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DOSSIER Ces nouveaux réseaux se développent dans les organisations. Avec quel impact sur leurs modes de communication et de collaboration ? En créant de nouveaux flux transverses, vont-ils permettre de les décloisonner et induire de nouvelles façons de travailler ? Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ? Les cahiers de la communication interne ET DANS CE NUMÉRO Quand une loi sur le handicap devient une opportunité pour fédérer les équipes Culture de la relation : de l’implicite à l’explicite Observatoire de l’Intranet 2011 : les grandes tendances n°29 décembre 2011 - 25

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DOSSIER

Ces nouveaux réseaux se développent dans les organisations.Avec quel impact sur leurs modes de communicationet de collaboration? En créant de nouveaux flux transverses, vont-ils permettre de les décloisonner et induire de nouvellesfaçons de travailler ?

Réseaux sociaux d’entreprise:une révolution en marche?

Les cahiers de lacommunication interne

ET DANS CE NUMÉRO • Quand une loi sur le handicap devient une opportunité pour fédérer les équipes • Culture de la relation : de l’implicite à l’explicite •

Observatoire de l’Intranet 2011 : les grandes tendances •

n°29décembre 2011-25€

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SOMMAIRE

ACTUALITÉSHandicap : quand l'obligation légale devient une opportunité pour fédérer 4Yohanna Chemouny, Sarah Thuillet et Julia Denis

Une marque forte et... l'entreprise gagne en cohésion 7Pascale Dumon-Poiret

Trois leviers pour une culture de la relation en entreprise : de l'implicite à l'explicite 10Florence Duriez

Des managers de plus en plus impliqués dans la communication avec leurs équipes 13Compte rendu réalisé par Aurélie Renard

Quand les chevaux nous apprennent à manager 16Robert De Backer

DOSSIER

Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche? 19

« Converser » et servir la communication interne et la coopération 20Guillaume Aper

Réseau social interne : vers une organisation « ouverte » 23Nicolas Rolland, Stéphane Lapeyrade, Ludovic Boursin

Le Web 2.0 au cœur de la conduite du changement 28Marie-Gaëlle Michelin

Ces nouveaux flux qui révolutionnent l'entreprise 31Serge Soudoplatoff

Les politiques TIC internes et les « territoires numériques » des salariés 34Maryse Carmes

Points de vue 38À la recherche de la proximité perdue • Notre job ? Chatouiller les langues de bois

La chronique du net 39Isabelle Reyre

Lu pour vous 42Le média humain : dangers et opportunités des réseaux sociaux pour l'entreprise • Le droit à lavulnérabilité • Ces idées qui collent • Communication et environnement, le pacte impossible •Edgar Morin, aux risques d'une pensée libre • Les tyrannies de la visibilité

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Les cahiers de la communication interne n°29 - Décembre 2011 3

DLes avantages du rond-point

ÉDITORIAL

Des similitudes existent entre l’évolution des pratiques de communication et celle de la cir-culation routière. La priorité à droite était autrefois la seule règle dans les croisementssignalés par des panneaux simples. Chacun devait avoir ce principe en tête. Donc ralentir,vérifier qu’aucun véhicule n’arrivait sur la droite, puis passer seulement ensuite. Dans uncontexte culturel comme le nôtre, c’était loin d’être le cas général. Il y avait ceux qui n’avaientpas vu le croisement, ceux qui pensaient avoir le temps de passer avant l’arrivée du véhiculeayant priorité sur eux, etc.

Avec la croissance régulière du trafic, cet état de choses entraînait la multiplication desaccidents. On entreprit alors de « normaliser » la situation. On disposa des panneaux « stop » sur les routes secondaires de manière à protéger les plus empruntées et on installades feux tricolores un peu partout. La présence de plus en plus fréquente de gendarmesaux principaux carrefours ne supprimait pas totalement les risques évoqués plus haut et,surtout, ce système provoquait des embouteillages qui incitaient certains automobilistesà des comportements irresponsables. Quelle correspondance avec la communication ?Organigrammes compliqués et définitions de fonctions étroites, sans véritable rapport avecle fonctionnement réel de l’entreprise, chartes, codes, bibles, disparition de l’esprit d’initiativesous le poids de la hiérarchie…

Depuis quelques années, on assiste partout en France à la floraison des ronds-points.Le principe est simple : sauf exceptions, priorité aux voitures tournant autour du rond-pointsur celles arrivant des axes convergents. L’existence du rond-point oblige tout le monde àralentir. Ensuite chacun s’engage non plus en fonction de feux mais prend sa place enfonction de sa propre appréciation du trafic. Le système fluidifie la circulation tout en limitantles risques d’accidents. Il évoque, en communication, des acteurs responsables, maîtresde leurs décisions, cherchant à s’ajuster le plus intelligemment possible aux autres dansun cadre défini.

Finalement, est-il si absurde de penser qu’on communique comme on conduit ?

Pierre LabassePrésident d’honneur de l’Afci

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La loi dite « Handicap » du 11 février 2005 est venue renforcer celle de 1987. Elleaugmente les sanctions pour les entreprises n’agissant pas. Aujourd’hui, plus de130 000 ont signé un accord ou une convention en faveur de l’accueil et de l’intégration des travailleurs handicapés. Certaines, les plus matures en la matière,vont au-delà de l’obligation de recrutement pour faire de la « différence » un levierde cohésion interne. Entretien avec Sarah Thuillet et Julia Denis, chargées de ladiversité chez SPIE Communications, et Yohanna Chemouny, directrice associéede Diversidées – agence de conseil global en diversité.

Handicap : quand l'obligationlégale devient uneopportunité pour fédérer

Chez SPIE Communications, dans quel contextes’inscrit le projet handicap?Sarah Thuillet : En 2008, le groupe SPIE s’est engagésur le thème de la diversité en signant la charte dela diversité SPIE. Nous avons également mis en placeun comité dédié qui permet d’assurer le suivi desactions, de faire un point sur l’atteinte des objectifs,les réalisations et les actions en cours.

En 2009, notre entreprise a signé un accord triennalen faveur de l’emploi des personnes en situation dehandicap et chaque filiale a mis en place son pland’actions. Ces éléments concrets nous ont permis defaciliter la communication auprès des collaborateurset de nous rendre plus « crédibles ».Ce sujet doit être la préoccupation de tout un chacunet nous nous efforçons d’impliquer tous nos colla-

Yohanna ChemounyDirectrice associée de Diversidées,

agence de conseil global en diversité

Julia Denis et Sarah Thuillet Chargées de la diversité

chez SPIE Communications

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borateurs. En ce sens, le rôle de la communicationinterne est de faire du handicap un sujet omniprésent(sans lasser) : pour informer et contribuer à dédra-matiser.

Pourquoi avoir fait de la sensibilisation, votre prioritéen 2011?S. T. : La sensibilisation est une étape nécessaire etmême indispensable si l’on souhaite mener une poli-tique handicap de manière efficace. Jusqu’ici, nosefforts s’étaient principalement concentrés sur desactions concrètes tels que le recrutement, la forma-tion, le recours au secteur protégé… Il nous est doncapparu essentiel de privilégier la sensibilisation afinque nous actions aient plus d’impact et de visibilité.Pour adhérer à la démarche, les collaborateurs doi-vent comprendre ce qu’est le handicap en entrepriseet pourquoi SPIE Communications s’y engage. Celaen va également de l’intégration des personnes recon-nues handicapées qui rejoindront notre organisation,ou qui y sont déjà présentes.

Comment fait-on pour aborder la question duhandicap au travail sans faire peur?Yohanna Chemouny : La réponse pour SPIECommunications : un tour de France avec des formesde sensibilisation variées qui mixent interventionsludiques et supports d’informations théoriques. Ils’agit d’utiliser les ressorts du team building pourregrouper les collaborateurs autour d’un sujet difficileà aborder. Nous réalisons des actions de sensibili-sation par différents biais en optant pour l’originalitéet l’implication des collaborateurs. La région sud-esta choisi de sensibiliser ses collaborateurs par le biaisd’une exposition d’œuvres d’art, réalisées par despersonnes handicapées, tandis que la région sud-ouest s’est lancée dans le tournage de lipdubs* autourdu thème de la diversité et la solidarité. En Ile-de-France, la direction d’activité Grandes Entreprises a

choisi d’innover en invitant ses collaborateurs à unone-man-show, dont l’humoriste est une personneatteinte d’un lourd handicap moteur cérébral rendantdifficile son élocution, ses mouvements et ses dépla-cements. Les collaborateurs n’avaient pas été misau courant de la particularité de ce spectacle, ce quia renforcé l’effet de surprise. Cette représentation aété un véritable électrochoc, une réelle prise deconscience. Les formats sont variés car nous nousefforçons de coller au mieux à la culture des publicsinternes que nous ciblons. L’art, le théâtre ou encorela musique ne sont que des prétextes festifs pourparler ouvertement de handicap et faire tomber lesa priori sans dramatiser…

Sur quels relais internes vous appuyez-vous au seindu groupe SPIE Communications?Julia Denis : Nous sommes deux à être en charge dela diversité au sein du siège de SPIE Communications.Nous disposons de différents relais internes, notam-ment au niveau régional : les membres du Comitédiversité, les responsables ressources humaines ainsique les acheteurs, pour la partie concernant les achatsavec le secteur protégé/adapté.

Comment inscrire ces actions dans le temps?Y. C. : C’est là que la stratégie de communicationinterne prend toute son importance. Les sensibilisa-tions réalisées par chaque direction régionale suiventun même fil conducteur. Les modes de sensibilisationsont très variés mais avec un message commun :« Regard sur le handicap ». Le tout porté par uneidentité commune créée spécifiquement pour le sujet.Puis, un mode opératoire identique pour chaquerégion, à savoir : en amont de chaque opération, undispositif d’information et d’invitation relayé par lesmembres du Comité Diversité et le directeur régional :affichage interne, emailing, intranet, flyer… Nous gar-dons toujours à l’esprit qu’il faut opter pour uneapproche événementielle et festive pour donner enviede participer. Après chaque événement, les collabo-rateurs reçoivent une brochure reprenant les tempsforts (photos, témoignages…) et un volet d’informationthéorique. Contrairement à une plaquette d’informa-tion classique, ces supports sont attendus car ilsretracent un événement auquel tous ont participé.De plus, le parti pris de communication est de donnerla parole aux collaborateurs et aux personnes ensituation de handicap (artistes ou comédiens).Témoignages de collaborateurs, roman photo, auto-biographies des artistes ayant été exposés, les formesd’expression sont variées mais le principe est toujoursle même: la direction privilégie le vécu et l’expérienceau long discours. Le concept de « tournée nationale »permet d’occuper le terrain en permanence et que

Sensibilisation ludique par la BD lors de la semainenationale du handicap

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le sujet reste présent à l’esprit de chacun. Cela estrenforcé par le grand rendez-vous national denovembre : la Semaine nationale du handicap quidonne plus de visibilité au sujet.J. D. :Par ailleurs, nous participons aux manifestationsexternes dont nous avons connaissance (Defistival,Handifférance à Lille…), ce qui nous offre l’opportunitéd’entretenir notre message en interne. Enfin, nous communiquons régulièrement au moyende campagnes d’affichage, d'articles dans le journalinterne et aussi par le biais de l’intranet ; ceci nouspermet ainsi de renforcer nos actions ponctuelles etd'agir sur le long terme.

À mi-parcours, quel premier bilan tirez-vous de cesactions?S.T. : Nous avons pu constater un réel engouementde la part des collaborateurs, par exemple lors des

ateliers sensoriels réalisés pendant la dernière semai-ne nationale pour l’emploi de personnes handicapées.Suite à nos actions de sensibilisation, nous avonségalement recueilli douze demandes de RQTH (recon-naissance de la qualité de travailleurs handicapés)depuis le début de l’année.Nous avions pour objectif de toucher tous les colla-borateurs de l’entreprise et nous estimons l’avoirfait. Les résultats et les retombées obtenus nouspoussent à continuer dans cette voie et à poursuivrenos efforts. Fin 2010, vingt-et-un collaborateursavaient été recrutés, représentant ainsi 70 % de nosobjectifs. Des chiffres qui traduisent bien une évo-lution des mentalités vis-à-vis du handicap et, pluslargement, sur le rapport au « vivre ensemble » dansl’entreprise.

* Le lipdub est une vidéo en ligne où un groupe de personnesse met en scène sur une chanson en playback. Ces films,généralement tournés dans les locaux d’une entrepriseou d’une école, ont créé leurs propres codes visuels, dontl’utilisation du plan séquence.

SPIE Communications est une filialedu groupe SPIE (3,7 milliards d'euros de CA)spécialisée dans les services informatiques(intégration, conseil, infogérance). Les prin-cipaux domaines d'activité sont les réseaux,la sécurité, les systèmes d'information.2 000 personnes sont réparties sur tout leterritoire national (80 sites).

Diversidées est une agence de conseilglobal en diversité. Elle intervient auprèsdes entreprises sur la définition et la miseen place d’une politique RH adaptée et d’une stratégie de communication.

Exposition d’œuvres d’artistesen situation de handicap >

< Lipdubs sur le thème de la diversité

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T

Le programme lancé dans le monde entier pour revitaliser la marque Technip viseà mieux définir et exprimer de façon plus cohérente la spécificité de cette entreprisemondiale de 26 000 personnes. Pourquoi le Groupe Technip a-t-il pris une telleinitiative ? Quels sont les résultats escomptés ? Quelles ont été les étapes pourassocier l’ensemble des collaborateurs à ce programme ambitieux ?

Une marque forte et... l'entreprise gagne en cohésion

Technip est passé, en une dizaine d’années seulement,d’une entreprise de quelques milliers de collabora-teurs à un Groupe de 26000 personnes implanté surtous les continents. Cette croissance fulgurante a euun impact important sur les activités et la dynamiquede l’entreprise qui, au cours de cette période, a donnéla priorité à son développement industriel. En parallèle,son image et ses messages n’ont pas toujours étégérés de façon optimale. En 2010, Technip a menéauprès des publics interne et externe des enquêtesdont les résultats ont montré que l’entreprise étaitdétentrice d’un solide savoir-faire, mais était moinsperformante dans le « faire savoir ». Sur cette base,une initiative de branding a été lancée, avec une doubleambition: exprimer qui est Technip de la façon la pluscohérente possible en direction des collaborateurs,clients, partenaires, investisseurs, et renforcer l’iden-tité du Groupe. Sur un marché de plus en plus concur-rentiel et mondialisé les enjeux de cette initiative sontimportants pour Technip: réaffirmer sa place de leaderface aux nouveaux entrants, se différencier en valo-risant ses savoir-faire et ses capacités spécifiques,

renforcer sa cohésion interne autour d’objectifs par-tagés, autant d’impératifs stratégiques. Cette initiative,pilotée par la direction de la communication du Groupe,avec l’implication des départements communicationdes régions, continue de mobiliser un grand nombrede collaborateurs partout dans le monde autour dumême objectif : faire de cet effort collectif un réelsuccès et un atout sur le long terme.

Les bénéfices d’une marque forteÀ court terme, cette initiative permettra au GroupeTechnip d’exposer de façon claire et cohérente qui ilest, ce qu’il fait et où il veut aller du point de vue desa marque, de sa mission et de sa vision. Le résultat :un meilleur impact, moins de redondances et un retoursur investissement accru en matière de communica-tion et de marketing. À moyen terme, ceci lui permettrade se différencier de façon positive par rapport à laconcurrence et de renforcer le sentiment d’apparte-nance de ses collaborateurs au fur et à mesure quele concept One Technip 1 s’imposera. L’objectif, à pluslong terme, est d’améliorer à la fois la visibilité et

Pascale Dumon-PoiretAdministratrice de l’Afci

Directrice de la communication interne du Groupe Technip

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l’unité de l’entreprise. Une marque plus forte serasource de cohésion interne et contribuera aussi à atti-rer les meilleurs talents.

La cartographiede la perception de TechnipLes études réalisées en 2010 comprenaient deuxvolets : une enquête quantitative diffusée à tous lescollaborateurs les interrogeant sur les valeurs, laculture et l’image de l’entreprise ; en parallèle, desentretiens qualitatifs menés avec les parties pre-nantes externes : clients, fournisseurs, cabinets derecrutement, analystes financiers et médias. Cesenquêtes poussées ont permis de cartographier laperception actuelle de Technip, son positionnementconcurrentiel, ainsi que d’analyser la marque dupoint de vue de ses messages, de son langage et desa présentation visuelle. Mais les études ont montréégalement que le Groupe, composé de trois segmentsd’activité et présent dans 48 pays, n’est pas perçucomme une seule et même entreprise internationale.Quant aux collaborateurs, ils n’ont pas le sentimentd’appartenir plus à Technip dans son ensemble, qu’àleur région, leur secteur d’activité ou leur entitélocale. Ces résultats montrent que, pour améliorerson attractivité, l’entreprise a besoin d’un conceptfort et fédérateur à même d’exprimer ses atoutstangibles tout en mettant l’accent sur ses valeursintangibles et la passion de ses équipes.

La reformulation des valeurs etla définition de la nouvelle signatureL’étape suivante a été un séminaire de réflexion stra-tégique au cours duquel les membres du comité exécutif

du Groupe, en s’appuyant sur les résultats de la phased’études, ont identifié les caractéristiques qui font laforce spécifique de Technip. Cet exercice de réflexiona permis d’exprimer précisément la « personnalité »et les fondations de l’identité de l’entreprise, qui estdéfinie par ses parties prenantes comme un « four-nisseur de succès ». Deux autres séminaires d’unejournée impliquant des collaborateurs de tous hori-zons ont permis de redéfinir les messages clés, lavision et les valeurs, directement par des représen-tants des régions et des fonctions du Groupe. Tousces contenus ont alors été synthétisés en un principestratégique unique, véritable ADN et signature de lamarque, « take it further 2 », qui incarne l’esprit et lavision de l’entreprise. Pour tous les collaborateurs,cette signature signifie « exceller dans tout ce quenous faisons, réussir ensemble, dépasser les attentesde nos clients et innover sans cesse ».

