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Les bijoux magiques de l’Archange Antoine PRIOLO

Les bijoux magiques de l’Archangeantoine.priolo.free.fr/download/bijoux.pdf · Il la porta à son épaule droite, se dirigea à nouveau vers la porte. Alors qu’il s’apprêtait

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  • Les bijoux magiques de l’Archange

    Antoine PRIOLO

  • Copyright © 2013 Antoine PRIOLO

    Tous droits réservés.

    ISBN: 2954653612

    ISBN-13: 978-2-9546536-1-7

  • A mon épouse, Caroline, sans qui ce livre n’aurait sans

    doute pas vu le jour.

  • 1

    Chapitre I

    Le symbole

    — Théo! Théo! Le repas est servi ! Cria la mère du

    jeune homme depuis la salle à manger du rez-de-jardin.

    Théo jeta un œil à sa montre-bracelet : dix-neuf heures

    trente. Il saisit rapidement la souris de son ordinateur, fer-

    ma la fenêtre du navigateur Internet, rangea cahiers et livres

    éparpillés sur le bureau, empoigna fermement son smart-

    phone, qu’il engagea dans la poche de ses Jeans, descendit

    quatre à quatre les marches de l’imposant escalier de la

    demeure familiale. Il déboula dans la salle à manger, em-

    brassa son beau-père, Marc Duval, chirurgien, grand ponte

    de l’hôpital de Genève, qui lisait son journal en attendant

    que fût servi le souper. C’était un homme de quarante-

    quatre ans au regard sévère et profond, grand, bien char-

    penté. Des cheveux noirs frisés et une moustache fournie

    lui donnaient un look seventies. Il avait épousé la mère de

    Théo alors que l’enfant n’avait que quatre ans. Marc Duval

    était devenu son père de fait, Théo n’ayant gardé aucun

    souvenir précis de son géniteur. Son vrai père était mort

    dans un accident de voiture. Peu bavard, après une journée

    de douze heures à opérer, Marc Duval laissa tout de même

    tomber avec une marque d’intérêt :

  • Antoine Priolo

    2

    — Comment s’est déroulée ta journée ?

    Théo ne répondit pas, absorbé par ses pensées.

    Monsieur Duval ne leva pas les yeux de son journal et ajou-

    ta :

    — Et ton contrôle de maths ?

    L’adolescent restait plongé dans sa rêverie. Plus tôt,

    alors qu’il naviguait sur Internet à la recherche

    d’informations pour son cours d’histoire, il était tombé sur

    un site étrange, mikelians.org, qui parlait de démons,

    d’anges et d’une armée secrète de lutte contre le mal.

    C’était intéressant, bien qu’un peu loufoque. Cela l’a amusé

    un moment, jusqu'à ce qu’il tombe sur la gravure d’un mé-

    daillon aux prétendus pouvoirs magiques. Théo est resté

    longuement les yeux rivés sur le symbole au centre du mé-

    daillon. Tout d’abord, il crut le reconnaître, réfléchit, cher-

    cha dans ses souvenirs, se gratta la tête et finit par hausser

    les épaules. Il ne voyait pas. Il continua sa lecture des pages

    du site lorsque soudain un éclair jaillit dans son esprit. Un

    large sourire éclaira son visage et ses yeux pétillants

    s’illuminèrent :

    — Oui, oui! s’exclama-t-il. C’est le même symbole

    que sur la bague du tableau de grand-père !

    Théo se souvenait très bien de ce tableau immense.

    Lorsqu’il était plus jeune, chez son grand-père, en Afrique

    du Sud, il passait son temps à le regarder, fasciné par ce

    magnifique chevalier en armure qui pointait son doigt de-

    vant lui, avec cette chevalière qui semblait projeter des

    rayons de lumière autour d’elle.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    3

    Théo imprima la gravure du médaillon. Elle repré-

    sentait une balance aux plateaux équilibrés dont le pied

    semblait être une épée à large lame, pointée vers le ciel. En

    réalité l’épée était placée devant la balance, ce qui en don-

    nait l’illusion. Théo glissa la feuille imprimée dans une

    pochette cartonnée qu’il rangea dans le premier tiroir de

    son bureau. Maintenant, il se posait de nombreuses ques-

    tions au sujet de ce médaillon et de cette chevalière. Quelle

    étrange coïncidence. Combien de chances existaient-elles

    de trouver un médaillon magique dont le symbole était

    identique à celui d’une bague que portait un chevalier, sur

    un tableau de son grand-père ? Très peu sans doute.

    Quelque chose au plus profond de son être lui disait que ce

    n’était peut-être pas le hasard, après tout, qu’il fallait creu-

    ser le sujet. Après le souper, il retournerait sur le site conti-

    nuer sa lecture. Il y trouverait peut-être d’autres informa-

    tions qui pourraient lui en apprendre plus.

    En attendant Théo regardait au-dehors, à travers la

    large baie vitrée grande ouverte, le magnifique jardin arbo-

    ré et fleuri aux couleurs chatoyantes d’un printemps ra-

    dieux. Dans le prolongement du jardin, les eaux calmes,

    d’un bleu profond, du lac Léman scintillaient sous un soleil

    encore haut dans le ciel. Plus loin encore, les hauts massifs

    alpins formaient un écrin majestueux autour de ce joyau

    bleuté. Théo ne se lassait jamais de ce panorama extraordi-

    naire. Bien qu’il n’ait que quatorze ans, bientôt quinze, il

    avait conscience de la chance qu’il avait de vivre là où il

    vivait et d’être un privilégié.

    Madame Duval, la mère de Théo, la quarantaine, jo-

    lie brune aux cheveux châtains, yeux noisette et teint doré

  • Antoine Priolo

    4

    par le soleil printanier, regardait son fils avec tendresse :

    — Théo, mange.

    Sa voix douce, mêlée d’autorité naturelle, sortit

    Théo de ses pensées :

    — Qu’y a-t-il mon chéri ? Tu n’es pas avec nous.

    Quelque chose semble te tracasser ?

    Le jeune homme regarda tour à tour son beau-père

    et sa mère avant de dire :

    — Non, non, ça va. Y’a rien du tout.

    — Il n’y a rien du tout. le reprit Monsieur Duval,

    très à cheval sur la grammaire. Le jeune garçon ne releva

    pas. Il demanda à sa mère :

    — Dis, Maman, tu te souviens du tableau de grand-

    père qui représentait un chevalier en armure ?

    Madame Duval sembla surprise par cette question.

    Elle parut réfléchir avant de dire :

    — Oui, pourquoi ?

    — Non, comme ça, j’y pense, c’est tout.

    Il s’écoula encore un moment avant que Théo ne

    renchérisse :

    — Tu sais s’il l’a toujours ?

    — Quoi donc ? demanda Madame Duval.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    5

    — Le tableau.

    — Je ne sais pas… La dernière fois que nous

    sommes allés le trouver il était toujours accroché au mur, il

    me semble.

    — Ah, alors il est toujours avec lui en Afrique du

    Sud ! se félicita le jeune homme d’une voix enjouée. Ma-

    dame Duval jeta sur lui un regard amusé :

    — Qu’est-ce que tu lui veux à ce tableau, tout à

    coup ?

    — Rien, rien. C’est juste que j’y pense, comme ça,

    c’est tout.

    Le reste du repas se déroula comme chaque soir,

    Monsieur et Madame Duval se racontant leur journée et

    commentant les infos du jour. Théo ne dit mot, toujours

    absorbé par les nombreuses pensées qui affluaient en lui.

    Le repas terminé, il embrassa ses parents et fila dans sa

    chambre, non sans être passé d’abord par la salle de bains,

    sur les conseils appuyés de Madame Duval.

    Le jeune homme passa le reste de la soirée scotché

    devant son écran d’ordinateur, dévorant toutes les informa-

    tions du site mikelians.org.

    §

    Près de deux semaines s’étaient écoulées depuis que

    Théo avait découvert le site mikelians.org. L’été appro-

    chait. Le jeune ado avait la tête ailleurs. L’année scolaire

    avait été dense. Il commençait à avoir envie de vacances.

  • Antoine Priolo

    6

    La matinée s’annonçait belle et ensoleillée, seuls quelques

    cumulus floconnaient l’azur. Depuis la fenêtre de sa

    chambre Théo avait une vue à cent quatre-vingts degrés sur

    le lac, Genève et les Alpes. Il lui vint une envie irrépres-

    sible d’aller piquer une tête dans les eaux limpides, au bout

    du parc de la propriété. Il faisait déjà chaud en ce début de

    journée. L’adolescent avait faim. Il se dit qu’avant la bai-

    gnade il prendrait bien un bon petit déjeuner. Il s’apprêtait

    à sortir de sa chambre lorsque le signal caractéristique de

    son ordinateur, lui annonçant l’arrivée d’un mail, retentit. Il

    fit demi-tour et s’empressa d’ouvrir son logiciel de messa-

    gerie. Le jeune homme fronça les sourcils lorsqu’il vit le

    nom de l’expéditeur : Archange et comme sujet : Qui êtes-

    vous ?. Sur le moment il pensa que c’était encore un de ces

    spams qui n’avait pas été filtré. Il faillit le supprimer mais

    se ravisa au dernier moment. — Archange, pensa-t-il. Est-

    ce que ça aurait un rapport avec ?...

    Il ouvrit le mail et lut :

    — Bonjour

    Vous avez consulté récemment notre site Web Mike-

    lian.org. Nous aimerions avoir votre avis et mieux vous

    connaître. Si vous êtes intéressé par nos travaux, merci de

    répondre à ce mail.

    J.G.

    Le mail était signé J.G. Qui était ce J.G. ?

    — Mais, au fait, comment a-t-il eu mon mail ?

    s’interrogea Théo. Passé la relative stupéfaction qui laissait

    place à la colère, il décida de répondre à J.G. :

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    7

    — Bonjour J.G.

    Je ne sais pas qui vous êtes mais je ne suis pas con-

    tent que vous ayez piraté mon ordinateur pour vous procu-

    rer mon adresse mail.

    Je me suis intéressé à votre site mais je vois que

    c’est une arnaque sans doute.

    Ne m’envoyez plus de mail ou je vais porter plainte

    à la police !

    T.O.

    Théo relut son mail. Satisfait, il le posta aussitôt. Il

    attendit quelques instants comme pour bien s’assurer que

    ses mots avaient été bien compris par J.G. Il ne se passa

    rien. Théo quitta son bureau et prit sa serviette de bain

    étendue sur le lit. Il la porta à son épaule droite, se dirigea à

    nouveau vers la porte. Alors qu’il s’apprêtait à saisir la poi-

    gnée, la sonnerie retentit, faisant légèrement sursauter

    l’adolescent. Il se précipita sur son ordinateur et regarda sa

    boîte mail. J.G. insistait. Théo ouvrit le courrier et lut :

    — Désolé si je vous ai froissé en cherchant à vous

    contacter.

