29 JUIN 2017 DÉFI SANITAIRE
Des outils pour la médecine de demain
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L’École polytechnique s’appuie sur un Centre de recherche de pointe
qui ras- semble 22 laboratoires, dont 21 unités
mixtes de recherche avec le CNRS.
Un Centre de recherche dynamique et reconnu
Regroupant 1600 personnels de recherche, le Centre de recherche de
l’X allie l’approfondis- sement des aspects les plus fondamentaux
de la recherche pour le progrès des connaissances au développement
de grands domaines plus appli- qués qui répondront aux enjeux
scientifiques, technologiques et sociétaux du 21e siècle.
Une stratégie de recherche organisée autour de 8 thématiques
L’École polytechnique a défini 8 thématiques dans sa stratégie de
recherche. Ces thématiques de recherche répondent à des enjeux
socié- taux et technologiques par le biais de projets transverses
et multidisciplinaires, auxquels sont associés les laboratoires de
l’École :
• Bio-ingénierie, biologie et santé • Concepts et méthodes pour la
société numérique
• Énergies, transports et environnement • Modélisation et
optimisation des systèmes
complexes • Marchés, innovation et relations science et
société • Matière et lumière en conditions extrêmes • Nanosciences,
matériaux innovants et
procédés efficaces • Structures et lois universelles
Chaque « Jeudi de la recherche de l’X » explore une de ces
thématiques.
Les défis pour la société de demain
Cette année, les « Jeudis de la recherche de l’X » explorent quatre
grands défis sociétaux : les défis climatiques, sécuritaires,
économiques et sanitaires. Aujourd’hui, c’est au tour du défi
sanitaire d’être illustré par des recherches effec- tuées dans les
laboratoires de l’X.
« Défi sanitaire : des outils pour la médecine de demain »
Tout le monde le sait, la santé est l’un des défis majeurs que
notre société se doit de relever, pour
LA RECHERCHE À l’X Benoît Deveaud, directeur adjoint de
l’enseignement et de la recherche
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de multiples raisons, que nous ne saurions toutes exposer dans ce
bref résumé. La santé est un défi technique compte tenu de la
complexité des mala- dies auxquelles nous souhaitons faire face, un
défi économique compte tenu de l’ampleur des consé- quences
financières à tous les niveaux, et un défi interdisciplinaire qui
appelle à de très nombreuses expertises.
Nous vous apportons aujourd’hui un éclairage sur certaines des
pistes explorées au sein des laboratoires de l’X pour améliorer la
santé de demain. Nous mettons pour cela en avant les travaux de
trois cher- cheurs : Marc Lavielle, mathématicien au Centre de
Mathématiques Appliquées, Hannu Myllykallio, biologiste au
Laboratoire d’Optique et Biosciences, et Jean-Marc Allain,
physicien au Laboratoire de Mécanique des Solides.
Marc Lavielle a mis au point, à l’aide de modèles ma- thématiques
complexes, des stratégies pour simuler et optimiser des essais
cliniques. De quoi évaluer et valider plus efficacement la
potentialité de nouveaux médicaments et traitements
thérapeutiques.
Hannu Myllykallio mène depuis des années des recherches sur les
mécanismes les plus intimes du
maintien du génome chez les micro-organismes. Ses études permettent
d’envisager de nouvelles voies pour lutter contre la résistance des
bactéries aux anti- biotiques.
Enfin, Jean-Marc Allain a montré que des sollici- tations
mécaniques spécifiques permettent de faire croître un tissu de
cellules issues d’un patient. L’im- plantation du tissu reconstitué
est une alternative aux greffes et prothèses, solutions limitées
par divers paramètres.
Grâce aux présentations des scientifiques de notre Centre de
recherche, véritable cœur et cerveau de l’École polytechnique, nous
espérons que ce nou- veau « Jeudi de la recherche de l’X » vous
permettra de mieux percevoir certaines des pistes de recherche pour
la médecine de demain.
