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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque H. Ey. C.H. de Sainte-Anne Les miracles devant la science / par Wilfrid de Fonvielle

Les miracles devant la science / par Wilfrid de Fonvielle

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Page 1: Les miracles devant la science / par Wilfrid de Fonvielle

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque H. Ey. C.H. de Sainte-Anne

Les miracles devant lascience / par Wilfrid de

Fonvielle

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Fonvielle, Wilfrid de (1824-1914). Auteur du texte. Les miraclesdevant la science / par Wilfrid de Fonvielle. 1880.

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Les FFMr~c~s devant la science.

Paris 1880

E. Dentu

Fonvielle W. De

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Symbole applicablepour tout, ou partie

des documents microf!)més

Original illisible

NFZ 43-120-10

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Symbole applicablepour tout, ou partie

des documents microfitmés

Texte détérioré reliure défectueuse

NFZ 43-120-11

1

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/<T~TZ~ZD <DjE' ~<92Vrj~~

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LESMIRACLESDEVANT LA SCIENCE

PARIS

E. DENTU, LIBRAIRE-ÉDITEUR

PALAÎS-ROYAÏ,, 4S.17-49, CALBRIED'QRL~NS

Page 8: Les miracles devant la science / par Wilfrid de Fonvielle

LES

MIRACLESDEVANT LA SCIENCE

Page 9: Les miracles devant la science / par Wilfrid de Fonvielle

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

La Mort (~pM~c), 4 vol. in-3!La physiquedes miracles (~pM~ 4 vol. in-~8Les merveilles du monde inTMiMo (8° ~<to~),

i vol.in-48. 3 fr. 25Comment se font! les miracles en dehors de

rtgUse (~ <o~ vol. in-<8. 3 fr. <

Kéridah, roman scientifique destiné à montrer lesdangers du spiritisme, 8 vol. in-~8 4 ir. 6~

Page 10: Les miracles devant la science / par Wilfrid de Fonvielle

i

PARIS

E. DENTU, LIBRAIRE-ÉDITEUR

Palais-Royat, 15, 17, 19, Galerie d'Orléans

i880Tous droits ~serves.

PAR

WILFRID DE FONVIELLE

LES

MI RACLE SDEVANT LA SCIENCE

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PRÉFACEft,.n~,

Ce livre n'est pas écrit avec l'intention de servirà écraser l'infâme ni de démontrerque le ctéricaMsmeest l'ennemi, car nous ne connaissonsd autre ennemipour la France que le peuple dont la morale se ré-sume par ces mots La force pr~Mc d~oï<. Nous nenous proposons ni de faire fermerune éco!e de frères,ni de faire renvoyerune seule sœurd'un hôpital fran-çais. Si nous prenons la plume en ce moment c'est aucontraire avedespéranceque nous pourrons contri-buer àcalmer l'agitation anti cléricate.

En effet, nous croyons fermement que les espritséclairés comprendront, après nous avoir lu, qui!sn'ont pas besoin d'avoir recours à des lois répressivespour empêcher des inteltigences ordinaires de croirea authenticité de textesportant l'empreinte de 1 exa-gération ou de l'imagination féconde de Iécr!v<un.

Kous avons surtout soif de vérité et nous réc!a<

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mons la liberté pour nos adversaires philosophiquesafin de pouvoir les atteindre plus sûrement, car nousne saurions en triompher si des esprits étroits s'avi-saient de les empêcher de parler.

On peut admettre que Voltaire' était assez intel-ligent pour connaître les meilleurs moyens deguérir les hommes de cette terrible contagion moralequi se nomme la superstition.

<

Cependantc'est à ce grand et admirable philosophe

que l'on doit cette belleet admirable parole

« Je demande qu'on ait le droit d'aller même a lamesse, ainsi le veut la liberté! !)

Si l'auteurdont le génie incomparable a symbolisé

un des grands siècles de l'histoire, s'est exprimé dela sorte, ce n'est pas seulement à cause de l'idée.de justice qui était toujours présente à son grand etlumineux esprit.

C'était aussi au nom des intérêts pratiques, etde ce que dans notre siècle utilitaire, on appelle lapolitique des résultats.

En effet le grand Voltaire connaissait trop bien lecœur humain pour souhaiter à ses adversaires l'au-réole d'un semblant de persécution.

On peut dire de la République ce que l'hommequi a franchi le Rubicon disait de son épouse. II nesuffit pas qu'elle soit innocente, il ne faut pas qu'elle-puisse être soupçonnée.

Nous devons en outre déclarer bien hautementque nous faisons une distinction essentielle entre lainorale ou la philosophie chrétienne, et tout le

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cortège mythologique de légendes apocryphes dontles livres saints sont remplis.

Si nous démontrons l'absurdité des miracles dontla folie ne le cède pas à celle des métamorphosesd'Ovide, c'est dans l'intérêt des vérités sublimesqui se trouvent compromises par le vêtementgrotesque et compromettant dont elles ont étéanublées.

En effet le catholicisme est animé par une philo-sophiesœur de celle des Descartes et des Riaton.

H est produitpar le besoin d'adorer les forces mys-térieusesde la nature auquel tous les grands espritsde l'antiquitéont obéi.