    S’il vous plaît, ne pensez pas que nous cherchions à

    vous harceler ou vous arnaquer.

    Nous avons fait de nombreuses recherches, comme

    vous avez pu le constater sur les pages Web du site. Nous

    sommes parvenus à un point où nous sommes bloqués dans

    notre quête. Nous avons décidé de créer ce site afin de voir

  • Antoine Priolo

    8

    si nous pouvions recueillir des témoignages. Nous avons

    mis un traqueur en place afin de repérer d’éventuelles per-

    sonnes qui pourraient porter un grand intérêt aux Mike-

    lians.

    Vous êtes le 1er

    qui ait passé autant de temps à le

    consulter.

    S’il vous plaît, pouvons-nous dialoguer ?

    Si vous ne le souhaitez pas, nous ne vous importu-

    nerons plus, c’est promis.

    J.G.

    Théo haussa les épaules, regarda l’heure sur la pen-

    dule murale et quitta rapidement sa chambre.

    L’eau du Léman était fraîche mais agréable. La

    température de l’air avoisinait déjà les trente degrés. Il

    n’était que dix heures trente. Ce printemps était particuliè-

    rement chaud et annonçait sans doute un été caniculaire. Un

    SMS arriva sur son smartphone. C’était Paul Werter, son

    meilleur ami, qui lui proposait de faire une sortie en ville

    dans l’après-midi. Cette idée réjouissait Théo qui aimait

    traîner avec Paul dans le centre de Genève. En attendant il

    savourait les rayons qui réchauffaient sa peau hâlée, mouil-

    lée et fraîche. Au loin, de nombreux voiliers et hors-bord

    naviguaient sur les eaux calmes du lac.

    De retour dans sa chambre, Théo vit qu’il avait de

    nouveaux messages. Ali Massarat, un autre ami, lui avait

    envoyé quelques blagues. Jennifer Levy, sa plus proche

    camarade féminine, lui confirmait une invitation pour le

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    9

    week-end suivant. Mais ce qui attira l’attention de Théo

    était un nouveau message de J.G. :

    — Vous n’avez pas répondu à notre mail.

    Pouvons-nous dialoguer ?

    J.G.

    L’adolescent ne savait trop que faire. Devait-il ren-

    trer dans le jeu de J.G. ? Mais quel était ce jeu ? Ou J.G.

    voulait-il entraîner Théo ? Bon, pour le moment il ne ris-

    quait pas grand-chose mais il fallait se méfier tout de

    même. La curiosité naturelle du jeune homme le poussait à

    aller de l’avant tandis que les conseils de prudence, prodi-

    gués depuis des années par ses parents, lui disaient de faire

    très attention. Les doigts de Théo s’activèrent sur les

    touches du clavier :

    — Je vais vous faire confiance pour le moment.

    J’espère que je ne le regretterai pas. De toute fa-

    çon, si je vois que vous essayez de me causer des pro-

    blèmes, je couperais tout contact.

    C’est bien compris ?

    T.O.

    La réponse ne tarda pas :

    — Merci beaucoup.

    Je vous promets que vous n’avez rien à craindre de

    nous.

  • Antoine Priolo

    10

    Nous voulons juste savoir pourquoi vous vous inté-

    ressez aux Mikelians et si vous avez des informations à

    nous donner sur le sujet ?

    Vous voyez, ce n’est pas grand-chose.

    J.G.

    Théo eut un petit sourire amusé. J.G cherchait des

    informations sur les Mikelians. Mais pourquoi ? Les Mike-

    lians n’existaient pas et n’avaient jamais existé. Alors,

    quelles informations pouvait-il rechercher sur des gens qui

    n’étaient qu’inventions ? Bien que la curiosité le poussât à

    poursuivre la conversation, il décida de prendre son temps

    et de voir venir :

    — Je vous recontacterai. écrit-il avant de quitter sa

    messagerie. Si ce J.G. cherchait des informations, Théo ne

    pouvait pas grand-chose pour lui. Et puis cette histoire

    d’armée du bien contre le mal c’était digne des romans fan-

    tastiques. En attendant, après le repas, il serait temps de

    rejoindre Paul Werter pour une petite virée dans le cœur de

    Genève.

    §

    La maison des Duval se situait un peu au nord de

    Genève, dans un quartier huppé de Chambesy, sur les bords

    du lac Léman. C’était une demeure cossue, récente et mo-

    derne, cachée au fond d’une impasse sur la route de Lau-

    sanne. Madame Duval, originaire de Tours, en France, avait

    épousé en secondes noces Monsieur Duval, Genevois de

    naissance. Théo portait le nom de son défunt père, Orgone,

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    11

    auquel on avait accroché celui de son beau-père pour faire

    Orgone-Duval. Son père était suisse, originaire d’un petit

    village de montagne dans le Valais. Théo avait la double

    nationalité, franco-suisse. Madame Duval était elle-même

    issue du mariage d’un Américain et d’une Française. Son

    père était venu en France dans le cadre de son travail, était

    tombé amoureux de cette terre et de celle qui deviendrait

    bientôt son épouse. Il n’avait jamais plus quitté son pays

    d’adoption. Cette internationalité familiale valait à Théo

    d’être parfaitement bilingue : français et anglais. Il avait en

    outre une bonne maîtrise de l’italien et se débrouillait très

    bien en allemand, Suisse oblige. Bien qu’un peu rêveur, il

    était bon élève et poursuivait son cursus scolaire sans ani-

    croche. Il mesurait un mètre soixante quinze, était mince,

    les cheveux châtain clair, les yeux bleus et un large sourire

    sur des dents parfaitement alignées (il avait porté un appa-

    reil assez longtemps pour ça), avait un visage allongé ter-

    miné par un menton volontaire. Ses sourcils épais étaient

    nettement plus foncés que ses cheveux. Au final il était

    plutôt beau garçon mais avait surtout beaucoup de charme

    et pas mal de charisme. Théo était sportif, pratiquait

    l’aïkido, jouait au tennis, faisait de l’aviron et montait à

    cheval. Durant l’année scolaire, sa vie était partagée entre

    les études et le sport. D’un naturel sociable, il avait de

    nombreux camarades et quelques amis. Il n’avait pas de

    petite amie attitrée, mais avait des filles parmi ses cama-

    rades.

    §

    Dimanche soir. Il faisait très chaud. Une brise lé-

    gère venait caresser les rideaux de la chambre. Théo était

  • Antoine Priolo

    12

    en sueur. Il aurait pu fermer la grande baie vitrée qui don-

    nait sur une spacieuse terrasse, tourner le bouton de la cli-

    matisation pour être au frais. Il aimait la chaleur, cette déli-

    cieuse sensation qu’elle procurait sur tout son être. La clim,

    il la mettait un peu la nuit pour bien dormir, c’est tout. Le

    jeune homme était allongé sur le lit, lisant le dernier Harry

    Potter. Comme beaucoup d’ados il avait lu toute la série,

    avait vu tous les longs-métrages. Il n’était pas un incondi-

    tionnel mais aimait le genre. Il fut tiré de sa lecture par son

    ordinateur. Un mail venait d’arriver. Il se dressa sur ses

    jambes, franchit la distance qui le séparait de son bureau,

    releva l’écran du portable et vit qu’il s’agissait encore de

    J.G. Une certaine satisfaction l’envahi. Il laissait mijoter

    J.G. et visiblement celui-ci était impatient. Ca lui donnait

    l’avantage. Théo se demandait s’il fallait répondre ou le

    laisser patienter encore un peu. Le problème c’est que Théo

    était impatient d’en apprendre plus.

    — Après tout, voyons ce qu’il a à me dire. se dit-il.

    — Bonjour,

    Je n’ai plus de nouvelles. Etes-vous fâché ?

    J.G.

    Théo s’installa dans son fauteuil, posa les doigts sur

    le clavier, les balada au-dessus des touches, cherchant ce

    qu’il allait bien pouvoir répondre. Après plusieurs hésita-

    tions il écrivit :

    — Bonsoir J.G.

    J’ai bien réfléchi. Je veux bien que nous ayons un

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    13

    échange tous les deux, à condition que nous posions une

    question chacun à notre tour et qu’il y ait une réponse à

    chacune d’entre elles, sans détour.

    T.O

    Théo faisait des efforts pour écrire de son mieux. Il

    ne voulait pas, par une écriture trop djeuns, dévoiler qu’il

    n’était qu’un ado. Sans doute J.G. pensait-il avoir affaire à

    un adulte. Ca mettait Théo sur un pied d’égalité avec lui.

    La réponse de J.G. ne tarda pas :

    — Merci beaucoup.

    Je suis d’accord. Je vous laisse poser la 1re ques-

    tion.

    J.G.

    La première question ? Théo n’hésita pas longtemps

    avant d’écrire :

    — J.G. c’est les initiales de qui ?

    Il avait déjà envoyé son mail lorsqu’il se rendit

    compte qu’il aurait pu écrire ce sont les initiales de qui. Ce

    n’était pas grand-chose mais les mauvaises tournures de

    phrases trahissaient le manque d’érudition ou la jeunesse de

    l’interlocuteur. Il ferait plus attention à ses phrases doréna-

    vant. La réponse arriva :

    — Le J. c’est pour Jessie.

    Une femme. Théo avait imaginé plutôt un homme,

    allez savoir pourquoi. Sans doute parce qu’il était lui-même

  • Antoine Priolo

    14

    un garçon. En attendant elle n’avait pas répondu complè-

    tement à la question. Théo avait un prénom mais pas de

    nom. Il le lui fit savoir :

    — Je croyais que nous devions répondre à toutes

    les questions sans détour ?

    A quoi correspond le G. ?.

    Il fallut plusieurs minutes à Jessie pour se décider à

    répondre :

    — Graham. Ca vous va ?

    Théo avait un nom et un prénom. Il se demandait

    toutefois si son interlocuteur disait la vérité. Après tout il

    aurait pu dire n’importe quoi. Pour le moment il fallait s’en

    contenter et lui faire confiance :

    — Ca me va. répondit-il.

    La question de Jessie Graham ne tarda pas :

    — Qui se cache derrière T.O. ?

    Le jeune homme se doutait de la question, ce qui le

    fit sourire :

    — Théo Orgone.

    Quel âge avez-vous ? ajouta-t-il.

    Encore un long moment d’hésitation pour Jessie.

