14
Comme le souligne le texte de Corson et Doreau (2013) de ce même numéro, un critère simple pour évaluer la contri- bution d’un système d’élevage au risque de pénurie d’eau est sa consommation en eau bleue, c'est-à-dire en eau douce de surface ou souterraine. En élevage, cette eau comprend systématiquement l’eau utilisée par l’irrigation, l’eau d’abreuvement et l’eau utilisée pour le nettoyage, notamment du matériel de traite. En France, l’élevage bovin laitier consomme environ 38% de l’eau (bleue) utilisée par l’agriculture hors irrigation et plus de 75% de cette eau est destinée à l’abreuvement des animaux (Carteau et al 2010). Etant donné que, aussi bien en France qu’à l’échelle mondiale, envi- ron 90% des prélèvements d’eau par l’agriculture sont destinés à l’irrigation, l’eau d’abreuvement, toutes espèces confondues, ne représente que 0,6% de l’eau prélevée par l’agriculture à l’échelle mondiale (Steinfeld et al 2006) et 6% à l’échelle française (Carteau et al 2010). Elle ne constitue donc pas un poste de consommation pouvant faire varier de façon importante l’efficacité d’utilisation de l’eau en agriculture mais, le caractère incompressible des besoins en eau d’abreuvement en élevage et la qualité nécessaire de cette eau, fait que cet usage peut entrer en concurrence avec d’autres usages de l’eau, notamment non agricoles pendant les périodes de déficit hydrique. L’occurrence et la durée de ces épisodes pourraient augmenter de façon significative à l’avenir si on se réfère aux prévisions du GIEC (Pachauri et Reisinger 2007) et il est aussi vraisem- blable que l’étendue des zones géogra- phiques mondiales soumises à cette pro- blématique augmente du fait de l’aug- mentation de la demande mondiale pour les produits d’origine animale (Steinfeld et al 2006). L’eau d’abreuvement peut représenter un coût économique important pour les élevages, en particulier pour ceux dont l’approvisionnement est assuré par le réseau d’eau public. Il a été montré récemment que les fuites sur les réseaux de distribution d’eau des élevages bovins laitiers pouvaient engendrer des pertes d’eau significatives (Ménard et al 2012). Une grande partie de ces fuites ne peut être détectée que suite à une estimation précise du volume nécessaire à l’abreu- vement. A l’échelle française, il a été estimé que seulement 20 à 30% des éle- vages avaient recours à l’eau du réseau public (ANSES 2010) et il est vraisem- blable que cette proportion soit assez représentative des élevages laitiers. Cependant, les règles d’établissement et d’utilisation d’eau provenant de forages privés se sont énormément durcies ces dernières années, notamment par la nécessité de disposer de compteurs pour quantifier les prélèvements et par la mise en place de redevances sur les pré- lèvements les plus importants même pour un usage d’abreuvement (article L213-10-9 du code de l’environnement). Outre le coût économique que cette nouvelle réglementation peut engendrer pour les élevages les plus importants, la disponibilité de ces compteurs peut aussi être un outil pour les élevages afin de contrôler que la disponibilité en eau d’abreuvement pour le troupeau est suf- fisante. L’application du protocole d’estimation du bien-être animal Welfare Quality® (2009) aux élevages laitiers français a montré que le critère d’absence de soif était respecté de façon extrêmement hétérogène sur l’ensemble du territoire (De Boyer des Roches et al 2012). Pourtant, il a clairement été montré qu’une restriction de l’abreuvement a des effets immédiats sur les performances des vaches. Notamment, Burgos et al (2001) ont illustré qu’une restriction de 50% des quantités d’eau bue chez des vaches laitières entraîne en une journée une baisse de 10% de la production lai- tière allant jusqu’à 20% en une semaine. De ce fait, un sous-abreuvement entraîne rapidement une moindre valorisation des aliments, ce qui a des conséquences éco- nomiques importantes. Ces faits démontrent l’ampleur des enjeux qu’il y a à mieux quantifier les besoins en eau des animaux sur les sys- tèmes laitiers, notamment pour i) esti- mer les besoins incompressibles d’eau de l’élevage, notamment pendant les périodes de sécheresse où des compéti- tions peuvent apparaître entre les postes d’utilisation de l’eau, ii) mieux budgétiser les coûts d’abreuvement qui pourraient être significatifs notamment lorsque l’eau provient du réseau public d’eau potable, iii) augmenter l’efficacité d’uti- lisation de l’eau en permettant une meil- leure détection des fuites au niveau du INRA Productions Animales, 2013, numéro 3 INRA Prod. Anim., 2013, 26 (3), 249-262 A. BOUDON 1,2 , H. KHELIL-ARFA 1,2 , J.-L. MÉNARD 3 , P. BRUNSCHWIG 3 , P. FAVERDIN 1,2 1 INRA, UMR1348 PEGASE, F-35590 Saint-Gilles, France 2 Agrocampus Ouest, UMR1348 PEGASE, F-35000 Rennes, France 3 Institut de l’Elevage, 9 rue André Brouard, F-49000 Angers, France Courriel : [email protected] Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers : déterminismes physiologiques et quantification L’eau d’abreuvement représente moins de 10% de l’eau prélevée par l’agriculture dans le monde et en France, mais c’est un besoin incompressible des élevages. Les quantités journalières d’eau bue par une vache laitière sont très variables, de quelques litres avec une herbe verte en situation tempérée à plus de 120 litres avec une ration sèche. Mieux connaître les causes de ces variations et les quantifier sont des prérequis pour mieux planifier et maîtriser les quantités d’eau utilisées en élevage laitier.

Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

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Page 1: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

Comme le souligne le texte de Corsonet Doreau (2013) de ce même numéro,un critère simple pour évaluer la contri-bution d’un système d’élevage au risquede pénurie d’eau est sa consommationen eau bleue, c'est-à-dire en eau doucede surface ou souterraine. En élevage,cette eau comprend systématiquementl’eau utilisée par l’irrigation, l’eaud’abreuvement et l’eau utilisée pour lenettoyage, notamment du matériel detraite. En France, l’élevage bovin laitierconsomme environ 38% de l’eau (bleue)utilisée par l’agriculture hors irrigationet plus de 75% de cette eau est destinéeà l’abreuvement des animaux (Carteauet al 2010). Etant donné que, aussi bienen France qu’à l’échelle mondiale, envi-ron 90% des prélèvements d’eau parl’agriculture sont destinés à l’irrigation,l’eau d’abreuvement, toutes espècesconfondues, ne représente que 0,6% del’eau prélevée par l’agriculture à l’échellemondiale (Steinfeld et al 2006) et 6% àl’échelle française (Carteau et al 2010).Elle ne constitue donc pas un poste deconsommation pouvant faire varier defaçon importante l’efficacité d’utilisationde l’eau en agriculture mais, le caractèreincompressible des besoins en eaud’abreuvement en élevage et la qualiténécessaire de cette eau, fait que cetusage peut entrer en concurrence avecd’autres usages de l’eau, notammentnon agricoles pendant les périodes dedéficit hydrique. L’occurrence et la duréede ces épisodes pourraient augmenterde façon significative à l’avenir si on seréfère aux prévisions du GIEC (Pachauriet Reisinger 2007) et il est aussi vraisem-

blable que l’étendue des zones géogra-phiques mondiales soumises à cette pro-blématique augmente du fait de l’aug-mentation de la demande mondialepour les produits d’origine animale(Steinfeld et al 2006).

L’eau d’abreuvement peut représenterun coût économique important pour lesélevages, en particulier pour ceux dontl’approvisionnement est assuré par leréseau d’eau public. Il a été montrérécemment que les fuites sur les réseauxde distribution d’eau des élevages bovinslaitiers pouvaient engendrer des pertesd’eau significatives (Ménard et al 2012).Une grande partie de ces fuites ne peutêtre détectée que suite à une estimationprécise du volume nécessaire à l’abreu-vement. A l’échelle française, il a étéestimé que seulement 20 à 30% des éle-vages avaient recours à l’eau du réseaupublic (ANSES 2010) et il est vraisem-blable que cette proportion soit assezreprésentative des élevages laitiers.Cependant, les règles d’établissement etd’utilisation d’eau provenant de foragesprivés se sont énormément durciesces dernières années, notamment par lanécessité de disposer de compteurs pourquantifier les prélèvements et par lamise en place de redevances sur les pré-lèvements les plus importants mêmepour un usage d’abreuvement (articleL213-10-9 du code de l’environnement).Outre le coût économique que cettenouvelle réglementation peut engendrerpour les élevages les plus importants,la disponibilité de ces compteurs peutaussi être un outil pour les élevages afin

de contrôler que la disponibilité en eaud’abreuvement pour le troupeau est suf-fisante.

L’application du protocole d’estimationdu bien-être animal Welfare Quality®(2009) aux élevages laitiers français amontré que le critère d’absence de soifétait respecté de façon extrêmementhétérogène sur l’ensemble du territoire(De Boyer des Roches et al 2012).Pourtant, il a clairement été montréqu’une restriction de l’abreuvement a deseffets immédiats sur les performancesdes vaches. Notamment, Burgos et al(2001) ont illustré qu’une restriction de50% des quantités d’eau bue chez desvaches laitières entraîne en une journéeune baisse de 10% de la production lai-tière allant jusqu’à 20% en une semaine.De ce fait, un sous-abreuvement entraînerapidement une moindre valorisation desaliments, ce qui a des conséquences éco-nomiques importantes.