Mais ce n'est point la'foi du charbonnier quiaura la force de résister à l'exégèse dissolvante des.disciplesde Kant,d'Hegel ou de Darwin. Pourrepous-ser les idées allemandesde l'autre côté du Rhin nousdevons réformer nos croyances populaires, les-faire,passer au crible de la science, les écheniller, s'ilnous est permis d'appliquer à la théologie le terme.dont l'inimitable Voltaire se servait vis-à.visdeDieu.

Précisément à cause de la liberté absolue dontnous jouissons, nous sommes tenu d'empocher.qu'on ne tire de nos critiques un sens qu'elles nesauraient posséder. Nous devons donc nous empres-ser de déclarerque la religion, dont nous allons ana-lyser les monuments vénérés d'une façon malheu-reusement trop sommaire, est certainement la plusadmirablement constituée qui ait paru sur la terre.Loin d'être une œuvre d'imposture et de mensonge,elle est le fruit des enbrtscombinésde puissants gé-

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nies, animés du désir de rendre l'humanité digne duCréateur de l'univers dont elle parait être la plussublime image et l'ceuvrc la plus favorisée.

Les erreurs incontestables que nous allons mettreen lumière ne prouvent point que cet ensemble aitété formé dans un but d'esclavage, d'astuce, etd'oppression.

Si nous les énu nierons, c'est afin de montrer qu'ilest impossible de s'attacher au sens littéral des tex-tes sacrés,-et que c'est compromettre tout l'ensemble

que de justifier une série d'absurdités contraires auxprincipes incontestables de la science de la nature.

Quelque faible que soit notre voix, il nous a paruargent de la faire entendré à une époque où il s'agitde recueillir les fruits légitimes de la Révolution fran-çaise, et sous peine de retomber dans une nouvelle.anarchieoùnotrenationalitéelle-mômepourraitpérir,~'accomplir les destinées finales de la philosophie.

Nous procéderons donc d'une façon impartiale ài'e~amen rapide de poétiques légendes, au milieudesquelleson a bercé notre enfance, et qui entourentles origines de l'histoire d'une auréole pleine de gran-deur, mais qu'il y aurait une multitude d'inconvé-nients de toute nature à considérercomme possédant

un degré quelconque d'authenticitévéritable. «

Nous serons donc conduit à faire toucher du doigt

une série d'impossibilités dont la foi la plus docile

ne saurait triompher sans supposer que l'auteur de

toutes choses a agi dans mille circonstances avec unelégèreté et un défautde suite qu'on ne toléreraitpointchez de simples particuliers. Si le Créateur des

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mondes s'était avisé d'exécuter tous les tours de

passe-passe qu'on lui prête, il donnerait quelque droitde dire que fatigué de ses longs travaux, et ayantfini par tomber en enfance, il mérite d'être interdit

par la race ingénieuse qui, après avoir découvert lapoudre, a imaginé la vapeur et l'électricité.

Le but de ce travail ne sera pas de rendre l'idéephilosophique et humanitaire du christianismesoli-daire des erreurs que nous constatons dans les livressaints.

Bien au contraire, notre critique n'aura pour butque de faciliter une métamorphoserendue nécessaire,et d'aider l'idée religieuse à quitter la forme gros-sière sous laquelle elle étouSe dans ce siècle delumière, écrasée sous les entraves d'une chimériqueincarnation.

Puissent les âmes vraiment touchées de l'amourdu prochain et de reconnaissance pour l'auteur detoutes chosescomprendre qu'elles ne sont pas réduitesà faire appel à un merveilleux qui craque de toutesparts pour résister aux entreprises de l'égoïsmeetde l'orgueil. Les préceptes du Christ n'ont pas besoinqu'on admette les miracles dont on a surchargé lavie de leur auteur pour nous pénétrer d'admiration.

C'est ainsi que la gloire d'Homère n'est point in-téresséeaux recherches du Prussien qui retrouve lestrésors probloenatiques de Priam, ou que le. talentd'Ovide ne peut être diminué par l'absurdité des mé-tamorphoses qu'il chante en vers si harmonieux.

S'il nous est permis de juger les autres par nous.même nous n'avons commencé à admirerréellement

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le fond des grandes vérités morales et sociales quiconstituent la base de la religion de nos pères, qu'àpartir du moment où nous les avonsdébarrasséesdesscories dont la superstition les a environnées.

Nous n'avons vu briller le caractère véritablementdivin de ces dogmes, que lorsque nous avons com-pris qu'ils s'étaient lentement formés par le travailde la constante révélation que la suprême sagessefait aux hommes de sens, et que la forme progressivequ'ils avaient révolue était proportionnée à Inintelli-

gence des peuples auxquels ils étaient plus particu-lièrementdestinés.Alors nous avons commencéà fairelechoix de ce qui est essentiel, vital, vivifiant,d'ouvrirle fruit pour trouver l'amande et de ne pasnous ima-giner qu'il soit nécessairede nous nourrir del'écorce

épaisse dont la noix spirituellea dû être enveloppée.Mais nous ne serons point condamné comme nous

l'étions du temps de l'empire, par !a complicité desautorités laïques, à( nous attacher à discuter lesdétails des escamotages ou des supercheriesvulgairesqui ont si longtemps préoccupé le public; nous n'au-rons môme point à mentionner les noms de ces nou-veaux pèlerinages et de ces sanctuaires privilégiés quidéshonoreraient la foi des confesseurs et des apôtress'il était possible d'assimiler ces héros de vertu,avec les misérables courtiersmarrons d'une supersti-tion de bas étage.

