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R C N DÉMOCRATIE & JUSTICE imposition consolidation paix imposition consolidation paix Cellule d'appui à l'Ordonnateur national du Fonds Européen de Développement COFED Les conflits fonciers en Ituri: Les conflits fonciers en Ituri: de la de la de l’ de l’ à la à la SEPTEMBRE 2009

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impositionconsolidation

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Illustration de couverture : RCN Justice & Démocratie

RCN Justice & DémocratieSiège social : Avenue Brugmann, 76

B-1190 [email protected]

A Kinshasa : Immeuble Sofide,Croisement avenues Kisangani et Ngabu 9-11,

Kinshasa / commune de la Gombe / [email protected]

En Ituri : Avenue de l' Eglise, parcelle SU 1483Quartier Lumumba, Bunia

[email protected]

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Cellule d'appui à l'Ordonnateur national du Fonds Européen de Développement

COFED

SEPTEMBRE 2009

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Cette ét de a ét supervisée in isée r les qu p s d RCN Justice u é et f al pa é i e e& Démocrati n RDC et à Bruxel ese e l .

La o lect des do ées sur le te rai et les i analyses ont été c l e nn r n prem èresmenées par 3 expert :s

Vinc t angulumb Mb ien K a amb expert in ernational en charge de l'é ude, , t test docte r en droit de l Universit libre B u e les. l t u ' é de r x l I esprofesseur aux universités de Kinshasa, B ndundu (Kikwit) et de aButem . I y enseigne otamment le droit civil s iens. l t bo l n de b I esau si membre e la Commis i n erma nte de l é orme du s d s o p ne a r fdroi congo ais. Il es ég ement embre e profess ur à t l t al m t el Acadé i fricai de th r e du droit (Pa is Brux lles).' m e a ne éo i r / e

Fonda eur et r dacteu en he de la R u e Droit Af ica n t é r c f ev e d r i(Bruxelles epuis 996), il est auteur de plusie ouvrages et d 1 ursarticles no amm nt en droi s biens o olais. Il exerce omme t e t de c ng cA ocat aux B e x d i s s G mbe de Bruxelle .v arr au e K n ha a/ o et s

Jean- ierre obho Lw DjugudjugP L a u, x r seni ti al, es docteur e pe t or na on ten sciences politique et a i istratives e l'Université ov nium s dm n d L ade Kinshasa et prof seur ordi aire à l' ivers té d i h a I es n Un i e K ns as . ldi ige e roj interfacul ai e de f r ation et d recherches en r l P et t r o m e sciences socia es et humain s (P F R). Il fut de 1 60 à 1963, l e I O 9bourgmest de la mmune d Nyak nz de Bunia Secrét re re Co e a a et aigéné a près 'As e bl e prov nciale d a P o i c u Kibali-Itu i.r l l s m é i e l r v n e d r

Il es auteur p usieurs uv es et arti l s sur les Ba ma et les t de l o rag c e he W lendu.a

Bru o ap ka D mo fun L i i n , expert e or national est docte n s ni , ur eanthropolo e e 'Université tholique de Louvain. Il est gi d l Caprofesse r ordinai e à l'Un v r ité d K nshasa. l irige le u r i e s e i I dCERDAS ( ntre des Recherches en Sc enc Sociales Ce i esdesservant l'Afri ue Subsaharie e). l s l aut r de plus eurs q nn I e t ' eu iouvrages, a ticles et expe tises s l conflits fonciers et es r r ur es lpol ti ues gricoles au Cong t en Afriq .i q a o e ue

Les Auteurs

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Au seuil de ce rapport sur la prévention, la gestion et la résolution des conflits fonciers dans le District de l'Ituri, nous tenons à exprimer notre gratitude à RCN Justice & Démocratie et à toutes ses équipes (Bruxelles, Bunia et Kinshasa), pour la confiance placée en nous pour conduire cette étude et à la Délégation de la Commission européenne en République démocratique du Congo et la Cellule d'appui à l'ordonnateur national du Fonds européen de développement (COFED) pour le suivi de l'étude et du travail ayant abouti à la rédaction de ce rapport.

Nous avons le même sentiment de reconnaissance à l'endroit de toutes les autorités civiles et militaires du District de l'Ituri, le Commissaire de District mais aussi les administrateurs de territoire ainsi que les chefs de localités, tous les enquêteurs, les personnes ressources ainsi que les anonymes qui se sont prêtés à nos interviews et qui nous ont fourni des informations essentielles pour la rédaction du présent rapport.

Nous remercions François Kervyn et le Centre d'informations géographiques de Goma (SODERU) pour la cartographie des zones de conflits de l'Ituri.

Le contenu de ce rapport relève de la responsabilité des auteurs et de RCN Justice & Démocratie et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de la Délégation de la Commission européenne en RDC ni de la COFED.

Remerciements

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Table des Matières

RÉSUME EXÉCUTIF

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE – CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L'ETUDE

Chapitre 1 : Le district de l'ituri : une périphérie complexe1.1. Contexte géographique et administratif1.2. Mosaïque geo - ethnique1.3. Une économie ruralo - minière1.4. Un territoire en sortie de crise

Chapitre 2 : La conception et la nature de la propriété foncières en droit congolais2.1. Conception autour de la terre2.2. Statut juridique de la terre en droit congolais2.3. Articulations droit positif – coutume

DEUXIÈME PARTIE – ANALYSE DES CONFLITS FONCIERS ET DE LEURS MÉCANISMES DE RÉGULATION

Chapitre 1 : Recensement et localisation des conflits1.1. Territoire d'Aru1.2. Territoire de Djugu1.3. Territoire d'Irumu1.4. Territoire de Mahagi1.5. Territoire de Mambasa1.6. Cité de Bunia

Chapitre 2 : Origines et profil des conflits2.1. Caractéristiques des conflits2.2. Les acteurs des conflits2.3. Les biens faisant l'objet du conflit2.4. Perception populaire des causes2.5. Faisceau de causes structurelles

Chapitre 3 : Gestion des conflits3.1. Techniques locales de résolution non judiciaire des conflits3.2. Les instances de résolution des conflits : société civile et état face au peuple3.3. Obstacles a la résolution pacifique des conflits fonciers3.4. Solutions pour une meilleure résolution des conflits fonciers3.5. Conclusion : vérification des hypothèses

TROISIÈME PARTIE – RECOMMANDATIONS

SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES PRINCIPALESTextes des lois et CodesOuvrages et articlesDocuments géographiquesSites internet

ANNEXESTermes de référence de l’étude (TDR)Méthodologie employéeDéroulement de l'enquête et difficultés rencontrées

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Principaux sigles et abréviations

Association coopérative des éleveurs de l'Ituri

Commission diocésaine Justice et Paix

Commission foncière de l'Ituri

Code de l'organisation et de la compétence judiciaires

Forces Armées de la République démocratique du Congo

Fédération des entrepreneurs congolais (Section Bunia)

Front des Nationalistes Intégrationnistes (parti politique)

Forum des Mamans de l'Ituri

Inspection de l'Agriculture, Elevage et Pêche du District

Institut Supérieur Pédagogique (de Bunia)

Journal Officiel de la République démocratique du Congo

Mission d’Observation des Nations Unies au Congo

Réseau Haki na Amani

Société Civile de l'Ituri

Union des Associations culturelles de l'Ituri

Union des Patriotes Congolais (parti politique)

Uganda People's Defence Forces

ACOOPELI

CDJP

CFI

COCJ

FARDC

FEC

FNI

FOMI

IAGEL

ISP

J.O.

MONUC

RHA

SOCIT

UNADI

UPC

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L'Ituri a connu une guerre entre 1999 et 2003 qui a fait environ 50 000 victimes et dont une des origines est la lutte pour les ressources foncières. Depuis, l'Ituri est revenu à un état de « ni guerre ni paix » où le calme reste précaire. La résurgence de violences foncières en 2007 et 2009 a conduit à la nécessité d'une investigation fouillée des conflits fonciers dans ce district de la République démocratique du Congo.

Cette étude relative aux conflits fonciers en Ituri a été menée entre novembre et décembre 2008 sur le terrain, à savoir dans les cinq territoires du District de l'Ituri, Province Orientale.

La collecte de près d'un millier de questionnaires à travers tous ces territoires ainsi que des rencontres avec la société civile et de nombreuses autorités judiciaires, administratives et politiques a permis de mettre en évidence une analyse des conflits fonciers par leur localisation, leurs causes, leurs protagonistes, et surtout, les modes de règlements auxquels la population a recours.

Un des principaux constats revient à limiter la dimension ethnique des conflits fonciers, élément intéressant dans cette région touchée par une guerre (1999-2003) qui a été largement interprétée comme un conflit foncier ayant dégénéré en guerre interethnique. S'il ne faut pas sous-estimer ni le sentiment communautaire dans les tensions qui perdurent en Ituri, ni l'aspect de marqueur identitaire du foncier, la présente étude dégage d'autres éléments pertinents.

En Ituri, les conflits fonciers ont une histoire et une densité. Cette étude en a répertorié 239 qui se classent en deux catégories : les conflits d'usage et les conflits de propriété.

Les premiers portent sur la contestation du droit d'usage qui est fait d'un lopin de terre que l'Etat ou une autre autorité accorde aux particuliers pour la culture, l'élevage ou l'habitation. Typiquement, les conflits forestiers, qui se manifestent principalement dans le territoire de Mambasa et concernent l'exploitation des ressources forestières, entrent dans cette catégorie. Les exploitations forestières contrarient, en effet, les activités traditionnelles de chasse et de cueillette pratiquées par les communautés locales, notamment les Pygmées. Le foncier forestier est donc aussi objet de contestation.

Les conflits de propriété portent sur la contestation de l'attribution de droits de propriété d'une terre à des individus, une compagnie ou une communauté. Ces conflits prennent la forme de disputes de terres en milieu rural (les plaignants arguent qu'elles font partie des terres d'une communauté locale, d'un village ou d'un clan). Il s'agit généralement de conflits collectifs (conflits de terres dans la terminologie de ce rapport). Ils prennent la forme de conflits de parcelles en milieu urbain et conflits de concessions en milieu rural. Il s'agit alors de conflits fonciers individuels. Ou encore ces conflits portent sur la délimitation des concessions ou des terres, dépassement, empiètement ou déplacement ou destruction des bornes définissant les limites de propriété. On les dénommera alors conflits de limites.

La plupart des conflits voient la confrontation de droits collectifs et de droits individuels, alors même que ces droits collectifs sont peu définis par la loi foncière. En effet, il s'agit généralement de terres coutumières, qui bien que versées au domaine de l'Etat depuis la loi foncière de 1973, ne disposent pas d'un statut clair : l'ordonnance présidentielle devant régir le régime de ces biens n'est jamais intervenue. Ce flou juridique s'ajoute à une large méconnaissance de la loi par la population (78% des victimes de conflits fonciers interrogées déclarent ne pas la connaître) et, pour ceux qui la connaissent, à une procédure d'enregistrement des biens qui est longue, complexe, et coûteuse, c'est à dire peu accessible à une population pauvre et majoritairement rurale, éloignée des services administratifs compétents qui sont eux-mêmes défaillants (manque de moyens, manque de formation, manque d'effectifs etc.).

RÉSUMÉ EXÉCUTIF

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Cette étude s'est efforcée de cerner les perceptions des conflits fonciers par la population tout comme les techniques de résolution privilégiées par celle-ci. Ainsi, les causes des conflits évoquées par la population comprennent à la fois des causes immédiates (jalousie, expropriation, divagation des bêtes, construction anarchique, etc.) et des causes structurelles (modernisation, mauvaise distribution des ressources foncières, croissance démographique, etc.). Cela dénote une compréhension assez complète du phénomène des conflits fonciers, c'est-à-dire une compréhension qui va au-delà du motif concret du litige (par exemple, l'occupation illégale) et le replace dans des perspectives plus globales (démographie du territoire, histoire du peuplement, etc.).

L'inégalité foncière, la défaillance des pouvoirs publics, les contradictions entre systèmes normatifs moderne et traditionnel, l'incomplétude du système foncier congolais, la densification humaine, etc., se conjuguent pour faire de l'Ituri une zone de grande insécurité foncière sur fond de pluralisme juridique. Cette insécurité est multiforme :

Le système légal étant largement théorique (le monopole de l'Etat sur le foncier), il existe de facto un marché des terres où le principe de la propriété individuelle entre en contradiction avec celui de la propriété communautaire. Deux sources concurrentes de légitimité (le premier occupant mythique et le titre foncier) structurent le jeu des mouvements de propriétés en Ituri et le rendent conflictuel. Même si le foncier est partout litigieux ou presque, certains territoires (Mahagi et Irumu) concentrent les conflits fonciers tandis que d'autres zones ont des problèmes fonciers spécifiques (Mambasa, Bunia, etc.).

Dans un tel contexte, les auteurs recommandent :- une vulgarisation de la loi foncière, à travers l'administration foncière, les

ONG ou encore la Commission foncière de l'Ituri ;- l'adoption d'un décret ministériel devant réglementer les terres des

communautés locales, après concertation avec celles-ci ;- l'appui à la régulation formelle et informelle des conflits fonciers ;- la transformation de la Commission foncière en instance de supervision des

questions foncières dans le district ;- une politique de sécurisation foncière au niveau du district ;- l'instauration de commissions locales d'arbitrage dans les situations

d'urgence ;- le développement de stratégies coopératives entre les autorités étatiques et

les autorités traditionnelles.

En tout état de cause, compte tenu de la gravité, de l'ancienneté et de la complexité de la situation foncière en Ituri, il convient de trouver des solutions innovantes à un problème qui ne peut se résoudre par la seule remise en marche de l'administration cadastrale et la fabrication bureaucratique de droits de propriété. En ce sens, beaucoup d'espoirs reposent sur la Commission foncière de l'Ituri qui au niveau local pourrait assurer un rôle pacificateur.

Après avoir connu une phase d'imposition de la paix par des interventions internationales, les Ituriens doivent la consolider de manière endogène, ce qui implique obligatoirement d'apporter une (ou des) réponse au problème foncier.

- insécurité du possesseur sans titre d'un terrain;- insécurité du titulaire d'un titre quant à l'acceptation de sa propriété par la

communauté, voire quant à la validité réelle de son titre devant un tribunal;- insécurité administrative relative aux coûts et délais nécessaires pour acquérir

une parcelle/concession

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Les troubles déclenchés en Ituri ont eu de graves conséquences sur la population : des morts, des blessés et des déplacés, sans compter les destructions matérielles. En vue de contribuer à la réduction des conflits fonciers, et sous la supervision de RCN Justice & Démocratie, une enquête a été lancée sur toute l'étendue du District de l'Ituri. Cette enquête vise à recenser les conflits fonciers, analyser leurs causes, leurs protagonistes, leurs enjeux et aussi les mécanismes de régulation locale des conflits fonciers, les pratiques formelles et informelles en vigueur et les organisations impliquées dans les tentatives de régulation.

Cette étude se focalise sur les conflits fonciers entendus comme opposition d'intérêts sur l'usage, l'occupation ou la répartition des espaces de terre entre communautés ou membres d'une ou de plusieurs communautés locales. Fondée sur une enquête comprenant un échantillon substantiel de population (863 personnes interrogées ainsi que diverses autorités), cette étude accorde une grande importance à la perception populaire des conflits fonciers et s'efforce d'en décrypter les codes et les non-dits.

Le but central de cette étude est d'identifier les voies de la réduction des conflits fonciers en Ituri par leur prévention et leur gestion pacifique dans un district où la paix est un acquis encore fragile, comme l'ont montré les événements de Mahagi et d'Aru et la reprise des combats entre miliciens et FARDC au dernier trimestre 2008.

Hypothèses de l'étudeDans l'approche de la problématique des conflits fonciers en Ituri, les hypothèses suivantes peuvent être formulées :

a. Les conflits fonciers actuels trouveraient leur origine dans la mauvaise procédure de l'octroi et dans la gestion des concessions (foncière, forestière ou minière). La délimitation des terres (parcelles) des individus et des communautés locales conformément à la loi foncière contrarierait la conception traditionnelle de la propriété et des droits fonciers des communautés locales.

b. Au-delà des frictions entre communautés voisines de façon générale, et entre les communautés de l'Ituri en particulier, parmi lesquelles, les deux plus médiatisées, Hema et Lendu, il y aurait une concurrence séculaire née des différences socioculturelles et économiques. Ces différences auraient été manipulées et instrumentalisées pendant la guerre et la présence ougandaise (1998-2001) sans pour autant négliger des causes tant endogènes, comme la déliquescence de l'appareil étatique, qu'exogènes comme la lutte pour certaines richesses de l'Ituri.

c. Les communautés ituriennes disposent d'une palette de modes de règlements de ces conflits, qui peuvent fonctionner dans et hors appareil étatique et qui sont légitimes aux yeux de la population.

d. La présence des ONG et des associations locales offrirait une possibilité d'information sur les droits de chacun et les droits des communautés.

e. L'absence de l'Etat entendue comme la défaillance ou le dysfonctionnement de l'administration publique aurait contribué et contribuerait à l'exacerbation de ces conflits, laissés à la merci du plus fort et du plus riche.

F. La densité démographique pourrait également être une des causes des conflits fonciers. Le District de l'Ituri est en effet le plus peuplé de la Province Orientale.

Le présent rapport est issu de données d'une enquête que les auteurs ont menée, sous l'égide et l'aide matérielle de RCN Justice & Démocratie, dans tous les territoires du District de l'Ituri ainsi que dans la Cité de Bunia, Chef-lieu dudit District.

INTRODUCTION

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L'étude est divisée en trois grandes parties :

- La première concerne la présentation générale du District de l'Ituri et la problématique foncière en RDC ;

- La deuxième se focalise sur la présentation des résultats de l'enquête et son analyse ;

- La dernière partie comprend les recommandations d'action.

L'étude comporte en annexe la méthodologie employée, une bibliographie et les termes de référence.

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PREMIÈRE PARTIE

La révision et la finalisation du document ont été assurées par les Contexte de l’étude

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La présente étude est consacrée à une seule région de la République démocratique du Congo, le district de l'Ituri, dont les principales caractéristiques géographiques, culturelles et politiques sont décrites dans ce chapitre.

1.1. CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIF

Situé au nord-est de la République démocratique du Congo, l'Ituri est un des quatre Districts que compte la Province Orientale (dont Bas-Uélé, Haut-Uélé et Tshopo). Il couvre une superficie de 65.658 km². Il partage les frontières de la République démocratique du Congo avec l'Ouganda et le Soudan.

Au plan administratif, alors que Bunia en est le chef-lieu et un point important de passage sur la route qui relie Kisangani non seulement à Kampala (Ouganda) mais aussi à la province du Nord-Kivu (notamment vers Beni et Goma), le District de l'Ituri comprend cinq territoires :

1. Aru (6.740 km²) ;2. Djugu (8.184 km²) ;3. Irumu (8.730 km²) ;4. Mahagi (5.221 km²) et5. Mambasa (36.783 km²).

1Du point de vue de la démographie, le District de l'Ituri compterait 6.587.584 habitants. D'après le rapport du Gouvernement de la Province Orientale, ces habitants se répartissent comme ci-après :

Ainsi, à l'intérieur dudit District, les populations sont inégalement réparties de sorte que les territoires de Djugu (267 hab./km²) et Mahagi (335 hab./km²) sont les plus peuplés : la densité démographique y est également plus élevée que dans les trois autres territoires (seulement 8 hab./km² à Mambasa et respectivement 142 et 162 pour Irumu et Aru).

1.2. MOSAÏQUE GEO-ETHNIQUE

L'une des particularités du District de l'Ituri est qu'il est la seule partie du pays où se rencontrent les quatre principaux groupes ethnolinguistiques d'Afrique. En effet, on y retrouve des Pygmées (Bambuti), des Bantous (Bira, Nyali, Lese), des Soudanais (Lendu, Lugbara) et

2des Nilotiques (Alur, Hema, Kakwa, Mambisa, Ndo-Okebo), répartis en quelque 18 ethnies .

3D'après certains auteurs , les premiers groupes ethniques à entrer en Ituri furent les Lugbara èmeet les Lendu, appelés Bale. Ils arrivèrent au XVII siècle en provenance du Soudan, au nord-

est du Lac Albert. Pour d'autres, « les Alur traversèrent le Nil et immigrèrent vers le XVIème siècle; ils organisèrent différentes chefferies sur des terres occupées auparavant par les Bale (Walendu) ». « Ceux-ci, quoi qu'ayant un certain droit sur le pays, à titre de premiers

Chapitre 1 : Le District de l’Ituri : une périphérie complexe

Tableau n°1 – Répartition de la population dans le district de l'Ituri

Source : Données démographiques du District/Décembre 2007 avec indice d'accroissement 1,929.

1Gouvernement de la Province Orientale, Cabinet du Gouverneur, Données démographiques de la Province Orientale, Septembre 2008, p.32Voir Ndaywel è Nziem, Is., op. cit., p. 50 ; de Saint-Moulin, L., Atlas de l'organisation administrative de la République démocratique du Congo, CEPAS, Kinshasa, 2005 ; Voir aussi Ulwortho Genombe, M., « La question des terres en Ituri : vecteur de la guerre en Ituri ? », in Paroles de Justice, Revue Annuelle de doctrine, RCN, Kinshasa, 2005, pp. 161 et s. et la carte (n° 1) de répartition des tribus de l'Ituri..3Samba Kaputo, Phénomène d'ethnicité et conflits ethno-politiques en Afrique noire postcoloniale. Le cas de l'Ituri, Kinshasa, PUZ, 1982, pp. 35 et 38.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

1. Territoire d’Aru 1.095.248 habitants 2. Territoire de Djugu 2.191.459 habitants 3. Territoire d’Irumu 1.247.303 habitants

dont 306.791 habitants à Bunia 4. Territoire de Mahagi 1.753.585 habitants 5. Territoire de Mambasa 299.989 habitants

Total 6.587.584 habitants

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4occupants, ne semblent pas s'en être prévalus » . Le groupe nilotique-hamite s'est installé en Ituri au XVIIIème siècle. A la même époque, le groupe Alur qui avait participé à la migration Lwoo depuis la région de Rumbeck (au Sud –Soudan) jusqu'à Pubungu (actuel Pakwach) se détacha des autres Lwoo pour se diriger vers la région de Mahagi au Nord-Ouest du lac

5Albert .