Ces faits démontrent l’ampleur desenjeux qu’il y a à mieux quantifier lesbesoins en eau des animaux sur les sys-tèmes laitiers, notamment pour i) esti-mer les besoins incompressibles d’eaude l’élevage, notamment pendant lespériodes de sécheresse où des compéti-tions peuvent apparaître entre les postesd’utilisation de l’eau, ii) mieux budgétiserles coûts d’abreuvement qui pourraientêtre significatifs notamment lorsquel’eau provient du réseau public d’eaupotable, iii) augmenter l’efficacité d’uti-lisation de l’eau en permettant une meil-leure détection des fuites au niveau du

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3

INRA Prod. Anim.,2013, 26 (3), 249-262

A. BOUDON1,2, H. KHELIL-ARFA1,2, J.-L. MÉNARD3, P. BRUNSCHWIG3, P. FAVERDIN1,2

1 INRA, UMR1348 PEGASE, F-35590 Saint-Gilles, France2 Agrocampus Ouest, UMR1348 PEGASE, F-35000 Rennes, France

3 Institut de l’Elevage, 9 rue André Brouard, F-49000 Angers, FranceCourriel : [email protected]

Les besoins en eau d’abreuvementdes bovins laitiers : déterminismesphysiologiques et quantification

L’eau d’abreuvement représente moins de 10% de l’eau prélevée par l’agriculture dansle monde et en France, mais c’est un besoin incompressible des élevages. Les quantitésjournalières d’eau bue par une vache laitière sont très variables, de quelques litres avec uneherbe verte en situation tempérée à plus de 120 litres avec une ration sèche. Mieux connaîtreles causes de ces variations et les quantifier sont des prérequis pour mieux planifier et maîtriserles quantités d’eau utilisées en élevage laitier.

Page 2: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

réseau enterré qui peut être très impor-tant pour assurer l’abreuvement aupâturage. L’objectif de cette synthèseest de répertorier les outils disponiblesdans la littérature pour quantifier lesbesoins en eau d’abreuvement des trou-peaux laitiers. Il s’agira en particulierde rappeler les principes physiologiquesqui régulent le bilan hydrique à l’échellede l’animal, de donner une vue la plusexhaustive possible des équations deprédiction et des variables prédictivesdes besoins en eau propres aux vacheslaitières et enfin de donner quelqueséléments de réflexion pour prédire lesbesoins en eau d’abreuvement du trou-peau.

1 / Bilan hydrique de l’ani-mal et homéostasie

1.1 / Les compartiments et les fluxd’eau dans l’animal

Une vache contient de 55 à 70% d’eauselon son stade physiologique (Murphy1992, Andrew et al 1995) et à un stadephysiologique donné, une perte de 20%d’eau corporelle est fatale (NRC 2001).Les pertes d’eau corporelle sont indis-pensables à une multitude de fonctionsvitales pour l’organisme comme i) ladigestion et le métabolisme car l’eau estle diluant des excrétions urinaire etfécale, ii) la régulation de la températurecorporelle par la perte de chaleur latentecutanée et respiratoire lorsque la tempé-rature ambiante augmente, iii) la pro-duction laitière car chaque kg de laitcontient en moyenne 875 g d’eau (Alais1984). Afin de permettre un renouvelle-ment de l’eau corporelle, ces pertes d’eaudoivent être compensées par des apportsqui se composent de l’eau d’abreuvement,de l’eau contenue dans les aliments in-gérés et, plus marginalement, de l’eau

métabolique issue des réactions d’oxyda-tion. L’ensemble des apports et des per-tes d’eau chez la vache laitière constituele bilan hydrique de l’animal (figure 1)et certains de ces flux sont étroitementrégulés de façon à maintenir la quantitéd’eau présente dans l’organisme.

L’eau corporelle englobe les compar-timents hydriques intracellulaire et extra-cellulaire qui sont séparés par les mem-branes plasmatiques. Chez les ruminants,l’eau corporelle est contenue pour moi-tié dans le compartiment intracellulaire(Woodford et al 1984a, Murphy 1992).Cette proportion est nettement inférieureà celle de deux tiers généralement citéechez l’Homme (Essig et Friedlander2009a), du fait du volume important descontenus digestifs des ruminants pro-portionnellement au volume corporel.A titre d’exemple, le volume ruminald’une vache Holstein adulte est enmoyenne de 100 à 150 L pour un poidsvif de 600 kg. Le compartiment d’eauextracellulaire comprend l’eau gastro-intestinale, l’eau du plasma et les liquidesinterstitiels qui remplissent les espacesintercellulaires ou qui sont contenus dansles tissus conjonctifs (Murphy 1992).Chez les bovins, l’eau gastro-intestinalereprésente environ 30% de l’eau corpo-relle, cette proportion variant avec l’ali-mentation et les conditions environne-mentales (Andrew et al 1995). L’eaucontenue dans le plasma et l’eau intersti-tielle ne représentent chacune qu’envi-ron 10% de l’eau corporelle (Woodfordet al 1984a).

1.2 / Les forces motrices de larégulation des flux d’eau

La fonction essentielle de l’eau dansl’organisme est d’assurer la solubilisa-tion des molécules nécessaire à leursinteractions lors des réactions métabo-

liques et à leurs mouvements dans lesdifférents compartiments de l’organisme(Essig et Friedlander 2009a). Cette néces-sité de solubilisation détermine le volu-me du compartiment hydrique extracel-lulaire ainsi que le volume des cellulesou volume hydrique intracellulaire. Levolume des cellules dépend avant toutdes mouvements d’eau à travers la mem-brane plasmique entre les comparti-ments intra et extracellulaire, car celle-ciest plus perméable à l’eau qu’aux molé-cules dissoutes. Les mouvements d’eausont déterminés par la tonicité des com-partiments qui est définie par le nombrede molécules non diffusibles dissoutespar volume d’eau. Dans les cellules, lesmolécules non diffusibles sont essen-tiellement le potassium et le phosphateorganique. Dans les liquides extracellu-laires, le sodium est la principale sub-stance non diffusible et la natrémie unindicateur de la tonicité de ce comparti-ment. Les différences de concentrationsont maintenues notamment grâce à despompes Na-K ATPase. Même si les cel-lules ont développé des mécanismesd’adaptation pour minimiser les varia-tions du volume cellulaire, ceux-ci sontinsuffisants pour faire face à la plupartdes perturbations de tonicité subies parl’organisme. C’est donc à l’échelle del’organisme que s’effectue l’adaptationdes contenus en eau et en molécules dis-soutes qui permet le maintien du volu-me cellulaire. Les perturbations initialesde tonicité, qu’elles soient liées à unealtération du contenu en eau ou enmolécules dissoutes, surviennent doncdans le compartiment extracellulaire etc’est à ce niveau que des régulationssont mises en œuvre avec comme consi-gne le maintien de la tonicité plasma-tique et du volume sanguin.

Parmi les flux du bilan hydriqued’une vache laitière, ce sont l’eau bueet l’excrétion urinaire qui permettent

250 / A. BOUDON, H. KHELIL-ARFA, J.-L. MÉNARD, P. BRUNSCHWIG, P. FAVERDIN

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3

Figure 1. Les principaux flux d’eau à l’échelle d’une vache laitière nourrie avec une ration à base d’ensilage de maïs et en condi-tions de thermoneutralité (Khelil-Arfa 2012). Dans cet essai la rétention d’eau corporelle était de 1 L/j.

Page 3: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers : déterminismes physiologiques et quantification / 251

d’ajuster les entrées et les sorties d’eauà l’échelle de l’organisme pour régulerla pression osmotique et le volume san-guin. Les autres flux du bilan hydriquesont pour certains peu régulés, commec’est le cas pour l’excrétion fécale, ourégulés par d’autres consignes que celledu maintien de l’eau corporelle, commec’est le cas pour l’ingestion (réguléepar les distensions du tube digestif oule métabolisme énergétique) et pourl’évaporation cutanée et respiratoire(régulée de façon à maintenir la tempé-rature corporelle) (Maia et al 2005a).Ces autres flux sont la cause des pertur-bations initiales de tonicité subies parl’organisme. En effet, les pertes diges-tives et sudorales ou respiratoires sonthypo-osmolaires par rapport au sang(Jenkinson et Mabon 1973) et entraî-nent donc une perte d’eau supérieureà celle des molécules dissoutes. Demême, l’ingestion d’aliment s’accom-pagne de l’absorption par le tube diges-tif d’une quantité importante de mo-lécules susceptibles de modifier latonicité des compartiments hydriques.

1.3 / Régulation de l’excrétionrénale

Le rein a pour rôle principal de per-mettre l’élimination des substances horsde l’organisme telle que l’urée tout enmaintenant la balance hydrique et électro-lytique de l’organisme. Les néphrons quien sont l’unité fonctionnelle, débutentpar la capsule de Bowman qui encapsuleune imbrication de capillaires au niveaudu glomérule (Cunningham et Klein2007). A ce niveau le sang est filtré,c’est-à-dire que les composants cellulai-res et les protéines de poids moléculai-res élevés à moyens sont conservés dansles capillaires alors que l’eau et les solu-tés passent dans le filtrat glomérulairedont la composition est proche du plas-ma. Chez une vache laitière, le volumejournalier filtré au niveau de la capsulede Bowman représente 2000 L/j (Khelil-Arfa 2012). Pour concentrer l’urée, lefiltrat glomérulaire va être soumis à unesuccession de concentrations et de dilu-tions lors de sa progression dans lenéphron grâce à des mouvements d’ab-sorption à travers les cellules tubulairesdu néphron permis par des aquaporineset des transporteurs d’urée (Essig etFriedlander 2009a). Ainsi, le tube proxi-mal du néphron qui prolonge le glomé-rule réabsorbe de façon iso-osmotiqueenviron les deux tiers du filtrat gloméru-laire. Environ 90% du filtrat sera réab-sorbé en l’absence de régulation dansles premiers segments du néphron enamont du canal collecteur (Cunninghamet Klein 2007). Ce n’est qu’au niveau desderniers segments du néphron (néphrondistal) que les réabsorptions d’eau et desolutés sont régulées (Cunningham etKlein 2007).