    Elle ne semblait pas à l’aise dans cet exercice de questions-

    réponses. Que craignait-elle ? Finalement elle semblait être

    dans la même position que Théo, sur ses gardes, ne sachant

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    15

    pas si elle pouvait faire confiance à celui qui était, comme

    elle, invisible, impalpable et pourtant bien présent. C’était

    ça le Net. Les gens existaient quelque part si proches et si

    lointains à la fois. La réponse tomba :

    — 18 ans.

    Et vous ?

    Cette fois Théo était vraiment très surpris. Une

    jeune femme de 18 ans à peine. Mais n’était-ce pas un

    piège ? Après tout, celui ou celle qui était derrière son ordi-

    nateur, quelque part, n’importe où, avait piraté son ordina-

    teur afin d’avoir son mail. Il avait donc pu facilement se

    rendre compte que le contenu des dossiers était celui d’un

    jeune ado. Il y avait même des documents sur lesquels son

    âge ou sa date de naissance devait être inscrit. Il fallait se

    méfier et avancer prudemment. Théo décida d’en avoir le

    cœur net:

    — Vous ne le savez vraiment pas ?

    Encore une hésitation de la part de Jessie :

    — Si, vous avez 14 ans.

    Je suis désolée, vraiment. Je devais savoir à qui

    j’avais à faire.

    Ce que je fais est dangereux.

    Dangereux. Ce mot retentit dans l’esprit de Théo,

    poussant sa curiosité à aller de l’avant. Dangereux. Il était

    aussi plein d’excitation. Enfin, peut-être, quelque chose

    d’intéressant dans cette courte vie consacrée aux apprentis-

  • Antoine Priolo

    16

    sages, aux études et à l’obéissance. Pour le moment Théo

    ne voyait pas ce qu’il pouvait y avoir de dangereux. Il fal-

    lait sans doute chercher dans le contenu même du site. Mais

    pour Théo, tout ce qu’il contenait était juste une fable.

    Comment aurait-il pu en être autrement ? Jamais il n’avait

    entendu parler des Mikelians, de leurs luttes contre des or-

    ganisations dévouées au mal. Tout ça n’avait pas de sens à

    vrai dire. Pour l’instant, la curiosité l’emportait sur toute

    autre considération et il fallait en savoir plus :

    — Dangereux ? demanda-t-il.

    Elle répondit très rapidement cette fois :

    — Oui.

    Dangereux pour moi, mais peut-être aussi pour

    vous.

    En tout cas, si vous êtes impliqué dans tout ça.

    Pourquoi Théo serait-il impliqué dans tout ça ? Il

    n’y avait aucune raison puisqu’il était juste un visiteur du

    site, rien de plus…. Rien, enfin presque. Tout à coup il se

    souvint tout de même que ce qui avait motivé sa curiosité

    depuis le début était le symbole du médaillon. Alors, pas

    impliqué ?

    — Qu’entendez-vous par ‘impliqué’? écrit-il.

    Jessie répondit promptement :

    — Pour quelles raisons vous êtes vous autant inté-

    ressé à mon site ?

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    17

    Théo remarqua que Jessie n’utilisait plus la pre-

    mière personne du pluriel mais du singulier. Ce n’était plus

    notre mais mon site. Ce qui voulait peut-être dire que Jessie

    était seule. Cela expliquerait aisément qu’elle soit sur ses

    gardes. Surtout si elle pensait courir un quelconque danger.

    Théo était maintenant devant un dilemme. Devait-il mentir

    ou dire la vérité ? Il devait répondre à la question de Jessie

    et, s’il y répondait, devait parler du tableau. Si le symbole

    liait Théo au contenu du site de Jessie, si tout ça était dan-

    gereux, alors sans doute était-il périlleux de découvrir

    toutes ses cartes :

    — Votre site est très bien fait et j’ai trouvé les

    pages passionnantes.

    Il envoya le mail sans conviction. La réponse ne se

    fit pas attendre :

    — Je croyais que nous devions répondre sans dé-

    tour ?

    Si nous ne nous faisons pas un peu confiance, je

    crois qu’il vaut mieux laisser tomber

    Excusez-moi de vous avoir importuné.

    Bonne chance.

    Jessie

    Bon, elle était vexée. Théo haussa les épaules, rica-

    na doucement et referma l’écran de son portable. Après tout

    il n’avait rien demandé. C’était elle qui l’avait contacté et

    insisté pour lui parler. Il se fichait royalement de cette fille,

  • Antoine Priolo

    18

    de ce site et de toute cette histoire ! Théo était en colère. Il

    s’en voulait en fait. Cette colère n’était nullement dirigée

    contre Jessie mais contre ses propres réactions. Il était mé-

    fiant parce que ses parents l’avaient, depuis qu’il était petit,

    constamment mis en garde sur les dangers d’Internet :

    — Fais attention. Ne discute pas avec des gens que

    tu ne connais pas. Ne donne jamais ton nom ou ton adresse.

    Etc.

    Maintenant Jessie avait coupé le fil de leur conver-

    sation. S’il reprenait contact, ce serait un aveu de faiblesse.

    Elle pourrait en profiter. Il haussa à nouveau les épaules.

    Après tout il s’en faisait tout un monde. Ne valait-il pas

    mieux être nature et aller de l’avant ? Si Jessie avait de

    mauvaises intentions il s’en rendrait bien compte. Il lui

    suffirait de couper définitivement la conversation.

    Théo se rassit dans son fauteuil, souleva l’écran de

    l’ordinateur et reprit l’écriture :

    — Je suis désolé Jessie.

    Je crois que nous devrions, en effet, nous faire plus

    confiance.

    Je vous propose une chose : je vous raconte mon

    histoire et vous me raconterez la vôtre.

    Ca vous va ?

    Il n’y eut aucune réponse. Théo attendit plus d’une

    demi-heure, en vain. Il se résolut à quitter son bureau et

    reprit la lecture de son bouquin. Vers vingt et une heures

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    19

    trente Madame Duval passa voir Théo, comme chaque

    soir :

    — Il est l’heure de dormir mon chéri, dit-elle.

    — D’accord Maman. répondit L’ado.

    Il eut soudain une question qui lui brûlait les lèvres :

    — Dis maman, ce tableau de grand-père, tu sais où

    il l’a eu ?

    Madame Duval, surprise, ne comprenait pas cet in-

    térêt depuis quelque temps pour ce tableau. Elle fronça les

    sourcils :

    — Bon sang, qu’est-ce que tu as donc avec ce ta-

    bleau ? Tu peux m’expliquer ?

    — J’ai vu sur Internet un objet qui avait le même

    dessin que la chevalière portée par le gars du tableau. Ca

    m’intrigue.

    — Ca t’intrigue ? En attendant, demain il y a cours,

    il faut dormir.

    Madame Duval, qui était assise sur le bord du lit,

    embrassa son fils et se leva pour quitter la chambre. Lors-

    qu’elle fut sur le pas de la porte, elle se retourna et dit :

    — Théo.

    — Oui Maman ?

    — Ce tableau est dans la famille de ton défunt père

    depuis toujours je crois. Son grand-père l’avait, paraît-il et

  • Antoine Priolo

    20

    à sa mort il est revenu à son père. Satisfait ?

    — Oui. Bonne nuit Maman.

    — Bonne nuit mon chéri.

    Un tableau qui était dans la famille depuis toujours.

    Ca n’avançait pas beaucoup Théo. Ca voulait juste dire que

    le symbole qui y était dessiné était très ancien. Aussi an-

    cien, qui sait, que le médaillon. Il éteignit les appliques qui

    surmontaient la tête de lit et se tourna sur le côté pour dor-

    mir. Il sentait qu’il aurait du mal. Des tas de questions se

    bousculaient dans son esprit. Il ressentait l’excitation qui

    grandissait en lui, provoquée par toute cette histoire.

    Les minutes passaient. Théo s’agitait dans son lit,

    essayant de trouver le sommeil sans y parvenir. Lorsque

    enfin il commença à somnoler, il fut alerté par le son de sa

    messagerie. Il se redressa, assis dans son lit, attendit d’être

    complètement réveillé avant d'aller lire le message qui ve-

    nait d’arriver. Lorsqu’il vit l’entête, il sourit, soulagé.

    C’était Jessie. Et cette fois, l’expéditeur n’était plus Ar-

    change mais bien Jessie Graham. Théo s’empressa de le

    lire :

    — Théo, vous avez raison, nous devons jouer cartes

    sur table tous les deux.

    Je vais donc vous raconter mon histoire. J’espère

    que je n’aurai pas à le regretter mais tant pis.

    Après tout, si je ne le fais pas, nous ne parviendrons

    jamais à nous comprendre.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    21

    Je suis américaine. Je vis à New York. Mon père est

    un homme extrêmement riche et puissant. Ma mère, grande

    avocate, fille de l’une des plus riches familles de Boston,

    est morte quand j’avais 12 ans. Depuis j’ai vécu principa-

    lement avec des précepteurs et des gens de maison qui se

    sont occupés de moi, mon père étant presque toujours ab-

    sent.

    Un jour, il y a un an à peu près, j’ai surpris une

    conversation entre mon père et un étrange personnage en

    pardessus et chapeau dont je n’ai pas pu connaître

    l’identité, ni voir le visage. Cet homme je l’ai appelé ‘mon-

    sieur X ‘ (pas très original j’en conviens.). Dans cette con-

    versation, mon père et monsieur X parlaient de la re-

    cherche d’un médaillon et d’une chevalière. Ils semblaient

    dire qu’une fois en possession de ces deux bijoux, ils dispo-

    seraient d’une telle puissance qu’ils pourraient asservir

    l’humanité.

    Je fus si surprise que je n’en croyais pas mes

    oreilles. J’avais l’impression de rêver les yeux ouverts. Je

    m’attendais à tout moment à me réveiller de mon cauche-

    mar.

    J’ai alors décidé de faire des recherches sur le mé-

    daillon et la chevalière. J’avais entendu mon père parler

    des Mikelians. C’était, d’après ce que j’avais cru com-

    prendre, un Ordre ancien qui possédait à l’origine ces bi-

    joux. J’ai passé beaucoup de temps, presque tout mon

    temps, dans cette quête. J’ai investi des sommes impor-

    tantes (je suis moi-même aisée grâce à l’héritage de ma

    mère) afin d’obtenir des renseignements pour tisser la

  • Antoine Priolo

    22

    trame de cette histoire. J’ai dû me rendre à l’évidence, je

    ne rêvais pas. J’ai découvert des traces du médaillon à

    force de ténacité. Le secret de cet Ordre était si bien gardé

    que très peu d’indices subsistent de son existence.