1.2.1. Les AlurLes Alur, groupe ethnique parlant la langue Alur, habitent au nord-est de l'Ituri, en territoire de Mahagi. On retrouve aussi une partie de cette population au nord-ouest de l'Ouganda (Paidha), au Kenya, au Soudan, en Tanzanie et en Éthiopie. Les Alur sont des Nilotes dont le nombre est estimé à 1.517.000 personnes, dont 881 000 en République démocratique du Congo et 636 000 en Ouganda.

1.2.2. Les Arabes et ArabisésNi les Arabes ni les Arabisés ne sont, à proprement parler, une ethnie comme celles évoquées précédemment. L'histoire des Arabisés remonte à l'époque de l'esclavage. Il s'agit de la descendance issue des relations entre les populations congolaises locales et les Arabes. A l'heure actuelle, les Arabisés constituent une importante communauté, très

6présente sur le plan économique et commercial. Selon la population autochtone , les Arabisés convoiteraient leurs terres, mines, forêts, ce qui engendre des conflits entre ces deux catégories de la population.

1.2.3. Les Bira (Baburu/Bera)Les Bira sont les congénères ethniques des Kumu. La migration et les disputes intertribales auraient été à la base de leur dispersion. Selon la tradition orale, les Bira se seraient séparés des Kumu suite à un conflit d'ordre culturel, le refus de la circoncision par ces derniers. Mais il est très probable que cette séparation eut lieu à la suite d'une dispute au sujet des terres. L'identité linguistique constitue de loin la preuve la plus irréfutable de la parenté entre les Bila, les Bira et les Kumu.

Les autres tribus apparentées aux Bila sont notamment les Pakombe et les Humu du Territoire de Beni et les Pere du Territoire de Lubero. Ce lien de fraternité se traduit sur le plan culturel et social. Il en est ainsi du barza [sorte de hangar où les hommes Babila se rencontrent pour régler diverses situations sociales] qui bien qu'en lente disparition, rappelle le passé commun de ces peuples.

Les Bila, dont le nombre est évalué à 500 000 personnes, se trouvent essentiellement dans le Territoire de Mambasa. Ils appartiennent à deux grandes tribus à savoir les Bombi et les Kwanza. La dernière migration des Bira se situerait vers la fin du XVIIe siècle, début XVIIIe

7siècle lorsqu'ils sont venus s'installer dans leur habitat actuel , et aurait pour cause entre autre le surpeuplement, les guerres tribales et l'inadaptation au nouveau milieu.

1.2.4. Les HemaLe berceau des Hema, peuple traditionnellement éleveur, se trouve dans la région située entre la frontière Sud-Sudan et l'Abyssinie (Ethiopie). Leur nombre est d'environ 160.000 membres. Ils sont également présents en Ouganda et au Rwanda.

En Ituri, on distingue deux groupes : les Hema du Nord ou Bagegere (cultivateurs) présents dans le Territoire de Djugu et ceux du Sud (pasteurs) installés dans le Territoire d'Irumu. Ceux-ci vivaient et étaient mêlés aux Bira sur leur territoire. L'Administration a fini par les regrouper. Il en sort deux noyaux importants : les Bagombe et les Babito.

Les Hema ont occupé leur territoire actuel de façon progressive. Ils seraient arrivés, à partir 8du XVIIIe siècle , par vagues successives de migrations. D'abord, en tant que chasseurs ou

éleveurs, ils se sont, par la suite, adonnés à l'agriculture.

4De Macht, J., Quelques notes complémentaires sur les Bale (Walendu), textes inédits, Dépôt d'archives du Diocèse de Bunia, cité par Lobho Lwa Djugudjugu, op. cit., p. 39.5Unyon Vakpa Katumba Oruma, I., Le conflit armé en Ituri. La problématique de sa prévention et de sa gestion, L'Harmattan, Dossiers Etudes Documents, Paris, 2009, pp. 50-51.6Nous nous référons aux données d'enquête dans le territoire de Mambassa, Novembre 2008.7Vansina J., Introduction à l'ethnographie du Congo, Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, Editions Universitaires du Congo, 1965, p. 9.8Thiry, Ed., Une introduction à l'ethnohistoire des Hema du Nord (Congo du Nord-Est), Africa, Tervuren, MRAC, 2004, p. 11, note 19 ; - voy. également Unyon Vakpa Katumba Oruma, I., op. cit., p. 51.

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Dans ces conditions, ils ne pouvaient se passer d'entretenir des relations de bon voisinage avec les autochtones, qui leur fournissaient des terres pour la culture ou leur pâturage. Leur organisation en tant qu'éleveurs leur a conféré une certaine ascendance sur les autochtones Bira. Ils ont, ainsi, recruté à leur service des gardiens de troupeaux choisis parmi ces derniers. Cette étroite relation entre les deux tribus a entraîné l'introduction des usages des Hema dans les coutumes des Bira.

Les Hema de l'Ituri administrent seize Collectivités-Chefferies : - dans le Territoire de Djugu, Bahema-Nord, Bahema-Badjere, Bahema-Banywagi,

Bahema-Maguru. - dans le Territoire d'Irumu, on compte les Collectivités-Chefferies Bahema-Boga,

Bahema-Mitego, Bahema d'Irumu et les trois anciennes Collectivités-Chefferies (Babiase, Bandihango et Bundikasa) devenues, pendant la colonisation, Collectivité-Secteur Bahema-Sud.

9- dans le territoire de Mahagi : les Djukot, Mokambo et Wagongo sont d'origine Hema .

1.2.5. Les LenduLe peuple Lendu, présent dans les territoires de Djugu et d'Irumu, est un groupe ethno-linguistique d'agriculteurs résidant dans le District de l'Ituri au nord-ouest du Lac Albert. La langue Lendu est d'origine nilo-saharienne. Il existe approximativement 750 000 locuteurs Lendu en République démocratique du Congo et plus de 10 000 en Ouganda. Les Lendu ont été refoulés par les Bira dans les montagnes où ils habitent, d'où le surnom « ma gwa bimba » pour désigner un Lendu, c'est-à-dire « homme de la montagne».

Les Lendu, peuple d'origine soudanaise, sont arrivés en Ituri au début du XVIIe siècle venant de la région du Haut-Plateau du Soudan Oriental.

En Ituri, ils occupent administrativement cinq Collectivités-Secteurs : - dans le territoire de Djugu : Walendu-Djatsi, Walendu-Tatsi et Walendu-Pitsi,- dans le Territoire d'Irumu : Walendu-Bindi, communément appelée Wangiti

10- dans le Territoire de Mahagi : Walendu-Watsi .

1.2.6. Les Lese (Walese/Balisi/Balese) Les Lese habitent au Sud-ouest de la plaine de la rivière Shari. Une grande partie se trouve dans le Territoire de Mambassa et une petite fraction dans le Territore d'Irumu. Ils sont venus du Soudan lors de la grande migration pour s'installer dans leur habitat actuel. Ils cohabitent de manière pacifique avec les Pygmées. Ils pratiquent l'agriculture, la chasse et la pêche.

Les Lese sont aussi en contact avec les Bira. Mais ces derniers se considèrent supérieurs aux premiers, et, selon la légende, « un Bira pauvre ira chercher une Lese comme femme. 30 flèches, une houe et un chien suffiront comme dot ». Les Bira les auraient trouvés comme occupants de la forêt avec les Pygmées.

1.2.7. Les Nyali (Bandumbu)Situés au Nord du territoire Bira, les Banyali sont plus proches des Babelebe que d'autres clans de Babira.

1.2.8. Les PygméesHistoriquement, les Pygmées, également appelés « Bambuti » sont considérés comme les premiers occupants du sol congolais. Leur civilisation est caractérisée par l'adaptation de l'homme à la nature environnante. Ils pratiquent un peu l'agriculture, mais échangent du gibier contre des produits agricoles ou manufacturés (couteaux, fers de lance...). Les Pygmées des forêts de l'Ituri depuis Gombari, Andundu et Mungbere au Nord, jusqu'à Beni et Avukubi au Sud, sont d'anciennes populations paléolithiques du Congo. Le nombre de Pygmées varie selon les auteurs, mais les estimations administratives font état d'environ 70 000 Pygmées en Ituri. Les relations entretenues par les Pygmées avec les autres groupes ethniques sont d'ordre économique avec les Bila, belliqueuses avec les Arabisés et pacifiques avec les Lese. Le développement de l'agriculture chez les Pygmées serait considéré à la fois comme facteur de libération de l'emprise des villageois et d'intégration dans la vie nationale puisque, ce faisant,

11les Pygmées deviennent semblables à tous les paysans.

9 De Saint-Moulin, L., Atlas, op. cit., pp. 103-104.10 Voy. De Saint-Moulin, L., op. cit., p. 103.

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11Bahuchet, S. , op. cit. p. 11. Cette démarche avait été institutionnalisée par le Président Mobutu qui avait ouvert l'accès à certaines fonctions publiques aux membres de la communauté des Pygmées au nom du principe de l'égalité de tous les citoyens congolais.

Carte n°1 : Carte des tribus de l’Ituri

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1.3. UNE ECONOMIE RURALO-MINIÈRE

Le sol et le sous-sol des cinq territoires de l'Ituri, qui partage ses frontières avec l'Ouganda et le Soudan, regorgent d’énormes potentialités économiques : gisements aurifères, bois d'essences rares, nappes pétrolifères du Mont Hoyo et du Lac Albert (off shore), café, coton, pêcherie, élevage, faune et flore diversifiés. L'économie de l'Ituri est une économie à dominante rurale qui combine l'agriculture et l'exploitation minière. Ces deux activités ont décliné depuis les années 80, l'élevage ayant régressé et l'exploitation minière industrielle ayant cédé le pas à l'exploitation artisanale.

Les zones aurifères sont nombreuses le long des cours d'eau et le lac Albert est encore riche en poissons qui, séchés, sont exportés vers l'intérieur de la RDC ou vers l'Ouganda. La richesse aurifère de l'Ituri a été connue dès l'époque coloniale et, durant le règne de Mobutu, l'exploitation aurifère était confiée à une société d'Etat (Okimo). L'exploitation des minerais dans l'Est du Congo a commencé voici plus d'un siècle. C'est en 1903 que deux prospecteurs australiens ont découvert l'or dans la rivière Agola ; ils ont dénommé cette zone du nom du chef Kilo. Après la découverte du site de Moto, la région aurifère de l'Ituri-Haut Uélé a reçu ce nom de Kilo-Moto qui depuis plus d'un siècle symbolise l'or du Congo dont la longue histoire a

12été récemment ternie par les massacres de 2002-2003 à Mongbwalu. En 1926 a été créée la Société des Mines d'Or de Kilo Moto (SOKIMO) sur le modèle des grandes compagnies coloniales comme l'Union Minière du Haut Katanga, caractérisées par leur politique paternaliste à l'égard d'une main-d'œuvre peu payée mais prise en charge pour tous les aspects de la vie sociale. Ces sociétés, véritables Etats dans l'Etat étaient fortement impliquées dans le financement et la gestion des infrastructures régionales et socio-éducatives (transport, santé, éducation), à tel point que le développement de l'Ituri a largement été le fait de la société minière aurifère : par exemple, la création de la seule et unique centrale électrique du district, d'infrastructures médicales et éducatives dans les localités minières (Bambu, Mongbwalu, Watsa et Zani). La société avait aussi développé des activités agricoles (fermes) et d'exploitation du bois afin de subvenir aux besoins alimentaires de ses ouvriers et d'obtenir le bois indispensable pour les travaux de soutènement propres aux travaux souterrains. L'exploitation minière a donc eu un effet de développement sur l'agriculture (élevage et productions vivrières) mais aussi les conditions de vie en Ituri. Au temps de l'apogée de Kilo Moto, l'Ituri a représenté jusqu'à 65% de la production nationale d'or, surclassant les Kivus et les autres régions aurifères du pays. Après l'or, le pétrole est la nouvelle richesse de l'Ituri. A la fin des années 90 a couru la rumeur de gisements de pétrole dans le lac Albert. Cette rumeur a été confirmée par les prospections de la société Heritage Oil dans le lac Albert et, depuis le lancement de l'exploitation pétrolière du côté ougandais, plusieurs incidents frontaliers ont eu lieu en Ituri entre troupes ougandaises et soldats congolais.

Disposant d'un climat d'altitude favorable à toutes les cultures et à l'élevage (1500 m) et dotée de nombreuses exploitations agricoles issues de l'époque coloniale, l'Ituri a aussi constitué un carrefour commercial important dans l'est congolais. Commercialement, l'Ituri a pendant longtemps été tournée vers le nord et vers l'ouest : une route septentrionale permettait de rejoindre le Soudan tandis qu'un autre axe de communication (Kinshasa/Kisangani/Bunia) intégrait l'Ituri aux réseaux commerciaux de l'ouest de la RDC. La guerre au Sud Soudan puis l'effritement progressif des axes de communication en RDC et enfin la guerre en RDC ont achevé de réorienter les échanges commerciaux vers l'est. Les routes du nord vers Khartoum et vers Kinshasa à l'ouest ont été remplacées par la voie ougandaise, par la route et par le lac.

Depuis longtemps, les ressources naturelles en Ituri sont à l'origine de tensions entre originaires et non-originaires de la région. Cette problématique du partage des richesses, plus particulièrement des questions de propriété terrienne, a aussi été à l'origine du conflit de

131999 entre tribus Hema et Lendu.

12 Human Rights Watch, 2005, “Le Fléau de l'Or. République Démocratique du Congo »13 CROS (M.-F.) et MISSER (F.), Géopolitique du Congo (RDC), Editions complexe, Bruxelles, 2006, p.79

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14 Les différents conflits qui se sont succédé de 1911 à 1997 ont eu pour cause tantôt le partage des collectivités ; tantôt la nomination politique des cadres de l'une ou l'autre communauté ; parfois « la prise à partie de l'autorité coloniale » qui aurait soumis des Lendu-Bindi aux autorités coutumières Hema. En 1922, le pouvoir colonial finira par régler ce conflit par la création d'une circonscription indigène proprement Lendu. De même, en 1933, le pouvoir colonial incorporera les Walendu Djatsi au sein de la circonscription indigène Mambisa administré par ce dernier. Le pouvoir colonial finira par les scinder en deux entités autonomes chacune. A la création de la Province du Kibali-Ituri, les Walendu seront tardivement récupérés dans le Gouvernement Provincial présidé par Jean-Foster Manzikala. En 1966, la Province du Kibali-Ituri fait appliquer la décision n°227 du 19 novembre 1940 du Commissaire de District d'Irumu incorporant les localités Nombe et Lakpa dans la Collectivité Bahema-Bandihango. Ces enclaves sont habitées par les Lendu de la Collectivité Tatsi du Territoire de Djugu. Elles sont réclamées par les Walendu-Bindi du Territoire d'Irumu. Une commission dirigée par le Commissaire de Zone d'Irumu régla, en faveur des Hema-Sud, le conflit causé par l'attaque du groupement Bundikasa par les Walendu-Bindi (ceux d'Irumu).En 1997, il y a eu l'agression des villages Hema dans le groupement Utcha, Collectivité-Chefferie Bahema-Nord, précisément à Mali et ses environs. Une délégation mixte Hema-Lendu s'est rendue sur les lieux pour régler ce conflit. Deux décisions furent prises : 1° la reconstruction par les Lendu de toutes les cases détruites et 2° la restitution des biens pillés.15 Voy. Unyon Vakpa Katumba Oruma, I., Le conflit armé en Ituri. La problématique de sa prévention et de sa gestion, L'Harmattan, Paris, Dossiers Etudes Documents, 2009, pp. 7 et s.16Mission des Nations Unies au Congo.

1.4. UN TERRITOIRE EN SORTIE DE CRISE

Depuis la colonisation, la dizaine d'ethnies installées en Ituri vivait ses contradictions internes et ses différences socioculturelles dans un climat de paix relative. Les affrontements de 1999-2000, entre les tribus Hema et Lendu, se sont inscrits dans la longue série des conflits cycliques antérieurs de : 1911, 1933, 1962, 1966, 1972, 1974-1975, 1981-1982, 1992-1993,

14et 1997 entre ces deux peuples. Certes, des querelles inhérentes à la coexistence de deux ou plusieurs groupes existent. Certaines rivalités entretenues par certains intellectuels et acteurs politiques ont provoqué quelques remous sociaux, voire des confrontations. Toutefois, ces ethnies se sachant condamnées à vivre ensemble sur leur terre ancestrale commune, ont, chaque fois, retrouvé le chemin de la paix. Les affrontements ont pris une autre ampleur à partir de 1999.

A cette date, l'Ituri a été en proie à un conflit interethnique qui a entraîné, d'après les statistiques des humanitaires, plus de 50.000 morts et 500.000 déplacés. Bunia, chef-lieu du District, a été le théâtre de sanglants affrontements en 2003 perpétrés par les milices tribales

15des ethnies Lendu et Hema . Ces troubles ont eu pour cause un conflit foncier dans le territoire de Djugu sans toutefois exclure d'autres facteurs qui auraient pesé dans le déclenchement de ces troubles tels que les facteurs politiques et économiques, l'accès aux ressources naturelles, l'instrumentalisation des milices par les pays voisins. Ce conflit interethnique s'est présenté dès ses débuts comme une guerre dans la guerre ou plutôt comme l'embrasement d'un territoire qui était resté relativement en marge de la seconde guerre de RDC. Situé dans la province orientale alors zone d'influence de l'armée ougandaise (UPDF), le district n'avait jusqu'en 1999 pas trop souffert de la seconde guerre de RDC et des combats entre les armées rwandaise et ougandaise. Installée à Bunia depuis 1998, l'UPDF est devenue un « entrepreneur d'insécurité » (Sandrine Perrot, 1999), a été pointée du doigt par les chancelleries occidentales et sa présence dénoncée comme contraire aux accords de Sun City qui prévoyaient le retrait des troupes étrangères de RDC. Sous la pression internationale, le retrait rapide de l'UPDF, qui devait être remplacée par les casques bleus de

16la MONUC , a créé à Bunia au début de 2003 un vide stratégique qui a accentué les affrontements entre les Hemas de l'UPC et les Lendus du FNI/FRPI et a conduit à une opération militaire européenne. D'une durée de trois mois, l'opération Artémis a permis d'arrêter les combats en ville et de stabiliser la situation militaire. Le déploiement d'une brigade de casques bleus a permis de mettre en œuvre un programme local de désarmement-démobilisation-réinsertion (DDR).

Ces années de guerre ont conduit à une déconnexion de l'Ituri avec les autorités centrales à Kinshasa mais aussi les autorités provinciales, plus proches, à Kisangani. Les ruines de l'Etat congolais en Ituri ont été facilement emportées par la guerre. Les structures de l'administration territoriale ont de facto cessé d'exister avec la fuite et la mort de leur personnel, notamment du personnel d'encadrement qui s'est enfui quand il a pu par vagues successives vers le sud (Béni au Nord-Kivu) et parfois le nord (Aru près de la frontière ougandaise).

Les responsables d'administrations n'ont eu le choix qu'entre rejoindre la rébellion ou la fuite. En outre, les moyens matériels ont été victimes de la rapacité des diverses milices. La disparition de l'administration nommée par Kinshasa s'ajoutant à la rupture des axes de communication routiers, les différentes milices se sont taillées des fiefs et ont nommé leurs «administrateurs» dans les territoires qu'ils contrôlaient. Ces milices – et plus spécifiquement

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l'UPC qui a dirigé, de facto, une grande partie de l'Ituri de 2000 à 2003 – ont souhaité remplir le vide administratif, c'est-à-dire imposer leur ordre et leur conception de la légalité. Milice ethnique qui se voulait un gouvernement en puissance, l'UPC a agi à l'instar des autres mouvements rebelles de l'est congolais en nommant des ministres et une administration correspondante au point qu'on a parlé de « la républiquette d'Ituri » (Alphonse Maindo Monga Ngonga, 2003). Grâce à l'intervention militaire internationale (Artémis et casques bleus), à l'arrestation de chefs de guerre ituriens qui comparaissent maintenant devant la Cour Pénale Internationale (T. Lubanga, G. Katanga, M. Ngudjolo) et à un programme de désarmement-démobilisation-réinsertion (DDR), l'Ituri a connu une sortie de crise sans toutefois que toute violence cesse.

La paix en Ituri est fragile dans la mesure où il reste une poche de résistance milicienne, des tensions frontalières se sont manifestées avec l'Ouganda et des frictions intercommunautaires ont eu lieu. La poche de résistance milicienne est formée par les miliciens réfractaires au DDR (FRPI et FPJC) qui ont repris l'offensive en septembre 2008 contre l'armée gouvernementale. Par ailleurs, des violences intercommunautaires ont aussi eu lieu dans le territoire d'Aru (2007) et de Mahagi (2009), rappelant l'événement déclencheur de la guerre tribale en 1999 et la précarité de la « paix foncière ». En outre, depuis le début de l'exploitation pétrolière dans le lac Albert, des incidents de frontière provoquant quelques morts, y compris un ingénieur irlandais de la société Heritage Oil, ont opposé soldats congolais et ougandais. Une commission congolo-ougandaise est chargée de délimiter la frontière dans le lac et une rencontre entre les présidents des deux pays a apaisé les tensions. En tout état de cause, l'Ituri demeure une région soumise à des tensions internes et frontalières.

Pour notre propos, il est à noter qu'au lendemain du déclenchement des troubles, les autorités de fait en place en Ituri ont facilité le dialogue entre Lendu et Hema, en vue d'un règlement pacifique et concerté du conflit. Ce dialogue avait abouti à la signature de l'accord de paix de Nyakasanza, le 4 août 1999 entre les deux parties, en présence des toutes les autres communautés de l'Ituri. Par la suite, une dizaine d'autres accords de paix ont également été signés par les parties au conflit, entre 1999 et 2003. Cependant, toutes ces résolutions unanimement acceptées n'ont pas été appliquées.

La violation des accords aussitôt après leur signature est expliquée par quatre raisons fondamentales :

- L'absence de volonté politique et le fait que les délégués des protagonistes acceptent la cessation des hostilités par simple formalité;

- L'absence de mesures de suivi des résolutions prises ;- La compromission du pouvoir public dans les tueries et son attitude partisane ;

17- L'instrumentalisation des mouvements politico-militaires par les forces étrangères .