Le volume d’eau excrété par voie uri-naire dépend donc de la régulation auniveau rénal de la réabsorption d’eau,qui est avant-tout contrôlée par l’ADH(« Anti Diuretic Hormone »), aussi appe-lée vasopressine (Essig et Friedlander2009a). L’ADH a pour effet d’augmen-ter la perméabilité à l’eau du tube col-lecteur, ce qui a pour effet d’augmenterl’osmolarité de l’urine excrétée et deréduire le volume excrété (Cunninghamet Klein 2007). L’ADH est synthétiséedans l’hypothalamus et sécrétée par laposthypophyse de façon très rapide enréponse à une augmentation de la toni-cité plasmatique et cette relation entre lasécrétion d’ADH et l’augmentation dela tonicité plasmatique est amplifiée ensituation d’hypovolémie, c’est-à-dire dedéficit de volume sanguin dans le sys-tème circulatoire (Essig et Friedlander2009a). L’ADH est également stimuléepar l’angiotensine II au sein du systèmerénine-angiotensine-aldostérone (Cun-ningham et Klein 2007). Ce système eststimulé par la baisse du volume sanguinet de la natrémie pour maintenir la balan-ce hydro-sodée de l’organisme.

1.4 / Les mécanismes de la soif Nous avons vu qu’un déficit en eau

intra et extracellulaire entraîne une baissede l’excrétion urinaire, mais ces méca-nismes de régulation ne peuvent restau-rer le volume hydrique corporel initial àlong terme sans une activation conjointede la soif (McKinley et Johnson 2004,Essig et Friedlander 2009a). Les stimulide déclenchement de la soif sont simi-laires à ceux de la réabsorption rénale.Un déficit de volume plasmatique de plusde 8-10% au niveau cardiaque ou dans lesvaisseaux sanguins où des barorécep-teurs sont présents provoque une soifsignificative (Fitzsimons 1998) et undéficit de 1 à 2% d’eau cellulaire, ou depression osmotique du milieu extracel-lulaire déclenche la soif (Fitzsimons1998). Ces stimuli activent plus ou moinsdirectement une zone cérébrale souventappelée centre de la soif (Fitzsimons1998). Cette zone permet l’intégration parle système nerveux central des signauxhormonaux, neuronaux et chimiquespériphériques susceptibles de déclencherla soif (McKinley et Johnson 2004).Elle a aussi un rôle central sur l’appétiten sodium et les régulations cardio-vas-culaires (Fitzsimons 1998) et est forte-ment stimulée par l’angiotensine II ausein du système rénine-angiotensine-aldostérone (Fitzsimons 1998, McKinleyet Johnson 2004, Essig et Friedlander2009a). Cette zone est enfin sous ladépendance d’afférences oropharyngéesinhibitrices, stimulées par l’ingestiond’eau, permettant d’arrêter l’apporthydrique avant que ce dernier ne pro-voque une chute brutale de tonicité plas-matique (Essig et Friedlander 2009a).

2 / La quantification desbesoins en eau des vacheslaitières : équations de pré-diction et principaux fac-teurs de variation

2.1 / Les équations de prédictionde l’eau bue et de l’eau totaleingérée

De nombreuses équations ont été éta-blies pour prédire les quantités d’eaubue ou d’eau totale ingérée par les vacheslaitières (tableau 1), l’eau totale ingéréeétant la somme de l’eau bue et de l’eaucontenue dans les aliments ingérés.Toutes ces équations ont été établies parrégression multiple pour la majeure par-tie, ou par régression simple. Le nombrede données qui sous-tend ces équationsest très variable, de plus de 2 000 don-nées journalières déclarées (Meyer et al2004, Cardot et al 2008), à moins de 30données qui sont parfois des moyennessur plusieurs jours et plusieurs individus(Murphy et al 1983, Stockdale et King1983, Dahlborn et al 1998, Kume et al2010). Un autre élément qui différencieles jeux de données supportant de ceséquations est la gamme de variabilitédes rations, des niveaux de productionet des conditions météorologiques. Ainsiles équations de Stockdale et King (1983)ont été exclusivement développées à par-tir de données de vaches laitières aupâturage, celles de Kume et al (2010) àpartir de données de vaches nourriesavec des rations à base d’ensilage d’her-be et celle de Murphy et al (1983) à par-tir de données de vaches nourries avecune même ration composée de 40%d’ensilage de maïs et 60% de concentréavec différents niveaux de complé-mentation sodée. Le tableau 2 résume lesconditions d’obtention des équationsrecensées dans la littérature.

2.2 / Les principaux facteurs devariation de l’eau bue et de l’eautotale ingérée chez la vache lai-tièrea) La teneur en matière sèche de laration

Il ressort clairement des équationsrépertoriées dans le tableau 1 que la pre-mière variable prédictive des quantitésd’eau bue par les vaches laitières est lateneur en Matière Sèche (MS) de laration. Cette variable apparaît dans 11des 14 équations répertoriées. Deux destrois équations n’incluant pas la teneuren MS de la ration avaient été établiessur des données dans lesquelles la rationdistribuée était toujours identique (Littleet Shaw 1978, Murphy et al 1983).L’équation de Meyer et al (2004) est la

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3

Page 4: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

252 / A. BOUDON, H. KHELIL-ARFA, J.-L. MÉNARD, P. BRUNSCHWIG, P. FAVERDIN

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3

Sources Lieu N(1) R2(1) Pred(1) Equations eau bue/totale ingérée (L/j)(2) Castle et Thomas (1975) Royaume-Uni 66 3ETR EB [1] = 2,53 x PL + 0,45 x MS % - 15,30

Little et Shaw (1978) Royaume-Uni 112 0,58 EB [2] = 2,15 x MSI + 0,73 x PL + 12,3

Stockdale et King (1983) Australie 15 0,96 EB [3] = - 9,37 + 2,3 x MSI + 0,53 x MS %

Murphy et al (1983) Urbana,

Etats-Unis 19 0,59 EB [4] = 15,99 + 1,58 x MSI + 0,90 x PL + 0,05 x NaI + 1,20 x Tmin

Holter et Urban (1992)

(vaches en lactation)

Durham

Etats-Unis 329

0,69

0,19 EB

[5] - 32,39 + 2,47 x MSI + 0,6007 x PL + 0,62 x MS % + 0,091 x JD

- 0,000257 x JD2

[6] = - 68,28 + 4,76 x MS % - 0,038 x MS %

Holter et Urban (1992)

(vaches taries)

Durham

Etats-Unis 60

0,46

0,42 EB [7] = - 10,34 + 0,22 x MS % + 2,21 x MSI + 0,039 x MATr %

Dahlborn et al (1998) Suède 24 0,67 EB [8] = 14,3 +1,24 x PL + 0,32 x MS %

Meyer et al (2004) Allemagne 12821 0,60 EB [9] = -26,12 + 1,516 x Tmoy + 1,29 x PL + 0,058 x PV + 0,40 x NaI

Cardot et al (2008) France 1837 0,45 EB [10] = 1,54 x MSI + 1,33 x PL + 0,89 x MS % + 0,57 x Tmin - 0,3

x Pluv - 26,65

Kume et al (2010)

(vaches en lactation) Japon 16 0,66 EB [11] = 1,58 x MS % - 3,4

Kume et al (2010)

(vaches taries) Japon 30 0,67 EB [12] = 0,91 x MS % - 18,8

Khelil-Arfa et al (2012) France 232 0,92

0,86 EB

[13] = 0,83 x MS % + 3,22 x MSI + 0,92 x PL - 0,28 x CONC %

+ 0,037 x PV - 77,6

[14] = 0,97 x MS % + 1,54 x PL - 0,29 x CONC % + 0,039 x PV - 41,1

Paquay et al (1970a)

(vaches taries) Belgique 32

0,88

0,93 ETI

[15] = 5,47 x MSI - 2,58 (aliment humide)

[16] = 4,55 x MSI - 7,31 (aliment sec)

Stockdale et King (1983) Australie 8 0,99 ETI [17] = 11,34 + 4,63 x MSI - 0,0036 MS % + 0,84 Tmoy

Holter et Urban (1992)

(vaches taries)

Durham

Etats-Unis 60 0,99 ETI

[18] = 35,19 + 0,98 x EB - 0,011 x PV + 1,081 x MSI + 1,18 x MATr %

- 0,038 x MATr2 %-0,99 x MS % + 0,0054 x MS %2

Kume et al (2010)

(vaches en lactation) Japon 16

0,56

0,26

0,86

0,50

0,85

ETI

[19] = 36,3 x K ration % + 27,4,

[20] = 4,15 x MATr % + 29,4

[21] = 6,24 x MSI - 31,0,

[22] = 0,129 x NaI + 26,4

[23] = 0,14 x KI + 40,6

Kume et al (2010)

(vaches taries) Japon 30

0,53

0,36

0,40

0,63

0,74

ETI

[24] = 7,43 x K ration % + 12,8

[25] = 1,51 x MATr % + 7,60

[26] = 5,91 x MSI - 15,2

[27] = 0,14 x NaI + 4,28

[28] = 0,10 x KI + 11,1

Khelil-Arfa et al (2012) France 232 0,87

0,82 ETI

[29] = 3,89 x MSI + 9,4.10-3 x MATf + 0,81 x PL - 0,8 x MATc - 0,94

[30] = 1,56 x PL + 1,9 x MATf + 43,3

(1) N : Nombre de données ; R2 de l’équation donnée dans la publication ; Pred : variable prédite, EB : Eau Bue (L/j), ETI : Eau Totale Ingérée (L/j) ; ETR : Ecart-Type Résiduel. (2) MSI : Matière Sèche Ingérée (kg/j) ; MS % : Teneur en Matière Sèche de la ration (%) ; PL : Production Laitière (kg/j) ; PV : Poids Vif (kg) ; Tmin : Température ambiante minimale journalière (°C) ; Tmoy : Température ambiante moyenne (°C) ; Pluv : Pluviométrie journalière (mm/j) ; JD : Rang du jour julien dans l’année en cours ; MATr: Teneur en Matière Azotée Totale de la ration (% MS) ; MATf : Teneur en Matière Azotée de la ration provenant du fourrage (% MS) ; MATc : Teneur en Matière Azotée de la ration provenant du concentré (% MS) ; NaI : Quantités journalières de sodium ingéré (g/j) ; KI : Potassium ingéré (g/j).