Ceux qui rabaissent et rapetissentlaBibleet l'Évan-gile, ce sont les charlatansorthodoxes qui se rendentinvolontairement complices des matérialistes en ra-valant ainsi leurs symboles au niveau d'un &omMeM<

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A l'usage des marchands patentés d'eau miracu-leuse.

En effet, l'espèce d'adoration superstitieuse quetant de gens affichent encore pour des détails qui nese peuvent justifier est surtout préjudiciable à Tin-fluence moralede l'idée philosophique renfermée dansles dogmes anciens. Beaucoup d'esprits éclairés mais

un peu trop prompts dans leurs jugementsrejettent<en bloc un ensemble dont certaines personnes, sousprétexte de piétisme, semblent prendre plaisir àexagérer les moindres défauts.

L'aversion qu'inspirent ces pratiques est exploitéepar des réformateurs impatients, ne comprenant pasassez la nécessitéd'éviter un bouleversementd'autantplus dangereux, qu'il pourrait compromettre nosinstitutions républicaines et nous faire perdre encoreune fois comme en i848, le fruit d'une révolutionprovidentiellegaspillée par trop de précipitation.

Quoique courte et rapide notre analyse suffira,

nous l'espérons du moins, pourenlever à ces exaltésle prétexte d'obliger les pouvoir publics à faireabstraction des grands principes nécessaires de tolé-

rance et de liberté, sans lesquels les principes de4789 sont un mensonge et la République un motvide de sens et un symbole ironique. Si nous avonscombattu les excès de la Commune vis-à-vis duclergé, et si nous répudions les intempérances de sesrouges apologistes, ce n'est pas seulement parce quenos sentiments d'honnêteté politique sont révoltésquand notre humanitén'est point scandalisée.

Ce qui nous indigne et nous alarme à la fois, c'est

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la perspective d'une recrudescence nouvelle de îafolie de la croix si de prétendus défenseurs de laphilosophie s'avisaient de se rendre solidaires de ceshorreurs par une admiration intempestive des excèsdont le monde civilisé a tressaiiïi.

Si des hommes d'un génie parfois puissant ontaccepté sans réticence des croyances entachées detant de lacunes et de contradictions, il faut recon-naître iranchement une grande vérité fondamentalesur laquellenous demanderons la permissiond'attirerl'attention de tous les esprits sains.

On a le droit légitime d'en tirer la conclusionque,somme toute, malgré les erreurs ou les naïvetés quidéparent la foi, cet éhmdes ames sensibles et naïvesrépond à un des grands côtés de la nature humaine.Est-il en eftët quelque chose de plus sublime que lesaspirations d'un être imperceptible pour l'éternité,l'infini, l'absolu!

Mameur à ceux qui ne se sentent point touchés

par l'élan et la conviction des martyrs, par la forcesereine avec laquelle les vierges sont descenduesdans l'arène pour confirmer la foi qui les animait.Le seul vœu que l'on puisse formuler en présence de

ces gigantesques souvenirs n'est-il pas que la philoso-phie et le patriotisme, l'amour du devoir, dela familleou de l'humanité,puissent jamais inspirer de si admi-rables dévouements?

Ce n'est point tomber dans un excès d'enthousiasme

qued'espérerque la raison finirapar dégagerla véritécontenue dans ces légendes comme la chimieparvientà extraire le parfum renfermé dans les fleurs.

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Est-ce se iaire une illusion coupable ou dange-reuse que de croire que l'heure viendra bientôt,où il ne sera plus nécessaire d'accepter ces dogmes

avec le cortège des fables ridicules qui ont été ima-ginées pour les faire accepter par des esprits incultes,incapables de tout discernement ?2

Nous ne craignons pas d'ajouter que notre am-bition va plus loin encore, et que nous espérons queles temps sont prochesoù l'humanité, affranchie parle triomphe définitif de 1 idée républicaine, assisteraà la réconciliation définitive de ces deux sœursjumelles, la Religion et la Philosophie.

Les enseignementsde Ia Bible et ceux du NouveauTestament seront-ils moins sublimes parce qu'ilsseront inspirés parla sagesse qui animait les Socrateet les.Platon ?

La religion elle-même ne saurait-elle obéir à cettetransformation des autres sciences qui a détruit l'as-trologie pour la remplacer par l'astronomie, Falchi-mie pour lui substituer la physique, etc., etc. ?

L'intervention d'une causeintelligente et bienfai-sante est écrite en caractères trop faciles à lire dansl'organisation des hommes et des animaux qui peu-plent la surface de la terre et dans l'ensembledes loisorganiques auxquelles obéit le monde, pour qu'il yait lieu de redouter qu'elle soit obscurcie par l'inva-sion du rationalisme dans le domaine de la foi

Si l'idée de Dieu et du devoir ne se trouvait enquelque sorte compromisepar des pratiques supers*titieuses ou M voles qui sont recommandées auxcroyants, nous aurions continué paisiblement les tra-

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vaux bien différents qui nous occupent et nous nenous serions point distrait des recherches auxquellesnous nous sommes entièrement adonné.