    Une chose me paraît certaine aujourd’hui : ces bi-

    joux ont réellement des pouvoirs magiques. Entre les mains

    de gens aussi mal intentionnés que celles de mon père ils

    représentent un danger terrifiant pour l’humanité tout en-

    tière.

    Je sais que ce que je suis en train de vous raconter

    peut sembler totalement farfelu. Moi-même j’ai eu beau-

    coup de mal à m’en convaincre. Mais vous devez me croire,

    si personne ne fait rien, dans un futur proche nous serions

    tous à la merci de mon père et de ses acolytes.

    Si vous savez quelque chose, Théo, je vous en prie,

    aidez-moi. Je ne sais plus quoi faire.

    Jessie

    Théo resta un long moment prostré, incapable de

    mettre de l’ordre dans la quantité impressionnante de pen-

    sées qui se bousculaient dans son esprit. Lorsque enfin il

    réussit à reprendre le cours de ses réflexions, il repensa au

    tableau et à la chevalière. Si Jessie disait vrai, alors ce ta-

    bleau représentait peut-être un indice pour trouver le bi-

    jou ? C’est alors qu’une peur panique l’envahit. Il venait de

    songer que si des gens recherchaient la chevalière, son

    grand-père courait un grand danger. Il fallait le prévenir, le

    mettre en garde, lui dire de se débarrasser au plus vite du

    tableau. Le seul problème, mais de taille, était d’expliquer à

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    23

    son grand-père pourquoi il fallait s’en débarrasser. Théo

    pensa qu’il fallait rester calme, ne pas paniquer et réfléchir

    à tête reposée. Il fallait dormir maintenant. Demain il aurait

    sans doute les idées plus claires. Il décida de raconter à

    Jessie l’histoire du tableau. Elle aurait peut-être une idée,

    elle aussi, pour l’aider :

    — Mon intérêt pour le site vient du symbole gravé

    sur le médaillon.

    J’ai reconnu ce symbole. Il est dessiné sur un ta-

    bleau que possède mon...

    Théo se ravisa. Il ne fallait pas trop en dire pour le

    moment. Il modifia son mail :

    — Une personne que je connais.

    Il posta le mail. Jessie répondit :

    — Je vois. Ne m’en dites pas plus. Je vous recon-

    tacterai.

    A bientôt.

    Jessie

    — Quoi, c’est tout ? Je vous recontacterai ? dit le

    jeune homme à haute voix. Il ne comprenait plus rien.

    Pourquoi, tout à coup, Jessie mettait fin à leur conversation

    sans demander plus d’explications ? Elle n’avait même pas

    voulu savoir qui était la personne qui possédait le tableau,

    où elle se trouvait et comment elle l’avait eu. C’est ce que

    Théo aurait demandé à sa place. Bon, il ne fallait pas cher-

    cher trop à comprendre. Cette histoire était de toute façon

  • Antoine Priolo

    24

    un peu trop farfelue. Théo sentait la fatigue l’envahir rapi-

    dement. Il bailla en s’en décrocher la mâchoire. La pendule

    indiquait vingt-trois heures trente. Vite, il fallait dormir.

    Demain il avait les dernières évals du trimestre.

    §

  • 25

    Chapitre II

    La rencontre

    Huit jours s’étaient écoulés. Théo n’avait plus de

    nouvelles de Jessie. Il ne parvenait pas à oublier cette his-

    toire mais il avait fini par penser qu’il s’agissait d’un canu-

    lar. De toute façon il avait la tête ailleurs car l’école était

    terminée. C’était les grandes vacances d’été qui commen-

    çaient.

    Madame Duval prenait le petit déjeuner sur la ter-

    rasse devant la piscine. Théo la rejoignit, les yeux encore

    gonflés de sommeil. Il se laissa lourdement tomber dans le

    fauteuil d’osier qui émit des craquements et gémit. Ma-

    dame Duval sourit :

    — Eh bien ! s’exclama-t-elle, j’ai cru que tu ne te

    réveillerais pas ce matin. Tu es resté sur ton ordinateur jus-

    qu'à quelle heure ?

    — Tard. répondit l’adolescent, l’esprit encore em-

    brumé.

    Il avait tchaté avec ses amis jusqu'à près de trois

    heures du matin. Il se servit un grand verre de jus d’orange

    frais qu’il engloutit d’un trait. Il saisit ensuite un croissant

  • Antoine Priolo

    26

    qu’il trempa dans un bol de lait chaud. L’été battait son

    plein, la chaleur était déjà suffocante. Le ciel sans nuages

    avait tourné au blanc-gris. La lumière vive faisait mal aux

    yeux. Le jeune homme rabattit ses lunettes de soleil, posées

    sur le crâne, devant ses yeux encore entrouverts. Il soupira.

    Le réveil était laborieux aujourd’hui. Il se promit de dormir

    plus tôt la nuit prochaine. Marina, la domestique roumaine,

    apporta le courrier. Il y avait un colis de taille modeste et

    des lettres. Madame Duval prit d’abord le colis, quelque

    peu intriguée. Elle le tendit à Théo en disant :

    — Tiens, c’est pour toi.

    Théo hésita un instant à le prendre. Il n’attendait

    aucune livraison en ce moment. Ses derniers achats sur le

    Net dataient de plus de quinze jours et il avait tout reçu :

    — Pour moi ? dit-il, étonné.

    — Théo Orgone, c’est bien toi il me semble ?

    Madame Duval tendait le colis à son fils. Il finit par

    le saisir et regarda immédiatement l’expéditeur: Jessie Gra-

    ham. Sa surprise fut grande. Il voulut l’ouvrir mais décida

    de le faire dans sa chambre, une fois seul. Il le posa prés de

    lui, sur la table :

    — Tu ne l’ouvres pas ? s’étonna sa mère.

    — Non, je verrais ça plus tard, ce n’est pas impor-

    tant. Une bricole que j’ai achetée sur le Net. mentit l’ado.

    Il termina son petit déjeuner sans précipitation et re-

    tourna dans sa chambre, son colis sous le bras.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    27

    Le colis contenait un smartphone haut de gamme de

    dernière génération. Encore mieux que celui qu’il possé-

    dait ! Une lettre accompagnait le magnifique objet bien

    rangé dans sa boîte d’origine :

    — Bonjour Théo,

    Ci-joint un téléphone mobile à utiliser uniquement

    pour me joindre.

    Le numéro est en mémoire. Contactez-moi dès ré-

    ception SVP.

    Surtout, je vous en prie, ne donnez le numéro de ce

    mobile à personne.

    C’est une question de vie ou de mort désormais.

    Jessie

    Cette dernière phrase fit sourire Théo. Jessie en fai-

    sait sans doute un peu trop. Bah ! En tout cas elle ne se

    fichait pas de lui pour la qualité du matériel. Le tout dernier

    I Phone venu tout droit des States. Théo regarda dans le

    répertoire. Le numéro de Jessie y était bien inscrit. Il

    l’appela. Après quelques instants une voix douce, un peu

    inquiète, se fit entendre :

    — Théo ? C’est bien vous ?

    — Oui. Bonjour Jessie. Je ne pensais plus avoir de

    vos nouvelles.

    — Je sais. Nous devons prendre des précautions dé-

    sormais, dit-elle sur un ton grave. Ce téléphone, ainsi que

  • Antoine Priolo

    28

    celui que j’utilise moi-même, est en principe impossible à

    repérer pour ceux qui recherchent ce que vous savez. Nous

    ne devrons jamais évoquer explicitement ces choses-là. On

    ne sait jamais. Donc, nous devons nous contacter unique-

    ment par ce moyen pour le moment. Plus de mails jusqu'à

    ce que nous ayons mis en place des boîtes parfaitement

    anonymes et sécurisées. C’est en cours de réalisation. Je

    vous en parlerai bientôt. Surtout, je vous en prie, gardez ce

    numéro secret et ne vous servez pas du mobile pour appeler

    qui que ce soit, c’est d’accord ?

    — Oui, je comprends Jessie, répondit le jeune

    homme d’un ton hésitant. Vous ne croyez pas que vous en

    faites un peu trop quand même ?

    Jessie ne répondit pas tout de suite, laissant planer

    un lourd silence, avant d’ajouter d’une voix assurée :

    — Je sais que ça peut sembler étrange pour vous,

    mais croyez-moi, nous courons réellement un danger.

    J’espère juste que votre messagerie n’a pas été piratée et

    que les autres ne savent pas que je vous ai trouvé.

    — Trouvé ? s’étonna Théo

    — Oui. Vous êtes un lien avec ce que vous savez.

    C’est ce qu’ils cherchent aussi. Ce lien vous met en danger,

    ainsi que son possesseur. C’est pourquoi nous devons nous

    rencontrer rapidement.

    — Nous rencontrer ?... Oui mais… où et quand ?

    demanda Théo que l’idée d’une rencontre ne rassurait

    guère :

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    29

    — Je décolle ce soir même pour vous rejoindre. Dès

    que je serais sur place je vous contacterais et nous fixerons

    un lieu de rendez-vous, si vous êtes d’accord bien entendu.

    Théo ne savait que dire. C’était si soudain qu’il était

    un peu perdu. Jessie emballait tout à coup le rythme des

    évènements, ce à quoi il n’était pas préparé. Il se demandait

    si tout ça n’était pas un peu fou, si Jessie n’était pas une

    détraquée, mythomane et paranoïaque. Et n’essayait-elle

    pas tout simplement de l’entraîner dans sa démence et sa

    parano ? Des histoires d’objets magiques, de luttes pour la

    domination du monde, de dangereuses organisations prêtes

    à tout pour arriver à leurs fins. Tout ça c’était du cinéma

    hollywoodien. Pourquoi est-ce que ce serait vrai ? Et pour-

    quoi est-ce que ça devait tomber sur lui ? Il n’était pas aisé

    de faire confiance à quelqu’un, fut-ce une jeune femme à la

    voix douce, qui venait vous débiter ce genre d’histoire,

    pour ne pas dire d’âneries. Cependant Théo avait beau

    tourner et retourner encore tout ça dans sa tête, il ne voyait

    pas où voulait en venir cette jeune femme. Les trois quarts

    du temps, les escrocs qui sévissent sur le Net en veulent à

    l’argent de ceux qu’ils piègent. Théo, du haut de ses qua-

    torze ans, n’avait pas beaucoup d’économies. Sa mère, bien

    qu’ayant une bonne situation, n’était pas riche. Son beau-

    père avait une situation plus enviable, il possédait un patri-

    moine assez conséquent et des revenus bien au-dessus de la

    moyenne. Mais alors ? Un enlèvement contre une rançon?

