » qui postule sur un de ces postes à l’occasion de son retour en région lyonnaise après avoir au cours de sa carrière professionnelle exercé l’activité de préposé.

« En ce qui concerne l’entretien, maintenant avec le recul ça s’est très bien passé. En partant on m’a dit attention vous allez travailler avec des gens qui sont pas professionnellement et personnellement d’un rang élevé ; c’était à la fin de l’entretien quand j’ai ressenti que c’était bon. Le gars m’a dit que c’était que pour balayer les rues, j’ai dit : y’a pas de souci on prend ce qu’il y a quand on cherche du travail. On m’a dit vous allez travailler avec des gens qui sont socialement pas « intégrés ». C’est vrai que je n’étais pas à ma place mais ça fait rien, demain on va se retrouver à Toulouse on va s’intégrer pareil. Ce qui m’a le plus gêné c’était de balayer les rues, sinon avec les gars on discute ils sont comme nous, certains veulent s’intégrer au groupe, d’autres restent de leur côté c’est tout. » e8

Parallèlement à ce type de propos, le recrutement récemment engagé pour la direction de l’eau, dont on sait qu’elle emploie quantitativement moins d’agents à « patronyme à consonance potentiellement discriminante, pour des postes d’égoutiers témoigne d’une certaine spécialisation qui avait cours dans les types de tâches.

« Le recrutement collectif, ouvert uniquement en interne et du fait du grade, ne concernait que la propreté et il est vrai que beaucoup de personnes d’origine étrangère sont concernées. Il y a eu beaucoup de blocages de la part des responsables. Il y avait un a priori de départ car ils pensaient qu’à la propreté il y a beaucoup de gens d’origine étrangère. On a 80 candidatures avec une bonne représentation de ces personnes car ce métier est très évolutif » e36

… Ne pouvant assurer des postes à responsabilités

De même, que d’une manière générale, les représentations limitent l’accès de personne portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » à certaines tâches, elles restreignent également le niveau de grade.

« J’ai une petite anecdote, un collègue d’origine algérienne, agent de maitrise préparant le concours de technicien. Il me demande d’appeler le SRH pour avoir un renseignement. J’appelle et la personne me demande son nom, qui est bien typé, et me demande si c’est pour le concours de cantonnier (agent entretien) ou AS (agent de salubrité) ? J’ai répondu : non contrôleur ou technicien. D’ailleurs mon collègue m’ avait dit, il était en face de moi, tu verras elle te demandera si c’est pour AS ou AE. J’ai donc souri car en plus on était en plein dans la période des concours de techniciens... pourtant je disais à mon collègue « arrête, t’es parano... » » e47

Ce que les chiffres nous permettent d’objectiver, les agents l’ont remarqué de visu.

« Quand je regarde le faciès des agents encadrants du Grand Lyon, des chefs d’équipe, plus on monte dans hiérarchie, moins les minorités visibles, pour parler politiquement correct, sont visibles. » e1

L’une des explications la plus souvent développée par les personnes au patronyme européen en position de recrutement, de catégorie A ou B et en filière technique, est la question de la sous-qualification, de l’échec scolaire, de la maîtrise de la langue des personnes d’origine étrangère. Leur recrutement dans des postes à basse qualification est ainsi commenté.

Page 92: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 92

« Et vous l’expliquez comment ? Ben parce que ce sont des métiers de recrutement direct de faible qualification et qu’aujourd’hui les gens qui sont principalement non qualifiés ou peu qualifiés ce sont principalement des gens, des Français d’origine étrangère. En clair on récupère principalement ici des gens qui ont été en situation d’échec scolaire. Parce que je ne crois pas que les gens se lèvent un jour un matin en se disant que leur métier d’avenir c’est d’être éboueur ou cantonnier. Enfin je sais pas si vous avez des enfants, je ne pense pas que c’est l’avenir que vous leur souhaitez. Bien que ce sont des métiers nobles, qu’on ait besoin de ces métiers, qu’on essaie de valoriser ces métiers, d’accompagner ces métiers vers plus de mécanisation, de méthodes de travail nouvelles, plus de technicité, ça j’allais dire c’est notre rôle en interne et puis c’est des gens qui ont une forte utilité sociale et une forte utilité publique parce que s’il n’y avait personne pour ramasser les poubelles ou pour nettoyer les rues, je peux vous garantir qu’au bout de quelques jours les gens ne seraient pas satisfaits et diraient qu’ils vivent dans une ville sale, dans un environnement dégradé etc mais aujourd’hui l’image d’un cantonnier ou d’un éboueur c’est pas celle d’un métier d’avenir pour un jeune hormis effectivement les jeunes qui sont en situation d’échec scolaire, qui n’ont pas eu de qualification professionnelle ou qui ont eu des qualifications professionnelles pour lesquelles a priori ils ne trouvent pas de débouchés sur le marché de d’emploi. C’est aussi simple que ça quoi. » e4

Mais par ailleurs, pour les agents recrutés sur ces types de postes, il semble également plus difficile d’envisager une promotion vers l’encadrement.

« Les échos que j’ai eus par cet ami, concernant les chefs c’était en résumé « ouais c’est un arabe qui vient », donc moins cru que les agents « c’est un bicot qui va nous commander » ». e15

«Il ne me reste qu’un degré ATP, ça se fait par ancienneté au bout d’un an. Après on est bloqué, il faut passer le concours d’agent de maitrise. Ca ne m’intéresse pas. En fait je ne peux pas dire que ça m’intéresse pas mais pas si je reste dans l’atelier. Quand on passe le concours ensuite il faut trouver un poste. Donner des ordres aux gars avec lesquels j’ai travaillé. J’ai un collègue guadeloupéen, il est ATC (chef) (c’est une promo à l’ancienneté avant de partir en retraite) il aurait pu avoir un poste d’encadrement mais il dit ils vont voir d’un mauvais œil de se faire donner des ordres par un noir. J’ai entendu « se faire donner des ordres par un arabe » ! Moi je n’ai pas envie de me confronter à ça.» e11

Certains a contrario expriment l’idée qu’ils seraient mieux compris par un chef partageant leur difficulté de porter un patronyme à consonance extra-européenne. On peut faire le parallèle ici encore avec l’idée qu’une femme comprendrait les femmes du fait de leur commune appartenance à la catégorie de genre. Mais comme le pointe un agent de maîtrise portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » cela pose ensuite l’interrogation du communautarisme et de sa dénonciation.

« Mais quand je vois dans les quartiers la réaction des jeunes, on ne peut même pas leur en vouloir, on force au communautarisme et après on s’en plaint. Et ce de partout... j’ai vu des agents qui ont vraiment souffert au boulot avec des insultes crues, quand je suis devenu chef, un agent avait la larme aux yeux, il m’a rapporté les rapports, les insultes et les plaintes étouffés par les chefs. » e15

Pour autant, ceux qui accèdent à cette position d’encadrement ne s’en trouvent pas moins pris dans une posture compliquée.

Page 93: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 93

« Au début on fait du relationnel avec les agents. Avant il y avait 70% d’agents d’origine maghrébine dans l’équipe. Si je parlais avec un Maghrébin on disait : « c’est avec son cousin » et si je parlais avec les autres on disait : « il a un problème ! » et ce avec un petit sourire narquois. C’est embêtant et ce n’est pas moi qui est demandé qu’on embauche 7 arabes sur 10 et puis s’ils sont là c’est qu’ils ne peuvent pas faire autre chose ou bien qu’ils ont été barrés comme moi !… » e43

Faire ses preuves, le soupçon permanent

Les a priori font donc peser un soupçon permanent. D’ailleurs, un agent au « patronyme à consonance non discriminante » en prend conscience et fait le lien avec les préoccupations prégnantes dans les activités développées au Grand Lyon.

« Cet été il y a eu plein de chauffeurs intérimaires qui étaient barbus et cela nous a interpellé, mais pourquoi ? Cela renvoie à des questions sociologiques. C’est un constat mais les gars font leur boulot et point barre. Ils la portent fièrement et surtout je pense qu’ils ne sont pas sur de l’islam modéré. Mais après on fait peut être aussi des raccourcis. Et puis dans ces métiers, comme on gère que des choses négatives, on est suspicieux et ce n’est pas une vie de ne pas avoir confiance » e38

Ainsi, le risque pour ces agents est celui de l’assimilation à la figure de l’étranger posant problème sur tous les plans et accusé de tous les maux.

« J’ai eu une altercation une fois avec une personne qui parlait des enfants des immigrés forcément mal élevés. Moi j’ai des enfants et je n’ai pas apprécié : il y a des enfants mal élevés de partout, je me suis senti touché. » e11

« Quand je suis devenu cantonnier, la première semaine je balayais sur la chaussé, de la merde... une voiture faisait son créneau et a failli m’écraser. Et puis une femme est sortie. J’ai dit : « mais vous pourriez vous excuser ! » et elle a gueulé et insulté : « tu prends le travail de mon fils ! » Alors je l’ai insultée » e43

Comme nous l’avons souligné pour les femmes, il faut alors « en faire plus », justifier que sa présence est légitime, le moindre écart à la perfection faisant réémerger la suspicion initiale.

« C’est difficile car on arrive dans un endroit où on voit que pour certains chefs c’est tout cool et je ne parle pas de laxisme pour certains, alors que pour moi je n’ai pas le droit à l’erreur, de remettre au lendemain, de faire d’écart, rien. J’ai toujours gardé cette politique ne serait-ce que pour si je dois me pointer dans un bureau qu’on ne puisse rien me reprocher par rapport aux horaires ou un travail pas fait. » e15

Pour cet agent, cette recherche d’irréprochabilité s’inscrit aussi dans l’idée d’une évolution possible des représentations à partir de l’exemplarité.

« Aujourd’hui de toutes façons, les gens vont se rendre compte par les exemples « je sais parler, travailler etc aussi bien que toi. » Moi j’avais un chef qui pour taquiner certains, ce que j’acceptais moyennement d’ailleurs car je ne suis pas là pour la provocation, me demandait de faire les comptes-rendus en disant que je parlais et écrivais mieux que les autres. » e15

L’attention permanente portée aux écarts possibles trace un vécu discriminatoire qui, s’il est dénoncé, est interprété comme relevant de la paranoïa et donc ainsi discrédité et renvoyé à

Page 94: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 94

une dimension individuelle n’ayant pas légitimité à s’exprimer, renforçant dès lors le soupçon et bouclant la boucle accusatrice. On peut ici faire le lien avec un soupçon d’absentéisme plus fort. Nous gardons en tête le témoignage d’un agent portant un patronyme arabe blessé par le fait d’avoir dû fournir l’acte de décès de son père pour justifier de son absence à un moment où sa préoccupation principale était l’organisation des obsèques sans lui laisser le temps de se consacrer à sa douleur. Il semble donc que la discrimination porte sur la moins grande souplesse d’arrangement avec la règle, sur une moindre accessibilité aux « arrangements » possibles qui du reste pourraient se retourner contre le bénéficiaire en cas de conflit ultérieur. Les personnes ayant un patronyme à consonance évoquant une origine étrangère qui ne dérangent pas sont celles qui font preuve de leur discrétion et sont professionnellement très compétentes, voire les meilleures du service. Mais on voit bien qu’à la moindre diminution de cette irréprochabilité la suspicion revient.

« Si on fait le travail comme il faut, ça se passe bien, quand on part on garde une bonne image, si on doit revenir ensuite il n’y a pas de problème. Moi j’avais de bonnes relations avec des collègues Maghrébins mais j’ai pas toujours bien compris peut-être, j’ai un bon collègue qui était très bien intégré et puis il a eu de gros problème de santé et ça a été mal vu parce que certains disaient qu’il tirait au flanc. L’interprétation a été faite assez rapidement, parce qu’en fait c’était un bosseur. Il s’est fait opérer du dos quand même ! L’autre on le voyait une semaine sur 2, un patron n’accepte pas ce genre de comportement ce n’est pas possible, moi je serais un patron je pense que je serais dans le même cas. Une autre personne en reclassement d’origine maghrébine n’a pas laissé une bonne image, elle a été en maladie pendant des mois, il y a eu des problèmes à l’extérieur d’après les échos, il a reçu un coup de couteau, enfin ce n’est pas net quoi. » e11

La prégnance de la question religieuse

On ne saurait oublier la pratique religieuse qui est beaucoup revenue dans les propos tenus par les uns et les autres.

« La religion ? On sent bien qu’ils font l’amalgame, ils confondent un peu tout » e34

« C’est vrai que le racisme est là mais je n’ai pas envie que tout soit mis sur ce dos là. Il y a une chose que j’aborde jamais au travail, c’est la religion. Et récemment j’en ai parlé avec une personne de la direction de l’eau, j’ai trouvé sa remarque complètement conne, elle m’a dit « et toi Rachida tu le mettrais le foulard ? ». « J’ai dit ben non pas vraiment là mais bon pourquoi pas ? ». Elle a dit « moi ça me gêne toutes ces femmes avec leurs foulards etc » « mais t’es en France et il y a des gens différents etc » C’est pour ça que je n’en parle jamais car je devine trop ce qu’il y a derrière. De là à dire que l’islam est une religion de cons. On a quand même nos origines et devoir s’asseoir dessus !!! Alors que j’adhère aux valeurs de la république et je m’intègre même si c’est horrible de dire ça, car je n’ai pas à le faire de toute façon. » e40

Les agents au patronyme à consonance européenne ou extra-européenne non-maghrébines, qu’ils soient encadrants ou non, en parlent comme d’une difficulté de « cohabitation ». On retrouve énoncée la question de l’intégration possible ou non des agents et de l’équilibre des équipes (ex : communautarisme, culture et pratiques différentes), le non-respect des règles du travail et de la laïcité (ex : attributs de l’intégrisme : barbe, octroi de pauses pour faire la

Page 95: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 95

prière) et de difficultés en termes de management pour les encadrants (ex : période de ramadan moins productives, respect du cadre de travail et de la laïcité, voire absentéisme etc). Chez les agents sans fonction d’encadrement ou de recrutement, administratifs notamment aux finances mais aussi à la direction de l’eau, en catégories B et C, on retrouve davantage de discours sur ce que cette question des pratiques religieuses remet en cause à savoir le principe de laïcité et la République, l’image du Grand Lyon voire de la France.

2.4.3. La dénonciation de la victimisation Des encadrants A, administratifs de la direction de la propreté mais également en DRH, soulignent la difficulté de gérer les réactions des agents qui se posent d’emblée en tant que victimes de racisme, de discrimination ou de harcèlement dès qu’un supérieur fait une remarque les concernant.

« La situation est délicate à traiter pour trouver la limite entre la situation qui tient du racisme et la situation qui relève du « tu fais pas ton travail et je t’ordonne de le faire ». J’ai souvent entendu dire que quand il y a des remontrances, souvent les personnes d’autre couleur prétextent le racisme. Je ne sais pas ce qui est vrai et pas vrai. » e2

« J’ai un copain qui travaille à la propreté, c’est un cadre qui est passé dans différents services, il dit qu’il y a des gens qui cumulent les erreurs ou les fautes et ensuite on dit que c’est de la discrimination quand on leur fait des remarques. Il faut faire attention » e9

« Certains d’origine étrangère en profitent. Mais cela existe et il ne faut pas le nier. Il faut le combattre et avoir plus de moyens. J’ai un agent qui a eu un rapport car il le méritait au niveau boulot. (Agent au patronyme à consonance européenne) Un jour il a eu des propos racistes à l’égard d’un agent d’origine maghrébine. Et ce dernier agent est bizarre de toute façon dans le travail. Il est marié avec une européenne et il n’avait jamais parlé du fait d’être d’origine maghrébine. Il est venu me voir même si je ne suis pas son chef direct. Il m’a dit : il faut, en tant que Maghrébin, aller voir la direction… Houlala, je me suis dit : communautarisme non ! J’ai répondu que j’étais pas son chef et que c’était leur problème. Et puis une fois, son chef était absent, on a organisé une conciliation avec mes deux supérieurs directs, les deux adjoints et les deux agents. Celui d’origine maghrébine ne voulait pas en démordre et porter plainte. L’européen disait qu’il ne voulait pas dire ça comme ça et s’excusait plus ou moins. L’ingénieur savait que le Maghrébin ne travaillait pas bien aussi et il ne voulait pas lui donner raison non plus. Mais il était impartial. Le Maghrébin n’a rien voulu savoir. L’Européen était prêt à serrer la main et donc chacun est parti de son côté. Tout ça pour vous dire que je ne cherche pas à tout prix. Je sais que l’Européen est raciste, il est de la campagne et il est bête. Alors qu’il n’y a pas d’arabe à la campagne, c’est la télé qui leur fait ça. (…) C’est toujours dur car il suffit de donner quelque chose à un Maghrébin, on est accusé de favoritisme. Cet Européen m’a accusé de racisme » e43

Ce dernier témoignage montre la difficulté que rencontrent les encadrants dans la gestion des relations de proximité et des incompréhensions de part et d’autres, notamment lorsqu’ils portent eux-mêmes un patronyme arabe. Le jeu sur le long terme de la racialisation des relations de travail les a marquées de son empreinte. La position de victime se retourne aisément en accusation de « paranoïa » pour des agents qui se plaignent du traitement qui leur est fait.

Page 96: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 96

C’est oublier que ce qui pour des agents au « patronyme à consonance non discriminante » peut être un événement isolé est par contre appréhendé dans la continuité d’une trajectoire de « vécus discriminatoires » par les agents à l’origine étrangère supposée par leur patronyme ou leur couleur de peau. Certains agents dont le patronyme a une consonance européenne pointent bien une différence d’appréciation.

« Il est vrai que lorsque c’est une faute faite par un agent d’origine étrangère alors souvent c’est davantage relevé, même de la part de l’encadrement, c’est une facilité qu’ils s’accordent. Si je l’entends, j’essaie de contrebalancer et dire : c’est pas ça le problème, s’il était d’origine française ça serait pareil. Je contrebalance aussi en disant qu’il y a des agents d’origine étrangère qui sont aussi comme ça, dont un qui vient de partir à la retraite. Cela relève davantage de la bêtise et quand on discute calmement on revient rapidement à la raison. Il n’y a pas de racisme avéré. Et on a le contraire, il y a des gens d’origine étrangère qui en usent. Quand on refuse quelque chose certaines personnes savent très bien qu’en parlant de racisme, si ça ne marche pas alors on parle de harcèlement et moi on m’a accusé. Et là, la discussion s’entame facilement et je dis : »si vous connaissiez mes amis vous seriez étonnés » ils reviennent donc vite sur ce qu’ils disent. » e 21

« J’avais fait une analyse d’incident sur un problème entre un agent et un véhicule. On voit tout de suite que l’agent est catalogué dans une case car il a des antécédents, il a un dossier disciplinaire et alors… (…) Donc l’agent et les syndicats ont dit que c’était la faute de la direction et la direction dit que c’est celle de l’agent. Alors il suffit que cette personne ait un nom d’origine arabe, plus un dossier disciplinaire, alors il a tort. Et puis en plus ils l’assimilent à une autre personne et on dit tout de suite que c’est lui qui a fait ça aussi etc.(…) Il est vrai que lorsque quelqu’un se plaint de racisme on pense tout de suite qu’il joue la grosse victime » e25

3. Des procédures de recrutement : formaliser pour objectiver Derrière les spécificités des différentes directions, des métiers, des populations les exerçant, et l’empreinte de l’histoire dans l’évolution de la structure organisationnelle, se dégagent des impressions générales et des constats à partir desquels la réflexion a été amorcée au cours des comités de recherche action. Tout d’abord, l’approche statistique indique que la distribution des populations susceptibles d’être discriminées par leur appartenance de sexe ou un patronyme suggérant une origine extra-européenne, n’est pas homogène selon les directions, les filières, les niveaux hiérarchiques. Ce bilan quantitatif vient objectiver l’existence d’écarts entre ces différentes catégories de population : hommes/femmes ; porteurs d’un patronyme dit « minoritaire » ou plutôt d’un patronyme dit « majoritaire ».

Parallèlement à ce bilan quantitatif, il est utile de comprendre comment concrètement, procédures, attitudes et positionnement des agents conduisent à la perpétuation de ces phénomènes.

Le Grand Lyon en s’engageant dans le projet européen Equal-AVERROES témoigne de son souci d’être vigilant aux situations de discrimination potentielle. Dans le cadre du travail déjà entrepris dans le projet PaRHtage et de la formalisation des procédures de recrutement nouvellement mises en place, on peut dégager une volonté de structurer un réseau RH autour

Page 97: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 97

d’une direction fédérale qui impulse les grandes directives et met en avant sa fonction de garant de l’équité dans la sélection et le traitement des candidats et futurs agents. Il ne s’agit pas ici de faire une évaluation de ces nouvelles procédures et de leur efficacité en matière de lutte contre les discriminations puisque nous n’avons pas orienté l’étude sur une comparaison entre les anciens et les nouveaux recrutements. Par contre, nous avons bien évidemment à travers les récits recueillis, quelques éléments sur la manière dont ces nouvelles procédures peuvent être appréhendées à la lumière des expériences vécues.

Peut-on se contenter de penser que si les agents portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » sont plus souvent sur des postes de catégorie C et à la propreté c’est par une absence de leurs candidatures dans d’autres directions et d’autres niveaux hiérarchiques, absence s’expliquant par un défaut de qualification ? Ou pour les femmes, leur faible représentation dans certains métiers tient-elle également à leur manque de compétences techniques etc ? Peut-on se suffire de l’idée que si l’on recrute les agents sur leurs compétences, si certaines populations entrent moins c’est par une inadéquation avec les compétences nécessaires ? Comment sont donc pensées ces compétences nécessaires et comment sont-elles évaluées ? On ne peut en effet se satisfaire des explications généralement avancées pour justifier un état de fait, ni en rester à une approche en termes de reflet de la diversité pour traiter de la question de la discrimination.

Afin de comprendre comment les différentes catégories de population se trouvent de fait traitées au cours du recrutement, nous avons d’abord fait appel à la connaissance des membres du CRA. Cela nous a conduit à cibler plus particulièrement certaines directions qui apparaissent comme des lieux où ces questions de discrimination semblent prégnantes ; soit que des agents s’estiment victimes de discrimination, soit au contraire que des responsables dénoncent la « victimisation » forte à laquelle ils sont confrontés. Les situations de conflits dans les relations de travail interprétées grâce aux grilles de lecture du racisme et de la discrimination sont fréquentes.

3.1- Le recrutement au Grand Lyon 3.1.1 L’attachement des RH à l’égalité de traitement

On relève donc le souci du recruteur de s’assurer que le candidat possède bien les compétences requises pour tenir convenablement le poste. Cela pose la question de l’évaluation de ces compétences et des outils à adopter pour améliorer cette évaluation pour une plus grande efficacité. Par ailleurs, la définition d’une procédure générale à suivre quels que soient les postes, les spécificités de métiers, les services, les directions apporte une plus grande homogénéité dans le recrutement au sein du Grand Lyon et ainsi contribue à l’affichage d’une volonté d’équité appuyée sur l’idée de transparence. Les agents exerçant une fonction RH témoignent de la difficulté de la position de recruteur qui a comme objectif de sélectionner parmi plusieurs candidats celui qui sera le plus à même de remplir les missions dévolues au poste proposé. A plusieurs reprises revient l’idée que l’on peut se tromper dans un recrutement.

Page 98: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 98

« …je dis qu’on peut se planter. C’est dur de savoir si c’est sûr pour nous ; celui qui peut faire breveter quelque chose à ce propos est riche ! Dans la Fonction Publique c’est important car la personne on la garde, on la voit longtemps et il ne faut pas perdre de vue que c’est les deniers publics. » e16

« …se doter d’outils qui permettent d’évaluer le plus objectivement la personne par rapport à ses capacités professionnelles. C’est, encore une fois, se doter de procédures, d’outils d’analyse c’est plus en termes de professionnalisation, de structuration, de méthodes, on gagne sans doute au final en qualité sur le résultat des personnes retenues. Parce que peut-être, il y a eu une période, le recrutement étant par définition une science très inexacte, on continue de se planter bien évidemment, ça arrive mais je pense qu’on se plante moins qu’avant. Il y a moins d’échecs qu’à une certaine période bien qu’il continue d’y en avoir, l’erreur étant humaine même si on essaie d’objectiver, de faire des grilles d’entretien, des grilles d’analyse, de se donner tous les moyens possibles et imaginables pour essayer d’avoir une démarche rigoureuse, on peut parfois se laisser… comment dire ? berner par des agents ou se laisser tromper par des candidats et on s’aperçoit quelques mois après qu’ils ne faisaient pas l’affaire. » e4

3.1.2 La nécessaire prise en compte des spécificités des directions et du cadre d’emploi

Les recruteurs dans la fonction publique territoriale doivent garantir une égalité de traitement entre les candidats, et tenir compte des impératifs relevant des différents métiers.

Les directions

On retrouve, dans le discours des agents, l’idée que suivant les directions le recrutement ne peut être identique puisque les agents qui les composent exercent pour un certain nombre d’entre eux des métiers différents et spécifiques.

« Le recrutement à la propreté c’est pas la même chose qu’en informatique, c’est intéressant d’être proche des contextes » e3

Le cadre d’emploi et le recrutement direct ou sur concours

Un agent en SRH propreté compare sa direction :

« A la voirie il n’y a pas de recrutement de personnel de manière directe, que des agents lauréats de concours, déjà il y a une présélection qui se fait, ce qui n'est pas le cas pour la majorité de la population à la propreté où on fait du recrutement direct. » e4

Ce point de vue est également partagé par le SRH de la direction de l’eau :

« Donc un nombre de métiers variés avec des procédures de recrutement qui même si elles ont un fondement identique au niveau de la FP, au niveau de la recherche des candidats, c’est pas du tout les mêmes profils que d’autres directions. On a essentiellement du travail d’équipe, pour les métiers de catégorie C on a essentiellement du travail d’équipe, de petites équipes de 2-3 personnes où il faut effectivement des qualités quand même relationnelles certaines je dirais, pour travailler au quotidien dans de petites équipes sur du long terme parce qu’il y a peu de mobilité, c’est un fait. » e32

Page 99: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 99

Le cadre d’emploi, ayant plus ou moins partie liée au mode de recrutement en direct ou non, oriente alors en partie les critères à prendre en compte dans la sélection des candidats. Les contraintes d’ordre statutaire (recrutement direct ou sur concours) engendrent des conditions particulières de recrutement. Les procédures doivent donc parfois s’adapter aux modifications impulsées par les statuts gérant l’appartenance à la fonction publique. Ainsi en est-il par exemple du recrutement des chauffeurs à la direction de la propreté qui, depuis un décret d’octobre 2005, ne peuvent plus être recrutés par voie directe mais doivent passer le concours d’agent technique, cadre d’emploi duquel ils relèvent maintenant.