Mais il nousa sembléque nousdonnerionstropbeaujeu à l'athéisme en nous abstenant de montrer quela cause de la philosophiespiritualistene saurait êtreconfondueavec cellede sectairesentichésde traditions.absurdes, ou attachant une importance exagérée àdes textes rédigés par des poètes ne pouvant avoiraucun souci de la vérité historique; ou de la réalité.

Il a paru dans ces derniers temps des ouvragestellement absurdeset compromettanttellement ridéereligieuse, qu'il était nécessaire de protéger lesfidèles en attaquant les erreurs dont de maladroitsapologistes font autant d'articles de foi.

Jamais il n'a été plus indispensable de montrerque si la République pouvait à la rigueur se passerdes républicains, la religion pouvait encore mieuxse passer des prêtres qui depuis plus d'un sièclel'ont compromisepar tant d'excès.

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MIRACLESDEVANT LA SCIENCE

1

LE PARADIS TERRESTRE

L'idée du paradis terrestre est incontestablementun magnifique symbole, qui s'estprésenté naturelle-ment à tous les créateurs de religion,mais il est im-possible de soutenir un seul instant que cette fableait une valeur scientifique quelconque.

En effet, la force créatrice et réguiarisatrice dumonde a créé les carnivores avec un intestin et desdents qui ne convenaient point au régime végétalà moins d'admettre que ces espèces n'aient changéde constitution anatomique après la chute, il fautreconnattre qu'elles n'ont pu faire un seul repas

LES

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sans. manger de la chair tuée. Il serait moins dérai-sonnable peut-être de soutenir qu'elles ont été ré-duites à ne point se nourrir du tout, hypothèsed'uneabsurdité suffisante pour que nous puissions nouscontenter de son simple énoncé comme unique réfu-tation mais il. n'est pas superflu de constater quecette conception' bizarre est bien loin de contribueràla glorification de l'auteur de toutes choses,car elle lecalomnie pour ainsi dire puisqu'elle empêche de re-connaître une des plus grandes lois de la nature,cellequi montre le mieux Inexistence d'un ordre combiné

par une intelligence supérieure.Il est facile en eSet de constater que la voracité

des carnivores entre dans le plan général du Créa-teur comme faisant contrepoids à la fécondité desherbivores.

La force de propagation de certaines espèces inof-fensives de rongeurs est même si grandeque les ani-maux les plus paisibles peuvent quelquefois passerà l'état de fléau, quand ils triomphent des causes dedestruction chargéesde maintenir l'équilibre.

Un colon d'Australie ayant eu la malencontreuseidée d'introduire dans sa campagne un couple delapins,ces pacifiques animaux pullulèrent d'une façonsi effrayante qu'ils devinrent un véritable fléau ren-dant inhabitables certains cantons de ~Australie.Vainement l'on emploierait les moyens violents, telsque le poison, car le nombre des cadavres est tel quel'air se trouve infecté par la putréfaction. La plaiedes lapinsque Moïse n'avait point imaginée prend desproportions si prodigieuses que les moutons meurent

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de faim dans les régions infestéeset que les hommes

eux-mêmes sont obligés de fuir soit devant les des-tructions produites par la dent de ces ennemis d'unnouveau genre, soit devant la contagion. à laquelleleur extermination donne lieu.

Toutefois l'on aurait grandement tort de tourneren ridicule le mytheà la fois gracieux et profond du

paradis.Tout en niant sa réalité, l'on doit reconnaître qu'H

peint admirablementle repos et la simplicité qui de-vaient régnerdans le monde tout frais éclos du chaos.Il semble en euet que la terre commel'homme qu'elleporte ait eu une jeunesseinnocente,hélas! bien loindenous, et dont de longs siècles de douleur séparaientdéjà l'antiquité la plus reculée. On ne se plaint pointqu'Ovide dans ses Métamorphoses en ait retracé untableau si enchanteur, pourquoi donc nous indignercontre l'ignorance du prophète qui nous a décrit lesjoies du paradis d'une façon plus poétique et plusnaïve encore? Tout en niant la vérité historique decette légende, sachons admirer la beauté du romanbiblique et l'art avec lequel Moïse a exploité le regretdu temps qui n'est plus.

Les adieux d'Andromaque,ce morceaucélèbredanstoute l'antiquité, nedonnaientpas de la tendressecon-jugale une idée plus haute et plus sainte que la fablequi fait créer la femmeà l'aide d'une côte de l'homme.Mais quel est l'anatomiste assez partisan de l'exacti-tude absolue de la Bible pour ne pas voir que cetteexplication est absurde parce que notre squeletteest resté incontestablement tel qu'il a été créé, à

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moins que la corrélation des organes et du balance-ment de leur développement ne soit une chimèreéclose dans le cerveau de ceux (lui l'ont imaginée.Si l'on y regarde de près, ce miracle nécessitebeaucoup de petits miracles de détail dont le livre~aint se garde bien de parler et qui sont tout à fait~n désaccord avec les lois les plus sûres de l'anatomie.

Il en est de même de la transformationque subit leserpentpourpunition d'avoir tenté Eve. En effet pourque l'animal coupable d'un tel subterfuge ait étécondamné à ramper après cet événement, il faut qu'ilait eu des pieds ou des pattes avant dé démériter deJéhovah; mais comme tous les détails de sonsquelette sont adaptés à la reptation, il est im-possible d'admettre qu'il ait jamais possédé lesmembres dont on prétend que son châtimentl'a privé.On ne sauraitnon plus soutenir qu'il ait étécondamnéà manger de la poussière parce qu'aucune espèceconnue de reptile ne vit actuellement de la sorte, àmoins de supposerqu'il n'aitpu s'habituerà ce régimeet que Jéhovah le prenant en pitié, après un jeûne.assez prolongé, lui ait permis d'en changer.