    C’était peut-être ça la solution. Jessie voulait une rencontre.

    Et si elle n’était pas seule ? Un rendez-vous dans un lieu

    isolé et hop ! Ligoté dans une fourgonnette, ni vu ni con-

    nu ! Il fallait se méfier. Théo refuserait une rencontre ail-

    leurs que dans un lieu très fréquenté où il serait vu par des

  • Antoine Priolo

    30

    centaines de personnes. Le centre-ville de Genève, en plein

    jour, dans une rue piétonne, aux heures de pointe. Et rien

    d’autre…

    Le rendez-vous avait lieu dans la vieille ville de

    Genève, place du Bourg-de-Four, à la terrasse d’un troquet.

    C’est Jessie qui avait proposé ce lieu. Théo avait accepté

    dans la mesure où, non seulement il y aurait du monde,

    mais en plus on y trouvait un poste de police. C’était par-

    fait. A croire que Jessie connaissait bien les lieux et qu’elle

    souhaitait donner confiance. Il était treize heures vingt-huit.

    Le rendez-vous était pour treize heures trente. Théo était

    arrivé un peu en avance. Il sirotait une menthe à l’eau à

    l’ombre d’un parasol. La température avoisinait les trente-

    cinq degrés. Le jeune ado regardait les passants qui allaient

    et venaient sur la place, scrutait les visages dans l’espoir

    d’apercevoir celui de Jessie. Comme il ne l’avait jamais

    vue, il ne pouvait que l’imaginer. Une fille qui passait son

    temps sur des ordinateurs à faire des recherches sur le passé

    devait être sans nul doute assez quelconque, portait des

    lunettes et ne devait pas être très à la mode, malgré tout son

    argent. Il crut enfin la voir arriver. Une jeune fille assez

    petite, cheveux bruns frisés, lunettes aux carreaux épais,

    jupe écossaise, se dirigeait droit sur lui. Il la fixa du regard,

    faillit se lever de sa chaise lorsqu’elle fut presque à la hau-

    teur de sa table et se laissa retomber alors qu’elle passait

    devant lui sans le regarder. Il la suivit des yeux en se tour-

    nant et la vit s’engouffrer à l’intérieur de l’établissement.

    Lorsqu’il se retourna vers la place, il sursauta. Devant lui,

    debout, se tenait une belle jeune femme blonde aux yeux

    bleus gris magnifiques qui donnaient à son regard, force et

    profondeur. Elle devait mesurer prés d’un mètre soixante-

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    31

    dix, fine, élégante, dans une robe estivale échancrée de cou-

    leur à dominante turquoise. Sa peau, très blanche,

    s’empourprait sous les rayons brûlants du soleil d’été. Théo

    sourit en demandant :

    — Jessie ?

    La jeune femme acquiesça d’un hochement de tête

    et un sourire se dessina sur son visage découvrant deux

    rangées de dents parfaitement alignées et blanches :

    — Bonjour Théo.

    Elle lui tendit une main fine aux ongles manucurés.

    Le jeune homme la saisit et tira doucement Jessie vers lui

    en disant :

    — Chez nous, entre garçons et filles, on se fait la

    bise.

    Jessie eut un large sourire amusé qui l’illumina. Elle

    se pencha en avant au-dessus de la petite table ronde qui les

    séparait. Elle tira ensuite le fauteuil devant elle et s’installa

    confortablement :

    — Je ne vous avais pas imaginé comme ça. dit-elle.

    Théo sourit à son tour :

    — Moi non plus.

    Ils rirent de bon cœur. Théo demanda :

    — Vous prenez quelque chose ?

    — Oui merci, un coca s’il vous plaît.

  • Antoine Priolo

    32

    — On pourrait peut-être se tutoyer qu’en penses-tu

    ? risqua l’adolescent.

    — Oui, je n’osais vous… te, le demander.

    — Je suis content de voir enfin la mystérieuse Jessie

    Graham. J’avoue que j’ai longtemps cru à une blague.

    Jessie rit. Elle se disait qu’elle-même avait encore

    du mal à croire à cette histoire :

    — Je te comprends, tu sais. Je t’avoue que je suis

    contente de pouvoir parler de tout ça à quelqu’un. Je vis

    dans l’angoisse depuis un an. Depuis que j’ai découvert les

    projets de mon père. Au début je me suis dit que je n’avais

    pas bien saisi la portée de la conversation, que je me faisais

    des films. Je n’avais que dix-sept ans et j’étais en pleine

    crise d’adolescence. J’ai voulu croire que ce que j’avais

    entendu ce soir-là était tout droit sorti de mon imagination,

    qu’il n’y avait rien de réel. J’ai décidé, pour m’en con-

    vaincre, de faire des recherches sur le médaillon et la che-

    valière. Au début je n’ai rien trouvé et ça m’a soulagé. Puis

    un jour je suis tombée sur un site d’ésotérisme et là j’ai eu

    un choc. Un tout petit article parlait d’une vieille légende

    selon laquelle une armée humaine avait été levée par les

    anges pour combattre le mal.

    Jessie marqua un temps d’arrêt. Le serveur venait de

    s’approcher de leur table. Théo commanda le coca de Jessie

    puis, lorsque le serveur se fut éloigné, demanda :

    — Et c’est tout ? Il n’y avait pas de quoi faire le lien

    avec ton père il me semble.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    33

    — Non, ce n’est pas tout. L’article mentionnait un

    médaillon que les anges auraient donné aux hommes pour

    leur donner le pouvoir de combattre le mal.

    — Ah, je comprends. En effet ça change tout.

    — Cet article était perdu au milieu de centaines

    d’autres dans un listing de contes et légendes. Je me sou-

    viens que l’intitulé de la page était : Fourre-tout des

    croyances occultes à travers les âges. J’ai pris contact avec

    les gens du site en question pour savoir d’où ils tenaient

    cette légende. L’un des collaborateurs du site avait écumé

    les bibliothèques et les boutiques spécialisées en sciences

    occultes et avait collationné des centaines de légendes et

    histoires diverses liées à l’occultisme, aux démons, anges,

    armées du bien et du mal etc. L’article venait de l’un de ces

    livres. Par chance cette personne était très bien organisée.

    Elle notait la provenance en marge de chaque article. Le

    livre en question s’intitule : Contes et légendes autour des

    religions du Moyen-Orient. Il a été écrit dans les années

    soixante par Margaret Hopkins. C’est le genre de livre

    qu’on écrit plus pour soi-même que pour les autres je crois.

    J’ai retrouvé cette personne en Galilée où elle vit depuis

    plus de quarante ans. C’est une historienne passionnée, qui

    a passé une partie de sa vie à chercher des traces tangibles

    de l’existence de Dieu, de Moïse, de Jésus et de tout ce qui

    tourne autour des religions de cette région, en particulier en

    Galilée et en Palestine. Elle a mis au jour de nombreux

    écrits, soit gravés dans la pierre, soit sous forme de par-

    chemins, soit encore des livres anciens datant de l’époque

    des croisades. C’est parmi ces trouvailles qu’elle a déniché

    ces histoires qu’elle a ensuite réunies dans un livre. Elle n’a

  • Antoine Priolo

    34

    pas vraiment réussi à démontrer l’existence de Dieu par

    contre.

    — Cette histoire proviendrait, alors, du Moyen-

    Orient ?

    — Oui et non. Elle prend sa source dans les contes

    orientaux mais elle semble intimement mêlée à la chrétien-

    té, à cause des croisades sans doute.

    — Je comprends.

    — C’est assez flou en fait. Les écrits trouvés, con-

    cernant ce conte précisément, proviennent de la biblio-

    thèque de Jérusalem. Ce sont des moines qui les ont écrits

    sans doute car ils sont en latin. Là s’arrête la trace. On ne

    sait pas d’où ils tenaient leurs informations.

    — Et le médaillon ? demanda Théo.

    — Ah ! médaillon. J’en ai parlé à Margaret Hop-

    kins. Elle m’a dit qu’il avait, d’après les écrits, un immense

    pouvoir, à condition d’être couplé à la fameuse chevalière.

    Seul il n’avait aucun pouvoir.

    — Ah bon !?

    — Oui, aucun ou très peu. Les deux bijoux auraient

    été façonnés par les anges guerriers. Ils auraient recruté de

    valeureux combattants parmi les hommes, pour former une

    armée censée lutter contre le mal et les démons en tous

    genres qui peuplaient la Terre en ce temps-là. Grâce à la

    puissance des bijoux, portés par leur chef, ils devenaient

    invincibles et devaient venir à bout du mal.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    35

    — Visiblement ça n’a pas marché. constata Théo

    avec désolation.

    Jessie haussa les épaules :

    — Visiblement. C’est à partir de là que j’ai eu des

    doutes sur la véracité de l’histoire. Si les anges avaient

    donné aux hommes une telle puissance, notre présent de-

    vrait être paisible et débarrassé du mal. Quand on voit ce

    qu’a fait Hitler il n’y a pas si longtemps !

    — Alors, toute cette histoire n’est qu’une légende

    en fin de compte ?

    — Non. C’est le paradoxe. J’ai trouvé des traces de

    l’existence du médaillon. Suite aux conseils de Madame

    Hopkins, qui n’avait jamais pu le faire, j’ai consulté de

    nombreux ouvrages de la grande bibliothèque de Paris. J’y

    ai passé des semaines ! J’en devenais folle à la fin. Mais

    j’ai trouvé ! affirma-t-elle, un large sourire illuminant à

    nouveau son visage. Dans un manuscrit du Moyen Age. Tu

    sais ces magnifiques ouvrages, plein d’enluminures, écrits

    en lettres calligraphiées, que l’on dirait tout droit sortis des

    films de sorcellerie ?

    — Ah oui, je vois très bien. Une sorte de Gri-

    moire ! s’enthousiasma Théo. J’adore ces trucs, ils sont

    magnifiques !

    — Oui c’est vrai. Moi aussi je les trouve très beaux.

    Bon, pour revenir à notre histoire, dans ce manuscrit, qui

    parlait lui aussi d’anges et de démons, il y a une magnifique

    enluminure qui représente….

  • Antoine Priolo

    36

    Elle s’interrompit à nouveau. Le serveur lui appor-

    tait son coca. Elle le laissa s’éloigner. Théo, n’y tenant

    plus, dit :

    — Le médaillon, c’est ça ?

