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Douleurs, 2005, 6, 6 347 VOTRE PRATIQUE Les antalgiques de palier 2 en pratique Jean-Louis Montastruc INTRODUCTION, GÉNÉRALITÉS La douleur est, en pratique quotidienne, un motif très fré- quent de consultation. Selon une étude de 2003 réalisée en France à la demande du Comité d’Organisation des États Généraux de la douleur [1], 78 % des individus âgés de 18 ans et plus ont été confrontés à un symptôme doulou- reux au cours des 2 années précédant l’enquête. Parmi ces 78 %, 86 % ont consulté un professionnel de santé et 74 % ont reçu une prescription médicale. La définition de ce symptôme, phénomène multidimen- sionnel interactif, reste difficile puisqu’il associe un phéno- mène neurophysiologique à des réactions complexes comportementales, cognitives, émotionnelles et environ- nementales. En 1979, l’Association Internationale pour l’étude de la douleur (IASP : International Association for the Study of Pain) a défini la douleur en ces termes : « la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante en potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion ». Cette définition de référence aujourd’hui, illustre bien le caractère plurifacto- riel de la sensation douloureuse, intégrant ses diverses composantes citées précédemment (fig. 1) . Dans le cadre d’une douleur aiguë (évoluant depuis moins de trois mois) ou chronique (persistante depuis plus de 3 à 6 mois), la prise en charge doit donc s’effectuer à l’éche- lon individuel et tenir compte du contexte médical et du stade de la maladie sous-jacente, des caractéristiques de la douleur et des aspects psychologiques et culturels du patient et de sa famille. Cette prise en charge nécessite éga- lement une réévaluation régulière de la douleur et de l’effi- cacité du traitement [2]. Les médicaments représentent une part importante de cet abord du patient. Leur efficacité est conditionnée, pour en grande partie, par la connaissance de leurs propriétés pharmacologiques (pharmacodynamiques comme pharma- cocinétiques) de base qui conditionnent également leur maniement (fig. 2) . Si la prescription des antalgiques dits usuels, tel que le para- cétamol, se fait sans réserve, la prescription de dérivés morphiniques et des opiacés semble pour les prescripteurs plus problématique ; près de la moitié de ces derniers en redoutent les effets indésirables et un tiers d’entre eux, l’apparition d’une tolérance [3]. Nous proposons dans cet article, une actualisation sur les antalgiques du palier 2. Après un bref rappel de la classification physiopathologique des douleurs, nous détaillerons les principales propriétés Service de Pharmacologie Clinique, Faculté de Médecine de Toulouse. Figure 1. Composantes et aspects du comportement douloureux (d’après F. Boureau. Pratique du traitement de la douleur, Douin, Paris, 1988). DOULEUR Expérience subjective Comportements observables Émotion Sensation Cognition - Somatique (mouvements de retrait, de défense….) - Neurovégétatif (manifestations cardiovasculaires…) - Psychomoteur (verbal: plaintes, gémissements; non verbal: postures, attitudes antalgiques…) Prédisposition individuelle Facteurs environnementaux, familiaux, sociaux, culturels

Les antalgiques de palier 2 en pratique

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Douleurs, 2005, 6, 6

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V O T R E P R A T I Q U E

Les antalgiques de palier 2 en pratique

Jean-Louis Montastruc

INTRODUCTION, GÉNÉRALITÉS

La douleur est, en pratique quotidienne, un motif très fré-

quent de consultation. Selon une étude de 2003 réalisée en

France à la demande du Comité d’Organisation des États

Généraux de la douleur [1], 78 % des individus âgés de

18 ans et plus ont été confrontés à un symptôme doulou-

reux au cours des 2 années précédant l’enquête. Parmi ces

78 %, 86 % ont consulté un professionnel de santé et 74 %

ont reçu une prescription médicale.

La définition de ce symptôme, phénomène multidimen-

sionnel interactif, reste difficile puisqu’il associe un phéno-

mène neurophysiologique à des réactions complexes

comportementales, cognitives, émotionnelles et environ-

nementales.