L'organisation du serpent n'a rien qui semble lerésultat d'une dégradation plus ou moins analogueà celle dont le récit mosaïqueprétend qu'il fut frappé.Rien n'empêche en effet que cet animal se dresse detoute sa hauteur avec une facilité dont le quadrupèdebéni qui servit au triomphe du Sauveur ne seraitpoint susceptible. Il peut parcourir le sol avec unevitesse parfaitement suffisante pour se poster auxendroits où son expérience lui apprend qu'il est avan-

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tageùx de s'embusquer,Il peut nager aussibien qu'unpoisson, passer,traverser les fleuves qui se trouventsur son chemin; il grimpe le long des troncs d'arbre.aussi facilementqu'un singe, il se lance sur sa proiequand elle passe avec une rapidité qu'un trait seulpourrait égaler.

La manie de déterminerle lieu où le paradis ter-restre a été placé est une de celles qui ont le plus faitobstacleau progrès de la géographie.Carellea couru~rand risque de s'embrouiller elle-même pour tou-jours en essayantde débrouiller une série de traditionsconfuses reposantsur des contresens,des falsificationsde texte ou des oblitérations. Afin de retrouver tousles fleuves dont la Genèse indique la place d'une.façon plus ou moins confuse, on a été jusqu'à sup-poser que ces neuves coulaient sous terre pendantune fraction plus ou moins longue de leur cours, etqu'ils surgissaientde nouveau dans des pays lointainsaprès avoir traversé des mers profondes, trajet long,dimcile et ténébreux mais nécessaire pour le respectde Ia~ tradition mosaïque et l'infaillibilité du textesacré. H n'y a presque point de partie du monde oùl'on n'ait été chercher le lieu de 'délices dont lacuriosité d'une femme nous a bannis. On a es-sayé de le découvrirdans toutes les parties de l'Asie,dans les régions encore inaccessibles de l'Afrique, enEurope, et même, qui le croirait? jusqu'en Améri-<me. Bien entendu cette dernièrè opinion est relati-vement nouvelle malgré la fécondité de l'imagina-tion de certains Pères, elle n'a point précédé iadécouverte de Christophe Colomb.

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Quelques-uns même se sont imaginé qu'il étaïtsage de le placer hors de la terre. C'était en effet leplus sûr moyen de se débarrasserde toutes les inco-hérences dont la tradition sacrée était visiblementchargée. Ce procédé se présentait d'une façon d'au-.tant plus naturelle qu'à cette époque, bien antérieureà l'inventiondes ballons, l'air était encore tout à faitinexploré.

La plupart des auteurs qui ont donné au paradisune situation céleste étaient de l'opinion que la terreest immobile au centre de l'univers, et que Je firma-ment est formé de plusieurs étages habité chacunpar une planète principale.

Mais ceux qui ont pris ce parti assez sage, quoiquel'Eglise ne l'ait point sanctionné, ont compris lanécessité de s'écarter le moins possible de notre terrepour y placer le paysnatal de l'humanité. Au lieu de letransporter jusqu'au soleil, ce qui ne leur aurait pascoûté plus cher, ils se sont contentés de le placerdans la lune où les poètes ont, comme on le sait,entassé tant de choses, et où le public de nos joursaime tant à voyager.

Deux autres opinions méritent d'être signaléesl'une consiste à prétendre que le paradis se trouveau pôle nord et que la chute d'Adam a été accom-pagnée de l'accumulation des glaces qui en rendentl'accès impossible. En adoptant cette manière de voiril serait sans doute plus sage de songer au pôle an-tarctique qui est beaucoup plus formidable quel'autre et qui possède incontestablementdes montsd'une hauteur prodigieuse.

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H est étonnant que parmi tous les raisonne-ments qui ont été imaginés pour soutenir l'utilitéde l'expédition que des Italiens vont ydiriger, nuHeallusion n'ait été faite à une tradition évidemmentdenature à engager les navigateurs à persévérer dans

une entreprise aussi dangereuse.w

Mais, la foi active et patiente des anciens âgess'est éteinte chez les esprits, qui capables de s'inté-resser à des expéditions de ce genre, forment l'élitede l'humanité.

La seconde opinion admise est celle qui place leparadis dans un lieu souterrain d'ou la chute de nospremiers parents nous a tirés.

Nous dirons que cette doctrine qui fait du séjourd'Adam une sorte de Champs-Elysées, avait surtoutdes chancesde réussir auprès des peuples du Nord.

En effet, les Groenlandais mettent dans l'intérieurduglobenonseulement le séjour des premiershommesmais celui des bienheureux.

Persécutés pendant toute leur vie par une tempé-ratureglaciale, ils pensent que la principaleconditiondu bonheur est de se trouver à l'abri de si cruelles at.teintes. Ils aspirent à fuir loin d'un soleil presque tou-jours impuissant à les protéger contre le froid. `

L'homme a beau faire, son imagination dans sesplus grands écarts est esclave des forces brutales etinconnuesde lanature, à laquelle son corps lui-mêmen'échappe pas un seul instant mêmeau milieudes ca-pitales de la civilisation la plus raffinée.