    — Hum, hum, fit Jessie en hochant la tête. On voit

    un ange guerrier apporter le médaillon à un chevalier en

    armure. Ce qui est étrange, dans ce manuscrit, c’est qu’il

    n’est jamais fait référence à un quelconque pouvoir du mé-

    daillon. On n’y voit pas non plus la chevalière. Le texte dit

    que l’ange a apporté un médaillon au chevalier pour le pro-

    téger lors du combat qu’il doit mener.

    — Il n’y a peut-être pas de rapport avec le médail-

    lon magique.

    — C’est ce que je me suis dit aussi. J’ai donc conti-

    nué à chercher d’autres références. J’ai été à Londres et à

    Rome pour essayer de trouver d’autres indices, en vain.

    Cette représentation de l’ange apportant le médaillon est la

    seule que j’ai jamais trouvée à ce jour.

    Jessie semblait lasse, son visage se ferma. Théo

    était dubitatif. Comment rapprocher cette gravure de

    l’histoire de Madame Hopkins ? Jessie eut de nouveau le

    sourire. Elle fixait Théo, les yeux pétillants et vifs :

    — Maintenant je suis certaine que le médaillon est

    le bon.

    — Ah. Et pourquoi ? s’étonna Théo.

    — Réfléchis. Si je suis là, avec toi, c’est bien à

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    37

    cause de la chevalière, non ?

    Théo se tapa le front du plat de la main avant

    d’avouer :

    — Je suis bête ! Bien sûr ! Si la gravure du médail-

    lon et celui de la chevalière sont les mêmes, c’est que les

    deux sont authentiques, c’est bien ça ?!

    — Il ne peut en être autrement. On a, d’un côté, un

    symbole gravé sur un médaillon dessiné sur un manuscrit

    du Moyen Age et de l’autre, une chevalière peinte sur un

    tableau appartenant à quelqu’un de ta connaissance. Tu

    penses qu’il peut s’agir d’une simple coïncidence ?

    Théo essayait de ne pas s’emballer et de garder la

    tête froide. Il réfléchit avant de dire :

    — Peut-être aussi que ce symbole représente

    quelque chose de plus ou moins connu et qu’il est représen-

    té sur divers bijoux.

    — Non, impossible. J’ai fait des recherches. Le

    symbole ne représente rien de connu, du moins représenté

    ainsi en tout cas. Bien sûr la balance et l’épée sont très cou-

    rantes mais pas représentées ainsi. Ce n’est le sceau

    d’aucune confrérie, pas plus que le signe d’aucune religion.

    J’ai tout passé en revue. Enfin, je crois.

    — Tu as fait un travail de titan à ce que je vois.

    Cette dernière phrase marquait le doute dans la voix

    du jeune ado. Comment Jessie avait-elle pu, seule, réaliser

    un travail aussi vaste et fastidieux ? Elle avait couru les

  • Antoine Priolo

    38

    bibliothèques du monde entier durant des mois, cherchée

    une correspondance du symbole dans toutes les religions,

    toutes les organisations… Même avec beaucoup d’argent,

    seul on ne peut pas tout faire. Jessie but son coca. La cha-

    leur suffocante du début d’après-midi faisait perler la sueur

    le long de sa colonne vertébrale. Elle prit la carte des bois-

    sons sur la table et s’éventa avec des gestes rapides de la

    main. Elle finit par dire, presque gênée :

    — Je ne suis pas seule.

    — C’est vrai ? fit Théo, feignant faussement

    l’étonnement.

    Elle comprit :

    — Bon d’accord, j’aurais dû te le dire tout de suite.

    Mais comprends-moi, je suis méfiante. Je ne savais pas si je

    pouvais te faire confiance.

    — A côté de ça je ne suis qu’un jeune de quatorze

    ans. Tu n’as pas grand-chose à craindre de moi.

    — Il ne faut jamais se fier aux apparences. Ceux qui

    cherchent les bijoux, comme moi, sont prêts à tout pour les

    obtenir. Lorsque j’ai créé le site je me suis demandé qui le

    trouverait en premier : les bons ou les méchants ? Je savais

    que je risquais peut-être ma vie en le faisant. J’ai décidé de

    le faire parce que je n’avançais plus dans mes recherches.

    Les indices ont été effacés, comme on efface la craie sur un

    tableau. Il en subsiste si peu que je me demande si je ne les

    ai pas tous trouvés.

    — Vous êtes combien ? demanda Théo.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    39

    Jessie ne répondit pas. Il se leva de sa chaise et quit-

    ta la table. Elle le saisit par le bras :

    — Je t’en prie Théo, reste.

    Sa voix était suppliante. Le jeune homme se rassit et

    dit :

    — On doit se faire confiance, Jessie, sinon il vaut

    mieux laisser tout tomber.

    — Je suis d’accord. C’est vrai, tu as raison... J’ai

    peur Théo.

    La main de l’adolescent se posa délicatement sur

    celle de la jeune fille, comme pour l’apaiser :

    — N’aie pas peur, ça va aller... je vais te dire qui a

    le tableau.

    — Non ! Pas maintenant, pas ici ! supplia-t-elle. On

    pourrait nous écouter, qui sait. Marchons plutôt.

    Jessie sortit un billet qu’elle glissa dans la coupelle

    prévue à cet effet :

    — Allons-y. ajouta-t-elle en se redressant.

    Les deux jeunes gens arpentèrent la place en discu-

    tant. Théo expliqua :

    — Ce tableau appartient à ma famille depuis tou-

    jours, d’après ce que ma mère m’a dit. Il est actuellement à

    mon grand-père paternel.

    — Et où est-il ton grand-père ? Est-ce qu’on peut le

  • Antoine Priolo

    40

    voir ?

    — C’est un grand vétérinaire, lança fièrement l’ado.

    Il tient une réserve en Afrique du Sud. Pour le voir il faudra

    aller là-bas.

    — Ca, ce n’est pas un problème. Affirma-t-elle.

    — Pour toi peut-être, mais pour moi c’est une autre

    affaire, dit-il d’un ton gêné.

    — Pourquoi ça ?

    — Je te rappelle que je n’ai que quatorze ans et que

    mes parents ne me laisseront pas partir comme ça, tout seul,

    avec une belle inconnue.

    Jessie esquissa un léger sourire à l’écoute de cette

    dernière remarque.

    — Il faut pourtant trouver un moyen, très vite,

    Théo.

    — Oui, mais comment ?

    — Je ne sais pas moi, sois inventif ! s’agaça Jessie.

    Théo leva les bras au ciel en marmonnant :

    — Inventif, inventif. Tu en as de bonnes toi !

    — Je ne sais pas, tu pourrais dire que je suis ta pe-

    tite amie et que je t’ai proposé de passer le week-end à la

    maison.

    — Bah ! C’est n’importe quoi ! Mes parents ne

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    41

    croiront jamais que je sors avec toi.

    — Pourquoi ? Je ne suis pas assez bien pour toi ?

    dit-elle avec humour.

    Théo rit :

    — C’est pas ça. Tu es beaucoup trop vieille pour

    moi! Et puis ils n’accepteront jamais que je passe un week-

    end avec une fille !

    — Ils sont drôlement vieux jeu tes parents, s’étonna

    la jeune Américaine.

    — Eh bien oui, c’est des parents. Mais, par contre,

    tu me donnes une idée.

    — Ah oui, laquelle ?

    — Je peux passer le week-end chez mon ami Paul.

    — Il sera d’accord pour te couvrir ?

    — Oui, t’inquiète, j’en fais mon affaire. Mais com-

    ment je vais passer les frontières ?

    — Ca c’est mon affaire, affirma Jessie en tournant

    les talons. On s’appelle.

    Elle s’éloigna en faisant un geste de la main en

    guise d’au revoir.

    §

  • Antoine Priolo

    42

  • 43

    Chapitre III

    — Le tableau

    Théo avait convaincu Paul Werter de le couvrir. Il

    avait aussi convaincu sa mère de le laisser partir passer

    quelques jours chez son ami. Ce n’était pas la première fois

    qu’il le faisait. Ses parents, en confiance, n’avaient émis

    aucune objection. Théo avait préparé son sac de voyage

    avec soin. Il avait pris son passeport, en douce, dans le ti-

    roir de l’armoire du bureau de son beau-père, là où les pa-

    piers étaient toujours rangés. Il n’était pas rassuré de faire

    ce voyage lointain, à leur insu. Il n’était pas particulière-

    ment menteur de nature et n’aimait pas dissimuler. Seule-

    ment cette fois il n’avait pas le choix. Sa mère, surtout, ne

    l’aurait jamais laissé partir faire un tel périple, seul, ou

    presque. Madame Duval s’était proposé d’accompagner son

    fils chez son ami Paul. Théo avait décliné la proposition,

    expliquant qu’une cousine de Paul, Jessie, passerait le cher-

    cher. Madame Duval n’y trouva rien à redire. C’est ainsi

    que Théo quitta la maison familiale par une belle et chaude

    journée d’été.

    Jessie avait ramassé ses cheveux en chignon, déga-

    geant son front haut et l’ovale de son visage. Elle était vê-

    tue d’un ensemble composé d’une Saharienne beige et d’un

  • Antoine Priolo

    44

    short qui descendait à mi cuisses. Théo avait enfilé son

    éternel jeans et passé un tee-shirt noir avec, dans le dos, en

    lettres blanches : ‘Black Eyed Peas’. La jeune femme rou-

    lait en direction de l’aéroport de Genève. Elle regarda Théo

    qui restait silencieux depuis leur départ et demanda :

    — Ca va ?

    Il la regarda à son tour et répondit timidement:

    — Oui, ça va.

    — Tu es inquiet ?

    — Un peu.

    — On sera de retour dans deux jours si tout se passe

    bien, ne t’en fais pas.

    — D’accord.

    Théo n’était pas à l’aise de partir ainsi. Il avait peur

    de devoir regretter cette décision. Jessie ressentait le ma-

    laise du jeune homme. Elle ajouta :

    — Je te promets que tout ira bien.

    — Je sais. C’est juste que j’aie peur que mes parents

    l’apprennent.

    — Dis-toi que c’est pour une bonne cause.

    — C’est pour mon grand-père surtout, s’inquiéta

    Théo. J’ai peur, si tu dis vrai, qu’il lui arrive quelque chose.

    — On va récupérer le tableau. Il ne risquera plus

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    45

    rien après ça.

    Tenta de le rassurer Jessie. Théo regarda sa

    montre :

    — On décolle à quelle heure ?

    — Dans quinze minutes.

    — Quinze ! s’exclama-t-il, étonné. On n’y sera ja-

    mais ! Le temps de passer la douane il aura décollé depuis

    longtemps.

    Jessie rit avant de dire :

    — Pas d’inquiétude, on y sera.