Benoît Deveaud, directeur adjoint de l’enseignement et de la
recherche
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Marc Lavielle
Marc Lavielle est docteur en mathématiques de l’Université
Paris-Sud et depuis 2007, direc- teur de recherche à l’Inria. En
2016, il rejoint le Centre de Mathématiques Appliquées (CMAP, École
polytechnique / CNRS), où il prend la direction de l’équipe « Xpop
: modèles de population en sciences de la vie », équipe commune
avec le centre de recherche Inria de Saclay.
Les travaux de Marc Lavielle portent sur le développement de
nouvelles méthodologies pour la modélisation statistique,
essentiellement dans le domaine de la santé. Il a notamment
implémenté ses méthodes dans le logiciel Monolix qu’il perfectionne
en association avec plusieurs laboratoires. Monolix permet de
procéder à des modélisations et simulations pour étudier des
phénomènes com- plexes, comme la pharmacocinétique d’un médicament,
la dynamique d’un virus, ou encore l’effet d’un traitement. Pour
poursuivre le développement du logiciel, en assurer le support et
le convertir en produit commercial, la société Lixoft, spin-off
d’Inria, a été créée en 2011. Marc Lavielle apporte son concours
scientifique à Lixoft et valorise les travaux de recherche de son
équipe Xpop par du transfert régulier de technologies.
Marc Lavielle a reçu le Prix de l’innovation de l’International
Society of Pharmacometrics et le Prix de l’innovation Inria –
Académie des Sciences – Dassault Systèmes en 2015. Il est également
membre du Haut Conseil des biotechnologies au sein duquel il
promeut l’utilisation de bonnes pra- tiques statistiques pour
l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux liés aux
OGM.
Directeur de recherche Inria au Centre de Mathématiques Appliquées
et Professeur chargé de cours à l’École polytechnique
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Les dépenses de recherche et développe- ment des industries du
médicament doublent tous les cinq ans, alors que
le nombre de molécules approuvées diminue chaque année de près de
moitié. On estime ainsi que le développement d’un nouveau
médicament dure près de 12 ans, avec un coût proche de 2 milliards
d’euros.
Ces dernières années, la modélisation mathé- matique et la
simulation numérique se sont im- posées comme des techniques
incontournables pour l’aide au développement de nouvelles
molécules. L’utilisation de patients virtuels permet, in silico, de
simuler des essais cliniques et ainsi, de comparer différents
traitements à un placebo, d’optimiser un protocole expéri- mental
ou encore, d’évaluer les risques d’effets indésirables.
Les modèles mathématiques utilisés pour représenter l’effet et le
devenir d’un médica- ment dans l’organisme sont de plus en plus
complexes. Ils doivent être « mécanistiques » pour traduire
le plus fidèlement possible le phénomène physiologique étudié. La
modéli- sation de tels systèmes fait intervenir un grand nombre
d’équations et de paramètres, permet-
tant de décrire, au mieux, comment certaines cellules sont
infectées par un virus et produisent à leur tour des virus, comment
un médicament est absorbé et distribué dans l’organisme, com- ment
il est ensuite métabolisé puis éliminé…
Prendre en compte la variabilité entre les indi- vidus d’une même
population est également indispensable, notamment pour comprendre
pourquoi différents patients ne réagissent pas de façon identique à
un même traitement. Dans un futur proche, la pharmacogénétique
pourrait permettre au corps médical de délivrer une prescription
individualisée et d’optimiser les décisions thérapeutiques en
fonction du génome de l’individu traité.
Le Centre de Mathématiques Appliquées (CMAP, École polytechnique /
CNRS) déve- loppe de nouvelles méthodes pour aider le mo-
délisateur à construire efficacement des modèles mathématiques,
puis à les utiliser pour simuler des essais cliniques. Les
algorithmes mis au point par les chercheurs sont aujourd’hui im-
plémentés dans des logiciels largement utilisés, aussi bien dans le
monde de la recherche aca- démique que dans l’industrie
pharmaceutique.