Tableau 1. Les équations de prédiction recensées de l’eau bue et de l’eau totale ingérée journalières par les vaches laitières.

Page 5: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers : déterminismes physiologiques et quantification / 253

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3

seule équation à ne pas faire ressortir lateneur en MS de la ration comme para-mètre prédictif malgré une forte variabi-lité de ce paramètre dans le jeu de don-nées, peut-être du fait d’une forte variabi-lité associée des quantités de sodiumingéré, des productions laitières ou destempératures ambiantes.

A contrario, la teneur en MS de laration a beaucoup moins d’influencesur les quantités d’eau totale ingérée(tableau 1, Khelil-Arfa et al 2012). Lateneur en MS de la ration est la réci-proque de la teneur en eau de la ration.Dans le tube digestif, l’eau bue et l’eaucontenue dans les aliments ingérés ont desdevenirs légèrement différents (Woodfordet al 1984b, Faichney et Boston 1985,Cafe et Poppi 1994), mais elles contri-

buent toutes deux à la dilution du milieuintérieur et à la mise en œuvre des régu-lations hydriques à l’échelle de l’orga-nisme. L’eau contenue dans les alimentsest rarement suffisante pour permettre àl’animal de réguler la tonicité et le volumeplasmatique et l’ingestion d’eau couvreles besoins en eau non couverts par laration. Cela a été vérifié par de nombreu-ses observations expérimentales. Ainsi,lorsque la teneur en MS de la ration estle principal facteur de variation, lors deséchage ou de trempage partiel de laration par exemple, il ressort très claire-ment que les quantités d’eau bue par lesvaches laitières diminuent linéairementlorsque le taux de MS diminue, jusqu’àdevenir quasiment nulles lorsque cedernier atteint 11 à 13%, alors que lesquantités d’eau totale ingérée ne varient

proportionnellement pas (Cabrera-Estrada 2003). Ainsi avec des rations àbase de fourrages conservés secs, l’eaubue représente jusqu’à 78-90% de laquantité totale d’eau entrant dans le bilanhydrique des vaches laitières (Holter etUrban 1992, Cardot et al 2008) alors quecette proportion peut être inférieure à30% avec des rations humides à based’ensilage ou au pâturage (Stockdale etKing 1983).

b) L’ingestion d’aliment et la produc-tion laitière

Si la teneur en MS de la ration ressortcomme la première variable prédictivedes quantités d’eau bue par les vacheslaitières, c’est la quantité de MS ingéréequi ressort comme la première variable

Auteurs Nb. N° Equat. MS (%)(1) MSI

(kg/j) (2) PL

(kg/j) (3) PV

(kg) (4) MAT (%)(5)

Na (g/kg)

K (g/kg)

Temp (°C)

(a) 1752 15, 16 Ensilages, herbe verte

et foin 7,6 ± 2,11 0 550 ± 75

(b) 66 1 50 ± 22,4 15,3 ± 2,19 16.8 ± 2,84 8,2 ± 2.57

(c) 112 2 87 ± 1.5 13,3 ± 0,14 21,4 ± 0,31 476 ± 12,2 15.0 ± 0.27 1,33 ± 0,024 10,3 ± 0,19 15,0 ± 0,72

(d) 15 3 30 ± 12,2 10.2 ± 2.74 16,7 ± 3,2

(e) 8 17 46 ± 28, 13,2 ± 2.42 13,2 ± 2,4

(f) 76 4 62 ± 5(6) 19,0 ± 3,99 33,1 ± 6,13 580 ± 30 17,0 ± 0,34 4.0 ± 2,33 13,6 ± 6,92

(g) 329 5, 6 50 ± 7,2 18,7 ± 2,8 34,6 ± 6,8 640 ± 49 16,1 ± 2,1

(h) 60 7 60 ± 24,4 10,3 ± 2,27 0 640 ± 49 16 ± 3,2

(i) 24 8 70 ± 21,8 18,2 ± 1.9 25 ± 2,6 624 ± 5,7(7)

(j) 12821 9 55 ± 9,5 20,5 ± 3,9 31,1 ± 7,7 628 ± 61 2,1 ± 0,25 17,0 ± 1,80 8,6 ± 7,1

(k) 1837 10 48 ± 5,0 20,6 ± 3,3 26,5 ± 5,9 14,5 ± 0,7 3.8 ± 4,4(8)

(l) 16 11, 19, 20, 21, 22, 23

51 ± 9,5 20,7 ± 2,2 29,5 ± 3,5 609 ± 48 16,6 ± 2.0 19,6 ± 3,2 20 ± 2,0

(m) 30 12, 24, 25, 26, 27, 28

38 ± 11,0 7,7 ± 1,0 0 619 ± 66 15 ± 3,8 23,5 ± 9,3 20 ± 2,0

(n) 232 13, 14, 29, 30 61 ± 29,1 17.8 ± 4,11 24.9 ± 8,36 630 ± 86,6 15 ± 2,0

(1) MS : Matière Sèche ; (2) MSI : Matière Sèche Ingérée ; (3) : PL : Production Laitière ; (4) PV : Production Viande ; (5) MAT : Matière Azotée Totale ; (6) écart-type estimé, (7) moyenne de 2 données sur 2 lots en début d’essai, (8) min 0,1 ± 4. (a) Paquay et al (1970a) Vaches taries ; (b) Castle et Thomas (1975) ; (c) Little et Shaw (1978) ; (d) Stockdale et King (1983) Eq. [3] ; (e) Stockdale et King (1983) Eq. [17] ; (f) Murphy et al (1983) ; (g) Holter et Urban (1992) Vaches en lactation ; (h) Holter et Urban (1992) Vaches taries ; (i) Dahlborn et al (1998) ; (j) Meyer et al (2004) ; (k) Cardot et al (2008) ; (l) Kume et al (2010) Vaches en lactation ; (m) Kume et al (2010) Vaches taries (n) Khelil-Arfa et al (2012).

Tableau 2. Gammes de variation des jeux de données utilisés pour construire les équations de prédiction des besoins en eaudes vaches laitières (moyenne ± écart-type).

Page 6: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

prédictive de l’eau totale ingérée dans lamajorité des équations recensées (Paquayet al 1970a et b, Stockdale et King 1983,Kume et al 2010, Khelil-Arfa et al 2012).C’est aussi le premier facteur de varia-tion de la quantité d’eau bue dans leséquations établies sur des jeux de don-nées avec très peu de variabilité de lateneur en MS de la ration (Little et Shaw1978, Murphy et al 1983, Stockdale etKing 1983) et le second dans les équa-tions établies sur des jeux de donnéesavec une forte variabilité de la teneur enMS de la ration (Holter et Urban 1992,Khelil-Arfa et al 2012). Avec les jeux dedonnées utilisés pour établir les équa-tions de prédiction des quantités d’eaubue ou d’eau totale ingérée de Khelil-Arfa et al (2012), le retrait de la MSingérée des variables prédictives candi-dates a réduit considérablement la pré-cision des équations. Dans quelqueséquations prédictives des quantités d’eaubue, la quantité de MS ingérée apparaîtcomme un prédicteur moins bon que laproduction laitière (Castle et Thomas1975, Dahlborn et al 1998, Meyer et al2004). Cependant, chez les vaches lai-tières, la quantité de MS ingérée est trèscorrélée à la production laitière, d’autantplus si les données utilisées incluent desobservations uniquement de vaches enlactation, avec peu de variabilité dupotentiel génétique ou du stade de lacta-tion. Cette corrélation peut être à l’ori-gine de colinéarité, ce qui explique sansdoute la grande variabilité des pentes del’un et de l’autre de ces facteurs dans lesrégressions multiples. A titre d’exemple,la pente de la quantité d’eau bue va de1,54 à 2,47 L/kg de MS ingérée et de0,60 à 2,53 L/kg lait sur les équationsrépertoriées dans le tableau 1.

En absence de charge osmotique éle-vée à l’échelle de l’organisme et de stressthermique, il a été établi chez plusieursespèces de mammifères que la quantitéd’eau bue est proportionnelle à la con-sommation énergétique. Chez l’Homme,les apports journaliers recommandésont été fixés dans de nombreux paysentre 1 à 1,5 mL/kcal d’énergie bruteingérée (EFSA 2010). Chez les rumi-nants, Silanikove (1989) a montré avecdes chèvres taries de différentes racesadaptées ou non à la chaleur, que laquantité d’eau totale ingérée était reliéeà la quantité d’énergie ingérée à raisonde 1,1 mL/kcal d’énergie brute ingéréeou 0,9 mL/kcal d’énergie digestible.Cette relation entre l’ingestion d’éner-gie et d’eau serait due à la proportionna-lité entre la consommation d’oxygène etle taux de renouvellement du comparti-ment hydrique corporel, proportionnalitéqui serait très stable lorsque l’on compa-re plusieurs genres et espèces de mam-mifères (Macfarlane et Howard 1972,Silanikove 1989). Cependant, cette rela-tion entre l’ingestion d’eau et d’énergie

ne résulte pas d’un système de régula-tion commun ou de relations stœchio-métriques identifiées impliquant ces deuxentités, mais plutôt de quelques pointsde convergence entre les régulations dumétabolisme énergétique et celles del’équilibre hydrique. Le point de conver-gence le plus important est que l’acted’ingestion d’aliment en soi entraineune séquence d’ingestion d’eau, de façontrès systématique chez les monogas-triques, mais aussi dans une moindremesure chez les ruminants (Langhans etal 1995). La causalité entre l’ingestiond’aliment et l’ingestion d’eau s’expliquenotamment par des stimuli sensoriels lorsde l’ingestion d’aliment, comme une sen-sation de sécheresse dans la bouche et lamise en œuvre de la sécrétion salivaire,mais aussi par l’occurrence de stimuliosmotiques au niveau du tractus intesti-nal suite à l’arrivée d’aliment, ou encorepar une hypertonicité du milieu intérieursuite à l’absorption des nutriments, quin’est observée que suite à l’ingestion degros repas après un jeûne, mais qui estsurement anticipée par l’animal aprèsapprentissage (Langhans et al 1995).