En 1979, l’Association Internationale pour l’étude de la

douleur (IASP :

International Association for the Study of

Pain

) a défini la douleur en ces termes : « la douleur est

une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable,

liée à une lésion tissulaire existante en potentielle ou

décrite en termes d’une telle lésion ». Cette définition de

référence aujourd’hui, illustre bien le caractère plurifacto-

riel de la sensation douloureuse, intégrant ses diverses

composantes citées précédemment

(fig. 1)

.

Dans le cadre d’une douleur aiguë (évoluant depuis moins

de trois mois) ou chronique (persistante depuis plus de 3

à 6 mois), la prise en charge doit donc s’effectuer à l’éche-

lon individuel et tenir compte du contexte médical et du

stade de la maladie sous-jacente, des caractéristiques de la

douleur et des aspects psychologiques et culturels du

patient et de sa famille. Cette prise en charge nécessite éga-

lement une réévaluation régulière de la douleur et de l’effi-

cacité du traitement [2].

Les médicaments représentent une part importante de cet

abord du patient. Leur efficacité est conditionnée, pour en

grande partie, par la connaissance de leurs propriétés

pharmacologiques (pharmacodynamiques comme pharma-

cocinétiques) de base qui conditionnent également leur

maniement

(fig. 2)

.

Si la prescription des antalgiques dits usuels, tel que le para-

cétamol, se fait sans réserve, la prescription de dérivés

morphiniques et des opiacés semble pour les prescripteurs

plus problématique ; près de la moitié de ces derniers en

redoutent les effets indésirables et un tiers d’entre eux,

l’apparition d’une tolérance [3]. Nous proposons dans cet

article, une actualisation sur les antalgiques du palier 2.

Après un bref rappel de la classification physiopathologique

des douleurs, nous détaillerons les principales propriétés

Service de Pharmacologie Clinique, Faculté de Médecine de Toulouse.

Figure 1. Composantes et aspects du comportement douloureux (d’après F. Boureau. Pratique du traitement de la douleur, Douin, Paris, 1988).

DDDDOOOOUUUULLLLEEEEUUUURRRR

Expérience subjective Comportements observables

Émotion

Sensation

Cognition

- Somatique (mouvements de retrait,de défense….)

- Neurovégétatif (manifestationscardiovasculaires…)

- Psychomoteur (verbal : plaintes,gémissements ; non verbal :postures, attitudes antalgiques…)

Prédisposition individuelle Facteurs environnementaux,familiaux, sociaux, culturels

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pharmacologiques et les bonnes règles des prescriptions enpratique de la codéine et de ses dérivés.

CLASSIFICATION PHYSIOPATHOLOGIQUE DES DOULEURS [5]

Quatre mécanismes principaux pouvant s’intriquer sont géné-ralement impliqués. Leur identification reste déterminantepour la mise en place d’un traitement symptomatique adapté.

Douleurs par excès de nociception

Elles correspondent à une activation des voies de la dou-leur, secondaire à une stimulation nociceptive par lésion tis-sulaire : la douleur est alors révélatrice d’une lésion. Cesdouleurs représentent la grande majorité des douleursobservées en pratique médicale et répondent habituelle-ment aux antalgiques non opioïdes ou opioïdes. Il s’agit,par exemple, (de douleurs observées au cours des trauma-tismes) : coups, fractures, brûlures, des coliques néphréti-ques, des douleurs postopératoires…).

Douleurs neuropathiques

Anciennement dénommées douleurs par désafférentation oudouleurs neurogènes, ces douleurs correspondent à une hype-ractivité des voies nociceptives, consécutive à une lésion pri-maire du système nerveux (central ou périphérique).

Elles s’avèrent, en général, peu sensibles aux antalgiques

(même les opiacés). Leur prise en charge médicamenteuse

fait appel aux antidépresseurs imipraminiques, ou aux

antiépileptiques. La neurostimulation peut également s’avé-

rer efficace. On retrouve ce type de douleurs dans les dou-

leurs postzostériennes, les neuropathies du diabète, les

douleurs de la sclérose en plaques. Les douleurs cancéreuses

sont généralement d’origine mixte à la fois par excès de

nociception et de type neuropathique.

Douleurs idiopathiques

Ces douleurs, rares, qui pourraient s’expliquer par un abais-

sement du seuil nociceptif. On classe dans ce groupe la

fibromyalgie ou encore les glossodynies. Cependant, pour

beaucoup d’auteurs, l’authenticité de telles douleurs reste

discutée. Pour d’autres, elles s’apparentent aux douleurs

psychogènes.