Le déploiement dela nouvelle identité de marqueÀ cette phase du projet une nouvelle charte graphiquea été créée pour porter cette nouvelle façon d’exprimerce qu’est Technip. Elle comprend plusieurs élémentsclés qui accompagnent le logo et renforcent l’identitévisuelle. Ces éléments graphiques sont appelés àdevenir, avec le temps, des symboles emblématiquesde Technip. Pour préparer le lancement de la nouvelleidentité de marque, réalisé en mars 2011, un travailimportant de préparation et de mise en place a eu lieuavec notamment une réunion globale des responsablesde communication et la création d’un Comité deGouvernance de la Marque. Plusieurs outils et médiasont été produits en quelques semaines et diffusés le

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De nombreux collaborateurs de Technip ont participé à la campagne de lancement de la marque(à gauche : une équipe brésilienne, à droite une équipe parisienne)

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Jour J : un manuel complet d’identité de marque, unintranet dédié intitulé Brand Point, un kit de commu-nication pour les managers, une campagne d’affichage,un message du PDG sous forme de clip vidéo; enfinun livret présentant la nouvelle marque de façon vivanteet claire, a été imprimé en trois langues et remis àchaque salarié à travers le monde.

Où en est-on aujourd’hui?Le lancement a bénéficié d’un accueil très positif parles collaborateurs, sensibilisés à leur rôle d’ambas-sadeurs de la marque par une campagne de commu-nication active et un concours interne. La nouvelleidentité visuelle a été rapidement mise en place etadoptée par les entités locales. En particulier, la signa-ture « take it further » est aujourd’hui très largementreprise par les équipes partout dans le monde, à l’écritet à l’oral dans de nombreuses circonstances de leurvie professionnelle.Enfin, toutes les publications internes et externes ontété repensées et alignées avec les nouveaux standardsde messages et de graphisme. D’autres éléments sonten cours de préparation pour optimiser la dynamiquede l’initiative en diffusant la nouvelle image à tous lespublics avant fin 2011: nouvelle brochure institution-

nelle, adaptation du format des stands d’exposition,outils de communication de recrutement et program-me de marque employeur.Maintenant que cette nouvelle identité de marque estlancée, le défi est de la faire vivre en intégrant lesvaleurs au quotidien, parmi toutes les activités duGroupe et ses collaborateurs. Il ne s’agit pas de chan-ger de logo, mais de faire évoluer les comportements.Les nouvelles valeurs étant aujourd’hui bien connuesen interne, il est important de permettre à tous lessalariés de les vivre pleinement, pour modifier dura-blement la perception de toutes les parties prenantesde Technip et apporter encore plus de valeur à lamarque. Grâce au soutien des dirigeants du Groupe,à l’adhésion de l’encadrement et à l’implication deséquipes des ressources humaines, cet objectif pourraitêtre atteint d’ici deux à trois ans.

1 One Technip : une seule et même entreprise2 Toujours plus loin

Les cahiers de la communication interne n°29 - Décembre 2011 9

Les deux clés de la réussite

Préparation... Cette initiative de branding a été conçue par la direction de la communication, consciente du besoin de renforcer l’identité interne et externe de l’entreprise. À l’issue d’une phase approfondie de préparation, le projet a été soumis à l’approbation du comité de direction et n’aurait pu voir le jour sans son soutien actif. L’implication de toutes les régions, des senior managers et de l’ensemble du réseaudes communicants, obtenue grâce à plusieurs réunions d’explication et de discussion, fut également un élément clé de réussite notamment pour assurer le déploiement de la nouvelle identité le même jourdans l’ensemble des 48 pays du Groupe. Grâce à la contribution de ces acteurs importants, ce « Jour J » a eu l’impact approprié pour déclencher l’adhésion interne. Et c’est à la suite du lancement, vrai moment de vérité, que le bien-fondé et la pertinence de cette nouvelle identité de marque ont été confirmés par les témoignages positifs reçus de la part de nombreux collaborateurs enthousiastes !

Persévérance... Le temps est une autre donnée à gérer soigneusement. En effet, faire évoluer l’identité de marque d‘une entreprise est une initiative de longue haleine, et l’une des difficultés rencontrées par les communicants est de savoir garder sur la durée la concentration et l’énergie nécessaires. La premièreétape seule, entre l’accord – indispensable – du PDG et le lancement, a représenté quinze mois de travail intense pour l’équipe projet. Cette première phase comportait un autre défi : coordonner de multiples actions (enquête, analyse, création, production des outils) et respecter le calendrier de lancement, le tout dans un cadre budgétaire serré. Six mois après le déploiement les premiers résultats sont visibles : la communication du Groupe est à présent homogène aussi bien au niveau de l'identité visuelle que des messages diffusés. La deuxième étape est en préparation : elle a pour objectif de faire évoluer les comportements et les mentalités pour refléter les valeurs et donner corps au « One Technip », une dimension cruciale de l’identité dont le succès ne pourra être mesuré que sur le long terme.

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10 Les cahiers de la communication interne n°29 - Décembre 2011

En première ligne, le manager idéal se doit d’être un dynamiseur pour son équipe,à lui de développer charisme, leadership, intelligence relationnelle et émotionnellepour faire émerger et entretenir les relations constructives qui favorisent l’implicationet la réussite de chacun dans les missions et objectifs individuels et communs...Mission impossible si la responsabilité de la qualité des relations n’est pas partagéeavec l’ensemble des collaborateurs. L’enjeu est de taille : comment développer despratiques professionnelles de la relation à tous les niveaux ?

Trois leviers pour une culturede la relation en entreprise :de l’implicite à l’explicite

La relation : une affairequi se partage à deuxOn attend beaucoup des managers aujourd’hui : qu’ilssoulèvent l’enthousiasme et fassent passer les pilulesamères auprès de leurs collaborateurs, qu’ils obtien-nent les résultats attendus et préservent la paix sociale,qu’ils rassurent les collaborateurs et les amènent àrelever les défis… Les référentiels de compétencesnous les décrivent comme des communicants et desanimateurs d’équipe idéaux! Pour les collaborateurs,le manager idéal, « celui qui permet de relever lesdéfis », est un manager qui crée du lien avec son équi-pe. Dans l’étude BPI Le manager idéal de janvier 2011,75 % des 6800 actifs interrogés souligne le rôle clédu manager de proximité. D’ailleurs, les managersl’ont compris (enquête sur la communication mana-

gériale Inergie-Afci de juin 2011: 73 % se disent impli-qués dans leur rôle de communicant, soit + 22 % parrapport à 2008). C’est entendu: c’est bien au managerde faire émerger et d’entretenir des relations qui favo-risent l’implication et la réussite de chacun dans lesmissions et objectifs individuels et communs… seu-lement, la réalité, c’est que la bonne qualité des rela-tions est une affaire qui se partage… à deux!Autrement dit, le management relationnel inclut unvolet sur la culture de la relation qui se traduit par laquestion suivante : comment promouvoir un mana-gement relationnel en responsabilisant l’ensembledes collaborateurs, c'est-à-dire en contribuant àdévelopper une culture et des pratiques profession-nelles de la relation qui soient partagées, reconnais-sables et explicites ?

Florence DuriezCoach consultante, directrice de projet

Inergie - Pôle Management

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Des pratiques professionnellesde la relation explicitesC’est dans cet esprit, à l’issue d’une recherche sur lemanagement relationnel menée avec une équipe deconsultants d’Inergie (printemps 2011), que nous avonsidentifié trois leviers pour promouvoir un managementrelationnel. Chacun de ces trois leviers est décliné enquatre ou cinq comportements « observables » qui,ensemble, permettent de produire une qualité de rela-tion efficace, constructive et positive pour les acteurs enrépondant aux besoins des personnes comme auxexigences de performance de l’entreprise.

L’attention aux personnesIl y a une aspiration aujourd’hui à exprimer qui noussommes, à épanouir la personne que nous voulonsêtre, à rendre nos niveaux d’identité cohérents (identitéprofessionnelle, identité personnelle), et à être reconnupour cela. En parallèle, les entreprises participent àce mouvement pour jouer un rôle plus large et pluscomplet. Pour cela, elles prennent en compte et par-ticipent aux problématiques sociétales et s’appuientsur des personnes qui se mobilisent et sont invitéesà s’engager pleinement. Et pourtant, face aux muta-tions de notre monde, nous savons les violences per-çues aujourd’hui dans les entreprises par lescollaborateurs et les décalages entre les valeursaffichées et la réalité des relations de travail sur leterrain.

Cinq points sont mis en avant pour intégrer l’attentionaux personnes dans ses pratiques professionnelles :• chacun se sent reconnu en tant que personne ;• toute personne est informée en priorité des déci-sions qui la concernent ;• chacun se sent reconnu pour ses contributions ;• chacun exprime des signes d’attention à toute autrepersonne ;• dans l’ensemble, les relations entre les personnesfont preuve d’authenticité (elles « sonnent vrai »).

L’attention aux personnes suppose de prendre soindes besoins des personnes en portant son attentionà ce que l’autre pense, ressent, fait. Il convient d’éviterde qualifier les signes d’attention échangés de positifsou de négatifs car tout élément de reconnaissanceest a priori positif : ce qui est important, c’est de don-ner du feedback et de le faire avec soin. Cela s’apprend.De même, mémoriser les prénoms, participer auxrituels (passer par les bureaux saluer ses collabora-teurs, déjeuner ensemble, prendre des nouvelles…)ne sont pas que des passe-temps, mais bien desrituels utiles pour accompagner le changement carils permettent la rencontre de l’individu et du groupeet, ainsi, de s’inclure les uns les autres pour déve-

lopper l’estime de soi, carburant indispensable pours’engager pleinement.

La capacité à coopérerAujourd’hui, la transversalité, le fonctionnement enmode projet et en réseau, les relations interservicessont mis en avant. La problématique de la délégationest au cœur de ces nouvelles réalités managériales.Car en effet, ce qui est en jeu pour ce deuxième levier,c’est de promouvoir une posture constructive et posi-tive dans laquelle chacun prend sa part en toute res-ponsabilité (c’est-à-dire avec une responsabilitédéléguée). La coopération, c’est la capacité à « opé-rer », c’est-à-dire à prendre des décisions et agir,ensemble, à plusieurs, avec (c’est différent de « par-ticiper » ou « contribuer »). Or, nous savons que lesdysfonctionnements s’observent et s’analysent aux« interfaces », entre les fonctions, les services, les

L’attention aux

personnes

La capacitéà coopérer

La capacitéà se

confronter

Trois leviers en interactionpour accompagner les évolutions, l’innovation et les projets complexes

L’attention aux personnes constitue le socle de la trilogie, c’est le terreau de base.La capacité à coopérer va de pair avecla capacité à se confronter car elle est liée aux projets de transformation et d’innovationoù chacun est invité à sortir de sa zone de confort, où les décisions sont à prendre avec une implication collective, et où l’initiativeindividuelle est encouragée et associée à lanécessaire prise en compte de l’interdépendance:cela exige de développer une grandeintelligence relationnelle, à tous les niveaux.

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12 Les cahiers de la communication interne n°29 - Décembre 2011

étapes d’un processus; la capacité à coopérer consisteà se « décentrer » de la maîtrise de son périmètrepour accepter d’entrer dans une zone d’inconfort où la performance se joue dans la capacité à optimiseret transformer, voire révolutionner, les modalités detravail aux interfaces. Seul un intérêt supérieur (unefinalité ou un objectif commun partagé) le permet :l’orientation business et la satisfaction client parexemple, et alors cela équilibre le premier levier, celuide l’attention aux personnes.

Quatre points sont mis en avant pour développerla capacité à coopérer :• chacun prend soin de comprendre le métier et lesenjeux de l’autre ;• chacun s’ouvre à des échanges à parité, au-delà deson statut ;• la co-création est un principe de base dans l’éla-boration des projets ;• pour chaque nouveau message, l’émetteur et lerécepteur se préoccupent de savoir comment ils sontcompris.

Remarque : la parité est possible dans certaines acti-vités, comme la créativité et la confrontation, et celane remet pas en cause la hiérarchie qui prévaut pourune question de responsabilité. Par contre, quandun patron accepte la parité et la co-création, celarenforce son autorité. Il s’agit de partager du pouvoirde façon équitable (et non pas égalitaire), en fonctiondes compétences et des responsabilités, dans l’in-terdépendance.

La capacité à se confronterUn mot qui fait peur : se confronter. Et pourtant lacomplexité et l’impact de l’environnement sur lamarche de l’entreprise multiplient les situationsdérangeantes. Les collaborateurs, entre eux, avecleur manager, avec d’autres services, avec les clients,les fournisseurs… sont, de fait, confrontés à leurspoints de repères relativisés, leurs réponses inadap-tées. D’où la nécessité de savoir aborder la remiseen question et éviter de s’accuser les uns les autresface aux difficultés. En particulier, il s’agit de sortirde la confusion entre confrontation (« mettre face àface, comparer ») et conflit (« se heurter »), dédra-matiser la confrontation et apprendre à dialogueravec quelqu’un « qui ne pense pas comme nous »,qui n’a pas la même logique, et le faire quand la diver-gence de points de vue a des conséquences et unimpact. Souvent niée dans le quotidien, la confron-tation, et la variété des émotions qui l’accompagnent,- la colère par exemple - fait peur.

Cinq pratiques professionnelles sont associées à ce levier :• chacun ose exprimer des avis quels qu’ils soient àtoute personne de l’entreprise ;• chacun accepte les difficultés relationnelles et prendl’initiative de les aborder avec ses interlocuteurs ;• toute difficulté relationnelle se traite dans le respectde la personne (sans confondre l’action et la personne);• les désaccords sont exprimés avec respect et ouver-ture (sans accusation personnalisée) ;• chacun accepte des remises en cause sans sejustifier.

Bien sûr, la parité est une condition de la confrontation,c’est une activité qui fait appel au registre rationnelde l’analyse, qui ouvre l’imaginaire propice à la coopé-ration (co-construction créative, négociation). Il s’agitd’apprendre à se mettre en parité autrement que parle conflit qui est une forme de prise de pouvoir.Gestion des émotions et du stress, gestion des conflits,efficacité relationnelle et communication non-vio-lente... Leur maîtrise s’avère indispensable pour créeret négocier. Bien souvent classés dans la rubrique« développement personnel » des catalogues de for-mation, il est temps de considérer ces savoir être etsavoir faire comme faisant partie de son métier, avecses règles du jeu et ses pratiques explicites. Une culture partagée de la relation reste à promouvoir,à développer et à défendre.

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Les cahiers de la communication interne n°29 - Décembre 2011 13

Selon la 3e édition de l’étude réalisée par l’Afci, l’ANDRH et le cabinet Inergie sur lacommunication managériale, 73 % des managers estiment jouer un rôle décisif dansla communication auprès de leurs équipes. Ce chiffre, en nette progression parrapport à l’étude réalisée en 2008 (66 %), traduit une implication de plus en plusgrande des managers dans la communication interne. Ceux-ci expriment, par ailleurs,une attente forte de conseil de la part des fonctions communication interne et ressources humaines.

Des managers de plus en plus impliqués dans la communication avec leurs équipes

Vers un management plus relationnelLes deux principales raisons évoquées par les mana-gers de communiquer avec leurs équipes sont de« donner du sens à l’action » (44 %) et de « resterà l’écoute et de maintenir le dialogue » (24 %). Deplus, si 86 % d’entre eux pensent que leur missionporte sur la communication descendante, 84 %jugent qu’elle concerne également son volet ascen-dant, donc leur rôle d’écoute de leurs collaborateurs.La communication est, par conséquent, perçuecomme un levier de performance sociale et d’amé-lioration du bien-être des salariés. Cette évolutionest corroborée par la progression de la dimensionrelationnelle que les managers attribuent à leurfonction et à leurs missions. Ainsi, les éléments« être proche, à l’écoute de son équipe » et « favoriserle dialogue, le partage de l’information au sein del’équipe » progressent-ils de sept points.Ces résultats correspondent à la perception que lesmanagers ont de leur entreprise. Ils sont ainsi 70 %à penser que celle-ci est plus attentive au bien-êtrede ses salariés (contre 52 % dans l’étude 2008).Ces éléments s’inscrivent dans la réflexion actuellesur la « réhumanisation » du management. Pour LucVidal, DGA et directeur associé du Pôle Opinion ducabinet Inergie, « Les managers prennent de plus enplus conscience de l’importance de la dimension rela-tionnelle de leur mission. Ils appellent de leurs vœuxun allègement du reporting et une simplification desprocessus de décision qui leur permettent de consa-crer plus de temps à leur équipe. »

Trois leviers : implication, accompagnement, échangeL’étude montre que l’implication des managers dansl’élaboration et la déclinaison opérationnelle de lastratégie reste faible : près d’un manager sur deuxestime ne pas être consulté sur le premier point et untiers d’entre eux ne se considèrent pas impliqués dansla déclinaison. Or, cette non-implication est détermi-nante: si 63 % des managers impliqués dans la décli-naison de la stratégie de leur entreprise la trouventmotivante, ce chiffre tombe à 36 % lorsqu’ils ne sontpas impliqués. Sur ce point, la fracture est de plus enplus marquée entre le top management (68 %) et lereste des managers (50 %).

Autre levier de développement de la communicationmanagériale : le renforcement du rôle de conseil etd’accompagnement des fonctions Communicationinterne et Ressources humaines, avec trois axes :•un travail sur les contenus que les managers doiventporter auprès de leurs équipes. En effet, 40 % d’entreeux pointent comme premier frein à la communicationmanagériale le décalage persistant entre les messagesstratégiques et la réalité du terrain ;• le développement des compétences communica-tionnelles des managers : une priorité aux yeux desacteurs de la fonction Communication interne etRessources humaines ;• la création des conditions les plus favorables audéveloppement de la communication managériale : - tant sur le plan individuel (un manager sur deux se

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sent peu à l’aise pour échanger sur la stratégie avecson équipe) : travail sur l’engagement, le comporte-ment, la levée des freins psychologiques…-que sur le plan collectif (32 % des managers évoquent,comme second frein, le manque de temps par rapportaux priorités opérationnelles) : organisation du travail,culture d’entreprise, signal donné par les dirigeants…

« Le développement de la communication managé-riale repose sur trois piliers : les contenus, les com-pétences et les process. Mais il ne faut pas oublierque communiquer est toujours une prise de risque.L’entreprise doit aider les managers à dépasser leurscraintes. L’exemplarité des dirigeants en la matière,de même que leur capacité à témoigner leur confianceà leurs managers, sont donc déterminantes », sou-ligne Guillaume Aper, président de l’Afci.On note également que les managers ont une per-ception en hausse de l’apport de la fonction RH entermes de contenus, d’outils de gestion mais aussi deconseils. Par ailleurs, ils sont 67 % à percevoir cettefonction comme stratégique, soit une hausse de 17 points par rapport à 2008. « Plusieurs motifs d'op-timisme dans ce nouveau baromètre » précise MichelYahiel, vice-président de l’ANDRH « notamment, lesindicateurs sur le rôle et l'influence de la fonction RHmarquent une nette hausse ».