Chez les ruminants, en l’absence destress thermique, les recommandationsd’apports en eau ont été rarement expri-mées en fonction de l’énergie ingérée. Lesrecommandations de l’INRA (1988),reprises par l’ANSES (2010), donnent unbesoin en eau de l’ordre de 4,5 à 5,5 L/kgde Matière Sèche Ingérée (MSI) pour desvaches laitières. Ce besoin correspondenviron aux pentes des équations [15] et[16] de Paquay et al (1970a) (tableau 1)obtenues pour des vaches taries alimen-tées avec des rations humides à base d’en-silage ou d’herbe (pente de 4,5 L/kg MSingérée), ou avec des rations sèches à basede foin (pente de 5,5 L/kg MS ingérée).Il est possible que ces recommandationssoient un peu faibles pour des vaches enlactation si l’eau contenue dans le laitn’est pas prise en compte dans les quan-tités recommandées d’eau totale ingérée,en considérant par exemple une teneuren eau moyenne du lait de 87,5% (Alais1984). Si on considère grossièrement quel’aliment est une ration équilibrée avecune teneur moyenne de 1 UFL/kg MS,soit 1 700 kcal/kg MS, le chiffre de 5 Ld’eau/kg MS ingérée conduit à une esti-mation de 2,4 mL/kcal d’EB ingérée cequi est élevé par rapport à la valeur de1 mL/kcal d’EB ingérée établie parSilanikove (1989). Il est probable queces écarts s’expliquent en partie par desdifférences de teneurs des rations enélectrolytes ou en matières azotées quidoivent être excrétés par voie urinaire.

c) Effets des teneurs en sodium, potas-sium et azote de la ration

Chez des vaches laitières non soumi-ses à des situations de stress thermique,

les pertes urinaires d’eau sont en pre-mier lieu déterminées par les teneurs enélectrolytes, et notamment en sodium eten potassium, ainsi qu’en azote de laration (Bannink et al 1999). Il est vrai-semblable que les pertes urinaires d’eausoient en partie corrélées aux besoins eneau des vaches. Ainsi, les teneurs enélectrolytes et en azote de la rationdevraient faire varier de façon notableles besoins en eau pour un même niveaud’ingestion. L’EFSA (2010) définit pourl’Homme une charge rénale potentielle enélectrolytes qui est calculée à partir dela somme des moles de Na, K, Cl, P etN ingérées. Les teneurs en électrolytesou en azote de la ration ont été considé-rées de façons très hétérogènes dans leséquations de prédiction recensées, notam-ment du fait de la difficulté de les quan-tifier précisément.

Deux équations du tableau 1 proposentd’intégrer la teneur en sodium de la rationdans les variables prédictives des quan-tités d’eau bue (Murphy et al 1983, Meyeret al 2004). L’équation de Murphy et al(1983) résulte de mesures dans des essaisvisant à quantifier l’effet d’ajouts de selsminéraux dans l’alimentation de vacheslaitières et elle a donc été établie sur unjeu de données présentant une grandevariabilité de la teneur en sodium desrations. La relation positive entre les volu-mes d’eau bue et l’ingestion de sodiumest due au fait que le sodium est le prin-cipal indicateur de la tonicité du volumehydrique corporel extracellulaire (cf. §1.2). Ainsi, l’augmentation de la teneuren sodium plasmatique en réponse àl’augmentation d’ingestion de sodiumdéclenche directement la soif du fait dela hausse de la tonicité plasmatiqueassociée (Essig et Friedlander 2009b).De plus, le bilan sodique de l’organismeest avant tout régulé au niveau du rein,notamment par le système rénine-angio-tensine-aldostérone, par l’intermédiaireduquel une hausse de l’osmolarité plas-matique a pour effet d’augmenterconjointement l’excrétion urinaire desodium et d’eau. Dans la pratique, il esttrès difficile d’estimer les quantités desodium ingéré par les vaches laitières.Les aliments pour ruminants ont desteneurs souvent trop faibles pour cou-vrir les besoins physiologiques d’ani-maux productifs (Meschy 2010) et il estalors nécessaire de laisser à dispositiondu troupeau des pierres à sel dont l’in-gestion peut être très variable d’un jourà l’autre ou entre individus, et difficile-ment mesurable. C’est une des raisonsqui fait que ce paramètre est peu présentdans les équations de prédiction.

Parmi les équations recencées dans letableau 1, Kume et al (2010) sont lesseuls à avoir identifié un effet de laquantité de potassium ingérée sur l’in-gestion d’eau. Ceci est cohérent avec le

254 / A. BOUDON, H. KHELIL-ARFA, J.-L. MÉNARD, P. BRUNSCHWIG, P. FAVERDIN

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3

Page 7: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

fait que le potassium ingéré est aussiune variable prédictive du volume uri-naire excrété chez le ruminant (Banninket al 1999). A la différence du sodium,les rations alimentaires des ruminantssont souvent excédentaires en potassium,notamment si elles sont basées sur dupâturage ou sur de l’ensilage d’herbe(Meschy 2010). Les liaisons entre lesmécanismes de régulation de l’excrétiondu potassium et du bilan hydrique sontmoins claires que pour le sodium. Commele sodium, le potassium est principale-ment excrété au niveau du rein, du moinsen cas d’absence d’insuffisance rénaleavérée (Houillier 2009). La régulation del’excrétion du potassium est avant toutmise en œuvre par une augmentation dela sécrétion d’aldostérone suite à un excèsdurable de potassium dans l’organisme(Houillier 2009). L’aldostérone a poureffet de favoriser la sécrétion de potas-sium au niveau du tube collecteur desnéphrons, ce qui pourrait s’accompagnerd’une moindre réabsorption d’eau dufait du gradient d’osmolarité croissantentre la lumière du tube collecteur et leszones cortico-papillaires interstitielles(Houillier 2009).

La teneur en Matière Azotée Totale(MAT) de la ration est une variable pré-dictive dans une des équations de pré-diction de l’eau bue recensées dans letableau 1 (Holter et Urban 1992) et dansquelques équations de prédiction del’eau totale ingérée (Kume et al 2010,Khelil-Arfa et al 2012). L’équation deprédiction de l’eau totale ingérée deKhelil-Arfa et al (2012) inclut mêmedistinctement la teneur en MAT prove-nant du fourrage de la ration et la teneuren MAT provenant du concentré de laration. Un des rôles du rein est de per-mettre l’excrétion rénale d’urée qui est

aussi un élément important de l’osmo-larité de l’urine (Bannink et al 1999).Ainsi, une ingestion importante d’azotepar rapport aux besoins de l’animalentraine aussi une hausse de la teneur enurée plasmatique, une excrétion accrued’urée urinaire (Burgos et al 2007) etune augmentation du volume urinaire(Bannink et al 1999).

Enfin, il est possible que la teneur enMS de la ration puisse constituer unindicateur indirect, mais assez simple àcaractériser de la charge osmotique de laration. Ceci pourrait expliquer qu’elleapparaisse comme une variable prédic-tive secondaire de l’eau totale ingéréedans plusieurs équations (Paquay et al1970a, Stockdale et King 1983, Holteret Urban 1992). La teneur en MS de laration est positivement corrélée à lateneur en MAT et en potassium desrations lorsqu’on que l’on compare desrations ou des fourrages (Paquay et al1970a, Khelil-Arfa et al 2012). Ceci estsans doute encore plus vrai pour les plan-tes entières pour lesquelles les teneursen protéines sont liées à l’importance descontenus cellulaires, ce qui peut expli-quer la relation avec les électrolytes etl’existence d’une meilleure relation pourles fourrages que pour les alimentsconcentrés.

d) Effets des paramètres météorologiques

Pour des vaches laitières en lactation,il est établi que les pertes d’eau parévaporation cutanée et respiratoire aug-mentent de façon exponentielle avec latempérature ambiante et deviennentsignificatives dès que la températuredépasse 14°C (Silanikove 2000, Maia etal 2005a et b, figure 2). Ces pertes nesont pas toujours perceptibles à l’œil nu

car elles comportent des pertes d’eaupar voie respiratoire ainsi que des per-tes d’eau par voie cutanée qui peuvent seproduire sans transpiration apparentelorsque la température reste modérée.On parle alors de perspiration insensi-ble. Malgré tout, ces pertes peuvent avoirdes répercussions très importantes sur lebilan hydrique de l’animal et elles doi-vent être compensées par les mécanis-mes cités dans la première partie pourmaintenir tonicité et volémie sanguine.Les pertes d’eau par évaporation per-mettent aux vaches laitières de régulerleur température corporelle autour de38°C en particulier dans des conditionsde fortes températures selon les méca-nismes de régulation thermique des ani-maux homéothermes notamment décritsdans la revue de Silanikove (2000).Chaque litre d’eau évaporée permet ladissipation de 2 500 kJ.