« Et qu’est-ce que ça a changé justement selon vous ce décret ? sur le terrain concrètement vous voyez des différences ? Ce sont des contraintes principalement parce qu’après sur le terrain ça ne change rien ; simplement c’est quand même des contraintes de recrutement fortes, parce que pour trouver des agents techniques ayant le permis poids lourds c’est très rare en fait. La plupart des agents techniques ont des spécialités de type électriciens, mécaniciens, plombiers, chauffagistes, tout ce que vous voulez qui correspondent plus à des métiers techniques. A la voirie, on a aussi des agents techniques maçons. Mais agents techniques chauffeurs il y en a très peu sur le marché de l’emploi donc ce qu’on a été amené à faire c’est que on a essayé de promouvoir des cantonniers et éboueurs qui souhaitaient devenir chauffeurs. » e4

La modification peut se faire en sens inverse.

«Aujourd’hui quand on n’a pas de candidat lauréat sur des métiers très spécifiques, on recrute par le biais de CDD de 1 an, donc les personnes sont dans une situation précaire, on est en attente de parution de textes qui sont imminents, textes qui devraient nous permettre de recruter en tant que fonctionnaire donc stagiaire sans concours des personnes qui auraient une formation spécifique en électromécanique ou autres. Donc ça devrait attirer plus de candidats (…) Le concours n’est plus une condition obligatoire pour rentrer dans la fonction publique sur ces métiers-là. Alors qu’auparavant c’était une condition obligatoire.

Les variations statutaires liées à la diversité des métiers plus ou moins représentés dans les services urbains, peuvent contribuer à entretenir l’impression de flou aux yeux des agents. Cette spécificité n’a pas été évoquée pour les fonctions administratives. Il semble que ce soit plutôt dans les services urbains, dans le cadre des subdivisions que ce sentiment d’inégalité en matière de recrutement soit le plus fort. On retrouve là la prégnance des représentations associées aux différentes directions et leur réputation. Le mode de recrutement direct paraît plus difficile à gérer, en partie parce que le nombre de candidats est plus conséquent et à des niveaux de qualification plus bas.

« Donc en fait les cantonniers et éboueurs je vous ai dit ça fait partie de cette population qu’on recrute directement. En fait il nous arrive tous les jours des dizaines de CV, plusieurs milliers sur l’année, parce qu’effectivement encore une fois comme ce sont des postes de fonctionnaires accessibles sans concours pour des personnes qui sont notamment en situation de demandeurs d’emploi, c’est souvent assez attractif compte tenu du marché de l’emploi. Les gens cherchent à rentrer dans la fonction publique et à trouver un poste de type-là. Donc on organise en fait plusieurs cessions par an de recrutement, on fait ce qu’on appelle des recrutements collectifs, « « 3-4 cessions par ans, d’une dizaine de personnes, en fonction des besoins. » e4

Page 100: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 100

« Je ne suis pas dans un service où c’est pratiqué régulièrement (les recrutements). Mais j’ai plutôt impression que ça va être lié à la taille des unités… la personne va être plus à même de choisir alors qu’au niveau de l’exploitation c’est une grosse machine et c’est plus structuré, en plus il y a plus de demandes et de candidats » e20

Ce sentiment que certaines directions peuvent recruter selon leur bon vouloir et selon des critères peu transparents n’est probablement pas sans lien avec le fait que ces postes en recrutement direct n’offrent pas le « rempart » du concours comme première sélection ; les pressions pour faire entrer certaines personnes par recommandation peuvent y apparaître plus fortes. L’histoire de la direction de la propreté semble particulièrement marquée par cet aspect puisqu’un agent rappelle que le service

« Auparavant souhaitait avoir le concours d’un cabinet extérieur pour faire ses recrutements eh comment dire ? pour éviter des interférences avec des élus, des syndicalistes qui régulièrement viennent avec des candidats sous le bras quoi en clair. Comme ce sont des emplois encore une fois où il y a pas de sélection par concours, c’est très facile : je sais pas moi quelqu’un qui est, qui va voir la permanence du député ou qui rencontre le maire de sa commune, qui lui dit je suis au chômage, j’ai trois gamins à élever il faut absolument que je trouve un poste voilà, bon c’est de notoriété publique qu’au Grand Lyon on recrute sans concours. Le souci ensuite pour le service c’est de gérer ces candidatures c'est-à-dire qu’il y avait effectivement une période, alors que moi j’ai peut-être pas connue mais qu’on m’a racontée où effectivement il y avait je dirais parfois des recommandations fortes extérieures pour recruter telle ou telle personne. La parade qu’avait trouvée à l’époque la direction de la propreté c’était de passer par un cabinet » e4

Des statuts différents pour un même métier

Le travail sur une homogénéisation de procédures générales peut sans doute limiter l’impression de différences de traitement entre les agents que l’adaptation du recrutement aux divers métiers pouvait contribuer à générer. Toutefois ce sentiment peut au contraire se trouver renforcé si par ailleurs on constate qu’à un même métier ne correspond pas automatiquement le même statut selon la direction pour laquelle on travaille.

« C’est apparu évident qu’il faudrait mieux affiner les besoins dans la définition des postes, les niveaux de qualification, niveaux de grade aussi. Il faut que la DRH soit en mesure de dire à postes équivalents en termes de responsabilité, il faut des grades équivalents parce que c’est pas le même niveau de rémunération etc et puis il faut qu’on préserve là aussi un certain nombre d’équilibres. D’accord. Et donc il y avait des disparités comme ça entre les services. (…) Vous sembliez penser à des exemples Un seul à ma connaissance qui reste encore aujourd’hui, un seul qui reste non tranché, c’est ce qu’on appelle chez nous : les animateurs SIG ( les animateurs système d’informations géographiques) dans les subdivisions, des gens qui travaillent sur ordinateur et qui mettent à jour un certain nombre d’éléments sur des cartographies informatiques où par exemple chez nous on a voulu des agents de maitrise, je sais par exemple qu’à la direction de l’eau ils ont mis des agents techniques. C’est sûr à terme il faudra bien que la DRH arbitre pour savoir si c’est le bon niveau, si c’est celui d’agent technique ou si c’est celui d’agent de maîtrise. Parce que c’est vrai que les gens se parlant, se disant ben tiens moi j’ai le même job que toi mais pas dans la même direction et j’ai pas le même statut, pas la même paie que toi... » e4

Page 101: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 101

L’évolution des exigences du Grand Lyon en terme de métier mais aussi de qualification dans ces métiers et de mode d’accès à la fonction vient interférer avec la question de la mobilité des agents en son sein.

«Il va falloir élever le niveau de compétences des électromécaniciens parce que la technologie a évolué. On se rend compte qu’au niveau BEP, on est un petit peu juste en prise de recul et en autonomie. Donc là sur l’évolution du métier on va travailler en commun entre RH et services techniques pour définir effectivement quelles sont les attentes. Il nous faudrait recruter au niveau techniciens, donc à un niveau baccalauréat, bac +2 ».e32

Les transformations structurelles touchent l’établissement et ont un impact sur la gestion des ressources humaines.

« Une fois que les gens sont en place, ils sont en place. Ce qu’on peut faire c’est par contre rectifier pour l’avenir en disant : on convient tous ensemble qu’à l’avenir c’est tel type de qualification et tel type de grade pour un poste donné. » e4

Par ailleurs, on constate des différences de rémunérations à un même grade selon les directions. En effet, la rémunération est calculée à partir de deux éléments : d’une part les grilles indiciaires nationales, d’autre part le régime indemnitaire de grade. Il existe une partie variable en fonction du type de responsabilités, de spécificités du métier pouvant donner lieu à des primes dites de fonction.

« Parce que les postes sont différents en termes de responsabilités, vous avez des agents de maitrise par exemple, un agent de maitrise qui est animateur SIG je prends cet exemple-là, lui par exemple il a pas d’encadrement de personnel, lui il est tout seul devant son ordinateur, toute la journée il met à jour ses trucs, il communique avec les autres subdi voilà. Et puis à côté vous avez l’agent de maitrise qui lui est sur le terrain, fait des horaires décalés de midi 45 alors que l’autre va faire des horaires de bureau et cet agent de maîtrise, il encadre 20 agents et puis il doit gérer toutes les anomalies, toutes les réclamations des usagers etc Là il est logique que la rémunération soit éventuellement différenciée alors qu’ils ont le même grade. Et ça peut varier au sein d’une direction voire ça peut varier entre deux directions, c'est-à-dire qu’un agent de maitrise à la direction de l’eau, il fait pas la même chose qu’un agent de maitrise à la propreté, qu’un agent de maitrise à la voirie. Ils ont bien tous le même grade, le même statut mais ils n’ont pas tous éventuellement le même déroulement de carrière. Par exemple un agent de maitrise à la direction de la propreté il peut avoir un déroulement de carrière en agent de maitrise principal, je crois qu’à la direction de l’eau, ils peuvent pas avancer agents de maitrise qualifié ou agent de maitrise principal… Et puis il y a les avantages en nature : véhicule, téléphone, les gens comme dans n’importe quelle société privée ou publique, ils candidatent, il y a un avis de vacance, ils se renseignent sur les avantages qu’ils ont, horaires de travail, jours de congés, parce que dans une direction, il y a des agents qui travaillent sur 4 jours, il y a des agents de maitrise qui travaillent 1 samedi sur 2, d’autres travaillent sur 5 jours. La personne quand elle fait acte de candidature, elle a pris généralement ses renseignements, elle s’aperçoit que c’est peut-être plus intéressant d’être agent de maîtrise dans telle direction sur tel poste en particulier parce que vous aurez la voiture, vous aurez le téléphone, qu’un agent de maitrise dans la même direction sur un autre poste, n’aura pas les mêmes jours de congés RTT, n’aura pas forcément la voiture, n’aura pas forcément les mêmes primes de fonction. Il y a bien un socle commun qui permet de favoriser des passerelles et recruter sur des grades identiques avec des salaires de base identiques mais chacun doit ensuite quelque part construire sa carrière en fonction des opportunités. » e4

Page 102: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 102

Les agents détiennent-ils tous, ces éléments de connaissance, sorte de cotation des postes plus ou moins attractifs, lors de leur première candidature au Grand Lyon ? Et si c’est le cas, ont-ils tous la possibilité d’accéder à tous ces postes ? On sait par exemple, qu’une direction comme celle de l’eau, sous l’action de la pression syndicale, a vu l’acquisition d’avantages comme la retraite à 50 ans pour les agents totalisant au moins 10 années de travail en réseau souterrain. A la direction de la propreté, certains postes sont plus prisés que d’autres. C’est le cas notamment des postes du matin, ce qui engendre une sorte de parcours classique pour les agents qui y entrent d’abord sur un poste d’après-midi en attendant une mobilité vers un poste du matin.43 Si nous pouvons repérer ici des situations d’inégalités entre certains postes selon les directions, on peut légitimement se poser la question de la discrimination lorsque l’on rapproche ces éléments des données statistiques qui montrent que la proportion d’agents porteurs d’un « patronyme à consonance potentiellement discriminable » est plus forte à la direction de la propreté qu’à la direction de l’eau. En catégorie C, où le recrutement direct est important, on voit que cette part est 5 fois moindre à la direction de l’eau qu’à la propreté. Au moment du recrutement, les agents participant à la sélection auraient-ils implicitement en tête les possibilités de carrière ultérieure, critères mobilisés dans le choix des agents ? Au-delà de la procédure de recrutement elle-même, on peut d’ores et déjà pointer qu’il pourrait être intéressant d’entreprendre une réflexion sur certains aspects de l’organisation du travail et l’affectation des agents afin que des plages horaires, des tournées, des métiers voire des directions deviennent des affectations avantageuses. S’il peut être démontré que ces avantages concernent une population plutôt qu’une autre considérée du point de vue du critère de genre ou de l’origine supposée, toute chose égale par ailleurs nous serions bien là dans une situation de discrimination indirecte. 3.2- Les perceptions des agents à propos du recrutement

3.2.1 Le soupçon du « piston »

La désignation d’un mode de fonctionnement à la cooptation

Dans le discours des agents que nous avons rencontrés, le rappel d’un temps où « le piston » était un mode d’entrée possible est assez répandu. Si de tels propos peuvent être tenus par des agents de catégorie A ou B, c’est avant tout parmi les C que nous le retrouvons plus particulièrement et principalement ceux appartenant à une filière technique. Sans doute parce qu’il s’agit là de la population concernée par le

43 «…Et donc les rondes, les gars savent bien les bonnes et les mauvaises rondes. (…)C’est principalement les horaires, ça peut être le type de tournée : c'est-à-dire le nombre de points de collectes, le nombre de bacs à ramasser, est-ce qu’il y a des commerces ou pas, est-ce que c’est de la zone pavillonnaire ou c’est de l’habitat collectif ? Et qu’est-ce qui est le plus difficile en fait, le pavillonnaire ou le collectif ? l’habitat collectif, les zones de commerces ou pas de commerces ? Ben si vous avez du pavillonnaire ça veut dire que généralement votre ronde est plus longue, vous montez et descendez du marchepied tous les 20 mètres et c’est plus usant aussi physiquement. Alors que quand vous êtes en secteur centre ville à la limite vous mettez jamais le pied sur le marchepied, vous avancez sur le trottoir et ça avance eh voilà. Après sur des commerces il y a des rondes après on sait que la ronde qui se tape le quartier chinois bon, c’est pas très beau à voir ce qu’il y a dans les poubelles quoi. »

Page 103: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 103

recrutement direct pour lequel la mobilisation d’appuis soit d’élus soit de membres de la famille pouvait être prépondérante. Le recrutement qualifié de « père en fils » est notamment évoqué pour décrire le fonctionnement qui avait lieu à la direction de l’eau mais aussi à la direction de la propreté. Deux univers distincts vont alors se constituer sur fond de filiation présumée ou attribuée à partir de caractéristiques d’homogénéité culturelle supposée.

« Avant c’était un métier de père en fils, c’est quelque chose qu’on a voulu arrêter parce que ça faisait de la jalousie à l’interne et puis c’est la fonction publique, la notion d’équité, tout le monde doit avoir sa chance pour pouvoir rentrer » e7

« Cela change oui car avant, l’assainissement faisait sa propre sauce en préférant prendre du privé mais maintenant il y a la publication obligatoire et ils sont obligés de recevoir les gens qui correspondent aux critères » e29

« Les égoutiers à une époque c’était de père en fils donc beaucoup de mal à accueillir des personnes qui ne sont pas de leur monde, et donc encore moins un étranger. Les responsables je pense même qu’ils ne sont pas racistes. Ils sont à part du Grand Lyon et de la direction de l’eau ! c’est un monde à part. Le fait que l’on recrute des jeunes au niveau de la base, cela évolue… les membres de la famille passent les entretiens comme tout le monde ! Même dans les mentalités, il y avait « quand je pars à la retraite tu prendras mon poste » et c’est vraiment ça, je l’entends… » e37

Ce fonctionnement semble ici renvoyé à un univers spécifique, à une culture d’entreprise, les égoutiers étant décrits comme

« Une population pas très facile à gérer, plutôt des fortes têtes, pas facile à diriger quand on n’est pas de leur monde : les égouts. Historiquement ils ont gagné beaucoup de batailles sociales mais ils n’acceptent pas de se faire commander par des gens qui ne sont pas de leur monde » e7

« Univers » qu’on ne peut comprendre sans évoquer la perspective historique et l’acquis d’une rémunération du régime indemnitaire plus intéressante. Un travail, entrepris par la nouvelle DRH pour homogénéiser ces éléments indemnitaires de manière à favoriser la mobilité entre les directions, témoigne de l’existence de ces univers fonctionnant de manière assez autonome.

«Je crois surtout qu’il faut autant que faire se peut, sur des métiers où c’est possible, qu’on favorise la mobilité pour favoriser la connaissance des différents métiers dans la collectivité et puis éviter de créer des ghettos quelque part. Vous avez l’impression que ça existe ? les choses commencent à évoluer avec tous les messages qu’on passe depuis quelques années, ça commence à produire des résultats mais pendant très longtemps par exemple il n’y avait pas de mobilité, on recrutait pas à la direction de l’eau par le biais de la mobilité donc venant d’autres directions de la communauté urbaine de Lyon, c’était très très cloisonné. On arrive à casser ça maintenant. » e32

Ce discours de cooptation se retrouve également évoqué pour les entrées dans la direction de la propreté.

« L’ingénieur de mon père le convoque et lui dit que la Courly recrute des agents d’entretien, si tu as des enfants au chômage je peux les faire entrer. En 1992, un frère, en 1993 un deuxième frère et 1994 moi. C’était une période faste à la Courly, des embauches à tour de bras. J’adresse un courrier, une lettre de motivation estampillée par un mot de l’ingénieur de l’époque de mon père. J’ai été convoqué à la grande maison, dossier suivi par M X ingénieur. Ensuite

Page 104: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 104

parcours classique : test psycho techniques, visite médicale, entretien. » e10 Entré il y a plus de 10 ans

« Quelques années avant ça ne se passait pas comme ça. Avant, c’était plus par connaissance etc, c’est connu ça. Il y a 15-20 ans, c’est ce qui ressort quand je parle avec certains anciens. » e61

Certains agents témoignent d’ailleurs de ce phénomène en rapportant l’étonnement qu’ils peuvent susciter ou bien la fierté éprouvée en n’étant pas rentrés par connaissance.

« Mais franchement quand je suis rentré à X, je discutais avec les collègues et ils me demandaient comment j’étais rentrée et j’ai dit : des test etc. Ils me disaient : mais tu ne connais personne au Grand Lyon ? »

« Je pense que le recrutement s’est fait sans a priori. Des candidats en interne n’ont pas été retenus et moi je connaissais personne en particulier au Grand Lyon et je n’ai pas reçu de soutien pour être clair. Il devait y avoir peu de postulants » e44

« Moi je suis fier car ni tonton ou cousin… je sais pas si ça existe encore car il a pas mal de politique là-dessus et j’aurais tendance à dire non, sur ces douze derniers mois j’ai eu deux trois échos sur des agents dont le père est ici depuis longtemps et font passer les courriers et ils sont refusés. Moi je suis bien content, j’ai personne à remercier. » e61

La recommandation et l’entrée peu formalisée avait également cours sur des postes administratifs.

« C’était sur un poste d’agent de bureau au service du personnel. Vous avez été reçue en entretien ? ben non ! déjà à l’époque il n’y avait pas trop d’entretiens et en plus j’avais une recommandation du secrétaire adjoint que j’ai jamais rencontré d’ailleurs. De nouveaux postes se sont créés, on me les a proposés à chaque fois et je n’ai connu aucune procédure de recrutement à part sur le dernier poste et encore, à peine. Ca se passait à la bonne franquette. » e16

Etudions ce que les agents disent de leur propre recrutement dans la collectivité. Intéressons-nous dans un premier temps aux 18 agents de catégorie C portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante ». 4 évoquent un appui direct à leur candidature.

« Qu’est-ce qui a joué selon vous en faveur de votre recrutement ? Clairement le piston » Agent rentré il y a plus de 15 ans

« Mon nom m’a ouvert pas mal de porte car il est bien connu à la Courly » Agent rentré il y a plus de 20 ans

Ceux n’ayant pas connu une recommandation directement pour eux-mêmes relatent pour la plupart l’existence de ce mode de fonctionnement. Par ailleurs, il convient de noter que plus de la moitié de ces agents de catégorie C et de « patronyme à consonance potentiellement discriminable » ont intégré le Grand Lyon dans le cadre soit d’emplois aidés ou d’une expérience en tant qu’intérimaire. Ainsi seuls 3 de ces agents ont connu une entrée au Grand Lyon par une candidature en réponse à une annonce parue dans le journal, sans connaître un proche travaillant pour la collectivité. Notons enfin que les agents porteurs de ce type de patronyme qui mentionnent un soutien pour leur accès au Grand Lyon sont entrés à la propreté. Les deux agents de patronyme extra-européen qui disent en avoir bénéficié pour entrer à la direction de l’eau, se trouvent appartenir à la filière administrative.

Page 105: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 105

En ce qui concerne les 14 agents de catégorie C qui eux ont un « patronyme à consonance non discriminante », seuls 2 d’entre eux admettent une intervention en leur faveur et on remarque qu’il s’agit dans un cas d’une femme sur un poste habituellement tenu majoritairement par des hommes et un homme porteur d’un handicap. Les autres n’en font pas mention. Ainsi pour les agents de catégorie C, il est très clair que ceux évoquant les pratiques de cooptation, qu’ils en aient bénéficié ou non, sont avant tout des agents de « patronymes à consonance potentiellement discriminante » entrés à la propreté. A chaque fois il s’agit d’agents qui sont arrivés il y a plus de 5ans. Il est probable également que dans un système discriminant à raison du patronyme ou de l’origine, ou du sexe ou du handicap, ceux qui accèdent aux emplois, mêmes peu qualifiés, ont soit été recommandés soit eu une expérience professionnelle préalable satisfaisante.

Au niveau des catégories A, le système est identique, sur les 5 agents de « patronyme à consonance potentiellement discriminante », 3 sont entrés ces 5 dernières années, dont 2 par recommandation. L’un a été embauché à la direction de l’eau après un stage, l’autre à la voirie sur un poste de contractuel après avoir été repéré par un responsable du Grand Lyon lorsqu’il travaillait pour une entreprise privée, collaborant sur certains chantiers avec le Grand Lyon, qui a du fermer ses portes. Sur les 14 personnes de « patronymes à consonance non discriminante » en catégorie A, 4 ont connu une forme de recommandation à l’entrée, 2 sont arrivées il y a 10 ans et 2 il y a 4-5 ans.

Quand la compétence remplace la complaisance Il semble que les directions où le recrutement sans concours est possible sont particulièrement sollicitées et confrontées à la gestion de pressions diverses pour l’embauche.

« La parade qu’avait trouvée à l’époque la direction de la propreté c’était de passer par un cabinet et de dire : les gens sont reçus en cabinet, c’est traité de manière neutre et objective, les gens qui sont pas retenus c’est pas la faute au jury de recrutement c’est clair, c’est parce que le cabinet qui sont des professionnels du recrutement a décidé que c’est pas des personnels qui remplissent les conditions. En 2004, il a été souhaité de mettre fin à l’usage de ce cabinet parce que la situation était assainie c'est-à-dire que on n’est plus sous demandes persistantes, récurrentes de demandes d’emploi recommandées par des élus ou par d’autres personnes quand je dis des élus c’est majoritairement des élus mais ça peut être d’autres personnes Par exemple ? Par exemple des enfants d’agents, je sais pas, je veux faire rentrer mon fils, ça peut être syndicalistes, toute personne qui connaissait ou ayant lien avec la direction de la propreté et qui connaissait les rouages et qui pouvait user éventuellement de leur notoriété pour pouvoir obtenir un emploi pour quelqu’un qu’il connaissait. Et ça, comment dire, pour être honnête, ça a nettement, je dis pas que ça a totalement disparu parce qu’on n’est jamais dans un monde idyllique mais ça a nettement diminué et aujourd’hui c’est très très rare, honnêtement très rare, quand on a des demandes insistantes du cabinet, ou vice-présidents ou des maires ou de tel agent qui nous dit : ben voilà j’aimerais faire entrer Untel etc. On continue bien évidemment d’avoir des personnes recommandées, ça c’est clair parce que ça, ça n’a pas disparu, mais en tout cas on leur dit bien, on essaie de jouer franc jeu, on leur dit bien que le fait d’être recommandé effectivement va peut-être donner accès aux étapes, dossier puis jury, mais ne présage en rien du résultat final. D’abord le jury n’est pas du tout

Page 106: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 106

au courant que le candidat qui est devant eux est recommandé par tel ou tel acteur. En fait par rapport à la masse de CV qu’on reçoit tous les jours, effectivement le CV qui nous est recommandé se retrouvera j’allais dire dans la pile des gens qu’on recevra pour préparer le dossier et si déjà à l’étape du dossier, son dossier est incomplet ben sa candidature sera rejetée, si après au niveau du jury ou du questionnaire la personne ne fait pas l’affaire ou ne remplit pas conditions, sa candidature sera rejetée. » e4

La formalisation des nouvelles procédures est donc associée à cette volonté de limiter la tendance à la cooptation qui produit un traitement inégalitaire des candidats puisque seuls ceux bénéficiant d’un tel appui pourraient intégrer le Grand Lyon.

« C’est bien cette idée de faire deux entretiens différents : au Grand Lyon et à l’extérieur (il semble que l’agent parle ici de l’ancienne procédure faisant appel à l’intervention d’un cabinet extérieur) car comme ça il n’y a pas d’histoire de piston. Car avant c’était par piston…aujourd’hui c’est un peu moins même si ça continue »

D’ailleurs on remarquera que les agents relaient cette transformation du mode de recrutement en mettant en avant la volonté de la DRH de mettre fin « au piston »

« Apparemment, ils recrutent plus de la même façon car aujourd’hui les gars passent directement par la DRH. La personne m’a dit lors de l’entretien que le Grand Lyon allait changer et qu’il n’y aurait plus de passe droit et tout ça. Ils m’ont dit ça quand ils ont posé la question pourquoi vouloir rentrer au Grand Lyon. On m’a fait comprendre que plein de choses n’allaient pas et que cela allait changer. » d’ailleurs cet agent nous racontera qu’après avoir posé sa candidature « je n’y croyais pas trop car pour moi c’était un peu circuit fermé, piston. » e26

« On nous a dit qu’avant c’était les fils, par piston. Et puis là où j’ai fait les tests, j’avais discuté avec la dame en disant qu’ils essaient de faire du tri par rapport à ceux qui se disaient une fois entré je fais plus rien. Un chef voulait faire rentrer un copain mais pas possible, fallait passer par la procédure. Fini le piston. »e66

Il est particulièrement intéressant de relever l’utilisation de l’expression « piston » pour désigner ce mode opératoire qui correspond en fait à une cooptation. Cette désignation négative et stigmatisante contribue à valoriser la rupture proposée par les nouvelles procédures visant à combattre le favoritisme pouvant effacer progressivement le critère de compétence. D’ailleurs c’est bien de ce stigmate dont témoignent les agents qui se targuent d’avoir pu intégrer le Grand Lyon sans y connaître quelqu’un.