Enfin, dernier levier: les managers expriment le souhaitde pouvoir échanger davantage avec leurs dirigeants,mais aussi, avec leurs pairs : ils sont ainsi 69 % àplébisciter les conventions, séminaires et réunionsde managers, et 28 % la mise en place de commu-nautés de pratiques. Une tendance qui rappelle quela communication joue un rôle très structurant dansl’entreprise. En la développant, les managers répon-dent au besoin des salariés, mais aussi des citoyens,de recréer entre eux des relations de confiance et decollaboration.

Synthèse réalisée par Aurélie Renard, déléguée générale de l’Afci

1 Étude Afci / ANDRH / Inergie « L’appropriation de la stratégieet sa démultiplication par les managers ». Étude réaliséeen ligne par Inergie de février à mars 2011 auprès de 12 entreprises de secteurs différents appartenant aux secteurs du service (9), de l'industrie (1), public (2). Unéchantillon répondant constitué de 823 managers.

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L’ANDRH est une association loi 1901,créée en 1947. Au service des professionnelsdes ressources humaines, elle représente lesentreprises et organisations de tous secteursd’activité et de toutes tailles, publiques etprivées, nationales et internationales.Avec plus de 5 000 membres, rassemblés en80 groupes locaux, l’ANDRH est aujourd’hui lacommunauté de référence dans le débat RH.Elle a pour missions d’échanger les bonnespratiques et de développer leprofessionnalisme de ses adhérents, depromouvoir la contribution de la fonction RHà l’amélioration des performances desorganisations et de représenter les DRHauprès des pouvoirs publics, des médias et des partenaires sociaux.

Inergie est un cabinet indépendant deconseil en management, communication et opinion interne. Il a pour vocation dedévelopper l’efficacité relationnelle au seindes organisations autour de trois domainesd’action : évaluer et anticiper, développer lestalents, engager dans les transformations.Inergie dispose d’équipes spécialisées surdeux pôles d’expertise :• le pôle Management a pour ambition defaire du management de la relation un levier d’efficacité• le pôle Opinion est spécialisé dans la miseen œuvre de démarches d’écoute au seindes entreprises : baromètres de climat interne, audits de communication interne,évaluation des relations interservices, descompétences managériales ou du bien-êtreau travail…

Résultats complets à consulter sur : www.afci.asso.fr rubrique Publications

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L’implication favorisel’appropriation

Les managers ont-ils le sentiment de jouer un rôle décisif dans la communication?

Les principaux freins à la communication managériale

Total oui : 71 %Total oui pour les entreprise du secteur privé : 73 %

(66 % en 2008)

Managers déclarant…

74 %

68 %

63 %

46 %

46 %

36 %

> Claire

> Adaptée

> Motivante

Perception de la stratégie :

ne pas être impliqués dans la déclinaison opérationnelle de la stratégie

être impliquésdans la déclinaison opérationnelle de la stratégie

Si OUI, principales raisons évoquées:• Donne du sens à l’action (en hausse par rapport à 2008)

• Permet de rester à l’écoute et de maintenir le dialogue

• Améliore l’efficacité de l’équipe (en baisse par rapport à 2008)

Assez d’accord55 %

Si NON, principales raisons évoquées :• Crainte du manque de réponse

aux questions de l’équipe• Même accès de tous à l’information

(en baisse par rapport à 2008)

• Manque de temps par rapport aux priorités

Vus par les managers

• Décalage entre messages stratégiques et réalité du terrain• Priorité accordée aux objectifsopérationnels• Manque de réactivité de l’information• Manque de transparence

/ rétention d’information• Management trop descendant• Dispersion géographique des équipes• Manque de savoir-faire

Vus par les DRH/DIRCOM*

• Priorité accordée aux objectifs opérationnels• Manque de savoir-faire• Décalage entre messages stratégiques et réalité du terrain

• Surabondance de l’informationmanque de hiérarchisation

• Manque de réactivité de l’information• Dispersion géographique des équipes

Tout à fait d’accord16 %

Non réponse2 %

Pas du tout d’accord4 %

Pas vraimentd’accord23 %

* Source phase 1 de l’étude réalisée fin 2010 auprès de plus de 300 professionnels de la fonction RH et COM

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E

Le cheval est, dit-on, la plus belle conquête de l’Homme ! Et, juste retour des choses,il peut aussi aider à mieux agir sur les Hommes et avec eux, à les manager autrement,en prenant conscience de notre comportement en situation de « leader ». Certainsl’ont compris, témoin Corinne Lièvre, cavalière depuis toujours, qui après avoir étéenseignante a exercé en tant que chef de projet en organisation à France Telecom1.Conjuguant sa passion équestre, son expérience pédagogique et son travail en entre-prise, elle a créé, autour des chevaux, différentes activités, pour permettre à despublics très variés – souvent étrangers au milieu équestre – de bénéficier du contactavec les chevaux.

Quand les chevaux nous apprennent à manager

Elle reçoit des managers et leur apprend à « parlerà l’oreille des chevaux ». « Manager », mot français,vient de l’italien « maneggiare » qui signifie contrôler,avoir en main. Mais qui aime se sentir « tenu enmain » ? Ni les hommes, ni les chevaux ! En tant que« manager », il s’agit de développer les qualités etattitudes qui inspirent à la fois la confiance et le res-pect, de manière à coopérer de telle sorte que chacundonne le meilleur de lui-même.Comment se laisse-t-on instruire par les chevaux ?En les rencontrant sur leur terrain, prairie ou boxd’écurie dans le but d’agir avec eux. Sans nécessai-

rement les monter, il s’agit, d’entrer en contact munid’une petite baguette, garante d’une juste distancerelationnelle, afin d’obtenir qu’ils fassent ceci ou cela,s’approchent, s’éloignent, aillent à droite, etc.Manager, n’est-ce pas obtenir que les choses se fassent par d’autres et avec eux, même s’ils ne sontpas acquis d’emblée à vos objectifs ?

La fragilité du premier contactJe me souviendrai longtemps des trois cent mètresparcourus sur une vaste prairie, dans un large pay-sage, vers un troupeau d’une dizaine de chevaux et

Robert De Backer Administrateur de l’Afci

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de ce que j’ai pensé et ressenti alors : certains brou-taient, d’autres regardaient vers moi, sans aucunsigne apparemment visible d’intérêt pour celui quivenait les visiter. Pourquoi d’ailleurs seraient-ilsvenus me rencontrer ? Pourquoi auraient-ils témoi-gné un intérêt quelconque ? Je n’avais pas de picotind’avoine ! Continuer à marcher vers eux, le cœur bat-tant : vont-ils galoper vers moi ? Ressentir la paixqu’ils partagent, accepter ce calme alors qu'on estsoi-même inquiet. Flashs sur leurs robes, leurs cri-nières, le regard de certains. Remontent des souve-nirs d’histoires de chevaux lues avec passion àl’adolescence. Arrivé à proximité, entrer en contactavec l’un d’eux.Je me souviens d’émotions analogues à celles res-senties devant un groupe humain qu’on rencontrepour la première fois ou dont on craint une hostilitésourde et des réticences. Ce travail avec les chevauxconfronte à des sujets sensibles. Comment gérer sapeur et… celle des chevaux ? Comment aborder untroupeau qui a sa hiérarchie interne ? Arriver à sesentir en sécurité. Développer, à tâtons, une relationbasée sur la confiance, le respect, la coopération, lejeu, tout en gérant ses émotions et ses comporte-ments, peur, inhibition, hésitation, sans échappatoirepossible. Car les chevaux n’ont pas d’autre langageque non-verbal. Comment interpréter et comprendreleurs besoins et leurs capacités pour s’y adapter ?Comment exercer une autorité positive qui soit res-sentie utile et acceptable par eux, faute de quoi rienne se passe ou c’est le contraire de ce qu’on veut quiarrive ? De manière plus aiguë que les hommes, leschevaux perçoivent sans détour nos émotions tellesque notre corps les montre, ou les cache. Formidablesmiroirs ! Ils ne dissimulent rien et l’effet d’une relationbiaisée avec eux est immédiat. Ils réagissent illico :retrait et fermeture, accord ; fuite, approche. Leurfeedback est direct, surprenant parfois et frustrant,mais quelle sensation quand on a trouvé la juste atti-tude qui met en harmonie avec eux !

Proposer, ne pas contraindreOn se souvient du film de Robert Redford, sorti en1998, et de son titre resté célèbre « L’homme qui mur-murait à l’oreille des chevaux ». Le terme de chucho-teur a été employé la première fois pour surnommerun dresseur irlandais du nom de Sullivan. Il était anal-phabète et se faisait enfermer dans le box de chevauxréputés indomptables. Après quelques heures, il enressortait avec un cheval calme et confiant. Commeil n'avait pas laissé d'écrit, et pour cause, on n'a jamaisrien su de sa méthode. On l'a donc surnommé le chu-choteur. En se basant sur cette légende, ce surnoma été donné ensuite à tous les dresseurs de chevaux« faiseurs de miracles ».

Les cows-boys furent les premiers à rendre célèbrecette nouvelle approche du cheval. Choqués par laviolence utilisée dans les milieux de l’équitationWestern et influencés par la pratique spontanée etintuitive des Indiens d’Amérique, ils ont inventé unenouvelle forme de dressage, basée sur l’observationattentive des chevaux et le contact empathique aveceux, devenue récemment science dans le cadre del’éthologie 2. Ces chuchoteurs, dont certains sontdevenus célèbres, ont tous une technique d'approchedifférente. Certains, par exemple, sont connus pourleurs démonstrations en public de la technique dulien, ou méthode par consentement, qui consiste àproposer au cheval de venir rejoindre son maître deson plein gré, démontrant ainsi une certaine confiance,alors que d’autres utilisent des jeux que le cavalierse doit de proposer à sa monture, afin d'éveiller sonintérêt et sa complicité.Les nouveaux maîtres se sont d'abord intéressés au« débourrage » 3. Leur méthode consiste, en premierlieu, à se placer comme leader par rapport au poulain,ou au cheval adulte non « débourré », c’est-à-diren’ayant pas été éduqué au contact avec les humains.Ce dernier comprend rapidement que sa sécurité setrouve près de son maître. Dans la nature, les chevauxont l’instinct grégaire et n'aiment pas rester seuls.Lorsque le cheval fait croire qu'il veut fuir, le dresseurle laisse faire, bien sûr, mais il va également l'obligerà rester éloigné jusqu'à ce qu'il décide lui-même, etqu'il montre (par son attitude corporelle) qu'il souhaitese rapprocher. C'est un principe important de cetteméthode : au cheval de prendre les décisions et nond'être contraint, au risque d'une incompréhension etdonc d'une frustration.Suivant ces méthodes, avec de la patience et de l'écou-te, bon nombre de cavaliers réussissent à monterleurs chevaux en liberté et à les éduquer en licol ouavec une simple ficelle passée autour de l'encolure.Le cheval peut alors montrer son consentement voireson « plaisir » à suivre les demandes de son cavalier,en toute liberté, lui prouvant ainsi sa bonne volon-té… 4. Patience, communication non-verbale par essaiset erreurs, écoute, interprétation des réactions,recherche d’une longueur d’onde commune, instal-lation de la confiance… Tout un programme pour desmanagers désireux d’améliorer leurs capacités àcommuniquer avec leurs collaborateurs par le biaisde « nos amies les bêtes ». Il ne s’agit évidemmentpas de jouer au cow-boy et de débourrer au grandgalop comme dans les Westerns. Les chevaux déjàdomestiqués s’avèrent être des maîtres avisés par lemoyen d’exercices simples et sans danger! À la condi-tion, d’en parler ensuite pour s’approprier, par laparole et la pensée, l’expérience pratiquée dans laprairie-laboratoire afin de la transposer au cadre de

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vie des entreprises 5. Paradoxal! La pratique du « dres-sage » des chevaux à l’école des cows-boys « chu-choteurs », interprétée par l’éthologie, pourrait êtreaussi utile que les principes, règles et « trucs » dumanagement des hommes fournis par la psychoso-ciologie. Elle peut, en tous cas, les compléter utile-ment. Le grand air, la marche à pied, l’entraînementémotionnel « à chaud » avec des chevaux, seraient-ils aussi efficaces, voire même davantage, que lesdiscussions théoriques en position assise dans l’airconditionné d’une salle de séminaire ?

Réflexion faite...L’expérience relatée ci-dessus, d’un apprentissageau contact des chevaux, vaut à tout le moins commemétaphore. Elle donne à penser. Bien évidemment,les Hommes ne sont pas des chevaux! Mais la relationavec ceux-ci, surtout quand on est en position de res-ponsabilité avec les Hommes… présente des ressem-blances. Par exemple, un analogue substratémotionnel et non verbal et la maturation nécessairepour construire et maintenir une relation avec autrui.Pour des raisons d’efficacité et non seulement aunom de principes moraux ! Il s’agit de passer de« moi » à « moi et les autres » et, enfin, à « les autreset moi ». On découvre aujourd’hui les effets théra-peutiques qu’exercent sur l’Homme certains animaux,depuis les dauphins et les chevaux pour les enfantsou adolescents autistes jusqu’aux innombrables « ani-maux de compagnie ». Mais revenons au leadership !Au-delà des techniques qui rendent possible cettematuration relationnelle, différentes évidemments’agissant des chevaux et des Hommes, il est uneattitude déterminante : l’écoute confiante, des mots,mais encore des gestes et, au-delà, des pensées, desimages, et des sentiments d’autrui. Des études pas-sionnantes sur l’efficacité des leaders montrent àquel point leur influence s’enracine dans leur capacitéà comprendre les attentes, les peurs, les craintes,les espoirs de leurs publics et à les refléter. Marc-Aurèle, écrivait ceci, vers 170, au soir d’une journéebien occupée d’Empereur aux affaires : « Habitue-toià prêter la plus grande attention à ce qu’on te dit et,autant que possible, pénètre dans l’âme de celui quiparle ».Encore faut-il, bien entendu… mais, m’entendez-vousbien ? une éthique, gage de confiance durable ! « Jepuis mentir une fois au roi Ibn Séoud, écrit Kissingerdans ses mémoires, mais si je mens sans cesse, ilne me croira plus ».Encore faut-il se faire confiance, s’estimer, « se plaireà soi-même », ne pas « se faire de mal », Marc-Aurèleencore !

1 Corinne Lièvre, Domaine de Morlay, 71460 St Ythaire,www.morlay.fr

2 Science des comportements des hommes et… des chevaux.3 Le débourrage consiste à amener le cheval non encore dres-

sé, à accepter une selle, un filet et un cavalier ou encore detracter un véhicule (attelage), et à comprendre et exécuterdes ordres de base

4 Cf. Wikipédia ; art. éthologie équine5 Certaines universités développent des recherches en matière

d’éthologie humaine et animale.

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DOSSIER

Si l’on en croit les premiers effets, les réseaux sociaux d’entreprise (RSE)sont en train de remettre en cause le modèle historique d’organisation verti-cale. Une opportunité s’offre pour mieux faire circuler les connaissances et lespartager, rendre plus fluide l’information, permettre la confrontation des pointsde vue ; en un mot rendre chacun de nous acteur dans l’organisation... Face àcette « révolution » pressentie, un certain nombre de précautions doivent êtreprises avant de se lancer dans l’aventure du RSE. Son succès dépend de plu-sieurs conditions et les expériences du groupe Danone, d’Alcatel, ou encore deCastorama le montrent. La communication interne a ici un rôle important à joueren mobilisant sa connaissance fine de l’entreprise pour accompagner ces chan-gements de posture puis, dans un second temps, devenir le chef d’orchestre decette galaxie informationnelle en impulsant, organisant, expliquant, rassurant...

Réseaux sociauxd’entreprise :

une révolution en marche ?

Les cahiers de la communication interne n°29 - Décembre 2011 19

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É

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Alors que les intranets font partie du paysage communicationnel de nos organisationsdepuis près de quinze ans, un nouveau venu fait son apparition : le réseau sociald’entreprise (RSE) ou réseau social interne. S’il n’en est qu’à ses débuts, il annoncedéjà de gros changements dans la manière de communiquer et de coopérer. Et certainement aussi dans la manière de travailler du communicant interne.

« Converser » et servir la communication interne et la coopération

Évacuons immédiatement une idée reçue : le réseausocial interne n’est pas un gadget ni une énième modeissue de l’imagination fertile de consultants, d’agencesde communication ou d’informaticiens. Bien aucontraire. C’est la première fois que les entreprisescapitalisent et récupérent des usages issus de lasphère personnelle de leurs salariés pour améliorerleur efficacité. Auparavant, on assistait toujours aumouvement inverse. Cette fois, un RSE est possibleparce que les salariés utilisent Viadeo, LinkedIn,FaceBook… dans leur vie de tous les jours et se sontfamiliarisés avec les trois piliers de tout réseau social :le profil, la communauté et la discussion. Sans cetusage établi, les RSE seraient encore de la science-fiction dans nos entreprises. Car ce qui est à l’œuvre,ce n’est pas commenter un contenu, poster un billetde blog ou voter sur la question du jour, mais entreren discussion avec ses collègues, y compris des col-lègues que l’on ne connaît pas, pour coopérer !

Les trois piliers de tout RSELe profil est la pierre angulaire d’un RSE : chacunrenseigne le sien de manière volontaire, sans contrain-te, comme il le fait sur LinkedIn ou FaceBook, endécrivant son parcours, ses activités et en y mettant,ou non, des informations personnelles. Sur ce point,chaque entreprise a sa propre politique mais on saitque ce type d’information, en donnant de la « chair »aux profils, fluidifie les échanges. Autres élémentsimportants : la photo et l’avatar (c’est-à-dire la petiteimage-vignette qui apparaît devant votre nom dansles discussions) qui jouent un rôle clé pour enclencherles relations sur la plateforme.Les communautés sont des groupes de salariés réunisau sein du RSE, non pas selon l’organigramme del’entreprise mais selon des centres d’intérêts, despratiques, des projets communs. On peut donc toutà la fois, être dans la communauté du projet X11, celledes commerciaux qui travaillent sur le client Z24 ou

Guillaume AperPrésident de l’Afci

Directeur-adjoint de la communication, JCDecaux

DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

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encore celle des managers qui échangent sur desbonnes pratiques RH pour gérer leurs équipes res-pectives. On peut rejoindre une communauté spon-tanément ou avoir été invité à la rejoindre, parce qu’ona été repéré par le biais de son profil.La discussion, est la base du RSE même si elle n’estpas la seule fonctionnalité que l’on peut y trouver.Chaque membre du RSE peut lancer une discussion,participer à celles initiées dans les communautésauxquelles il appartient.