Les initiatives locales de paix échouant, il faudra attendre l'intervention de la Communauté internationale, plus spécifiquement de la mission Artémis et de la MONUC, en 2003, pour assister à la fin du conflit, en Ituri.

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17 Dans le même sens, un haut responsable du parti UPC (Union des Patriotes Congolais) interviewé, a fait état de la dimension « instrumentalisation de la population » lors du conflit de 1999-2003 : entretien du samedi 29 novembre 2008 au siège de l'UPC à Bunia.

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En République démocratique du Congo, point n'est besoin de démontrer par de grandes théories ce que représente la terre sur le plan social, et ses répercussions sur le plan politique. Nous pensons ici à l'importance du contentieux foncier coutumier, lequel est fortement lié à

18l'exercice du pouvoir coutumier . Cette étude est justifiée spécialement par la permanence de cette problématique.

2.1. CONCEPTION AUTOUR DE LA TERRE

La terre ou l'accès à la terre ouvre un certain nombre de droits aux membres de la société. Dans la conception traditionnelle, la terre est la «propriété des ancêtres». Elle est

19extrapatrimoniale, c'est-à-dire, non susceptible de propriété privée ou privative .

La terre est l'habitat des forces et des esprits. Elle est tantôt « la femme du créateur», «terre 20mère » , tantôt «terre nourricière». La terre n'est pas susceptible d'appropriation car elle

appartient à Dieu. Elle est un bien dont la jouissance revient à tous les membres de la société, dans le respect de sa destination. L'accès et l'usage de la terre s'effectue par la filiation, l'héritage, l'alliance, le prêt, la vente, le troc. Mais il peut être limité dans le temps et dans l'espace et être conditionné par sa mise en valeur.

Au plan de la théorie étatique, la terre, mieux le territoire, est un des trois éléments constitutifs de l'Etat. Sans territoire, l'on ne peut parler d'Etat. En plus de la population, il faut un support géographique ou physique sur lequel le pouvoir doit s'exercer. Par ailleurs, les richesses et les investissements proviennent et portent essentiellement sur la terre. D'où l'importance accordée au territoire.

La terre apparaît donc comme un support du pouvoir politique et économique. L'avoir (pouvoir économique) est le support allié du pouvoir politique. Sans ce support qu'est la terre, sans cette assiette aucun de ces deux pouvoirs ou aucun des pouvoirs ne peut se tenir «debout ».

Les différentes conceptions de la terre, son statut et sa nature juridique ont fait que dans certains systèmes juridiques, la terre n'est pas susceptible d'appropriation. En traduction de l'expression selon laquelle la terre est un bien hérité des ancêtres, elle appartient à l'Etat. Tel est le cas de la République démocratique du Congo.

2.2. STATUT JURIDIQUE DE LA TERRE EN DROIT CONGOLAIS

21 Le régime foncier actuel découle de la « loi dite Bakajika » de 1966 dont l'objectif était d'assurer à la République démocratique du Congo la plénitude de ses droits de propriété sur son domaine et la pleine souveraineté dans la concession des droits fonciers, forestiers et miniers sur toute l'étendue de son territoire. Cette loi a posé le principe d'étatisation du sol et du sous-sol.

Ce principe a été confirmé à plusieurs reprises : - Dès 1964, la Constitution, dite de Luluabourg, a consacré la propriété foncière de l'Etat en excluant toute appropriation privée du sol et du sous-sol congolais.

- La loi du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et 22 régime des sûretés au Congo consacre ce principe en son article 53, selon lequel « le

sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'Etat ». - De même, aux termes de l'article 9 de la Constitution du 18 février 2006, «L'Etat exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol et le sous-sol, les eaux et les forêts,

18Voy. Lapika Dimonfu, B. et Kiyulu N., « Les enjeux fonciers et les conflits en République démocratique du Congo », in La loi du 20 juillet 1973, op. cit., pp. 161-169 ; - Laingulia Njewa et Kangulumba Mbambi, V., « Conflits des pouvoirs coutumiers et conflits fonciers dans le territoire de Lubero (Nord-Kivu) », idem, pp. 171-180.19Voy. Kifwabala Tekilazaya, J.P., « A qui appartient la terre en République démocratique du Congo ? A l'Etat ou aux communautés traditionnelles?», in Les Analyses juridiques, n° 3/2004, Lubumbashi, pp. 6-10 ; - Kangulumba Mbambi, V., « A propos des terres des communautés locales : qui en serait [encore] le propriétaire et quel en est le régime contentieux en droit congolais ? », in Revue de Droit Africain, n° 35/2005, Bruxelles, RDJA Asbl, pp. 282 -292.20Rarijoana, R., Le concept de propriété en droit foncier de Madagascar. Etude de sociologique juridique, Ed. CUJAS, Paris, 1967, 306 p21Il s'est agi plutôt de l'ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966, M.C., n° 15, 15 août 1966, p. 560, connue sous l'appellation de « loi Bakajika » [du nom du député, auteur du projet]. Voy. Kangulumba Mbambi, V., Précis, op. cit., avant-propos.22Pour plus de concision, cette loi sera ultérieurement nommée « Loi de 1973 » ou « Loi foncière » dans le document.

Chapitre 2 : La conception et la nature de la propriété foncière en droit congolais

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Les concessions « abandonnées »D'après les réponses reçues des enquêtés, les concessions dites «abandonnées» seraient celles couvertes par un titre de propriété (certificat d'enregistrement) et qui seraient retournées dans le domaine privé de l'Etat par suite de leur abandon par les anciens concessionnaires.

Sur le plan strictement juridique, le concept « concession abandonnée » ou « bien abandonné » est un non-sens en droit congolais. En effet, il est inconcevable qu'un bien couvert par un titre tel un certificat d'enregistrement, soit déclaré abandonné. La propriété ou le droit de jouissance d'un bien ne s'éteint jamais par le fait de non usage. C'est pour cette raison que l'ordonnance n° 74/152 du 2 juillet 1974 qui régissait les biens abandonnés ou non mis en valeur a été abrogée depuis 1984 (ordonnance n° 84/026 du 2 février 1984).

C'est autour de ce principe clé que le régime foncier congolais est bâti avec toutes les conséquences possibles sur les droits que peuvent détenir les particuliers et qui sont désormais désignés par le terme de «concession». Celle-ci est perpétuelle pour les Congolais et ordinaire, c'est-à-dire limitée dans le temps (25 ans renouvelables), pour les étrangers et les personnes morales (art. 61 et suivants de la loi foncière).

Par ailleurs, le droit congolais a opté pour le système d'immatriculation et de la publicité foncière, hérité de l'Act Torrens. Introduit en Australie du Sud en 1858, l'Act Torrens est un système de livre foncier, permettant l'enregistrement des terres ou des transferts de terre

23dans un registre . Cette inscription valait titre de propriété. A de faibles variantes près, le système mis en place par l'Act Torrens a été adopté dans les autres colonies.

Tel a été le cas en droit congolais, où l'institution de l'Act Torrens dans un décret du 6 février 24 1920 a impliqué que la propriété immobilière est légalement établie par un certificat

d'enregistrement constatant ce droit. Aujourd'hui, on retrouve cette disposition à l'article 219 de la loi du 20 février 1973 qui dispose que le droit de jouissance foncière n'est légalement établi que par un certificat d'enregistrement du titre concédé par l'Etat.

Lors de l'enquête, certaines personnes ressources sont revenues sur le « colonat » comme 25étant également l'une des causes de certains conflits . Il s'agirait des terres acquises par les

colons, grâce au crédit agricole. Après le départ de ces derniers, notamment lors des mesures de zaïrianisation de 1973-1974, ces concessions ont été accordées à certains hauts cadres du MPR (Mouvement Populaire de la Révolution Parti-Etat) alors que les populations auraient souhaité garder ces concessions.

Les nouvelles concessions, quant à elles, sont des terres non couvertes initialement par un quelconque titre de propriété que l'Etat, propriétaire du sol et du sous-sol, délivre pour la première fois à une personne qui en fait la demande.

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23http://www.adef.org/site/index.php?tag=Afrique24 http://www.droit-afrique.com/images/textes/RDC/RDC%20-%20Foncier%20suretes.pdf25 Entretien avec M. Pilo, professeur à l'ISP/Bunia. Voy. Aussi, Bibomba Mwa Mbuyi, Le colonat agricole dans le territoire d'Irumu, Mémoire en Histoire, ISP/Bunia, Novembre 1993, 60 p.

sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental. Les modalités de gestion et de concession du domaine de l'Etat visé à l'alinéa précédent sont déterminées par la loi. »

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En droit congolais, seules les terres relevant du domaine privé de l'Etat peuvent être concédées. En effet, l'article 55 de la loi foncière dispose que « le domaine foncier public de l'Etat est constitué de toutes les terres affectées à un usage ou à un service public. Ces terres sont inconcessibles tant qu'elles ne sont pas régulièrement désaffectées. Les terres qui font partie du domaine public de l'Etat sont régies par les dispositions particulières aux biens affectés à un usage ou à un service public ». C'est le cas de tous les espaces publics, les parcs, les routes, etc., dont les terrains ne peuvent être concédés sans qu'il n'y ait eu au préalable une désaffectation régulière. Les terres du domaine public de l'Etat sont

26inaliénables, insaisissables et incessibles .

L'article 11 qui régit les terres privées dispose quant à lui : « tous les autres biens de l'Etat restent dans le commerce, sauf les exceptions établies par la loi ». Les terres du domaine privé de l'Etat sont les seules concessibles, sans formalité spéciale et préalable (désaffectation) tant qu'elles sont dans le commerce, c'est-à-dire qu'elles peuvent faire l'objet de transactions.

Parmi les terres relevant du domaine privé, se trouvent des terres urbaines et rurales, pour lesquelles les procédures d'acquisition diffèrent légèrement. Du point de vue de la procédure, l'Etat s'assure d'abord que la population locale n'a pas besoin du terrain sollicité avant de

27l'attribuer. C'est ce que l'on appelle l'« enquête de vacance de terre ». Souvent ignorée des populations et à l'origine de conflits, cette procédure est prévue par les articles 190 et suivants de la loi foncière.

26 Idem, p. 105, n° 182.27 Articles 190, 193-194 de la loi foncière

Tableau n°2 – Procédures d'acquisition des terres

Procédure d’acquisition des terres rurales Procédure d’acquisition des terres urbaines

- Demande de terre adressée au Chef de Division des terres ;

- Avis de l'autorité du District territorialement compétente pour l'ouverture de l'enquête ;

- L'enquête est effectuée par l'Administrateur de territoire, un fonctionnaire ou un agent commis à cet effet.

L'enquête comporte :- la vérification sur place de la délimitation du terrain demandé ;

- le recensement des personnes s'y trouvant ou y exerçant une quelconque activité ;

- la description des lieux et l'inventaire de ce qui s'y trouve en fait de bois, cours d'eau, voies de circulation, etc. ;

- l'audition des personnes qui formulent verbalement leurs réclamations ou observations ;

- l'enregistrement et l'étude de toutes les informations écrites.

En ce qui concerne les terrains lotis, mais non cadastrés, les exigences suivantes doivent être remplies :

- Introduire une demande de terre adressée au Conservateur des titres Immobiliers ;

- Après étude de la demande par le Conservateur des Titres Immobiliers, si elle est recevable, il la transmet au bureau du domaine pour annotation ;

- Ensuite la demande est envoyée au bureau du Cadastre pour constat, mesurage et bornage ;

- La demande est renvoyée au bureau du domaine de la conservation pour élaboration d'un projet de contrat de location, ou d'un projet d'Arrêté selon le cas.

En ce qui concerne les terrains lotis cadastrés,- Adresser la demande au

Conservateur des Titres Immobiliers ;

- Annotation du bureau du domaine ;

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Procédure d’acquisition des terres rurales Procédure d’acquisition des terres urbaines

L'enquête est ouverte par affichage de l'avis, dans la localité où le terrain est situé. A la fin, l'enquête est clôturée par un procès-verbal indiquant tous les renseignements réunis et les conclusions de l'agent qui en était chargé.

- Etablissement d'un contrat de location préparatoire d'une concession perpétuelle.

Toutefois, pour être concédées, ces terres doivent être localisées, délimitées et assujetties à un plan local ou général d'urbanisme. Les terres doivent être divisées en parcelles avant d'être distribuées. C'est la procédure de lotissement. La demande de terre est faite auprès du Chef du domaine. Une enquête doit conclure à la non occupation ou attribution du terrain à concéder. Aux termes de l'article 204 de la loi, « Est nul, tout contrat conclu en violation de ses dispositions impératives ou tout contrat contraire aux impositions d'ordre urbanistique ».

Que les terres concédées soient urbaines ou rurales, les particuliers peuvent demander à bénéficier du droit de jouissance dès les parcelles loties. C'est la première étape avant de conclure un contrat de concession foncière. Aux termes de l'article 61 de la loi foncière, la concession est le contrat par lequel l'Etat reconnaît à une collectivité, à une personne physique ou à une personne morale de droit privé ou public, un droit de jouissance sur un fonds aux conditions et modalités arrêtées par la loi.

La location prévue à l'article 144 de la loi foncière est un contrat provisoire préparatoire et en principe préalable à la concession-droit. Les mentions essentielles de ce contrat sont :

- la localisation territoriale de la parcelle de terre (commune, territoire, ville);- la dénomination du lotissement ;-L'usage ou la destination du terrain (résidentiel, industriel, enseignement ou commercial);

- le numéro du contrat et la date de signature.

Le contrat est conclu entre la République démocratique du Congo, représentée par le Conservateur des titres fonciers ou le Chef de Division des Affaires foncières (pour la Ville de Kinshasa) et le particulier nommément désigné. L'une des caractéristiques de ce contrat est l'obligation d'occupation et de mise en valeur dans un délai de 3 ans, qui peut être prorogé, pour justes motifs, à 5 ans, sous peine de déchéance. Lorsque l'occupation et la mise en valeur ont été réalisées, le locataire conclut alors avec l'Etat un contrat de concession perpétuelle (s'il est une personne physique de nationalité congolaise) ou ordinaire de 25 ans renouvelables (s'il est étranger ou personne morale).

2.3. ARTICULATIONS DROIT POSITIF-COUTUME

Il n'est pas rare que l'on oppose la loi (écrite) ou le droit positif à la coutume. En droit congolais, la coutume est une source de droit sous réserve de sa non contrariété à la loi.

28En effet, aux termes de l'article 153 de la Constitution , « Les cours et tribunaux civils et militaires appliquent les traités internationaux dûment ratifiés, les lois, les actes réglementaires pour autant qu'ils soient conformes aux lois, ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs ». De ce point de vue constitutionnel, la coutume est une source de droit.

28 Voy. aussi, 149 de la Constitution de transition du 4 avril 2003 ; loi n° 93-001 du 2 avril 1993 portant Acte Constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition, Journal Officiel, numéro spécial, Avril 1993; - Art. 100 de la loi n° 78-010 du 15 février 1978 portant révision de la constitution du 24 juin 1967.

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29C'est nous qui mettons en gras.30Voy. Lukombe Nghenda, Droit civil. Les biens, Publications des facultés de droit des Universités du Congo, Kinshasa, 2003, p. 35.31 Cf. articles 387 et 388 de la loi du 20 juillet 1973.32 Lukombe Nghenda, Droit civil. Les biens, op. cit., pp. 65-69.33En vertu des articles 204 et 395 de la loi foncière. Voy. CSJ, RC 334, 9 avril 1988, RJZ, 1988, p. 8.34Selon l'actuelle Constitution, il s'agirait désormais d'un décret du Premier Ministre.35 Voy. Dans ce sens, Lukombe Nghenda, Droit civil : les Biens, PFDUC, Kinshasa, 2003, pp. 378 et 392.

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Toutefois, en vue d'assurer l'efficacité des lois en cette matière, il est de bonne politique législative de tenir compte de l'environnement et des pratiques issues de la culture pour éviter une distorsion entre la loi et les habitudes sociales, celles-ci ayant pour vocation de précéder et créer le droit.

Il appartient alors de savoir si la notion de «propriété» est connue du droit coutumier. Aux termes de l'article 34, alinéa 2 de la Constitution, « l'Etat garantit le droit à la propriété

29individuelle ou collective, acquis conformément à la loi ou à la coutume » . Le droit 30coutumier connaît donc le droit de propriété . Celle-ci est généralement dite « collective ». La

pratique (répétée) constitue une source de droit digne d'être comprise. Il n'a ainsi pas échappé au législateur de 1973 de prévoir le sort des « terres occupées par les communautés locales pour le besoin d'habitation, de culture ou de toute exploitation quelconque, à titre

31individuel ou collectif conformément aux coutumes et usages locaux » .

Le droit coutumier fait donc partie intégrante du système juridique congolais dont l'effort 32d'unification est toujours actuel vu la complexification qu'entraîne le dualisme juridique . En

tant que telle, la coutume peut être source du droit de propriété bien qu'en vertu de la loi 33foncière «le droit coutumier des biens ne soit plus d'application » . En réalité, conformément

aux dispositions transitoires (articles 388 et 389) de la loi foncière du 20 juillet 1973, le droit coutumier est encore d'application en ce qui concerne les terres des communautés locales en attendant le décret qui organisera la gestion de ces terres. A ce propos, si l'article 389 de cette loi convient que « les droits de jouissance régulièrement acquis sur ces terres seront réglés par une ordonnance du Président de la République.», cette ordonnance présidentielle n'a

34jamais été prise . En l'absence d'un tel décret, les communautés locales continuent à occuper les terres, à les habiter, à les cultiver et à les exploiter, en vertus de leurs coutumes et usages locaux. Les conflits se règlent en application de la coutume.

Aussi, les droits fonciers des communautés locales sur les terres qu'elles occupent sont des droits coutumiers alors même qu'ils trouveraient leurs premiers fondements dans la loi et dans la constitution.

Sur le plan foncier, toutes les coutumes sont presque semblables : la terre est un bien commun à un lignage, un clan, un groupement sous l'autorité et la gestion du Chef de clan, du groupement ou du lignage – chef coutumier. A l'intérieur de chaque communauté, les membres ont droit égal de jouissance et d'usage de la terre. Celle-ci n'est pas aliénable, c'est-à-dire non cessible ni transmissible. En cas de succession au trône, l'héritier n'apparaît que comme le continuateur du pouvoir de gestion de la terre. En effet, la terre n'est pas un bien personnel du chef coutumier. Et, en cas d'aliénation éventuelle, il se retrouverait sans assise matérielle de son pouvoir. La terre est l'une des conditions nécessaires et matérielles du

35pouvoir coutumier. Il n'existe pas de chef coutumier sans terre .

En effet, en Ituri, quel que soit l'enchevêtrement des ethnies, chaque tribu a ses terres. Celles-ci correspondent ou sont comprises dans les limites de son territoire. Elles sont délimitées ou subdivisées en terres, rivières, eaux et/ou forêts. Elles sont acquises par le fait de la première occupation (cas des Pygmées) à défaut de fixation par l'Administration coloniale. Chaque tribu a ses représentants (chef de localité, de groupement, capita). Le représentant n'a de pouvoir de diriger ou de gérer que les portions de terres revenant à un lignage ou clan déterminés. Lorsqu'une personne sollicite une portion de terre pour un usage quelconque et qu'elle n'est pas du lignage, elle doit avoir l'autorisation du Conseil du lignage ou du clan.

Une autre illustration de la confrontation entre le droit positif et la coutume réside dans le droit de la famille. A titre d'exemple, selon le code de la famille, les successions sont ouvertes à tous les descendants, hommes et femmes, alors que les coutumes des ethnies de l'Ituri ne permettent pas aux femmes d'hériter.

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DEUXIÈME PARTIE

La révision et la finalisation du document ont été assurées par les Analyse des conflits fonciers et de leurs mécanismes de régulation

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R C N DÉMOCRATIE&JUSTICE

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Les conflits fonciers que connaissent les différentes communautés de l'Ituri peuvent être classés en deux grandes catégories :

- les conflits d'usage ;

- les conflits de propriété.

Les conflits d'usage portent sur la contestation du droit d'usage qui est fait d'un lopin de terre que l'Etat ou une autre autorité accorde aux particuliers pour la culture, l'élevage ou l'habitation. Typiquement, les conflits forestiers, qui se manifestent principalement dans le territoire de Mambasa et concernent l'exploitation des ressources forestières, entrent dans cette catégorie. Les exploitations forestières contrarient, en effet, les activités traditionnelles de chasse et de cueillette pratiquées par les communautés locales, notamment les Pygmées. Le foncier forestier est donc l'objet de contestation en Ituri. De même, en Ituri comme dans beaucoup de régions dans les Grands Lacs, l'espace agricole est au centre d'un conflit d'usage entre cultivateurs et éleveurs, tout comme l'accès aux ressources minières.

Les conflits de propriété portent sur la contestation de l'attribution à des individus, une compagnie ou une communauté de droits de propriété d'une terre. Ces conflits prennent la forme de disputes de terres en milieu rural (les plaignants arguent qu'elles font partie des terres d'une communauté locale, d'un village ou d'un clan). Il s'agit généralement de conflits collectifs (conflits de terres dans la terminologie de ce rapport). Ils prennent la forme de conflits de parcelles en milieu urbain et conflits de concessions en milieu rural. Il s'agit alors de conflits fonciers individuels. Ou encore ces conflits portent sur la délimitation des concessions ou des terres, dépassement, empiètement ou déplacement ou destruction des bornes définissant les limites de propriété. On les dénommera alors conflits de limites et ils opposent souvent les cultivateurs et les éleveurs à travers le phénomène tant décrié de la « divagation du bétail » qui vaut aux pasteurs la réputation d'être des « mangeurs de terres ».

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Chapitre 1 : Recensement et localisation des conflits

Localisation Types de conflit Motifs

Cité d’Ariwara Groupement Lolo - Conflit de terre entre deux localités

Conflit opposant les groupements Lolo et Angiria suite à un mariage entre une femme Lolo et un homme Angiria, et à l'occupation et la vente des terres du groupement Angiria par la descendance du groupement Lolo.

Localité Kamaka – conflit de concession

Un commerçant de la collectivité Lamila a vendu une partie de terrain du groupement Nziri à une société, sans l'approbation de la population.

Secteur de Kakwa Ingbokolo - Conflit de concession

Ingbokolo était occupé par une famille qui, après s'être déplacée à la recherche de terres fertiles, réclame aujourd'hui certains droits sur « sa » terre et menace de déclencher une guerre ethnique.