Pourtant, seule une minorité des équa-tions de prédiction des quantités d’eaubue ou d’eau totale ingérée recenséesdans le tableau 1 inclut des paramètresprédictifs se rapportant aux conditionsmétéorologiques et en particulier à latempérature ambiante. Lorsqu’ils sontinclus, ces paramètres sont soit la tem-pérature ambiante minimale ou moyen-ne, associée ou non à la pluviométrie(Murphy et al 1983, Stockdale et King1983, Meyer et al 2004, Cardot et al2008) ou des critères indirects comme lerang de jour julien dans l’année en cours(Holter et Urban 1992). La raison de lafaible prise en compte des conditionsmétéorologiques est d’une part, qu’ellesn’ont sans doute pas toujours été carac-térisées dans les jeux de données quisous-tendent les équations du tableau1 et, d’autre part, que la températureambiante est restée assez faible et peu

Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers : déterminismes physiologiques et quantification / 255

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3

0

10

20

30

40

50

60

70

14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36

Qua

ntité

d'e

au é

vapo

rée

(L/j)

Température moyenne journalière (°C)

Perte cutanée

Perte respiratoire

Perte totale

0

10

20

30

40

50

60

15 17 19 21 23 25 27 29 31 33

Qua

ntité

d'e

au to

tale

éva

poré

e (L

/j)

Température moyenne journalière (°C)

70

Surplus d’eau nécessaireà la thermorégulation

dans le modèlede Boudon et al (2002)

Figure 2. Effet de la température moyenne sur la quantité d’eau évaporée par une vache laitière en lactation de 600 kg d’aprèsle modèle de Maia et al (2005a et b) et sur le surplus d’eau nécessaire à l’évaporation d’après l’équation simplifiée de Boudonet al (2012).

Page 8: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

variable lorsqu’elle a été mesurée (tableau2). De plus, l’approche par régressionmultiple qui a été privilégiée pour l’éta-blissement des équations du tableau 1,peut entraîner des confusions partiellesentre des paramètres météorologiques etd’autres paramètres liés à la conduitedes animaux comme le stade de lactationou les conditions d’alimentation trèsvariables avec la saison. Ceci peut nuirefortement à l’extrapolation d’équationsétablies dans un système et sur un sitegéographique donné à d’autres contextes.

Certains travaux, non répertoriés dansle tableau 1 proposent également descorrectifs de l’effet de la températuresur les besoins en eau des vaches laitiè-res, à ajouter aux besoins calculés parailleurs en conditions de températuremodérée. Un correctif a été intégré auxéquations de prédictions de Khelil-Arfaet al (2012) des besoins en eau dès quela température ambiante dépasse 15°C.Ce correctif, présenté à la figure 2, prenden compte l’effet de la température jour-nalière moyenne sur la quantité d’eauévaporée par des vaches en lactation,estimé par les équations de Maia et al(2005a et b) obtenues à partir des mesu-res directes de l’évaporation par descapsules cutanées et des masques respi-ratoires. La validité de cette démarche

repose sur l’observation que lorsque latempérature ambiante augmente, l’aug-mentation des quantités d’eau évaporéepar les vaches laitières est entièrementcompensée par une augmentation desquantités d’eau bue lorsque ces flux sontrapportés à la MS ingérée (Khelil-Arfa2012). Il a été vérifié par les travaux deKhelil-Arfa et al (2012) que les modèlesde Maia et al (2005a et b) qui ont l’avan-tage de la simplicité, pouvaient s’adap-ter pour des vaches laitières dans d’autrescontextes de mesure. Par ailleurs, il aaussi été proposé par l’INRA (1988) demajorer les besoins en eau de 30, 50 ou100% si la température ambiante, vrai-semblablement maximale journalière,dépassait respectivement 20, 25 ou 30°C.

Au-delà de la température ambiante,la pluviométrie apparaît comme unevariable prédictive des quantités d’eaubue par les vaches laitières dans l’équa-tion de Cardot et al (2008), mais ceparamètre, bien que significatif dans larégression n’explique qu’une très faibleproportion, inférieure à 0,1%, de la varia-bilité de l’eau bue. Les mécanismessous-jacents ne sont pas clairementconnus. Il est établi que l’humidité rela-tive joue un rôle important sur l’adapta-tion à la chaleur car elle peut compro-mettre les capacités de l’animal à dissiper

la chaleur corporelle et conduire à desbaisses notables d’ingestion de MS(Silanikove 2000). Cependant, l’équationde Cardot et al (2008) a été établie dansdes conditions de température ambianteplutôt faible. De plus, même en situa-tion de forte chaleur, on peut supposerque l’effet potentiel de l’humidité relativesur l’ingestion d’eau puisse en grandepartie être pris en compte à travers l’in-gestion des animaux qui est une variableprédictive clé de l’ingestion d’eau. Eneffet, il est vraisemblable que la pluvio-métrie et la hausse d’humidité relativequi en découlent puissent être partielle-ment confondues avec la teneur en MSde la ration. Au pâturage, les travaux deCabrera-Estrada (2003) ont bien montréque la pluviométrie peut avoir un effettrès important sur la teneur en MS del’herbe et que cela avait des répercus-sions négatives sur l’ingestion d’eau.

2.3 / Évaluation de la précisiondes équations de prédiction desquantités d’eau buea) Démarche

Les équations de prédiction desbesoins en eau des vaches laitièresrecensées dans le tableau 1 ont été éta-blies dans des contextes divers de rations,

256 / A. BOUDON, H. KHELIL-ARFA, J.-L. MÉNARD, P. BRUNSCHWIG, P. FAVERDIN

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3

Moyenne ET(2) Min Max Variable de Production

Quantité ingérée (kg/j) 15,7 4,91 5,3 27,1

Production de lait (kg/j) 21,5 11,88 0,0 41,5

Poids vif (kg) 585 96,40 358 786

Composition des rations

Matière sèche (g/100 g) 54,8 15,22 37,9 86,0

Proportion de concentré (g/100 g) 45,1 19,55 0,0 70,0

MAT(3) (g/100 g MS) 14,4 3,71 3,5 19,8

Température ambiante °C 21,3 7,82 5,0 36,0

Flux d’eau (L/j)

Eau bue 66,5 27,52 10,9 128,0

Eau dans l’aliment 15,9 8,78 0,8 36,9

Eau totale ingérée 82,6 31,04 26,8 144,5 (1) Références des études utilisées : Chaiyabutr et al 2008 (Int. J. Biometeorol., 52, 575-585), Dado et Allen 1994 (J. Dairy Sci., 77, 132-144), Dewhurst et al 1998, (Anim. Sci., 66, 543-550), Doelman et al 2008 (J. Anim. Sci., 91, 3998-4001), Escobosa et al 1984, (J. Dairy Sci., 67, 574-584), Khelil-Arfa, 2012, Gustafson et al 2000 (Acta Agric. Scand., Sect.A, Animal Sci., 50, 111-120), Knowlton et al 2010, (J. Dairy Sci., 93, 407-412), Kojima et al 2005, (Anim. Sci., 76, 139-145), Kurihara et al 1984 (Jpn. J. Livest. Manage., 20, 61-67), Mc Dowell et al 1968 (J. Dairy Sci., 52, 188-194), Osborne et al 2002 (Can. J. Anim. Sci., 267-272), Osborne et al 2009 (J. Anim. Sci., 92, 698-707), Richards 1985 (Trop. Anim. Health Prod., 17, 209-217), Shalit et al 1991 (J. Dairy Sci., 74, 1874-1883), Silanikove et al 1997 (J. Dairy Sci., 80, 945-956), Solomon et al 1995 (J. Dairy Sci., 78, 620-624), Steiger Burgos et al 2001 (Am. J. Physiol. Regul. Integr. Comp. Physiol., 280, 418-527), Thomas et al 2007 (J. Anim. Sci., 90, 3831-3837).

(2) ET : Ecart-Type. (3) MAT : Matière Azotée Totale.

Tableau 3. Caractéristiques du jeu de données utilisé pour évaluer les équations : moyennes, écarts-types, minimum et maxi-mum des valeurs pour les principales variables de production, de ration et d’eau ingérée (89 données(1)).

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Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers : déterminismes physiologiques et quantification / 257

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de productions laitières ou de conditionsmétéorologiques et climatiques et ilnous a semblé intéressant d’évaluer leurerreur moyenne de prédiction sur un jeude données indépendant de toutes leséquations et issu de contextes géogra-phiques variés. Le jeu de données utiliséa été celui construit par Khelil-Arfa et al(2012) pour réaliser une validationexterne des équations de prédiction desbesoins en eau des vaches laitières queces auteurs ont établi à la thermoneutra-lité, soit pour des températures ambian-tes inférieures à 20°C. Quelques modifi-cations ont été apportées à ce jeu dedonnées depuis la publication de Khelil-Arfa et al (2012) : i) toutes les donnéesqui avaient pu avoir été utilisées pourétablir une quelconque équation de pré-diction des flux d’eau comparée ont étéexclues, ii) 18 données expérimentalesde Khelil-Arfa et al (2012) n’ayant passervi à l’établissement des équations[13], [14], [29] et [30] ont été incluses.Le jeu de données final inclut 89 mesu-res d’eau bue sur des lots de vacheslaitières soumises à un même traitementexpérimental dans 20 études réaliséesentre 1969 et 2010. Les références desétudes incluses dans le jeu de donnéesainsi que les gammes de variation desniveaux d’ingestion et de production,de composition de la ration, de tempé-rature ambiante et d’eau bue et ingé-rée sont données dans le tableau 3.