Douleurs psychogènes

Ces douleurs caractérisées par l’absence de lésions anatomi-

ques apparentes ou décelables, apparaissent dans le

cadre d’un état dépressif ou anxieux. Elles peuvent

même n’en représenter que le seul symptôme (dépres-

sion « masquée »). Elles se ressentent et se vivent comme

les autres douleurs. Elles peuvent, par exemple, apparaî-

Figure 2. Paliers d’analgésiques de l’OMS [4].

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tre après un deuil, une séparation, un traumatisme… Cesdouleurs réagissent généralement à un médicament anti-dépresseur.

Devant un patient douloureux, l’écoute, l’interrogatoire,l’examen et l’évaluation représentent les 4 étapes prélimi-naires à la mise en route d’un traitement antalgique adapté.Des règles simples peuvent favoriser l’efficacité du traite-ment médicamenteux symptomatique.

LES BONNES RÈGLES DE PRESCRIPTION DES ANTALGIQUES EN PRATIQUE [2]

La connaissance de la pharmacologie des produits permetde déterminer l’intervalle entre chaque prise, la dose mini-male efficace, la dose plafond.

L’association de médicaments synergiques à la bonne dosepermet un renforcement de l’efficacité antalgique.

Certaines associations médicamenteuses sont inappropriéeset peuvent être à l’origine d’interactions et d’effets indési-rables potentiellement dangereux :

– prescription d’un produit adapté au type de douleur et àson intensité (si possible par voie orale) ;

– prescription en respectant l’échelle de l’OMS à3 niveaux ;

– prescription à horaire fixe pour prévenir la réapparitionde la douleur selon un rythme choisi en fonction de la demi-vie du médicament ;

– prescription individualisée en collaboration avec lepatient, avec réévaluation régulière de la symptomatologieet en s’assurant d’une bonne observance ;

– prescription tenant compte du terrain (existence d’uneinsuffisance hépatique, rénale, respiratoire, d’une allergie,de médicaments...).

LES ANTALGIQUES DE PALIER 2

Le niveau 2 de la classification de l’OMS est constitué parles opioïdes dits « faibles », indiqués dans les douleursd’intensité modérée à intense. Il est essentiellement repré-senté par 3 médicaments : la codéine, le dextropro-poxyphène et le tramadol.Un agoniste « faible » est un médicament qui possède unebonne affinité par les récepteurs morphiniques mais unfaible pouvoir activateur (d’où une activité antalgique plusréduite que celle des antalgiques dits « forts », possédantune forte affinité et déterminant une activation importante).La mise en évidence, dans les années 1970, de peptides céré-braux endogènes mimant les effets de la morphine (enképha-lines ou endorphines) a permis de mieux comprendre leseffets des médicaments morphiniques et d’en optimiser leurutilisation. On a, par exemple, décrit plusieurs types de récep-teurs morphiniques : mu, kappa, delta… dont l’activation rendcompte des effets et des interactions des divers médicamentsopiacés. On peut rappeler que l’effet antalgique de cette classepharmacologique résulte principalement de l’activation desrécepteurs mu : la morphine est l’agoniste mu de référence.Les opioïdes sont habituellement classés en 3 catégories enfonction de leur action au niveau des récepteurs

(tableau I)

: les agonistes purs (comme la morphine, agonistedes récepteurs de type mu), les agonistes partiels (stimulantde façon seulement partielle le récepteur, ici le récepteur

Tableau IClassification des opioïdes [2].

Types d’opioïdes/palier OMS

Agonistes pursAgonistes partiels

Agonistes-antagonistes

« Faibles »/palier 2 Codéine

Dextropropoxyphène

Tramadol

« Forts »/palier 2 Morphine

Péthidine

Fentanyl et dérivés

Methadone

Hydromorphine

Oxycodone

Buprénorphine Nalbuphine

Pentazocine

Les opioïdes faibles sont souvent associés à un antalgique non opioïde, généralement le paracétamol (Efferalgan-Codéine®, Diantalvic®, Ixprim®…).