Faradje – Conflit de concession

Un terrain appartenant à quatre familles de la collectivité Kakwa a été ravi par une famille du territoire de Faradje.

Conflit de limite entre éleveurs et agriculteurs – plusieurs cas rapportés

Conflits collectifs concernant soit les limites de terres, soit la divagation des bêtes et opposant soit un individu à un ou plusieurs autres, soit un groupe à un autre.

Ce recensement ne prétend pas être exhaustif. Notamment, certaines zones n'ont pu être explorées pour des raisons d'insécurité, et certaines personnes rencontrées ont été réticentes à aborder des sujets sensibles. Toutefois, le recensement ci-dessous a permis d'identifier une cinquantaine de conflits fonciers qui permettent d'une part de disposer d'un aperçu des types de conflits rencontrés dans chacun des territoires de l'Ituri, et d'autre part, de constituer une base de travail pour la Commission foncière Ituri. Certains conflits ne sont pas clairement localisés car plusieurs cas similaires nous ont été rapportés dans une même zone.

1.1. TERRITOIRE D’ARU

36 Dans la plupart de ces cas, il s'agit de revendications territoriales entre collectivités ou localités voisines. Ce type de conflits participe plutôt de l'organisation et de la délimitation territoriale. Toutefois, étant lié à l'occupation des terres, il peut aboutir à un conflit foncier (localité Ovisomo en conflit avec la localité Ego, localité Angoko en conflit avec le groupement Odra, localité Egide en conflit avec le groupement Odi, etc.).

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Localisation Types de conflit Motifs

Mado – conflit de concession

En raison de la position économique du centre de négoce de Nyakuma, les populations cherchent à posséder un lopin de terrain dans la région, ce qui engendre des frictions entre les différents prétendants. Les uns prétextent de leur première occupation des lieux convoités, les autres rétorquent avoir obtenu de l'Administration le droit de s'y installer et ils se voient ainsi soupçonnés de tentative de corruption.

Conflit de limite entre agriculteurs et éleveurs – plusieurs cas rapportés

Divers conflits : divagation des bêtes, destruction méchante, incendie et atteintes corporelles.

Les Onibha et les Nyai accusent les Omba d'empiéter sur leur terrain, invoquant que les terres, objet du conflit, leur ont été laissées par leurs ancêtres. Cependant, ils n'ont pas obtenu gain de cause devant les instances compétentes.

Conflit de terre

Secteur de Kaliko Omi Kaliko Omi/Zaki - Conflits de limites entre collectivités

La collectivité Kaliko est en conflit permanent avec la collectivité de Zaki, conflit lié à la recherche de terres fertiles. Le sol de la collectivité de Zaki n'est pas fertile. Avec l'implantation des sociétés de tabac dans la région (CTC, SAAC, CTC, BAT) tout le monde cherche à cultiver pour avoir de l'argent.

D'où, les conflits de limites surtout à l'Est entre les collectivités Kaliko et Zaki.

Conflit de terre Conflit opposant les Nyai et les Omba, chacune des parties revendiquant le droit pour leurs éleveurs d'accéder au pâturage.

Arak – conflit de concession

Les Ayimara contestent une vente de terre au fils d'un député provincial du fait qu'elle aurait été entachée de fraude ou validée à la suite de la corruption ou de trafic d'influence.

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Localisation Types de conflit Motifs

Conflit de limite Conflit opposant les Ordro-Aranga à l'Institut National d'Etudes et des Recherches Agricoles (INERA) et M. Abuki à propos de l'occupation et l'exploitation de terres.

Il convient de noter que le territoire d'Aru se distingue en étant l'un des rares territoires d'Ituri à avoir connu un regain de violence foncière depuis la fin de la guerre entre Hemas et Lendus. En octobre 2007, dans la localité d'Ariwara en Territoire d'Aru, le clan Nyai du groupement Labo et le clan Eribo, se sont affrontés autour des limites traditionnelles des terres. Le clan Nyai, plaignant au Tribunal de paix d'Aru, a obtenu gain de cause après une instruction très mouvementée et émaillée de beaucoup d'incidents. Suite à cette décision, les huit accusés du clan Eribo, sont retournés, dans la nuit du 26 au 27 octobre 2007, accompagnés par d'autres membres de leurs clans sur les lieux disputés, et ont incendié les cases du clan voisin. 280 cases environ ont été incendiées en deux jours. Saisi de cet acte, l'Administrateur du territoire s'est rendu sur place accompagné du Comité de sécurité du territoire d'Aru afin de calmer la situation. D'autres incidents ont fait suite à cette nuit dans les groupements voisins entraînant d'importants dégâts. Des assaillants venant de la localité de Laro ont envahi la colline de Male située dans la localité Baa et procédé à des dégradations sur 26 maisons, des pillages de bétail. Ces violences semblent avoir pour origine l'existence d'un conflit foncier qui avait pourtant été réglé par une décision de l'Administrateur du territoire rendue le 7 novembre 1998 «relative à la résolution du conflit de terre entre les localités de Baa au groupement d'Angiria et Baa au groupement Lolo en collectivité Zaki» selon laquelle la terre revendiquée par la localité de Laro à savoir la colline de Male faisait désormais partie de la localité de Baa. La décision fixait en effet la limite entre les deux localités comme étant la rivière, de sorte que la colline de Male se trouvait géographiquement du côté de la localité de Baa lui appartenait désormais Environ 75 personnes avaient été emprisonnées au cachot du

37Tribunal de paix d'Aru, appartenant essentiellement au clan envahisseur .

La violence des conflits à Ariwara

37 Ces informations ont été obtenues du Tribunal de Paix d'Aru.

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1.2. TERRITOIRE DE DJUGU

Localisation Types de conflit Motifs

Dikelele Conflit de concession Conflit de concession opposant le fils d'un concessionnaire à la population de Dikelele.

Localité Hiro Conflit de parcelle Conflit opposant le groupement Obodi de la collectivité chefferie des Bahema Baguru aux Walendu Djatsi à propos de la localité Hiro.

Localité Bendele Conflit de parcelle Les collectivités chefferies des Mambisa et des Bahema Baguru se disputent la localité Bendele.

Conflit de terre La population de plus des 3 localités accuse certains membres de la communauté Hema de Fataki d'avoir occupé illégalement leurs collines, parcelles, champs, terrains vides, ce qui serait la cause directe ou indirecte des nouveaux conflits dans cette région.

Conflit de concession Conflit opposant les Kamaka à leurs voisins de Gawa.

Conflit de concession Les populations sont prises de cours au sujet de l'occupation de leurs collines par les éléments des forces armées puisque ces dernières y ont construit un camp militaire FARDC.

Conflit de terre Les membres de la communauté Hema accusent ceux de la communauté Lendu d'avoir occupé illégalement leurs collines dans la collectivité de Walendu-Pitsi.

Dzati

Fataki

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1.3. TERRITOIRE D’IRUMU

Localisation Types de conflit Motifs

Secteur de Bindi Conflit d’usage Conflits relatifs au contrôle des espaces pour l'extraction de pierres précieuses, dans les localités Olongba et Avenyuma dans le groupement Baviba, Anyozo-Malo, Zimbisa-Soke, Soke-Kagaba, Avenyuma Sasa, Rona Tulabho Fahu, Songo Koyi-Baguma, Chadhu-Tsede, Aginzi-Rudjoko/A, Biro/A et Biro/B, Kaguma et Ngasu-Odje.

Nombe, Lagabho et Lakpa

Conflit de terre Conflit de concession, datant de l'époque coloniale, opposant la collectivité de Bahema-Sud et Walendu-Bindi, Bunyagba et Walendu-Bindi t il porte sur trois localités Nombe, Lagabho et Lakpa gérées à l'époque par Walendu Bindi. Ce conflit est encore actuel.

Localité de Tagba Conflit de concession Dans la collectivité de Bahema-Sud, conflit entre la population de la localité Tagba et M. Koke qui possède une concession clôturée et qui interdit à la population de puiser de l'eau ou d'aller chercher du bois de chauffage sans autorisation ou sans payer un droit de passage.

Localité de Kasenyi Conflit d'usage et de concession

Dans la localité de Kasenyi, trois conflits sont signalés entre cette collectivité et celle de Guety pour l'accessibilité aux localités, entre agriculteurs et éleveurs et Eleveurs-Concessionnaires qui veulent obtenir et occuper de plus grandes concessions, ce qui diminue les chances des éleveurs et agriculteurs qui nourrissent les mêmes intentions.

Collectivité d'Andisoma (Nyakunde)

Conflit de terre Conflit de terre entre la collectivité de Balendu Bindi et Basili relativement aux champs cultivés par la population de Songolo à Ngadjo.

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Localisation Types de conflit Motifs

Collectivité Andisoma(Nyakunde)

Conflit de limite Conflit dû au non respect de la limite de groupement Chini ya Kilima et Boloma, Fahu et Mangidha.

Lagabo, Lokwe et Lone

Conflit de terre Au-delà de Bogoro, les Hema prétendent que les Lendu Ngiti doivent quitter Lagabo, Lokwe et Lone.

Nyakunde Conflit de retour A Nyakunde, la population réclame de retourner sur leur terre actuellement occupée par une autre communauté.

Nyamagi Conflit de concession A la frontière du territoire d'Irumu et Djugu, entre les ethnies Bira et Lendu, il y a toujours des provocations (cultures, récoltes et occupation du sol se soldant souvent en bagarres et injures) entre différents membres de deux communautés.

Secteur de Basili (Ngomba Nyouma)

Conflit de limite entre l'Eglise CE 39 et l'Eglise Catholique

Collectivité Bahema-Sud (Tagba-Nyamavi)

Conflit de concession entre agriculteurs et éleveurs

Secteur de Basili (Ngadjo, Ngombe Nyama, Mangusu, Bheyi, Bahiti )

Conflits de terre et de limites

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1.4. TERRITOIRE DE MAHAGI

Localisation Types de conflit Motifs

Conflit de concession Entre la chefferie –famille royale- et la population. Celle-ci ne supporte plus l'histoire de la royauté et elle demande à récupérer les terres occupées par cette dernière.

Conflit foncier avec les Missionnaires

La population remet en cause les engagements pris par leurs anciens qui ont cédé les terrains querellés aux Missionnaires.

Conflit de concession Les membres de la communauté avaient cédé des portions de terres au chef de la localité. Aujourd'hui, ceux-ci en réclament la restitution. Cependant, le chef a loué ces portions de terrain pour une culture massive. Outre un conflit de concession, on assiste à un abus de pouvoir de la part du chef.

La révision et la finalisation du document ont été assurées par les équipes de RCN Justice & Démocratie à Bunia et Bruxelles.

En avril 2009, un conflit foncier entre deux villages voisins, situés dans deux groupements voisins à Mahagi, a dégénéré et est devenu la cause de violence, de destruction et d'animosité entre ces gens qui avaient toujours maintenu d'excellentes relations dans le passé. Les villages de Djupudero et Djupalungu, situés respectivement dans les groupements de Djupagasa et Djupio, se sont disputés les limites de leurs territoires coutumiers et ancestraux. Cette dispute eut pour résultat une offensive qui détruisit environ 80 habitations par le feu, ainsi que la décimation des cultures et des élevages du village de Djupalungu. Ce conflit, purement foncier, alla au-delà des clivages ethniques, puisque les deux groupes sont d'ethnicité Alur et ont pour tradition de privilégier les mariages entre eux.

Violences récentes à Mahagi

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

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38

1.5. TERRITOIRE DE MAMBASA

Localisation Types de conflit Motifs

Mambasa Conflit de concession La plupart des terrains cédés aux Arabisés appartenaient aux ancêtres Bila et Sese. Se considérant, désormais, comme propriétaires du terrain, les Arabisés refusent à ces derniers de réaliser des activités agricoles dans leur jachère, ce qui a donné lieu à un conflit entre les deux groupes.

Moyata Conflit d'usage L'ancienne concession de Kilo Moto est à l'origine d'un conflit. La population n'est pas autorisée à s'approvisionner en bois sur la concession pour la construction d'abris.

Conflit forestier Conflit entre les autochtones et les exploitants forestiers

Mambasa a comme particularité d'être le seul territoire forestier de l'Ituri. L'engouement des exploitants forestiers dans le domaine des bois exploitables attise la haine des populations autochtones. Chacun se réclame propriétaire de la forêt. D'après les enquêtés, la plupart des conflits sont consécutifs :

- au manque de dialogue franc entre les groupes qui se disputent la gestion des forêts dites ancestrales,

- à la vente des parcelles par les chefs de quartiers et de villages à plusieurs personnes à la fois (cas de Binase).

Chaque camp se plaint de la violation de son droit par son rival en se servant soit de fausses cartes géographiques pour la délimitation de sa partie, soit d'autres astuces pour la recherche d'espace où il peut pratiquer l'agriculture et l'élevage.

1.6. CITE DE BUNIA

Localisation Types de conflit Motifs

Le site Mudzi-Pela Conflit de concession Conflit opposant les communautés Hema et Lendu qui se réclament respectivement « propriétaire » du site Mudzi-Pela. Or, leurs ascendants avaient cédé les terres aux Pères Missionnaires qui ont

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Bunia est un milieu urbain. La plupart des conflits que l'on peut y rencontrer sont des conflits fonciers individuels relatifs au droit de concession perpétuelle ou ordinaire sur les parcelles de terre.

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39

Localisation Types de conflit Motifs

Le site Kindia Conflit de concession entre l'administration et les administrés

La prochaine délocalisation de la prison centrale de Kindia ainsi que l'installation d'une Université, ayant vocation à s'étendre sur les portions de terrain habitées, par des procédures peu transparentes constituent des sources de conflit.

ensuite distribué des parcelles aux particuliers sans aucun plan ni de lotissement ni cadastral. Ceux-ci ont adressé une requête au Conservateur pour renouveler leur contrat. Or, lorsqu'on demande le renouvellement d'un contrat de concession, le terrain revient au requérant. Ce qui n'est plus le cas, à cause de la distribution des parcelles aux particuliers.

Le site Simbilyabo Conflit de parcelles (urbanisme)

Les concessions du site Simbilyabo ne sont ni bornées ni limitées, ce qui constitue une source permanente de conflit.

Quartier Bankoko Conflit parcellaire/concession entre l'administration et les administrés

La population a été contrainte de quitter ses champs et parcelles, sans indemnisation, en raison de la construction d'un camp militaire.

Eglise CECA 20 Conflit de concession Conflit relatif à l'occupation d'un terrain, de la localité Bira, par l'Eglise CECA 20. L'Eglise a soumis, en son temps, un contrat pour signature au Gouverneur. Ce dernier l'a signé étant induit en erreur. L'espace était occupé par la population avant la rébellion. La CECA prétend que ce terrain lui revient. Elle est en conflit avec l'ISP/Bunia. Sans que la justice n'ait encore tranché, le Gouverneur

38a autorisé la CECA à construire .

38 Entretien avec le Conservateur des Titres immobiliers de Bunia, 28 novembre 2008.

Dans le quartier Lumumba, il est fait état de ventes de parcelles à plusieurs personnes à la fois (ventes illégales).

Quartier Lumumba Conflit de parcelle

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Chapitre 2 : Origines et profil des conflits

Afin de comprendre les conflits fonciers, outre leur recensement/localisation, il est nécessaire de connaître :

- Leurs caractéristiques principales,- Les protagonistes,- Les biens au centre de la contestation,- La perception populaire,- Les causes structurelles.

2.1. CARACTÉRISTIQUES DES CONFLITS

Au total, 239 conflits fonciers ont été identifiés au cours de l'enquête sans prétention à l'exhaustivité.

Il y a certes une diversité de conflits fonciers en Ituri, mais les conflits majoritaires concernent les problèmes de terre et de sous-sol. Il ressort du recensement précédent que nombre de litiges interviennent entre des collectivités et des concessionnaires (individuels ou entreprises). Ce constat nous ramène à la question des terres collectives, et à l'absence de norme juridique claire quant au régime à leur appliquer. A titre d'exemple, à Mahagi, le problème de terre est évoqué à 80% des personnes interviewées, à Aru à près de 70%, à Irumu à 48% et à Mambasa à 50%. Par ailleurs, dans le territoire de Mambasa, ce ne sont pas les problèmes de parcelles qui viennent en seconde position après ceux de la terre, mais les problèmes forestiers (28%). En effet, le territoire de Mambasa est une zone forestière, occupée notamment par des Pygmées vivant des ressources de la forêt (chasse, cueillette). Ainsi se posent de nombreux conflits du fait de la concurrence sur l'usage de la forêt entre les Pygmées et les exploitants forestiers. Ces problèmes illustrent des phénomènes observés ailleurs en Afrique, à savoir la marchandisation grandissante des terres communautaires (y compris par les chefs coutumiers) et la contradiction entre conception privative de la terre et conception collective.

Tableau n°3 – Type et répartition des conflits identifiés par les personnes ressources interrogées.

Géographiquement, le territoire le plus sujet aux litiges fonciers est celui de Mahagi. Il est le plus touché avec 54 sur 239 conflits mentionnés par les personnes ressources interrogées, puis viennent les territoires de Djugu, Irumu et Aru. La cartographie démontre cette forte concentration des conflits dans ces territoires.

Sur une période récente (2007-2009), les conflits fonciers violents se sont concentrés à Ariwara (territoire d'Aru) et dans des villages du territoire de Mahagi. Il s'agit de litiges relatifs à

39la possession de terres agricoles entre des sous-clans appartenant à la même ethnie .

39 Voir chapitre précédent.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Territoire Types de conflits

Cité Bunia Irumu Mambasa Djugu Aru Mahagi Total

1 3 0 0 6 0 10 CONCESSION

7,1% 6,0% ,0% ,0% 12,8% ,0% 4,2%

1 1 9 0 0 0 11 FORESTIER

7,1% 2,0% 28,1% ,0% ,0% ,0% 4,6%

1 7 4 0 1 1 14 LIMITE

7,1% 14,0% 12,5% ,0% 2,1% 1,9% 5,9%

5 15 3 15 8 10 56 PARCELLAIRE

35,7% 30,0% 9,4% 35,7% 17,0% 18,5% 23,4%

6 24 16 27 32 43 148 TERRE/SOUS-SOL

42,9% 48,0% 50,0% 64,3% 68,1% 79,6% 61,9%

14 50 32 42 47 54 239 Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

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43

Répartition des conflits fonciers par type

62%23%

6%5% 4%

conflits de terre / sous-sol

conflits parcellaires

conflits de limites

conflits forestiers ou de

concession

autres

2.2. LES ACTEURS DES CONFLITS

Les conflits sont soit individuels, soit collectifs. Le graphique ci-après montre que la plupart des problèmes fonciers sont des conflits individuels. 38,7% des personnes victimes l'ont reconnu. Il faut noter également qu'un peu plus d'un quart des conflits fonciers (28,3%) opposent un individu à un groupe d'individus ou encore un groupe d'individus avec un autre, et un conflit sur 10 est l'œuvre des ethnies ou des communautés entières. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les conflits individuels se transforment souvent en conflits communautaires par effet des solidarités claniques et familiales. D'ailleurs près de la moitié des personnes victimes estiment que les conflits qu'elles ont connus étaient graves.

Graphique n°1

Graphique n°2

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

39%

28%

10%

6% 9% 8%

Catégorie des personnes ou groupes en conflits

Un simple individu

Un groupe d'individus

Tout un groupe ethnique/communauté

l'Etat/pouvoirs publics

Un homme d'affaires

Autres (y compris entreprises, hommes politiques)

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Par ailleurs, l'analyse des protagonistes des conflits fonciers montre que les principaux acteurs de ces conflits se retrouvent dans le commun de la population. En effet, selon les données statistiques, il apparaît clairement que le cumul individu, population /communauté représente près de la moitié des acteurs à l'origine des conflits. Dans certains territoires, ce groupe représente la quasi-totalité des acteurs. C'est le cas de Mahagi, Irumu et Aru. Ensuite viennent les groupes ethniques qui représentent 18 % des acteurs et enfin sont mentionnées les autorités (13%). Ces quatre groupes représentent les ¾ des acteurs à l'origine des conflits fonciers.

En analysant territoire par territoire, certains milieux laissent apparaître quelques différences sortant du schéma présentement évoqué. C'est le cas par exemple de :- La cité de Bunia où, en plus des groupes précédemment cités, il y a les commerçants et les

hommes d'affaires qui ont été évoqués à 14% et les agriculteurs (7%) comme auteurs des conflits fonciers ;

- Le Territoire de Mambasa où les autorités (Chef local, autorité administrative) semblent être les principaux protagonistes à la base des conflits (47%), alors que cette catégorie n'est pas si importante dans les autres milieux.

Sans surprise, ce tableau met en évidence que plus de la moitié des victimes de conflits fonciers interrogées sont des éleveurs ou des agriculteurs, ce qui démontre la prédominance des litiges liés à l'usage agricole et pastoral du foncier. La variation spatiale de l'ampleur des conflits est donnée par le tableau ci-après, qui permet de faire des observations suivantes :

- On observe des différences selon que l'on se trouve en milieu urbain ou en milieu rural. En effet, le nombre de conflits connus augmente plus en milieu urbain qu'en milieu rural. La proportion des personnes victimes qui ont connu 3 conflits ou plus est respectivement d'environ 9% contre 5 à 7% dans le milieu rural. De même que la cité de Bunia et le territoire d'Aru enregistrent un nombre important des victimes qui ont connu 3 ou 4 conflits.

- Il faut noter des différences en ce qui concerne, les conflits qui opposent les groupes d'individus et les conflits entre les communautés. Ces conflits sont plus fréquents dans les villages que dans les cités urbaines.

- Par rapport aux territoires enquêtés, ces conflits sont plus observés à Aru et Mambasa.