Les équations dont nous avons com-paré les erreurs de prédiction étaient leséquations [1], [2], [3], [4], [8], [9], [10],

[17] (tableau 1), les systèmes d’équa-tions [5] et [7], [11] et [12] selon que lesvaches étaient en lactation ou pas, [13]et [31] (figure 2) selon que la tempéra-ture ambiante était supérieure ou non à15°C et enfin [15] et [16] selon que laration était à base de foin ou d’herbe etd’ensilage. Dans le cas des équations [15],[16] et [17], la variable prédite était laquantité d’eau totale ingérée et non l’eaubue. Les quantités d’eau ingérée avecl’aliment ont donc été soustraites desquantités prédites afin de disposer d’uneprédiction de l’eau bue. Nous avons éga-lement inclus les recommandationsINRA (1988) dans cette comparaison.Certaines variables prédictives n’ontpas pu être renseignées de façon précisepour certaines observations du jeu dedonnées. Pour les équations de Murphyet al (1983) et de Meyer et al (2004), laquantité de sodium ingérée était rarementdisponible dans les publications qui ontservi à établir le jeu de données et nousavons fait l’hypothèse que les quantitésde sodium ingéré correspondaient auxbesoins des animaux calculés selon lesrecommandations du NRC (2001). Latempérature ambiante était disponiblepour 63 observations et supérieure à15°C pour 54 observations. Quand latempérature n’était pas disponible, nousl’avons estimée égale à une températurede thermoneutralité de 15°C après avoirvérifié la saison et la localisation géo-graphique de l’essai. Dans les équationsde Cardot et al (2008) et Murphy et al(1983), nous avons considéré que latempérature minimale était équivalente

à la température ambiante moyennejournalière moins 5°C. Dans les équa-tions de Holter et Urban (1992), le rangdu jour julien dans l’année n’a pas étérenseigné bien que ce paramètre soit lemoyen de prendre en compte l’effet desconditions météorologiques sur l’inges-tion d’eau.

Les Erreurs Moyennes de Prédiction(EMP) des équations ont été calculéescomme la racine de la moyenne des car-rés des différences entre les valeurs pré-dites et observées. L’EMP relative a étécalculée comme le rapport de l’EMP surla valeur moyenne observée d’eau bue.Le carré de l’EMP a été décomposé entrois sources d’erreur selon Bibby etToutenburg (1977), liées à un biais surla moyenne, à un biais sur la pente et àla dispersion entre les données obser-vées et prédites (cf. encadré).

b) Des performances prédictives contras-tées

L’erreur de prédiction moyenne est de25,6 L/j ce qui représente 36% de lamoyenne de l’eau bue observée, ce quiest un chiffre élevé par rapport auxerreurs de prédiction rapportées dans lespublications. Cependant, le tableau 4 etla figure 3 illustrent une variabilité impor-tante dans les performances de prédic-tion des équations sur ce jeu de données.L’erreur de prédiction la plus faible estde 15,4 L/j, soit 23,2% de la moyennede l’eau bue observée pour l’équationde Boudon et al (2012) et la plus élevéede 31,6 L/j (Kume et al 2010), si onexclut l’erreur de prédiction des recom-mandations INRA (1988) dont l’objectifétait de recommander un apport d’eaupermettant un abreuvement ad libitumdes animaux avec une certaine margede sécurité.

Pour cinq des équations testées, la pro-portion de l’EMP attribuable à un biaissur la moyenne est supérieure à 50%(Murphy et al 1983, INRA 1988, Holteret Urban 1992, Meyer et al 2004, Cardotet al 2008). Cependant pour la majoritéde ces équations, le biais provient avanttout des estimations qui ont dû êtreréalisées dans le jeu de données pourrenseigner toutes les variables prédicti-ves. Ceci illustre bien la difficulté à ren-seigner certaines variables et la néces-sité de considérer la liste des variablesprédictives dont on dispose pour choisirune équation. La température minimaleest, dans deux équations, considérée com-me indicateur des conditions météorolo-giques (Murphy et al 1983, Cardot et al2008) alors que la température moyenneest plus souvent donnée dans les publi-cations. Les essais de Khelil-Arfa (2012)ont montré que lorsque l’on comparaitdes dynamiques journalières de tempé-rature ambiante, la température moyenne

Encadré. La décomposition de l’erreur de prédiction (Bibby et Toutenburg 1977).

Le carré de l’erreur moyenne de prédiction (EMP2) se définit de la façon suivante :

où n est le nombre d’observation, Pi la valeur prédite et Oi la valeur observée pour l’observation i.La décomposition algébrique de l’EMP conduit à la formule suivante :

EMP2 = biais sur la moyenne + biais sur la pente + dispersion des données

où P et O sont les moyennes des prédits et des observés, sp et so sont les écarts-types desprédits et des observés et r est le coefficient de corrélation entre les prédits et les observés.

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Figure 3. Relation entre les quantités d’eau bue mesurées et celles prédites par les équations de prédiction de l’eau bue existantes.● Eau bue obtenue à des températures <15°C. ○ Eau bue obtenue à des températures >15°C.La droite en noir représente la bissectrice y = x.

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était une meilleure variable prédictivedes pertes d’eau corporelle par évapora-tion à l’échelle de la journée. Cette tem-pérature moyenne peut être estimée surle terrain comme la moyenne des tem-pératures minimale et maximale journa-lières. Les recommandations d’apport eneau pour les vaches laitières de l’INRA(1988) ont systématiquement été supé-rieures au volume d’eau bue mesuré. Lebiais que nous avons observé sur l’équa-tion de Holter et Urban (1992) provientavant tout du fait que nous n’avons pasrenseigné le rang de jour julien dansl’équation. Ceci est très bien illustré parle fait que cette équation a donné de trèsbonnes performances de prédiction del’eau bue lorsque les données étaientrestreintes à des conditions de thermo-neutralité.

La variabilité des données qui ont servià établir les équations doit aussi être unfacteur clé dans le choix des équationsde prédiction des besoins en eau. Leséquations de Castle et Thomas (1975) etde Kume et al (2010) se caractérisentpar une proportion d’erreur sur la penteélevée par rapport aux autres équations,ce qui est sans doute lié à la faible varia-bilité à la fois des niveaux de productionet des conditions météorologiques dans

ces études. De même, certaines équationssont avant tout adaptées à des condi-tions de thermoneutralité, comme cellesde Holter et Urban (1992) si le rang dejour julien n’est pas renseigné, ou cellesde Stockdale et King (1983) et deDahlborn et al (1998) dont les erreursde prédictions sont bien moindres surles données obtenues dans des condi-tions de thermoneutralité.

3 / Passer de l’estimation desbesoins de la vache laitière àceux du troupeau laitier

Les équations prédictives des besoinsen eau des vaches laitières décrites ci-dessus ne sont pas suffisantes pour cal-culer avec le moins de biais possible lesbesoins en eau du troupeau laitier pourdeux raisons principales que nous déve-loppons ci-dessous.

3.1 / Un biais systématique entreles mesures d’eau bue individuel-les et en troupeau

Les données qui sous-tendent leséquations de prédiction des besoins eneau d’abreuvement publiées et recen-

sées dans le tableau 1 ont été obtenuesavec des vaches dont l’ingestion d’eauétait mesurée de façon individuelle.Même si cela n’a pas été systématique-ment précisé dans les publications, il esttrès probable que l’abreuvement étaitassuré par des abreuvoirs de type « bolsà tube ou à palette ». Boudon et al (2012)ont observé que leur modèle de prédic-tion des besoins en eau d’abreuvementdes vaches laitières sous-estimait d’en-viron 13% les quantités d’eau consom-mée par un lot de 60 vaches laitièresabreuvées en commun sur des abreuvoirsà niveau constant et dont la consomma-tion d’eau ainsi que l’alimentation et laproduction ont été suivies sur une année(figure 4). Les raisons de cet écart deprédiction peuvent être multiples maisun effet probable du type d’abreuvoirsserait très cohérent avec les résultats dePinheiro Machado Filho et al (2004) quimontrent que des vaches laitières peuventconsommer 30 à 50% d’eau en pluslorsque la surface de l’abreuvoir est dou-blée. Cette publication est à notre connais-sance la seule à avoir quantifié les consé-quences sur les volumes d’eau consom-mée, de la préférence largement consta-tée dans la littérature des vaches laitiè-res pour les abreuvoirs à niveau constantpar rapport aux abreuvoirs de type « bols

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Equations EMP (L/j) EMP relative (%)

Décomp. (%) (1) EMP

TN (L/j)(2) EMP relative

TN (%)(2) Biais moy.

Biais Pente Dispers.

Paquay et al (1970a), éq. 15, 16(3) 25,24 38,0 3,47 9,15 87,38 22,45 34,5

Castle et Thomas (1975), éq. 1 22,82 34,3 1,61 20,11 78,28 22,31 33,4

Little et Shaw (1978), éq. 2 21,39 32,2 5,22 0,05 94,73 18,24 28,4

Stockdale et King (1983), éq. 3 24,78 37,3 19,21 5,70 75,09 15,39 27,6

Stockdale et King (1983), éq. 17(3) 18,54 27,9 0,05 2,41 97,54 19,38 30,7

Murphy et al (1983), éq. 4 21,47 32,8 50,89 8,79 40,32 27,42 36,2

Holter et Urban (1992), éq. 5, 7 24,22 36,4 28,52 0,45 71,03 12,43 22,5

Dahlborn et al (1998), éq. 8 22,15 33,3 13,31 4,08 82,61 15,32 25,7

Meyer et al (2004), éq. 9 25,48 38,3 58,07 0,01 41,92 30,85 39,4

Cardot et al (2008), éq. 10 25,03 37,6 46,84 0,21 52,94 30,30 37,5

Kume et al (2010), éq. 11 et 12 31,63 47,6 6,78 29,75 63,48 28,82 40,2

Boudon et al (2012), éq. 2 et 31 15,40 23,2 17,36 0,62 82,03 10,29 20,5

INRA (1988) 34,75 52,3 68,52 10,18 21,30 31,33 38,8

(1) Décomp. : Décomposition de l’erreur selon Bibby et Toutenburg (1977) ; (2) EMP et EMP relative sur les 39 données obtenues à la thermoneutralité, c'est-à-dire pour une température ambiante moyenne inférieure ou égale à 15°C ; (3) Calcul de l’eau bue en soustrayant l’eau ingérée avec l’aliment à l’eau totale ingérée.