Réussir l’implantation d’un RSEParler de discussion, voire de « conversation », làencore, ne paraît pas très professionnel. Alors pour-quoi les entreprises se lancent-elles dans cette aven-ture ? Pour améliorer leur performance évidemmentcar l’enjeu, c’est bien de rendre l’organisation plusintelligente, en jouant plus collectif. Une étude del’institut McKinsey l’affirme: 77 % des dirigeants inter-rogés ont admis que les usages Web 2.0 et notammentles réseaux sociaux accéléraient l’accès au savoir. Etle RSE semble bien tenir ses promesses en incarnantl’adage « On est plus intelligents à plusieurs ». Plusrapides, plus agiles aussi. Un exemple de discussion:un directeur marketing local qui cherche des infor-mations sur un sujet urgent auquel il ne connaît rien,lance sur le RSE une sorte de bouteille à la mer etrécupère au bout de 70 minutes des conseils, desdocuments et des études de cas de la part de col-lègues de huit pays qu’il ne connaissait même pas.Autre cas, faire collaborer des experts d’un sujet defaçon transverse : la discussion peut concerner desgraphistes qui cherchent une identité visuelle pourun nouveau produit et confrontent leurs créations surle RSE ou bien des juristes qui affinentune note de synthèse sur un change-ment de réglementation européenne.Le RSE permet de s’affranchir des barrières temporelles et spatiales etapporte une réponse à l’accélération des échanges que l’on constate depuisplusieurs années. Bref, la discussion,c’est la coopération. Enfin, presque…car le chemin vers le RSE n’est pas sansembûches, en tout cas, sans efforts.L’implantation d’un RSE, comme l’ex-plique Dominique Turcq (InstitutBoostzone), expert des problématiquesliées au collaboratif, se résume en deuxactifs principaux: un actif informationnel(meilleure gestion de l’information) etun actif relationnel (inciter les collabo-rateurs à entrer en relation).1

Le Cabinet Lecko (ex USEO), quant à lui,synthétise le déploiement d’un RSE en

plusieurs étapes qui correspondent à des niveaux dematurité différents qui mènent à l’intelligence col-lective. Mais atteindre ce Saint Graal peut demanderdu temps. D’où la métaphore d’Anthony Poncier(Lecko) sur son blog, déclarant qu’on est (…) « plusen train de cultiver un jardin que de rouler sur uneautoroute. » 2

Car ce qui est en jeu avec les RSE, c’est d’abord unpremier changement qu’il s’agit d’accompagner : lalibération de la parole des salariés qui s’exprimentdirectement, sans filtre. Au début, les directions desentreprises ont peur et sont tentées de s’entourer deprécautions et de chartes d’usages coercitives parpeur des dérapages. L’autre crainte vient du mana-gement qui ne voit dans le RSE qu’un outil de plus etveut fixer des limites pour que leurs équipes n’y pas-sent pas trop de temps. Ils oublient que le RSE, c’està dire coopérer et interagir sur la plateforme avecles autres, va faire partie intégrante du quotidien deséquipes, des équipes de surcroît responsables et quisavent gérer leurs priorités! Un commercial ne va pasnégliger ses clients parce qu’il discute sur le RSE, ilva au contraire s’en servir pour préparer un rendez-vous, en demandant au sein d’une communauté, desinformations, des offres ou argumentaires déjà crééspar ses pairs dans d’autres pays, pour d’autres clients.En réalité, le plus gros risque d’un RSE, c’est qu’il nesoit pas utilisé, qu’il ne porte aucune conversation.Car son succès, malgré la facilité d’usage et l’absencede véritable enjeu technique, dépend d’une vraiedémarche d’accompagnement du changement :convaincre les dirigeants, rassurer les managers,libérer les salariés de leurs craintes (regard desautres, réaction de son manager quand on prend la

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Réseaux sociaux d’entreprise : une révoluiton en marche ? DOSSIER

Peu d’acteurs, peu d’occurences. Les premiers acteursse connaissent, ils sont issus de la même communauté.

Source : cabinet Lecko

Le nombre d’occurences augmente, ainsi que le nombrede contributions. Cela attire de nouveaux utilisateurs

De nouvelles communautés interviennent,la population devient hétérogène, le potentielde mise en relation augmente

L’ensemble de l’environnementintervient sur le réseau depuis suffisamment de temps, l’effet du RS est maximal

TEMPS

EFFETRÉSEAUSOCIAL

Collaboration

Capitalisation

Intelligencecollective

AB

C

D

Mesurer les promesses du RSE

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DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

parole) afin qu’ils entrent en discussion, installer unclimat propice à l’échange, inciter à partager au lieude garder pour soi, embarquer à bord les sceptiques,identifier les sponsors et les pionniers (ou early adop-ters qui vous aideront à démarrer et consolider lesusages)… Bref, construire une véritable dynamiquepour installer le RSE dans le quotidien du plus grandnombre. Tout cela exige des efforts et mérite unsérieux benchmark, parfois même le recours à desconsultants et une vraie coopération transverse danslaquelle l’équipe communication a un rôle importantà jouer, même si ce n’est pas le premier, car cet outilne doit surtout pas passer pour un nouvel outil de ladirection de la communication mais bien pour un outilde travail, une démarche métier globale.

Le rôle de la communication,pilote des flux d’informationsLe rôle du communicant interne, ici plus que jamais,sera d’apporter sa connaissance très fine des publicsinternes afin de contribuer à définir le plan de conduitede changement et de lever les freins qui bloqueraientle démarrage du RSE. Il va, bien sûr, concevoir le plande communication du RSE en dégageant des moyensdimensionnés à cette conduite du changement.Il va également s’impliquer dans une nouvelle missiontransverse indispensable, qui consiste à identifier lessuccess stories, mais aussi les power users, c’est-à-dire ceux qui possèdent une maîtrise experte afin depromouvoir le RSE auprès de tous. Il va utiliser sesliens avec les top managers pour les inciter à êtreexemplaires et, donc, à participer, mais avec mesure,

car un manager qui « déboule » dans une communautéavec ses « galons » en avant peut inhiber en un éclairla plus dynamique des discussions. Il va s’impliquerdans l’animation de la plateforme en fédérant les com-munity managers, en les formant, en les conseillant,en leur suggérant telle ou telle pratique. Car mêmesi les communautés sont autonomes, un RSE exigeun important travail d’animation, de pilotage, de suiviafin de garantir sa vivacité. On constate, par exemple,que cette vivacité peut être intensifiée en créant desmoments live, en réunissant les salariés les plus impli-qués pour qu’ils se connaissent et partagent leursbonnes pratiques, en évangélisant les nouveaux venuslors de déjeuners découvertes, en organisant une jour-née RSE… Il ne faut donc pas hésiter à marier le RSEà d’autres actions ou rendez-vous de communicationpour le renforcer. Soyons inventifs !

Enfin, le communicant devra progressivement réajus-ter, voire redéployer, tout son dispositif de comm-munication puisque, par exemple, la circulation del’information, la fréquentation de l’intranet ou bienencore la communication managériale vont évoluerdu fait de la présence du RSE. Mais pas de précipi-tation, il faut prendre le temps d’observer les usages,de dialoguer avec les salariés, et de se faire une opi-nion. Si le passage de l’entreprise en mode conver-sationnel implique que la fonction communication nesoit plus la seule émettrice d’information utile, lessalariés continueront néanmoins à avoir besoin detrouver en un point clairement identifié des informa-tions « officielles » ; ils auront également besoin queces conversations deviennent – si nécessaire – descontenus pérennes et accessibles en dehors du fluxdes discussions car les RSE ne sont pas des lieuxidéaux pour stocker de l’information.En résumé, le rôle du communicant n’est pas si bou-leversé que cela par ces plateformes d’échanges : ilreste en première ligne pour garantir la cohérencede la parole de l’entreprise, pour orienter les salariésdans le flux de connaissances et d’informations quileur sont proposés, pour organiser ce flux aussi. Latâche semble immense, mais elle est surtout pas-sionnante et prometteuse car elle enclenche une nou-velle séquence pour la communication interne: moinsdescendante, moins monolithique, plus relationnelle,plus proche du business, plus collective. Une jolie opportunité, donc. Communicants, entrezdans la conversation !

1 Dominique Turcq - Note aux PDG : Pourquoi faire passervotre organisation au management interactif ? Comment ?

2 Anthony Poncier - Vers l’entreprise 2.0 : un jardin plutôtqu’une autoroute.

Pour en savoir plus sur les RSE• Étude McKinsey, « The rise of the networkedenterprise : Web 2.0 finds its payday » :http://bit.ly/g7FWHn

• Boostzone Institute : www.boostzone.fr

• Blog d’Anthony Poncier : http://poncier.org/blog

• Bloc note de Bertrand Duperrin :www.duperrin.com

• Cabinet Lecko : www.lecko.fr

Venez prolonger la discussionavec Guillaume Aper et échanger votre expériencesur les RSE en vous connectant à l’espace membresdu site de l’Afci :www.afci.asso.fr/Votre espace/MicroBlogging

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Réseau social interne : vers une organisation «ouverte»

Le réseau social d’entreprise, est-ce une mode ouune nécessité?

Ludovic Boursin > L’enquête qui a servi de base ànotre ouvrage nous a conduits à constater que le sala-rié « ambassadeur de l’entreprise » est devenu salarié« médiateur ». Avec l’émergence des réseaux sociaux,les collaborateurs sont en effet aujourd’hui émetteursà grande échelle. En bien ou en mal, ils parlent deleur entreprise et diffusent partout, tout le temps,des commentaires accessibles à un grand nombrede personnes. Aux États-Unis, certaines compagnies

utilisent d’ailleurs cette nouvelle donne comme outilde SAV et de fidélisation : ce sont les collaborateursqui répondent directement aux clients sur les réseauxsociaux. Le gain en image et en satisfaction client semesure très précisément. En France, on est beaucoupplus frileux : 64 % des entreprises interdisent l’accèsde leurs salariés aux réseaux sociaux, au risque dedevenir une « entreprise fermée » en décalage avecdes « collaborateurs ouverts » via leur smartphonepersonnel. À notre avis, l’entreprise doit prendre levirage du réseau social interne parce que ses colla-borateurs l’ont déjà pris. Mais à une condition : elledoit créer « une communauté du savoir », basée surl’échange d’expertises − ce qui est très différent d’une

Regards croisés, Nicolas Rolland, Stéphane Lapeyrade, Ludovic Boursin

DOSSIERRéseaux sociaux d’entreprise une révolution en marche ?

Si les réseaux sociaux ont largement pénétré dans la vie quotidienne des citoyens etdes consommateurs, qu’en est-il au sein de l’entreprise? Peut-on se passer aujourd’huid’un réseau social interne ? Quels bénéfices peut-on en attendre ? Nicolas Rolland,directeur Prospective Sociale du groupe Danone, et Stéphane Lapeyrade, responsabledes médias sociaux d’Alcatel-Lucent, croisent pour nous leurs expériences. Et nousavons demandé à Ludovic Boursin, directeur adjoint de la communication, Marqueset Développement Durable chez Voyages-sncf.com et coauteur de l’ouvrage Le médiahumain*, d’ouvrir et de conclure la discussion.

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« communauté du voir », où l’on se met en avant etoù l’on parle de soi avec plus ou moins de talent. Celanécessite de se poser des questions basiques : pourqui construire le réseau social? Et pour en faire quoi?L’intéressant pour l’entreprise, c’est de décloisonnerson organisation et de favoriser la transversalité.Accompagnée en interne, l’utilisation des réseauxsociaux peut être un formidable accélérateur de ladiffusion du savoir et du partage du pouvoir.

Qu’est-ce qui a conduit votre entreprise à créer unréseau social interne?

Nicolas Rolland > C’est en 2008 que le groupeDanone a lancé le « projet d’entreprise 2.0 » pouraccélérer sa croissance. L’ambition était de générerde nouvelles façons de travailler, ceci afin d’améliorerl’efficience de l’organisation, de soutenir l’innovationet le partage de bonnes pratiques entre entités, et dedonner aux collaborateurs davantage d’autonomieet de responsabilités. Ce projet était porté par lesressources humaines.Nous avons initié la démarche en lançant une étudeinterne d’identification des attentes et des besoinsdes collaborateurs. Quatre usages principaux en sontressortis : se connecter facilement à ceux qui par-tagent les mêmes enjeux ou centres d'intérêt, dis-poser d’espaces collaboratifs, co-créer sur desproblématiques communes, identifier des bonnespratiques et leurs détenteurs. En les croisant avecles évolutions que nous voulions insuffler, nous avonsopté pour un réseau social interne sous la formed’un annuaire collaboratif, où chacun pourrait com-pléter son profil (centres d’intérêt, savoir faire,langues parlées…) et créer librement une commu-nauté, un blog, etc. Je pense que le fait de commencerpar l’analyse des besoins pour en déduire l’outil aété une clé de succès du projet. Par ailleurs, nousnous sommes rapidement associés avec la directiondes systèmes d’information pour traduire les besoinsen fonctionnalités. Enfin, nous avons démarré trèstôt le management du changement.

Stéphane Lapeyrade > Chez Alcatel-Lucent, c’estl’arrivée d’une nouvelle direction générale en 2008qui a amené une vision différente. Nous sortions toutjuste de la période d’intégration-fusion et son souhaitétait très clairement d’ouvrir la discussion, de donnerla parole aux collaborateurs, mais aussi de casserles silos, d’éviter les projets doublons et de favoriserle partage des expertises.Le directeur général a tout de suite fait installer uneboîte mail où chacun pouvait directement l’interpeller.Avec le recul, cela a certainement donné un signal

fort d’ouverture. Au même moment, un premierréseau officieux s’est développé. On s’y inscrivait avecune adresse professionnelle. Des groupes se sontconstitués, des discussions informelles ont été lan-cées.En 2009, autre tournant, nous avons ouvert les com-mentaires sur l’Intranet, sans modérateur.Rapidement, nous avons recueilli des demandes d’in-formations complémentaires, voire des critiques.L’état d’esprit avait changé, dans le sens d’une plusgrande liberté de ton. Les chercheurs de l’entrepriseont développé une plateforme de partage de vidéos,

un You Tube interne. Le contenu était géré par lessalariés et on y trouvait des vidéos personnelles ouprofessionnelles, produites officiellement (par la com-munication, par exemple) ou non. Nous y étions favo-rables car c’était une forme de démocratisation del’outil. Nous avons lancé de notre côté les « cafésWiki », réunions où des salariés présentaient béné-volement à leurs collègues les outils Twitter,Facebook, etc. Toutes ces initiatives ont concouru fin 2009 au choix d’un réseau social d’entreprise :nous voulions installer un outil unique, global, à lafois social et collaboratif.

Comment avez-vous communiqué sur cette création?

S.L. > Nous ne souhaitions pas en faire un événe-ment de communication, préférant conserver la spon-tanéité et la liberté d’adhésion qui font le succès desréseaux sociaux. Nous avons créé un pilote en y asso-ciant quelques dizaines de personnes, parmi les-quelles une vingtaine d’ « avocats » qui en ont faitla promotion.Lorsque nous avons ouvert le réseau à tous, de nom-breux collaborateurs attendaient de pouvoir s’y ins-crire. Le bouche à oreille a bien fonctionné. Le

DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

« Le directeur général a fait ouvrir une boîte mail

où chacun pouvait l’interpeller.

Cela a donné un signal fortd’ouverture »

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Réseaux sociaux d’entreprise : une révoluiton en marche ? DOSSIER

lancement officiel est intervenu deux mois après,alors que plusieurs milliers de personnes étaientmembres du réseau. L’adoption a été très rapide,signe que le RSE répondait à une réelle attente.

N.R. >Pour notre part, nous avons au contraire beau-coup communiqué avant le lancement, non pas surl’outil mais sur le changement dans les modes detravail, les comportements et les bénéfices attendus(résolution plus rapide de problème, accélération dela prise de décision…). Mais nous savions que le succèsdu réseau dépendrait de l’effet de masse. Nous noussommes d’abord adressés aux personnes qui pour-raient s’y intéresser de par leur fonction (par exemple,les responsables de projets impliquant plusieurs enti-tés), aux possibles leaders de communautés et, plusgénéralement, à la jeune génération. Nous les avonsassociés à la finalisation de l’outil.Au moment du lancement, nous avons informé demanière plus institutionnelle les responsables decommunication interne de toutes les entités. Et nousavons construit un kit de communication pour unediffusion à l’ensemble des collaborateurs. Nous avionschoisi le mode 2.0, avec par exemple des petits filmssur You Tube, et confié la promotion de l’outil auxjeunes collaborateurs de l’entreprise.

Avez-vous envisagé des dispositifs de contrôle?

N.R. >Non, nous avons tenu à ce que tout le mondeait les mêmes droits. Il n’y a donc ni administrateur,ni modérateur du réseau. Chacun peut créer soncompte, remplir son profil, intervenir comme il veut.Cependant, nous avons élaboré une charte du bonusage du réseau, composée de recommandationssimples (par exemple, éviter d’aborder des questionspolitiques ou religieuses). Et pour pouvoir créer uncompte, il faut au préalable y adhérer électronique-ment. Je dois dire que je n’ai jamais constaté de débor-dement sur le réseau. La régulation se faitnaturellement.

S.L. >Nous avons adopté le même principe. La régu-lation, c’est le rôle de tout le monde. Et nous nousréférons au code de bonne conduite de l’entreprisesigné par chaque salarié. Par ailleurs, tout membredu réseau peut signaler un abus en cliquant simple-ment sur un bouton. On sait tous que certainsdomaines, comme la consolidation des comptes, lesanalyses financières, ne se prêtent pas au collaboratif.Mais pour le reste, une grande liberté est laissée.Nombre de discussions portent sur l’actualité − ausens large − de notre secteur industriel, depuis la loiHadopi jusqu’au e-G8 ou aux lancements de produits.

Il faut noter aussi que certains sujets choquent lesuns et pas les autres. Parfois, il suffit de demanderau manager ou à un leader d’opinion de prendre laparole, sa légitimité apporte une tonalité différenteau débat. Dans d’autres cas, ce sera le rôle du com-munity manager de mettre de l’huile dans les rouages.