Or, le « piston », évoqué ici, désigne en fait plusieurs situations allant de la pression politique sur les responsables pour imposer un recrutement, à la sollicitation par des agents de leur supérieur pour pousser la candidature d’un proche, aux avis positifs à propos d’un candidat glissés auprès des recruteurs qui examinent la candidature, jusqu’au fonctionnement quasi « dynastique » fondé sur la cooptation. La garantie de compétence aujourd’hui recherchée par les services RH à travers la mise en place d’une procédure formalisée de recrutement pouvait s’appuyer paradoxalement, autrefois, sur les recommandations de proches qui se trouvaient en quelque sorte en position d’en garantir le sérieux. La personne recommandée engage la crédibilité de celle qui l’a recommandée. Par conséquent un agent a peu d’intérêt à recommander quelqu’un qui puisse

Page 107: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 107

décevoir, risquant ainsi de se décrédibiliser aux yeux de son responsable. Par ailleurs, les difficultés relationnelles rencontrées dans l’univers de travail pouvaient ainsi trouver un mode de régulation extérieur, le « recommandeur » pouvant faire pression sur le « recommandé » qu’il fréquentait par ailleurs afin de limiter les dérives.

« Avant c’était un peu familial, plus centré… je pense qu’il y avait un respect du travail, des personnes entre elles, qui étaient différent du fait d’avoir été embauché par quelqu’un. A l’heure actuelle je trouve qu’il y a trop de différences de mentalités qu’avant. Cela regroupe un peu tout : expérience du privé avant avec une attitude de dire maintenant je suis rentré à la Courly donc maintenant je me laisse vivre, sur l’âge c’est aussi des jeunes un peu révolutionnaires Ca manque un peu de conscience professionnelle. Sont-ils rentrés parce qu’ils n’avaient pas le choix ? » e55

Sans doute, la transformation du contexte global menant à une élévation des connaissances techniques contribue-t-il à élever le niveau d’exigences attendu des agents qu’on embauche y compris sur des postes par ailleurs peu valorisés dans la société et peu qualifiés, et donc rend plus difficile un fonctionnement organisationnel paternaliste.

La fin annoncée des passe-droits et de l’entrée par recommandation qui vise à s’assurer de la compétence des agents apparaît ainsi participer pleinement de la lutte contre les discriminations.

Quand le « piston » est opposé à la mobilisation du réseau Il semble donc que les personnes portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » aient eu tout autant à connaître la recommandation pour être recrutées au Grand Lyon que les agents ayant un « patronyme à consonance non discriminante ». Toutefois, il ne s’agit probablement pas du même mécanisme : la mobilisation du réseau pour accéder aux informations, s’adresser aux bonnes personnes, se voir proposer un poste de contractuel, paraissant fonctionner dans les catégories les plus élevées et la mobilisation du réseau familial pour les personnes dans les catégories les plus basses, voire l’appui sur le réseau créé par le passage par des dispositifs d’insertion. Ainsi pour les catégories C, on pourrait avoir tendance à penser que les personnes portant un patronyme d’origine extra-européenne ont pu être favorisées puisque les agents ayant un patronyme d’origine européenne ont moins tendance à évoquer cette sorte de soutien. Mais on peut se demander s’il ne s’agit pas là de la traduction du fait que sans ces interventions, les agents portant un patronyme susceptible d’être discriminé n’auraient peut-être pas été recrutés, ce qui les conduit à mentionner l’appui d’un réseau d’interconnaissance qui va peut-être davantage de soi pour les autres candidats. En effet, on remarquera que les agents qui mentionnent le refus de leur candidature dans un premier temps sont pour la plupart celles qui portent un « patronyme à consonance potentiellement discriminante », et ce quelle que soit leur catégorie (A, B ou C). Ce qui est intéressant à retenir c’est moins le refus de la candidature que le flou de l’explication qui leur a été donnée, que ce soit dans les murs de la collectivité ou dans une autre.

« Je n’ai en plus jamais reçu de courrier qui mentionnait le refus, c’est la responsable RH qui m’a convoquée dans son bureau pour me dire que non j’étais pas reçue et « qu’on allait trouver une solution. Ce sont les deux seuls postes où la réponse a toujours été que verbale ! c’est surprenant non ? je pense que c’est délicat de dire que mes compétences ne correspondaient pas.. Donc la

Page 108: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 108

personne contractuelle est restée sur son poste et ils ont recruté une autre personne. J’ai demandé une réponse écrite et je l’ai jamais vue. » e30

« J’ai envoyé quelques candidatures et j’ai obtenu une proposition très rapidement au département du Rhône avec un premier entretien. Il y a quelque chose de bizarre qui s’est passé. Cela s’est très bien passé avec une personne du département et une extérieure. Avec des tests. C’était fin 2001. Très bien à tel point que la responsable de recrutement m’a dit que ça avait été bon et que j’étais recruté, et j’ai reçu un nouvel appel pour dire que la direction des RH voulait me revoir dans le cadre d’un second entretien. Il a duré 10 mn et elle faisait les questions et les réponses. J’ai rien pu dire. J’ai essayé de rejoindre la responsable de recrutement, j’ai pas réussi avant trois semaines. Elle m’a dit quand je lui ai demandé pourquoi : parce que votre profil est surdimensionné par rapport au poste. J’ai été surpris car une maitrise pour rédacteur c’est souvent le cas. Elle m’a dit désolée je peux rien dire de plus. » e42

« Ma candidature n’a pas été retenue dans un contexte un peu particulier. J’ai été reçu à trois entretiens et on m’a rapidement dit que j’étais surqualifié par rapport au poste sachant que j’avais fait un exposé sur ma vision du poste et son évolution, que c’était très intéressant(…) que ma candidature serait peut-être retenue. Donc au bout du compte j’ai eu un entretien avec le responsable de la direction et j’ai appris que le N+1 du poste à pourvoir avait pris bien en amont de ma candidature quelqu’un et qu’ils ne pensaient pas donner suite … » e44

«C’était pas bon pour la ville de Lyon et deux-trois mois après une lettre de GL pour passer des tests.. c’était recrutement sans concours. Je ne me rappelle plus vraiment des postes... je crois que les deux étaient pour les ressources humaines. Pour la ville de Lyon, j’ai reçu un courrier qui paraissait étrange car on me disait « si vous souhaitez rentrer dans la FPT il faut passer un concours ! ! ! ». Mais j’ai eu une convocation au GL pour un test deux trois mois après. » e67

« Au début j’ai envoyé une candidature spontanée qui a été refusée. C’était au pif à une DRH, je sais pas … ils m’ont renvoyé un courrier négatif. Je sais plus pourquoi… je crois qu’ils disaient qu’il fallait passer par des concours… donc après je suis allé directement au GL au service recrutement demander des renseignements et je voulais savoir quels étaient les recrutements externes sans passer de concours. » e57

Les agents porteurs d’un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » se trouvent plus souvent confrontés à une difficulté d’accès à l’information pour laquelle ils doivent déployer un peu plus d’énergie pour en bénéficier, d’où l’importance d’avoir accès à un réseau pouvant la relayer. Ils sont également plus souvent confrontés à une image a priori négative à leur sujet. Cela renvoie à la question du parrainage, du coup de pouce, sans lequel ces agents ne seraient probablement pas rentrés mais qui ensuite risque de faire peser le soupçon de la complaisance et attiser la haine d’agents racistes. Un agent de catégorie A, porteur d’un patronyme susceptible d’être discriminé décrit cet aspect de l’accès à l’information à propos de sa mobilité.

« j’avais sollicité la DRH quand j’ai eu le concours et j’ai été déçu car je pensais qu’elle devait accompagner la mobilité. Or on m’a dit « il faut chercher ailleurs ». Je l’ai dit au directeur qui m’a dit que ce n’était pas vrai. »

Un autre agent de catégorie A portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » souligne la nécessité pour les agents d’être soutenus.

« J’ai un peu le sentiment qu’au Grand Lyon on ne recrutera pas une personne d’origine étrangère si quelqu’un ne parle pas pour vous avant ; et j’en parle en connaissance de cause car j’ai fait rentrer deux personnes en catégorie C, un frangin et un ami. Ca ne marche pas par CV et lettre de motivation »

Page 109: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 109

Il décrit parallèlement le soupçon que cela produit puisque la recommandation passe alors pour de la complaisance rendant suspecte la compétence.

« Le fait que j’ai été porté par quelqu’un avec qui j’avais eu l’occasion de parler et qui pensait que je pouvais porter le poste. Mais j’aurais aimé rentrer autrement que par le bouche à oreille et qu’on ne vienne pas me dire que je n’ai pas le profil de poste».

Pourtant le recours au réseau peut être clairement perçu comme la simple mobilisation d’atouts qu’il faut savoir jouer à bon escient. Certains estiment donc que savoir se constituer un réseau peut être considéré comme une compétence. La qualité du réseau est alors essentielle.

Le mode de fonctionnement par cooptation dénoncé ici, a permis à un moment de l’histoire du Grand Lyon à des agents porteurs d’un « patronyme à consonance potentiellement discriminante », de catégorie C, de bénéficier de l’information et de la recommandation nécessaires pour accéder à des emplois qui ne leur étaient pas très ouverts a priori. Ce mode de fonctionnement plus généralement admis qu’il n’est dit, a produit à terme une forte « endogamie » des directions les plus représentatives du Grand Lyon que sont les directions de l’eau, de la propreté, peut-être aussi de la voirie pour laquelle une ouverture volontariste aux recrutements de femmes aurait été tentée. Mais sur celle-ci nous n’avons eu qu’incidemment des informations lors des entretiens puisqu’elle ne faisait pas partie de l’étude.

3.2.2 La réduction des aléas d’une entrée par cooptation : la mise en place d’une procédure

La trame générale

Le nouveau fonctionnement entre la DRH fédérale et les SRH dans les grandes directions distingue le recrutement des agents de catégorie A des autres agents.

« On fait un cahier des charges : profil du candidat idéal, quelles sont les compétences recherchées, pour objectiver au maximum l’entretien. On s’occupe nous ici de la publicité. Ensuite, réception des candidatures, les chargés de recrutement retiennent 12 entretiens d’environ 1 heure. Le chargé de recrutement se positionne presque en cabinet conseil puisqu’au-delà de ces entretiens il en sélectionne 3-4 qui sont en phase avec le cahier des charges ; ces candidatures sont proposées aux managers. Pour les catégories B et C, le feu vert de départ, la publicité se fait aussi ici, la validation finale du candidat retenu se fait ici aussi, mais tout ce qui se situe entre les deux se fait dans les SRH.(…) Pour les cadres A, il y a la short liste donc on procède en deux temps. Ce sont deux entretiens individuels. Pour les B ou C, il n’y a pas de « short list », pas de n+1 mais une personne du SRH + le manager. »

Les services de RH cherchent à « professionnaliser au maximum la démarche de recrutement » notamment en passant « un temps important à l’analyse du profil recherché ce qui permet d’objectiver le choix au maximum ». C’est donc aux différents services RH en fédéral ou bien déconcentrés que revient cette tâche de définition des profils de poste.

Page 110: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 110

« Pour les catégories A, le cahier des charges est fait par une chargée de recrutement d’ici + le manager, le n+1 ou n+2 concerné. Pour les catégories B et C c’est le SRH + le manager ; l’idée est de combiner le rôle de l’encadrant avec la compétence RH. »

Le souci de professionnalisation du recrutement par la nouvelle DRH se traduit par la volonté de mettre en place un « réseau recrutement » :

Les SRH sont très demandeurs de règles communes de la part de la DRH. C’est rassurant pour eux, ça permet une certaine homogénéité et une certaine légitimité dans ce qu’ils proposent. Il y a un contexte juridique qui fait qu’il faut être dans les clous et puis la volonté de reconnaître le professionnalisme des SRH. »

Ainsi la déconcentration de la fonction RH, conduit la DRH fédérale à piloter « l’orientation, la déontologie, la mise en place des règles. »

«Clairement on a pu identifier qui fait quoi, quelle démarche on suit, quelles sont les démarches clé du recrutement, qui intervient à quel moment selon que c’est un recrutement de cat B, de Cat A ou de cat C. Ca aujourd’hui c’est une base qui est écrite, ce qui nous manque encore c’est l’élaboration de la charte recrutement, on a le processus mais maintenant quelles sont les règles du jeu, les règles déontologiques, la politique en matière de recrutement, les priorités en termes de recrutement ; c’est un peu tout ça qui reste encore à écrire. »

Cette base écrite, évoquée notamment par les agents en position d’encadrement amenés à côtoyer par leur fonction l’approche RH et à participer à des recrutements, indique que chaque candidat doit déposer un dossier comportant un CV et une lettre de motivation et se verra éventuellement proposer un entretien. Enfin, ultime étape pour l’embauche, une visite médicale doit déclarer si le candidat est apte physiquement à tenir le poste brigué. Des agents de catégorie C évoqueront d’ailleurs deux visites médicales, une auprès d’un médecin du grand Lyon, et une seconde auprès d’un médecin agréé. Bien évidemment, certains métiers exigent des aptitudes physiques particulières au regard de l’environnement de travail envisagé, comme par exemple, pour les services de l’eau, le port de charges importantes (les tampons d’égout), l’absence de port de lentilles pour descendre en souterrain, milieu particulièrement insalubre, l’absence de problèmes d’articulation pour les agents de salubrité amenés à beaucoup marcher et effectuer des mouvements pour se baisser.

Accéder à l’information : une obligation de publication des avis de vacance de postes

Pour le candidat, la démarche commence lorsqu’il postule. Tout d’abord, gardons en tête que le motif du recrutement peut être la création, le remplacement, la transformation ou le redéploiement. Les agents susceptibles de postuler sont soit titulaires d’un concours de la fonction publique territoriale, soit non-titulaires dans le cadre de CDD, soit (comme le catégorise l’annexe 5)44 des « exceptions » puisque ne relevant pas des concours, comme le prévoit le statut de certains fonctionnaires de catégorie C.

44 Le processus recrutement reconfiguré dans une fonction RH partagée 2005 Annexe 5 Le marketing territorial sur les pages recrutement du site internet.

Page 111: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 111

Si l’on se réfère au document type proposé pour la synthèse des entretiens menés45, on voit clairement que « les sources » répertorient l’origine des candidatures : « Avis de vacance, Vivier, Site Grand Lyon, Annonce, Autres : CNFPT, CdG, Réseau ». La rubrique « Vivier » correspond donc aux candidatures spontanées reçues dont les postulants se verront éventuellement contacter par le Grand Lyon à l’occasion d’un recrutement en correspondance avec leurs compétences et proposer un entretien au même titre que les candidats ayant répondu à l’avis de vacance. Nous n’avons pas plus d’éléments sur la manière dont ce vivier est constitué et exploité. Toutes les candidatures sont telles conservées ? Comment sont-elles classées et mobilisées ensuite ? Pour tout poste disponible, les textes obligent à la publication des vacances de postes de manière à ce que la diffusion autorise toute candidature. En ce qui concerne les vecteurs de publication par contre ils peuvent être plus ou moins diversifiés : le site internet du Grand Lyon, le centre de gestion, des annonces dans des revues professionnelles comme la gazette des communes, la lettre du cadre territorial, la presse spécialisée nationale favorise les mutations d’une région à une autre. Mais cette diversité des supports d’information interroge également les agents puisque par ailleurs si la publication dans la presse, notamment locale ou professionnelle, est repérée comme permettant « de toucher plus de monde », elle ne semble pas être la procédure la plus usitée.

«Il peut y avoir publication dans la Gazette, le Moniteur etc mais j’ai cru comprendre que c’est pas trop la politique du Grand Lyon » e52

En effet, un agent de catégorie A précise :

« Un avis paraît avec publicité au CDG. En temps de besoin on fait une publicité dans la presse, le moins possible parce que c’est quand même relativement onéreux et qu’on recherche en priorité à favoriser les candidatures spontanées et les gens en mobilité interne ou en mobilité d’une autre collectivité. On essaie par ces vecteurs là. (…) On limite le nombre de parutions d’annonces par rapport au coût que ça représente. Là sur le Progrès ça nous a coûté 2500 € pour 2 week-ends. Donc quand on recrute à peu près 80 personnes dans l’année … Donc là pour 4 postes, on a fait paraître pour 4 postes » e32

Certains agents s’interrogent sur l’accès à l’information, d’une part des agents souhaitant une mutation, et d’autre part des personnes extérieures qui pourraient avoir des compétences intéressantes pour le Grand Lyon.

« La gazette des communes c’est une publication pour un poste sur 100 au Grand Lyon. Je m’interroge sur la méthode de recrutement du Grand Lyon alors que les petites collectivités se paient des pages entières. » e1

De ce fait, il peut arriver que pour certains postes, peu de candidatures soient déposées. Un agent fait référence à un recrutement d’un chef d’équipe pour lequel aucune information n’est passée dans la Gazette et qui n’a engendré donc qu’une seule candidature. La mise en place des bourses d’emplois par les CdG ainsi que le réseau internet semblent par contre être vecteurs d’amélioration de la diffusion de cette information.

45 Idem Annexe 3 Les grilles d’aide à la décision

Page 112: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 112

« Parfois les CdG n’ont pas les mêmes infos que la Gazette, il faut fouiller, maintenant ça va mieux avec internet puisqu’il y a obligation de publication des postes dans la FP par CdG ou CNFPT. »

Pour autant, reste ouverte la question du choix de la palette de diffusion des informations.

« Comment se fait-il que le Grand Lyon ait pu rester 11 mois sans direction de la propreté, pas une annonce dans un journal, ils sont passés par des chasseurs de tête je crois mais sans doute que la personne qui est partie assurait des choses ingérables. Comment attirer des gens si on fait pas de publicité, sait-on se vendre, c’est quelque chose qu’on a intérêt à travailler dans une grosse collectivité. On sait pas dire qu’on a besoin de vrais professionnels, on passe à côté de richesses » e1

Question en suspend qui peut participer du soupçon de non transparence sur lequel nous reviendrons ultérieurement mais qui pose plus globalement la question des critères à retenir pour la sélection des candidats et interroge l’éventuelle priorité donnée à l’interne. Quoiqu’il en soit, si l’obligation de diffusion de l’information est assez clairement présente dans le discours des agents même si elle n’est pas formellement énoncée, sa portée à des limites à leurs yeux. Il peut arriver que dans certains cas, le recrutement se fasse sans publication de l’information concernant le poste.

« Parfois des avis de vacances où des gens postulent, des avis publiés mais déjà pris, des postes proposés sans avis de vacances. Mon dernier poste il n’y avait pas eu d’avis de vacances ». e2

« Ensuite les autres postes, cooptation, pas d’audition. Normalement on n’a pas le droit. » e7

« Un chef de subdivision a été recruté sans avis de vacances. Il y a eu un jeu de chaises musicales, un poste a été créé ce qui a permis à trois personnes de changer de poste, deux postes à la direction propreté et le 3eme à la DRH. » e1

Même lorsqu’ils reconnaissent la parution des avis de vacances, les agents peuvent émettre des doutes quant à l’efficacité d’une telle procédure. Cette impression émane principalement d’agents porteurs d’un « patronyme à consonance potentiellement discriminante ».

«J’ai l’impression qu’à 80% les postes sont déjà affectés, que ce sont des entretiens alibis. De temps en temps je me suis renseignée sur un poste pour postuler et de demander qu’est ce que tu en penses et qu’on me dise non vas y pas il est déjà réservé. A d’autres collègues, il est arrivé qu’ensuite on a trouvé un prétexte pour dire t’a pas été bonne pour tel ou tel entretien » e2

« Et la FP, les dés sont pipés car il y a des réseaux parallèles de connaissance et avant que le poste sorte pour être en accord avec la loi, le recrutement est déjà fait. On va peut être vous convier par politesse. J’ai le cas sous les yeux avec un collègue qui avait arrêté son choix avant ça. Et c’est le cas pour les postes intéressants. S’il faut connaître la moitié de la maison pour postuler, c’est navrant. Ils s’en défendent mais c’est comme ça. Tout est comme ça. On dit que c’est l’équité mais rien ne l’est. » e56

Ainsi, la publication d’un avis de vacance de poste répond bien à la demande légale mais ne garantit pas pour autant une égalité de traitement.

« L’avis de vacances n’est pas un frein et toute procédure on la mène comme on veut » e46

« Quand on fait le minimum légal c’est qu’on a un candidat en interne. Quand on cherche vraiment quelqu’un il faut faire la pub à grande échelle.» e1

Page 113: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 113

On voit, à travers ces extraits, émerger la question de l’articulation entre le recrutement et la mobilité professionnelle puisque les postes libérés peuvent être brigués aussi bien par des candidats qui souhaitent rejoindre le Grand Lyon par mutation ou qui intègrent ainsi leur premier poste, que par des agents déjà en poste au Grand Lyon mais qui souhaitent une mobilité. De ce fait, la procédure peut apparaître davantage comme une contrainte dénuée de sens puisque le candidat est déjà connu de l’établissement.

Etre reçu en entretien

Suite au dépôt d’un dossier contenant un CV et une lettre de motivation, les SRH peuvent être amenés à effectuer un premier tri pour évincer les candidatures qui ne remplissent pas les conditions attendues, définies dans le profil de poste et organiser un entretien.

« …quoiqu’il en soit on reçoit tous les candidats même si il y a un avis favorable en cours de route et si on a un petit doute on peut recevoir à nouveau » e33

La composition des « jurys » Les nouvelles procédures mises en place à partir de janvier 2006 indiquent la composition des personnels assistant à l’entretien d’embauche. Un représentant de la DRH n’est présent que pour l’audition des candidats de catégorie A. Dans les autres cas, un représentant du SRH accompagné d’un manager (n+1 voire n+2) conduisent l’entretien. Il s’agit de la personne qui sera amenée à travailler avec le-la futur-e recruté-e et non pas un agent au grade équivalent mais d’un autre service. Les responsables du recrutement interrogés mettent l’accent sur la limitation du nombre de personnes présentes à l’entretien. Par comparaison avec un autre fonctionnement connu dans une autre collectivité où le jury comportait cinq membres (un élu présidant le jury, un représentant syndical, un membre de la DRH, le n+1 direct et le n+2), l’avantage retenu est un moindre malaise pour les candidats peu habitués à s’exprimer en public. De plus, le nombre de membres du jury plus élevé a une répercussion sur le temps d’expression du candidat surtout en cas de présence d’élus ; les entretiens sont alors plus courts. Le Grand Lyon affiche sa volonté d’une attention soutenue aux candidats reçus à travers le temps consacré à ces auditions qui durent environ entre 30 minutes et une heure là où d’autres collectivités consacrent dix minutes à un quart d’heure, d’après le témoignage d’agents ayant eu une fonction RH avant leur arrivée au Grand Lyon. Par contre, la position collégiale avait l’avantage d’alléger le poids qui pèse sur les épaules des personnes mises en situation de recruteurs.

« Ca ne laisse pas les mêmes chances aux candidats qui ne sont pas à l’aise devant cinq personnes mais ça gomme un peu la discrimination car ça gomme les a priori individuels, on s’interpelle, c’est transparent, car tous sont là mais par contre il y avait plus de pressions politiques car le président était politique »

Pour autant, aux yeux d’une professionnelle du recrutement, ce mode de composition du jury faisant appel à des professionnels non spécialistes du recrutement, peut comporter des inconvénients.

« Il peut y avoir des questions maladroites, des regards qui peuvent déstabiliser un candidat ».

Page 114: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 114

Si la nature du jury de sélection est définie dans le cadre du projet PaRHtage, il semble que son application ne soit pas toujours évidente. Ainsi, en est-il de la direction de l’eau où l’organisation en sites d’exploitation accroît la tendance des responsables de sites à vouloir y participer directement. Pour autant, tous ne pourront pas le faire et le SRH indique que lors d’une campagne de recrutement s’il devait arriver que quatre ou cinq intervenants se présentent en tant que membres du jury, consigne serait donnée de ne pas réaliser les entretiens dans ces conditions. Il existe une forte demande de la part des acteurs de terrain à donner leur point de vue sur leurs futur-es collaborateurs-trices. D’ailleurs, il semble que parfois la présence d’un-e futur-e collègue ait pu être pensée comme légitime. Or, un agent témoigne des difficultés ultérieures que cela peut générer dans les relations de travail en évoquant son propre recrutement auquel s’était opposée une future collaboratrice qui allait ensuite lui être subordonnée.

Un agent de catégorie A participant à des recrutements souligne l’intérêt d’avoir mené des entretiens en binôme ou trinôme avec des responsables RH depuis des années :

« Il y a nécessairement une complémentarité entre les personnes qui ont à recruter. Sur l’ensemble des recrutements sauf un, on n’a jamais eu à discuter sur le choix, on a toujours été naturellement d’accord sur le choix ou le classement. Moi je préfère être à deux car je ne suis pas un professionnel du recrutement. Il est parfois intéressant d’observer les réponses aux questions d’un collègue. » e44

Cette nouvelle procédure apparaît ainsi plutôt positive et semble aller dans le sens attendu d’une plus grande garantie d’équité.

« L’appui de la DHR, quelqu’un plus orienté sur des questions logiques, qui peut remettre la discussion au bon niveau. Qu’il y ait aussi une personne qui va travailler avec le candidat ça donne aussi l’atmosphère de travail, le N+1 a peut-être une attente particulière qui peut ressortir dans l’entretien. Réelle plus-value de la participation de la DRH, ça permet de moins se tromper, ça sécurise. On peut avoir des a priori sur une personne.» e9

La prise en considération de la plus ou moins grande aisance des candidats à se présenter devant un collège étendu de personnes dont on sait qu’elle varie socialement, ne peut que contribuer à limiter la discrimination indirecte. En ce qui concerne le choix des participants au recrutement, les agents de terrain sont sollicités par rapport aux grades. Par exemple, pour le recrutement d’un technicien, on fera appel à un ingénieur, pour celui d’un ingénieur, on demandera un ingénieur en chef par exemple. Un directeur adjoint nous dit participer au recrutement des techniciens, des ingénieurs, quand un technicien d’exploitation indique participer au recrutement des agents de maîtrise et des agents de salubrité.

Un agent technicien déclare :

« Le recrutement c’est au volontariat. On suit une formation et on peut recruter au grade en dessous. Il est vrai que des AM ont recruté et après il y a eu des surprises... ils viennent me le dire mais je dis qu’on peut se planter. C’est dur de savoir c’est sûr pour nous, celui qui peut faire breveter quelque chose est riche» e46

Page 115: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 115

On retrouve la confirmation du volontariat chez un agent de catégorie C

« Je me suis porté volontaire pour recruter les agents techniques et ceux qui postulent pour être agent de maitrise. Je trouve cela très intéressant. » e29

Toutefois, il semble que la sollicitation par les supérieurs soit également un moteur pour y participer. Ainsi un agent de maitrise, porteur d’un patronyme extra-européen fait ce double constat d’une absence de sollicitation en ce qui le concerne et d’une difficulté à se projeter en tant que recruteur

« Maintenant les rendez-vous c’est avec la DRH, un agent de maîtrise et c’est tout. Mais moi c’est bizarre car on m’a jamais proposé... Pourquoi ? parce que je suis ancien. Les nouveaux chefs le font mais il paraît qu’il faut faire une demande mais moi je me sens pas» e43

Au moment où un agent de la DRH nous parle de la réduction du nombre des membres composant le jury de recrutement, il évoque l’importance du choix des personnes mobilisées dans ce cadre.