Tableau 4. Erreurs Moyennes de Prédiction (EMP) de l’eau bue et décomposition de ces erreurs pour les principales équationsde prédictions publiées appliquées au jeu de 89 données dont 39 à la thermoneutralité.

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à tube ou à palette » (Teixeira et al2006, Artaux et al 2011). Les raisonsde cette plus grande consommation,gaspillage lié aux éclaboussures ouaugmentation de la quantité d’eau réel-lement bue, sont difficiles à établir etn’ont pas été précisément quantifiées àce jour.

3.2 / Les besoins en eau des génissesLa prise en compte des besoins totaux

des troupeaux laitiers nécessite aussi decomptabiliser les besoins en eau d’abreu-vement des génisses pour lesquelles

assez peu de références sont disponibles.L’INRA (1988) propose de considérerun besoin en eau d’abreuvement de3,5 L par kg MS ingérée. Les travaux deMénard et al (2012) ont établi, à partirde mesures hebdomadaires sur un andans 11 fermes commerciales que lesbesoins en eau d’abreuvement des génis-ses étaient compris entre 14,8 et 47,6 L/jpour des génisses de 1 à 2 ans, entre19,0 et 32,0 L/j pour des génisses de 6mois à un an et de 10,4 à 21,2 L/j pourdes veaux après sevrage. Les fortes varia-tions journalières des besoins en eaud’abreuvement des génisses ont conduit

Ménard et al (2012) à proposer un réfé-rentiel plus détaillé présenté dans letableau 5. Meyer et al (2006) ont aussiétabli une équation de prédiction desbesoins en eau d’abreuvement de jeunesbouvillons Holstein en croissance entre157 et 563 kg de poids vif. Aussi biendans les mesures de Ménard et al (2012)que dans l’équation de Meyer et al (2006),la température ambiante est un détermi-nant important des besoins en eau. Dansle référentiel de Ménard et al (2012), lesbesoins en eau d’abreuvement sont esti-més à partir de l’âge de l’animal, dutype de fourrage dominant et de la tem-pérature ambiante maximale. Dansl’équation de Meyer et al (2006), la tem-pérature, le niveau d’ingestion, la partde fourrage dans la ration, la teneur en MSdu fourrage et le poids vif sont les varia-bles prédictives de l’eau bue. La teneur enMS n’est apparue que comme la quatriè-me variable prédictive de cette équation,mais les animaux n’étaient nourris qu’avecdes rations à base d’ensilage de maïs.

Conclusion

Cette synthèse montre que plusieursmodèles peuvent être utilisés pour pré-dire les besoins en eau des vaches laitiè-res et donne quelques outils pour choisirau mieux les équations à considérer etcalculer des besoins en eau à l’échelledu troupeau laitier. Parmi les modèlesque nous recommandons, le modèle deBoudon et al (2012) a montré de bon-nes performances prédictives sur notrebase de données de comparaison. Lemodèle de Stockdale et King (1983, éq.17) nous semble aussi intéressant étantdonnés ses bonnes performances pré-dictives et le fait qu’il ne repose que sur

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Figure 4. Comparaison entre les données d’eau bue prédites par les équations [13](Khelil-Arfa et al 2012) et [31] (Boudon et al 2012) et les données collectées sur unlot de 60 vaches laitières suivies pendant un an à la ferme expérimentale desTrinottières (Maine et Loire).

Classes animales

Température maximale (°C)

Type de ration = fourrages dominants Effets(4)

E. maïs Foin / paille Pâturage E. maïs + pâturage

Foin + pâturage

Temp. max.

Type ration

Vaches taries, génisses > 2 ans

< 20 41,4 (2,2) (1) 54,8 (9,0)(3) 21,7 (2,6) / 31,9 (3,3) *** *** 20 à 25 /(2) 62,5 (9,0) 34,5 (2,4) / 51,4 (3,8)

25 / / 45,2 (2,6) / /

Génisses 1 à 2 ans

< 20 27,2 (3,3) 29,5 (2,8) 14,8 (3,0) 20,3 (4,1) 21,7 (3,0) *** *** 20 à 25 / 33,2 (3,0) 27,3 (2,7) / 35,2 (4,3)

25 / / 34,4 (3,5) / 47,6 (6,5)

Génisses 6 mois à 1 an

< 20 19,0 (2,3) 19,5 (2,2) / 18,6 (3,9) / *** NS 20 à 25 22,5 (2,7) 25,2 (3,4) / 22,6 (3,1) /

25 / 32,0 (5,4) / 31,0 (4,8) /

Veaux après sevrage

< 20 / 10,4 (2,4) / / / *** / 20 à 25 / 16,7 (3,2) / / /

25 / 21,2 (5,4) / / /

(1) *moyennes (et écart-type entre parenthèses) ; (2) / = situations non rencontrées ; (3) cellules grisées = valeurs avec effectif faible ( 5) ; (4) NS = Non Significatif (P > 0,05) ; *** P 0,001.

Tableau 5. Référentiel issu du suivi pendant un an dans 11 élevages laitiers commerciaux et expérimentaux, des quantités d’eaubue par les génisses et les vaches taries (en L/j/animal) selon le type de fourrage dominant dans la ration et la classe detempérature maximale (Ménard et al 2012).

Page 13: Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers

deux paramètres à estimer. Le modèlede Holter et Urban (1992) peut aussidonner de bon résultats à condition quela température ambiante ne dépasse pas15°C.

Depuis 2006 (article L2224-12-5 duCode Général des Collectivités Territo-riales), toutes les exploitations doiventêtre équipées de compteurs d’eau ycompris sur les forages privés. Ceci peutpermettre de détecter certaines fuites duréseau et de contrôler si les quantitésd’eau d’abreuvement consommées sontsuffisantes pour que l’on puisse considé-rer que l’abreuvement n’est pas restreint.

Pour un système d’élevage donné, leséconomies d’eau sur le poste d’abreuve-ment peuvent difficilement être réali-sées sans nuire de façon immédiate à lacapacité de production et au bien-êtredes animaux. Il est même recommandéde bien veiller à ce que les troupeauxaient toujours à disposition de l’eau dequalité nécessaire à leur abreuvementnotamment pendant les périodes de for-tes chaleurs. Cela n’empêche pas, dansles zones régulièrement soumises à despénuries d’eau, de revoir l’organisationdu système de production pour adapterles effectifs et les cycles de productionaux périodes de pénurie en eau. Le poste

de lavage du matériel de traite et desbâtiments est un poste sur lequel lamarge de manœuvre est sans doute plusgrande du fait de solutions techniquesproposées comme le recyclage des eauxde rinçage moins chargées en lait et enproduits lessiviels, l’utilisation de pro-duit sans prélavage ou le mouillage pré-alable des sols et des murs (Massabie etal 2013). Rappelons que, quel que soitle poste de dépense en eau, les fuites surle réseau de distribution d’eau peuventconstituer une source de réduction desdépenses en eau non négligeable danscertains élevages.

Les besoins en eau d’abreuvement des bovins laitiers : déterminismes physiologiques et quantification / 261

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Résumé

L’eau d’abreuvement est un besoin incompressible des élevages laitiers. Elle représente un coût non négligeable et sa restrictionconduit immédiatement à des baisses de performances et à une altération du bien-être des troupeaux. Le bilan hydrique de l’animalest équilibré grâce à la régulation de l’excrétion rénale d’eau et des volumes d’eau bue en réponse à des consignes de pression osmo-tique plasmatique et de volume sanguin. De nombreuses équations de prédiction des besoins en eau des vaches laitières ont étépubliées. La teneur en matière sèche de la ration ressort comme le premier paramètre prédictif des volumes d’eau bue parce qu’elledétermine la part relative de l’eau provenant de l’aliment et bue dans l’eau totale ingérée. La quantité de matière sèche ingérée, lesteneurs en sodium, potassium et azote de la ration ainsi que la température ambiante sont les principaux paramètres prédictifs del’eau totale ingérée. La comparaison des erreurs de prédiction des équations des besoins en eau des vaches laitières sur un jeu de don-nées commun montre des performances très hétérogènes. Les critères de choix des équations doivent être la nature des paramètresprédictifs disponibles mais aussi les conditions dans lesquelles elles ont été établies. Les équations de prédiction des besoins en eau desvaches laitières ont souvent été établies à partir de mesures individuelles et leur application sur un troupeau disposant d’abreuvoirsà niveau constant peut entrainer un biais de prédiction. Quelques pistes sont évoquées pour quantifier les besoins en eau des génisses.

Abstract

Watering requirements of dairy herds: physiological determinisms and quantification

Drinking water is an incompressible need of dairy farms. It represents a significant cost and, an immediate consequence of its restrictionis a decrease in milk yield and an alteration of animal welfare. Animal water balance is maintained thanks to regulation of renal excretionof water and thirst in responses to set points related to plasmatic osmotic pressure and blood volume. Numerous predictive equationsfor water requirements of dairy cows have been published. Diet dry matter content is the first determinant of drinking water volumebecause it determines the relative part of feed water and drinking water in the total amount of water intake. Dry matter intake, dietcontents of sodium, potassium and nitrogen and ambient temperature are the main determinants of total water intake. The comparisonof the prediction error of the predictive equations on a common data set showed contrasted performances. The choice of an equationshould be based on the nature of the available predictors and the conditions in which it was established. Given that most of the predic-tive equations for dairy cow water requirements are established from individual measurements, their application to a herd wateredthrough constant trough level requires adjustments. Some elements are also given in the paper to predict the water requirements ofheifers.

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262 / A. BOUDON, H. KHELIL-ARFA, J.-L. MÉNARD, P. BRUNSCHWIG, P. FAVERDIN

INRA Productions Animales, 2013, numéro 3