Au regard de vos objectifs , où en êtes-vous aujour-d’hui?

N.R.>Nous travaillons maintenant sur l’accessibilité.Il faut savoir que chez Danone, groupe industriel, lamoitié des collaborateurs ne dispose pas d’un accèsimmédiat à un ordinateur, en particulier ceux qui tra-vaillent en usine ou qui conduisent les camions detransport. Si nous voulons que tout le monde puisseintégrer le réseau, nous devons trouver d’autres sup-ports, peut-être le téléphone mobile.Quant à l’acceptation de l’outil, il nous arrive encoreaujourd’hui d’expliquer son utilité. Mais heureuse-ment, nous avons des retours positifs. Concrètement,environ 250 communautés existent aujourd’hui surle réseau : des communautés métiers (marketeurs,commerciaux sur telle gamme, responsables desétudes de marché, responsables de sécurité sur lessites industriels…), qui mettent à disposition des docu-ments, échangent sur des problématiques com-munes ; des communautés transversales (diversité,environnement…) qui rassemblent ceux qui se sententconcernés par le sujet ; et des communautés de pro-jets. Nous avons aussi quelques atypiques, comme

la communauté « maman chez Danone », pour toutescelles qui viennent d’avoir un enfant. Pourquoi pas ?L’idée, c’est de créer du lien, qui pourra déboucherpeut-être plus tard sur des questions professionnelles.Au total, 30 000 personnes se sont connectées, dont10 000 membres actifs. Pour une entreprise commela nôtre, très internationale et décentralisée, le résul-

« On se connecte avecd’autres parce qu’ils parlent

le chinois, connaissent bien tel marché, la réglementation sur tel produit... »

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tat est intéressant. Le réseau apporte davantage decollaboration et modifie effectivement la façon de tra-vailler. On se connecte avec d’autres parce qu’ils par-lent le chinois, connaissent bien tel marché, sontspécialistes de la réglementation sur tel produit…sans les connaître, sans tenir compte de leur niveauet sans passer par la hiérarchie. Nous avons initiédes formes de collaboration autres que statutaire.

S.L.> À l’inverse de nombreuses sociétés, nousn’avons pas eu de souci d’adoption, mais nous enavons sur l’activité. Après un an, le nombre demembres ne cesse d’augmenter. Il a atteint 56 000sur 79000 collaborateurs. En revanche, le pourcentaged’actifs ne progresse pas. Sommes-nous à un palier?Comment amener les inscrits à contribuer aux dis-cussions ? Ont-ils besoin d’être davantage guidés àl’intérieur du réseau ? Nos collègues sont très solli-cités et n’ont pas toujours le temps de se mobiliserautour de l’informel. Pour une partie d’entre eux, leRSE n’est pas au cœur de leur métier tant qu’il n’apas de caractère obligatoire ou indispensable. Autreobstacle, les discussions se tiennent majoritairementen anglais et certains ne se sentent peut-être pasassez à l’aise dans cette langue. À l’inverse, pour tousceux qui travaillent à distance, le réseau social huma-nise leur quotidien comme autrefois la pause café.Parmi les changements que nous avons constatés,je citerai en premier lieu l’émergence de leaders decontribution, qui deviennent logiquement leadersd’opinion. Par exemple, un groupe « hot line tech-nique », très pédagogique, a été créé et son animateurest aujourd’hui bien connu dans l’entreprise.L’autre nouveauté, c’est que tout fait débat. Cela peutdécontenancer mais nous pensons que le débat estun gisement de valeur, d’idées, de collaborations. Leréseau est créateur de liens et les bénéfices l’em-portent largement sur les contraintes. Dans cettedémarche, nous avons le soutien inconditionnel denotre directeur général, qui d’ailleurs anime lui-mêmeson blog.

Quels sont les impacts sur le management et lesmétiers supports?

S.L.> Du côté des managers, les réactions ont étédiverses. Certains ont très vite décidé de diffuserleurs comptes-rendus de réunions sur le RSE. Pourd’autres, « ça ne sert à rien ». D’autres encore réagis-sent sur le mode « Casser les silos, oui, mais paschez moi ». À nous de leur expliquer comment profiterde ce nouvel outil et d’en démontrer la valeur. Jepense qu’ils sont confrontés aux mêmes changementsque nous, communicants. En ouvrant la discussion,

on ouvre aussi la voie à la remise en question. Il fautprendre en compte la critique, voire associer certainscollaborateurs à la réflexion en amont. Plus personne,dans l’entreprise comme dans la vie en général, n’ac-cepte le « no comment ». Tout le monde demandedes explications. Si je ne suis pas expert du sujet,pourquoi ne pas laisser un expert répondre ? Certes,l’information ne passera plus par moi, mais chacunsera responsabilisé. Il faut se laisser la flexibilité dela discussion.

Parallèlement, les enquêtes internes révèlent queles collaborateurs restent très attachés aux news-letters, aux communiqués de presse, à l’Intranet. Ilsaccordent une légitimité à ces supports car « c’estvérifié ». Pour moi, le seul risque induit par le RSEest celui d’une fracture entre ceux qui sont à l’aiseavec les réseaux et les autres. C’est pourquoi nousdevons conserver un « point fixe », par exemplel’Intranet pour les résultats annuels.

N.R.> Pour ce qui concerne mon métier, les res-sources humaines, le réseau social ouvre de nouvellesvoies. On peut considérer, par exemple, que tout cepartage de savoirs, d'expériences et d'expertises s’ap-parente à de l'apprentissage, même si ce n’est pasune formation traditionnelle. Nous sommes en trainde réfléchir à une utilisation du réseau dans ce sens.Et, bien entendu, dans le recrutement où les réseauxsociaux ont une place prépondérante.Pour en revenir au management, il est vrai que leréseau permet à chacun de communiquer ses bonnespratiques, alors qu’auparavant, c’était le supérieurhiérarchique qui les diffusait. Dans certains cas, ilest arrivé que le management se sente dépossédémais, globalement, le changement a été bien acceptécar nous avons chez Danone une très forte culturedu partage. Le fait que les réseaux sociaux se démo-cratisent dans l’ensemble de la société, toutes géné-rations et toutes classes sociales confondues, acertainement contribué à la bonne appropriation denotre réseau interne.

« Le fait que les réseauxsociaux se démocratisent a certainement contribuéà la bonne appropriation de notre réseau interne »

DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

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L.B.> L’apparition d’un réseau social interne a for-cément un impact sur les fonctions de management,celle de la communication en général et de la com-munication interne en particulier. Le communicantinterne ne peut plus se contenter de produire de l’in-formation, il a en charge sa bonne diffusion. Le tempsdu « millefeuille » (un outil ajouté aux précédents),coûteux et inefficace, ne peut pas perdurer et l’en-treprise est souvent amenée à réorganiser son pay-sage médiatique interne dans le sens d’une véritablediffusion multimédia à 360° degrés. Il faut changerde « logiciel de pensée », ne plus réfléchir en termesd’outils mais en terme d’audience. On va sans doutevoir apparaître de nouveaux métiers, comme celuide community manager interne : son rôle sera d’ap-porter la réponse officielle de l’entreprise et de laisserle débat s’installer s’il n’y a pas de réponse existante.La communication fournira aussi aux collaborateurs,avec davantage de réactivité, les outils pour s’expri-mer à l’extérieur de l’entreprise. Un véritable levieren période de communication de crise. Libre ensuiteà chacun de reprendre le discours ou non. En ce sens,le collaborateur est devenu le premier média de l’en-treprise.

Par ailleurs, en accélérant la diffusion de l’information,les réseaux internes modifient forcément le statut dumanager. Celui-ci craint souvent d’être court-circuité,de ne plus maîtriser la diffusion de l’information vis-à-vis des membres de son équipe. En réalité, il a toutà gagner au décloisonnement car il pourra enfin seconsacrer à son vrai métier de manager, à savoirencadrer et développer ses équipes. Dans notre livre,nous exprimons même l’idée qu’avec l’émergencedes réseaux sociaux, la hiérarchie va devenir « unréseau parmi d’autres » au sein de l’entreprise. Lesmanagers devront apprendre à travailler avec cettenouvelle donne. L’entreprise, quant à elle, devraaccompagner ce mouvement en créant le cadre etles conditions du bon fonctionnement des réseauxsociaux en interne.

* Le média humain, dangers et opportunités des réseauxsociaux pour l’entreprise. Laetitia Puyfaucher et LudovicBoursin. Éditions Eyrolles, 2011, 242 pages. (Voir Lu pourvous p. 42)

« La hiérarchie va devenir un réseau parmi d’autres au sein

de l’entreprise »

Réseaux sociaux d’entreprise : une révoluiton en marche ? DOSSIER

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DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

Depuis 2003, Castorama vit une période intense de transformation de son organisationet de sa culture interne, mais aussi de son image et de sa politique commerciale. Pouraccompagner et stimuler ces changements, la communication interne a déployé denouveaux outils participatifs issus du Web 2.0. Entretien avec Marie-Gaëlle Michelin,directrice de la communication interne.

Le Web 2.0 au cœur de laconduite de changement

Pourriez-vous nous expliquer le contexte de trans-formation de Castorama?Marie-Gaëlle Michelin : Depuis 2003, Castorama aentrepris un vaste programme de revitalisation del’entreprise dans l’objectif de moderniser l’image del’enseigne et de lui redonner un nouveau souffle.Depuis cette date, l’entreprise est en perpétuel mou-vement. Redynamiser les moteurs de croissance quereprésentent le développement des magasins, l’évo-lution de l’offre, l’innovation avec de nouveaux produitset services n’est pas suffisant si la dimension humainede l’excellence opérationnelle n’est pas prise en comp-te. Or, chez Castorama, celle-ci est le résultat de l’en-gagement des collaborateurs dans l’exercice de leurmétier, dans l’exigence qu’ils y mettent, dans l’atten-tion portée aux clients. Cela se traduit par l’envied'être acteur du changement. L’entreprise a doncsouhaité permettre à chacun de laisser libre cours àsa créativité et à son envie de prendre des initiatives.Cette stratégie managériale se décline en une stra-tégie de communication interne que nous avons appe-lée « Faire de Castorama une entreprise qui se parle ».

L’objectif est que chacun se parle, s’entre-aide, inven-te, ose se lancer, construise l’avenir de l'entrepriseet donc son propre avenir.

Quel rôle a la communication interne dans l’accom-pagnement de cette conduite de changement?M-G. M. :La communication interne stimule ce chan-gement de comportement et crée de nouvelles habi-tudes en mettant à disposition des outils decommunication participatifs permettant de s'expri-mer, de débattre, ou de s'informer en toute simplicité.Les anciens canaux de communication interne - lejournal interne et la newsletter - ont été supprimésen 2007. Cela a représenté un réel renoncementpuisque le journal de Castorama, le Castopresse,avait vécu pendant vingt-huit ans. Jusqu’au débutdes années 2000, la communication, structurée autourde l’information descendante, avait toute sa raisond’être chez Castorama car l’entreprise était structuréeautour d’une culture hiérarchique forte dans uncontexte de changement sensiblement plus lent. Lerôle du journal était d’informer les équipes et moins

Marie-Gaëlle MichelinDirectrice de la communication interne,

Castorama

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Les cahiers de la communication interne n°29 - Décembre 2011 29

de les impliquer. Or, à partir de 2006, le rôle de lacommunication interne a été d’initier un changementde culture, je dirais même de posture. L’enjeu étaitde donner envie à chacun de s’exprimer, de donnerson avis, de prendre une part active aux nouveauxprojets de l’entreprise, de s’impliquer dans la gestionquotidienne de son magasin.

Dans ce contexte, pourquoi avoir choisi de mettreen place des outils de communication 2.0?M-G. M. : Ces outils ont la particularité de faire par-ticiper les salariés de l’entreprise à la co-constructionde nouveaux projets. Participer, c’est donner sonpoint de vue, c’est avoir le droit de débattre en touteautonomie avec des collègues de statuts hiérar-chiques différents, c’est donner une idée, partagerune bonne pratique et, enfin, participer au processusde prise de décision en votant. La vertu de la com-munication participative est d’impliquer les 12 500salariés de Castorama dans la démarche de réflexionet de construction d'un projet avant que celui-ci n’aitpu produire un changement dans l’organisation del’entreprise. La communication 2.0 permet la conduitede changement car elle l’anticipe et implique le plusde volontaires possibles pour faire de cette transfor-mation un changement attendu. Les outils Web 2.0présentent aussi l’avantage d’être beaucoup plusréactifs : la diffusion est rapide et les réactions peuventêtre immédiates.En 2006, nous avons lancé un tout premier outil decommunication 2.0 nommé Castoramoa. Son principeest simple : 12 500 personnes disposent d’un mot depasse individuel pour accéder à tout moment à unsite Web de co-construction de projets. Le site estaccessible depuis n’importe quelle connexion Internetsur le lieu de travail, à domicile ou en déplacement.Les projets ou thèmes d’échanges sont proposés pen-dant environ huit semaines. En voici quelquesexemples : concevoir les nouvelles tenues de travail ;imaginer le nouveau média de communication quiremplacera le journal interne ; partager les idéesd’animation d’opération commerciale… Chacun deces thèmes a donné lieu à des taux de participationimportants : 40 à 70 % de visiteurs uniques par thème,mais, surtout, chacun a donné lieu à la mise en œuvred’une preuve tangible de la prise en compte des idées– idées qui ont, pour certaines, créer le buzz sur latoile avec, par exemple, l’organisation d’un flash mob*le même jour, à la même heure, dans près de 70magasins Castorama en France.En 2010, un second média purement 2.0 a vu le jour :le Forum Produits. Il s’agit d’un forum qui accueilledes communautés d’intérêts autour d’une mêmefamille de produits. Chaque communauté dispose

d’une page. Il remplace la newsletter hebdomadairedu produit qui était envoyée à chaque chef de secteuren magasin par la Direction commerciale. Aujourd’hui,le forum répond à un double enjeu : être plus rapidepour transmettre les informations nécessaires à lacommercialisation des produits et être participatifpour permettre à chacun d’apporter une réponse àla question d’un pair sans attendre nécessairementqu’un expert de la Direction commerciale y réponde.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans lamise en place de ces nouveaux outils de communi-cation? Et à l’inverse, sur quels leviers vous êtes-vous appuyé pour garantir leur appropriation parles salariés?M-G. M. : La difficulté principale est justement celledu changement. Le Web 2.0 révolutionne les habitudesdu collaborateur qui pouvait lire de manière indivi-duelle et passive le journal interne. Ces nouveauxoutils de communication 2.0 bouleversent aussi leshabitudes du management, car ils sollicitent à la fois,et de manière paradoxale, leur participation et leur« lâcher prise ». Une autre difficulté - qu’il ne fautpas sous-estimer − est la méfiance face à l’usage desnouvelles technologies de l’information.Le premier, et le plus sûr, des leviers d’engagementest celui de l’envie, du désir, du plaisir. La commu-nication interne doit vendre, « marketer » ces outils.Une démarche de séduction qui doit s’appuyer trèsvite sur le sens qu’elle est capable de donner à cesactions. Quel intérêt un salarié pourra-t-il retirerpersonnellement d’une telle expérience ? Commentcette expérience pourra-t-elle lui apporter un sup-plément de lien social, de reconnaissance, un enri-chissement personnel − bref : une expériencemémorable ? En cela, l’un des leviers de la commu-nication interne participative est la prise en comptede la complexité des émotions suscitées : envie,peur, joie, frustration, esprit de compétition, besoind’écoute et d’empathie…

Comment ces outils 2.0 s’articulent-ils avec lesautres actions de communication interne que vousmenez?M-G. M. : Le Web 2.0 symbolise la communicationparticipative, la posture d’acteur qu’incarne chaquecollaborateur quel que soit son statut hiérarchique.Il nous a semblé important de compléter ce dispositifd’un plan de communication cohérent. Nos diversoutils ont tous un point commun, la dynamique departicipation :• Castoramoa est l’outil de co-construction en lignede nos nouveaux projets pour le bien-être du colla-borateur et le développement de l’entreprise.

Réseaux sociaux d’entreprise : une révoluiton en marche ? DOSSIER

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DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

• Vizavi propose un temps de communication réel etnon virtuel, un moment d’échange en proximité entrel’entreprise et ses collaborateurs. Vizavi met en rela-tion les salariés, quel que soit leur niveau hiérar-chique, sur un plateau télévisé, autour de sujets dedébats comme : L’avenir sera-t-il féminin ? Qu’est-ce que je ferais si j’étais le patron ? Est-ce que l’en-treprise me mérite ?• Casto TV remplace notre journal interne en intégrantune dimension humaine très forte. Il informe sur lavie des hommes et des femmes qui construisent lequotidien et les projets de l’entreprise. Il propose unelarge variété de programmes pour présenter uneinnovation, créer du lien entre les hommes, valoriserle partage des bonnes pratiques, valoriser les talentsexceptionnels des « gens » ordinaires de l’entreprise,créer une ouverture vers les autres enseignes duGroupe Kingfisher dont Castorama fait partie.•Nos conventions managers sont elles-mêmes par-ticipatives. Nous avons ainsi proposé aux 1200 mana-gers de l’entreprise de vivre un « mega-brainstorm »en réseau et à distance pour co-construire le nouveauconcept de magasin qui a vu le jour en juin 2011 àVillabé, en région parisienne.

Quel bilan faites-vous de la mise en place et de l’ani-mation de ce dispositif ?M-G. M. :Le bilan est positif à plus d’un titre. Il contri-bue à développer le niveau d’engagement des colla-borateurs dans l’entreprise. Nous effectuons à cesujet, chaque année, une enquête de mesure de l’en-gagement via l’outil de mesure international GallupQ12. Depuis son lancement, le taux de satisfaction n’acessé de progresser. Le mouvement de l’entrepriseest maintenant plus rapide, poussé par la forte mobi-lisation de toute une équipe forte de 12500 collabo-rateurs, pourtant répartis sur 114 sites en France. Cesont les valeurs de créativité, de simplicité, d’enga-gement et d’autonomie qui font désormais la force del’entreprise. Avec le lancement, il y a deux ans, d’unenouvelle vision commerciale traduite par la signature:« Castorama, c’est Castoche », le changement de pos-ture commerciale bouleverse encore les habitudes.Mais les équipes se sont déjà inscrites dans une pos-ture de changement positif car elles se sentent impli-quées dans l’élaboration de la stratégie.