« L’inconvénient c’est que le poids se reporte plus sur une seule personne, il y a moins l’effet de régulation par rapport aux représentations individuelles qu’on a tous. ça induit de ne pas se tromper sur les personnes qu’on met en position de recrutement, le poids est plus lourd que dans une position collégiale. Les gens qui s’occupent du recrutement ont une forte capacité à prendre du recul. » e3

Les hommes et femmes en catégorie A, voire catégorie B, de notre corpus, en position d’encadrement participent au recrutement et ce, quel que soit leur patronyme. Par contre, les agents en catégorie C que nous avons rencontrés ne participent pratiquement pas à des recrutements. Toutefois, nous ne savons pas vraiment comment s’opère le choix parmi les volontaires ni par qui. En ce qui concerne les techniciens ou agents de maîtrise mobilisés pour les jurys en services urbains, il semble effectivement que cela se fasse sur incitation de la hiérarchie.

« On essaie de repérer parmi nos agents de maitrise ou techniciens, des gens qui tiennent la route habituellement, dont on est vraiment satisfait de leur travail, qui ont un sens du service public, qui ont bien compris les enjeux de la direction, qui ont des méthodes de management réputées convenables pour lesquels y a pas de souci et donc on les sollicite pour savoir si ils sont intéressés pour faire partie du jury et s’ils sont intéressés, on les envoie en formation aux techniques de recrutement. C’est une formation je crois qui dure deux jours. Une journée ou deux jours je sais plus. Une formation spécifique avec un organisme extérieur. C’est la DRH fédérale qui gère ça parce que c’est eux qui ont un marché avec l’organisme de formation alors je pourrais pas vous donner précisément le nom de l’organisme, c’est un organisme agréé classique, de formation. » e4

On peut donc se demander dans quelle mesure, il n’existe pas un écart de traitement entre les agents qui se voient proposer de participer au recrutement, la base du volontariat laissant toute la place aux agents qui se sentent les plus légitimes ou bien qui sont perçus comme tels. Or, le moment de l’entretien est décrit par les agents comme un moment déterminant.

On voit aussi apparaître l’idée que les compétences en management traduiraient des compétences au recrutement. Pourtant, pour le service DRH, il existe une spécificité du recrutement d’ailleurs au fondement de la nouvelle procédure mise en place et de la volonté d’articuler l’apport RH et l’apport technique des agents de terrain.

Page 116: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 116

« Démarche qui s’efforce d’être professionnelle, c’est un professionnalisme reconnu par les managers, qui entendent le fait qu’ils peuvent être bons managers mais pas bons en recrutement et qu’ils peuvent utiliser les services qu’offrent la DRH. Ils ont confiance.» e3

Les agents interrogés décrivent l’apport des chargés de recrutement RH sur l’aspect psychologique, la personnalité, les agents du service recruteur se posant davantage sur l’expertise technique. Si cette complémentarité semble plutôt bien appréciée, l’idée revient que l’égalité de traitement dépend des recruteurs présents.

« L’équité ? rires ! tout dépend des personnes qu’ils ont envoyées pour l’embauche. » e43

La formalisation des procédures pour garantir l’égalité de traitement semble laisser les agents dubitatifs

« On a beau faire ça pour tout, ça va dépendre de la personne qui recrute, de son histoire et qui va amener à prendre telle ou telle personne » e27

Outre cette articulation à maintenir dans un cadre toutefois limité de personnes pour ne pas risquer de créer un malaise pour les candidats, outre le grade des personnes, il convient de prêter attention à la position hiérarchique. Ainsi une personne en fonction RH nous indique un arbitrage qui a eu lieu dans un recrutement récent d’une secrétaire pour remplacer un départ sur une équipe. Le responsable de service souhaitait qu’une des deux futures collègues assiste à l’entretien.

« Mon argument c’est par rapport aux relations futures, il se dit des choses en entretien qui sont confidentielles eu égard au parcours de la personne qu’elle n’a pas forcément envie de dévoiler à une future collègue et ça peut susciter pour la suite des difficultés relationnelles. Moi je l’ai vécu quand j’ai été recrutée ici, donc je suis bien placée pour le savoir. C’est le hiérarchique qui recrute et c’est pas les collègues ! Si on veut que les secrétaires soient toutes au même niveau, il n’y a pas de niveau hiérarchique dans l’équipe donc il n’y a pas de légitimité à être aux entretiens. » e32

La formation des recruteurs

Qu’en est-il donc de la compétence à recruter ? Les agents reçoivent-ils une formation en la matière pour limiter cet aspect aléatoire auquel renvoient les agents recrutés ? Il convient de distinguer ici les agents exerçant une fonction RH comme les chargés de recrutement, les chargés de gestion RH, les responsables SHR, des agents participant au recrutement à un titre plus opérationnel. En effet, les premiers, en ce qui concerne la période récente, ont reçu une formation.

« Au niveau de la communauté urbaine tous les recruteurs RH, tout le personnel qui fait du recrutement a priori a du suivre cette même formation (je mets au conditionnel hein) quand on a été formés nous c’était en 1998 par là, on a tous eu la même formation mais les recruteurs n’ont pas eu à la suivre. Les personnels techniques qui sont des encadrants ont déjà leur expérience d’encadrement de personnel et de management des hommes. On considère qu’ils ont déjà effectivement tout cet acquis personnel pour conduire les entretiens ; après c’est la technique de l’entretien que nous devons maîtriser en tant que RH et puis on doit effectivement je l’ai dit tout à l’heure mais moi c’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur, on doit être garant du respect de la procédure pour tous. » e32

Page 117: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 117

Il semble que celle-ci se décline en plusieurs modules.

« J’ai pas eu la formation « techniques de recrutement » mais « processus de recrutement » du Grand Lyon. La première ce sont par exemple les simulations. Moi j’ai suivi les procédures propres au Grand Lyon, et à la FPT. » e63

« Oui mais pas sur la conduite d’entretien mais sur le cahier des charges de recrutement, doc établi avec le manager... jusqu’au profil... » e44

La formation au recrutement a été dispensée par un cabinet missionné par la DRH mais n’a pas porté sur la question de la discrimination. Il semble toutefois subsister des interrogations sur les effets produits dans les pratiques ultérieures mais aussi sur le suivi de cette formation.

« Après il est vrai que certains recruteurs déstabilisent plus que d’autres (…) les gens sont tellement angoissés d’être là qu’il faut se mettre à leur portée, déjà que d’être là ils perdent la moitié de leur moyens. Mais chacun leur technique... alors que tous sont formés par le même cabinet... » e37

« On a tous été formés et on applique le code du travail par rapport à ça. Maintenant est ce que tous les nouveaux ont été formés ? Il y a même une formation qui a été montée pour les opérationnels de la propreté » e41

Ainsi la formation des agents recruteurs autres que RH n’est pas systématique. Si un travail en ce sens est annoncé, ce n’est pas encore tout à fait effectif puisque quelques agents entrés récemment nous ont indiqué ne pas en avoir reçue, parfois par manque de temps.

« J’aurais du l’être mais je n’ai jamais le temps d’y aller ! C’est de ma faute » e46

Les personnels RH redonnent les consignes à respecter avant la tenue des entretiens. Les managers semblent acquérir un savoir-faire au contact des spécialistes.

« Formellement non, c’est plus de la pratique et c’est surtout le fait que depuis des années j’ai mené des entretiens en binôme ou trinôme avec des responsables RH . Au Grand Lyon, je n’ai jamais eu d’entretien de recrutement seul. Il y a nécessairement une complémentarité entre les pers qui ont à recruter» e44

« Non pas eu le temps de me former ! je pensais le demander mais je ne sais pas si je vais le faire du coup. La meilleure façon de se former c’est aussi de faire, la personne SRH est très compétente et expérimentée, elle m’a expliqué les étapes et au bout de deux on sait. Mais je la ferai peut-être car il y a des questions types à poser et savoir comment interpréter le comportement, gérer des réactions, des stress. » e59

Pourtant, opérer la sélection de candidats reste un exercice difficile même aux yeux de spécialistes en RH et la formation apparaît comme une manière d’éviter les dérives même si chacun garde ensuite un style particulier.

« Moi je trouve que c’est pas facile de recruter, être sûr qu’on est toujours équitable d’un candidat à l’autre. Je me pose toujours la question avant de donner un avis. Je me dis que tant qu’on se pose la question ça va encore. C’est le jour où on se la pose plus que quelque part il faut être en alerte et changer de, de fonctions. Ce qui me semble très important au niveau de la collectivité c’est qu’on ait tous la même formation à la base, c’est quelque chose qui devrait perdurer, moi je sais pas si je vais travailler toujours avec les mêmes collaborateurs ou pas mais il faut bien qu’on ait tous les mêmes formations, les mêmes objectifs, la même commande de départ. » e32

Page 118: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 118

« Moi j’avais fait une formation car je recrutais les apprentis. Les entretiens j’en ai fait un ou deux avec la personne que je remplaçais. J’ai vu ses techniques(…). J’en avais fait aussi avec la responsable mais je n’ai pas du tout aimé donc je me suis inspiré de ma collègue. Une formation de plusieurs jours donne des pistes. Et puis ce n’est pas une science exacte. » e37

A plusieurs reprises, nous retrouvons cette idée que le recrutement est un exercice subtil à mettre en œuvre, que l’on peut se tromper, l’erreur pouvant résulter d’une mauvaise évaluation de la part du recruteur ou d’une tricherie de la part du candidat.

Des recruteurs pas tous logés à la même enseigne

Est également pointée l’idée d’être en capacité de savoir dire non, de garder en tête les intérêts du Grand Lyon même si une dimension sociale est par ailleurs reconnue à la collectivité.

« Si un agent d’entretien évolue et demain fait du recrutement, il est important qu’il sache se positionner demain… et sache dire non aussi »

Cette préoccupation mentionnée après avoir dit : « Ces gens d’autres races vont vouloir évoluer donc autant ne pas prendre de risque où les mettre et ensuite bien les accompagner », est clairement racialisée. Elle témoigne de la crainte de voir accéder à des responsabilités de recruteurs, les agents associés à une origine étrangère avec cette justification qu’ils pourraient perdre de vue les critères de compétences qui doivent présider avant tout à la sélection des candidats. Explicitement les personnes d’origine extra-européenne sont ici soupçonnées de donner la priorité à des agents « de leur communauté » tandis que les personnes de patronyme européen ayant tendance à favoriser leurs homologues ne sont jamais pensées faisant de même. Un agent de catégorie A ayant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » exprime très bien cela.

« La procédure de recrutement type en passant par le CV anonyme et bien pourquoi pas, mais il faut trouver la juste mesure car même si on veut éviter l’aspect recrutement par exemple familial, au Grand Lyon il y a des postes où vous n’irez jamais car ils sont déjà donnés. C’est un peu du corporatisme, par exemple ma collègue veut bouger et je suis en recrutement donc ça serait bien que ça coïncide… Je donne les mêmes infos aux extérieurs qui téléphonent car justement je devine ce que peut être de favoriser une personne plutôt qu’une autre. Moi c’est pas mon intérêt d’avoir une copine qui fichera rien dans mon équipe... Ce que je ne veux pas c’est choisir par rapport aux origines, le quartier... j’habite dans un quartier qui ne paraît pas très fréquentable, (…) on me dit « c’est dangereux, tu te promènes comment ? ben en scaphandre ! ... » Moi pour les recrutements je donne un coup de main car je sais que même si la personne a les compétences son nom va bloquer. Donc dès qu’il y a un avis de vacance c’est : positionne toi et si j’ai quelque chose à dire je le dirai. Quelqu’un de ma famille est dans ma direction. C’est vrai que j’ai eu droit à quelques remarques car juste avant j’avais fait rentrer un copain, ami de la famille. Ca s’est passé bêtement car un an après mon arrivée, je vais à la réunion nouvel arrivant et ils disent qu’ils ont du mal à faire rentrer tel profil et en en parlant mon frère m’a demandé pour Ali qui se faisait virer. Alors il y a eu une boutade « tu vas en faire rentrer beaucoup comme ça ? »

Page 119: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 119

Parler de ça à force c’est ... et du coup on tombe dans le système que l’on reproche. Quand on a recruté Ali, avec son chef que je connaissais bien un jour on parlait des origines, il m’a dit que lorsqu’il est rentré dans le service 3 agents de maîtrise ont dit « on ne veut pas de problème, on n’en veut pas », et un an après tout le monde le voulait car il tient bien sa place et travaille bien. Quand on voit comment les gens peuvent être idiots. » e40

Ce long extrait montre bien comment un fonctionnement très présent dans la mobilité des agents et la manière dont ils accèdent aux informations est particulièrement épinglé quand il est actionné par des personnes ayant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante ». Or comme le souligne cet agent, pourquoi serait-il plus stupide qu’un autre et pourquoi accepterait-il de s’adjoindre des personnes dont les compétences seraient insuffisantes ? Conscient des difficultés inhérentes à la détention d’un tel patronyme, l’agent témoigne de sa volonté de rétablir une forme de justice en prêtant attention à ces candidatures et en donnant les coups de pouce lorsqu’il a des éléments allant en faveur du postulant. Pour autant cela l’interroge par le fait qu’il se trouve alors participer au système qu’il essaie de combattre par ailleurs en tentant de donner une chance à ceux évincés a priori par des représentations négatives. Nous ferons ici le lien avec les constats que nous avons pu faire à propos de la désignation d’un fonctionnement antérieur « au piston ».

Un autre agent en fonction RH remarque combien les agents susceptibles d’être discriminés sur leur origine sont soupçonnés de vouloir se retrouver, faire corps, être en communauté.

« Il y a de plus en plus de place parce que je crois qu’il y a plus d’écoute, il y a une acceptation de la différence. Maintenant il y a des faits, j’ai eu des discussions comme ça dans le service avec un directeur qui dit : on a recruté 3-4 personnes d’origine maghrébine qui travaillent sur des postes administratifs et c’est très rigolo, enfin moi ça m’épate. On est sur un immeuble de 7 étages, les personnes se connaissent pas forcément par contre elles vont se retrouver tout de suite. Alors le directeur me dit : vous vous rendez compte il faut faire attention à ce qu’on fait parce que vous avez vu tout de suite les beurettes elles se retrouvent toutes ensemble. Déjà sur le terme ! et c’est vrai enfin dans les faits elles ont une faculté à se rassembler, et à faire des choses ensemble j’en suis épatée quoi, c’est une façon d’être, se créer un réseau tout de suite, on le retrouve au resto, et on le retrouve dans les services mais c’est pas préjudiciable au travail. C’est que culturellement elles se retrouvent, elles ont des intérêts qui sont communs une éducation, une culture commune et elles se retrouvent autour de ça. Et c’est ce que je lui avais dit : mais vous, vous vous retrouvez avec qui quand vous allez au coin café ? Enfin lui c’était peut-être moins visible. ça m’avait amusée moi cette réflexion-là ! c’est pas parce qu’elles se retrouvent un ¼ d’heure au coin café que derrière elles font pas leur boulot quoi. C’est ce que je lui avais amené après gentiment. » e32

Il y a donc une prégnance de stéréotypes qui finalement peuvent être préjudiciables en situation de recrutement d’autant que l’absence de formation spécifique à la problématique des discriminations est manifeste et qu’il peut donc y avoir des risques effectifs de discrimination que les personnes soient par ailleurs racistes ou non.

Un agent formé aux ressources humaines donne la mesure de l’importance que peut revêtir le fait que la décision soit collégiale et qu’il y ait une veille systématique des nouveaux services RH. Il relate un exemple de désaccord sur un avis de recrutement, désaccords par ailleurs reconnus comme étant peu fréquents.

Page 120: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 120

« J’ai eu 1 cas à l’eau en début de prise de poste, ça a été très mouvementé. Le responsable technique m’avançait des motifs de désaccord liés à des problèmes de compétences de la personne or c’était un des candidats qui avait le plus de compétences que nous avions reçu, le plus de compétences requises pour le poste. Et en fait pour tout dire ça s’est fini dans un bureau où en tête à tête je lui ai dit qu’il faisait une sélection sur le nom de la personne. Le recrutement s’est fait. C’était du racisme ! le recrutement de la personne s’est fait! l’intégration s’est bien passée. C’était quelqu’un qui avait des qualités relationnelles, techniques etc. Et aujourd’hui le service n’a qu’à se louer du travail fait par cette personne. Et du coup ça n’a pas posé de problèmes avec la personne responsable du service en question ? Je lui ai quand même dit que je l’aurai à l’œil, qu’il fallait pas non plus que j’ai vent de problèmes d’intégration. c’est rester entre nous, ça s’est passé dans un bureau en disant : vous ne m’amenez pas d’éléments probants, avant d’arriver à dire qu’il s’agissait de racisme j’ai quand même bien tourné autour du pot pour essayer de lui faire exprimer que c’était ça. Et puis non donc au bout d’un moment j’ai tapé du poing sur la table en disant : et ben moi je vais vous dire ce que c’est… La personne en était consciente ? Elle en était consciente mais elle voulait pas l’exprimer parce que socialement c’est pas possible. J’en ai référé à son n+1 quand même, en disant voilà ce qui s’est passé sur ce recrutement, voilà la conclusion que je fais donc la personne sera recrutée mais je ne veux pas entendre parler de problèmes d’intégration ou autres qui soit du fait du service. Et puis bon il n’y a pas eu de souci après ça a été encadré, l’arrivée de la personne a été encadrée »

Cet exemple montre l’importance du rapport de force que les personnes en charge des fonctions RH peuvent être amenées à rencontrer dans certaines situations. Par ailleurs, il souligne le rôle que peut jouer l’obligation d’avoir recours à des critères objectivables et énonçables par écrit pour motiver un refus.

Le passage par un compte-rendu écrit

La formalisation de la définition d’une fiche de poste est complétée par la mise en place, suite aux entretiens de recrutement, de la rédaction de comptes-rendus écrits.

« Il y a le passage par l’écrit aussi en termes de cahier des charges et compte-rendu, ce qui oblige à objectiver les compétences obligatoires et celles pouvant s’acquérir. Le passage par l’écrit amène de l’objectivité. On n’est pas dans le jugement de valeur car c’est plus difficile à écrire. On n’est pas dans le ressenti, le fait d’écrire il semble que... on se dit il y a un souci. (…) Les comptes-rendus écrits poussent aussi à l’objectivité, parce qu’on n’écrit pas n’importe quoi non plus. C’est envoyé, validé, enregistré, archivé.» e3

Il retrace les éléments abordés au cours de l’entretien,

« Un compte rendu est effectué avec à peu près la même grille : niveau de qualification, expérience professionnelle détaillée, motivation à venir rejoindre le poste, vision du poste, les points forts, faibles, synthèse, avis favorable ou pas.. » e4

et permet à la DRH au moment de la validation finale de la sélection, d’exercer une fonction de contrôle et de garantie du respect des conditions d’égalité.

Page 121: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 121

« J’ai pas vu les candidats, j’ai pas vu les candidatures, j’ai des comptes rendus de recrutement et je regarde en matière d’équité, d’homogénéité et au niveau statutaire est ce que c’est cohérent. C’est plus à ce niveau-là que sur la valeur propre du candidat que je peux intervenir puisque c’est des candidats que j’ai pas vus, que je ne connais pas. Quand vous dites « critères d’homogénéité et d’équité », vous pouvez préciser ? Les critères statutaires. Compte rendu de recrutement avec synthèse des entretiens plus les motivations de l’agent, les points forts et les points à améliorer. Il y a plusieurs niveaux. Si je vois qu’il y a eu énormément de candidatures de candidats statutaires, titulaires de la FP et qu’on retient un non titulaire, voilà !... je vais dire qu’est-ce qu’il se passe. Si il y a des appréciations qui relèvent plus du jugement de valeur que sur un fait ou compétence avérée, je vais interpeller la personne qui a fait le recrutement, vérifier que tout le monde a été traité sur un plan d’égalité. Exemple si pour une personne il y a trois lignes de compte-rendu et pour l’autre trois pages, je vais dire qu’est-ce qui s’est passé dans l’entretien. Ça arrive, ça peut très bien être que la personne en ayant demandé des explications sur le poste en cours d’entretien se dise finalement ça m’intéresse pas…je vais dire qu’est-ce qui s’est passé. Ce sont un peu des points d’alerte. Il y a des points de vigilance par exemple le manque de compétences techniques alors qu’au vu du CV, du parcours de formation, ou du parcours professionnel, normalement c’est des compétences qui devraient être acquises, je vais interpeller pour avoir des explications. Même si j’ai pas vu les candidats, il y a des points d’alerte pour vérifier si tout s’est passé correctement. » e3

Ces traces écrites permettent à la DRH d’exercer son rôle de veille à partir d’un certain nombre d’indicateurs :

« J’ai noté que dans ma validation des comptes-rendus, je regarde s’il n’y a pas d’élimination systématique de personnes de diverses origines. Un indicateur dans la veille des comptes-rendus : consonance du nom ou du prénom, je vous avoue que le quartier ou l’adresse très peu. Les gens le mentionnent systématiquement : date naissance, nom, prénom, adresse, grade. Après il y a les critères statutaire, juridique, déontologique (les propos tenus sur le candidat ou l’entretien), cohérence du tout. Il faut justifier du non choix d’un candidat. Quels propos sont tenus, cohérence, points forts et points faibles. »

La nouvelle procédure apparaît donc porteuse d’améliorations en termes de lutte contre les discriminations pour les raisons préalablement évoquées. Elle répond par ailleurs à un souci de justification face aux éventuelles réclamations.

« La seule consigne était de bien motiver le refus s’il s’agissait d’une personne d’origine étrangère par crainte de mauvaise interprétation, derrière par les syndicats oui, mais aussi par les agents en direct. Il a y plus de problème à la propreté, à l’eau il y en a peu. Bien faire attention aux termes et aux contenus… C’est rentré dans la loi sur la discrimination mais en même temps quand on me demande de vraiment bien justifier s’il y a refus d’un Maghrébin, c’est quand même en faire ! Et pour moi ne pas en faire c’est traiter les gens de la même façon. Et en plus on inverse la tendance, le candidat « français » aura juste une ligne : « refusé ». On se base quand même sur du racisme pour dire qu’on ne recrute pas, si on recrute pas c’est parce qu’une partie de ma clientèle est raciste … On a l’impression qu’on se voile un peu la face, il n’y a pas de décision nette. On est mal à l’aise, on veut l’éviter et on est en plein dedans.» e59

Page 122: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 122

Le Grand Lyon semble pris dans cette difficulté qui s’enracine dans le racisme et du coup se trouve dans la position de devoir anticiper une éventuelle attaque pour discrimination, les comptes-rendus écrits des entretiens menés jouant alors le rôle de preuve du bon déroulement. Au-delà des comptes-rendus, c’est l’ensemble de la procédure qui doit pouvoir être justifiée.

« Mais je souhaite que ce soient des critères qui soient affichables. C’est ce qu’on fait donc vis à vis des partenaires sociaux parce qu’on leur a expliqué la procédure de recrutement d’égoutier c’est à dire qu’on est capable à tout moment d’afficher les critères qui ont permis de faire des classements. » e32

3.2.3 Les critères explicitement et implicitement mobilisés

Nous l’avons vu, les agents cherchent des critères objectifs pour motiver l’acceptation ou le refus d’une candidature. Pour autant, cette sélection reste avant tout le résultat d’une interaction humaine. Il est clair que le premier critère mobilisé est celui des compétences.

« Donc le recrutement, si elle (la personne) vient en mobilité ou pas, que ce soit au sein même de la communauté urbaine de Lyon, est-ce que c’est un candidat statutaire, 1ere sélection. Parmi les candidats donc statutaires qui sont examinés en priorité, on regarde parmi les compétences notées sur le CV, les compétences requises sur le poste (si on demande une connaissance je sais pas, il y a peu de temps on demandait des connaissances en chimie : est-ce qu’il y a effectivement une formation en chimie ou une expérience professionnelle dans les métiers de la chimie), donc on fait une sélection sur les compétences. Sont écartées toutes les candidatures qui n’ont pas les compétences soit en termes de formation ou d’expérience professionnelle, elles sont écartées d’office. » e32 L’évaluation des compétences

Tout d’abord une manière d’appréhender si le candidat détient les compétences nécessaires aux missions qu’il devra remplir est l’étude du CV et des qualifications obtenues. Cela nous renvoie immédiatement à la définition du profil de poste et à la manière dont on définit ce qu’on attend du candidat qui pourrait être discriminant.

« J’essaie de faire attention sur les conseils de mon tuteur car le manager cherche toujours le mouton à 5 pattes. » e42

Ensuite comment appréhende-t-on la qualification ?

« Qu’on reçoive tout le monde non ! Une sélection doit se faire par rapport aux lettres de motivations et aux CV. A plusieurs reprises on m’a demandé de recevoir tout le monde, j’ai dit non. Par exemple, un électricien qui n’a pas au minimum un CAP-BEP en électricité c’est pas la peine. Alors si déjà la DRH me force à la recevoir, alors déjà on pense qu’elle est recrutée. Le discours type « J’ai appris chez moi », d’accord moi aussi je sais changer une ampoule mais là c’est de son cœur de métier qu’il s’agit. » e37

La détention du diplôme est perçue comme fondamentale pour ce genre de compétences techniques dans le contexte de société actuel. En effet, un agent originaire de DOM-TOM rentré il y a plus de 15 ans nous raconte qu’il avait été convoqué à la Communauté Urbaine qui cherchait des gens ayant le CAP alors qu’il ne l’avait pas.