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Douleurs, 2005, 6, 6

350

mu) et les agonistes-antagonistes (c’est-à-dire les médica-ments agonistes d’un récepteur (le récepteur mu) et anta-goniste d’un des autres sous-types de récepteurs opiacés(comme le récepteur kappa). Les agonistes purs n’ont pasd’effet plafond et ne réduisent pas les effets d’autres ago-nistes purs qui seraient administrés en même temps. Lesagonistes partiels et les agonistes-antagonistes ont un effetplafond et antagonisent l’effet des agonistes purs adminis-trés simultanément (ne pas associer, par exemple, bupré-morphine et morphine) [2].

En pratique, il est fortement déconseillé d’associer des ago-nistes avec des agonistes partiels-antagonistes ou avec desagonistes-antagonistes sans risque d’avoir une perte de l’effetantalgique et de voir apparaître un syndrome de sevrage.

Après avoir cités les principaux médicaments et les associa-tions représentantes du palier 2, nous passerons en revueles caractéristiques de chacun de ces médicaments.

Les principaux médicaments et associations du palier 2 chez l’adulte

(**)

[2, 6]

(tableau II)

La codéine et ses présentations

Données générales

La codéine représente le médicament de référence du palier 2(c’est-à-dire celui à utiliser, selon l’OMS, en premier). C’est unalcaloïde de l’opium isolé par Robiquet en 1932 à partir dupavot oreillette cultivé en France. Aujourd’hui, dérivé semi-synthétique, elle est produite à partir de la morphine. Sa bio-disponibilité lors de l’administration orale est de l’ordre de60 %. Elle se transforme pour 10 % en morphine, responsablede son activité pharmacologique. Sa puissance antalgique est4 à 5 fois inférieure à celle de la morphine, elle serait ainsi peutoxicomagène avec un effet dépresseur respiratoire faible [6].La dihydrocodéine a des caractéristiques proches de celles dela codéine.

Pharmacocinétique (tableau III)

On doit rappeler que la codéine se transforme en morphinesous l’action du cytochrome P2D6, dont l’expression estabsente dans 10 % de la population caucasienne. Ainsi,s’explique l’inefficacité clinique de la codéine, retrouvéechez 1 patient sur 10 environ.

Effets indésirables/précautions d’emploi

Les effets indésirables sont modérés aux doses usuelles. Cesont ceux de tous les morphiniques.

Les plus fréquents sont la constipation, (à prévenir systéma-tiquement lors d’utilisation chronique, particulièrementchez le sujet âgé), les nausées, la somnolence...

Chez le sujet âgé, la posologie initiale doit être diminuée demoitié par rapport à la posologie recommandée et augmen-

tée éventuellement secondairement en fonction des effetsindésirables et des besoins.En cas d’insuffisance rénale (clairance de la créatinine< 10 ml/mn, augmenter l’intervalle des prises (minimum8 heures).Précautions d’emploi : l’absorption d’alcool majore l’effetsédatif de la codéine.

Règle de passage aux morphiniques de palier 3

60 mg de codéine = 10 mg de morphine (facteur de conver-sion = 1/10).60 mg de dihydrocodéine = 20 mg de morphine (facteur deconversion = 1/13.

Présentations

Les présentations de la codéine sont variées :– elle peut être utilisée seule sous forme de sirop, phosphatede codéine (Codenfan

®

) présentation adaptée à l’enfant oude dihydrocodéine (Dicodin

®

) d’une durée d’action pluslongue (12 heures) permettant de réduire le nombre deprises à 2/jour ;– elle s’utilise le plus souvent en association, notamment avecle paracétamol. Cette association doit être privilégiée en raisonde la concordance des demi-vies des principes actifs. En effet,lors de l’utilisation répétée d’une association à doses fixes, il estsouhaitable que la demi-vie de chacun des composants soit voi-sine (puisque la demi-vie est un des déterminants du rythmedes prises). La codéine possède une demi-vie de 2 à 3 heures(compte tenu des métabolites) tout à fait comparable à celle duparacétamol. Cette constatation explique que les experts del’OMS préconisent en première intention pour le palier 2 cetteassociation paracétamol/codéine aux doses respectives de 350à 1 000 mg et 30 à 60 mg toutes les 4 à 6 heures [2].Pour un rapport de 6/100 entre codéine et paracétamol, onobserve une potentialisation des effets antalgiques [6].