Et les managers? Comment ont-ils fait de la miseen place de cette communication 2.0 une opportunitéde communication managériale?M-G. M. :Si les outils de communication 2.0 dévelop-pent l’autonomie des collaborateurs qui n’ont plusbesoin de leur manager pour s’informer et pour com-muniquer, ils représentent une opportunité pour

celles et ceux qui souhaitent incarner un style demanagement créatif, accessible et ouvert au dialogue.Par exemple, certains encouragent des groupes devolontaires à se réunir pour contribuer à un thèmeCastoramoa; d’autres valorisent leurs collaborateursen les invitant à participer à un tournage ou à un débattélévisé. D’une posture historique de manager directifau sein d’une structure hiérarchisée, ils évoluent versun comportement de leader bienveillant tout en res-tant exigeant au sein d’une nouvelle logique qui estcelle du réseau.

Propos recueillis par Aurélie Renard,déléguée générale de l’Afci

* flash mob: rassemblement d’un groupe de personnes dansun lieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance,avant de se disperser rapidement.

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Depuis plus de vingt-cinq ans, Serge Soudoplatoff se passionne pour l’impactd’Internet sur les activités humaines en général et celles de l’entreprise en particulier.Les flux de communication les plus importants sont maintenant horizontaux. Le rôle de la communication de l’entreprise est de fournir du contenu qui a pourobjectif de faire parler les clients, les partenaires, les salariés entre eux. Un com-municant doit donc désormais être un community manager. Son travail est avanttout d’animer le réseau. Explications.

Ces nouveaux flux quirévolutionnent l’entreprise

Comment les dirigeants d’entreprise regardent-ilsInternet?Serge Soudoplatoff : Ils sont encore souvent ignorantsou méfiants. Ils considèrent Internet comme quelquechose « en plus ». Le symptôme le plus étonnant estcette concurrence que l’on trouve dans de nombreuxdispositifs de distribution entre la vente en magasinet la vente sur le site Web. Internet n’est pas l’ennemide l’intérieur, c’est un canal qui peut multiplier lesflux. Internet, c’est le monde du « et ». Ce n’est pasle guichet ou le site Web mais le guichet et le siteWeb. Pour expliquer cela, ma méthode consiste àfaire visiter des sites Web aux dirigeants, à leur fairefaire ce que j’appelle de « l’ethno-web ». Je leurmontre comment les clients se comportent et quellessont les tendances. Je leur fais visiter des forums dediscussions. Beaucoup n’en comprennent pas encoretoute la richesse. Certains sont parfois scandaliséspar les propos tenus à l’encontre de leur entrepriseou de ses produits. Je leur réponds que si un forumde discussion les critique, il ne faut pas lui faire unprocès mais plutôt participer aux échanges.

Qu’est-ce qu’Internet change à la façon de dirigerles entreprises?S. S. : Fondamentalement deux choses. La premièreest que l’innovation est de plus en plus exogène àl’entreprise. Les clients se mettent en réseau et inno-vent avec l’entreprise. Je prends un exemple. Vousêtes une marque de bricolage et vous envisagez dedévelopper une appli IPhone. Le mauvais réflexe estde développer vous-même ou de faire développer parun sous-traitant. Au lieu de cela, ouvrez une interfacede programmation et lancez un concours. Je suis àpeu près sûr que des types géniaux vont vous proposerdes applications de réalité augmentée. Grâce à elles,le client photographie sa pièce, peut appliquer la pein-ture ou le papier peint de façon virtuelle, choisit, cliqueet l’application lui calcule automatiquement la surfaceet le nombre de pots de peinture ou de rouleaux de papier qu’il doit commander. Vous rémunérez la personne qui développe cette application. Je suispersuadé que c’est ça le futur, ce que l’on appelle« l’ouverture des interfaces de programmation »,c’est économique, ouvert et partagé.

Serge SoudoplatoffChercheur et enseignant à l’ESCP et à l’Hetic,

consultant en stratégie Internet

Réseaux sociaux d’entreprise : une révoluiton en marche ? DOSSIER

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Et le deuxième grand changement?S. S. : C’est un corolaire du précédent : aujourd’huiles frontières de l’entreprise deviennent de plus enplus poreuses. Quand un client achète quelque chosesur un site de e-commerce, il entre de fait dans leback office de l’entreprise. Et les frontières s’ouvrentbien sûr dans les deux sens. L’un des « drames » quevivent aujourd’hui les entreprises c’est que le salariéest bien mieux outillé à la maison qu’au bureau. Ilpossède un PC ou un Mac dernier cri et il n’a pas chezlui ces pare-feux que la DSI érige et qui l’empêchentde surfer de façon professionnelle. De plus, le salariérentré chez lui voit son entreprise de l’extérieur. Il litce qu’on en dit dans les blogs et dans les forums. Et, bien sûr, ça ne colle pas toujours avec ce qu’ex-prime la communication interne. Les frontières sontdonc ouvertes mais, pendant ce temps, les entreprisesraisonnent encore en mode hiérarchique et en silo.J’ai découvert récemment que, dans une banque, ledépartement qui gère les guichets physiques n’estpas le même que celui qui gère le site Web et pas lemême que celui qui gère l’accueil téléphonique. Ilssont fous ! Une entreprise en silo avec des frontièresporeuses, ça ne peut pas tenir la route.

Que peut-il se passer?S.S. :Ce qui se passe déjà un peu partout: les salariésau contact du terrain se mettent en réseau pourrésoudre leurs problèmes. Ils ouvrent des espacespour faire du transversal. Savez-vous que cent milleinstituteurs du primaire participent à un forum de dis-cussion d’une qualité absolument remarquable 1? Ilsn’ont pas eu besoin du ministère, ils n’ont pas eu besoind’une direction informatique pour cela. C’est un lieud’échange de bonnes pratiques extrêmement puissant.Les dirigeants ne savent pas comment gérer ces phé-nomènes. Et ceux qui souffrent le plus sont, comme

par hasard, les managers intermédiaires. Dans ce nou-veau modèle de partage de l’information, ils sont remisen cause. Les salariés voient de moins en moins leurvaleur ajoutée et leur font bien sentir. L’ennui, c’estque les dirigeants attendent des managers un contrôleet un reporting de plus en plus fin. Ce travail de contrôlepermanent se traduit par une inflation sans fin des e-mails. D’un côté les flux d’information qui se mul-tiplient, de l’autre les règles de contrôle qui s’accrois-sent, le management ne peut que craquer.

Quel mode d’organisation du travail privilégier pouraccompagner l’accroissement des flux?S. S. : Les salariés forment une communauté. Ce quicompte désormais n’est plus la hiérarchie mais biencette communauté dans laquelle il y a des respon-sabilités et des rôles bien sûr ! Mais les gens impor-tants ne sont plus ceux qui ont des diplômes ou desgalons, ce sont ceux qui animent la communauté.Typiquement, le rôle d’un middle manager doit êtrede laisser faire le plus possible en peer-to-peer 2 etd’observer. S’il constate que la communauté estcapable de résoudre le problème elle-même, trèsbien. S’il constate que cela devient trop compliqué,il peut intervenir pour renforcer la communauté dansla résolution du problème. Evidemment pour en arri-ver là, il faut changer l’entreprise de l’intérieur…

Et avec ce schéma, le nombre d’e-mails diminue?S. S. : L’e-mail est un outil qu’il va falloir oublier.Aujourd’hui quand quelqu’un a un problème, il écrità son chef. Manque de chance, celui-ci participe à unséminaire à Marrakech. Deuxième manque de chance,quand le chef trouve le temps de traiter le mail vers22 h 30 dans sa chambre d’hôtel, il constate qu’il n’apas la solution et transfère le mail à un autre chef,qui lui-même ne répond que deux jours après… Ce

Lego, le design by meUne des entreprises les plus remarquables en matière d’ouverture des interfaces de programmationest le groupe danois Lego, inventeur de la célèbre brique. En visitant des forums, les dirigeants de l’entreprise se sont aperçu que des users groups concevaient leur propres modèles Lego. Ils décident alors de proposer un simulateur téléchargeable 4 avec lequel chacun peut concevoir son propre modèle, l’uploader dans la galerie, passer commande et recevoir par la poste toutes lesbriques nécessaires pour réaliser sa création. Au moment de sa sortie en 2005, le simulateur présentaitcependant un bug. Des hackers sont alors entrés dans le système d’information de l’entreprise, ont trouvé la source du bug et ont publié cela en interpellant publiquement Lego sur la médiocrité de son simulateur. Au lieu d’attaquer, Lego a remercié la communauté de l’avoir fait progresser. Depuis, le système s’est amélioré, si quelqu’un invente un nouveau modèle de Lego, il peut le proposer,et la communauté peut voter. Si le projet a 10 000 supporters, Lego s’engage à analyser sa faisabilité. En cas de production et de commercialisation du modèle, le designer touche 1 % des ventes.

DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

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n’est plus possible de travailler comme cela! Demain,l’outil de base de l’information dans l’entreprise seraune sorte de Tweeter. Celui qui a un problème le postesur un wall. Celui qui a la solution lui adresse.

Inciter les collaborateurs à résoudre les problèmesau plus près du terrain avant de les faire remonterau supérieur, c’était les principes du toyotisme…S.S.:Absolument, mais grâce aux outils d’Internet, cen’est pas l’équipe locale qui résout le problème au coursd’une réunion physique, c’est une communauté beau-coup plus large et beaucoup plus ouverte. La grandequalité des outils Internet, c’est qu’ils sont efficaces etpas chers. Le modèle économique du forum des ensei-gnants du primaire coûte environ 500€par mois d’hé-bergement. Le coût de la cotisation est de 2 € par an.Le modèle est donc à l’équilibre avec 3000 adhérents…il y en a aujourd’hui trente fois plus. C’est un modèleéconomique imbattable pour l’échange des savoirs!

Qu’est-ce qu’Internet change à la communicationde l’entreprise?S.S. : Pour résumer, je dirais qu’il y a eu trois époquesdans la manière de communiquer, correspondant àtrois modèles d’organisation. Dans le premier modèle,il y avait un centre fort avec un patron, un professeur,un père de famille, qui vous voulez… et les flux étaientdescendants. Le centre ordonnait, les autres exécu-taient. Dans les organisations du deuxième modèle,on a commencé à s’intéresser au public, notammentquand il s’est agi de comprendre les clients, ce qu’ilsveulent, de façon à adapter l’offre à la demande… Ons’est alors mis à écouter et les flux ont été égalementremontants. Nous entrons aujourd’hui dans la troisièmeépoque: les flux les plus importants sont maintenanthorizontaux. Le rôle de la communication de l’entrepriseest de fournir du contenu qui a pour objectif de faireparler les clients, les partenaires, les salariés entreeux. Le centre de l’organisation a pour rôle d’alimenteren information pour nourrir les échanges, et égalementd’écouter la communauté pour en retirer des élémentsqui vont éclairer la stratégie. Pour résumer, un com-municant doit désormais être un community manager.Son travail est avant tout d’animer le réseau.

Grâce à un internet, nous connaissons donc la révo-lution des flux horizontaux?S.S. :Oui, mai à vrai dire ces phénomènes sont encorepeu développés entre les salariés. Je suis sûr quecette révolution atteindra l’interne en étant d’abordpassée par l’externe. Je prends l’exemple de la villed’Edmonton, au Canada, ville dans laquelle le direc-teur des systèmes d’information est un fan de l’opendata 3. Il a donc développé des projets en direction descitoyens dans une logique de transparence et il aouvert des portails. Il a eu la surprise de voir les sala-

riés de la ville venir le féliciter parce que grâce à cesportails, ils pouvaient accéder aux données des autresdépartements sans passer par leur hiérarchie. Autreexemple, dans une entreprise que j’accompagne, uneassistante a lancé un blog familial après avoir suiviune formation à Internet proposée par son entreprise.Son blog a rencontré un certain succès et il compteaujourd’hui une centaine de contributeurs. Depuis,son employeur l’a nommée directrice de la commu-nication. Je suis persuadé qu’il y a un nombre insoup-çonné de salariés qui ne sont pas considérés par leuremployeur et qui, dans la vie privée, sont de formi-dables animateurs de communautés.

Propos recueillis par Philippe Olivier, consultant, administrateur de l’Afci.

1 http://forums-enseignants-du-primaire.com2 Le principe du peer-to-peer (P2P) est la mise en liaison

directe d’un internaute avec un autre afin d’échangerdes données.

3 Information publique brute et librement accessible.4 http://designbyme.lego.com5 Hautes études en technologies de l’Information et

de la communication, la « première école de l’Internet ».6 Avec Internet, où allons-nous ? Éditions Le Pommier, 2004.7 www.fondapol.org8 http://blog.almatropie.org9 www.dailymotion.com/video/xchhe2_serge-

soudoplatoff-les-vraies-ruptu_tech

Réseaux sociaux d’entreprise : une révoluiton en marche ? DOSSIER

Serge Soudoplatoff : la passion InternetPolytechnicien et cartographe de formation,Serge Soudoplatoff a débuté sa carrière en 1978à l’Institut Géographique National avant derejoindre IBM où il découvre Internet en 1984.Rentré en Europe, il travaille successivementpour les centres de recherche de Cap Gemini et de France Telecom. Ces dernières années, il a fondé plusieurs entreprises dont une Web agency et une entreprise de jeux en réseauà caractère éducatif. Il enseigne à l’HETIC5

et à l’ESCP. Observateur affuté d’Internet, Serge Soudoplatoff a publié plusieurs ouvrages 6

sur le sujet. Il est membre du think tankFondapol 7 au sein duquel il anime les sujets liés au 2.0 dans la société. On pourraégalement consulter son blog8 ainsi que l’une de ses conférences en ligne sur les rupturesd’Internet9.

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Maryse Carmes a réalisé, entre 2009 et 2011, trois recherches-action au sein degrandes organisations françaises de plus de 100 000 salariés. Ses travaux portentsur les politiques internes en matière de technologies de l’information et de lacommunication (TIC), les « territoires numériques » des salariés, les processusd'innovation organisationnels et les inégalités numériques. On voit comment leslogan du « tout et tous connectés », sans de véritables politiques ambitieuseset cohérentes, peut non seulement influer sur les pratiques professionnelles maisaussi nourrir de nouvelles tensions ou revendications sociales.

Les politiques TIC internes et les « territoires numériques »des salariés

Pourquoi avoir mené une telle recherche?Maryse Carmes : Parmi les nombreux travaux derecherche sur les rapports entre TIC et transforma-tions organisationnelles, beaucoup s'intéressentaux modes d'appropriation, aux nouveaux processusinformationnels et communicationnels qui carac-térisent le travail en contexte numérique. Pour notrepart, ce que nous étudions particulièrement, ce sontles processus d’innovation et les dimensions poli-tiques du numérique dans l’organisation : quels sontles tensions, les rapports de force, les affronte-ments ? Cela implique de penser l’hétérogénéité descouplages entre technique et organisation et dedépasser les schémas déterministes, les idéaux-types, mettant par exemple en équivalence telle

fonctionnalité Intranet avec telle typologie d’orga-nisation. Du point de vue d’une sociologie de l’inno-vation, il convient encore d’étudier l’entre-définitionde la technique, des pratiques, des normes et stra-tégies de l’entreprise. En portant le regard du côtédes salariés, nous avons cherché à étudier la manièredont ces derniers pouvaient se positionner commedes acteurs des politiques internes et sans que celasoit décidé « d'en haut » puisqu’ils sont eux-mêmesimpliqués dans un processus de territorialisationnumérique via leurs propres pratiques privées (parexemple sur Internet au travail ou domicile). Ilconvient encore de voir comment ils peuvent « bri-coler » les dispositifs que l'on met à leur disposition,agir sur ces derniers, exprimer des revendications

Maryse CarmesChercheur au GRICO (réseau de recherche sur les devenirs numériques)

et enseignante en Sciences de l’information et de la communication à l'Université européenne de Bretagne

DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

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et des prescriptions, évaluer les dispositifs de l’en-treprise et créer leurs propres espaces d’interactionsprofessionnelles. Ces pratiques « bricolées » relèventdes « arts ordinaires et des manières de faire », pourreprendre les termes de Michel de Certeau. Ellessont une reconnaissance de l’autonomie de l’utili-sateur face aux objets techniques, à l’interface, etd’une capacité réflexive, critique, vis-à-vis descontraintes diverses qui s’expriment ici.

Qu’entendez-vous par « territorialisation numé-rique »?MC:La territorialisation numérique est un mode d’in-dividuation. Elle s’exprime par des usages divers desTIC (au sein ou hors de l’entreprise) et des tempora-lités, par des pratiques expressives et contributives,

par la création de liens et de réseaux (entre individus/documents/savoirs), par la constitution de nouveauxapprentissages et de nouvelles compétences. Enentreprise, la territorialisation numérique est gou-vernée par des politiques d’interfaces, des droitsnumériques et des conditions d’accès. Dans nos tra-vaux, nous avons été confrontés à une forte partiedes effectifs qui se trouvait en situation subie d'ex-clusion totale ou partielle, vis-à-vis du territoire numé-rique de leur organisation, à savoir l’Intranet et lesmessageries. Et ce, alors même que les mots d'ordrede l'hyperconnectivité, de l'entreprise numérique ou2.0 ne cessent de nourrir les discours et les proposdes leaders d'opinion. Nous avons donc été amenésà travailler, de manière spécifique, sur cette popu-lation placée dans une situation paradoxale entreinjonctions, modèles prescrits, et impossibilitéd’habiter ce territoire.

Quelle est cette catégorie de collaborateurs quevous appelez les « empêchés-exclus »?MC: Les empêchés-exclus regroupent les salariésqui subissent une situation de non connexion partielleou totale aux espaces numériques (Intranet, messa-gerie, Internet) à partir de leur lieu de travail.L’empêchement fait référence aux situations où l’accès

est possible mais où l’agencement ne favorise pas laconsultation: bornes ou PC en accès libre situés dansdes zones de passage, dans un couloir en face dubureau du responsable hiérarchique, libération quasiimpossible d’un temps pour la consultation, ordina-teurs difficilement partagés, etc.