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II

LES ORIGINES DE LA CROYANCE AUX GÉANTS

L'existence des géants se retrouve dans toutes les~mythologies. Il n'est personne qui ne sache que larévolte des Titans contre l'Olympe faisait partie ducredo des pontifes de l'ancienne Rome.

Pendant bien des siècles les philosophes ont pucroireque la généralitéde cette croyance pouvait êtreconsidérée comme indiquant qu'elle avait une sortede fondement sérieux.

Mais l'étude de l'anatomie comparée a montréque la fonction circulatoire par exemple ne peut s'o-pérer d'une façon normale chez ces êtres excep-tionnels, qui ne sont que de véritables monstres inca-pables de se perpétuer d'une façon régulière. Legigantismene se produit qu'aux dépens des facultés-corporellesou animiques et porte préjudice à la con-servation de l'êtreainsi qu'à sa reproduction normale.

Sans avoir la prétention d'apporter dans ce genrede recherchesune grande précision, on peut dire quela taille du fameux géant chinois de l'Expositionuniversellesemble être une limite,que jamais géantsréels n'ont jamais dépassée.

Encore ces êtres exceptionnels seraient-ils hors

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~'état d'exercer un art ordinaire et de gagner leurvie à la sueur de leur front. Ils périraient probable-ment tous s'ils n'avaient le moyen commode de vivre.auprès de quelque prince, ou en s'exhibant dans desbaraques de charlatans.

Mais la science de la nature ne s'est pas bornée àdémontrer l'impossibilité de l'existence d'une raceméritant le nom de géants.

Les squelettes que l'on prétendait en avoir décou-verts ont toujours été reconnus tôt ou tard commeayant appartenu à des espèceséteintes d'animaux degrande taille,maisn'ayantaucun rapportavec l'huma-nité. Généralement ce sont des os de mastodontesqui ont eu l'honneur posthume d'être considérés

comme ayant appartenu à nos ancêtres.Actuellementles apologistesde l'authenticitéabso-

lue des livres saints sont obligés de se priver duconcours que leurs prédécesseurs croyaient trouverdans les découvertes de la géologie.

Bien plus,cette science a retourné contreeux d'unefaçon définitive et terrible, lesarmes dont ils s'étaientsi longtemps servis avec un certain succès. Quoique

Écriture soit généralement peu claire dans les expli.<~tions qu'elle donne, elle se prononce d'une façonassez nette sur l'origine de ces êtres dont l'existenceest affirmée par toutes les mythologies et auxquels

on attribue quelquefois des œuvres dues à 1 actionrégulière des agents naturels telles que les colonnesformées par la dislocation des couchesbasaltiques.

En effet Moïsenous apprend dans les premiers cha-pitres de la Genèse que les géants sont sortis du com-

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merce des filles deshommes et des génies. Ils appar-tiennent à la race que les païens appelaient desdemi-dieux.

Les écrivains chrétiensqui ont cherché à expliquerde quelle manière ce miracle avait pu se produireont été tous fort embarrassés. La plupart à boutde ressourcesse sont bornés à énumérer les traditionspaïennes et à rappeler le nombre immense d'intri-

gues adultères que Je roi des dieux avait eues avecde faibles morte!!es, soit en se déguisant en cygne,soit en prenant la forme d'une pièce d'or, soit enfaisant éclater sa foudre pendant le sommeil de lafemme qu'il avait choisie.

Les révérendscommentateurs de ces passages sca-breux de la Genèse ont plus d'une fois fouillé dansla collection du musée secretde Nap!es, où les Bour-bons ont recueilli une foule de dessins extraordinai-rement lascifs, dévoilant aux regards des simplesmortels les amours des dieux.

Cette manie d'étudier la façon dont les géantsde Jkt Bible ont pu être engendrés n'est qu'indécente,mais elle n'est pas sans avoir produit la mort d'ungrand nombre d'innocents à l'époque où l'on croyait

aux sorciers et aux sorcières, où les inquisiteurs en-voyaient au feu les misérables accusés d'assister ausabbat. En effet la foi absolue dans la vérité titté-rale des passages si clairs du livre saint était invo-quée comme une preuve sans réplique démontrantque les démons incubesou succubes pouvaient entre-tenir des rapports charnels avec les filles d'Eve,quelquefois même en présence de leurs maris. On

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tnouvait inôtne de pauvres folles, épuisées par latorture ou hallucinéespar la prison, (lui consentaient

a confesser le crime supposé pour lequel on leslivraitau bourreau.

Rien n'est plus curieux que de lire les raisonne-ments à l'aide desquels le bon et crédule dom Calmetcherche à justifier cette partie de l'Ëcrîture. Il rap-pelle naïvement qu'Homère nous décrit le cyclopePolyphème, dont la force était si grande qu'il rou-lait une roche que vingt chariots auraient eu du malà lever de terre. Il citeégalement les noms des géantsCthus et Ephialtés,en prenant soin d'ajouterque leurcroissanceavait été précoce, car à l'âge de neuf ansils étaient déjà trois ou quatre fois plus gros et plushaut que le Goliath de la Bible qui n'avait que dixpieds de hauteur.

Il rapporte encore un passage de Plutarque quiraconte que lorsqu'on trouva le corps du géant An-thée dans la ville de Tanger, on s'assura qu'il avaitune longueur de soixantecoudées.