Page 123: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 123

« Ca les a pas dérangés, ils m’ont dit : vous passerez un concours à l’intérieur de la boîte et ça ira, un concours d’agent technique. » e11

Des mises en situation sont parfois proposées. On constate par exemple à la direction de la propreté une formalisation de l’organisation de l’entretien autour d’une préparation écrite des réactions des candidats à certaines situations professionnelles fréquentes dans l’exercice du métier, qui servira de base à la discussion avec le jury de sélection. Il existe donc une grille formalisée de dix questions correspondant à des situations pour lesquelles le candidat doit envisager la réaction qui serait la sienne, questions identiques et posées systématiquement à tous les candidats. L’exercice de mise en situation professionnelle semble également mobilisé mais de manière plus pratique, sur le terrain, à la direction de l’eau en cas de doutes sur la compétence technique annoncée par le candidat

« Quand on a un doute, on a eu à le mettre en œuvre ses dernières semaines, sur l’aspect technique, parce que c’est pas toujours facile sur un entretien d’évaluer la compétence technique, on peut demander à la personne de faire un exercice pratique, par exemple lire un schéma électrique, détecter une panne. ça été mis en œuvre il y a peu de temps sur des entretiens où effectivement il était difficile de se prononcer, on avait un doute par rapport à la compétence technique» e32

« On essaie de faire de plus en plus des mises en situations et puis on a rajouté des tests pratiques. On prend un trio gagnant et on les emmène sur site, ils ne font pas par rapport à la sécurité mais on leur demande comment ils feraient, leur logique etc surtout pour les électromécaniciens. C’est dur de trouver quelqu’un compétent sur tous ces critères là. » e36

Pour les agents de catégorie C relevant de la filière technique, le recrutement récent est clairement associé à des tests psychotechniques ainsi qu’à l’intervention de cabinets extérieurs ; il comprend plusieurs étapes successives. 46 Certains agents seraient-ils soumis à des tests particuliers, comme il semble que ça soit le cas des chauffeurs, ou bien plutôt, ces tests prennent-ils un sens différent aux yeux des agents ? En effet, parmi les agents techniques de catégorie C récemment recrutés quasiment tous ceux porteurs d’un patronyme extra européen en font mention alors que ce n’est le cas que de la moitié de ceux porteurs d’un patronyme européen. Il conviendrait donc de s’assurer que tous les agents sont soumis aux mêmes tests et éventuellement d’en préciser le sens. Certains parlent de test psychotechniques, d’autres de tests manuels, d’autres de tests avec le psy ou de questions sur la personnalité lors des entretiens.

«Puis il y a eu le test à l’Apave qui m’a choqué. Beaucoup sont partis. C’est des QCM pour voir notre logique, parfois avec plus des questions posées différemment et des maniements de manette pour voir la coordination. Deux visites médicales, une chez eux et une dans le privé. Puis encore un entretien...Donc ça m’a un peu... pour recruter des chauffeurs poids-lourds !! Mais ça s’est bien passé » e13

46 Signalons d’ailleurs qu’à maintes reprises les agents ont mentionné le fait que la procédure de recrutement qu’ils ont connue a été très longue (de 6 mois à 1 an), sauf exception d’agents recrutés en urgence et pour lesquels, du reste, toutes les exigences de la démarche formalisée n’ont pas été respectées. Beaucoup font état d’une absence d’information et d’un maintien dans l’expectative. Le souci de raccourcir ces délais a par ailleurs bien été souligné par les personnels participant au recrutement.

Page 124: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 124

« Puis convoqué chez le psy. On m’avait fait peur « il pose des questions etc ». mais je me suis préparé et suis parti en ville, c’était quelqu’un de sympa et je comprend qu’il posait des questions sur ma vie privée et au contraire il m’a encouragé quand il a su et m’a dit « bonne réussite ».e31

Si l’on sait que la diffusion et la réception de la psychologie n’est pas homogène au sein des différentes classes sociales, est-ce le fait d’être porteur d’un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » qui rendrait plus sensible à la confrontation à ce genre de tests ou bien plutôt le niveau socio-culturel ? En effet, si l’on observe le niveau de diplôme de ces agents, on s’aperçoit que tous sont détenteurs d’un BEP-CAP et jamais d’un niveau de qualification plus élevé, quelle que soit l’origine du patronyme ; ce qui ne veut pas dire que tous les agents détenteurs d’un BEP-CAP sont mis mal à l’aise par la dimension psychologique.

Remarquons par ailleurs que les agents qui font référence à un test de personnalité, le test PAPI sont avant tout des agents de catégorie A (voire B), plutôt en position d’encadrement et embauchés dans la période récente (moins de 4ans). Dans un seul cas, l’agent a un patronyme renvoyant à une origine extra européenne et semble associer ce test à une volonté d’emprise lorsqu’elle relate les difficultés dans son parcours professionnel suite à son entrée au Grand Lyon en recrutement direct en catégorie C alors qu’elle a un niveau DEUG.

« Donc en l’espace de trois mois il y a eu un changement et on m’a trouvé un poste. Cela a été « ON vous fait confiance, ON vous a trouvé un poste » et vas-y que je te passe la pommade ! Ils m’ont fait passer le test PAPY pour me cerner complètement » e30

Ce test de personnalité a été mentionné aussi bien par des agents de la filière administrative que technique. Un débriefing avec le candidat est réalisé ensuite au cours de l’entretien, à partir des résultats obtenus au test. S’agit-il d’une forme spécifique de test par rapport à ceux proposés aux agents de catégorie C ? Toujours est-il que la dimension « psy » parait là encore très présente.47 Au niveau des agents relevant de la filière administrative embauchés depuis moins de quatre ans, quelques agents de catégorie C ont fait mention de tests bureautiques. Un agent étant rentré sur un statut d’emploi jeune, s’étant vu proposé une mission de remplacement et ayant donné satisfaction a eu l’opportunité d’être intégré et de devenir stagiaire à condition de passer des tests bureautiques. Il semble que nous avons affaire là plutôt à une procédure liée aux conditions statutaires dont l’agent ne comprenait pas bien le sens puisqu’il faisait des missions de secrétariat depuis 5 ans au Grand Lyon. De ce fait, il a refusé de passer ces tests pour un poste à accès direct en l’argumentant auprès du SRH. Nous retiendrons que cet agent est par ailleurs originaire des DOM. Par ailleurs, un autre agent évoque qu’il a été pris à l’essai bien que n’ayant pas encore passé les tests bureautiques parce que le service avait un besoin urgent d’un agent. La proposition d’effectuer les tests plus tard n’a donc finalement pas pu se réaliser, l’agent ayant été entre temps intégré. Il faut toutefois

47 Nous constaterons qu’à plusieurs reprises des agents ont utilisé des expressions référant à la folie pour désigner des situations de travail, parlant de « barjots », de « tarés », « partir en vrille », « de personnes qui débloquent »… évoquant la pathologie de certains agents. A propos de la transformation des procédures de recrutement, un agent catégorie C au « patronyme à consonance potentiellement discriminante » nous dit : « C’est vrai que ça a changé. C’est beaucoup sur la psychologie et c’est un peu…Je sais pas les critères mais quand on voit les personnes qu’ils prennent !! »

Page 125: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 125

préciser, que le candidat était surqualifié puisqu’il était détenteur d’un bac+5 et avait restreint son CV à un niveau bac pour pouvoir postuler sur un poste de catégorie C. On peut donc penser que le recrutement pour les postes administratifs est vécu de manière moins contraignante, il semble d’ailleurs qu’un seul entretien en général suffise.

« Pas de mise en situation. Mais des questions : vous vous trouvez dans telle situation comment vous réagissez ? Vous attendez un document de quelqu’un, vous aviez convenu d’une date vous ne l’avez pas 3 jours après, que faites-vous ? Savoir si la personne va savoir réagir dans telle ou telle situation problématique au travail. Plus sur des relations de travail. Est-ce que ça vous dérange de travailler plus avec des hommes ou des femmes ? » e12

Cela correspond en fait à une mise en situation théorique

«On m’a demandé de retracer mon parcours. On m’a mis en situation. Comment on fait pour remplacer quelqu’un au pied levé ? Si quelqu’un de ma famille écrivait au Grand Lyon, comment je réagirais. » e63

Au cours de l’entretien, les candidats sont invités à présenter en plus de leur parcours professionnel, leurs motivations pour le poste.

« La difficulté qu’on a eu pour évaluer les candidats par rapport à leur motivation où je pense qu’il y a eu un certain manque d’équité peut-être sur la dernière procédure qui a eu lien en 2002, c’est que certains sont allés, avant les entretiens, sur un site d’exploitation donc ils sont descendus en réseau avec des égoutiers et d’autres pas. De leur propre chef ou c’était organisé ? Eh non de leur propre chef. » e32

Ce qui pourrait être perçu comme la marque d’une motivation forte : avoir cherché à connaître la réalité du terrain avant de postuler, est analysé comme la résultante de la mobilisation d’un réseau de connaissance et ainsi associé à une inégalité des candidats soumis ensuite à certaines questions ayant trait à l’exercice professionnel à venir. Pour pallier à cela, le SRH de la direction de l’eau a souhaité que :

« Pour toutes les personnes qui seraient présélectionnées sur dossier qu’on organise cette visite et que tous aillent sur le terrain, descendent en réseau et aient les mêmes informations. Que ce soit des informations techniques ou des informations au niveau de la sécurité etc. Pour en revenir à savoir écrire, l’objectif c’est que le jour où on va faire les tests, on leur fasse remplir un QCM et que sur la base de la visite réalisée, en 4 ou 5 lignes, ils nous rédigent leurs motivations pour le poste. En faisant comme ça a priori ils ont tous je dirais les mêmes conditions d’examen de candidatures au départ. » e32

La remarque faite par un agent de catégorie C ayant participé à l’organisation de visites de site, nous invite à nous interroger sur la perception des motivations des agents.

« Il y avait deux trois personnes qui sortaient du lot, qui s’intéressaient et posaient des questions. Très intéressant. Ils étaient d’origine étrangère et étaient de la propreté. J’avais bien sympathisé avec eux dont un qui avait été éducateur. Les autres ne disaient rien. Mais ils n’ont pas été retenus... ceux qui ont été recrutés n’ont même pas fait les visites...De toutes façons à la Courly il y a beaucoup de gens racistes, je le sens…dans tous les domaines, responsables, agents etc. Alors est-ce que ça joue au niveau du recrutement » e54

Page 126: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 126

Le fait de poser des questions lors de la visite est décrypté comme significatif d’un intérêt pour le travail. Il semble que pour cet agent, a contrario l’absence à la visite signifie le désintérêt et donc le conduit à s’interroger sur la manière dont s’est effectuée la sélection, les deux candidats qui avaient retenu son attention n’ayant au final pas été embauchés. Soulignons qu’il mentionne au passage leur origine étrangère et qu’il évoque une sympathie laissant présager des relations professionnelles agréables. On voit ici qu’aux yeux de cet agent, les critères ayant présidé au choix final ne paraissent pas aller de soi. La remarque concernant un effort pour expliquer les refus des candidatures nous semble donc avoir une certaine importance.

« On propose aussi à chaque candidat, notamment en interne, on le fait pour l’externe mais c’est quand même moindre, on propose à chaque candidat qui n’a pas été retenu, un entretien de débriefing avec la chargée de recrutement DRH ou SRH. Pourquoi il a pas été retenu, d’avoir un retour. Important d’avoir critères objectifs pour donner explications après.(…) Auparavant cela ne se faisait pas de façon systématique mais en cas de balance entre 2 candidats. » e3

Mais cela n’empêche pas que les agents qui détiennent une partie des informations concernant les candidats, comme ici par exemple les agents ayant participé à l’organisation d’une visite du réseau égoutier, se soient fait leur propre idée des compétences des uns et des autres et de ce fait ne comprennent pas forcément le choix final, nourrissant ainsi la suspicion dans un sens ou dans l’autre selon leurs propres conceptions. Pourtant les grilles proposées pour statuer en fin d’entretien s’efforcent donc de prendre en compte l’expérience professionnelle, les qualifications, le parcours, les motivations énoncées par le candidat, l’intérêt porté au poste, les aspects positifs dégagés de l’entretien ainsi que les points à améliorer ; tous ces éléments étant mis en balance au regard du cahier des charges.

La maîtrise de l’écrit

L’écrit tient également une place importante du côté des candidats même au-delà de l’acte de candidature et constitution de CV. Par exemple, pour ce qui concerne les cantonniers ou éboueurs qui sont recrutés par session, suite à une présélection sur CV d’une centaine de candidatures, une convocation pour venir remplir un dossier leur est envoyée.

« Et généralement c’est déjà une première barrière de sélection parce qu’en fait les personnes qui ont des difficultés pour remplir ce dossier ou pour fournir, présenter les pièces que l’on demande du moment que le dossier est incomplet c’est un motif pour nous de rejet du dossier. Et en fait ben déjà, en fait sur les 100 personnes ou 120 que l’on va recevoir pour une cession, il y en a bien déjà 20 ou 40 qui ont été éliminées rien que déjà parce que le dossier est incomplet et qu’ils n’ont pas fourni l’ensemble des renseignements (…)On demande un certain nombre de renseignements sur l’état civil hein, le N° de sécu, leur adresse, renseignements complémentaires, la situation militaire, les études et les diplômes, les permis de conduire, les expériences professionnelles de la personne, les motivations pour le poste donc ils doivent écrire 3 raisons au moins et puis on leur donne simplement une fiche de paie pour qu’ils se rendent compte de combien ils gagneraient et une fiche de poste (…)Alors ensuite quand ils ont rempli le dossier, qu’ils ont fourni, alors si ils ont rempli le dossier convenablement, si le dossier est bien complet, alors il y a convocation pour un entretien avec un jury composé d’un représentant du SRH, d’un représentant responsable d’une subdivision, qui est souvent soit un technicien territorial soit un agent de maîtrise alors ces deux personnes sont formées aux techniques de recrutement. (…)Jury se réunit, ils ont un questionnaire à remplir. c’est des mises en situation : vous prenez votre poste et avez oublié votre gilet de sécurité

Page 127: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 127

que faites-vous, une seringue jonche le trottoir que faites-vous ? Vous êtes dans un quartier pavillonnaire, il a neigé, une personne âgée vous demande de dégager un passage comment réagissez-vous. Vous travaillez un véhicule s’arrête devant vous le chauffeur descend et dépose un sac poubelle que faites-vous ? C’est des mises en situation professionnelle on va dire où on demande en fait au candidat de décrire précisément ce qu’il ferait. Donc là, ils doivent remplir cela par écrit Par écrit. C’est pas dans le cadre du jury, un questionnement Non ! en fait quand on les convoque au jury, ils ont, je crois ¼-20 min pour remplir ça, le questionnaire, ensuite ils passent devant le jury pour l’oral où on leur repose un certain nombre de questions sur des mises en situation professionnelle, on les requestionne sur leurs motivations et puis on essaie ben comme dans n’importe quel jury de recrutement, d’évaluer leurs aptitudes à tenir un poste de cantonnier ou un poste d’éboueur. Et donc du coup cela se fait au moment où ils viennent à l’oral ? On lit ça rapidement, c’est noté C’est noté c’est à dire? C'est-à-dire qu’il y a une appréciation, il y a une note, il y a 10 questions, chaque question vaut un point. Vous avez un barème en fait Voilà. Donc soit la personne elle répond convenablement ben elle a 1, elle répond pas convenablement ou elle répond pas du tout, elle a 0. Ca nous donne déjà une 1ere grille comment dire d’analyse un peu objective, à savoir que quelqu’un qui aurait moins de 5 à ce questionnaire, a priori est très éloigné des réalités professionnelles et serait pas forcément au premier abord perçu comme faisant l’affaire. Les questions posées par le jury sont du même registre pour assurer l’égalité d’accès des candidats au jury, au questionnaire.» e4

Toutefois, le rapport à l’écrit est également présent puisque parmi les critères définis par exemple dans la procédure de recrutement des égoutiers on nous cite :

« Avoir eu dans son parcours professionnel à exercer un métier manuel, savoir lire écrire compter, donc on un petit test mathématique sur les 4 opérations; bon écrire on n’a pas arrêté des textes, il y a 2 ans c’était un texte à trous mais ça je pense qu’on va pas réitérer le texte à trous parce que c’était pas évident ». e32

Les agents de catégorie C en filière technique mentionnent des tests de français et mathématiques. S’ils semblent effectivement traités de manière égalitaire en étant soumis aux mêmes tests mathématiques ou exercices portant sur la langue, une discrimination indirecte peut par contre résulter du choix d’exercices proposés, plus ou moins faciles pour des candidats ayant une meilleure maîtrise de la langue française. D’ailleurs, un agent ayant un patronyme d’origine extra-européenne nous relate son expérience de ces tests

« On était une vingtaine dans une pièce rue du Lac ou place du pont... juste pour savoir si on savait lire et écrire. C’était un petit texte à trous et il y avait des mots à rajouter. Je m’en souviens bien car il y avait un bonhomme, d’Afrique, qui venait d’avoir ses papiers récemment et le pauvre ne savait ni lire et écrire. Il était noir comme on dit. Et la dame a eu une réaction très gentille avec lui et lui a dit je garde votre candidature et allez voir à l’ANPE ou un service social pour qu’ils vous donnent des cours pour apprendre à lire et écrire le français. C’était très gentil de sa part. Une dame de 45-50 ans de la DRH. » e65

C’est donc la compétence que l’on cherche à évaluer à travers ce type d’exercice scolaire proposé et sa pertinence en fonction des métiers qui est questionnée ici. Des agents encadrants insistent sur la nécessité pour les salariés de faire montre d’un minimum de connaissances en termes de lecture et écriture pouvant faciliter l’appropriation de notes de services par

Page 128: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 128

exemple. Or, aux yeux de l’agent précédemment cité, cela pose la question de la pertinence de ces tests pour certains métiers pour lesquels la collectivité joue également un rôle social d’insertion professionnelle. Cette dimension « volet social » est par ailleurs mise en avant dans les possibilités de promotion offertes par le Grand Lyon à travers l’accès aux formations. Cette importance accordée à l’écrit et à sa maîtrise peut ainsi apparaître peu justifiée pour certains métiers quand par ailleurs les agents se voient refuser des formations.

« Au Grand Lyon, l’accès aux formations, est-ce facile ? non, il y a trop de barrières ! Il faut faire une demande au supérieur, on va demander à quoi ça sert dans ton travail. Un cantonnier qui veut faire une formation de français, on va lui dire non parce que ça sert pas dans le travail. Or à la propreté il peut vouloir bouger. Ce sont des populations considérées comme difficiles » e64

En effet, si la maîtrise de la langue apparaît être un requis minimal, alors il semble contradictoire d’opposer un refus à des agents qui demandent à accéder à une formation en la matière, si le cœur de leur activité de porte pas sur l’utilisation de l’écrit.

« Il y a des remises à niveau dans la mairie du 5eme, lire et écrire j’ai un agent qui fait ça c’est très bien. Quand on pose la question pourquoi X (patronyme à consonance extra-européenne) il veut aller à sa formation, je trouve ça bête qu’on pose cette question, pour lui, pour ses enfants, pour aider pour les devoirs c’est bien. Les supérieurs n’en voient pas l’utilité. C’est vrai ça s’est vu ça, on m’a dit pourquoi il veut faire ça lui ? Moi je trouve que c’est bien même pour tout le monde : pour nous, pour eux. C’est dommage parce que c’est dans un laps de temps très restreint de octobre à février-mars. Après j’imagine qu’il y a tout le budget derrière. E8

Le comportement, la personnalité

Qu’ils soient en position de recruteurs ou de recrutés les agents indiquent que l’entretien permet d’évaluer le comportement et la personnalité. Que cherche-t-on à mesurer ?

« Il n’y a aucune consigne claire en tout cas fixant des critères liés à la race ou quoi que ce soit dans le recrutement. Mais est-ce que tout le monde va contre certains préjugés. Par exemple quand un recruteur ou un cadre a trois personnes en face de lui, est-ce qu’il met pas un élément de personnalité ? Je ne parlerais pas de discrimination mais plutôt de préjugés. » e6

Pour cet agent, les éléments de personnalité renvoient à des préjugés qui ne devraient pas avoir cours dans le cadre de la sélection.

« La personne RH était plutôt sur les questions défauts, qualités, pourquoi une candidature spontanée. Les deux autres plus pour savoir si j’étais en adéquation avec les missions qui allaient m’être dévolues, au niveau caractère. On commence sur du professionnel et ensuite on part sur les loisirs, les centres d’intérêt. J’aime bien marcher, la montagne, il se trouve que l’ingénieur qui dirigeait la subdi aime bien aussi aller en montagne, faire du ski, la pêche. Une fois en poste très vite on a eu de bonnes relations de travail. » e12

A travers ce que nous dit un recruteur on perçoit comment certains éléments de l’ordre du privé peuvent être pensés comme des indicateurs de certaines compétences.

Page 129: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 129

« On voit ce qu’ils font dans leur vie perso, certains font rien, d’autres ont une responsabilité au club de foot ; quelqu’un qui s’intéresse à l’environnement, la pêche c’est un atout parce qu’il sera sensible à l’environnement. Est ce qu’il s’est intéressé au métier, a rencontré des gens… »

On nous décrit l’attention portée par les professionnels RH au comportement des agents.48 Si pour eux les questions qui relèvent des loisirs peuvent être envisagées comme révélatrices d’un rapport au monde, pour les recrutés il semble qu’elles soient davantage lues en termes d’affinités ce qui peut d’une part nuire à l’image de professionnalisme lorsque les agents échangeront entre eux à propos de la manière dont a pu se dérouler leur entretien et d’autre part conduire à faire réémerger des proximités affinitaires qui renvoient dans les esprits au piston. De même, qu’apprécier les démarches effectuées par un candidat pour prendre connaissance du métier comme une traduction de sa motivation ou de sa capacité à entrer en relation et à mobiliser un réseau.

« Les stagiaires que je prends on en discute et elles disent : je ne veux pas être pistonnée, or ce n’est qu’un critère de plus, un réseau professionnel. Et puis il y a un système chez nous de recrutement un peu perverti car il y a des contractuels qui une fois qu’ils ont le concours…c’est le système et moi je cherchais toujours à savoir si c’était le cas pour pas perdre mon temps. Donc la prise de contact direct me semble le plus pertinent » e20

Aux dires d’un agent fréquentant un enseignant du CNFPT, l’importance de la motivation peut faire la différence entre deux candidats à la mobilité.

« Il y a la note qui rentre en ligne de compte, l’appréciation, le comportement au travail. Et si deux personnes sont entrées avec la même ancienneté et que tout est identique, le truc qui fera la différence c’est celui qui aura fait le plus de formation car il prouve qu’il est plus motivé. Il nous a donc lâché un message. J’y crois. » e65

Parmi les différents propos qui ont été tenus autour de cette question du comportement, il ressort plusieurs dimensions qui peuvent être prises en compte lors de l’entretien :

a/ La stabilité

« Réelle plus-value de la participation de la DRH, ça permet de moins se tromper, ça sécurise. On peut avoir des a priori sur une personne. La DRH va dire par exemple la personne n’est pas restée plus de 2 ans sur chaque poste. Se poser la question, doit alerter. On peut avoir un 2eme entretien avec la personne. C’est pas le comportemental mais si c’est quelqu’un de très introverti qui doit être en relation avec le public… » e9

Le raccourci effectué parfois entre la pluralité des postes tenus et l’instabilité peut porter préjudice aux populations les plus précaires qui ont enchaîné les emplois à durée indéterminée, les petits boulots. Il convient donc d’être vigilent sur l’interprétation donnée.

48 Ceci semble aller de paire avec le sentiment prégnant d’un recours à une évaluation par des professionnels de la psychologie à laquelle maints agents font référence.

Page 130: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 130

b/ L’assurance

L’assurance manifestée peut faire la différence.

« Deux concurrentes fonctionnaires, elles étaient plus pressenties que moi sur ce poste. Suite aux entretiens je pense, bien qu’elles avaient la priorité, les deux personnes manifestaient moins d’assurance » e63

On peut penser que la manifestation de son assurance est sans doute plus difficile pour des agents qui peuvent avoir connu des phénomènes de racisme au cours de leur vie ou bien qu’elle risque parfois de s’exercer sur un mode plus agressif pour ceux qui sont dans la souffrance. Mais en même temps, l’assurance doit rester mesurée.

« La personne qui est capable de dire oui à tout, que rien ne dérange, qui va être trop sur de lui, cela me dérange quelque part car dans un panel de questions il devrait y avoir des réponses négatives Et puis ceux qui récitent ce qu’ils ont appris car ils se sont renseignés avant. Ceux que l’on a recrutés dernièrement ont pu dire : cela je ne sais pas. Montrer de l’humilité, de la simplicité. Un agent recruté a dit qu’il était dans un service dans lequel cela se passait mal car lui ne voulait pas se cacher pour ne pas travailler. Et bien il a été pris » e29

Cela pose la question de la conformité avec le comportement attendu en entretien, savoir dire ce qui est recevable. Nous allons y revenir dans le paragraphe sur la présentation de soi.

c/ Le caractère introverti

Le caractère introverti d’une personne peut être mis en balance devant un poste de contact avec le public. Cet argument de la confrontation au public peut d’ailleurs parfois servir de justification à l’idée que certaines populations sont plus adaptées aux attentes du public. Cela nous permet de faire le lien avec certains témoignages concernant la confrontation des agents au « patronyme à consonance potentiellement discriminante » à l’invective de citoyens racistes. Nous pensons également à l’expérience que fera un agent de salubrité affecté dans une commune bourgeoise et qui se verra proposer une mutation lorsque des habitants, après avoir découvert que sa famille avait émigré autrefois d’un pays du Maghreb, se plaindront au maire.

d/ L’aspect relationnel

Les recruteurs indiquent qu’ils cherchent à savoir la façon dont le candidat pourra se comporter dans ses relations de travail. Suivant les métiers, ils privilégient la capacité à travailler seuls comme pour les cantonniers ou au contraire la capacité à travailler en petites équipes comme les égoutiers. Ainsi un agent catégorie C recruté à l’eau, nous dit, selon lui, ce qui a joué dans son recrutement.

« Le fait d’avoir été honnête en mettant les choses au point par rapport à l’agent de maîtrise. Le contrat moral et toutes les expériences de la vie associative, l’esprit d’équipe, l’entraide. Sûrement pas mes connaissances techniques ! ! J’avait vu en théorie lors des préparations concours uniquement. Mais les critères de sélection étaient autres, l’assainissement c’est dangereux et insalubre et par contre il est important d’être solidaire, c’est le même état d’esprit que les mineurs de fond. Même la peur il faut la laisser en haut. C’est cela qui a joué, cet état d’esprit. Je connais maintenant leurs critères car je fais

Page 131: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 131

partie de commission recrutement : les critères : la solidarité, esprit d’équipe, le partage, toutes ces valeurs qui font que dans un égout vous pouvez toujours compter sur l’autre. Et le devoir d’être sérieux car on a des gros camions et on travaille avec 200 bars de pression au milieu du public. On ne peut faire n’importe quoi. » e29

Alors que les recruteurs tentent d’approcher le sérieux des candidats au cours de l’entretien, on peut noter combien les agents porteurs d’un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » mettent en avant ce critère comme ayant certainement joué dans leur sélection.