Le dextropropoxyphène

Données générales

Dérivé morphinique de synthèse de la méthadone, son effetantalgique est légèrement inférieur à celui de la codéine.

Pharmacocinétique (tableau IV)

Effets indésirables/précautions d’emploi

Ses principaux effets indésirables, de type opioïde, corres-pondent à des gastralgies, des nausées, de la constipation, dela somnolence… Tous effets pouvant être antagonisés par lanaloxone (Nalone

®

).Une enquête du Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilancede 2001 a montré la présence dans la moitié des observa-tions de céphalées d’origine médicamenteuse du dextro-propoxyphène [7].

Page 5: Les antalgiques de palier 2 en pratique

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351

Tableau IILes principaux médicaments et associations du palier 2 chez l’adulte (**) [2, 6].

Codéine

Seule Codéine 60 mg Dicodin® Comprimés LP 1 p/12 heures max 2 cp/jour

En association Paracétamol 300 mg

Codéine 25 mg

Klipal-Codéine® Comprimés 1 à 2 cp/4 à 6 heures max 10 cp/jour

Paracétamol 400 mg

Codéine 20 mg

Codoliprane® Comprimés 1 à 2 cp/6 heures max 6 cp/jour

Paracétamol 400 mg

Codéine 25 mg

Algisedal®

Lindilane®

Comprimés 1 à 2 cp/4 heures max 6 cp/jour

Paracétamol 500 mg

Codéine 20 mg

Claradol-Codéine®

Gaosedal-Codéine®

Comprimés 1 à 2 cp/4 heures max 6 cp/jour

Paracétamol 500 mg

Codéine 30 mg

Dafalgan-Codéine®

Efféralgan Codeine®

Comprimés pelliculés, comprimés effervescents

1 à 2 cp/4 à 6 heuresmax 8 cp/jour

Paracétamol 600 mg

Codéine 50 mg

Klipal-Codéine® Comprimés 1 à 2 cp/4 à 6 heures max 5 cp/jour

Dextropropoxyphène

En association Paracétamol 400 mg

Dextropropoxyphène 30 mg

Diantalvic® Gélules 1 à 2 cp/4 heures max 6 gel/jourDialgirex®

Di-Dolko®

Dioalgo®

Dextropropoxyphène - Paracétamol

Paracétamol 400 mg

Caféine : 30 mg

Dextropropoxyphène 27 mg

Propofan® Comprimés 1 à 2 cp/4 heures max 6 cp/jour

Tramadol (Chlorhydrate)

Seule Tramadol 50 mg Biodalgic® Gé Comprimés effervescents

1 à 2 cp toutes les 4 à 6 heures max 8 cp/jour

Contramal® Gélules

Topalgic® Gélules

Trasedal® Comprimés, comprimés effervescents

Zamudol® Gélules

Zumalgic® Comprimés effervescents

Tramadol 100 mg Zumalgic® Comprimés effervescents

1 cp/4 à 6 heures max 4 cp/jour

Tramadol 100, 150, 200 mg Contramal® Comprimés LP 2 prises/jour max 400 mg/jour

Topalgic®

Zamudol® Gélules LP

Monocrixol® Gélules LP 1 à 2 gél/jour en une seule prise

(*) Les produits contenant plus de deux principes actifs ne sont pas conseillés (dosages souvent insuffisants, risque potentiellement accru d’interactions et d’effets indésirables) (accord d’experts) ; (**) Vidal 2005.

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Précautions d’emploi : la consommation d’alcool potentia-lise les effets du dextropropoxyphène. Risque d’accumula-tion et d’intoxication en cas de prise prolongée et répétéeparticulièrement chez les sujets âgés et les insuffisantsrénaux du fait de la demi-vie longue du produit et de sesmétabolites.

Dans les pays Anglo-Saxons, le dextropropoxyphène estclassiquement une des causes les plus fréquentes de mortpar surdosage médicamenteux [7].

Règle de passage aux morphiniques de palier 3

60 mg de dextropropoxyphène = 10 mg de morphine (fac-teur de conversion 1/0).