L’exclusion indique une impossibilité d’accès, au seinde l’entreprise, à la messagerie, et ce, même si sonmétier implique un travail sur ordinateur. Nous avonsconstaté que de nombreux postes n’étaient équipésque d’applications professionnelles. Si l’on se réfèreaux entreprises étudiées, un peu moins des deux-tiersdes effectifs sont dans ce cas. Sans surprise, et celarejoint les données nationales, sont concernés lespremiers niveaux hiérarchiques et les métiers de ter-rain généralement nomades, etc. Selon les donnéesEurostat (enquête communautaire sur les TIC denovembre 2010), 54 % des salariés français ont accèsà un ordinateur au travail, 41 % utilisent régulièrementInternet (au moins une fois par semaine), 41 % seu-lement bénéficient d’un accès à un Intranet. Ces tauxdécroissent en fonction du niveau hiérarchique. Demême, 34 % des employés et 18 % des ouvriers béné-ficient en France d’une connexion Internet au travail(48 % pour l’ensemble des actifs). À l’échelle del’Europe, cela nous place à un niveau intermédiaire.Ce type de problématique a favorisé, il y a déjà plu-sieurs années, le développement des extranetsconsultables à partir du domicile ou de bornes enlibre-accès. Or, dans les cas qui nous concernent,ces derniers sont majoritairement méconnus, ouconsidérés comme « dégradés » par rapport àl’Intranet (moins d’informations et de services pro-posés) ou bien ils sont perçus comme une intrusiondans la sphère privée.Par ailleurs, les liens et interactions entre les poli-tiques numériques internes, le Web public et lespratiques personnelles, sont de plus en plus ténus.On a affaire à un emboîtement continu des territoires,des fonctionnalités et des subjectivités associées,c’est-à-dire une écologie numérique complexe.D’une part, appartenir à cette catégorie des « empê-chés-exclus » ne signifie pas pour autant être unsalarié non internaute ou un « Digital Immigrant »

Réseaux sociaux d’entreprise : une révoluiton en marche ? DOSSIER

« La territorialisationnumérique est gouvernée

par des politiquesd’interfaces, des droitsnumériques et desconditions d’accès »

« Les empêchés-exclussont les premiers niveaux

hiérarchiques et les métiersde terrain généralement

nomades »

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36 Les cahiers de la communication interne n°29 - Décembre 2011

(génération plus âgée, par opposition aux « DigitalNatives », génération née avec le Web, deux macro-catégories qu’il convient de dépasser). D’autre part,on observe un lien explicite entre la richesse despratiques d’un salarié sur Internet, son auto-posi-tionnement en termes de compétences TIC et l’éva-luation critique qu’il fait des politiques internes. La montée en compétences s’accompagne d’unemontée en exigences. Enfin, les forums et réseauxprofessionnels autonomes sur Internet ne se sub-stituent pas aux espaces collaboratifs ou aux« réseaux sociaux » de l’entreprise.

Quelles sont les discriminations numériquesvécues par les salariés et comment ce sentimentse construit-il ?MC: Tant pour les salariés intranautes que pour lessalariés non intranautes, le dispositif numérique autravail est investi de significations. Mais, là encore,il faut se défaire des déterminismes. La « significationsociale » de l’usage ne surgit pas « d’un grand discourssurplombant ». Les messages de communicationinterne, légitimant et valorisant les Intranets, sanstenir compte d’un réseau de contraintes et de per-ceptions établies, ne suffisent pas à créer « l’appro-priation ». Cette signification se construit à partird’une longue chaîne d’actants (acteurs humains etnon humains), de facteurs impliquant des médiationsdiverses, des contraintes techniques, des cultureshétérogènes, des expériences singulières, etc. En cequi concerne les non utilisateurs ou utilisateurs occa-sionnels, la construction des perceptions et position-nements vis-à-vis des TIC au travail, articule quatrecatégories de variables :• le potentiel de connexion aux technologies et leurcaractérisation technique: la situation de consultation;les droits numériques; l’évaluation de la qualité intrin-sèque des fonctionnalités et services proposés ;• la situation et la projection professionnelle : la placedes TIC dans l’exercice concret de son métier (temps,lieux du travail, applications TIC fréquemment néces-saires ou pas) ; la perception de son rapport au collectif(le cercle immédiat de collègues et l’ensemble del’entreprise) ;• le renforcement des prescriptions d’usage des TIC :celles des managers (valorisation, information surl’existence ou l’usage des intranets) ; des collègues,voire des syndicats (incitation collective à l’usage ounon) ; familiales ou amicales ;• l’acquisition de connaissances et de compétencesnumériques : à partir du milieu professionnel ou despratiques individuelles d’Internet ; réflexivité / auto-positionnement vis-à-vis d’un apprentissage et dumonde numérique dans son ensemble.

Tout cet agencement de variables fonde et redistribueles relations entre hommes, techniques et organisa-tion, ainsi que les cadres interprétatifs. Pour les« empêchés-exclus », on constate une signification

collective tendant à mettre en équivalence discrimi-nation numérique et discrimination socio-profession-nelle. Les droits numériques construisent etparticipent à un processus d'idenfication profession-nelle. Ce que nous appelons « les identités connec-tives » révèlent des identités professionnelles,hétérogènes et fluctuantes, à partir de l’évaluationd’une capacité d’usage et d’accès, d’un droit à s’as-socier (ou à s’isoler), d’un rapport à un territoirepotentiel d’informations et d’interactions plus oumoins ouvert, contraint, prescrit ou librement habité.L’impact sociologique et la critique politique sontencore renforcés par des argumentations relevantde la justification professionnelle concrète. Au global,on pointe alors les paradoxes d’une politique d’en-treprise qui met les TIC, l’appartenance, la partici-pation, la responsabilisation, les compétences etc.au cœur de son modèle et de son discours stratégique.Ainsi, les mots qui reviennent le plus souvent chezces salariés sont « inégalités », « isolement », « déva-lorisation », « perte de confiance », « contrôle », « inco-hérence ». La discrimination s’opère selon les métierset statuts, le potentiel de capital informationnel etsocial, les compétences (instrumentales, informa-tionnelles et cognitives).L’évaluation critique est d’autant plus forte qu’au-jourd’hui, les salariés, qui sont par ailleurs inter-nautes, enrichissent continuellement leursapprentissages et leurs cultures numériques. Cettemontée en compétences des salariés s’accompagned’une plus grande exigence non seulement sur lespossibilités d'accès, les droits numériques mais aussisur les fonctionnalités. La signification d’usage estégalement explicite pour certains non utilisateurs del’Intranet (y ayant, ou non, accès) : dans certains cas,ne pas consulter l’Intranet, c’est marquer son désac-cord, sa distance avec les politiques de l’entreprise.Cela peut être aussi parfois une déconnexion volon-taire (au travail ou au domicile) répondant à un besoinde « respiration », exprimant un refus de l’hypercon-nectivité caractéristique de nos sociétés.

DOSSIER Réseaux sociaux d’entreprise : une révolution en marche ?

« Les identités connectivesrévèlent des identitésprofessionnelles,

hétérogènes et fluctuantes »

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Vous montrez que le salarié non connecté est « missur la touche » ou, en tout cas, qu'il peut le ressentirainsi. N’est-ce pas le rôle des managers « que de leramener sur le terrain »?MC : À mon sens, il n’y a pas antinomie (loin de là)entre « le terrain » et le mil ieu numérique.Justement, cela est un argument parfois avancépar les managers pour rendre les intranets acces-soires. Évidemment, l’accès à ces dispositifs n’estpas un passage obligé quotidien pour tous les sala-riés. Mais, quand ils découvrent la présence d’in-formations RH sur Intranet par exemple, là encore,la perception d’une communication interne discri-minante est flagrante. De même, comment ne pasconsidérer que la possibilité d’échanges et d’inter-action facilitée avec un réseau étendu de collègues,n’est pas du « terrain » ? La question de fond, à monsens, est de penser le numérique comme un « ter-ritoire existentiel au travail ». Il s’agit alors d’envi-sager la diversité et la progression continue de sonmode d’investissement par les salariés. Cela répondà des objectifs à la fois personnels et à des enjeuxorganisationnels. Mais c’est aussi, on l’a vu, un choixpolitique. Quant à la « désintermédiation » mana-gériale qui en résulterait, on a déjà beaucoup dit etécrit sur la place que se chercheraient les managersde proximité. Oui, les TIC occupent des « trous struc-turaux » que les managers occupaient en tant qu’in-tercesseur privilégié entre les équipes et lesinformations de la direction générale (les syndicatsaussi peuvent tenir cette position). L’idée des trousstructuraux fait référence à la perte du caractèrebureaucratique des organisations, au passage demodes de contrôle et de coordination formels à uncontrôle informel négocié. Dans ce cadre, le capitalsocial devient une valeur ajoutée que les managersou les salariés tirent des relations qu’ils ont avecd’autres. L’absence de relations (trous structuraux)devient une opportunité pour se placer en tant qu’in-termédiaire. L’enjeu est alors de maîtriser, contrôlerles trous structuraux (notion tirée de la sociologiede Ronald Burt), et de se positionner en tant qu’in-termédiaire entre sous-ensembles ayant des savoirsdifférents. Au cœur du questionnement de l’orga-nisation comme territoire numérique (que l’on nepeut plus envisager comme un espace fini, borné,statique, formaté en tous points), la négociation desnœuds, liens, « attachements » s’en trouve relancée.Face à cette complexification, nous développonsl’analyse des réseaux pour mieux comprendre nonseulement les dynamiques socio-numériques, maisaussi les économies politiques dans lesquelles elless’insèrent.

N’a-t-on pas trop mis l’accent sur le numérique audétriment des autres dispositifs d’information interne, tout aussi pertinents?MC: Effectivement, depuis un peu plus de dix ans, lespromesses, les slogans et mots d’ordre n’ont cesséde nourrir avec passion une machine à « célébra-tions ». En fournissant des repères très simples (sansdoute rassurants pour des décisions à court terme),cela a participé à écraser la complexité des phéno-mènes. Mais, de facto, comme ce fut le cas pour l’in-formatisation, on ne peut évacuer le fait numériquedans la transformation des processus de travail. Toutcela s’inscrit dans un continuum technico-organisa-tionnel et dans une négociation des normes de mana-gement. Les implications du numérique noussemblent néanmoins encore plus fortes et plus éten-dues. Sont affectés non seulement les politiques etdispositifs de communication interne, mais plus lar-gement et profondément (car les TIC ne sont pas seu-lement des diffuseurs d’infos, loin de là), la gestiondes processus, le dialogue social, les modes de coopé-ration collective, les possibilités d’une expressiondistribuée, l’exploitation des ressources et des savoirs,le design (au sens large) du poste de travail.Simultanément, on voit s’actualiser, voire se renforcer,les modes de régulation, de surveillance et de contrôle,l’exploitation des traces, les temporalités du travail.Ainsi, les entreprises ne cessent d’expérimenter etde s’affronter à la recomposition du territoire info-communicationnel, en articulant ses diverses moda-lités : interactions orales, supports édités, médiationsmanagériales, syndicales, etc. Qu’est-ce qui ne cessede s’expérimenter au fond? Une hybridation des pro-cessus et des formes. Et cela, ne peut s’étudier qu’enrapport avec les contingences, référentiels d’actionstechno-politiques de chaque entreprise, elle-mêmeprise dans le vaste mouvement d’une rupture anthro-pologique, cognitive, sociale, de « l’agir collectif » queconstitue le milieu numérique.

Propos recueillis par Florent DepreyAdministrateur de l’Afci

Responsable de la communication interne,Grand Port Maritime du Havre

Deux articles liés à ces questions ont été publiés dans les actes du colloque AcfasQuébec (version révisée 2011) et lesCahiers du Numérique. Consultables sur :www.grico.fr, rubriquepublications/articles-selection

Réseaux sociaux d’entreprise : une révoluiton en marche ? DOSSIER

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Benedikt Benenati, Administrateur de l'Afci

Voici comment je voisle poste de Responsable de la CommunicationInterne. À travers les initiatives qu’elle va imaginer,tester et mettre en place dans l'entreprise, cettepersonne va encourager ses premiers clients – lesleaders de l'entreprise – à bien jouer leur rôle demanagers communicants, de donneurs de sens etpas seulement de donneurs d'ordres. Elle va lesrassurer et les aider avec des outils simples et effi-caces, qu’ils pourront utiliser eux-mêmes, c'estbien leur job ! Et si parfois, elle les voit un peu hésiterou si leur naturel de patrons trop prudents revientau galop… alors elle prendra son courage à deuxmains et, avec un zeste d'humour et un savoir-faireassumé, elle va leur chatouiller la langue de bois.Son vrai job est de créer un environnement, uneculture où les mots dialogue, autonomie, engage-ment, etc. ne sont pas juste là pour décorer lesmurs des couloirs de l'entreprise mais pour qu'ilsdeviennent, dans ces mêmes couloirs, des com-portements tout à fait tangibles. Cette mission estvraiment très belle. Elle n'est pas facile du tout et,probablement, un brin dangereuse… Mais la vien'est-elle pas trop courte pour qu'on reste dans lepolitiquement correct ?!...

Jean-Marie Charpentier, Secrétaire général de l’Afci

Curieuxcomme le thème de la proxi-mité revient en force. Il faut dire que le travail estde plus en plus marqué par l’éloignement, la dis-tance et une place accrue des outils et procédures.Le management est touché. Taille des entrepriseset tendance à la « surgestion » mettent à distancedécideurs et salariés. D’où une modification descomportements des uns et des autres. Avec l’em-prise des outils de gestion (ex : reporting), on pri-vilégie le « gouvernement des choses » sur le« gouvernement des hommes ». Les RH sontconcernés. La conception du « RH business partner» a recentré la fonction sur la valeur ajoutée. Avecà la clé, externalisation, sous-traitance et déléga-tion, mais aussi technicisation (portail RH, SAP),normalisation et in fine déshumanisation. La com-munication est touchée. L’interface des outils, mêmes’ils sont dits « interactifs », a gagné du terrain. Lecontact est souvent médiatisé, instrumentalisé auxdépens d’une relation directe. Vision désincarnéede l’entreprise ? Sans doute. C’est justement ce quirend plus actuelle que jamais la question de la proxi-mité, donc de la relation pour le management, lesRH et les communicants. Bien sûr, à l’ère desréseaux sociaux, de nouvelles pratiques s’expéri-mentent, de nouvelles scènes de proximité voientle jour. Certes, mais les communicants, plus qued’autres, le savent : rien ne remplace un regard ouune parole échangée en face à face.

Notre job? Chatouiller les langues de bois!��

À la recherche de la proximité perdue...

Points de vue

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Observatoire de l’Intranet 2011:les grandes tendances

La chroniquedu net

Isabelle ReyreDirectrice associée, cabinet Arctus

La collaboration numériqueest désormais bien installéeTout d’abord, on constate que la collaboration ap-pelée ici « collaboration numérique » est désormaisen place, puisque 60 % des intranets sont équipésd’espaces collaboratifs. Une tendance en progres-sion de 10 points par rapport à l’édition 2010. Encomplément, 20 % des répondants annoncent tra-vailler sur des projets de déploiement d’espacescollaboratifs quand ils n’en disposent pas déjà.Pour les entreprises qui en sont équipées, l’usagede ces espaces est confirmé puisque les entreprisesrépondantes les déclarent enrichis d’outils pratiquescomme des actualités, des bibliothèques ou desagendas. En complément, on assiste à une émer-gence des pratiques collaboratives étendues, no-tamment dans les grandes entreprises et certainesplus petites structures. Dans les deux cas, ces or-ganisations appartiennent le plus souvent au secteurde la téléphonie, du conseil ou de l’informatique.

Le réseau social d’entrepriseprend sa place progressivementAutre tendance forte cette année, le démarragede nombreux projets de réseaux sociaux. 45 % desorganisations annoncent la mise en place de fichespersonnelles enrichies d’ici un an et 20 % d’entreelles déclarent déjà en disposer. Ce point est central,car c’est bien par l’intermédiaire de cet annuairepersonnalisé que le lien social s’initie. Pour rendrel’annuaire intelligent, il doit être complété d’outilsde mise en relation, qui devraient équiper 20 %des intranets en 2012. L’interaction étant désor-mais facilitée entre les individus qui se connectentgrâce aux présentiels et tous les services qui per-mettent l’interaction en temps réel avec le chat,la webconference, la voix sur IP, de plus en plusfréquemment proposés sur les intranets.

Où en sont les intranets en 2011 ? Quels sont les contenus et les outils disponibles ?Y trouve-t-on des applicatifs métiers ? Qu’en est-il du moteur de recherche ? Où commencent et finissent les intranets ? Le réseau social d’entreprise en fait-ilpartie ? Autant d’interrogations qui peuvent trouver réponse dans les résultatsde cette étude annuelle dont nous livrons ici un aperçu des tendances 2011.

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La mobilité au servicede l’usager se confirmeAu fur et à mesure du déploiement des supportsportables (ordinateurs portables, tablet PC,smartphones) et de l’accès au réseau Internetquasi-permanent (avec le Wifi notamment et letrès haut débit), chacun peut en permanence etde presque n’importe où réaliser tout type de tran-sactions en s’appuyant sur le Web. L’Intranetn’échappe pas à cette tendance. Chaque utilisa-teur est à la recherche d’un service flexible,continu et étendu, quelle que soit sa localisationà l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise. C’estle fameux « ATAWAD : Any Time, Any Where, AnyDevice ». Ceci se confirme dans les tendances del’Observatoire de l’Intranet 2011. Désormais, 75 %des entreprises proposent un accès distant, unchiffre en évolution de 10 % par rapport à 2010 ;17 % ont adapté leur intranet à la consultationsur terminal léger, comme elles l’avaient annoncéen 2010. Le chiffre devrait doubler en 2012, preuvedu niveau d’engagement des entreprises sur cesprojets.

La gouvernance stratégiqueest intégréeCette année, nous avons intégré des questions surle « projet Intranet ». Le caractère stratégique de lagouvernance des intranets ressort puisque la direc-tion générale est associée aux projets d’évolutiond’intranet dans plus de 50 % des organisations répondantes. On note également que la copropriétédes Intranets se développe, partagée par la DRH, laDSI et la direction de la communication. L’Intranetconcerne désormais l’entreprise dans son intégra-lité. On le voit ici, les fondations pour le déploiementde la dimension sociale dans l’Intranet sont en place.La gestion des connaissances n’est pas prioritaireOn le comprend aisément, l’entreprise - concentréesur les sujets précédemment évoqués - ne fait plusde la gestion des connaissances une priorité. On noteainsi un nombre de projets de Gestion des Connais-sances en recul. La gestion du cycle de vie du docu-ment et la saisie obligatoire des meta-données nesont encore que faiblement répandues. Enfin, lesfonctions de « Knowledge Management » ne sont re-connues que dans 7 % des organisations. Des progrès

L’Observatoire de l’Intranet Créé en 1999 par le cabinet Arctus, l’Observatoire de l’Intranet analyse une fois par an laprogression de l’Intranet en particulier et des Technologies de l’Information et de la Communication(TIC) en général, dans différents environnements professionnels : entreprises privées et publiques,collectivités locales, administrations, institutions et ministères. Sa reconduction annuelle permet de dégager les principales tendances et relève les évolutions significatives, dans la durée.