« Quand j’avais fait missions (interim) chez eux, des agents de maîtrise étaient contents car dans le travail je suis sérieux et discret. Maintenant de là à dire que l’agent de maîtrise est venu dire.... » e58

« C’est l’entretien que j’ai eu avec l’entreprise privée car le gars a dit que j’étais quelqu’un de bien et que par rapport à mon parcours je m’en étais bien sorti alors que j’avais bougé tout le temps dans le monde professionnel » e26

« ... le côté technique convenait parfaitement. Aussi les références que j’avais données. J’ai su que mon patron s’était renseigné auprès des entreprises qu’il connaissait aussi, sur ma manière d’être. On avait dit que j’étais rigoureux mais avec un bon esprit. » e62

Notons au passage la recherche d’informations auprès du réseau professionnel du candidat. On a là une pratique assez spontanée et qui fonctionne dans tous les milieux sociaux qui si elle ne peut justifier à elle seule le recrutement de la personne continue bien évidemment d’avoir cour.

« En interne quand on a renouvelé l’équipe, le chef de service vient vous voir, vous demande vous connaissez Untel de tel service qui postule. Ca m’est arrivé une fois ou deux, je suis resté très vague. Une personne qui vient, peut être plus productive sur le nouveau poste qu’elle brigue, donc c’est pas le peine de concourir au fait que le poste ne lui soit pas donné, car éventuellement on a connaissance qu’avant elle donnait pas satisfaction. Il vaut mieux être directement dans la peau du recruteur que de parler comme ça sur des on dit. Mieux vaut laisser la chance à la personne plutôt que se fier sur des bruits de couloirs. Le téléphone arabe ça a tendance à transformer la réalité. J’ai préféré dire que je ne savais pas ce que la personne valait dans son travail. Les recruteurs veulent être sur d’avoir la bonne personne au bon poste et donc ils usent de tous les filons pour avoir des infos. C’est quelque chose qui doit être assez répandu partout. » e12

Ainsi que ce soit du côté des agents porteurs d’un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » qui mettent en avant le sérieux et la qualité de leur travail qui ont pu être mis en avant lors de leur recrutement, ou bien du côté des recruteurs ou encadrants qui témoignent de leur sérieux dans le travail, on voit que les personnes portant ces patronymes sont renvoyées à l’exemplarité. On a donc affaire ici à la figure du « bon étranger » celui qui ne dérange pas, qui fait preuve de discrétion et de compétence professionnelle au point d’être reconnues ensuite comme les meilleures du service.

« Petit à petit les temps changent quand même ; même si c’est pas propre au Grand Lyon, la discrimination existe et n’est pas souvent avouée et si c’est fait c’est dans des milieux très restreints et avec des gens avec qui on présume qu’ils ont la même idée. Elle existera toujours et ne disparaîtra pas mais j’ai bon espoir là dessus que les choses changent et on voit de plus en plus des gens en ayant fait objet de, qui ont du travailler beaucoup plus que les autres et y sont

Page 132: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 132

arrivés par leur travail et ont fait évoluer beaucoup de choses, les choses deviennent ensuite naturelles. Mais il serait faux de dire que quand on voit sur CV on voit un nom à consonance étrangère ça n’amène pas une appréhension sur ce que peut faire cet agent... » e62

e/ Le sérieux et le leadership pour manager

Pour ce qui est d’assurer une fonction de management, l’agent doit montrer des capacités de leader, ne pas être timide par exemple. Qu’attend-on d’un agent de maîtrise par exemple ? Savoir faire des entretiens, recadrer, évaluer l’atteinte ou non d’objectifs qu’il aura su fixer, « prendre quelqu’un entre quatre yeux ». L’ancienneté ne confère pas forcément de telles compétences ; d’où la remise en question du fonctionnement qui a pu avoir cours au Grand Lyon de la promotion par ancienneté des agents de salubrité au grade de la maîtrise. Ces agents issus du rang étaient des agents qui avaient été remarqués « dans leur sérieux au travail, leurs forces de proposition, leur capacité d’initiative, un leadership naturel, dont on pressentait qu’ils pouvaient avoir des qualités d’agents de maîtrise. »

La difficulté pointée par les personnes en responsabilité RH par rapport à la maîtrise issue du rang est les problèmes de management que ces agents rencontrent, confrontés à des équipes qui se placent alors sur un niveau amical ou de refus d’autorité. Pourtant, il nous sera précisé que lorsque l’on devient agent de maîtrise, on change d’affectation pour éviter de se retrouver encadrer des anciens collègues. Mais pour autant, le nouvel encadrant ne reçoit pas de formation particulière qui le prépare à une fonction managériale. Cela veut-il donc dire comme semble le laisser entrevoir l’expression « leadership naturel » qu’il s’agit d’une capacité individuelle naturelle et non d’une compétence acquise ? De ce fait, les a priori sur les personnes de patronyme extra-européen ou sur les femmes, peuvent avoir un impact sur l’idée que l’on se fait sur leurs compétences en la matière. Si effectivement, on les imagine dénuées de ce leadership naturel, on voit mal comment on pourrait penser leur confier une fonction de management.

« On n’est pas forcément réticent pour employer une personne de nationalité étrangère pour faire le ménage mais pour lui confier une direction la question se pose peut-être différemment... il me semble que ça mériterait d’analyser de façon plus fine entre les catégories A, B et C. Je pense qu’on n’ a pas les mêmes réactions si c’est pour travailler à la propreté ou prendre une direction. Même pour un poste de développement économique (cat.A) dans un quartier difficile, typiquement on se dit avec les collègues : ben oui quelqu’un qui vient des quartiers c’est peut-être bien. » e3

Il semble que la volonté d’assurer une promotion à travers un tel système méritocratique se soit heurtée à un manque d’accompagnement et de formation desdits agents, ce qui a généré quelques difficultés dans la gestion des relations de travail. Pour redresser cette situation le Grand Lyon semble vouloir recruter des agents de maîtrise plus qualifiés (bac à bac +2) ayant déjà une expérience en gestion du personnel. Par contre, cette orientation crée quelques tensions entre les générations d’agents de maîtrise n’ayant pas la même perception de leur fonction et ne recourant pas au même mode de management.

Page 133: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 133

f/ La présentation de soi

Nous nous proposons d’analyser cette situation d’entretien comme une interaction sociale mettant en jeu des acteurs jouant chacun leur rôle. Les recruteurs attendent des candidats qu’ils se présentent, décrivent leur parcours professionnel, leurs motivations, leur compréhension du poste, leurs prétentions. En jouant ce jeu, les candidats cherchent à se poser comme « recrutables » et cela constitue déjà la preuve d’une compétence. Pour avoir une chance de voir ses compétences techniques reconnues, il faut que le candidat fasse montre de la compétence à entrer dans le jeu du recrutement. Certains candidats se retrouvent plus particulièrement démunis en atouts sociaux dans ce jeu-là. Il faut « savoir se vendre ». Un cadre A pense que ce qui a joué en faveur de son recrutement c’est sa « capacité à l’oral de se vendre ». Un recruteur s’étonne du fait que les jeunes ne savent pas se mettre en valeur.

« Par rapport aux personnes d’origines étrangères ? Non nous on a de tout, des Turcs, des Noirs-Africains, des Polonais. Dans les derniers arrivés Mouloud Belkader, Garcia etc et puis en plus de ça les recrutements sont très très mixtes. Et sur 20 recrutements, j’en ai pris un seul alors qu’on en a besoin de beaucoup plus parce ce que se sont tous des jeunes, jusqu’à 30 ans. J’ai une vision de la jeunesse car je suis pas très vieux mais j’ai le sentiment qu’ils n’ont pas envie de se vendre. Par exemple : le mec qui a toujours travaillé dans des restaus, vous lui dites, car il postule comme cantonnier, à la question qu’est ce que vous voulez faire ? il répond : travailler dans un restau ! ! ! ben au revoir ! Vraiment bizarre ! A ce sujet les jeunes que l’on a reçus ils viennent beaucoup de missions locales. Je pense que la mission locale ça dépend plus d’un quartier que des origines... enfin il faut alerter je crois si vous pouvez car déjà le CV est très mal fait et incomplet et ils n’ont aucune consigne. On leur dit pas de se peigner etc. souvent je demande « comment avez-vous fait votre CV ? » Et bien le plus souvent le mec il connaît même pas son CV ! ? ? Ils le savent mais ils ne savent pas quand par exemple, ils n’ont aucune logique en termes de date, type de contrat etc. Je pense qu’ils sont arrivés devant quelqu’un qui a tapé son CV sans prendre deux heures de son temps pour le faire. » e23

Il est intéressant de noter que l’agent parlait des personnes d’origines étrangères lorsqu’il en est venu à parler de sa vision de la jeunesse. Dans quelle mesure cette vision est-elle celle de la jeunesse portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante »? Il indique d’ailleurs qu’il s’agit d’un public de mission locale ce qu’il associe à la notion de quartier. Un autre agent évoque la difficulté de maîtrise de la langue.

« Car quand on est dans un milieu où les parents parlent mal le français, ou dans une cité où le vocabulaire est faible, il est difficile de progresser à l’école. Je vois fréquemment des jeunes avec un diplôme de haut niveau et qui s’expriment difficilement. Cela interroge le diplôme et certaines choses ne passent pas en entretien d’embauche. Et cela on le réglera à l’école maternelle. J‘ai déjà entendu parler d’instit qui disent qu’à trois ans on sait qu’un enfant ne peut s’intégrer. Et le vrai problème est là en fait. Un égaré un jour a dit « c’est où le service qu’on recrute... » et il a beau avoir son diplôme électricien comme un autre... » e16

Page 134: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 134

Il faut aussi savoir «jouer le jeu » sur cette scène du recrutement.

« Qu’est-ce qui selon vous a joué en faveur de votre recrutement ? Je ne sais pas trop car j’ai des collègues d’une autre entreprise privée que je connaissais bien et qui tenaient la route et n’ont pas été pris... je pense qu’il y a l’âge qui a joué, ils avaient vers 40 ans et sur tous ceux qu’ils ont pris il y en a juste un qui a été pris comme ça. Pourtant moi j’étais plutôt un nerveux dans le privé et je pense que c’est passé à l’as. Mais j’ai joué le jeu. » e 24 homme de « patronyme à consonance non discriminante »

« En même temps le SRH va pas loin dans les entretiens, la personne pose des questions et on n’est pas là pour dire tout ce qu’on a sur la patate. On dévie la conversation, il faut pas dire. » e30 femme de « patronyme à consonance potentiellement discriminante »

« Quelqu’un m’avait dit si jamais on te demande si tu veux évoluer tu dis que tu serais intéresser si on te le propose. Et ils m’ont posé la question. Donc j’ai répondu que si on me propose oui. Mais chauffeur, c’était que ça ce que je voulais. J’avais pas intérêt à le dire car ça aurait joué en ma défaveur, après l’avenir… » e58 homme de patronyme à consonance potentiellement discriminante »

Ainsi ceux qui ne maîtrisent pas les règles de ce jeu se voient quitter la partie.

« On attendait un retour par rapport à la sécurité car c’est très important. Et puis il n’y avait que des cas pratiques par rapport aux accidents en réseau par exemple, où on attendait la réaction face à l’urgence, ... et puis leurs attentes, notamment par rapport à ce qui les attire dans le fait de venir à la direction de l’eau sachant que beaucoup pensent que l’évolution de carrière est perçue comme étant meilleure à la direction de l’eau. Après ça dépend comment les gens réagissent : si c’est juste dire qu’il y a moins d’heures, la retraite à cinquante ans et la demi-journée etc ça nous intéresse pas. Fallait aussi être motivé par le métier. Voir comment ils ont appréhendé le souterrain, s’ils sont stressés. » e59

Un autre agent reprend cette idée que certains arguments présentés au titre de motivation ne sont pas recevables.

« Motivations à postuler à la direction de l’eau : quand on nous dit avantages 30 h/semaine, retraite à 50 ans, prime de travail dangereux, prime de rats, prime d’insalubrité. (…) Ces avantages attirent les gens. Mais cet argument n’est pas recevable : avoir retraite à 50 ans, alors qu’aujourd’hui c’est plus les mêmes risques qu’il y a 50 ans. Ca fait partie des régimes spéciaux qui à mon avis vont disparaître, ou l’horaire ou les 50 ans, ça n’a plus lieu d’être. Par contre un argument recevable serait par exemple de dire qu’on a fait le tour de son métier ailleurs, qu’on a envie de travailler en équipe et assez de travailler seul comme cantonnier. » e7

Pour les recruteurs, il semble donc que les agents doivent faire valoir avant tout une motivation pour l’activité elle-même et les conditions de travail ce qui renvoie à une perspective de carrière, de professionnalisation et non pour les avantages inhérents au poste. Si par ailleurs, l’honnêteté, la franchise sont mises en valeur, il semble là que certains agents aient plutôt intérêt à « jouer le jeu de la réponse attendue ». Or par ailleurs, les recruteurs peuvent déplorer que les agents cachent leur jeu et parfois les « bernent ».

Page 135: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 135

Ainsi dans cette interaction sociale que constitue l’entretien d’embauche, il convient de garder en tête que chacun appréhende l’autre à partir de ses propres références et s’adapte à l’idée qu’il se fait des attentes d’autrui. De ce fait, il est particulièrement important que les personnes en position de recruteurs soient conscientes des représentations dont elles peuvent être porteuses.

« Je pense qu’il y a de la discrimination comme ailleurs au Grand Lyon. Si j’avais un technicien à embaucher... on essaie de pas le faire mais on a toujours des représentations, si c’est un mec des îles il est nonchalant donc non, si c’est un maghrébin c’est le roi de l’embrouille, si c’est un africain il ment comme un arracheur de dents non ! Je les ai côtoyés pendant deux ans. Après quand on le sait on fait avec, il y a le poids quand même des coutumes » e38

La réflexion d’un cadre A en fonction RH nous parait particulièrement à retenir ici et à approfondir.

« l’entretien se déroule jamais de la même façon ; parce qu’on est imprégné par notre culture, il faut déjà qu’ils passent cette étape-là, c’est à dire qu’on accepte que...alors je vais vous dire par exemple un truc quand on parle de cadre de référence et là c’est pas quelqu’un de, les gens qui viennent des îles, moi j’ai du mal avec les gens qui viennent des îles. En fait lors des entretiens c’est des personnes qui sont très nonchalantes, qui vont parler très lentement, si j’en reste à mon cadre de référence, au départ ils m’énervent, mais c’est une façon d’être il faut accepter qu’on soit différent. Donc moi je le sais, je sais que si j’ai des personnes comme ça qui sont originaires, il va falloir que je travaille sur moi pour me mettre au diapason du candidat et que j’essaie pas de le secouer parce qu’il répond pas suffisamment vite par exemple. Sur les personnes d’origine maghrébines par exemple, la façon de présenter en entretien est tout à fait différente. Autant on va avoir, nous ça va être souvent effectivement, je sais pas comment l’exprimer, ils vont s’arrêter à des expériences, sans forcément structurer, ils vont pas du tout structurer leur présentation de la même façon. Mais il faut l’accepter, ils vont dire la même chose mais autrement. Notre rôle à nous au niveau DRH c’est de faire entendre au service ce qu’ils ont dit et la façon dont ils l’ont dit. Et effectivement dans le travail ils vont pas aborder les choses sous le même angle, quand on va donner un dossier en attendant ben le résultat sera là. Donc il faut qu’on accepte de s’écouter, je crois que c’est ça » e32

De plus, ces représentations en vigueur dont les recruteurs doivent apprendre à se méfier s’expriment parfois de manière très insidieuse. C’est le cas lorsque l’on ramène la personne portant un patronyme d’origine extra-européenne à une origine et une culture supposée de manière systématique. Ces préjugés peuvent se retrouver en situation d’entretien.

Le critère d’âge On a pu voir que les agents jeunes pouvaient craindre que leur jeunesse ne soit un handicap pour être recrutés.

« J’avais pris des renseignements sur internet et j’ai envoyé une candidature par rapport à ça. J’ai été surpris d’avoir été accepté. Mais ils avaient expliqué les critères de sélection : des gens plus jeunes, le permis auto obligatoire et avoir exercé un métier manuel. A l’école j’étais en alternance donc pas mal d’activité en extérieur élagage, paysagiste etc. » e17

Page 136: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 136

Ce qu’on peut considérer comme en lien avec l’âge, le fait de ne pas sortir de formation initiale.

« Les autres critères c’est ce qu’ils ont fait avant, on aime bien qu’ils aient travaillé dans le privé avant. Pas directement à la sortie de l’école pour qu’ils mesurent la chance que représente la communauté. » e5

Cet agent venant lui-même du privé développera longuement au cours de l’entretien l’idée d’esprit d’entreprise. Cela pose toutefois la question de l’évincement de candidats sans expérience professionnelle. A contrario, certains recruteurs disent privilégier la jeunesse.

« Oui il y a des personnes d’origine étrangère à tous les postes (…)Et je ne les ai pas cherchées et elles ont réussi l’examen. Elles sont venues. Et avec de ma part une prime à la jeunesse car pour moi leur donner leur chance est un critère. Sur les trois, deux ont moins de trente ans. Pourquoi ne pas prendre des jeunes même sans réelle expérience professionnelle ? Même quitte à se payer le problème des formations recrutement ; car ça secoue le cocotier et ça amène un œil neuf. » e33

Mais c’est surtout l’âge avancé qui reviendra dans les propos. A plusieurs reprises des agents évoqueront que 45 ans pour remplacer un départ en retraite était sans doute un âge trop avancé pour être retenu. Un agent de catégorie C de « patronyme à consonance potentiellement discriminante » se demandera même si c’était le fait d’avoir 30 ans qui a motivé le refus de sa candidature.

« Pour l’âge cela a été fait en amont par le SRH. Il est vrai qu’on n’a pas le droit de discriminer par rapport à l’âge. Mais c’est vrai que 45 ans, comme quand même la retraite est à 50 ans, et puis il faut une bonne condition physique. Le plus âgé avait 36 ans et la moyenne d’âge était à 25 ans. » e59

« Entre temps je m’étais fait des amis là-bas et l’un m’a dit qu’ils recherchaient des gens au Grand Lyon et j’ai fait comme lui j’ai déposé un CV et une lettre de motivation. Ca a été un peu dur car moi j’ai été convoqué et pas lui. Ca a été dur mais je lui ai dit que c’était peut-être parce qu’il est plus âgé que moi, il avait 39 ans et moi 27-28 ans… Je ne sais pas. » e65

L’appartenance de sexe

Nous nous contenterons ici de mentionner l’appartenance de sexe comme un critère mobilisé dans le recrutement par rapport à la représentation sexuée des métiers et par le souci de gestion des éventuelles maternités. Pour une jeune femme de catégorie C qui raconte son recrutement alors qu’elle était enceinte, l’expérience du privé lui laissait penser qu’il était inutile de se présenter.

« Quand j’ai reçu le courrier je me suis dit « C’est pas la peine d’y aller » car j’étais enceinte comme ça (mime un gros ventre), donc venant du privé…Mais mon mari a dit : « C’est la fonction publique, on regarde pas ça ! ». Après moultes hésitations j’ai passé les tests bureautiques et un mois après j’avais une convocation pour un entretien. Donc j’étais enceinte, j’y suis allée, l’entretien s’est très très bien passé. (…) Ils m’ont proposé de rentrer en tant qu’équipe mobile pour les remplacements. J’étais ok mais j’ai dit pas tout de suite par rapport à mon accouchement. J’ai donc indiqué la fin du congé maternité et 15 jours avant la fin elle m’a contactée. Ils recherchaient en urgence. J’ai cependant accouché un peu plus tard et le congé s’est décalé. J’ai demandé si elle pouvait s’arranger, elle l’a fait et m’a appelée. » e67

Page 137: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 137

Si ce dernier témoignage montre plutôt une non-discrimination à l’embauche par rapport à l’état de grossesse, il n’en reste pas moins que la question est fortement présente dans les esprits.

« A propos des gens jeunes ou des femmes, pour le recrutement dans certains secteurs on disait : « Tu cherches les emmerdes ». C’est une réalité : les gens jeunes se marient, vont avoir des enfants et ça va créer des problèmes si on concentre tout au même endroit. Mais c’est pas un a priori qu’on doit avoir pour dire il vaut mieux des hommes car il y a moins de souci. (…) Le côté machiste ressortait. En tant que chef de service ça a été dur à gérer les maternités mais justement diversifier les équipes permet de régler ça. » e9

« Une femme, tant que l’on n’a pas d’enfants ou qu’on n’est pas enceinte alors tout va bien en général. Quand on annonce qu’on est enceinte alors là ! C’est beaucoup lié à l’encadrant en fait et la façon dont il manage ou pas l’équipe et puis s’il y a plusieurs personnes dans le service qui sont enceintes en même temps alors ça met le bazar mais c’est prévisible mais… Au Grand Lyon on ne prévoit pas… Jusqu’aux deux ans de l’enfant, on a droit à 42 minutes par jour, mais quand on est cadre et qu’on part c’est mal vu. » e25

Nous retiendrons toutefois qu’au cours des entretiens, les femmes amenées à travailler dans un univers fortement masculinisé se voient poser la question de savoir si cela ne leur pose pas problème. C’est également le cas pour des hommes postulant dans des services administratifs où la présence féminine est prépondérante.

Le physique Là encore nous renverrons au fait que souvent les femmes sont interpellées par rapport à leur apparence physique (cf les réflexions supra sur l’aspect vestimentaire). L’apparence physique est utilisée dans toute interaction sociale pour situer socialement son interlocuteur. C’est d’ailleurs ici qu’agissent nombre de représentations. Le premier regard s’accroche aux éléments qui sont alors pris comme indicateurs d’une position sociale, d’une appartenance de sexe voire d’une origine supposée.

« même moi, c’est limite quand quelqu’un rentre et que je regarde son apparence première, s’il est bien habillé ou pas… » e 23

« Dans d’autres situations de recrutement je me suis rendue compte que j’étais beaucoup plus mal à l’aise... Et je trouve cela très intéressant car tant qu’on n’est pas confronté aux choses car je me posais la question de l’intégration de la personne dans l’équipe... maintenant on ne sait pas et j’ai recruté la femme de très grande taille... J’ai eu du mal à me représenter l’homme de petite taille et la femme de grande taille dans le service. Je me suis dit qu’on ne partait pas égaux. Je trouve qu’on a peur pour les gens. Peur des moqueries. Et cela vient aussi de la personnalité. Il est vrai que la personne aussi au bout d’un moment on ne voit plus qu’elle est très grande et on part sur des critères de compétence et de personnalité. Il faudra que je demande à Cindy si sa grande taille l’a desservie. L’homme de petite taille je sentais qu’il avait toujours travaillé dans la même collectivité, dans le petit village où il habitait et voulait habiter la grande ville et c’était un pari audacieux. » e16

Page 138: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 138

Le physique est également mobilisé en ce qui concerne les capacités comme la force, l’endurance qui sont ramenées du côté du masculin, et est renvoyé aux conditions pratiques d’exercice du métier. Ainsi, nous dira-t-on, pour travailler dans le réseau souterrain, il convient de ne pas avoir trop d’embonpoint.

« Le physique ? Je ne pense pas que c’est pris en compte quand je vois le profil des égoutiers mais à partir d’un certain poids c’est difficile car parfois il y a des passages très étroits mais ils se portent plutôt bien les égoutiers. » e17

Rappelons que la médecine du travail est là pour donner son aval en ce qui concerne l’aptitude physique à la tenue du poste par un agent.

D’autres critères relevant de la sphère privée

Si les recruteurs sont bien conscients que des éléments relevant de la sphère privée comme les convictions religieuses ou politiques, le statut matrimonial, la présence d’enfants ou non ne sont pas des critères à partir desquels la candidature doit être étudiée, on s’aperçoit que le souci d’une décision juste peut parfois les réintroduire.

« On n’est pas là pour, c’est pour ça que j’aime pas le terme de jury parce que derrière jury il y a jugement, on n’est pas là pour juger les personnes mais voir si le profil d’un candidat est en adéquation avec nos besoins. Après leur vie personnelle, leurs choix et autres ils les ont faits, on n’est pas là pour les juger. Avant l’entretien on rappelle nous le dérouler d’un entretien, on ne va pas sur des critères qui sont des choix personnels, la personne a le droit de faire des choix personnels, on n’a aucune question à poser sur une appartenance politique, des convictions religieuses, tout ça moi ce sont des questions qui sont interdites. Le fait d’avoir des enfants par exemple ? Moi je la pose pas, la personne le mentionne ou pas quand elle se présente puisqu’on lui demande de se présenter donc soit c’est noté sur son CV soit spontanément elle se présente comme mariée, pacsée ou je ne sais quoi, ou concubins, avec des enfants ou autres si la personne mentionne pas le fait d’avoir des enfants, c’est pas ce qui nous intéresse qu’elle ait des enfants ou pas, nous c’est son potentiel par rapport au poste. Qu’est-ce que ça peut nous apporter si on recrute un électromécanicien, en termes de compétences de savoir si la personne ou a des enfants ? moi rien ! Honnêtement rien c’est pas ce que je vais évaluer. C’est noté sur les CV. Ça va pas me permettre d’arbitrer sur un recrutement, entre 2 candidats à compétences égales je vais pas prendre celui mettons qui a pas de gamin parce que l’autre va me coûter plus cher en SFT. Donc sur deux personnes à compétences égales et qui ont une situation de famille différente, si effectivement le dossier est en balance on va regarder quoi ? ben celui qui a un emploi par exemple et celui qui en a pas, ou celui, même s’ils sont tous les 2 en emploi si il y en a un qui est en CDI et l’autre qui est en CDD et ben on va donner sa chance à celui qui est en CDD mais on ira pas arbitrer sur le fait d’avoir charge de famille ou pas. Alors effectivement s’il est en CDD + charge de famille etc oui mais c’est tout. Par exemple sur les égoutiers on a 23 postes, on va faire une liste d’attente, c’est pas un très bon exemple cette année parce qu’on va d’abord recruter de la propreté mais mettons qu’on soit en recrutement externe , quand on a établi la liste d’attente en 2002 on a d’abord mis en priorité toutes les personnes qui étaient sans emploi, et parmi les personnes sans emploi, en priorité les personnes sans emploi avec charge de familles. Après derrière on mettait les personnes en contrats précaires, effectivement contrats précaires avec en priorité les charges de famille ou les personnes qui étaient seules qui au cours des entretiens avaient

Page 139: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 139

dit des choses : je vis chez mes parents ou pas chez mes parents donc on est allé effectivement là et puis en dernier on a mis tout ce qui était mobilité ici en interne à la communauté. On a essayé de remplir le rôle social que doivent peut-être parfois avoir les collectivités territoriales. Voilà ce à quoi peut me servir moi le fait de savoir si une personne est mariée ou si elle a des enfants ou ainsi de suite ou si elle est en CDI c’est uniquement sur des candidats donner une priorité de recrutement à celui qui est en situation précaire. » e32

Certains agents évoquent la prise en considération du lieu de résidence.