    — Je te trouve bien sûre de toi. Il faut être à

    l’aéroport au moins une heure avant le décollage.

    La voiture prit la bretelle d’accès à l’aérogare, passa

    devant sans s’y arrêter, se dirigea vers une zone privée,

    close par des barrières. La jeune femme stoppa le véhicule,

    sortit un badge, qu’elle passa devant une borne magnétique,

    ouvrant la barrière. Elle s’engagea dans l’allée sur deux

    cents mètres environ avant de s’arrêter sur un parking. Les

    deux jeunes gens sortirent de la voiture, prirent leurs ba-

    gages et s’engouffrèrent dans un hangar par une porte dé-

    robée. A l’intérieur régnait le bruit assourdissant d’un réac-

    teur d’avion. Théo suivait Jessie qui se dirigeait droit vers

    un jet privé. Il comprit pourquoi ils décolleraient à l’heure.

    Lorsqu’ils furent au pied de l’appareil, le commandant de

    bord descendit les accueillir :

    — Bienvenue à bord mademoiselle Jessie. Bienvenu

  • Antoine Priolo

    46

    jeune homme.

    Le pilote, la cinquantaine, cheveux grisonnants,

    belle allure dans son uniforme bleu et blanc, les convia à

    monter l’escalier. Lorsqu’ils furent installés dans les con-

    fortables fauteuils qui se faisaient face, séparés par une

    petite table, Théo dit :

    — Un Jet privé ! Il doit être drôlement riche ton

    père ?

    Jessie sourit, appuya sur le bouton d’un Interphone

    qui était fixé près de son fauteuil et demanda au pilote de

    décoller. Elle attacha sa ceinture. Théo fit de même. Elle le

    regarda dans les yeux et dit d’un ton calme:

    — Il n’est pas à mon père.

    — Ah ! Je me disais aussi.

    — Il est à moi.

    Théo écarquilla les yeux. Il imaginait bien que seuls

    les milliardaires pouvaient s’offrir ce type d’appareil. Il

    n’en croyait pas ses oreilles :

    — A toi ?! Mais... Il faut être très riche pour…

    — C’est le cas. le coupa-t-elle.

    L’avion sortit doucement du hangar, roula jusqu'à la

    piste, s’immobilisa un moment avant que le vrombissement

    des réacteurs n’emplisse l’habitacle. L’appareil entra en

    vibration et accéléra fortement. Il ne roula pas très long-

    temps, beaucoup moins en tout cas qu’un avion de ligne

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    47

    ordinaire, avant de quitter le sol. Un bruit sourd retentit. Le

    train venait de se loger dans la carlingue fuselée du bolide

    qui fendait l’air à toute allure. Le sol s’éloignait rapide-

    ment. A travers le hublot Théo avait une vue d’ensemble

    sur Genève, le lac et les Alpes. Le mont Blanc luisait ma-

    jestueusement dans le soleil matinal. L’appareil décrivit

    une large courbe vers la droite en s’éloignant toujours plus

    du sol. Il devait survoler les Alpes, traverser la Méditerra-

    née et tout le continent Africain pour atterrir sur un aéro-

    port proche de Johannesburg. Le voyage durerait une dou-

    zaine d’heures. Jessie détacha sa ceinture lorsque le voyant

    rouge passa au vert. Elle ouvrit un petit compartiment situé

    sur le côté et demanda :

    — Tu veux boire quelque chose ?

    — Tu as du jus d’orange ?

    — Oui.

    Elle sortit deux petites bouteilles et deux verres,

    qu’elle posa sur la table :

    — C’est top de voyager comme ça ! fit Théo en vi-

    dant le contenu de la bouteille dans le verre.

    Jessie ajouta :

    — On est moins les uns sur les autres et c’est plus

    pratique pour aller où bon nous semble.

    — C’est sûr. Mais dis-moi, comment se fait-il que

    tu sois si riche ?

    — Je te l’ai dit, j’ai hérité de la fortune de ma mère.

  • Antoine Priolo

    48

    Mon grand-père était un banquier de Boston. A sa mort,

    c’est ma mère qui a hérité de tout. Elle était fille unique. En

    plus de ça ma mère possédait l’un des plus grands cabinets

    d’avocats des Etats-Unis. Autant te dire que sa fortune per-

    sonnelle, avant héritage, était déjà conséquente.

    — Tu as touché le jackpot en somme !

    Théo venait de se rendre compte que cette réflexion

    était quelque peu déplacée car, si Jessie avait hérité, c’était

    bien parce que sa mère était morte. Il ajouta :

    — Je suis désolé Jessie, je ne voulais pas dire…

    — Bah, ne t’inquiète pas pour ça. J’ai appris à vivre

    sans ma mère. dit-elle d’un ton désinvolte.

    Théo perçut toutefois une émotion dans la voix et

    les yeux de la jeune femme :

    — Elle te manque ? questionna-t-il d’une voix feu-

    trée.

    Jessie buvait son jus d’orange. Elle fit un hoche-

    ment de tête en clignant des yeux en guise

    d’acquiescement. Elle posa son verre et dit :

    — Bon, nous devons parler de ce que nous ferons

    une fois sur place. Un 4x4 nous attend à l’aéroport. Nous

    irons à l’hôtel passer la nuit et demain matin, à la première

    heure, nous filerons vers la réserve de ton grand-père.

    D’après mes calculs elle se situe à quatre heures de Johan-

    nesburg. Nous devrions y être avant midi. Tu as réfléchi à

    ce que tu allais lui raconter pour récupérer le tableau ?

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    49

    — Je vais lui dire la vérité.

    — Non, je ne te le conseille pas. C’est trop gros

    pour qu’il puisse y croire.

    — On peut essayer.

    Jessie haussa les épaules et grimaça :

    — Après tout, c’est ton grand-père. Tu le connais

    mieux que moi. Si tu penses que c’est la solution…

    — Nous avons toujours été très proches tous les

    deux. Je pense pouvoir le convaincre que je ne mens pas.

    — Bon. Une fois en possession du tableau nous de-

    vons revenir au plus vite à l’avion et redécoller pour nous

    rendre à Hong Kong.

    — A Hong Kong ! s’écria Théo, mais… C’était pas

    prévu ça ?

    — Je sais, je ne t’ai pas tout dit pour ne pas te faire

    peur. Il faut mettre le tableau en lieu sûr.

    — Et pourquoi Hong Kong ?

    — Parce que c’est là que nous pourrons l’étudier.

    Nous avons quelqu’un là-bas qui va nous aider.

    — Je peux savoir qui c’est ?

    — Tu m’as demandé l’autre jour combien nous

    étions. Je n’ai pas répondu à ta question. J’ai un contact

    avec lequel je travaille depuis des mois. C’est un Chinois

    de Hong Kong. C’est lui qui a piraté ton ordinateur et ton

  • Antoine Priolo

    50

    adresse mail. C’est un petit génie de l’informatique qui est

    capable de faire des miracles !

    — Et tu as confiance en lui au point de lui confier le

    tableau ? s’étonna Théo qui ne voyait pas ça d’un bon œil.

    — Oui, il m’a beaucoup aidée dans ma quête. Sans

    lui je ne serai arrivée à rien. Il a passé un temps fou à cher-

    cher la signification du symbole, a exploré toutes les bases

    de données des bibliothèques de Paris, Londres, Rome etc.

    C’est comme ça que j’ai pu sélectionner les ouvrages à étu-

    dier, sans fouiller une à une les étagères poussiéreuses. Il a

    piraté des sites, des ordinateurs. Il est indispensable pour

    moi.

    — Tu l’as connu comment ce Chinois ?

    Jessie se pinça les lèvres, hésitante. Devant le re-

    gard insistant de Théo, elle ajouta :

    — C’est un camarade de classe.

    — A Hong Kong ?

    — Non, à New York. C’est le fils de l’ancien consul

    de Chine de la ville. Il a passé deux ans dans notre collège.

    C’est un garçon très brillant. Lorsque j’ai commencé à faire

    mes recherches j’ai tout de suite pensé à lui. J’avais besoin

    de quelqu’un comme lui, capable de faire des prouesses

    avec un ordinateur. Il m’a été d’une aide très précieuse.

    Sans lui j’aurais eu du mal à dénicher les indices concer-

    nant les Mikelians. Tu vas bientôt le connaître, Il nous re-

    joindra à Johannesburg.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    51

    Il faisait froid ! Un comble alors qu’on était en

    Afrique ! Théo n’avait pas prévu de sweet-shirt ou de pull.

    Jessie avait revêtu un pardessus gris dont elle avait relevé le

    col pour se protéger du vent glacé. Le commandant de bord

    tendit un gros pull bleu marine à Théo en disant :

    — Tenez, mettez ça, vous allez attraper mal.

    L’ado s’empressa de le revêtir. Il sentit la chaleur

    l’envahir progressivement. Jessie descendit l’escalier de

    l’avion. Elle se retourna vers Théo et dit :

    — Viens, ne restons pas là, il fait trop froid. On va

    aller à l’hôtel se reposer.

    — Tu es sure que nous sommes en Afrique ?

    S’inquiéta Théo qui n’arrivait pas à comprendre qu’il put

    exister de telles températures dans ce pays.

    — Désolée, s’excusa la jeune femme, j’aurais dû

    penser à te prévenir. Johannesburg est en altitude, près de

    mille cinq cents mètres, je crois. En plus, ici, c’est l’hiver.

    — Super ! Je n’ai pris que des tee-shirts.

    — On va faire quelques emplettes dans les bou-

    tiques de l’hôtel, ne t’en fais pas.

    §

    L’hôtel Hilton était situé à Sandton, une banlieue du

    nord de Johannesburg. Depuis l’aéroport il fallait une

    bonne demi-heure pour le rejoindre. C’était un bâtiment

    tout blanc, dont le plan en croix formait quatre ailes dis-

  • Antoine Priolo

    52

    tinctes distribuées par une rotonde centrale. Il était situé sur

    Rivonia Road, une large artère bordée d’immeubles de bu-

    reaux modernes, noyés dans la verdure pour la plupart.

    Théo était habitué au luxe depuis toujours et ne s’étonnait

    guère de la décoration ostentatoire du grand hall d’accueil

    de l’établissement. Jessie avait réservé une suite luxueuse

    et spacieuse du dernier étage. L’accueil qui leur fut réservé

    était digne d’un chef d’Etat. Tout le personnel était au

    garde-à-vous, prêt à exaucer le moindre de leurs désirs.