Des modèles mathématiques pour aider au développement des
médicaments
Marc Lavielle
© Elena Carjaval
Hannu Myllykallio
Hannu Myllykallio est titulaire d’un doctorat de biologie de
l’Université de Pennsylvanie. Après trois ans de post-doctorat
financés par l’Union Européenne et l’Organisation Européenne de
Biologie Moléculaire (EMBO), il entre au CNRS en 2001 et obtient
son habilitation à diriger des recherches en 2002. Hannu
Myllykallio rejoint le Laboratoire d’Optique et Biosciences (LOB,
École polytechnique / CNRS / Inserm) en 2008 et devient Professeur
chargé de cours au Département de biologie de l’École polytechnique
en 2009.
Au sein du LOB, Hannu Myllykallio mêle bio-informatique et biologie
expérimentale pour caractériser le mécanisme d’adaptation
permettant aux micro-organismes de survivre dans des condi- tions
extrêmes. Il cherche notamment à comprendre comment ils parviennent
à préserver l’intégrité de leur génome dans de telles conditions.
Il a ainsi identifié de nouveaux composés, puissants et sélectifs,
capables d’inhiber la croissance des bactéries à l’origine
d’ulcères et de la tuberculose chez l’Homme. Actuellement, Hannu
Myllykallio et son équipe travaillent sur la caractérisation d’une
nouvelle voie de réparation de l’ADN, facilitant la lutte contre le
problème croissant de résistance aux antibiotiques.
Hannu Myllykallio a reçu en 2003 la Médaille de bronze du CNRS et
le Prix Coups d’élan pour la recherche française de la Fondation
Bettencourt-Schueller. Il a coordonné plusieurs projets ANR et
siégé au conseil scientifique de deux projets européens.
Directeur de recherche au Laboratoire d’Optique et Biosciences et
Professeur chargé de cours à l’École polytechnique
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Hannu Myllykallio
Les maladies infectieuses, provoquées par des micro-organismes
(bactéries, virus, parasites…), représentent une cause
majeure de décès dans le monde. Les infections bactériennes sont
généralement traitées par des antibiotiques, qui détruisent ou
bloquent la croissance des bactéries. Chez l’Homme comme chez
l’animal, le recours aux antibiotiques est cependant une pratique
très répandue. Tant et si bien, que les bactéries ont fini par
développer une résistance à la majeure partie des antibio- tiques
disponibles sur le marché.
La résistance bactérienne est une menace sans cesse croissante en
matière de santé publique. Les bactéries résistantes se retrouvent
partout, dans la nature et dans les hôpitaux, et il devient de plus
en plus difficile, long et coûteux de trai- ter les maladies qui
leur sont associées. Malgré cela, la recherche de nouvelles
molécules anti- biotiques, efficaces contre les bactéries résis-
tantes, représente moins de 5% de l’investisse- ment R&D des
industries pharmaceutiques. Il est donc devenu urgent de concentrer
les efforts de tous les acteurs de la recherche, industriels et
académiques, pour lutter contre ce fléau.
Le développement de nouveaux antibiotiques repose sur
l’identification de nouvelles cibles bac- tériennes, contre
lesquelles il est possible d’agir spécifiquement. L’équipe de Hannu
Myllykallio au Laboratoire d’Optique et Biosciences (LOB, École
polytechnique / CNRS / Inserm) a décou- vert une enzyme, ThyX,
essentielle à la synthèse du matériel génétique de nombreuses
bactéries qui infectent l’Homme. Plusieurs classes de composés
antibiotiques sont capables d’inhiber spécifiquement cette enzyme,
notamment chez les bactéries responsables d’ulcères et de la tuber-
culose. Ces molécules doivent encore être opti- misées avant de
pouvoir être testée lors d’essais cliniques.
Parallèlement, Hannu Myllykallio et son équipe tentent de décrypter
une autre enzyme, NucS, cette fois-ci impliquée dans la réparation
de l’ADN bactérien. Chez Mycobacterium tuber- culosis, la bactérie
qui provoque la tuberculose, cette enzyme élimine les mutations du
génome du micro-organisme, l’empêchant ainsi de déve- lopper une
résistance aux antibiotiques.
© Dr_Microbe
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Jean-Marc Allain
Jean-Marc Allain est ancien élève de l’École supérieure de physique
et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI) et docteur
en physique de l’Université Paris Diderot. Il intègre l’École
polytechnique en 2006 en tant que Maître de conférences au
Département de mécanique.