Mais suivant une tradition de l'Église, Adam lui-même aurait pu servir d'exemple au docte bénédic-tin.

Les rabbins renchérissent encore sur les chré-tiens. Il y en a quidisent qu'il avait une taille si prodi-gieuse que son ombre s'apercevaitd'unboutdu inondeà l'autre, mais que depuis sa faute Dieu étendit samain sur lui et le réduisit à la mesure de cent aul.nes. D'autres prétendent qu'il n'avait primitivementque cette hauteur, qui suffit pour enrayer les angeset que c'est à leur requête que la taille de notre pre-

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mierpére fut réduite à celle d'un tambour-majord'untde nos plus beaux régiments.

Tout le monde demeured'accord que Dieu vou-lant le faire à son image n'avait pu le faire que par-Mtement beau. La statue de l'Apollon du Belvé-dère ou celle du Jupiter de Gaza ne sont que de&ébauches grossièresauprès du morceau de chair quireproduisait les traits de Jéhovah.

Des écrivains orthodoxes qui se piquent. d'en-visager les chosesau point de vue du bon sens fontremarquer que les premiers hommes avaient letemps de crottre puisque leur vie était beaucoupplus longue que celle des éléphants ou même descorneilles, contrairement au célèbre axiome de lagrammaire latine « ~re~or est ~o~~M~ ~«x~Mcor-mCMMt vita. »

En effet Adam pour sa part avait vécu neuf centtrente ans.

Les autres personnages de !a Genèse se trouventdans le même cas. Cette explication, quelque simple

que ces sagaces écrivains la supposent, se trouvecontredite par l'étude de la physiologie élémen-taire.

Car il est facile de voir que la nécessité de concé-der aux patriarches une vie d'une longueur exa-gérée est en contradiction avec notre organisationcorporelle. En eflet les vaisseaux du système circu~latoire finissantpar s'obstruer à la suite d'un nombrelimité d'années, il est certain que notre vie est étroi-tement limitée. Malheureusement nos os deviennentde plus en plus fragiles, nos chairs se dessèchent, la

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courbure et la composition de notre cristallin s'al-tèrent de manière que notre vue se trouble. petit& petit.

A défaut de maladie, nous succomberions en.moins de neuf cents ans contre l'impossibilitéde vi-vre dont parle si judicieusement l'aimable FonteneIIequand il s'aperçoit que son heure est arrivée.

Notre peau perdant sa couleur et son éclat, se rideet s'épaissit de sorte que la sensibilité du tact est di-minuée notre tympan devient moins docile auxmouvementsdes ondes sonores, ce qui nousempêchede conserver la finesse de notre orne. Non seulement

nous nous séparons petit à petit du monde par l'obli-térationprogressive des sens qui sont destinés à nousmettre en rapport avec lui, mais nos cheveux tom-bent les uns après les autres, et nous devenons deplus en plus impressionnablesaux causes de destruc-tion dont nous pouvions nous jouer pendant notrejeunesse nos articulations s'enkylosent insénsible-ment, ce qui rend notre démarche lente et incertaine;après avoir perdu toutes nos dents, nous finirions-

par user nos mâchoires à force de manger, si dans sabonté la nature ne nousrappelait à elle dans un tempsqui est toujours à peu près le môme, et ne sauraitbeaucoup dépasser un siècle, même dans les cas les.plus favorables à la longévité.

Si quelquefois le cerveau conserve jusqu'à la 6n lafaculté de raisonner, c'est surtout chez les sages quiont reconnu la vanité des biens de ce monde, et quiont compris que cette vie d'épreuves est destinée

exercer les facultés de l'être immortel attaché tempo-

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rairement dans un but inconnu à un peu de poussièrepérissable.

Mais cette difficulté est si peu évidente aux yen~de rexceHent DomCatmet, qu'il s'étonne qu'Enoch,ie fils de Caïn n'ait vécu que pendant trois ou quatrecents ans.

Il semble à ce judicieux précurseur de l'abbéMoigno qu'un patriarche ne peut être ainsi mois-sonné ai la fleur de ses ans. Il adopte courageuse-ment l'opinion de la majeure partie des commenta-teurs et des Pères enseignant qu'Enoch n'est pasmort, mais qu'il fut transportéhors de la vue deshommes. I! cite des paroles de saint Paui qui mon-trent qu'il fut enlevé au ciel par l'intensité de sa foi,

genre d'ascension qu'aucun aéronaute à ma connais-sance n'a tenté.

Nous demandons la permission de ne point insisteren ce moment sur ce dernier événement sur lequel

nous aurons plus tard l'occasion de revenir.Nous nous bornerons, maintenant à faire remar-

quer que l'histoire de l'astronomie fournit une expli-cation bien simple de l'origine de toutes ces légendes,relatives à la longévité des premiers hommes. On sait

en effet que la première manière de compter le tempsa été réglée sur le cours de la lune, de sorte que cesannées ne sont si nombreuses que parce qu'ellesont été prises douzefois et demie moins longues quecelles dont nous nous servons actuellement!r

Si les rédacteurs des livres saints ont fait semblantde ne point s'apercevoirdu changementd'unité,c'està cause de la nécessité qu'ils ont cru reconnaîtred'é-

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maiHer leurs récits d'une multitudede faits merveil-t'eux, de nature à frapper l'imagination des sauvagesbrdtaux et inintelligents auxquels ils s'adressaient.