Présentations

Il est utilisé en association :

– avec le paracétamol : largement utilisée, apporte quelquesremarques. La première concerne les différences de demi-vie les deux composants. Le paracétamol a une demi-vie de2 à 3 heures, le dextropropoxyphène de 13 heures enmoyenne (et celle de son métabolite le nordextropro-poxyphène de 23 à 35 heures). L’utilisation chronique decette association fait donc courir le risque d’accumulationdu métabolite (nor-dextropropoxyphène) aux propriétésopiacées. Elle explique le risque de dépendance (fréquentchez les personnes âgées), l’hépatite (le risque d’inductiond’hépatite cholestatique lié à l’accumulation du nor-dextro-propoxyphène potentialise celui intrinsèque du paracéta-mol), les céphalées chroniques, les hypoglycémies graves.De plus, les études de pharmacologie clinique n’ont pasmontré, (à la différence de l’association paracétamol-codéine) d’effet potentialisateur de l’action analgésique dudextropropoxyphène par l’adjonction de paracétamol [7].L’agence anglaise du médicament (MHRA) a pris la décisionde retirer les produits contenant cette association auRoyaume-Uni ;

– l’association supplémentaire avec la caféine n’a pas de jus-tification pharmacologique. Aucune étude correctementmenée n’a pu démontrer un effet potentialisateur (synergi-que ou additif) de la caféine.

Le Tramadol

Données générales

Ce médicament a une efficacité se rapprochant de celle dela codéine. Il agit par un double mécanisme : morphinomi-métique (en stimulant les récepteurs de type mu comme lamorphine ou la codéine) et inhibition de la recapture de lasérotonine. Cette dernière propriété pharmacodynamiquen’a cependant pas d’implication pratique, n’apportant(selon les études bien menées) aucun effet antalgiquesupplémentaire (ou aucune spécificité d’action).

Pharmacocinétique (tableau V)

Effets indésirables/précautions d’emploi

Les effets indésirables sont les mêmes que ceux de la classedes opiacés. Les plus fréquents sont les nausées, les vomisse-ments, les vertiges, une somnolence, une hypersudation,une constipation, une sécheresse de la bouche. Commeavec le dextropropoxyphène, on a décrit des hypoglycé-mies. Comme les autres morphiniques, le tramadol exposeau risque de pharmacodépendance (toxicomanie avec usageabusif), dépendance et syndrome de sevrage à l’arrêt (1 cas/6 000). De plus, le tramadol peut aggraver ou révéler uneépilepsie (sur 12 ans, 1 cas sur 7 000 patients traités).

Tableau IIIPharmacocinétique de la codéine.

Absorption Rapidement absorbée au niveau intestinal

Distribution Concentration plasmatique maximale en 60 mn

Demie-vie plasmatique environ 3 heures chez l’adulte

Durée d’action 4 à 6 heures

Passage placentaire et diffusion dans le lait maternel

Métabolisme et élimination Métabolisme hépatique

Élimination urinaire sous forme inactive, composée essentiellement de dérivés glycurocongués

Tableau IVPharmacocinétique du dextropropoxyphène.

Absorption Résorption rapide par voie orale

Distribution Concentration plasmatique maximale en 2 heures en moyenne (1 à 5 heures) par voie orale

Demie vie plasmatique variable : 13 heures en moyenne

Durée d’action : peu prévisible 4 à 7 heures en moyenne

Diffusion dans le lait maternel

Métabolisme et élimination Métabolisme hépatique

Élimination urinaire avec présence d’un métabolite actif le norpro-poxyphène qui a une demi-vie de 23 à 35 heures

Page 7: Les antalgiques de palier 2 en pratique

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Pour minimiser les effets indésirables du Tramadol, uneposologie progressive est conseillée avec une augmentationde 50 mg tous les 4 jours ou le recours à la forme LP.Augmentation de la demi-vie du Tramadol : légère chez lesujet de plus de 75 ans, augmentation de l’intervalle de prise(9 heures) ; chez l’insuffisant rénal (12 heures).Précautions d’emploi : l’alcool majore l’effet sédatif dutramadol. Risque épileptogène avec les antidépresseurs etrisque d’apparition d’un syndrome sérotoninergiques avecles sérotoninergiques.

Règle de passage aux morphiniques de palier 3

Tramadol

per os

: facteur de conversion = 1/5 Tramadol parvoie systémique : ratio d’équi-antalgie = 0,1.