Tableau n°4 – Répartition des victimes des conflits fonciers selon le niveau d'instruction et l'activité principale.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Caractéristiques Effectif %

Niveau d'instruction

Primaire 86 14,8

Secondaire 258 44,4

Supérieur 189 32,5

Formation professionnelle 48 8,3

Total 581 100

Activité principale

Agriculture/Elevage/Chasse 307 52,8

Salarié(e) 79 13,6

Non salarié/Indépendant 22 3,8

Commerçant/Vendeur 81 13,9

Chômeur/Sans emploi 15 2,6

Inactif 5 0,9

Etudiant/Élève 12 2,1

Autre 60 10,3

Total 581 100

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45

46,7 18,3 23,3 1,7 5 5

52,6 14,1 14,1 7,7 6,4 5,1

27 40,5 24,3 2,72,72,8

50,4 26,5 6 2,6 6,8 7,7

14,6 42,3 18,7 3,3 12,2 8,8

49,2 24,4 4,42,2 4,4 2,4 13

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Cité Bunia

Irumu

Mambassa

Djugu

Aru

Mahagi Individu

Groupe d'individus

Communautés

Etat/Administrations

Entreprises

homme d'affaires

Autres (dontpoliticiens)

NB: GI:Groupe d'individus; Cté:Communauté; EPN:Entreprise Privée nationale; EP:Entreprise publique; EPE : entreprise privée étrangère ; HA:Homme d'affaires

Graphique n° 3 : Pourcentage des acteurs en conflit avec les personnes victimes interrogées selon les territoires

Tableau n°5 – Variation des conflits suivant le milieu de résidence et le territoire des victimes des conflits

2.3. LES BIENS FAISANT L’OBJET DU CONFLIT

Les biens suivants ont été cités comme faisant souvent l'objet de conflits fonciers : les terres pour cultiver, les biens immobiliers, les terrains vides et les espaces verts exploités.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Pourcentage des réponses selon : Nombre des conflits

connus Catégories des personnes ou groupes en conflit avec

victimes

Variables

1 2 3 4 et plus Individu GI Cté Etat EPN

E P EPE Politicien HA

Milieu de résidence Cité 57,4 25,5 9,0 8,0 32,6 29,4 4,8 9,6 3,2 1,6 1,1 2,1 9,6

Village 71,3 17,2 6,5 5,1 41,9 27,8 13,3 3,4 0,0 0,0 0,3 0,8 9,1 Territoire de résidence

Cité Bunia 36,7 36,7 16,7 10,0 46,7 18,3 0,0 23,3 0,0 0,0 1,7 0,0 5,0

Irumu 74,7 16,5 3,8 5,1 52,6 14,1 14,1 7,7 0,0 0,0 0,0 0,0 6,4

Mambasa 78,4 18,9 0,0 2,7 27,0 40,5 24,3 2,7 0,0 0,0 0,0 0,0 2,7

Djugu 79,7 15,3 3,4 1,7 50,4 26,5 6,0 2,6 0,0 0,0 0,9 1,7 6,8

Aru 57,7 17,9 11,4 13,0 14,6 42,3 18,7 3,3 0,0 0,0 0,8 4,1 12,2

Mahagi 68,3 21,4 7,1 3,2 49,2 24,4 4,4 2,2 4,4 2,4 0,0 0,0 13

Moyenne 66,5 20,1 7,4 6,1 38,7 28,3 10,4 5,6 1,1 0,6 0,6 1,3 9,3

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Pour conclure sur la typologie, l'enquête a révélé notamment que :

- Dans les milieux urbains, les conflits se passent le plus souvent entre les voisins, les frères, les autochtones et allogènes sur les parcelles pour cause des délimitations ou spoliation d'une partie de la parcelle, objet de conflit. Et ce genre des conflits est quelquefois entretenu par les autorités politico-administratives et les services techniques ;

- Dans les milieux ruraux, il y a plusieurs conflits fonciers qui soit sont en cours soit mal tranchés entre habitants de même village à propos de limites des champs, de terrain vide, et/ou pour les autres, de pâturage.

Tableau n° 6 - Les biens faisant l’objet des conflits fonciers

NB : Il convient de préciser, pour la lecture du tableau ci-dessous que les personnes interrogées ont souvent donné plusieurs réponses, à la question de savoir quels sont les biens ou ressources qui font l'objet de conflit.

2.4. PERCEPTION POPULAIRE DES CAUSES

A la lecture du tableau ci-dessous, si l'on fait abstraction du territoire, les causes de conflit évoqués en première position parmi tous les conflits que connaissent les répondants (incluant les conflits non fonciers) sont ceux relatifs aux limites et délimitation (21,3 %) suivi des problèmes d'expropriation ou d'occupation illégale (11,3 % chacun), de croissance démographique (10%), de rivalité ethnique (9%), d'exploitation abusive (7,5 %) et, enfin, de divagation des bêtes. Dans les représentations collectives et en dépit de la guerre Hema/Lendu, la perception ethnique des conflits fonciers n'est pas dominante. La population comprend ces conflits comme des revendications concurrentes et légitimes sur des terres particulières.

Toutefois, une analyse plus approfondie en tenant compte cette fois du milieu (territoire) laisse apparaître des différences importantes dans la hiérarchisation populaire des causes des conflits.

- Dans la cité de Bunia, par exemple, situé en milieu urbain, les principales causes de conflits fonciers citées par les répondants sont l'expropriation (28,6%), l'ignorance de la loi foncière (21,4%) et les problèmes de délimitation ou de limite de parcelle qui, pris ensembles, représentent aussi 21,4%.

- A Irumu, il y a le problème de délimitation /de limite (30%) mais le problème de la divagation des bêtes est aussi un conflit fréquemment évoqué (12%), témoignant de la cohabitation de tribus d'éleveurs et de cultivateurs.

%

Biens ou ressources objet des conflits n = 539

Biens immobiliers 32,1

Terrain vide 28,9

Espace vert non exploité 4,8

Espace vert exploité 11,3

Champs/terres 35,8

Domaine forestier (forêt) 3,9

Ferme 6,7

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

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- Pour ce qui est de Mambasa, c'est l'exploitation abusive qui est mentionnée en première position (31%) suivi de la délimitation. Cela renvoie à l'exploitation forestière et aux problèmes rencontrés par les populations locales vis-à-vis des concessionnaires qui font progresser l'exploitation forestière et procèdent à une appropriation privative de la forêt en contradiction avec le code forestier.

- Dans le territoire de Djugu, la principale cause de conflits évoquée est celle de la rivalité ethnique, puis l'occupation illégale de la terre. Ces réponses ne surprennent guère dans ce territoire où les terres des ethnies Hema et Lendu sont imbriquées de façon complexe, et où les déplacements en chaîne lors du conflit continuent de provoquer des différends liés à l'exploitation et la réinstallation des villages.

Pour terminer, on peut prendre le cas de Mahagi où la cause principale évoquée, à l'origine des conflits, est la croissance démographique (31,5%)

Tableau n°7. Causes des conflits selon les personnes ressources interrogées par territoire.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Causes mentionnées des conflits Territoires Cité

Bunia Irumu Mambasa Djugu Aru Mahagi

Total

ABSENCE JUSTICE EFFICACE 1 0 0 0 1 0 2 7,1% 0% 0% 0% 2,1% 0% 8% COLONISATION 0 0 1 0 0 0 1 0% 0% 3,1% ,0% ,0% ,0% 4% COMPLICITE AUTORITES COMPETENTES

1 0 0 0 0 0 1

7,1% 0% 0% 0% 0% 0% 4% CONFISCATION TERRE 0 0 1 0 1 0 2 0% 0% 3,1% 0% 2,1% ,0% 8% CONSTRUCTION ANARCHIQUE 0 3 1 3 1 2 10 ,0% 6,0% 3,1% 7,1% 2,1% 3,7% 4,2% CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE 0 0 1 0 6 17 24 ,0% ,0% 3,1% ,0% 12,8% 31,5% 10,0% DELIMITATION 0 4 4 5 4 0 17 0% 8,0% 12,5% 11,9% 8,5% 0% 7,1% DIVAGATION DE BETES 0 6 0 3 3 2 14 0% 12,0% 0% 7,1% 6,4% 3,7% 5,9% EXPLOITATION ABUSIVE 0 2 10 3 0 3 18 0% 4,0% 31,2% 7,1% ,0% 5,6% 7,5% EXPROPRIATION 4 4 2 2 10 5 27 28,6% 8,0% 6,2% 4,8% 21,3% 9,3% 11,3% EXTENSION AIRE D'EXPLOITATION 0 0 1 0 0 0 1 0% ,0% 3,1% ,0% ,0% ,0% ,4% GUERRE/CONFLITS ARMES 0 0 0 1 0 0 1 0% 0% 0% 2,4% 0% 0% 4% HERITAGE 0 0 0 0 0 2 2 0% 0% 0% 0% 0% 3,7% ,8% HISTORIQUE 0 0 0 0 0 1 1 0% 0% 0% 0% 0% 1,9% ,4% IGNORANCE DE LA LOI FONCIERE 3 0 0 0 0 3 6 21,4% 0% 0% 0% 0% 5,6% 2,5% INCOMPREHENSION 0 0 0 0 1 2 3 0% 0% 0% 0% 2,1% 3,7% 1,3% INJUSTICE 0 0 1 0 0 0 1 0% 0% 3,1% 0% 0% 0% ,4% INSUFFISANCE ESPACE VERT 0 1 0 0 0 3 4 0% 2,0% 0% 0% 0% 5,6% 1,7% JALOUSIE 0 0 0 6 0 1 7 0% 0% 0% 14,3% 0% 1,9% 2,9% MANQUE DE TERRE 0 0 0 1 0 2 3 0% 0% 0% 2,4% ,0% 3,7% 1,3% MAUVAISE DISTRIBUTION DE RESSOURCES

0 3 1 0 1 4 9

0% 6,0% 3,1% 0% 2,1% 7,4% 3,8% MODERNISATION 0 0 1 0 0 0 1 0% ,0% 3,1% ,0% ,0% ,0% ,4% OCCUPATION ILLEGALE 0 12 2 6 5 2 27 0% 24,0% 6,2% 14,3% 10,6% 3,7% 11,3% PROBLEME D'HERITAGE 0 0 0 0 0 1 1 0% 0% 0% 0% 0% 1,9% ,4% PROBLEME DE LIMITE 3 11 5 2 11 2 34 21,4% 22,0% 15,6% 4,8% 23,4% 3,7% 14,2% RIVALITE ETHNIQUE/TRIBALISME 2 4 1 10 3 2 22 14,3% 8,0% 3,1% 23,8% 6,4% 3,7% 9,2% Total 14 50 32 42 47 54 239 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

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Les causes évoquées par la population comprennent à la fois des causes immédiates (jalousie, expropriation, divagation des bêtes, construction anarchique, etc.) et des causes structurelles (modernisation, mauvaise distribution des ressources foncières, croissance démographique, etc.). Cela dénote une compréhension assez complète du phénomène des conflits fonciers, c'est-à-dire une compréhension qui va au-delà du motif concret du litige (par exemple, l'occupation illégale) et le replace dans des perspectives plus globales (démographie du territoire, histoire du peuplement, etc.). Ainsi les causes immédiates (problèmes de limites, occupations illégales, expropriations) sont-elles les plus souvent mentionnées avec la croissance démographique et les rivalités ethniques.

2.5. FAISCEAU DE CAUSES STRUCTURELLES

L'analyse des réponses de la population a été confrontée aux résultats de l'enquête qualitative auprès des autorités administratives, coutumières et judiciaires afin de distinguer causes immédiates et causes structurelles. Les premières sont celles qui déclenchent le conflit foncier tandis que les secondes en favorisent l'éclosion en constituant un environnement propice aux frictions foncières.

L'inégalité de la répartition des terres : les troubles communautaires de 1999-2003 entre les Hema et les Lendu font suite à un différend foncier opposant un ou deux fermiers concessionnaires Hema à certains agriculteurs Lendu. Ce différend surgit lorsque ces concessionnaires acquirent des espaces additionnels pour leur élevage. Selon les fermiers concernés, l'agrandissement de leurs concessions se fit conformément à la loi foncière, les documents qui leur ont été délivrés en feraient foi. Cependant, le projet s'est heurté au refus de la population locale. Face aux incompatibilités entre les différents intérêts, les concessionnaires Hema portèrent les différends à la connaissance des autorités locales. Ne voulant rien entendre de ces autorités, les Walendu réagirent violemment à la collusion présumée entre ces autorités et les concessionnaires Hema. Les autorités coutumières, souvent ignorées dans ce genre de transaction, furent prises au dépourvu. La population Lendu s'en prit d'abord aux concessionnaires et ensuite, indistinctement, à tous les Bahema, qui répondirent aux agressions, créant un engrenage de la violence qui se répandit du territoire de Djugu à celui d'Irumu puis à tout le district. L'opposition des Walendu aux extensions foncières des concessionnaires Hema trouve son origine dans le déséquilibre de la propriété foncière entre ces deux groupes ethniques – au moins dans le territoire de Djugu où les colons belges avaient concentré les exploitations agricoles pour la production de fruits et légumes.

Les mesures de zaïrianisation de 1973 ont, en effet, abouti à une situation d'inégalité foncière en Ituri. Il s'agit des mesures politiques prises par le régime Mobutu et ayant eu pour objectif de « nationaliser » les entreprises et les biens des étrangers en les confiant aux Zaïrois choisis par le régime, généralement « les dignitaires du régime ou du MPR (Mouvement Populaire de la Révolution) ». Ceux-ci étaient appelés « acquéreurs » et se comptaient parmi les fidèles du régime du Président Mobutu, si bien que la zaïrianisation a favorisé une ethnie aux dépens d'une ou plusieurs autres. Les grands fermiers Hema ont souvent acquis leurs propriétés à cette époque et dans des conditions de proximité du pouvoir en place, engendrant un ressentiment qui s'est accru à chaque consolidation foncière de leurs exploitations agricoles (notamment quand ces consolidations se traduisaient par des expropriations de cultivateurs Lendus). Après avoir bénéficié de la zaïrianisation, les fermiers Hemas ont constitué une sorte d'oligarchie foncière à l'échelle du district. Loin d'être un outil d'intégration, le foncier est ainsi devenu un outil d'exclusion et d'inégalité. Plus éduqués, plus riches et plus proches du pouvoir, les Hemas ont su mieux que les autres ethnies procéder à l'immatriculation des terres et acquérir ainsi les précieux certificats d'enregistrement requis par la loi... Certificats qui après deux ans deviennent définitifs s'ils n'ont pas été contestés. Or comment contester un titre dont on ignore l'existence ? De nombreux conflits qui se sont déclarés depuis les années 70 trouvent donc leur origine dans l'application qui a été faite de la loi à cette époque. Aussi, à peine adoptée, cette loi est apparue illégitime pour nombre de chefs coutumiers, pour qui l'équité en matière foncière équivaut à un retour à la situation d'avant 1973.

La concentration des populations : la densification de certaines zones rurales est surtout importante dans les territoires de Mahagi et Djugu. Le territoire de Djugu connaît depuis

40quelques années une forte densité démographique allant, d'après certaines sources , jusqu'à 300 habitants par km² (le Rwanda, pays notoirement surpeuplé, atteint 320 hab/ km² et la RDC atteint la moyenne de 27 hab/ km²).

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40 Voy. http://www.panosparis.org/fichierProj/

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Les collectivités de Walendu-Pitsi, Bahema-Nord, Walendu/Djatsi, Walendu-Tatsi et de Bahema-Badjere souffrent d'un problème de surpeuplement. Dans ces zones, se pose du coup un problème de terres disponibles pour les activités agro-pastorales. Le territoire de Mahagi qui est contigu à l'Ouganda et constitue un carrefour commercial avec Mahagi et Mahagi Port a aussi attiré beaucoup de population. Son attractivité a d'ailleurs été renforcée par la réfection de la route entre Mahagi et Bunia. Certains centres économiques (Ariwara, Mahagi-Port) ont connu un essor démographique récent sans pour autant acquérir le statut de cité, si bien que les terres y demeurent régies par les procédures d'acquisition des terres rurales. Une adaptation en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire semble donc nécessaire dans ces zones qui connaissent de nombreux conflits liés aux droits ancestraux revendiqués par les communautés locales.

Au sud du district (territoire d'Irumu), même si les densités ne sont pas très élevées, le retour des déplacés internes et réfugiés qui avaient fui en Ouganda et au Nord Kivu fait problème, comme en témoignent des réunions de la société civile iturienne sur le sujet (au cours de ces réunions, le retour des commerçants nandés est vivement critiqué par les originaires, suscitant de nouvelles tensions sur les marchés de Bunia et des autres carrefours commerciaux). Les déplacements de populations durant le conflit ont amené les communautés à s'installer sur de nouvelles terres. La question de la sécurisation foncière est à ce titre prise très au sérieux par le HCR (en charge de l'aide au retour ou à la réinstallation des réfugiés et déplacés).

La défaillance de l'administration et du pouvoir judiciaire en tant que garants et régulateurs du système foncier : comme l'ensemble du service public, l'administration foncière en Ituri est défaillante : sans formation adéquate, le matériel et les outils de travail faisant défaut, le service à rendre devient illusoire.

De plus, les services travaillent en sous-effectifs et ont recours à des personnels recrutés localement, qui ne dépendent donc pas de la Fonction publique, comme le démontre le tableau ci-dessous. Les agents manquent donc globalement de compétences, de matériel et d'outils de travail, et pour ceux qui ne sont pas officiellement des agents du service public, de rémunération. Cette situation amène les agents à demander aux administrés la rétribution des services rendus et la prise en charge des frais de fonctionnement de leur administration : papier, encre, déplacements sur le terrain, photocopies, etc. Par ailleurs certains cadres de l'administration publique sont souvent pris à partie dans l'octroi et/ou les falsifications des titres des concessions. Cet ensemble de dysfonctionnements et de pratiques de corruption inspire à la population une méfiance qui ne permet pas une application optimale de la loi et des procédures et décrédiblise les autorités étatiques. L'administration foncière en Ituri n'est ni fiable ni capable d'assurer l'enregistrement, le bornage et la conservation des titres fonciers qui n'existent de toute façon que sous forme papier. Du coup, les pratiques foncières en vigueur sont largement hors la loi : il existe, par exemple, un marché des terres coutumières plus important que celui reflété par l'attribution des titres fonciers. Une propriété informelle se développe aux dépens des terres coutumières.

Tableau n°8. Répartition des effectifs des services fonciers en Ituri

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Les mêmes difficultés concernent les instances judiciaires qui ont été discréditées par leur parti-pris dans le conflit foncier entre Hemas et Lendus dans le territoire de Djugu. Elles ont disparu durant la guerre (fuite des magistrats et destruction des bâtiments) et n'ont maintenant qu'une faible couverture territoriale (seuls existent le tribunal de grande instance de Bunia et les tribunaux de paix de Mahagi et Aru).

Effectifs Services des affaires foncières

Circonscription administrative mécanisés informels

TOTAL

Bunia 12 11 23

Mahagi 0 13 13 Aru 7 20 27

Cadastres

TOTAL 19 44 63

Bunia ? ? 4

Mahagi 1 24 25 Aru 5 18 23

Titres immobiliers

TOTAL 6 42 52

Bunia 4 8 12

Mahagi 0 12 12 Aru Données non disponibles

Urbanisme

TOTAL 4 20 24

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Graphique n°4 : Raison de la faiblesse de l'emprise de la loi actuelle sur les populations

Il ne faut pas négliger les cas de marchandisation des terres collectives par les chefs coutumiers aux dépens de la communauté qui ont été signalés au cours de l'enquête à plusieurs reprises (les droits fonciers coutumiers ne peuvent se vendre normalement). Identifiés lors de l'enquête et dénoncés comme un signe de « cupidité des chefs », ces cas témoignent de la pénétration de la logique marchande dans le système traditionnel et démontrent que ce système n'est pas « hors du temps ».

La prédominance du système coutumier s'accompagne d'une ignorance mais aussi et surtout d'une critique de la loi foncière. Parmi les différentes raisons avancées par les enquêtés pour justifier leur non application de la loi, la première invoquée est l'ignorance de la dite loi (70,8%). Les autres interviewés estiment que l'application de celle-ci est sujet à la complaisance (37,6%) : la loi serait aisément manipulée (interprétée) contre rétribution. 29,2% de ceux qui jugent la loi moins efficace, l'attribuent à l'absence d'une justice équitable, renvoyant aux questions évoquées précédemment de dysfonctionnements des services publics. D'autres la trouvent sélective du fait qu'elle ne s'applique pas aux chefs des terres (26,2%), ce qui illustre à la fois une méconnaissance de la loi de la part des répondants, mais aussi les pratiques abusives de certains chefs coutumiers. Une bonne proportion de personnes interrogées, soit 23,8%, pense que cette loi ne tient pas compte de la coutume en la matière. De fait, la question de la gestion des terres dites "des communautés locales" n'est pas clairement définies dans la loi, laissant ainsi la porte ou verte à une interprétation rigide de la loi excluant les pratiques coutumières. Pourtant, la Constitution de 2006 reconnaît par son article 34 "le droit à la propriété individuelle ou collective, acquis conformément à la loi ou à la coutume". Ce flou juridique alimente cette perception de contradiction entre la loi et la coutume.

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La diversité des systèmes de référence et la critique de la loi foncière : en soi, le pluralisme juridique sur le foncier (droits de propriété individuels, espaces communs, patrimoines fonciers lignagers, etc.) n'est pas une des causes des conflits fonciers. Ce pluralisme s'accompagne cependant en Ituri d'une prédominance du système coutumier qui explique la défaillance de l'administration moderne chargée d'appliquer la loi foncière – une loi largement inconnue en raison notamment du taux d'analphabétisme et qui instaure des procédures complexes et inaccessibles intellectuellement et financièrement aux populations. De ce fait, il est bien plus facile pour un individu de se tourner vers le chef coutumier qui est accessible, disponible sur place et qui offre des procédures rapides et comprises de la population car ancrées dans les traditions. La majorité des terres du district font l'objet d'une gestion coutumière dans la mesure où les pouvoirs coutumiers continuent à jouer un rôle important dans l'attribution de la terre et dans la régulation foncière, au nom de la légitimité de la tradition. Cependant, cette accessibilité et légitimité ne signifient pas que l'autorité coutumière serait exempte de dysfonctionnements, à l'inverse des autorités administratives modernes.

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En définitive, l'inégalité foncière, la défaillance des pouvoirs publics, la densification humaine se conjuguent pour faire de l'Ituri une zone de grande insécurité foncière sur fond de pluralisme juridique. Cette insécurité est multiforme :

- insécurité du possesseur sans titre d'un terrain- insécurité du titulaire d'un titre quant à l'acceptation de sa propriété par la communauté,

voire quant à la validité réelle de son titre devant un tribunal- insécurité administrative relative aux coûts et délais nécessaires pour acquérir une

parcelle/concession.