    Cela, par contre, étonnait Théo. Il comprit soudain toute la

    différence qu’il pouvait y avoir entre la richesse de son

    beau-père et celle de Jessie. Lui, était reçu comme un client

    qui venait passer une nuit, ou plusieurs, dans un hôtel géné-

    ralement de même catégorie que celui-ci. Le personnel était

    courtois, professionnel et dévoué à son endroit. Elle, était

    reçue comme une princesse, une star de la pop ou du ciné-

    ma. Le directeur en personne venait la saluer, faisait des

    courbettes, donnait des ordres à son personnel afin qu’il

    s’active pour satisfaire l’hôte de marque qui arrivait. C’était

    assez amusant de voir cette ruche s’agiter ainsi, soudaine-

    ment, rompant l’apparente tranquillité du lieu. Jessie, visi-

    blement à l’aise avec tous ces salamalecs, donnait ses direc-

    tives, pour ne pas dire ses ordres, en ne s’adressant qu’au

    directeur qui, d’un regard et d’un geste de la main, activait

    ses subordonnés comme des lampes qu’on allume en tapant

    dans les mains.

    Le smartphone de Jessie sonna. Elle décrocha et

    dit :

    — Yu ? Tu es arrivé ? D’accord, on se retrouve

    pour le dîner. Disons dans trente minutes.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    53

    Théo interrogeait la jeune femme du regard. Elle le

    prit par le bras :

    — Viens, montons dans la suite nous préparer pour

    le dîner. Notre ami est arrivé.

    — Tu veux dire le Chinois ?

    — C’est ça. Il va venir avec nous chercher le ta-

    bleau.

    Les deux jeunes gens s’engouffrèrent dans

    l’ascenseur pour rejoindre leur suite.

    §

    Lee Yu était un jeune homme de seize ans, mesu-

    rant un mètre soixante-cinq, un peu rondouillard, ce qui lui

    donnait un air jovial. Il souriait. Jessie se précipita dans ses

    bras pour l’accueillir. Ils échangèrent les banalités habi-

    tuelles des gens qui sont heureux de se retrouver. Jessie

    relâcha son étreinte et se tourna vers Théo, un bras tendu

    vers lui :

    — C’est Théo, le jeune garçon dont je t’ai parlé.

    lança-t-elle. Lee Yu s’avança vers Théo en tendant sa main

    droite, un large sourire sur le visage :

    — Je suis heureux de te rencontrer Théo.

    — Moi aussi… Lee c’est ça ?

    — Oui, Lee c’est mon nom de famille. Appelle-moi

    Yu. Chez nous, en Chine, on donne d’abord le nom, suivi

    du prénom. Le contraire de vous autres occidentaux.

  • Antoine Priolo

    54

    — D’accord Yu. Je ne savais pas. s’excusa Théo.

    Jessie les convia à prendre place autour de la table

    du dîner. Il était déjà tard dans la soirée et elle mourrait de

    faim. Le restaurant de l’hôtel était presque vide à cette

    heure. Un maître d’hôtel approcha, précédé d’un serveur

    qui tendit une carte tour à tour aux trois convives. Yu de-

    manda au maître d’hôtel s’il y avait de la pizza à la carte.

    Ce dernier écarquilla les yeux et prit un air presque offus-

    qué. De la pizza dans un restaurant aussi luxueux ! Le

    maître d’hôtel, stylé, très — british dans l’attitude, expliqua

    à Yu qu’il y avait une pizzéria dans le centre commercial

    qui se trouvait un peu plus loin. Jessie n’apprécia guère la

    remarque et demanda que l’on prépare trois pizzas. Le

    maître d’hôtel s’inclina et ordonna que la cuisine fasse pré-

    parer les pizzas. Théo en resta bouche bée. Il découvrait en

    Jessie une femme que l’immense fortune pouvait rendre

    autoritaire, voire capricieuse. Lui qui avait toujours été

    éduqué à agir exactement à l’inverse de cela, dans

    l’humilité et le respect du travail des autres, ne comprenait

    pas que l’on put agir ainsi, même très riche. Il le fit savoir à

    Jessie qui, visiblement, ne comprit pas les remarques de

    son jeune compagnon.

    §

    — J’adore les pizzas !

    Lança Yu qui dévorait une énorme bouchée. Les

    jeunes gens rirent de bon cœur devant la satisfaction du

    jeune Asiatique :

    — Je suis content d’être là avec vous, ajouta-t-il.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    55

    J’ai hâte de voir le tableau. J’espère qu’il nous fournira des

    indices sur l’Élu.

    Jessie lança un regard réprobateur à Yu et lui en-

    voya un coup de pied sous la table. Yu cria :

    — Aïe ! Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?

    — Rien, mange !

    Jessie n’était pas contente de son camarade. Théo,

    qui évidemment n’avait pas perdu une miette de cet épi-

    sode, lança :

    — C’est quoi cette histoire d’Élu ? Vous voulez

    bien m’expliquer ?

    Les deux jeunes gens se turent, piquèrent le nez

    dans leur assiette et continuèrent à manger. Théo soupira

    avant d’ajouter :

    — Bon, écoutez les amis, si vous ne me dites pas

    tout ce que vous savez, je laisse tomber et je ne vous con-

    duis pas à mon grand-père. Depuis le début, Jessie, tu me

    caches la vérité sur ce que tu sais. Et je crois que tu en sais

    bien plus que tu ne veux bien m’en dire. Si je dois marcher

    avec vous deux il faut que je connaisse toute l’histoire vous

    ne croyez pas ?

    Yu regarda Jessie et lui fit un petit signe de tête ap-

    probateur. Elle regarda Théo dans le fond des yeux, scru-

    tant sa détermination et finit par lâcher :

    — Il y a des choses que nous n’avons pas mises sur

    le site, concernant cette histoire. Le but était de recueillir

  • Antoine Priolo

    56

    des renseignements, pas d’en divulguer. Nous avons plus

    d’indices que j’ai bien voulu l’avouer.

    — C’est drôle, je m’en doutais un peu. ricana le

    jeune ado.

    Jessie reprit :

    — Nous savons que l’Ordre des Mikelians a été

    fondé, d’après les écrits, par l’archange Saint-Michel en

    personne. Il aurait donné des pouvoirs immenses à celui-ci

    au travers des bijoux magiques afin que ses membres ter-

    rassent le mal. Le pouvoir des Mikelians était si grand

    qu’ils auraient dû réussir leur entreprise sans trop de diffi-

    cultés.

    — Qu’est-ce qui les en a empêchés ?

    — Ce n’est pas très clair. Il semble qu’ils furent tra-

    his par un des leurs sans doute et que le pouvoir des bijoux

    s’en soit trouvé diminué.

    — De quelle façon ?

    — Nous ne le savons pas. Les textes que nous avons

    mis au jour ne le précisent pas. Après cette trahison les Mi-

    kelians ont été progressivement battus. Toutefois ils ont

    lutté longtemps et ont infligé aux forces adverses de

    lourdes pertes. A la fin les deux camps furent si affaiblis

    qu’ils faillirent disparaître tous les deux. Mais les Mike-

    lians furent anéantis jusqu’au dernier, ou presque.

    — Il y a eu des survivants ? demanda Théo, de plus

    en plus intrigué.

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    57

    — D’après ce que nous en savons, oui. Le dernier

    Maître de l’Ordre demanda à Saint-Michel d’épargner son

    unique fils, qui venait de naître, afin qu’un jour il puisse

    perpétuer la lignée des Mikelians et reprendre le combat.

    L’archange décida d’épargner l’enfant mais il retira tout

    pouvoir à sa descendance jusqu’à la vingtième cinquième

    génération afin que le mal ne puisse découvrir leur exis-

    tence. Il emporta le nouveau-né et le cacha quelque part, le

    confiant sans doute à des inconnus. Plus personne

    n’entendit parler de lui et des Mikelians.

    — Vous avez retrouvé la trace de ces descendants ?

    — Non, pas encore. C’est pourquoi nous recher-

    chons des indices. Je ne t’ai pas tout dit de la conversation

    que j’ai surprise entre mon père et monsieur X. Ils ont parlé

    des bijoux mais aussi de l’Élu.

    — Qui est cet Élu ? Le descendant des Mikelians,

    c’est ça ?

    — Nous en sommes persuadés. L’Élu est celui qui

    retrouvera la force qui lui permettra de vaincre à nouveau le

    mal.

    — C’est une sorte de messie en fin de compte ?

    — Non, c’est un homme qui disposera de pouvoirs

    surnaturels qui lui permettront de lutter.

    — Eh bien ! il va avoir un sacré boulot ce pauvre

    gars ! s’amusa Yu qui engloutissait une part de pizza.

    — Nous devons retrouver à tout prix les bijoux, af-

  • Antoine Priolo

    58

    firma Jessie et les remettre à l’Élu.

    — Mais il est où cet Élu ?

    — Ca, nous ne le savons pas. C’est pour nous toute

    la difficulté actuellement. Nous devons être sur tous les

    fronts en même temps : rechercher l’Élu, le médaillon et la

    chevalière ! Et comme je pense que rien n’a été fait pour

    faciliter les choses, ça m’étonnerait fort qu’on les trouve

    tous les trois au même endroit!

    — Et vous comptez sur le tableau de mon grand-

    père pour vous apporter des indices. Je comprends mieux.

    Théo réfléchit un moment avant d’ajouter :

    — Ce que j’aimerais comprendre, c’est ce qui lie

    ma famille à ce tableau et donc aux Mikelians ?

    — Pour le savoir, nous devons récupérer le tableau

    et chercher les indices qu’il recèle. Yu et moi fondons de

    grands espoirs là-dessus.

    — Et si, supposa Yu, nous ne trouvons rien de con-

    cret ?

    Jessie le regarda et leva les mains au ciel :

    — Alors nous n’aurons plus qu’à chercher ailleurs.

    Notre quête continuera quoi qu’il en coûte, il le faut.

    §

    Le 4x4 filait à toute allure sur les pistes poussié-

    reuses de la savane Africaine. Cela faisait plus de trois

  • Les aventures fantastiques de Théo Orgone – Les bijoux magiques de l’Archange

    59

    heures que Jessie, Yu et Théo avaient quitté leur hôtel de

    Johannesburg en direction du nord-ouest. Progressivement

    une chaleur étouffante remplaça le froid relatif de la méga-

    pole Sud-Africaine. Théo et Yu regardaient dans toutes les

    directions le spectacle de la savane. Pour les deux jeunes

    gens c’était la première incursion sur ce continent magique

    qui faisait rêver enfants et adultes du monde entier. Ils

    apercevaient, de-ci de-là, hyènes, phacochères, éléphants,

    rhinocéros et girafes. Le spectacle était à la hauteur de ce

    qu’ils avaient pu imaginer. La présence d’autant d’animaux