Présentations

Le Tramadol se présente sous différentes formes :– il peut être seul sous forme orale :• gélules et comprimés effervescents à 50 mg (posologiemaximale 400 mg en 4 à 6 prises) ;• gélules à libération prolongée à 100, 150 et 200 mg à2 prises/jour ;• gélules à libération prolongée à 100, 150, 200 mg à1 prise quotidienne ;• solution buvable à 100 mg/ml pour l’enfant à partir de3 ans (dose maximale 8 mg/kg/j) ;• sous forme injectable réserve à un usage hospitalier.– il peut également être utilisé en association :• avec le paracétamol (paracétamol 32,5 mg+ Tramadol37,5 mg.Ici encore, les demi-vies des deux principes actifs s’accor-dent mal : 2 à 3 heures pour le paracétamol, 6 à 5 heures(compte tenu des métabolites actifs) pour le tramadol. Le ris-que d’accumulation de métabolite opiacé (avec ses consé-quences fâcheuses en terme de pharmacodépendance et

d’effets indésirables) doit donc être connu lors d’utilisationchronique de cette association. Enfin, sur le plan pharmaco-dynamique, les études cliniques ont montré que, dans lesdouleurs aiguës (dentaires par exemple) l’association trama-dol + paracétamol n’est pas plus efficace que l’ibuprofène.Dans les douleurs chroniques, il n’y a aucune démonstrationde supériorité par rapport à codéine + paracétamol.

Des allongements de l’INR avec risque hémorragique ont étérapportés en association avec les antivitamines K.

CONCLUSION

Les médicaments antalgiques occupent une place impor-tante dans la prise en charge globale du patient douloureux.Celle-ci suppose que le médicament approprié soit choiside façon éclairée et qu’il soit administré à dose correcte età intervalles adéquats [4]. Ceci est particulièrement vraipour les antalgiques du palier 2. Leur utilisation rationnellepasse par une bonne compréhension de leur propriétéspharmacologiques de base.

Les antalgiques de palier 2 en pratique, les points clés :

– les antalgiques de palier 2 en opioïdes faibles sontdes agonistes purs, à ne pas associer aux agonistespartiels ou aux agonistes-antagonistes (risque de perted’efficacité antalgique et/ou d’apparition d’un syndromede sevrage ;

– le respect de simples règles de prescription incluantla connaissance de la pharmacologie de ce produitpermet d’obtenir une excellente analgésie dans lestableaux où la morphine n’est pas nécessaire (douleursmodérées cotées 4 à 6 sur l’EVA) ;

– préférer l’utilisation d’association de palier 2 synergique(paracétamol + codéine) ;

– se méfier de l’utilisation d’association de palier 2dans lesquels les principes actifs ont des propriétéspharmacologiques très différentes et qui sur une lon-gue durée ou à doses répétées exposent à des risquesaccrus d’effets indésirables et/ou de pharmaco-dépendance (comme dextropropoxyphène + paracéta-mol ou tramadol + paracétamol) ;

– les effets indésirables telle que la constipation,particulièrement chez le sujet âgé sont à prévenir sys-tématiquement.

RÉFÉRENCES

1.

SOFRES – États généraux de la douleur/Prise en charge de la douleur enFrance, Rapport d’études – avril 2003. Enquête téléphonique réalisée parla SOFRES à la demande du Comité d’Organisation des États Générauxde la douleur. Taille de l’échantillon : 1 007 individus de 18 ans et plusreprésentatifs de la population française en termes de sexe, âge, catégoriesocio professionnelle, région et habitat. Objectifs de l’enquête : recueillir

Tableau VPharmacocinétique du Tramadol.

Absorption Résorption rapide par voie orale

Distribution Concentration plasmatique maximale en 2 heures après administration orale : liaison aux protéines plasmatiques

Demi-vie plasmatique 5 à 7 heures

Diffusion placentaire et lait maternel

Métabolisme et élimination Métabolisme hépatique

Élimination essentiellement rénale avec présence d’un métabolite actif ayant une demi-vie de 5 à 7 heures

Page 8: Les antalgiques de palier 2 en pratique

Douleurs, 2005, 6, 6

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l’opinion de la population générale sur la qualité de la prise en charge dela douleur en France ; contribuer à dégager des axes prioritaires d’amé-lioration.

2.