Le système légal étant largement théorique (le monopole de l'Etat sur le foncier), il existe de facto un marché des terres où le principe de la propriété individuelle entre en collision avec celui de la propriété communautaire. Deux sources concurrentes de légitimité (le premier occupant mythique et le titre foncier) structurent le jeu des mouvements de propriétés en Ituri et le rendent conflictuel.

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Les problèmes intercommunautaires s'inscrivant dans la longue durée en Ituri, les populations ont développé, bien avant la création d'une administration par le colonisateur, une tradition de résolution des conflits, c'est-à-dire des techniques locales, endogènes de règlement des différends. Dès le début des hostilités entre Hemas et Lendus, des initiatives de paix ont été lancées localement (accord de paix de Nyakasanza en 1999) et ce n'est que plus tard (à partir de 2003) que ces initiatives ont été relayées au niveau international par la MONUC. Les techniques traditionnelles, les instances de gestion des conflits fonciers mais aussi les contraintes et obstacles rencontrés par les populations enquêtées dans leur tentative de résolution pacifique des conflits forment le sujet de chapitre.

3.1. TECHNIQUES LOCALES DE RÉSOLUTION NON JUDICIAIRE DES CONFLITS

Au sein de chaque société, il existe des mécanismes de résolution des conflits. Ces mécanismes apparaissent comme des pistes de solutions soutenues pour préserver la cohésion et la paix sociales. En ce qui concerne les communautés de l'Ituri, nous pouvons relever quelques modes traditionnels de résolution des conflits : arrangement amiable, palabre, barza.

3.1.1. Arrangement amiableL'arrangement amiable est une initiative que peuvent prendre deux personnes en conflit en vue d'y mettre fin sans recourir à des procédures contentieuses impliquant des discussions contradictoires en vue d'avoir gain de cause.

Un arrangement amiable peut nécessiter une personne tierce (médiateur) qui offre ses bons offices en vue de concilier les parties. C'est le mode alternatif de règlement des conflits le plus aisé et le moins coûteux. Généralement, on range dans le processus de l'arrangement amiable, la transaction (au sens de négocier pour mettre fin à un conflit), la conciliation et la négociation. Ce processus peut être tenu ou présidé par une autorité coutumière, un leader d'opinion, bref par toute personne de confiance, aux yeux des parties au conflit. Cette légitimité par la confiance est censée garantir l'exécution et le respect de la solution ainsi négociée.

3.1.2. La palabreUne palabre est comprise comme une instance coutumière qui traite d'une situation conflictuelle ou d'un problème de grande importance concernant des personnes ou plusieurs groupes et ayant comme objectif principal, non de condamner ou de donner raison à l'un ou l'autre, mais de rétablir l'harmonie des rapports sociaux.

La procédure peut prendre plusieurs jours. Elle se prépare et se déroule minutieusement en ce sens que les personnes composant le jury, y compris leurs plaideurs, prennent le temps de convaincre les parties d'accepter la solution prise par les Sages.

A l'issue de la palabre, l'adhésion des parties au conflit et de l'assistance est souvent acquise d'autant que la procédure prend généralement fin par une conciliation marquée par un geste symbolique : le partage d'un repas, d'un verre ou de tout autre signe de rétablissement de la paix et de l'harmonie.

3.1.3. L'intervention des Sages et la consultation des coutumesLes sages, appelés parfois les "anciens" ou "gardiens de la coutume" sont des personnalités coutumières ou locales, pas nécessairement âgées mais qui sont revêtues d'une certaine notoriété et légitimité auprès de tous les membres de la communauté (ou du village) et auprès desquelles les membres de la communauté recourent habituellement pour puiser des conseils, l'expérience de la vie, etc. Ces sages ne possèdent pas forcément une fonction coutumière et sont identifiés et sollicités comme médiateurs et/ou intermédiaires dans la résolution des conflits entre membres de la communauté. Le fait pour les parties en conflit ou non de s'écarter de leurs décisions, conseils ou recommandations apparaît, de fois, aux yeux des membres de la communauté comme un opprobre pour l'ensemble de la communauté et entraîne, pour la (les) partie (s) qui n'a (n'ont) pas obéi, une certaine marginalisation. La crainte de cette sanction coutumière qu'est la marginalisation conforte quelque peu l'influence des sages et anciens au sein de la communauté et de ce fait, ils restent les voies privilégiées de résolutions des conflits et/ou de régulation de la vie au sein de la communauté.

Chapitre 3 : Gestion des conflits

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Les sages sont généralement sollicités par les parties en conflit mais il peut arriver que, forts de leur légitimité et notoriété au sein de la communauté, ils prennent l'initiative de se saisir d'un litige ou conflit, surtout lorsque les conséquences du litige risquent d'entamer leur influence ou l'harmonie au sein de la communauté. Et, lors de ces occasions, il peut arriver que des sanctions coutumières tombent contre les coupables. Selon l'ampleur ou la gravité du litige ou du différend, l'intervention des sages ou anciens est généralement scellée par une manifestation quelconque (soit le partage d'un verre, d'un repas ou l'organisation d'un rite coutumier quelconque, paiement d'amendes coutumières, etc. ….).

3.1.4. Le « Barza »Le barza est un mode de résolution des conflits connu, sous cette appellation, particulièrement à l'Est du Congo. Ce terme tient son origine du mot swahili « baraza », qui signifie « lieu du repos et de discussions, un lieu de rencontres amicales, familiales et

41communautaires » .

En Ituri, cette pratique aussi appelée Tua ou Tele, avait une importance capitale dans la vie sociale des Babila. C'est un lieu où les hommes résidaient, où ils prenaient leurs repas et où les différentes palabres étaient tranchées. Matins et soirs, adultes et adolescents se réunissaient autour du feu, allumé au milieu du barza, pendant que les plus âgés narraient des légendes, des contes et différentes histoires. Enfin, c'est au barza que les garçons acquéraient leur éducation.

En terme de résolution des conflits, le barza est un lieu où sont discutés et examinés des litiges et conflits relativement mineurs et sanctionnés généralement par des conseils et/ou recommandations

A la question de savoir quelles sont les pratiques locales dans la résolution des problèmes fonciers dans la région, les réponses des personnes ressources interrogées sont reprises dans le tableau suivant.

Ce graphique montre que la résolution des conflits au niveau local reste essentiellement basée sur l'autorité traditionnelle ou coutumière. En premier ressort, c'est la sollicitation des sages qui prime (66,1%) parmi les répondants. Cette sollicitation des sages est entre autre consolidée par la palabre africaine (47,7%) et le recours obligatoire aux coutumes (45,5%). Même dans la cité de Bunia se trouvant totalement en milieu urbain, c'est la palabre africaine qui est le plus mentionnée (76%). L'arrangement à l'amiable entre les membres d'une même communauté en conflit est de temps en temps encouragé (24,5%). Dans certains cas, l'autorité coutumière recourt à une répartition équitable des ressources (21,3%) à la base des conflits.

41 Voir Bibombe L., Article précité, p. 31, note 3.

Pratiques locales lors des conflits

66,1

47,7

45,5

24,5

21,3

0 10 20 30 40 50 60 70

Intervention sages

Palabre africaine

Consultation obligatoire

coutumes

Rencontre huis clos acteurs

conflits

Répartition équitable

ressources

Graphique n° 5 : Techniques locales de résolution des conflits fonciers.

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3.2. LES INSTANCES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS : SOCIÉTÉ CIVILE ET ETAT FACE AU PEUPLE

3.2.1. Au niveau judiciaireLes conflits fonciers analysés dans cette étude sont ceux qualifiés par la loi de « conflits fonciers collectifs ou individuels ». En effet, les conflits fonciers opposant deux personnes se prétendant toutes deux « propriétaires » sont de la compétence des tribunaux de grande instance. Tandis que le conflit entre une communauté et un concessionnaire agricole ou forestier est un conflit foncier collectif, relevant de la compétence du tribunal de paix, en vertu de l'article 110 du Code de l'Organisation et de la compétence judiciaire. En vue de la résolution, le tribunal applique à ce conflit les règles et usages coutumiers locaux.

La difficulté provient du fait que les tribunaux de paix ne sont pas installés sur tout le territoire. Actuellement on compte en Ituri le TGI de Bunia et les tribunaux de paix de Mahagi et Aru. Ceux de Djugu, Mambasa et Irrumu sont en cours d'installation par le Programme de Restauration de la Justice à l’Est du Congo (REJUSCO). Mais la population a une opinion négative de la justice non seulement pour sa lenteur mais aussi pour la compromission des juges.

Par ailleurs, comme indiqué dans le chapitre 2, il n'est pas rare que la population privilégie la coutume sur la loi pour pouvoir prétendre accéder à une terre ou gérer un conflit subséquent, provoquant ainsi la « contradiction entre la loi et la coutume ». En tant que source hiérarchiquement inférieure à la loi, la coutume ne peut prévaloir sur la loi. Dans une telle situation, elle serait écartée de toute application, pour inconstitutionnalité ou illégalité. Mais afin d'éviter un malaise social et une méfiance de la population envers la loi, les juges doivent trouver des applications souples et acceptables au regard des pratiques locales. Parallèlement, les juges doivent bien entendu trouver des solutions solides et durables, et s'assurer que les jugements ne risquent pas de dégénérer en violences et troubles à l'ordre public, comme à Ariwara en 2007.

Au terme d'une enquête menée au Greffe du tribunal de Grande Instance de Bunia, entre le 22 février 1999 et le 30 novembre 2008, plus de 500 affaires relatives aux conflits fonciers ont été

42enregistrées, soit une moyenne de 50 affaires par an . Les conflits fonciers représentent 60 à 65% des dossiers traités par les cours et les tribunaux en matière civile. Les principaux conflits fonciers dont ont à connaître les cours et tribunaux portent sur :

- les limites des terres ;

- les conflits d'héritage ;

- les disputes de terrain pour les champs et les pâturages.

Au cours de l'année 2008 une vingtaine de cas ont été résolus au niveau du TGI. Il semble donc important de fournir un appui au TGI pour la résorption du contentieux foncier, car l'expérience montre que des litiges non ou mal tranchés sont susceptibles de dégénérer en violences de plus large échelle.

S'agissant de la soumission de ces conflits à leur compétence, ces institutions connaissent des affaires relatives aux conflits fonciers, et souvent des cas déjà traités par les juridictions traditionnelles, et même, par les juridictions militaires qui ne sont pourtant pas matériellement compétente en la matière sauf s'il s'agit d'infractions de droit foncier commises par des militaires (déplacement des bornes, incendies, etc.).

3.2.2. Au niveau de l'administration publiqueIl existe un administrateur dans chaque territoire et des chefs de collectivité pour chaque collectivité. Ils sont notamment chargés du maintien de l'ordre public. Ils n'ont pas de compétence spécifique en matière foncière mais ils peuvent intervenir, comme le cas des leaders d'opinion, dans la médiation ou la résolution pacifique des conflits.En ce qui concerne l'administration foncière, il y a 3 circonscriptions foncières en Ituri :

- l'une à Bunia, compétente pour la cité de Bunia et les territoires d'Irumu et Mambasa, - l'une à Mahagi, compétente pour les territoires de Mahagi et Djugu- la dernière créée récemment à Aru pour couvrir ce territoire. (cf. supra pour la répartition

42 Enquête menée par l’Expert international avec l’aide du Greffier du Tribunal de Grande Instance de Bunia, Novembre 2008

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Les conservateurs des titres immobiliers travaillent avec la collaboration du Chef de Division du Cadastre et de l'Urbanisme. Ces services dépendent techniquement du ministère des Affaires foncières à Kinshasa, et hiérarchiquement, du Commissariat de district.

Les services fonciers n'ont pas vocation à résoudre directement les conflits fonciers, mais leur fonctionnement effectif est indispensable en amont et en aval des litiges : les déplacements sur le terrain faciliteraient l'enregistrement des titres et la bonne administration des actes cadastraux, une gestion efficace des archives permettrait également de produire des éléments de preuve à l'appui des requêtes des justiciables, l'élimination de la corruption et la collusion de certains agents permettrait d'assainir les procédures de délivrance des titres.

3.2.3. Les ONGFace à la défaillance de l'administration, les ONG et les associations locales ont développé des mécanismes pour venir au secours de la population. Il existe plusieurs associations et organisations intervenant dans l'Ituri chacune selon sa spécialité. En matière foncière, l'on peut citer le cas de RCN Justice & Démocratie, du Réseau Haki na Amani, de Justice Ituri, Commission diocésaine Justice et Paix qui œuvrent dans le domaine de la formation et de l'information sur les droits et devoirs des citoyens.

Sur le plan local, des associations accompagnent certaines interventions par l'information et la sensibilisation des populations à la culture de la paix et au respect des droits ou à la résolution pacifique des conflits (FOMI, ACIAR, CAJL).

Cependant, l'implication de ces acteurs dans la gestion des conflits fonciers (seulement une personne ressource sur 5, soit 20,9% reconnaît l'existence des ONG et associations dans le milieu) est tout de même faible. De plus, cette implication des associations ou ONG est inégalement répartie suivant le lieu de résidence.

Il ressort de l'enquête que les ONG et associations sont plus nombreuses en milieu urbain qu'en milieu rural. En effet, 37,9% des personnes vivant en milieu urbain l'ont reconnu contre 13% en milieu rural. C'est ainsi que pour la Cité de Bunia, près de 56% des personnes confirmant la couverture de leur milieu par une ou plusieurs associations et ONG. Le territoire urbano-rural de Mambasa bénéficie également d'une bonne couverture par les ONG, avec une présence effective reconnue par 40% des interviewés. Par contre, d'après les personnes ressources, l'implantation des associations est très faible dans les territoires d'Irumu (6,9%) et d'Aru (8,5%). Les territoires de Mahagi et de Djugu ont enregistré environ 20 % de répondants reconnaissant l'activité des associations dans le secteur foncier.

L'implication des ONG concerne majoritairement les conflits de terres et sous sol et d'exploitation minières. En revanche, les questions liées aux conflits de concession et aux conflits forestiers sont peu couvertes par les interventions des ONG.

3.2.4. Perception des acteurs de la gestion des conflits par la populationAux yeux de la population, les chefs coutumiers devancent les autorités modernes (administration et justice) et les ONG pour gérer les conflits fonciers. En effet, si 64% des répondants ont cité les autorités coutumières comme personnes de référence en cas de conflits fonciers, près de 45% et 44% citent respectivement les autorités judiciaires et les autorités politico-administratives pour la résolution des dits conflits. Les autres partenaires semblent ne pas avoir le capital de légitimité, aux yeux des enquêtés, pour résoudre ce type de problème. C'est dans cette catégorie qu'on retrouve les associations (13%), les ONG (13%), les leaders politiques (6,7%), les bailleurs des fonds (2,5%), la MONUC (2,1%) et autres (moins de 5%).

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

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Le recours aux instances traditionnelles est fréquent comme le montre le tableau ci-dessous qui reprend les différents agissements des victimes de conflits. Dans la plupart des cas, elles se sont plus adressées aux autorités traditionnelles qu'aux instances judiciaires établies par les pouvoirs publics. En effet, environ 62% des victimes des conflits ont recouru à ces instances traditionnelles (chef coutumier, de localité ou de quartier, notables, leader local) contre une proportion de moins de 20% qui se sont tournés vers les cours et tribunaux (15,3%) et moins de 7% vers les autorités administratives compétentes (cadastre). Ceci pose le problème de l'accès des populations aux services étatiques et juridiques, d'autant plus que 16,6% des victimes n'ont bénéficié d'aucune instance de recours. De plus, seulement 35% des victimes ont vu leur problème foncier tranché. Le recours aux ONG demeure très faible, par suite probablement de leur faible présence et intervention dans le domaine foncier.

Graphique n°6 : Personnes considérées comme qualifiées pour la résolution des conflits (%).

Tableau n° 9 – Pourcentage des personnes victimes par instance de recours cité pour la résolution des conflits.

NB : Il convient de préciser, pour la lecture du tableau ci-dessus, que les personnes interrogées ont souvent donné plusieurs réponses.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Instance de premier recours pour résolution de problème foncier %

n=581

Nulle part 16,6

Chef de clan/chef coutumier 30

Chef de localité 32,4

Chef du quartier/Bourgmestre 12,1

Leader local/Notable 13

Administrateur du territoire 18,1

Service de cadastre 6,9

Leaders religieux 2

Autorités judiciaires/Parquet/tribunal 15,3

Officier de Police judiciaire 7,6

Magistrat militaire 0,7

ONG opérant dans la région ou association 0,7

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De même que pour le règlement des conflits, les instances traditionnelles (le clan ou la coutume) demeurent, au même titre que les instances juridiques, les institutions importantes dans la résolution des conflits fonciers dans la région. Sur les 581 personnes victimes de conflits fonciers interrogées, seuls 85 conflits ont pu être réglés. Là encore, ce sont les autorités traditionnelles qui semblent le plus efficaces puisque le cumul de litiges tranchés atteint plus de 50%. Parallèlement, les autorités administratives ont été utiles dans moins de 6% des cas, tandis que les juridictions ont un taux de règlement de 20%.

3.3. OBSTACLES A LA RÉSOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS FONCIERS

Les personnes interrogées ont été confrontées à plusieurs obstacles dans la résolution de leurs conflits fonciers. Parmi les obstacles les plus mentionnés, il faut noter :- la corruption au niveau des services judiciaires (60% des citations) ; - la non application de la loi est citée par près de 46% des répondants ; - l'inadéquation de cette loi par rapport à la coutume (29,8%) ;- la mauvaise distribution des richesses (25,4%).

Instances ayant réglé définitivement le conflit

22%

19%

8%2%9%6%

1%

20%

1%

1%11%

Chef de clan/coutumier

Chef localité

Chef quartier/Bourgmestre

Leader local/Notable

Administrateur du territoire

Service de cadastre/Conservateurtitre immobilierLeader religieux

Autorité judiciaire

Officier de police judiciaire/Police

ONG/Association opérant dans larégionAutre

Graphique n°7 : Pourcentage des instances de règlement des conflits cités par les personnes victimes de conflits fonciers

Graphique n° 8 : Obstacles majeurs à la résolution des conflits

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

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Pour ce qui est de la cohabitation difficile entre communautés, c'est à Mambasa que cette contrainte est la plus exposée (56%), suivi de Mahagi 22% et d'Aru (20%). Quant à la corruption, les territoires de Djugu (35%) et la cité de Bunia (33%) sont ceux qui pensent que la corruption constitue une contrainte majeure empêchant une justice équitable dans la gestion des conflits fonciers. C'est une fois de plus dans ces deux territoires que la justice est la plus mise en cause, avec respectivement 20% et 17% des leaders qui pensent qu'il n'existe pas une justice correcte.

Tableau n° 10 – Contraintes exprimées pour une résolution pacifique des conflits

L'une des contraintes à la résolution des conflits est l'ignorance de la loi. 78,2% des victimes de conflits fonciers ne la connaissent pas.

De plus, à la question de savoir si la loi foncière en vigueur permet de prévenir les conflits, les réponses des personnes ressources indiquent que plus d'une personne sur 4 (28,4%) pense que la loi foncière actuelle ne permet pas de prévenir les conflits fonciers. La confiance en la loi demeure assez faible, et varie de 25,6% (en milieu urbain) à 29,7% (en milieu rural). Vu sous un angle territorial, les ressortissants du territoire de Djugu sont les plus optimistes (49,1%) par rapport à l'efficacité de la loi en vigueur dans la prévention des conflits et les plus pessimistes en la matière sont les répondants du territoire de Mambasa (3,1%).

Selon la qualité du répondant, on se rend compte que les leaders religieux et les notables respectivement 34,7% et 33,8% sont les fervents défenseurs de la capacité de la loi actuelle à prévenir les conflits. En majorité, les directeurs d'écoles, les responsables des institutions de santé et les commerçants ne pensent pas que la loi foncière actuelle permet de prévenir les conflits.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Pourcentage (%) Aucune contrainte 0,4 Cohabitation difficile 22,1 Conflit entre la loi et la coutume 0,4 Corruption 21,6 Détournement 0,4 Exploitation abusive 0,4 Ignorance de la loi 7,5 Incompétences des services étatiques 9,9 Ne sait pas 1,1 Pas de réponse 1,1 Pas de difficultés 0,4 Pauvreté 2,1 Politisation 9,6 Problème ancestral 0,4 Problème de justice 12,8

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Tableau n° 11 – Opinion sur la prévention des conflits fonciers par la loi

3.4. SOLUTIONS POUR UNE MEILLEURE RÉSOLUTION DES CONFLITS FONCIERS

Qu'en est-il des solutions proposées pour résoudre les conflits fonciers ? A cette question, les propositions provenant des enquêtés s'établissent comme suit:

Solutions proposées aux problèmes fonciers

49,8

39,3

37,2

33,1

23,4

17,6

9,2

0 10 20 30 40 50 60

Appliquer la loi foncière

Créer cadre concertation

intervenants secteur

Punir les contrevenants en

la matière

Demander avis populations

distribution des ressources

Modifier loi foncière avec

réalités locales

Procéder à la distribution

instances décisionnelle

Réforme approfondie du

secteur foncier

Graphique n°10: Solutions proposées pour régler les problèmes fonciers (n= 239)

NB : Il convient de préciser, pour la lecture du tableau ci-dessus, que les personnes interrogées ont souvent donné plusieurs réponses.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

La loi foncière prévient les conflits Variables géographiques et sites d’intense conflit

Effectif (n)

Pourcentage (%)

Effectif total

Milieu de résidence Urbain (Quartier/Cité) Rural (Village)

23 57

25,6 29,7

90 192

Territoires Cité de Bunia Irumu Mambasa Djugu Aru Mahagi

7 15 1 27 19 11

38,9 25,9 3,1 49,1 32,2 18,3

18 58 32 55 59 60

Existence des conflits fonciers Oui Non

62 18

25,9 41,9

239 43

Variables individuelles Qualité des répondants Notables Leaders religieux Directeur d’école Responsable de santé Commerçants Autres

24 25 4 4 9 14

33,8 34,7 11,8 16,7 24,3 32,6

71 72 34 24 37 43

Niveau d’instruction des répondants Primaire Secondaire Supérieur/Universitaire Formation professionnelle Sans niveau

23 40 14 3 0

32,4 28,8 28,6 17,6 0

71 139 49 17 6

Ensemble 80 28,4 282

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L'application de la loi foncière est la solution privilégiée par les enquêtés (50%). Ceci contraste avec le scepticisme quant à l'efficacité de la loi foncière et l'attachement aux autorités traditionnelles. Ce paradoxe s'explique par le fait que les personnes sondées doutent davantage des agents chargés d'appliquer la loi (partialité, corruptibilité, laxisme, etc.) que de la loi elle-même. L'application de la loi est suivie de trois autres pistes de solutions dont la première est la création d'un cadre de concertation dans le dit secteur (39,8%). A ce sujet, relevons, depuis le moment de l'enquête, la création de la Commission foncière de l'Ituri qui offre justement un tel cadre de concertation. La population déplore aussi l'impunité qui encourage ces mauvaises pratiques. A cet effet, 37,2% sont pour la promotion des mesures punitives en plus de ces propositions. D'autres (33,1%) prétendent que l'implication de la population pour une redistribution des terres en fonction des besoins et du nombre de la population, serait une des solutions qui permettrait d'éviter ces problèmes fonciers. D'autres propositions sont également encouragées. Il s'agit notamment :

- des propositions de modification de la dite loi en tenant compte de la coutume (23,4%). - de l'intégration de membres de la communauté dans les opérations de redistribution de la terre (17,6%).- près de 10% des répondants proposent une réforme pure et simple de la loi foncière.