« Les attributions de poste se font en fonction des besoins d’effectifs sur les subdivisions et ils ont fait entrer en ligne de compte la situation géographique domiciliaire. J’habitais Villeurbanne donc je ne pouvais pas être affecté à Villeurbanne. C’est un peu logique, on évite que les agents résident sur leur lieu de travail. Un agent qui habite à 200 mètres de chez lui est tenté de rentrer chez lui.» e10

Le lieu de résidence, voire le renvoi à l’aire géographique où vivait la famille, peut être mobilisé a contrario comme indicateur d’une compréhension à partir d’une commune expérience supposée. Ainsi, cet agent portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » nous relate l’argument qui lui a été donné pour lui proposer de prendre un poste en banlieue sud-est.

« Tu connais les gens du quartier, tu sais leur parler ! Je veux bien tenter moi mais je transforme pas du plomb en or » e10

La nature du poste offert semble impacter les modalités concrètes dans l’organisation des entretiens d’embauche qui seront légèrement différentes selon le type de poste ; on nous parle d’ailleurs de « postes sensibles »

«Si il y a un changement dans les missions, si c’est un poste un peu sensible, si le n+1 est nouveau, ou si la délégation est un peu plus difficile que pour d’autres. Quand il y a des enjeux pour le fonctionnement du service, c’est un peu plus fort. Un poste sensible c’est quoi par exemple ? Un poste sensible ce sont les postes managers quoiqu’il en soit et après c’est sur des projets à forts enjeux. Par exemple, on est en train de recruter une personne responsable sécurité des tunnels de Fourvière et Croix Rousse. Le 1er niveau c’est la lourdeur du management. » e3

La lourdeur de management renvoie à « la localisation géographique, l’encadrement de cadres ou chefs de projets (…) le contexte syndical avec plus de pressions ou des contextes de terrains pas faciles en fonction de l’histoire. » Peuvent également être évoquées les restructurations dans les services. Certains postes apparaissent clairement stratégiques :

« On sortait d’un conflit social de plus de 2 ans, avec éjection du responsable de service (affecté ailleurs). Il fallait renouer le dialogue social, on pouvait pas trop se planter sur qui on mettait à la tête, mettre quelqu’un plutôt déjà bien vu à la tête des égoutiers » e7

Page 140: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 140

Des priorités affichées :

La différence entre les métiers se traduit par une plus ou moins grande représentation statistique au sein de l’effectif du personnel. Par conséquent, sur le nombre de recrutements possibles pour chaque métier et en ricochet sur les modalités de recrutement. Ainsi, on trouvera par exemple des campagnes de recrutement collectif dans le cadre des services urbains comme l’eau ou la propreté. On a pu entendre citer : le plan propreté mis en place par Michel Noir, le recrutement des chauffeurs, les emplois jeunes, une phase de recrutement de femmes sur des postes de cantonniers et plus récemment la possibilité offerte aux agents de salubrité de passer sur des postes d’égoutiers. Ces campagnes donnent donc lieu à des sessions collectives où des candidats ayant auparavant soumis une candidature spontanée plusieurs mois plus tôt peuvent se voir proposer de venir remplir un dossier pour ces postes ciblés.

Priorité aux statutaires

L’organisation de la Fonction Publique reposant sur le statut de fonctionnaire, la première caractéristique prise en compte pour les agents postulants est leur statut juridique.

« Dans le recrutement, on regarde si la personne vient en mobilité ou pas, que ce soit au sein même de la communauté urbaine de Lyon. Est-ce que le candidat est statutaire ? C’est la 1ere sélection. Parmi les candidats donc statutaires qui sont examinés en priorité, on regarde parmi les compétences notées sur le CV, les compétences requises sur le poste » e32

« Par rapport aux contractuels, quand on a des statutaires en face, on les privilégie à compétences équivalentes. » e63

Toutefois, un agent de catégorie A portant un « patronyme à consonance potentiellement discriminante » nuance cela en évoquant ce qui a pu jouer pour son propre recrutement dans une fonction RH.

« Mon expérience, mes compétences et ma capacité de réaction aux urgences. Ma résistance par rapports aux situations difficiles. J’avais deux concurrentes, des fonctionnaires, elles étaient plus pressenties que moi sur ce poste. Suite aux entretiens, je pense que bien qu’elles avaient la priorité, les deux personnes manifestaient moins d’assurance. » e63

Il est précisé que lorsque la collectivité ne trouve pas de candidat correspondant aux compétences requises parmi les titulaires ou lauréats de concours, elle peut faire exception en proposant un statut de contractuel. Il faut garder en tête que la contractualisation ne renvoie pas tout à fait à la même réalité selon les cadres d’emplois puisque du côté des catégories A le statut de contractuel correspond plutôt à un niveau d’expertise, du côté des catégories C, une part non négligeable correspond à des agents saisonniers sur des emplois peu qualifiés. En ce qui concerne ces derniers d’ailleurs, l’entrée via le réseau familial peut encore avoir lieu.

« Les saisonniers pour juillet et août, il y a pas mal de personnels pour deux mois et ça peut arriver ; surtout que les enfants du personnel sont prioritaires » e42

Page 141: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 141

Avantage aux externes ou aux internes ?

Certains agents se sentent discriminés par rapport aux candidatures externes lorsqu’ils se trouvent ainsi en concurrence pour une mobilité.

« Quand j’ai voulu pratiquer la mobilité, je me suis aperçue que tout était pipé. Et je pense sincèrement que l’on peut plus facilement rentrer de l’extérieur sur un poste que de bouger alors qu’on vous fait une charte de la mobilité ! » e51

Cet agent met en avant l’idée d’une plus grande facilité pour les candidats extérieurs, idée qui, d’après une personne en responsabilité RH, est un préjugé commun au sein de l’établissement.

« Moi je vois plus les cadres. Il y a une espèce de ressenti : du moment qu’on est interne on est moins bons que les gens qui se présentent de l’extérieur, on aura moins de chances. Or les statistiques montrent que 55% des postes de cadres A ont été pourvus en interne, sur 2005-2006. C’est donc une représentation qui n’est donc pas fondée. Tout au moins sur l’année en cours » e3

La DRH nous a indiqué que contrairement à certaines collectivités qui mettent clairement la priorité sur un recrutement à l’interne, le Grand Lyon ouvre ses recrutements à l’externe ou à l’interne. Le SRH « Propreté » évoque également pour ce qui concerne les agents de maîtrise le souci de « diversifier les sources de recrutement » en essayant « de préserver un équilibre de 50-50 en interne et externe ». Quant au SRH « Eau », suite à la réception des candidatures, une première sélection a lieu par rapport à cette dimension.

« La présélection, il s’agit de savoir si la personne est déjà quelqu’un de statutaire ou pas. Donc le recrutement, si elle vient en mobilité ou pas, que ce soit au sein même de la communauté urbaine de Lyon, est-ce que c’est un candidat statutaire, première sélection. Parmi les candidats donc statutaires qui sont examinés en priorité, on regarde parmi les compétences notées sur le CV, les compétences requises sur le poste (si on demande une connaissance je sais pas on a eu il y a peu de temps on demandait des connaissances en chimie est-ce qu’il y a effectivement une formation en chimie ou une expérience professionnelle dans les métiers de la chimie), donc on fait une sélection sur les compétences » e32

Un égoutier précise que lors de son entrée au Grand Lyon « il y a des gens internes qui sont entrés aussi, de la propreté » e17 Cette priorité aux candidatures internes transparaît aussi à travers les propos indiquant une difficulté de recrutement.

« J’ai postulé sur plusieurs postes, j’ai été pris sur le deuxième. J’avais un peu d’expérience en management donc j’ai été pris sur un poste dont personne ne voulait en interne » e9

On constate d’ailleurs dans le cahier des charges du recrutement49 que la rubrique « Modalités de recherche et de sélection » invite à se poser la question de savoir si le poste peut être pourvu en interne ou non. Il convient donc de se demander comment cette priorité est définie ? L’est-elle a priori ou bien est-ce ensuite un argument utilisé pour justifier de la sélection opérée ?

49 Le processus recrutement reconfiguré dans une fonction RH partagée 2005 Annexe 2 Le modèle de cahier des charges du recrutement

Page 142: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 142

Le souci de la gestion de la diversité Certains managers affichent des exigences par rapport au personnel qu’ils désirent recruter qui relèvent directement de la discrimination.

« Avez-vous des consignes en la matière ? Non mais c’est marrant on essaie toujours de me donner des consignes car on reçoit les CV avant et en fonction du poste on donne pour info les CV au futur chef de la personne qu’on recrute pour une première impression. Et donc en général c’est « ah non je veux pas de machin, de truc etc ». Mais on recrutera bien qui on veut. Un personnage avait dit « non pas de femme mais le patron était pour plus de mixité ». Moi j’étais plutôt pour mais lors de l’entretien ça n’allait pas. Mais c’est ce qui se dit au quotidien dans un monde d’hommes. » e23

« Cela s’est dit lors d’un recrutement de la part d’agent « moi je préfère travailler pas avec des arabes, j’en veux pas ». Et ils n’en prennent pas car le responsable, en même temps, il ne prendra pas le risque d’aller à l’encontre « comment ça, pourquoi tu veux pas d’arabe ? ». Cela serait trop beau. On est dans un contexte où c’est comme ça. Après je ne pense pas que cela va se dire sur des postes à haute responsabilité, ces problèmes sont dans les catégories en bas mais en même temps ? non je ne sais pas !... moi je dis que l’on fait partie ouvertement des quotas. Lorsque l’on m’a titularisé, je me suis dit qu’on fait partie des quotas et faut pas se leurrer il y en a au niveau de la direction. J’ai entendu dire : un africain, n’importe quoi, mais je ne veux pas un arabe ! » e39

Pour autant, on se rend compte que même lorsque les recruteurs refusent de penser en ces termes, ils sont parfois conduits à tenir compte d’un des facteurs de discrimination énoncés par la loi, notamment à partir de l’argument de l’intégration dans l’équipe. On peut par exemple voir que la candidature d’un représentant syndical pose problème si le recruteur anticipe le fait que pour son équipe il sera souvent absent du fait de ses responsabilités syndicales. Pour les femmes on va arguer des risques d’absence pour maternité ou bien de raisons logistiques comme l’absence de vestiaires.

« La discrimination par rapport au sexe ? Il me semble qu’en tant que recruteur je n’en fais pas. Par exemple pour un poste d’électricien il y a une femme qui s’est présentée. Au début je me suis dit : chouette ! Apparemment elle avait les compétences mais elle était effacée et donc dans un milieu d’hommes est-ce que ça va marcher ? En plus elle était jeune. De deux, on s’est dit : il va falloir créer un local pour elle avec douche ce qui va générer des coûts non prévus. Elle a été reçue par deux femmes…mais il y a eu une discrimination par rapport au coût. » e37

Au passage, nous pouvons relever que cette préoccupation économique peut également exister lors de candidatures de personnes handicapées.50

50 Précisons que les témoignages des personnes porteuses d’un handicap et de leurs collègues mettent en avant le fait que tout n’est pas forcément pensé par la collectivité dans l’intégration de ces personnes à leur environnement de travail. Par conséquent, la prise en charge de certaines difficultés logistiques liées au handicap étant laissée aux bonnes volontés, les relations de travail deviennent parfois pesantes et cela engendre quelques malaises relationnels.

Page 143: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 143

« Concernant le handicap, on a eu un jour une candidature pour une personne en fauteuil roulant. Elle n’a pas été reçue car cela allait aussi engendrer des coûts : il n’y avait pas de toilettes pour personnes handicapées, l’ascenseur n’était pas assez large. Mais on n’a pas de consigne comme « COTOREP : ne pas recevoir ». e37

Pour des personnes au « patronyme à consonance potentiellement discriminante » on peut également mettre en avant le contexte de racisme fort et aller même jusqu’à penser préserver ainsi la personne en ne la recrutant pas. Outre ces approches en termes d’intégration au groupe de travail, nous avons pu repérer, dans les propos des recruteurs et des managers, le souci de gestion de la diversité. La caractéristique d’origine supposée ou de sexe mais aussi d’âge est prise en considération dans le recrutement pour équilibrer les équipes.

« Je n’ai jamais voulu rentrer dans le fait de se dire que l’équipe ne va pas accepter telle ou telle personne, cela me paraîtrait anormal que pour éviter un problème en interne à l’activité on se prive de… même s’il y a un ou deux problèmes à régler comme ça. Charge à l’encadrement d’aider si besoin et c’est rarement le cas d’ailleurs à l’exception de quelques connards. » e33

Il faut avoir en tête pour certains agents l’équilibre démographique du service, prêter attention aux flux entre les services de manière par exemple à ne pas faire entrer que des jeunes sur un service ou encore à ne pas y concentrer certaines populations avec la même caractéristiques.

« Ca dépend aussi du contexte de l’équipe, il y a un équilibre à avoir entre la personnalité des gens et le côté communautariste dont on ne peut s’empêcher. Ce sont des choses naturelles, on aimait à se retrouver entre blancs. Mais quand les gens sont intelligents et de bonne fois et respectueux les uns des autres… » e38

« Avec ma collègue on avait en tête le côté discrimination entre ingénieurs et administratifs, on a voulu recruter des administratifs et des techniques, un panel d’âges de toutes les générations et des spécialités différentes dans les corps de métiers pour favoriser les échanges d’expérience de compétences, de valeurs ajoutées. On a assez réussi à équilibrer sexe, âge, expérience et filières. » e9

Il y aurait donc en partie, lors du recrutement, un souci d’anticipation de la gestion des relations de travail à venir. On peut noter par exemple qu’une réflexion a été menée sur la définition « d’un niveau de sélection butoir » pour certains postes décrits comme sans grande exigence en termes de qualification professionnelle.

« On ne prend plus de cantonnier ayant le bac ou plus. C’était pas le cas avant. Aujourd’hui on a voulu recentrer, même si les postes sont en évolution et font appel de plus en plus à des techniques, on fait largement appel à des gens sans qualification, ça reste une priorité de retenir des gens peu qualifiés sinon il y a un souci pour l’organisation à moyen ou long termes et de l’insatisfaction pour l’agent. La dépréciation des compétences initiales génère des frustrations qui sont difficiles à gérer pour l’institution. » e4

Cette préoccupation semble permettre de lutter contre d’éventuelles discriminations à l’égard des personnes qui se trouveraient être surqualifiées pour un même poste.

Page 144: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 144

La préoccupation de la diversité future des équipe fait écho à ce que l’on a pu entendre par ailleurs à propos de l’organisation du travail qui peut également être productrice de vécus discriminatoires. L’équité est en effet interrogée par les agents dans la distribution des heures supplémentaires par exemple ou bien des congés. Certains agents font mention de quelques petits « arrangements » autour d’une certaine flexibilité horaire, d’application plus ou moins souple du règlement selon les caractéristiques des personnels.

3.2.4 La transparence interrogée

Le travail mené sur les procédures de recrutement témoigne du souci de la DRH d’une objectivation des critères retenus. Pour autant, nous l’avons pointé à propos de l’obligation de la diffusion des avis de vacance, même si la formalisation des procédures parait être accueillie positivement, quelques doutes subsistent quant à l’assurance d’une réelle égalité de traitement.

« Il y a une certaine nébuleuse au-dessus de moi et à mon niveau. Un chef de subdivision a été recruté sans avis de vacance. Il y a eu un jeu de chaises musicales. (…) on nous parle de transparence au niveau de la charte du management, la DG perd en crédibilité à mes yeux, c’est un problème d’exemplarité. » e1

« Il faut un cabinet extérieur, ce serait ça la transparence car les filles sont influencées. J’en connais certaines et je sens bien qu’elles ne sont pas objectives, et elles sont juges et partie dans tous les recrutements » e51

« Il y avait un gros souci avec la DRH, c’est moins vrai maintenant, c’est la question de valoriser et de développer des actions de communication sur l’activité DRH, son apport pour que les agents de terrain ne voit pas la DRH en simple édicteur de règles. Y’avait besoin de transparence et d’identification des missions » e6

L’articulation SRH/DRH : qui décide au final, un retour à la cooptation ?

Il semble que l’articulation entre les deux niveaux - DRH et SRH en proximité - ne soit d’ailleurs pas toujours très claire même pour certains cadres A.

« Je ne sais pas comment fonctionne l’interface entre la direction propreté et la DRH. Entre le besoin, le souhait de recruter, le recrutement, il y a beaucoup d’étapes. Maintenant c’est plus clair : on a SRH, DRH pour exprimer nos besoins, mais je ne sais pas comment redescendent les candidatures spontanées de la DRH au SRH. Je ne sais pas si c’est discuté avec nos responsables SRH à la propreté, je ne suis pas au courant. (...) A propos de la définition des profils de postes ? Je ne sais pas, aucune idée, c’est un dialogue entre les SRH existants et futurs. Le SRH propreté s’étoffe sur le recrutement B et C, ensuite avec DRH pour les A, des dossiers à remplir. (...) Pour le recrutement je sais pas comment on traite les candidatures qui arrivent pour le président». e1

L’articulation des compétences des services RH associées à la maîtrise de la connaissance psychologique - perception de la personnalité des candidats - et celles plus techniques des agents de terrain, est considérée comme positive notamment par les agents qui n’ont pas reçu de formation spécifique au recrutement et apprécient de pouvoir le faire au contact des spécialistes de la fonction RH. Il subsiste cependant une interrogation sur la prise de décision finale avalisée par la DRH.

Page 145: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 145

« Le SRH s’occupe plus du coté psycho, nous technique. » e7

« Je pense que c’est quand même pas mal formalisé. Chez nous les recruteurs c’est pour les catégories C et B et pour les autres ils passent pas par les mêmes trappes. Après je sais pas comment sont faites les pré-sélections. Je ne connais pas assez. Mais bon il y a des critères et au final c’est le directeur » e56

« Donc le formalisme n’est pas garant de l’équité. Moi je préfère être à deux car je ne suis pas un professionnel du recrutement et parfois c’est intéressant d’observer les réponses aux questions d’un collègue. Donc l’aspect formalisme papier est pour moi complètement illusoire voire déresponsabilisant. Suite à l’entretien il y a des rapports et propositions donc la décision pourrait être prise par quelqu’un qui n’a pas fait l’entretien. Ce n’est pas le cas mais on doit attendre 15 jours que cette personne décide ! Vous voyez recruter quelqu’un sans voir la personne ?! Comment un décideur peut prendre une décision autre que celle qui lui est suggérée ? e44

Cette crainte par rapport au rôle joué par les responsables techniques est sans doute à relier aux expériences du fonctionnement antérieur décrivant le recours au piston et le poids des ingénieurs dans certains recrutements. Rappelons que l’annexe 6 (guide du recruteur ) des nouvelles procédures indique que « c’est au manager direct du futur collaborateur qu’il appartient d’effectuer le choix final, en prenant en compte la politique de recrutement définie par la Direction Générale concernant par exemple le recours aux contractuels ou la mobilité interne ». Selon un agent interrogé, la direction de la propreté entre 1993 et 1998 était seule compétente pour mener son propre recrutement. La liste d’attente constituée a permis les embauches jusqu’en 1996. A cette période-là les candidatures étaient envoyées dans les subdivisions et au final c’était l’ingénieur qui décidait de la sélection.

« On a été obligés de constater qu’il y avait effectivement des critères de sélection qui n’étaient pas clairs, qu’il devait, je vais mettre au conditionnel, qu’il devait y avoir sélection qui se faisait sur l’origine des candidats sur l’origine ? géographique ou ? Non pas géographique, sur la naissance des candidats et à partir de là s’est mise en place la procédure qui existe aujourd’hui où tout est encadré, où la procédure est pilotée par le SRH, avec des jurys, enfin où tout est calé quoi. » e32

La formalisation des procédures ne semble pourtant pas, aux yeux de tous les agents, suffire pour garantir le traitement égalitaire des candidats.

« Les entretiens sont formalisés sur le papier. On parle chez nous de nouveau processus recrutement avec toute une démarche à suivre. Voir le manager, avant, pour préciser le contexte de recrutement, mieux comprendre et voir ce qu’on attend du candidat. Après, bien sûr, d’un recrutement à un autre, d’un poste à un autre…Plus on monte en catégorie, plus c’est formalisé. De manière générale tout est formalisé peut être même trop. Si un hiérarchique veut par exemple placer son fils ou quelqu’un, il peut dire alors telle personne a des difficultés alors est ce qu’on ne peut pas... Sur les postes pérennes et permanents il ne m’est jamais venu aux oreilles que cela ait eu lieu. Et puis c’est le manager, le N+1 du recruté, qui prend la décision finale. Il peut y avoir des pressions sur les emplois saisonniers. On peut recevoir des candidats parce que dans telle direction un agent est en difficulté mais s’il fait pas l’affaire, il sera écarté sans état d’âme. Mais d’une direction à l’autre... le Grand Lyon est une grosse machine et n’a pas la main sur tout … mais à partir du moment où l’on crée un SRH, peut être que chacun crée son propre... va être plus ou moins souple... » e42

Page 146: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 146

La procédure mise en place préconise la collégialité dans la sélection, en partie comme un garant contre des dérives liées à la subjectivité des recruteurs, mais cette subjectivité semble être à nouveau crainte quant aux rapports de force qui risquent de présider au choix final. La question d’une articulation entre une identité globale Grand Lyon et des identités propres aux grandes directions est ici soulevée et vient interpeller la cohérence d’une politique RH. Au regard des problématiques de discrimination, il apparaît donc que la DRH et les SRH ont certainement un rôle à jouer pour éviter les dérives potentielles.

Page 147: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 147

Conclusion : « Pour une autre grille de lecture des environnements, conditions et relations de travail » Le Grand Lyon comme toute organisation de quelques milliers d’agents offre aux regards extérieurs la pluralité des trajectoires professionnelles et personnelles des agents qui y travaillent. Avec les 67 entretiens que nous ont accordés ces agents, de toutes catégories hiérarchiques A, B et C, ce sont finalement 200 heures d’entretiens que nous avons lues, analysées et décortiquées. Nous avons là des récits de parcours de vie, riches, denses, poignants et lucides dont nous tenons à remercier les auteur-e-s. Ayant retenu quatre directions, deux techniques et deux administratives, nous avons aussi fait le choix d’hommes et de femmes, à partir de quelques caractéristiques de sexe, d’âge, d’ancienneté, de patronymes, de catégories, de fonctions, de filières, de positions d’encadrant ou non, pour constituer un corpus significatif et varié, partant du principe que nous cherchons à comprendre des situations, des environnements de travail, où les faits concrets sont aussi appréciés, et expliqués par les acteurs eux-mêmes. Derrière ces caractéristiques, se découvrent de multiples parcours professionnels et personnels où se révèlent les choix et les contraintes, les représentations d’un milieu de travail appuyées sur des comparaisons personnelles, notamment entre privé et public, entre directions ; les opinions sur les sujets traités ou les non-dits, les relations formalisées de travail au titre desquelles revient l’entretien annuel, les relations informelles avec les collègues, les a priori sur les directions, sur les personnes, les jugements sur les réalités de travail, leur évolution ; enfin une histoire de génération, une histoire d’hommes et de femmes, ces deux caractéristiques étant souvent liées dans les discours des professionnels. La « discrimination », un sujet qui n’en est pas un, tout en étant présent, par touches, à mots couverts la plupart du temps qui ciblent plutôt les services réputés « durs » comme la propreté. Faut-il y voir autre chose que la dureté du métier, celui de cantonnier ou d’éboueur ? A mots découverts, s’exprime pour certains aussi, ce qu’il faut bien appeler de la souffrance. Sans doute, n’est elle pas seulement celle du travail, mais celle d’un parcours contraint, fait de déceptions et d’humiliations qui se vivent au travail et à l’extérieur ? La lecture attentive de ces morceaux de vie professionnelle et personnelle, nous a mieux fait comprendre certaines des remarques émises en Comité de Recherche Action, anxieuses de savoir si nous avions prévu un suivi ou une suite à ce qui pouvait émerger de mises en situation d’écoute longue et attentive. Nous redisons ici que le nombre de personnes n’est pas significatif par lui-même, puisque nous ne sommes pas dans une démonstration quantitative. « Combien » n’est pas la question qui nous intéresse. La démarche qui est la nôtre est une analyse qui repose sur la compréhension des situations des personnes qui risquent ou pas la discrimination, envisagée en raison du sexe ou de « l’origine », qu’elle soit supposée ou réelle. Quelques éléments complémentaires ont été apportés par ceux qui avaient un handicap. A travers les thèmes proposés à la réflexion personnelle de chacun des agents rencontrés, c’est une montagne d’informations que nous avons obtenue. Nous avons entrepris une double lecture : l’une transversale, s’est portée sur la discrimination elle-même, sa compréhension générale, sa perception au sein du milieu professionnel, le diagnostic plus détaillé du

Page 148: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 148

recrutement, la perception de son processus, des changements récents et des opinions sur ceux-ci par rapport à une modification du recrutement qui avait conduit à la situation actuelle. L’autre, en complément, s’est efforcé de comprendre les parcours professionnels, en les replaçant dans les directions dans lesquels les agents travaillaient et avaient travaillé. Les informations données sont ainsi davantage personnalisées mais elles prennent sens dans les contextes sociaux traversés par les personnes tout au long de leur itinéraire. Les contextes relationnels de travail donnent aussi du sens à ce qui pourrait n’apparaître que dysfonctionnement, ils constituent une variable explicative. Les images différenciées des directions apparaissent également et permettent de mieux cerner de quelles représentations et pratiques en cours se nourrit le système. Une image unitaire de la fonction publique se construit en revanche par opposition au privé. Image unitaire du « public » par opposition au « privé » Le Grand Lyon comme lieu de travail, est perçu par ceux qui y sont entrés avant tout par son opposition au privé. Nombre des agents rencontrés, quelles que soient leurs catégories d’emploi (A, B ou C) y avaient travaillé et la comparaison souvent faite, donne un avantage au Grand Lyon sur quelques aspects :

- L’absence de discrimination à l’embauche en raison de l’état de grossesse a été plusieurs fois indiquée par des jeunes femmes et interprétée comme l’effet de la féminisation des postes RH. Cette absence de discrimination en a surpris plus d’une.

- Une autre expérience de discrimination moindre que dans le privé est liée à l’âge ; expérience douloureuse de découvrir pour certains qu’après un licenciement et des centaines de courriers, aucune démarche de recherche d’emploi se concrétise. Le choix de la fonction publique est alors un choix par défaut qui peut se faire ressentir dans la trajectoire personnelle.