L’enquête intègre chaque année de nouveaux champs de questions, en fonction de l’émergence de problématiques identifiées tout en conservant des questions « baromètre » qui permettent de suivre les évolutions d’une année sur l’autre.

Le questionnaire de l’édition 2011 a recueilli le retour de 373 organisations en France, au Canada, enBelgique et en Suisse. Ces 34 questions étaient réparties en 5 grandes catégories qui portent sur : • le contexte Intranet de l’entreprise (antériorité, génération, domaines concernés, etc.) ;• les contenus de l’Intranet ;• les fonctionnalités et services ;• le projet Intranet ;• la gouvernance de l’Intranet.

Outil de veille, l’Observatoire donne rendez-vous à tous les professionnels de l’Intranet en débutd’année sur le site www.observatoire-intranet.com. Un nouveau questionnaire est d’ores et déjà en cours d'élaboration pour l’édition 2012. Comme chaque année, tous les répondantsbénéficieront d’un retour personnalisé et gracieux. La synthèse 2011 est disponible sur le site.

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seront sans doute enregistrés dans ces domainesultérieurement, une fois que la production généréepar l’Intranet 2.0 sera en place.

En résumé et pour la suite...Depuis l’émergence de l’Intranet au milieu des an-nées 90, la priorité a été portée dans un premiertemps, sur la technique, en raison de la nécessitéd’intégrer rapidement ces nouvelles technologiesdans les entreprises.Les années 2005-2010 marquent une inflexion, avecnotamment :• l’évolution de l’imprégnation technologique desentreprises et de la compréhension de leurs enjeux ;• l’utilisation par le plus grand nombre des solutionsdéployées, la généralisation des bonnes pratiquescomme l’implication de l’utilisateur dans la dé-marche de projet, que nous appelons la maîtrised’usage ;• l’implication managériale (e-management) ;• la conduite du changement liée au déploiementdes nouvelles technologies (e-transformation).

Les années 2011-2015 devraient se caractériser parle déploiement de la dimension sociale de l’intranetet l’appropriation par l’ensemble des acteurs de l’en-treprise de cet espace à la fois d’information, decommunication, de collaboration, de gestion desconnaissances, fédérateur de l’intelligence collec-tive. Les prochaines éditions de l’Observatoire del’Intranet le diront.

Profil des entreprisescandidates au RSELes entreprises dont l’effectif est inférieur à 100 et supérieur à 10 000 sont les plus enavance. Les premières proposent des fichesannuaires enrichies dans 35 % des cas et des sites Web personnels dans 12 % descas, contre 20 % et 8 % pour les entreprises de plus de 10 000 salariés.

Ce sont dans les entreprises de plus de 10 000 salariés que les outils de mise en relation sont les plus fréquemmentproposés : 16 % des cas.

Les fiches annuaires enrichies devraient être disponibles d'ici un an dans près de 50 % des cas pour les structures entre 5 000 et 10 000 salariés.

Le déploiement de la transversalité est unepriorité dans les grandes organisations quicherchent à capitaliser sur leurs ressourcesinternes avec le RSE.

Les plus petites organisations intervenantdans le secteur des nouvelles technologiessont également en avance dans ledéploiement du réseau social d’entreprise.

Les services marchands sont un peu en avance sur le RSE. En revanche, c'estl'industrie qui fait le plus d'efforts, aussi bienpour le déploiement des fiches annuairesenrichies (31 % dans un an), que pourl’implémentation de l’outil de mise enrelation (17 % dans un an).

Les autres secteurs avancent aussifortement sur les fiches annuaires enrichies.Elles devraient être proposées d’ici un an :dans 21 % des cas pour les servicesmarchands, 25 % pour l’administration, le service public étant le plus en retrait avec 14 % de projets déclarés.

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Le média humain : dangerset opportunités des réseauxsociaux pour l'entrepriseLaetitia Puyfaucheret Ludovic BoursinEyrolles, 2011, 242 pages

En invitant le lecteurà découvrir leconcept de « médiahumain », LaetitiaPuyfaucher etLudovic Boursinincitent le lecteur à repenser enprofondeur lamanière dontl’informationcircule et à revoir

les modes de collaboration dansles entreprises. Avec l’émergencedes réseaux sociaux, chacundevient émetteur: on tchate, on twitte, on actualise son statutsur Facebook, on commentel’information, on donne son avissur tout et partout. Comment les professionnels de lacommunication appréhendent-ilsce phénomène? Commentadapter ce modèle à nosorganisations? Peut-on l’ignorerou doit-on, au contraire, le prévoiret même l’encourager? Les deuxauteurs dressent un panoramatrès complet des conséquences del’activité, de plus en plus nourrie,des collaborateurs sur les réseauxsociaux. Ils cherchent à en évaluerles impacts, en communicationinterne et externe, les enjeuxjuridiques ou sociaux, lesconséquences pour les pratiquesmanagériales qui se trouvent ainsibouleversées. Ces regards croisésde deux professionnels de lacommunication, l'un en agence,l'autre chez l'annonceur, amènent

peu à peu l’idée que lecollaborateur est devenu lepremier média de l’entreprise.Quelle place pour le manager,dans un monde où l’informationn’est plus synonyme de pouvoir?Comment revisiter nos modèles?Les professionnels de lacommunication apprécieront de pouvoir ainsi s’enrichir de cette vision projetée… Avec le 2.0 comme booster denos organisations, nous voicidésormais « tous dircom! ».Certains s’en réjouirontcertainement. D’autres le vivront (le vivent déjà?) comme un effritement d’un pouvoir qui a fait son temps.Laetitia Puyfaucher dirigeactuellement WordAppeal etPelham Editorial Consulting,agences de communicationéditoriale et digitale dont elle estla créatrice. Lauréate du prix NicoColchester décerné par leFinancial Times et The Economist,elle collabore régulièrement auxrapports de l’institut Montaigne.Ludovic Boursin travaille depuisdix ans, en agence et chezl’annonceur, sur lesproblématiques ayant trait à lacommunication d’entreprise. Il est aujourd’hui directeur adjointde la communication, Marques etDéveloppement Durable chezVoyages-sncf.com.

Valérie Perruchot Garcia

Le droit à la vulnérabilitéThierry Calvat et Serge GuérinMichalon, 2011, 121 pages

« Ce n’est pas parce qu’on estvulnérable qu’on n’est pascapable » auraient pu écrire en

résumé les auteurs de cet ouvrageporté tout au long de ses pagespar cette belle conviction. La priseen compte des fragilités dans lemonde du travail est compatibleavec la recherche de laperformance, assurent-ils. Mieux: elle peut même en être un des leviers.Le premier mérite de cette lectureest de souligner la pertinence dela question dans notre sociétévieillissante et, au-delà, derappeler que l’attention à l’autredonne sens à la notion de société,dont l’entreprise est l’une desexpressions. Une questiond’autant plus aiguë quel’entreprise en accélérationpermanente, survalorise laperformance individuelle,génère excès,brutalités et fragilités: « Et si la croissanceéconomique neproduisait que de ladécroissance du liensocial? » s’alarment lesauteurs. Après ceconstat, l’originalité deleur démarche consisteà éviter de se placer surle terrain de la morale:« la question de la vulnérabilitédoit être envisagée par-delàl’angle du bien, (…) aussi sous l’angle de l’intérêt ».C’est tout l’enjeu du « caremanagement », un principe de conduite des affaires quitransforme les parties prenantesvulnérables en acteurs de la performance sociale de l’organisation. Une société du « care » est une société de l’accompagnement qui, par exemple, valorise les emplois de service à la personne. Une

Lu pour vous

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société du « care » a compris quela question de la fragilité esttoujours une question de relationet de réciprocité. « La réussited’une société se mesure à sacapacité à accompagner le plusfaible, le plus fragile ».Reste à concrétiser ce propos.C’est ce que proposent les auteursdans la deuxième partie avecquelques exemples (Novartis,Macif, British Telecom…) quiillustrent l’engagement de cesentreprises à aider les aidants, enl’occurrence leurs collaborateursconcernés.La « disruption » que constituela prise en compte par l’entreprisede la question de la vulnérabilitélui offrira-t-elle l’opportunité deretrouver une nouvelle légitimité?Tel est le vœu qui vient conclurecet ouvrage-manifeste qui devraitintéresser les lecteurs convaincusdu rôle d’intégration sociale de l’entreprise.

Philippe Olivier

Ces idées qui collentPourquoi certaines idées survivent et d’autres meurentChip Heath et Dan Heath

Édition Pearson,Village Mondial, 2007,295 pages

Ce livre devrait êtreinscrit au patrimoinemondial desouvragesindispensables pourcommunicantsinternes! Commentfaire des messages

adhésifs? Comment rendre nosidées « collantes »?… Pourquoicertaines idées, pas toujours les

meilleures d’ailleurs, ont-ellesplus d’impact que d’autres?Les deux auteurs, avec forcedétails et des exemples plussurprenants les uns que lesautres, décortiquent commentcertaines idées, messages etconcepts "adhérent". De cetteétude, ils ont observé qu’à chaquefois six principes garantissaientleur succès. Ils nous les livrentdans une savoureuse feuille de route. De quoi nousguider pour fairepasser nos messagesde manière efficaceet rompre avecce qu’ils appellent « la malédiction du savoir ». Cettemalédiction consiste ence qu’il est impossiblede se mettre à la placede celui qui ne sait pas.Nous avons souvent des idéestoutes faites sur l’état de sesconnaissances, celles qu’il doitacquérir et la façon dont il doit les acquérir. Pour que nos idéescollent, il faut donc:1/ de la simplicité : émettredes idées simples mais profondeset en transmettre la« substantifique moelle » ;2/ de l’inattendu, en deux temps:attirer l’attention par la surpriseet la retenir par l’intérêt ;3/ du concret : aider les gens à retenir et coordonner lesinformations ;4/ de la crédibilité : aider les gensà croire et créer l’adhésion;5/ de l’émotion: faire qu’ils sesentent concernés;6/ une histoire… pour donnerenvie d’agir…Le style dynamique utilisé par lesauteurs est contagieux et donne

envie d’appliquer au plus vite ces principes… Alors… dèsmaintenant… à vous de coller !

Florent Deprey

Communication et environnement, le pacte impossibleThierry Libaert,PUF, 2010, 192 pages

Communication etdéveloppement durableont partie liée depuis quecette notion a vu le jourdans les années 80. Cetteassociation est justementce qui fait problème dans le développementdurable. C'est ce qu'affirme ThierryLibaert, professeur à l'université

catholique de Louvain, auteur de nombreux ouvrages à proposde la communication et, depuislongtemps, engagé dans lesecteur de l'environnement. Les entreprises ont trop souventutilisé le développement durableà seules fins d'image et deréputation. En but à descontestations diverses, elles y ontvu l'occasion d'une réhabilitation. « Voie royale de réconciliation des intérêts privés et de l'intérêtcommun, le développementdurable présente, derrière sa dénomination imprécise, le potentiel de réenchantement pour une entreprise contestée »,remarque l’auteur. Mais en réalité,les résultats n'ont pas été aurendez-vous. En présence d'abusmanifestes ou d'opérations ratéesde greenwashing ou d’écoblanchiment, l'opinion a vite vu

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qu'il y avait là un filon peut-êtreun peu grossier. En tout cas, ellen'a pas marché. Les plus récentesenquêtes montrent, en effet, un grand scepticisme devantl'affichage vert et responsable denombreuses entreprises. Il fautdire que plusieurs campagnes ontmis au jour un décalage parfoiscriant entre la promesse et laréalité. Selon Thierry Libaert,l'affaire est à ce point dégradéequ'on voit aujourd'hui à l'œuvre un double paradoxe: « Plusl'entreprise communique sur le développement durable, pluselle dégrade larelation de confianceenvers les entreprises. Plus elle communiquesur le développementdurable, plus elles'expose aux attaquessur la réalité de sonengagement ». En clair, tout cela devraitpousser les entreprises à la plusgrande prudence tant unecommunication de bonnesintentions peut engendrer d'effetspervers quand elle vise la seuleréputation. Analyse intéressanteet sans concession qui interrogeaussi bien la réalité del'engagement des entreprises queles ressorts de la communication. Rappel assurément salutaire :une « surpromesse » éloignée des pratiques effectives peut avoir des effets dévastateurs. On le savait, mais le mérite du livre de Thierry Libaert estde nous montrer, exemples à l'appui, en quoi et comment la communication dans le champ du développement durable a pu produire son contraire

en réduisant la confiance, voire enaggravant les crises. Alors quelleattitude adopter? L'auteur estpartisan d’une « communicationdurable » fondée sur le principe de responsabilité, d'humilité oude modération. Toutes choses que,manifestement, beaucoup de ceuxqui ont conseillé les entreprisesces dernières années en matièrede développement durable ont unpeu oublié.

Jean-Marie Charpentier

Edgar Morin, aux risques d'unepensée libreRevue Hermès n°60,2011

La revue Hermèsvient de consacrer un très intéressant

numéro spécial à Edgar Morinà l'occasion de ses 90 ans et deses 60 ans au CNRS. D’un côté ce numéro réunit un ensemble de contributions autour de cetintellectuel foisonnant qui atranscendé les disciplines enempruntant aussi bien à lasociologie, à la philosophie qu'à la biologie ou à la cybernétique.De l’autre, cette publicationconstitue un hommage bienvenude la part d'une revue dessciences de la communication à celui qui en a été un des pèresfondateurs en France avec lesociologue Georges Friedmann etle sémiologue Roland Barthes. Lacarrière d'Edgar Morin est, à vraidire, fascinante tant il a empruntéde chemins et ouvert de voies, aupoint que certains ont pu lui

reprocher une sorte devagabondage intellectuel. Le pointde convergence aujourd'hui decette pensée-monde, c'est autourde la notion de complexité qu'ilfaut sans doute le chercher. Dansune filiation vivante avec Héraclite,Pascal, Hegel, Marx, mais aussiplus près de nous avec desscientifiques tels que Von Foersterou avec l'école de Palo Alto, EdgarMorin a mis la complexité aucentre de sa réflexion. « Selonmoi, la vérité ne peut émergerqu'à travers la contradiction »,note-t-il dans un long entretienavec Dominique Wolton. La fécondité de sa pensée est àchercher de ce côté-là, dans uneapproche dynamique descontraires. « J'ai toujoursrencontré les contradictions dansmes aventures de connaissance etj'ai toujours eu besoin de relierdes savoirs séparés ». Dès lors, on comprend mieux que pourappréhender le complexe, il se soitsitué dans une démarchetransdisciplinaire illustrée avecforce dans son œuvre majeureLa Méthode qui comprend sixouvrages publiés entre 1977 et2004. Dominique Wolton constateque le travail d'Edgar Morinprocède d'« un humanismescientifique et d'une acceptationdes chemins tortueux de lacréativité, rarement revendiquéspar le monde académique qui nereconnaît pas toujours le poids del'intuition et du hasard ». La bellemise en perspective qu'offre cenuméro d'Hermès est uneincitation aussi à relier les travauxd'Edgar Morin avec les questionsde la communication aujourd'hui.À la fois parce qu'il est un de ceux

Lu pour vous

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leur discipline le phénomèneapparu dans les années 90 del’impérieuse nécessité de serendre visible de façon à capter à l’attention. L’ouvrage tente de répondre à de nombreusesinterrogations: pourquoil’exigence de visibilité a-t-elle prisautant d’ampleur? Quelles en sont les manifestations et lesconséquences sociales, sociétales,professionnelles, etc. Mais aussi,quelles sont les répercussions de cette tyrannie de la visibilité en termes de rapport à soi et à l’autre. Outre des analyseshistoriques, philosophiques ouencore sociologiques développantles effets de l’image dans lasociété contemporaine - NicoleAubert s’interroge par exemplesur la visibilité comme substitut à l’éternité -, plusieurs auteursapportent leur analyse. FrancisJauréguiberry, sociologue,différencie le networkinginstrumental (présentation de soisous la forme de profil, de critèresou de productions de soi) dans unbut moins de reconnaissances quede bénéfices matériels ousymboliques, du cybernarcissismeoù est recherchée la notoriété, voire la célébrité. « L’essai de soicomme un autre » sur Internetprésente un aspect inquiétantmais il peut être saisi comme une opportunité par certainsinternautes pour échapper aux images trop restrictives d’eux-mêmes que leur renvoie lasociété. Serge Tisseron, psychiatreet directeur de recherche àl’Université Paris 10, s’intéresseaux nouveaux réseaux sociaux telsque Facebook, Twitter, mais aussiCoyotte (réseau repérant les

radars mobiles). Il montrecombien ils nourrissent des désirs universels tels que celuid’intimité, d’éternité, de semontrer, de maîtriser la distancerelationnelle… Mais ces réseauximpulsent aussi de nouvellescaractéristiques commel’universalité, l’interchangeabilitédes interlocuteurs, l’éloge del’immédiateté, etc. Autant deregards très instructifs pour toutpraticien de la communication qui s’interrogent sur lesbouleversements engendrés parles réseaux sociaux, les blogs, ou Internet.

Françoise Plet-Servant

qui ont ouvert en France la voieaux recherches en sciences de lacommunication, mais peut-êtresurtout parce que lacommunication a beaucoup à voiravec la complexité. « Lacommunication fait partie de lacomplexité de tout ce qui estorganisation sociale. Et toutecommunication comporte lerisque d'erreur. L'organisationvivante est un système decommunication ». D'où, selon lui,un enjeu fondamental encommunication: lacompréhension. Edgar Morin ditd'ailleurs qu'« elle est à la fois la fin et le moyen de lacommunication humaine ».

Jean-Marie Charpentier

Les tyrannies de la visibilitéÊtre visible pour existerCollection Sociologie clinique, Édition Éres, 2011, 350 pages,

Cet ouvrage rassemblesous la direction deNicole Aubert,professeure à l’ESCP Europe,membre dulaboratoire duchangement social del’Université Paris 7,et Claudine Haroche,directeur derecherches au

CNRS, un ensemble de points devue de sociologues, de politistes,de psychanalystes, d’historiens ouencore de chercheurs en sciences de l’information et de lacommunication sur la question de la visibilité. Ils analysent selon

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