Les solutions proposées par les enquêtés ont bien sûr alimenté la réflexion qui suit sur les mesures opérationnelles à prendre.

3.5. CONCLUSION : VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES

En abordant cette étude, centrée sur la prévention, la gestion et la résolution des conflits fonciers dans le District de l'Ituri, nous avons relevé six postulats en forme d'hypothèses.

En définitive, nous pouvons dire :

1.Les conflits fonciers actuels trouvent leur origine dans la mauvaise procédure de l'octroi et la gestion des concessions (foncière, forestière ou minière). La délimitation des terres [parcelles] des individus et des communautés locales conformément à la loi foncière contrarierait les droits fonciers des communautés locales et les droits individuels.

Non seulement la loi foncière est largement ignorée par la population mais l'administration et ses défaillances sur la longue durée sont la première cause de son inapplication. Le vide a été comblé par le système de droits coutumiers qui est particulièrement vivace, i.e légitime aux yeux de la population. L'Ituri connait ainsi un dualisme juridique où le système foncier traditionnel coexiste avec le système foncier moderne sans que ce dernier soit véritablement garanti et appliqué par un Etat largement inefficace et absent dans cette périphérie. Il n'est pas excessif d'affirmer qu'en Ituri la paysannerie n'a pas été « capturée » par l'Etat moderne et a d'autres normes de référence que la loi foncière pour appréhender et régler les questions de propriété. Dans ce contexte, il est malaisé de vérifier si la loi est adaptée ou non aux besoins des populations : n'étant que peu appliquée, son évaluation reste forcément limitée. Force est de constater, toutefois, que la loi doit être précisée sur de nombreux aspects qui demeurent sources de litiges (cessions des titres, terres coutumières etc.)

2.Au-delà des frictions entre communautés voisines de façon générale, et entre Hemas et Lendus en particulier, les autres tribus cohabitent pacifiquement.

La plupart des personnes enquêtées estiment que la cohabitation entre les communautés n'est pas et n'a pas été source de conflit. L'enquête tend plutôt à souligner que les différences

43entre communautés ont été manipulées et instrumentalisées par ceux qui y avaient intérêt 43 Telle est également l'opinion de la Présidente de l'Association « FOMI » (Forum des Mamans de l'Ituri) : « (…) L'idée de guerre ethnique ne se ressent pas. Mais la peur de la manipulation des conflits fonciers existe. Il en est ainsi dans le processus de résolution. Alors que les communautés veulent bien se réconcilier ou résoudre pacifiquement leurs différends, les politiciens veulent plutôt bloquer la dynamique ». Entretien du samedi 29 novembre 2008. Dans le même sens, entretien avec le Secrétaire Général des FNI (29 novembre 2008) : « (…) Non. Parce que depuis toujours, par exemple à Bunia, il a plusieurs ethnies et tribus. Il n'y a jamais eu de problème de ce genre. Mais dans toute société, les problèmes ne manquent pas. Cela se résout. A Bunia, tout le monde est là. Les parcelles sont bien délimitées. Lorsqu'on dépasse ses limites, cela devient une cause de conflit ».

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sans pour autant négliger des causes tant endogènes, comme la déliquescence de l'appareil étatique, qu'exogènes comme la lutte pour l'accès au capital. Il serait bon ici de rappeler les résultats de l'enquête qui démontrent que seuls 9% de la population estiment que les conflits sont des rivalités ethniques, loin derrière les conflits fonciers.

Les communautés de l'Ituri cohabitent depuis toujours. En lisant la carte des tribus de l'Ituri, l'on se rend compte que les populations des différentes communautés sont entremêlées et disséminées sur les territoires de Djugu, Irumu et Aru sous forme « d'enclaves ». Par ailleurs, les troubles n'étaient imputés qu'aux membres de deux communautés et non à l'ensemble des groupes ethniques présents en Ituri. La guerre interethnique était d'abord et avant tout une guerre pour les ressources foncières entre les Hemas et les Lendus.

3. Ces conflits peuvent être résolus, de manière amiable, pacifique ou judiciaire.

Dans la défense de leurs droits, les populations recourent à des mécanismes dont elles ont l'habitude et qui bénéficient d'un fort coefficient de légitimité, même s'ils ne permettent pas de régler définitivement les conflits fonciers. Les ressources locales sont mises à l'épreuve pour y arriver (palabre, barza, conciliation ou arbitrage).

Mais « s'il est bien un lieu d'affrontement entre droit coutumier et droit écrit, droit moderne ou droit importé, c'est celui du foncier. Lorsque des communautés sont réfractaires aux réglementations qu'elles considèrent comme arbitraires et se réfèrent au droit coutumier construit sur des droits ancestraux – organisant parfois des systèmes complexes de droits multiples sur un même espace - ces communautés ne manquent pas de recourir au droit moderne lorsque celui-ci défend mieux leurs intérêts ; ce sont des sociétés entières qui vivent

44dans l'insécurité juridique vis-à-vis de leur(s) droit(s) sur leur(s) terre(s) » . Ces allers-retours entre le droit et la coutume, où l'on à recours à un système pour contester l'autre, en arrivent parfois à des points de rupture : lorsqu'aucune solution n'est acceptée, c'est alors la violence qui prend le dessus (cf. l'affaire d'Ariwarra). Il est donc important de consolider la palette de solutions pacifiques existantes.

4. La présence des ONG et des associations locales se révèle importante et opportune, en l'absence de structures étatiques pour l'information sur les droits de chacun et les droits des communautés.

Le rôle des ONG et des associations locales a été salué par les personnes interviewées. La sensibilisation à la paix, au dialogue, à la culture de résolution pacifique des conflits, et à la connaissance des droits élémentaires de la personne et de la loi foncière ont joué un grand rôle dans le processus de pacification de l'Ituri. Cette hypothèse est également confirmée.

5. L'absence de l'Etat entendue comme la défaillance de l'administration publique a contribué et contribue à l'exacerbation de ces conflits.

Avant la guerre, les dysfonctionnements de l'administration cadastrale et du pouvoir judiciaire ont interdit aux populations d'avoir des voies de recours légales pour traiter leurs différends fonciers. L'effacement et la partialité de la régulation étatique des conflits fonciers a conduit à une insécurité juridique qui n'a pas pu être comblée par la régulation informelle des autorités coutumières, démontrant en cela la nécessité de l'Etat comme garant final du règlement des conflits.

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Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Goffin, J., « Sécuriser le droit foncier ? », Editorial, RCN, Le Bulletin, n° 27, 2009, p. 3.44

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45Il est établi qu'il y a forte densité démographique , notamment dans les territoires de Djugu et Mahagi. Attractifs pour plusieurs raisons (géographiques, agricoles, minières, commerciales, etc.), ces territoires sont en train d'atteindre des densités humaines similaires à d'autres zones surpeuplées des Grands Lacs. Cette dynamique démographique doit être surveillée et compensée par une plus grande attention aux tensions foncières locales et le développement d'opportunités économiques dans les autres territoires du district.

En définitive, les conflits fonciers en Ituri sont localisés et connaissent différentes causes : compétition pour l'espace (notamment entre éleveurs et cultivateurs et entre Pygmées et exploitants forestiers), contradictions entre systèmes de normes foncières et revendications territoriales. Par ailleurs, il existe des mécanismes susceptibles – issus de pratiques coutumières ou légales - non seulement de prévenir mais de gérer et de résoudre les conflits fonciers. Compte tenu des faiblesses structurelles de l'Etat congolais, l'établissement d'une paix foncière durable en Ituri implique nécessairement la conjugaison des efforts de tous les acteurs du système de gouvernance local : ONG, administrations, églises et autorités coutumières.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

6. La densité démographique dans certains territoires de l'Ituri commence à atteindre un niveau préoccupant.

Radio Okapi, Bunia : la société civile réfléchit sur l'avenir politique et économique de l'Ituri, 6 juillet 200945

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TROISIEME PARTIE

La révision et la finalisation du document ont été assurées par les Recommandations

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R C N DÉMOCRATIE&JUSTICE

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Pour être efficace, la gestion des conflits fonciers se doit de :

- prendre en compte tous les contours du conflit (social, économique, culturel et politique).

Dans les stratégies de solution durable, il importe d'intégrer la dimension psychologique et éthique à laquelle les personnes qui sont chargées d'initier ces stratégies doivent prêter attention. Ces stratégies doivent trouver leur essence dans le vécu et les pratiques quotidiennes des parties en conflit. Selon les responsables de l'administration locale, la négociation et le dialogue restent les meilleures stratégies de prévention des conflits fonciers au sein de la communauté. Ces stratégies mettent en présence les parties directement en conflit et la négociation intervient soit comme préalable à une procédure complexe soit en vue des conventions concertées.

-développer une gestion locale des problèmes fonciers et reconnaître les divers systèmes de droits en vigueur.

Comme toutes les sociétés rurales et traditionnelles, l'Ituri est une zone de pluralisme juridique où l'Etat moderne a des fondations plus fragiles que les autorités coutumières, à la fois en termes de capacité et de légitimité. Les populations étant partagées entre le monde moderne et le monde traditionnel, il convient de concevoir un système de régulation des conflits qui combine les deux formes de gouvernance afin d'éviter la forte disjonction entre légalité et légitimité actuellement constatée.

Il convient aussi de rechercher les voies et moyens d'associer les habitants à la gestion de leur territoire. Par définition, les problèmes fonciers sont des problèmes locaux dont la solution ne saurait être que locale. La présente étude identifie les conflits fonciers à leur échelle réelle : l'échelle du quartier à Bunia et des villages dans le milieu rural. L'observation internationale montre que la résolution des problèmes fonciers repose sur les acteurs et les savoirs locaux et non sur des interventions hypothétiques de Kinshasa (capitale nationale) ou de Kisangani (capitale provinciale).

- innover en expérimentant de nouvelles méthodes et en introduisant de nouvelles idées.

Dans la mesure où certains problèmes sont urgents et susceptibles de déstabiliser le district et où il n'est pas possible d'attendre une solution de Kinshasa, il convient d'innover en mettant en œuvre des solutions ad hoc, temporaires et conçues uniquement pour faire face aux problèmes du district (application locale par dérogation au droit commun). Création ad hoc, la Commission foncière de l'Ituri dont le mandat devrait permettre de prévenir et résoudre pacifiquement les conflits fonciers procède de cette démarche. Au terme de l'article 4 de son règlement intérieur, la Commission Foncière de l'Ituri a pour objectifs de :

- accompagner les communautés locales en conflit sur les questions foncières et/ou d'accès à la terre vers un processus de médiation et négociation aux fins de rendre possible une résolution pacifique de ces conflits ;

- favoriser la culture universelle de respect de la loi écrite, notamment en ce qui concerne la législation foncière.

Les recommandations ci-jointes sont fondées sur les trois principes susmentionnés ainsi que sur une exigence de réalisme en matière d'intervention publique en RDC et sur les principes de l'Union européenne concernant les politiques foncières.

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46 Pour mémoire, l'intérêt du cadastre pour la résolution des conflits fonciers est de lier une parcelle à un propriétaire légal. Les informations détenues au cadastre doivent ainsi permettre de trancher les litiges de propriété et sont indispensables au juge tout comme aux autorités administratives.

RECOMMANDATIONS

1. Combler les carences de la régulation formelle et informelle des conflits fonciersCela implique d'appuyer le fonctionnement de l'administration foncière, de la justice et des autorités coutumières.

o L'administration foncière devra notamment être appuyée pour retrouver un minimum de fonctionnalité, notamment pour toutes les actions de contrôle (contrôle et sanction des contrevenants à la loi foncière et contrôles internes à l'administration foncière – par exemple visites de la hiérarchie nationale). Dans la mesure du possible dans le contexte congolais, il convient de soutenir l'administration foncière pour qu'elle devienne accessible, transparente et fiable. La question de la faisabilité de la réfection ou de l'actualisation du cadastre doit être posée dans la mesure où, en raison des retards accumulés pendant au moins dix ans, une réfection complète du cadastre peut s'avérer moins coûteuse et moins complexe que sa mise

46à jour , tout comme elle peut paraître dangereuse et très longue.

o Les juridictions pourront également être appuyées au niveau de leur fonctionnement (matériel, déplacements etc.). Une petite enquête auprès des Tribunaux de paix et du TGI (ainsi que du TMG) permettrait d'évaluer le contentieux foncier en attente de règlement et d'identifier des actions permettant d'absorber les arriérés judiciaires en la matière afin que les conflits ne dégénèrent pas faute de solution, et éviter une accumulation exponentielle du contentieux. Compte tenu de la méfiance historique de la population à l'égard des juges dans le domaine foncier, l'appui aux juridictions devra nécessairement s'accompagner de mesures anti-corruption susceptibles de les re-crédibiliser aux yeux des communautés rurales et urbaines.

o Il est aussi avantageux de promouvoir les modes alternatifs et pacifiques de résolution des conflits. Les ressources ne font pas défaut : l'on peut grandement puiser dans les pratiques locales (palabre, conciliation, barza, etc.) et encourager l'éducation à la culture de la paix et du dialogue (avec l'aide des ONG, par exemple).

o Un appui pourra aussi être apporté aux ONG et aux autorités coutumières pour leur fonctionnement courant, sans que cela ne soit assimilé à une rémunération.

2. Vulgariser la loi foncièreDans tout Etat de droit, il n'existe pas d'autres sources de droit que la loi (au sens général). Ainsi, le processus et la procédure d'acquisition d'un lopin de terre sont fixés par la loi. L'on ne peut raisonnablement se prévaloir d'un quelconque droit sur un lopin de terre sans démontrer le titre qui en serait à l'origine et la légalité de son obtention. Cette loi est essentiellement la loi du 20 juillet 1973 (loi foncière).

Aussi, au titre des stratégies de prévention de conflits fonciers en Ituri, une campagne de vulgarisation de la loi foncière (traduction et publication en langues locales) doit être organisée :

o Actions grand public telles qu'émissions radio, diffusion de dépliants etc. Il serait notamment utile d'associer étroitement les groupements d'agriculteurs et d'éleveurs, ces 2 catégories professionnelles étant les principaux protagonistes des conflits recensés.

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o Sensibilisation des chefs coutumiers qui doivent être une cible prioritaire afin de bien délimiter les limites de leur compétence et d'en faire des relais d'orientation de la population. La Commission foncière doit être étroitement associée à toutes ces activités et devenir le point de référence des chefs coutumiers à la recherche d'information sur la matière foncière et ce afin de limiter l'effet pervers de « para juristes » qui pourraient s'arroger des titres indus et abuser la population.

3. Consolider le cadre légal en réglementant la gestion des terres des communautés locales

Dans la logique que tout doit procéder de la loi, il importe que cette dernière ne soit pas une 47œuvre inachevée au point de créer l'insécurité juridique .

En effet, si l'article 388 de la loi foncière reconnaît aux communautés locales un droit sur les terres qu'elles occupent, cultivent ou exploitent, la loi n'a jamais fixé le régime de gestion de ces terres. Cette situation laisse ainsi la voie à toutes sortes d'intrigue dans le chef tant des chefs coutumiers que des autorités administratives ou des politiques. Plus tôt ces terres seront complètement réglementées (un décret y suffirait) et les limites déterminées, mieux ce serait en matière de sécurisation foncière. Il faut dans ce sens effectuer un plaidoyer auprès des députés nationaux et du ministère des Affaires foncières.

4. Développer les stratégies coopératives entre les acteurs de la gouvernance foncière

Comme beaucoup d'autres territoires où le pluralisme juridique a cours, l'Ituri se trouve dans une situation de concurrence et méfiance entre les autorités coutumières et les autorités modernes (administration et justice). Par ailleurs, en termes de gouvernance foncière, ceux qui sont légitimes ne sont pas ceux qui ont la légalité pour eux et vice-versa : cette situation de disjonction entre la légitimité et la légalité est préjudiciable à la gestion des conflits fonciers, comme l'ont illustré les violences de Ariwara. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de promouvoir un rapprochement entre les instances de l'Etat moderne et les chefferies.

Au terme de l'article 207 de la Constitution du 18 février 2006, il est dit que « l'autorité coutumière est reconnue ». Elle constitue un maillon de la chaîne de l'organisation et de la gestion territoriales. L'article 388 de la loi foncière reconnaît également à l'autorité coutumière une compétence dans la gestion des terres des communautés locales. C'est la première autorité de proximité pour les populations rurales. Il nous semble dès lors indiqué, pour construire une paix durable dans l'ensemble du District et notamment dans les zones en conflits, de suggérer que l'Etat doive travailler en collaboration avec les autorités coutumières dans le cadre de la gestion et la prévention des conflits fonciers.

En effet, en termes de proximité, de connaissance du milieu et des hommes et des pratiques sociales, les autorités coutumières, reconnues par ailleurs par la Constitution, se présentent comme un maillon important de la chaîne administrative en matière de prévention et de résolution des conflits. Ainsi, par exemple, dans le cadre des enquêtes de vacance de terres avant leur concession ; les limites des collectivités ou des localités ; les pratiques de gestion et d'usage des terres des communautés.

Pourtant, ce sont ces pratiques et usages coutumiers qui régissent transitoirement les terres des communautés locales (art. 388 de la loi foncière). Aussi, l'administration foncière devrait s'appuyer sur les autorités coutumières pour de nombreuses tâches.

47 Voy. Kangulumba Mbambi, V., La loi du 20 juillet 1973 …, op. cit., p. 215

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Au plan judiciaire, les juridictions coutumières, supprimées par l'article 162 de l'ordonnance-loi portant Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires, ne peuvent légalement siéger pour trancher un conflit foncier. L'article 387 de la loi foncière dispose que les terres des communautés locales sont gérées et exploitées selon les usages et les pratiques locales. En cas de conflit, le tribunal de paix est donc seul compétent s'agissant des conflits fonciers individuels ou collectifs régis par la coutume (art. 110 du Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires). La place des tribunaux coutumiers se réduira donc au fur et à mesure de l'installation des tribunaux de paix. Une option pour les juges coutumiers serait de devenir assesseurs auprès des tribunaux de paix et d'être reconnus comme les médiateurs de première instance par les juges en matière foncière.

Cette coopération peut s'organiser dans le cadre de la Commission foncière qui doit s'élargir pour intégrer les chefs coutumiers et les magistrats qui entretiennent actuellement des relations de méfiance et de rivalité sur la question foncière. Au sein de cette instance, les chefs coutumiers et les magistrats pourront débattre des différences qui les opposent et inventer des voies de conciliation entre eux (par exemple, une meilleure prise en compte de l'opinion des chefs coutumiers dans les procédures d'enquête foncière menées par les tribunaux lors des litiges ou la mise en place de chefs coutumiers comme assesseurs au tribunal de grande instance de Bunia). Cette coopération vise à réconcilier la légalité contenue dans le droit positif moderne et la légitimité qui s'est réfugiée dans le droit coutumier.

5. Transformer la Commission foncière en instance de supervision des affaires foncières du district (évaluation de la tension foncière, règlement des conflits fonciers importants et définition d'une politique foncière districtale).

o Développer la représentativité de la Commission foncière Afin de toucher plus d'acteurs et d'être au plus près de la population et des acteurs économiques concernés par les conflits fonciers, il est recommandé à la Commission foncière d'intégrer en son sein des chefs coutumiers, des agriculteurs, des éleveurs, des grands exploitants, des représentants de coopératives s'il en existe, etc. Ainsi, cette instance pourra devenir un véritable cadre de concertation de tous les acteurs du système foncier. Il est également important d'intégrer des représentants du pouvoir judiciaire. La Commission foncière doit parvenir à réunir les administrations locales concernées, le pouvoir judiciaire, les chefs traditionnels, les acteurs du monde agropastoral et les ONG locales.

o Créer un instrument de suivi des problèmes fonciers et élaborer un bilan foncier du districtEn tant qu'instance réunissant les parties prenantes aux problèmes fonciers, la Commission foncière pourrait devenir un observatoire foncier. Capitalisant sur les résultats de la présente étude, elle serait une instance d'évaluation des nouvelles évolutions et des tensions foncières à l'échelle du district qui doivent être particulièrement surveillées dans les zones à forte densité humaine et dans les localités où des violences ont déjà eu lieu – toutes deux identifiées dans le cadre de cette étude. Ce rôle préventif peut être assuré grâce à la mise en place d'un baromètre trimestriel des problèmes fonciers qui reprendrait la typologie des conflits de cette étude, les localiserait très précisément, identifierait leurs protagonistes et comporterait des indicateurs permettant de suivre leur évolution (délivrance de nouveaux titres de propriété, plaintes, menaces, actes de violence, intervention de médiation, conciliation, arbitrage, etc.).

Ce baromètre serait l'outil de suivi qui s'inscrit dans le sillage de cette étude. Il constituerait le premier pan d'un bilan foncier du district qui intégrerait aussi l'information quant à la densité de population et de bétail, la fiabilité du cadastre actuel, l'existence et l'étendue du bornage, des terres immatriculées et non immatriculées, etc. Ces informations permettraient d'avoir une cartographie précise de la situation démographique et juridique des terres au niveau le plus fin, c'est-à-dire celui des localités.

Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

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6. Sécuriser et stabiliser les droits écrits et non écrits : une politique locale de Sécurisation foncière.

Forte de ce bilan foncier du district, la Commission foncière pourrait aussi contribuer à la définition d'une politique foncière locale fondée sur le consensus et de règlement des conflits fonciers susceptibles de dégénérer. Comme indiqué précédemment, les problèmes fonciers ne peuvent être réglés qu'au niveau local. De par sa composition, la Commission foncière aurait une forte légitimité et pourrait débattre et proposer des « mesures foncières spéciales » telles que l'abaissement des droits d'enregistrement de propriété (pour faciliter l'enregistrement des parcelles des pauvres), le lancement d'une campagne d'enregistrement des titres, le plafonnement des surfaces à la vente (dans les zones rurales où le surpeuplement menace !), la délimitation des territoires entre clans ou entre éleveurs et cultivateurs, etc. En fonction de leur nature, ces mesures nécessiteraient ou non l'aval de la capitale provinciale et seraient de toute façon mises en œuvre par l'administration locale. Sur la base du bilan foncier et d'expériences menées dans d'autres régions congolaises et africaines, la Commission pourrait élaborer des scénarii de politique foncière locale pour résoudre/atténuer les problèmes qui risquent de mettre en péril la paix actuelle.

Compte tenu de l'insécurité foncière généralisée qui règne en Ituri, il serait nécessaire d'organiser une vaste campagne d'enregistrement simplifié des terres et de régularisation des titres. L'administration foncière pourrait par exemple baisser les tarifs d'enregistrement et faciliter ainsi l'accès du plus grand nombre à cette procédure qui est souvent caractérisée par l'exclusion des groupes ruraux les plus pauvres. Lenteur, coût et complexité caractérisent et entravent l'enregistrement des propriétés foncières et elles pénalisent particulièrement les pauvres.

Afin de sécuriser et stabiliser les droits dans les zones particulièrement conflictuelles et dans un contexte de désordre foncier, les acteurs du foncier pourrait également mettre en œuvre le principe de la prescription acquisitive. Une telle approche pourrait reconnaître la possession paisible et continue comme source de propriété selon un délai pré-fixé et après consultation des autorités traditionnelles. Il s'agirait d'une formalisation administrative de la propriété qui ne donnerait pas lieu à une titrisation (l'obtention d'un titre foncier) mais à une reconnaissance collective (par les villages environnants et l'administration) de la propriété. Cette reconnaissance permettrait de sécuriser l'accès au foncier d'une grande partie de la paysannerie et d'atténuer le problème de l'inégalité foncière entre Hemas et Lendus qui empoisonne l'histoire du district depuis le début du XXème siècle. Cette solution conforme au principe « possession vaut titre » et mise en œuvre dans d'autres pays confrontés à de graves problèmes fonciers (Brésil) a l'avantage de ne pas compter sur la réactivation peu plausible d'une administration cadastrale dans un Etat fragile pour sécuriser les droits de propriété. La régulation bureaucratique du foncier implique une administration capable de réaliser un cadastre et de délivrer rapidement des titres fonciers inattaquables, ce dont on peut douter dans le contexte congolais.

La composition mixte et équilibrée de la Commission foncière en tant que force de proposition permettrait notamment d'écarter les soupçons de collusion qui pèsent systématiquement sur les agents des administrations foncières et décrédibiliseraient une telle opération si elle était lancée par l'administration. L'opportunité d'une telle campagne d'enregistrement/reconnaissance des droits ne peut in fine qu'être évaluée par des autorités locales, représentant toutes les sensibilités du district.

7. Instaurer des commissions locales d'arbitrage là où l'urgence se fait sentir

Là où des problèmes particuliers et urgents se posent et menacent de dégénérer en troubles, la Commission foncière pourrait instaurer des commissions locales d'arbitrage qui répliquent sa composition. Ces commissions seraient utiles, par exemple, pour les problèmes relatifs au foncier forestier entre Pygmées et exploitants forestiers dans la zone de Mambasa, pour les litiges récurrents entre éleveurs et cultivateurs dans le territoire d'Irumu ou encore pour régler des questions de délimitation de collectivités et de territoires. Les limites de ces entités doivent être fixées par la loi (projet de loi portant limites des entités décentralisées ou organisation administrative et territoriale de la République), ce qui risque de prendre longtemps et de laisser « pourrir des situations foncières malsaines ». Ces commissions locales d'arbitrage seraient une réponse à des situations d'urgence.

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ANNEXES

TERMES DE RÉFÉRENCE DE L’ÉTUDE (TDR)

Selon les termes de référence, l'étude vise notamment à :

- Recenser les différents types de conflits fonciers en Ituri, leur origine, leur localisation, leurs protagonistes, leurs causes, leur dynamique et leurs conséquences au niveau local ou régional ;

- Dresser un état des lieux des pratiques en matière foncière, des dispositions légales, des règles coutumières et des pratiques sociales relatives aux conflits fonciers en Ituri en vue d'identifier les mécanismes de régulation locale des conflits fonciers ;

- Décrire et analyser le fonctionnement des différentes structures judiciaires, administratives et coutumières compétentes en matière de conflits fonciers, de même que toute autre pratique formelle ou informelle visant à la résolution de ces conflits ;

- Analyser les interventions des ONG, des agences de coopération, de bailleurs internationaux et des autorités locales, et produire une cartographie détaillée des conflits fonciers ;

- Proposer une stratégie d'intervention intégrée pour résoudre ou prévenir les conflits fonciers, en tenant compte du contexte local et des différentes actions

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La prévention, la gestion et la résolution des conflits fonciers en Ituri est un domaine à peu près vierge de réflexions administratives et académiques. La spécialité de la question, sa sensibilité et le fait qu'elle n'a rebondi qu'à l'issue de tristes événements décriés rendent compte de l'absence de documentation écrite.Au niveau de la bibliothèque de l'ISP Bunia, si certains documents n'ont pas été pillés ou brûlés, les mémoires des étudiants n'ont pas suffi à apporter beaucoup plus de lumière. Nous avons ainsi recouru aux travaux de même type réalisés dans d'autres régions et circonstances, aux articles des quotidiens locaux de l'Ituri, à l'enquête probabiliste et aux interviews des personnes ressources .

Les données et les informations nécessaires à l'étude ont été collectées dans les cinq territoires du District de l'Ituri que sont Aru, Djugu, Irumu, Mahagi et Mambasa ainsi que dans la Cité de Bunia.

L'approche utilisée a été à la fois quantitative et qualitative. En d'autres termes, elle porte tant sur un certain nombre des personnes interrogées que sur les interviews avec des personnes ressources. Cette double approche a permis de connaître la représentation des conflits fonciers par la population du district tout en conservant la distance méthodologique indispensable à une lecture objective de la conflictualité locale. Cette représentation collective a été confrontée à des données objectives (données judiciaires et administratives, faits d'actualité présente ou passée, rapports, etc.) afin d'obtenir une vision dépassionnée et non partisane des conflits fonciers en Ituri.

o Choix des Sites de l'enquête, méthodes et procédures

L'enquête s'est déroulée sur l'ensemble du District de l'Ituri soit sur les Territoires d'Aru, Djugu, Irumu, Mahagi, Mambasa, et dans la Cité de Bunia. Dans chaque territoire, les sites suivants ont été sélectionnés :

- Chef-lieu du Territoire et Cité de Bunia ;

- Quatre villages dans un rayon au-delà de 10 km autour du chef-lieu de Territoire.

Le choix de chaque site d'étude a tenu compte de plusieurs critères, tels que l'accessibilité du site, la sécurité, la densité de la population.

o Recrutement et formation des enquêteurs

20 enquêteurs ont été recrutés pour mener l'enquête quantitative et qualitative. Ils ont été répartis comme suit :

- 2 enquêteurs pour Mambasa ; - 2 enquêteurs pour la Cité de Bunia ; - 4 enquêteurs pour le territoire de Djugu ; - 4 enquêteurs pour le territoire d'Irumu ;- 4 enquêteurs pour le territoire de Mahagi ; - 4 enquêteurs pour le territoire d'Aru.

Le choix des enquêteurs s'est basé sur les éléments ci-après :

- La connaissance de la langue du milieu ;- Le niveau d'étude, au moins diplômé d'Etat ;- Avoir participé au moins à une opération de collecte des données ;- Etre autochtone du milieu.

L'enquête proprement dite a été réalisée durant 15 jours. Cette période a été consacrée à l'organisation des focus-group et à l'administration des questionnaires individuels.

o Collecte des données quantitatives

L'enquête quantitative a été menée à deux niveaux : observation et collecte (A) et traitement et analyse des données (B).

MÉTHODOLOGIE EMPLOYÉE

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Observation et analyse

Au niveau de la communauté/villages/citésL'enquête a été menée dans les villages (milieu rural) et dans les cités (milieu urbain) qui ont connu des conflits fonciers ou qui présentent des risques élevés d'en connaître. Elle a permis de recueillir des informations relatives aux types de conflits fonciers, leurs origines, leurs localisations, leurs causes et leurs conséquences au niveau local ou régional.

Des entretiens avec les personnes-ressources de la société civile, des leaders communautaires, des responsables des églises, des personnes victimes des conflits, des associations et corporations professionnelles ont été menés dans chaque site sélectionné pour l'étude.

Au niveau des institutions L'enquête a touché tous les intervenants du secteur foncier. Elle s'est adressée aux autorités administratives, aux responsables des cours et tribunaux (magistrats, juge, avocats), aux responsables des ONG et aux bailleurs des fonds œuvrant dans le secteur foncier en vue de recueillir leurs avis et leurs propositions en matière de conflits fonciers.

Constitution de l'échantillonLa base de sondage pour cette étude a été constituée des listes des villages présentant des risques élevés de conflits fonciers. Ces listes ont été dressées avec le concours des informateurs clés de chaque territoire.

L'échantillon non probabiliste a été retenu compte tenu de l'hétérogénéité des territoires (situation géopolitique, ethnique et socio économique) et des contraintes liées à la collecte des données. Toutefois, il a été retenu que :

a. le choix de site d'enquête devrait tenir compte de l'accessibilité et la sécurité ;

b. dans chaque territoire les sites d'enquête ont été sélectionnés aussi bien dans le milieu urbain (ville et cité) que dans le milieu rural ;

c. dans le milieu urbain, le chef lieu du territoire ainsi qu'une autre cité où les risques de conflits fonciers sont élevés ont fait l'objet de l'enquête ;

d. dans le milieu rural, 4 villages à risque élevé aux conflits fonciers ont été sélectionnés dans chaque territoire en choisissant 2 villages représentant les principaux groupes ethniques ;

e. le choix des personnes à interviewer a tenu compte, dans la mesure du possible, du critère genre.

Dans chaque village ou quartier sélectionné, l'enquête a touché :

- 10 personnes ressources et leaders d'opinion dont : les notables (2), leaders religieux (2), le directeur d'école la plus importante du village/ quartier (1), le responsable de l'institution de santé de référence (1), le grand commerçant du village (2), un avocat (1) et autre leader ou personne ressource influente (1).

- 20 personnes victimes des conflits fonciers. La sélection de ces personnes a été réalisée par la méthode dite de « boule de neige » qui consiste à demander à l'enquêté s'il connaît un autre individu qui a été victime d'un conflit foncier et ce dernier sera à son tour interrogé.

- le chef du village ou du quartier,

- le responsable de la police du village ou du quartier

- l'administrateur du territoire /bourgmestre ou l'équivalent ;

- le responsable d'associations et corporations professionnelles dont les activités ont un impact réel dans la communauté (maximum 10) ;

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- le responsable au niveau des cours et tribunaux ;

- le responsable des ONG, agences de coopération et autres bailleurs de fonds.

Tableau n°A1 – Cibles de l'étude, types d'enquête et instruments de collecte selon l'unité d'observation et d'analyse

Unité d’analyse/unité d’observation

Personnes clés interrogées Type d’enquête Instruments de collecte

Personnes ressources et leaders d’opinion

Enquête quantitative Questionnaire individuel de type quantitatif

Personnes victimes des conflits fonciers

Enquête quantitative Questionnaire individuel de type quantitatif

Population Enquête qualitative (Focus group)

Guide d’entretien

1 Villages/ Communautés

Les associations et corporations professionnelles

Enquête qualitative Interview

Chef du village ou du quartier Enquête qualitative Interview

Responsable de la police du village ou du quartier

Enquête qualitative Interview

Administrateur du territoire /bourgmestre ou l’équivalent

Enquête qualitative Interview

Responsable au niveau des cours et tribunaux

Enquête qualitative Interview

2 Institutions (Intervenants dans le secteur foncier)

Responsable des ONG et autres bailleurs de fonds

Enquête qualitative Interview

L'échantillon de l'enquête a porté sur une trentaine de personnes dans chaque village ou quartier. Ainsi, au total 932 questionnaires ont été traités par les enquêteurs, auxquels se sont ajoutés 20 rapports de focus-group.

La réalisation de l'enquête quantitative a donc pris en compte deux grands groupes, à savoir les victimes des conflits fonciers (581 répondants) et les personnes ressources constituées des leaders communautaires (282 répondants).

< Les victimes de conflits fonciers >

Tableau n°A2 – Répartition géographique de l'échantillon des personnes victimes de conflits interrogées

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Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Caractéristiques Effectif %

Milieu de résidence du site

Cité 198 34,1

Village 383 65,9

Total 581 100

Territoire de résidence

Cité Bunia 60 10,3

Irumu 100 17,2

Mambasa 39 6,7

Djugu 118 20,3

Aru 124 21,3

Mahagi 140 24,1

Total 581 100

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L'enquête a porté sur 581 victimes de conflits fonciers. Plus de 65% des personnes interrogées vivent en zone rurale. La majorité des personnes victimes des conflits fonciers sont des hommes (82,1%). Cela ne veut pas dire que les femmes ne connaissent pas de conflits fonciers, mais qu'elles ne sont que peu souvent propriétaires des biens ou des ressources qui font l'objet des conflits fonciers.

< Les personnes ressources >Pour les personnes ressources, cette étude s'est principalement focalisée sur le milieu rural, qui représente les deux tiers de la population enquêtée. De manière plus détaillée, excepté Bunia qui est en milieu urbain et Mahagi où les milieux urbain et rural sont équitablement répartis, pour les autres territoires les personnes ressources interviewées sont majoritairement en milieu rural. A Irumu et Djugu par exemple, le milieu rural représente respectivement 95% et 84% des personnes ressources.

Tableau n°A3 – Répartition géographique des personnes ressources interrogées

282 individus ont été interviewés. Parmi eux, les notables et les leaders religieux ont été les plus représentés et ont constitué la moitié de l'échantillon. En dehors de ces catégories, ont été impliqués dans l'enquête, des commerçants, des responsables des écoles (12%) très influents en milieu rural, et ceux des institutions de santé.

La majorité des personnes ressources contactées sont de sexe masculin. Seulement 5% des personnes consultées sont de sexe féminin, ce qui dénote le non accès des femmes aux postes de responsabilité en République démocratique du Congo.

Les personnes ressources contactées sont assez instruites. 66,4% des hommes et 71 % des femmes ont soit le niveau secondaire, soit le niveau supérieur. Toutefois, il convient d'analyser le niveau d'instruction des notables et des leaders religieux, groupes potentiellement les plus impliqués dans la gestion des conflits. En analysant ces deux catégories, constituant la moitié des enquêtés, on observe de légères différences. En faisant le cumul, on s'aperçoit que 84% des notables sont soit du niveau primaire soit du niveau secondaire. Très peu de notables ont un niveau supérieur (7%). Quant aux leaders religieux, la configuration est semblable, sauf que la majorité d'entre eux a un niveau secondaire (57%). De même, la proportion des détenteurs d'une formation universitaire parmi les leaders religieux est de 19 points plus élevée que parmi les notables. Tableau n°A4 – Pourcentage des personnes ressources selon leur niveau d'instruction et sexe

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Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

Milieu de residence

Cité /Quartier Village Territoire

Effectif % Effectif %

Cité Bunia 18 100 0 0

Irumu 3 5,2 55 94,8

Mambasa 10 31,3 22 68,75

Djugu 9 16,4 46 83,6

Aru 20 40 39 66,1

Mahagi 30 50 30 50

Total 90 31,9 192 68,1

Sexe Niveau d'instruction

Masculin Féminin

Effectif % Effectif %

Sans niveau 6 2,2 0 0

Primaire 70 26,1 1 7,1

Secondaire 134 50,0 5 35,7

Supérieur/Universitaire 44 16,4 5 35,7

Formation professionnelle

14 5,2 3 21,4

Total 268 100,0 14 100

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La majorité des personnes ressources (85%) reconnaissent l'existence de conflits dans les contrées où ils vivent. Toutefois, 43 personnes ressources (14%) ne reconnaissent pas la survenance ou l'existence d'un conflit foncier. Ainsi, le dénominateur des tableaux statistiques sera de 239 au lieu de 282.

Traitement et analyse des donnéesLes données quantitatives collectées ont été codifiées, saisies et analysées par un statisticien et un démographe du « Centre des Recherches en Sciences Sociales desservant l'Afrique Subsaharienne » de l'Université de Kinshasa (CERDAS), avec des logiciels appropriés tels que l'Epidata pour la saisie des données et le SPSS pour le traitement de ces données.

o Collecte des données qualitativesQuant aux données qualitatives, elles ont été traitées conformément à l'analyse comparative des comptes-rendus des focus-group en vue de dégager une synthèse sur les opinions majoritaires en découlant. Dans chaque site, en milieu urbain et en milieu rural, les enquêteurs ont réalisé deux focus-groups réunissant les victimes de conflits fonciers, l'un réunissant les hommes, l'autre les femmes.

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Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

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o EnquêteL'enquête s'est déroulée en deux temps. D'abord, la conception et la consolidation de l'outil (7 octobre 2008 – 5 novembre 2008 Kinshasa) a consisté en la définition de l'échantillon des personnes à enquêter, de la composition du questionnaire, de la méthodologie. Ensuite, l'enquête proprement dite (novembre 2008 – Bunia) s'est déroulée du 5 au 30 novembre 2008 et a mobilisé 20 enquêteurs sur le terrain.

Un atelier intermédiaire a aussi été organisé. Comme les enquêteurs n'étaient pas en mesure de « restituer les résultats de l'enquête » avant le dépouillement, l'interprétation et l'évaluation des réponses, cet atelier a permis de recueillir les opinions de la Commission Foncière, de la Société Civile et de la FEC lors de la première journée, et lors de la deuxième journée, des délégués, des Enquêteurs et de l'Expert.

o Méthodologie particulièreEn vue de maximiser la qualité de l'information à recueillir et à éviter le subjectivisme, quatre types de méthodes ont été employés : quantitative, qualitative, focus-groups et entretien avec les personnes ressources. Toutes ces informations ont été à leur tour confrontées à la revue de la littérature sur les conflits fonciers en Ituri (journaux locaux de la province, des articles, mémoires et autres ouvrages publiés tant en Ituri, à Kinshasa qu'en Europe), faute de doctrine plus spécifique aux problèmes des conflits fonciers dans la région concernée.

o Difficultés rencontréesEn sus du manque de sources documentaires, la plus importante des difficultés, hormis celles inhérentes à l'organisation d'une activité d'une telle ampleur, en province, était celle relative à la sécurité et à la sensibilité de la problématique. En effet, les enquêteurs n'ont pu être déployés sur tout le territoire de l'Ituri en raison de l'existence de poches d'insécurité persistant dans certains territoires, à Djugu, par exemple. Les enquêteurs ne se sont déployés que dans les localités où ils ne couraient aucun danger. Pour les mêmes raisons, les Experts n'ont pu faire le déplacement sur les sites enquêtés.

Les conflits fonciers sont l'une des plus grandes préoccupations des pouvoirs publics et de la population dans le District de l'Ituri. Lorsqu'on l'évoque, le souvenir des tristes affrontements communautaires revient au point de rendre le sujet devient tabou et très sensible. Les entretiens ont souvent donné lieu à des débats passionnels qui ont rendu la collecte d'informations plus délicate. Toutefois, les enquêteurs ont été correctement accueillis partout et ont pu remplir leur tâche en faisant preuve de diplomatie avec les interviewés.

Enfin deux limitations ont contraint cette enquête. Contrairement au 1488 initialement prévues, 932 personnes ont été enquêtées. D'une part, tous les leaders associatifs n'ont pas pu être rencontrés faute de disponibilité. D'autre part, les questions de sécurité n'ont pas permis aux enquêteurs de se rendre dans toutes les zones envisagées.

DÉROULEMENT DE L’ENQUÊTE ET DIFFICULTÉS RENCONTRÉES

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Les conflits fonciers en Ituri : de l’imposition à la consolidation de la paix

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RCN Justice & Démocratie travaille en Ituri depuis 2004, et sur la question foncière plus spécifiquement depuis 2006.

Dans le cadre de son programme Gestion et prévention des conflits fonciers, qui consiste à appuyer les acteurs locaux compétents (services fonciers, commission foncière, acteurs de la société civile), RCN a mené une étude de terrain pour identifier les enjeux liés aux conflits fonciers dans cette région.

L'enquête a permis de recueillir les avis et témoignages d'un millier d'habitants et personnes ressources de l'Ituri, confrontés quotidiennement à la difficile question de l'accès à la terre, des normes à appliquer, et des divers modes de résolution des litiges fonciers.

Si la complexité de la question foncière ne permet pas d'être exhaustif dans le cadre d'une telle étude, RCN espère toutefois partager ici un travail utile aux acteurs congolais, ainsi qu'aux opérateurs internationaux désireux de soutenir la consolidation de la paix dans l'Est de la RDC, et dans le pays en général.

Le programme Gestion et prévention des conflits fonciers, incluant la présente étude, est soutenu par la Cellule de l'ordonnateur national du Fonds européen de développement (COFED) grâce au financement de la délégation de la Commission européenne en RDC.

Les conflits fonciers en Ituri : de l'imposition à la consolidation de la paix

R C N DÉMOCRATIE&JUSTICE

Cellule d'appui à l'Ordonnateur national du Fonds Européen de Développement

Cellule d'appui à l'Ordonnateur national du Fonds Européen de Développement

COFED