- Le choix de la fonction publique par défaut est fréquent, notamment pour les personnes en catégorie C. Il va avoir une répercussion sur l’appréciation portée par la suite sur les relations de travail, les possibilités d’évoluer ou de changer, non pas tant de métier que d’environnement de travail. Cette aspiration à la mobilité interne est un point important. De son effectivité ou de son absence vont dépendre une fois rentrée les représentations au travail. Celles-ci en effet résultent des relations professionnelles vécues, des événements personnels traversés dans un contexte de travail, du traitement ou de son absence de traitement par la hiérarchie, par l’institution.

- Quant à ceux qui ont été l’objet de discriminations raciales, ou liées à l’origine, le passif du parcours personnel est très important. L’image du Grand Lyon par rapport au privé, ne se distingue pas nettement ici. En effet nous n’avons que ceux qui sont entrés, et majoritairement, les personnes portant un nom de famille à consonance arabe, ou celles qui sont noires ont vécu la discrimination à l’emploi, avant, bien sûr, d’arriver au Grand Lyon. Cette expérience ne s’efface pas en arrivant au Grand Lyon. Il y a continuité dans les perceptions au travail. Certains ont déjà fait l’objet d’insultes racistes, de rejet raciste, d’autres ont été agressés, tous ont vécu et vivent encore une fois entrée, une suspicion continue sur leurs comportements ou leurs opinions.

Page 149: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 149

Par opposition au privé, le Grand Lyon bénéficie d’une image positive sur trois aspects :

- Relative ouverture à des personnes dont les caractéristiques ont pu être refusées dans le privé : femmes enceintes, personnes de plus de 40 ans, plutôt en catégorie C,

- Mission d’intérêt général considérée plus intéressante que le privé (Catégories A et B)

- Stabilisation de la situation professionnelle, un « vrai travail » par rapport aux missions intérim, « petits boulots », qu’ont pu connaître certains agents avant d’obtenir un poste, notamment pour les catégories C.

Images intérieures multiples et concurrentielles Une fois entrée au Grand Lyon, ce sont les univers de travail qui vont être comparés entre eux : milieux de bureau opposés aux milieux de terrain, fonctions administratives aux fonctions techniques. Dans les fonctions techniques, un distinguo est fréquemment établi par les femmes, entre les fonctions d’expertise, de chef de projet, de marché et les fonctions d’encadrement dont elles précisent qu’elles ne les ont pas. Des images bien différenciées de la « rue du lac » et du « clip » sont produites avec, pour ceux qui y sont passés, une préférence pour le « clip ». La rue du lac, administration centrale, proche du politique, offre de surcroît aux salariés une configuration de travail datée des années 70, avec ses plateaux moquettés, qui au fil des années se remplissent de poussière, aveugles et confinés où règne la lumière artificielle, sans confidentialité, bruyante…. Le « Clip » est décrit comme un endroit moderne où se trouve le bureau d’études, où les hommes et les femmes seraient davantage présents à parité. De façon récurrente apparaît la désignation des services réputés les plus difficiles, ceux où le racisme et les discriminations existeraient, notamment la Propreté. Ces services surtout s’agissant de la propreté sont ceux qui permettent de parler de la discrimination ou plutôt du racisme ordinaire au quotidien entre collègues ou véhiculé par la hiérarchie n+1 ou n+2. L’absence de réaction institutionnelle - autre que des prises de position généraliste et politique ne changeant rien aux situations de travail - y est critiquée. Nous reviendrons sur cette absence de réaction hiérarchique et sur le traitement qui est fait des relations de travail émaillées de propos ou de soupçons, de blagues à connotation raciste. Nombre d’agents désignent la direction de la propreté comme pouvant être le service où se manifesterait la discrimination, comme si elle n’existait qu’à cet endroit. Ils soulignent également que cette question n’est pas prioritaire, citent quelques personnes noires ou portant un patronyme arabe, le plus souvent pour constater « l’intégration » de ces personnes et un certain « cosmopolitisme » du Grand Lyon. La discrimination devient alors un sujet qui ne concernerait finalement qu’une seule direction, la propreté. Nous poursuivons l’analyse : la « Propreté » c’est aussi la direction dans laquelle le « père » faisait entrer « le fils » qui faisait entrer « le cousin », tandis que dans les autres on y rentrerait par concours. Enfin la « Propreté » est une direction qui est considérée comme le symbole d’un certain immobilisme opposé d’ailleurs en cela à la direction de l’Eau, considérée comme une direction innovante, performante, technique, répondant à des normes ISO. Qualité de l’eau et qualité de l’environnement y sont associées. La direction a des ingénieurs

Page 150: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 150

performants, le métier d’égoutier lui-même est valorisé. Ceux-ci bénéficient, étant donné la difficulté du travail et sa dangerosité, d’avantages, de primes, (régime indemnitaire plus intéressant à l’eau qu’à la propreté, départ à la retraite à 50 ans…). Leur recrutement fait l’objet d’une attention particulière, notamment en termes relationnel, comportemental, du fait de petites équipes de travail qui doivent être solidaires. L’intégration dans l’équipe y est jugée essentielle, plus qu’ailleurs, car l’équipe est constituée de trois personnes. Il y a peu de mobilité d’un secteur à l’autre, contrairement à la Propreté où la mobilité géographique existe d’un secteur à un autre. Une rupture avec cet état de fait semble être envisagée puisque 23 postes d’égoutiers devraient être proposés à des gens de la Propreté à partir d’une sélection de critères parmi lesquels l’ancienneté, tout en prenant en compte qu’il faut 10 ans en réseau souterrain pour prétendre à une retraite à 50 ans. Dans ces images présentées en vis-à-vis, la discrimination dont il est peu question est désignée comme étant l’apanage d’une seule direction, celle d’ailleurs où il y a le plus de personnes aux patronymes à consonance arabe. Pour resserrer encore la focale sur l’image de cette direction, c’est aussi celle où le droit commun du concours pour entrer au Grand Lyon ne serait pas appliqué. Ainsi la discrimination raciale serait considérée comme peu importante et circonscrite finalement à une direction qui a justement recruté le plus de personnes dont les patronymes, voire les origines sont arabes. Ce recrutement aurait donc pu être préférentiel, contrairement aux autres recrutements. Cette suspicion de préférence, pèse là, plus qu’ailleurs, or la mobilisation du réseau de relations ou d’appuis, n’est pas propre à l’entrée dans ce service. De surcroît, les appuis en question, consistent à informer tel ou tel que la direction procède à des recrutements, à indiquer l’entreprise d’intérim qui recrute, voire à tenter de trouver un appui auprès d’un ingénieur ou d’un autre chef (de groupe ou de secteur…) parce qu’on se sait apprécier et qu’une recommandation venant d’un agent « travailleur et sérieux » peut représenter un avantage, une caution de sérieux. Il faut noter ici, qu’insidieusement apparaît à travers l’énoncé du mode de recrutement qualifié « de père en fils et du fils au cousin » une représentation sous-jacente de la famille élargie. Ainsi est suggérée l’idée de « communauté » que les autres mobilisations de réseau ne mentionnent pas. Cette mobilisation du réseau devient d’ailleurs une compétence lorsqu’il s’agit de collègues, ou de contacts pris lors d’interventions faites en tant que consultant, ou ceux qui ont des connaissances politiques, ou d’anciens élèves de telle ou telle école. Pour donner un ordre d’idée, sur 18 personnes en catégorie A, 14 connaissaient quelqu’un dans la fonction publique avant d’entrer, la moitié des agents en catégorie B connaissait quelqu’un, alors que parmi les agents en catégorie C rencontrés, 15 personnes sur 32 connaissaient quelqu’un avant d’y entrer. La direction de la propreté va donc permettre paradoxalement d’aborder le sujet des discriminations, tout en étant stigmatisée sous bien des aspects : absentéisme, immobilisme, faible qualification, comportements asociaux, problèmes sociaux. L’image se brouille d’une direction qui n’arriverait pas à régler les problèmes de racisme. Mais d’où viennent ces problèmes et comment sont-ils réglés ? Personne n’en parle. Il s’agit d’une désignation globale où finalement victimes et auteurs de ces discriminations raciales, seraient confondus ou associés. Dans un tel contexte la victime de discrimination est, elle-même, responsable du phénomène qu’elle génère.

Page 151: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 151

Des milieux de travail très ségrégés tant du point de vue du sexe que du point de vue des patronymes et de la couleur. De l’entre soi féminin à l’entre soi masculin : les caractéristiques de milieux professionnels sont plus ou moins stigmatisants et plus ou moins appréciés. Dans des univers où la mobilité n’est pas si facile (problème de l’effectif à respecter) la difficulté se fait sentir dès qu’il y a problème. La solitude manifeste de femmes (cadre A) et de personnes d’origine maghrébine dans les directions RH et Finances fait contrepoint à la tendance à neutraliser l’importance de ces facteurs et à les circonscrire comme étant l’apanage d’un ou deux services. La caractéristique de « sexe féminin » dans une direction masculine Certaines expériences volontaristes de transformation des milieux de travail qui sont relatées auraient été tentées sous une ancienne présidence, il y a 13 ans. Une tentative de recrutements de 23 agents féminins dans la presqu’île aurait été entreprise. De même y aurait il eu une tentative de féminisation des chauffeurs éboueurs qui aurait tourné court en raison de la difficulté des éboueurs à supporter « de se faire conduire et commander par une femme ». Sur trois femmes, nous dit-on, deux auraient fait une tentative de suicide. En fait seulement cinq femmes51 ont été recrutées au nettoyage. Le milieu des éboueurs est comparé à celui des cantonniers qui paraît moins dur dans les relations de travail quotidiennes. Plusieurs restrictions que ne connaissaient pas les hommes ont été relevées par un agent dans son contrat, qu’elle désigne d’ailleurs sous les termes de « contrat féminin » en raison de sa spécificité par rapport à celui des hommes : affectation imposée dans un arrondissement en raison de l’aménagement nécessaire de locaux ; plages horaires de travail restreintes aux après-midi… Des changements ont, semble t - il, été obtenus dans le contrat de travail après avoir lourdement insisté auprès de sa hiérarchie directe pour obtenir une autre affectation géographique et la plage horaire du matin. L’explication des horaires en après midi est attribuée à une raison de sécurité si les postes se féminisaient. Il apparaît cependant que la plage horaire la plus prisée par les cantonniers est le matin, mais pour l’obtenir, « il faut se lever de bonne heure, être ponctuel, être sérieux ». Les retours sur le travail sont positifs, bien que les résidents manifestent leur étonnement de voire une femme cantonnière. Appelées « tortues ninjas » parce qu’habillées en vert, « elles travaillent mieux, sont plus minutieuses, elles ne laissent pas de mégots traîner ».

51 Sur seulement 5 femmes finalement recrutées au nettoyage, l’une a été reclassée à un poste de bureau, une autre est en congé maternité, une a démissionné et deux resteraient en service. Après un CES d’un an puis un contrat consolidé d’un an, passée auxiliaire pendant trois mois, avant d’être stagiaire pendant un an puis titulaire.

Page 152: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 152

La caractéristique du « patronyme » pour un encadrant à la propreté Le contexte de travail dominant est masculin. Dans ce contexte nous avons relevé ce qui dans certains parcours d’homme portant un patronyme « arabe » ressort de la position d’encadrant. « L’attribution d’un secteur et d’un personnel en raison des origines » c’est ce que découvrent certains en discutant avec les personnels de l’équipe dont ils ont la charge.

« Etant donné mes origines on m’affecte un secteur de 20 agents d’origines maghrébine, gitane, très peu d’européens, sur un secteur classé 10 sur l’échelle de Richter, la zone, personne n’en veut… Affecté sur une zone de non droit, avec un personnel difficile à gérer. Beaucoup de jeunes, des jeunes de quartier, certains s’adonnent à la boisson… »

Le management d’équipe repose sur la capacité de la personne à se faire respecter des équipes. Celui qui parle ainsi semble en avoir expérimenté et synthétisé les principes majeurs. Observer : privilégier le dialogue, obtenir la confiance : « installer un climat de confiance, on serre la main, on discute, les responsabiliser ». Résultats : diminution de l’absentéisme, des soûleries, des bagarres. Eviter que les gens ne se sentent méprisés, un agent démotivé ne fait plus rien. Responsabiliser : le matin, vérifier la présence des agents sur le secteur, faire le tour du secteur pour voir si des travaux spécifiques sont à faire (ex un bac à fleurs cassé) si rien de particulier n’est à signaler; ne pas rester systématiquement dans la rue, laisser les gars, ils savent quel est leur boulot. Evaluer : faire le travail d’une part (obligation de moyens) ne pas avoir de réclamations des résidents (résultats). » Les agents manifestent souvent leur désaccord à l’égard d’un agent de maîtrise despotique, en prenant des congés maladie, certains par provocation, d’autres par dépression. La difficulté perçue dans nombre de descriptions du travail de management sont que les qualités dites d’ailleurs de « meneurs d’hommes » sont souvent considérées comme naturelles, difficiles à acquérir. On naît « meneur d’hommes » on ne le devient pas. La fonction de management est alors comparée à celle d’éducateur spécialisé à l’égard de certains agents, d’assistant social à l’égard d’autres agents. Le « respect » est une condition nécessaire mais souvent manquante, semble t-il, des relations de travail au quotidien. Le manque de respect légitime en quelque sorte la prise de congé dans la mesure où elle permet d’éviter la réaction violente à l’encontre de celui qui a manqué de respect ; ce peut être un agent de maîtrise, mais également des collègues. Les hiérarchies directes n+1, mais aussi les autres, sont nombreuses : chef de groupe, chef de secteur, chef de circonscription, chef de subdivision…. Il existerait une vraie difficulté à se faire accepter comme encadrant lorsque l’on porte un patronyme arabe. La rencontre avec le racisme existe dans les parcours des encadrants ayant un patronyme arabe. Comme nous l’avons signalé cette rencontre est ancienne et se poursuit tout au long de la vie pour certains, y compris au Grand Lyon.

Page 153: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 153

En cas d’insulte raciste, le dossier à constituer pour une victime paraît difficile : le « petit chef » va être soutenu par l’ingénieur à preuve du contraire et ce contraire n’est pas facile à présenter. La forme est importante, le rapport de l’agent doit être conséquent en témoignages collectés, bien présenté, il est alors pour certains nécessaire de recourir à des ressources personnelles, conjoint par exemple, pour taper le rapport, avec lequel il obtiendra finalement de ne pas avoir de blâme. Pas un seul parcours d’homme au patronyme à consonance arabe qui n’ait rencontré du racisme dans sa recherche d’emploi. Certains ont pratiqué une sorte de « testing » à titre personnel en téléphonant pour un emploi ; sans accent apparent, avec un patronyme qui fait « espagnol », le rendez-vous est obtenu mais en face à face, l’apparence et le prénom ne passent pas, sauf comme ouvrier en intérim. « Cantonnier de père en fils »… n’est pas une trajectoire a priori souhaitée, mais de déboires en déboires, avec l’aspiration à une vie familiale plus stable, une candidature peut être déposée pour ce type d’emploi.

« Lors d’un premier entretien de recrutement on m’a demandé ma nationalité mais aussi ma nationalité d’origine. J’ai répondu - algérienne – mais je me demande : ça s’arrête où l’origine ? En discutant avec une collègue, secrétaire, avec des parents venus d’Espagne, mais de religion juive, elle a connu également des problèmes. Dans l’entretien le recruteur m’a parlé de la guerre d’Algérie, du FIS, etc, de la religion… Je me demande si à un Corse on lui parle de l’ETA, mais je sais aussi qu’à un collègue on lui a demandé s’il était homosexuel ».

Les directions administratives Tandis que les directions de l’eau et de la propreté sont désignées collectivement comme lieu possible de discrimination, la DRH et les Finances ne le sont pas. Les femmes cadres mettent souvent en avant la lourdeur de la tâche à effectuer, tout en disant que « finir un dossier à la maison ne gêne pas ». Les modalités de travail privilégiées, notamment l’aspect relationnel de certaines fonctions sont nécessaires, efficaces mais consommatrices de temps. Cette priorité peut conduire à terminer le travail sur dossier au domicile et contribuer à alourdir ainsi la charge de travail. La gestion prévisionnelle des effectifs dans les équipes de travail est interrogée, notamment pour les congés maternité considérés comme typiquement programmables et qui le seraient insuffisamment. Le terme de discrimination est utilisé dans une acceptation large, d’inégalité de traitement. Il peut être utilisé pour parler des différences de statut notamment entre les titulaires et les contractuels. Ces derniers seraient pris dans une tension forte entre travail à réaliser, nécessité de se former aux exigences du poste et nécessité de passer le concours dans les trois ans de l’arrivée au poste, au risque de ne pouvoir conserver le poste, même si le travail est réalisé. La mise aux normes du statut prime sur la qualité du travail. Le temps partiel prévu en droit pour les femmes et les hommes jusqu’aux trois ans de l’enfant ne paraît pas si bien vécu, il est plus facile à prendre pour une personne en catégorie C que pour un agent en catégorie A pour qui il ne semble pas tellement admis et facile à prendre. Il est davantage utilisé par les femmes que par les hommes, bien que certains cas existent.

Page 154: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 154

Deux critiques sont parfois faites sur la gestion des ressources humaines dans la fonction publique : La première est l’absence de possibilité de motivation en raison de la règle de la promotion par l’ancienneté. Nous avions déjà trouvé ces remarques dans d’autres fonctions publiques. Elle est davantage émise par des femmes que par des hommes, comme si, bénéficiant moins que les hommes des évolutions de carrière, elles voulaient récupérer quelques avantages financiers comme compensation.

« Il n’y a pas d’habitude ou de règle interne de prises pour motiver les gens, il n’y pas d’autres moyens que le statut c’est démotivant ».

La seconde est le sentiment d’une gestion aléatoire des équipes. Des difficultés d’encadrement de proximité sont mentionnées parce que les questions qui pourraient apporter une solution ne sont pas posées ; ce sont les questions sur la sincérité de l’agent, notamment s’il porte un patronyme arabe, qui sont surtout posées.

« Il y a les règles du statut mais aussi les habitudes des encadrants, ce qui crée l’impression d’une république bananière. »

La question du genre On ne s’étonnera pas que les questions de genre soient davantage abordées par les femmes, notamment des cadres. Elles considèrent que les femmes sont acceptées en DRH, que des femmes ingénieurs qui encadrent il y en a peu, qu’elles sont davantage sur des postes de chargée de mission ou de projet et qu’enfin à l’encadrement de 50 à 200 personnes, il n’y en a pratiquement pas. Certains métiers paraissent plus discriminants que d’autres, égoutier, par exemple, agent technique à la voirie, éboueur. Certains milieux professionnels sont résistants à la féminisation mais la volonté d’un directeur permet d’y arriver. La voirie est donnée en exemple. Les agents porteurs de patronyme arabe ou les personnes noires Dans les emplois qui se succèdent les tensions se manifestent entre collègues ou avec la hiérarchie directe. Des interventions de supérieur permettent de résoudre des situations conflictuelles. Lorsque les situations de discrimination raciale ont été présentes dans le parcours et se sont répétées, le prisme de lecture des relations et remarques en est modifié. L’environnement en RH peut apparaître « élitiste » avec le sentiment que la difficulté à partager entre collègues, des livres, des émissions, contribue à une relative mise à l’écart. Les groupes de collègues se formeraient sur la base de l’origine, du lieu de résidence. Un agent relève des phrases comme « dossier couscous » de la part de collègues pour qualifier les dossiers de personnes ayant un patronyme arabe. Il est difficile de parler politique ou religion, la loi sur le foulard oblige à prendre position. Tout est prétexte à polémique voire invective, la crèche sous le sapin est une tradition remarque un agent, même pour des gens qui ne sont pas catholiques pratiquants.

Page 155: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 155

La difficulté à trouver des solutions au sein de la collectivité locale se double d’une mobilité qui semble être un problème dans un milieu professionnel qui n’est garanti qu’à l’intérieur. La remise sur le marché du travail ne paraît pas assurée. Une sorte d’assignation à la collectivité dans laquelle on est entré peut être alors ressentie par ceux et celles dont la situation est fragilisée par l’existence des discriminations. Le point commun entre toutes les trajectoires de personnes ayant connu la discrimination raciale et/ou le racisme est d’être confronté à la virulence de propos, à la malveillance, à plusieurs moments de la trajectoire et dans de nombreuses situations de la vie quotidienne et professionnelle : dans les commerces, « être regardée comme une voleuse dans un magasin » ; à l’école pour certains, dans la ville, dans les relations d’enfants, avec « interdiction de jouer avec un ou une arabe » ; « des collègues qui vérifiaient dans la fiche d’état civil (lorsqu’elle existait) si la personne était arabe », des expressions comme « rentre chez toi ! Mais où, puisque c’est ici », « un arabe reste un arabe qu’il soit journaliste, ou autre » ; « la discrimination positive me fait hurler, tout ce parcours pour afficher un peu de couleur ! Ce serait une humiliation, ça rajoute un cran au fait que nous serions inférieurs ». L’enjeu d’un traitement institutionnel des discriminations : un environnement de travail apaisé Il semblerait qu’à défaut de traitement par la hiérarchie, des questions de discriminations dans les relations de travail, c’est une médicalisation de ce traitement qui se joue dans les faits. L’absentéisme pour congé maladie est utilisé par provocation disent certains, mais c’est aussi le moyen de se protéger contre un management dur, irrespectueux, parfois humiliant. Le cercle est vicié puisque les absences pour congé maladie sont suspectées d’être illégitimes, or certains conflits, certaines agressions verbales, sont étouffés et ne doivent pas faire surface. La discrimination n’apparaît pas en tant que telle, c’est une succession d’opinions, de petites phrases qui passent à la discussion vive, au reproche. Se justifier en permanence sur l’actualité des quartiers difficiles, des jeunes en insertion, la religion et sa pratique (l’alcool, le porc, la prière, le voile) devient une obsession. Et enfin, toutes les formes de rejet étant malheureuses, il leur est demandé d’accepter, de se taire, de faire avec et de passer à autre chose. La blessure constatée par ceux qui ont vécu la discrimination, provoque la culpabilité de ceux qui ne la vivent pas. Or les blessures des personnes discriminées par l’origine, la couleur de peau apparaissent alors que d’autres n’apparaissent pas. Pourquoi se poser cette question pour certains et pas pour d’autres ? Est-il demandé. Isoler un critère de rejet plutôt qu’un autre n’est pas tenable, puisque toutes les raisons du rejet sont autant de souffrance, dans la souffrance la hiérarchisation n’est pas possible, pourquoi alors donner la priorité à l’une plutôt qu’à l’autre ?

« Lorsqu’on recrute 15 personnes se présentent sur un poste, dans les personnes qui ne seront pas retenues il y aura un syndiqué, un noir, un arabe, une femme, et neuf normaux… Faut il prendre parce qu’il est noir ? De la souffrance il ne sort rien qui puisse permettre de construire quelque chose de positif » Dans un recrutement récent il y avait les caractéristiques suivantes : un homme de petite taille, une femme de très grande taille, une personne handicapée physiquement, et pas mal de jeunes sans qualification. C’est très intéressant d’être confrontée à cette position d’avoir à choisir quelqu’un et prévoir son intégration à l’équipe. J’ai pris la femme de grande taille sans que ce soit le seul critère ».

Page 156: Les agents du Grand Lyon et la discrimination en raison du ... · Le projet AVERROES dispose d’une architecture générale identique : un cadre de dialogue social, appuyée sur

ISM CORUM 32 cours Lafayette 69 421 Cedex 03

Tél. 04 72 84 78 90 / www.ismcorum.org / [email protected] 156

Une constante : la souffrance des relations professionnelles qui se nouent autour de caractéristiques personnelles, physiques : sexe et état de grossesse, sexe et capacité à manager des hommes ou plutôt à s’en faire respecter ; être accepté dans l’environnement de travail sans que la couleur, l’origine souvent maghrébine, soient suspectées d’être un avatar, un facteur de trouble. Le responsable ne prend donc pas position dans un conflit caractérisé comme individuel, d’ordre privé, peu digne d’intérêt, en désaccord avec les valeurs d’intérêt général portées par la fonction publique. La seule possibilité en cas de conflit non géré est de faire partir l’un des protagonistes du conflit. Or l’effectif est contraignant et ne peut permettre le déplacement ni rapide ni trop fréquent de personnes pour conflits relationnels. Les conflits même individuels laissent une trace stigmatisante sur les individus qui y sont mêlés y compris et même davantage sur les victimes : les rumeurs prennent corps, la victime s’enferme dans le silence, l’arrêt maladie devient une porte de sortie. En cas de répétition, le reproche portera sur cette répétition et sera générateur de scepticisme sur la fiabilité de la personne. L’arrêt maladie vient à son passif et non à son actif. Parfois cependant l’envie de certains de porter plainte pour harcèlement se fait jour mais le passage à l’acte est rare. Une sorte de culture interne de la gestion de conflit se réalise entre les collègues selon la loi du plus fort ou du plus habile, du plus informé. Le soutien hiérarchique n’est, semble t-il, pas fréquent ou pas explicite ou pas compris des personnes qui donnent l’impression d’être seules dans une bagarre « de nerf ». Plusieurs parlent de « craquer » ou de « ne pas craquer » ou « d’avoir déjà craqué ». L’arrêt maladie est suspect dans cet environnement professionnel où il est utilisé aussi pour palier des désaccords, des conflits de tous ordres, voire peut-être comme certains le disent un confort, aménagement de ses temps de vie travail/hors travail. L’état de grossesse est vécu par les personnes concernées comme un vrai obstacle non seulement à l’égalité dans la carrière, mais à l’équilibre des conditions de travail ; pas anticipé par les responsables d’équipe, pas remplacé disent certain, il peut peser sur les équipes, et devenir un poids dans celles-ci. Le « temps de travail » n’est pas unitaire, il semble plus lourd pour les cadres que pour les autres, et peser plus lourdement sur les femmes cadres A. Est-ce dû à une moins bonne maîtrise de l’articulation des temps entre vie professionnelle et vie privée ? A une autre manière de travailler ? A un investissement personnel et affectif plus important, l’autre face de l’absence supposée d’autorité, de caractère… et de la nécessité pour elles de se montrer plus agressives, ce qui ne passe pas. Il faudra sans doute arriver à définir ce qu’il y a derrière ce terme de « caractère » qui fait admettre la capacité à diriger et en même temps considérer qu’il y a potentiellement agressivité et difficultés relationnelles. Enfin, la pudeur de ceux et celles qui sont, dans l’emploi, objet de remarques, de blagues, d’oppositions frontales, d’insultes, et qui se taisent pour ne pas être considérés comme « caractériels » et sujet justement de ces discordes. La victime devient coupable comme c’était le cas dans les situations de viol, il n’y a pas si longtemps.