Au sein du Laboratoire de Mécanique des Solides (LMS, École
polytechnique / CNRS / MINES ParisTech), les travaux de Jean-Marc
Allain portent sur la mécanique multi-échelle des tissus
biologiques mous, comme les tendons, la peau ou la cornée. Les
propriétés mécaniques de ces tissus jouent un rôle crucial dans le
bon fonctionnement de l’organisme. Dans ces tissus, très pauvres en
cellules, les propriétés mécaniques sont supportées par des réseaux
de collagène et d’élastine, deux protéines fibreuses. En observant
l’évolution de l’organisation de ces fibres au cours d’essais méca-
niques, il est possible de relier finement la mécanique de ces
tissus à l’organisation des cellules qui les composent. Comprendre
comment les quelques cellules des tissus mous remodèlent les fibres
qui les entourent pour les adapter à leur environnement mécanique
ouvre de nombreuses applications dans le domaine de la médecine
régénérative.
Jean-Marc Allain a rédigé plus de 24 articles dans des revues
scientifiques de renom et un chapitre de livre. Il est également
titulaire d’un brevet déposé en partenariat avec le Laboratoire
d’Optique et Biosciences (LOB, École polytechnique / CNRS /
Inserm).
Chercheur au Laboratoire de Mécanique des Solides et Maître de
conférences à l’École polytechnique
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Jean-Marc Allain
Nous vivons de plus en plus vieux, de plus en plus longtemps. Le
vieillisse- ment de la population et l’augmen-
tation de l’espérance de vie sont deux phéno- mènes qui devraient
nous réjouir. À condition que nos corps suivent et restent en bonne
santé !
Plus le temps passe et plus nous avons recours à des opérations de
remplacement d’organes abîmés. Greffes et prothèses ne sont pas
pour autant des solutions idéales pour lutter contre le
vieillissement : nous faisons face à une pénurie importante de
greffons et les prothèses ont-elles aussi une durée de vie limitée.
Heureusement pour nous, il existe une alternative, l’ingénierie
tissulaire, qui consiste à régénérer ou remplacer les organes par
des tissus de culture, obtenus à partir de nos propres
cellules.
Parmi tous les tissus du corps pouvant être remplacés, les tissus
conjonctifs, ou « tissus mous » (tendon, aorte, cornée, peau…), ont
la particularité de contenir très peu de cel- lules. Ils sont
principalement formés d’une matrice extracellulaire, c’est-à-dire
d’un réseau de protéines fibrillaires (collagène et élastine)
entouré de biomolécules peu structurées.
En raison de la complexité de leur architecture, il est aujourd’hui
difficile de fabriquer des tissus de substitution qui présentent
directement les bonnes propriétés, en particulier mécaniques.
La solution ? Partir d’une matrice de rempla- cement, moins
structurée, mais contenant des cellules du patient traité. Dans des
conditions biochimiques et mécaniques favorables, ces cellules
modifient leur environnement. Le tissu est ainsi recréé à la
manière d’un processus de cicatrisation, puis réimplanté dans le
corps du patient.
Afin de contrôler l’effet des sollicitations mé- caniques
appliquées, il est nécessaire de com- prendre comment les cellules
les perçoivent et donc comment les fibres tout autour se réorga-
nisent. Un dispositif original a été mis au point pour observer le
comportement des fibres au cours d’essais mécaniques. Les résultats
obte- nus avec ce dispositif ont remis en cause les interprétations
les plus classiques de la percep- tion mécanique dans les tissus.
Ils ouvrent la voie à une description quantitative du remode- lage
mécaniquement-induit, ce qui permettra, à terme, d’apporter aux
tissus les sollicitations mécaniques nécessaires à leur
reconstitution.
© École polytechnique - LMS
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Contacts
Raphaël de Rasilly 01 69 33 38 97 - 06 69 14 51 56
[email protected]
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Raphaël de Rasilly 01 69 33 38 97 - 06 69 14 51 56
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