Fédération Nationale des Centres de Lutte contre le Cancer, Société Fran-çaise de la Douleur, Société Francophone d’Étude de la Douleur, AgenceNationale pour le Développement de l’Évaluation Médicale. Recommanda-tion pour une bonne pratique dans la douleur du cancer chez l’adulte etl’enfant. Août 1998. Document rédigé par un groupe d’experts mis en placesous l’Égide de l’Agence Nationale pour le Développement de l’ÉvaluationMédicale. Ce groupe réuni l’expertise des deux principales sociétés savantesfrancophones (Société Française de la Douleur, Société Francophoned’étude de la douleur) et des collègues les plus expérimentés. Ce documentpropose les premières recommandations pour une prise en charge de ladouleur au cours de la maladie cancéreuse, recommandations fondées surune analyse critique de la littérature.

3.

Blanchard-Vignon O. Lesur P, Weill G. Prise en charge de la douleur chro-nique du sujet âgé à domicile. Une enquête sur la pratique et les besoinsdes médecins généralistes alsaciens. La Revue du Praticien – MédecineGénérale 1999:1603-06. Enquête réalisée en 1988 pour l’Union Régionaledes Médecins Libéraux d’Alsace en partenariat avec le service médical del’assurance maladie d’Alsace-Moselle auprès de 400 médecins généralistes,tirés au sort parmi les 2 000 médecins alsaciens. L’objectif de cette enquêteétant d’analyser la prise en charge de la douleur chronique chez la personneâgée vivant à domicile.

4.

Traitement de la douleur cancéreuse. Deuxième édition 1997. Deuxièmeédition de la brochure de 1986 proposant une méthode de traitement dela douleur cancéreuse reposant sur l’emploi d’un nombre limité de médi-caments relativement peu coûteux dont la morphine. Cette deuxièmeédition prend en compte les progrès réalisés dans les années 80, dans lacompréhension de la physiopathogénie de la douleur et dans le domaineclinique et s’y ajoute une section supplémentaire sur les problèmes liés à lamise à disposition des opioïdes.

5.

Auquier L, Arthuis M. Académie de Médecine. Rapport 65. Les avancéesdans le domaine des douleurs et de leur traitement chez l’adulte et l’enfant.2000. http://www.academie-medecine.for:upload/hase/rapports_65_fichier-lie.rtf. Mise au point réalisée en 2000 à la demande du Président de la Répu-blique par un groupe de travail au sein de l’Académie de Médecine concernantles avancées réalisées dans le domaine de la douleur et de ses traitements etde leur impact sur la pratique médicale.

6.

Dubray C, Montastruc JL, Eschalier A. Antalgiques morphiniques. In: dou-leurs aiguës, douleurs chroniques, soins palliatifs. F. Boureau éditeur.Medline Édition, 2

e

édition, 2004:84-96.

7.

Montastruc JL. Destropropoxyphène : le point sur cet antalgique depalier 2. Bulletin d’Information du Service de Pharmacologie Clinique duCHU de Toulouse ; 2003. 901 : 1-4. Article faisant une mise au pointactualisée de la pharmacologie clinique du dextropropoxyphène.

Résumé

Après un bref rappel sur la physiologie et physiopathologie de ladouleur, ce texte décrit les bases pharmacologiques de l’utilisationdes antalgiques de niveau 2 : codéine, dextropropoxyphène, tramadol,associés au paracétamol. Une bonne connaissance des donnéespharmacodynamiques et pharmacocinétiques permet de choisirl’antalgique le plus approprié.

Mots-clés :

antalgiques, palier 2, codéine, dextropropoxyphène,tramadol, paracétamol, pharmacologie.

Summary: Second-line antalgesics in clinical practice

After a rapid recall of the physiology and pathophysiology ofpain, this article describes the pharmacological basis of antal-gesic leves: codein, dextropropoxyphen, tramadol plus acetami-nophen. Good knowledge of the pharmacodynamic andpharmacokinetic properties of antalgesics is necessary for appro-priate choice.

Key-words:

antalgesic, level 2, codeine, dextropropoxyphen, tra-madol, acetaminophen, pharmacoloty.

Tirés à part : J.-L. MONTASTRUC,Service Pharmacologie Clinique,

Faculté de Médecine de Toulouse,37, allée Jules-Guesde,

31000 Toulouse.