III

LES EAUX DU DÉLUGE

Sans entrer dans la discussion des dimensionsréelles de l'arche, on peut dire que les plus modéréesdépassent de beaucoup la puissance de nos chantierscontemporains. L'arche éclipse tous les bâtimentsqui ont été construitsdepuis le GreatEastern.Le chef-d'œuvre de l'ingénieur Brunel est enacé par celui de~'ingénieur Noé. a

Comme on a vu des miracles de patience, tels queCes obélisques ou les pyramides, défier la sciencede nos architectes, cette objectionne serait peut-êtrepas bien valable si elle était la seule, mais hé!as il en

~st tout autrement.L'organisation de certains animaux que ce déluge

n'a pas détruits s'oppose d'une façon tout à faitsérieuse à ce qu'ils s'y soient rendus.

Jamais le paresseux qui n'a point la force de quit-

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ter sa branche n'aurait pu arriver à se traîner dansle pays lointain, où Noé procédait à l'armement deson immense vaisseau.

Comment la taupe qui a de si petits yeux serait-elle parvenue à retrouver sa route, à moins qu'unmiracle bien surprenant ne lui ait éclairci la vue?

Comment soutenir que les animaux terrestres quivivaient dans des continents éloignés et habitaientdans des nés aient pu se rendre dans le lieu encoreproblématiqueoù l'arche a été construite? Commentexpliquerait-on l'arrivéede l'aptéryx de la NouveHe-Zélande, du dronte de l'île Rodrigues, des lamas desAndes, des kanguroos de--l'Australie?

Deux théories ontété mises en avantetdoiventêtreégalement citées.

La première admet que'le relief du monde d'avantle déluge a été modifié, ce qui n'a rien que de trèsraisonnable, mais elle ajoutequ'à cette époque il n'yavait pas d'Ile, à proprementparler. Toutes les terresétaient rattachées par des presqu'îles au continentsur lequel se trouvait la Mésopotamie. Dieu avait faitpartout ces y~e~~ prévoyant que les animauxinsu-laires auraientbesoin de'se. rendre dans l'arche à piedsec, il leur en avait ménagé les moyens à l'aide d'uneinfinité de langues de terre:

L'autre, beaucoup moins absurbe quoique d'uneexcentricité suffisante, prétend que les animauxsont~arrivés dans l'arche en nageant. Une fois cette dif-ficulté écartée, il en surgitimmédiatement uneautrescomment les espèces telles que le renard. bleu quiin'habitentque les zones glaciales, auraient-ellesexiste

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près des tropiques? A chacun des animaux vivantdans un M&ï<a< limité, il aurait fallu un tempéramentmiraculé pour supposer ce changement de résidencesans périr ou de froid ou de chaud.

Ce n'est point encore tout dans cette chaîne decontradictions étonnantes. Comment ceux qui ontà redouter la dent des carnassiersauraient-ils accom-pli leurvoyage, s'ils n'avaient été rendus invisibles etmis sous la garde d'une ange spécial chargé de lesprotéger? Dieu aurait eu certainement moins de malà les refaire qu'à les sauver ainsi, sans préjudice dela série des soins qu'on avait besoin de leur donner.

Car dans cette singulière légende, il n'est mincedétau qui ne soulèveun monde de difficultés.Là Bible disant formellement que l'arche était

hermétiquement close, on ne peut admettre que lapluie qui tombait du ciel avec une si effrayante abon-dance ait pu servir à la boisson de Koé et des myriadesd'animaux dont il était le gardien.

Il faudrait donc que le capitaine de cet étrangebâtimentait eulaprécautionde renfermerdans sa calleune quantité d'eau suffisante pour abreuver chacunde ses hôtes.C'est ce que la Bible ne nous dit point.

Certains commentateurs ont cherché à tourner ladifnculté en annonçant que Noé avait imaginé despompes qui permettaient de puiser au dehors toutle liquide dont il avait besoin, et qu'il n'était pointexposé à mourir de soif avec son équipage, tandisque tant de milliards d'êtres vivants étaient anéantisparce qu'ils avaient beaucoup trop bu.

.Quelques-uns, pour lui faciliter sa tâche, ont sou.

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tenu que la mer était remplie d'eau douce avant ledéluge, et que c'était depuis !ors qu'eiïe avait étésalée. Mais ces écrivains n'ont point certainementdemandé conseil aux innombrables animaux habi-tant les profondeurs de l'abîme et que ce changementde régime aurait incontestablement fait périr.

Ce ne serait pas une des moindres extravagancesde ces histoires singulières que d'arriver à conclureque les poissons antérieurs au déluge seraient ceuxqui auraient perdu le plus à cettecatastrophe, et quedepuis lors !a race des carpes, des truites et desbrochets avait perdu l'empire des océans, pour setrouver refoulée dans quelques cours d'eau.

D'autres mieux avisés, au moins en apparence,ont émis l'opinion que l'eau seule de la surfaceétait restée douce, et ils invoquent bravementcomme preuve les observations faites aux embou-chures du Congo et de l'Amazone où les naviresdu large peuvent se ravitailler facilement.

Une autre difficulté mérite d'être signalée. Onpeut également se demander comment la famille deNoé a pu parvenir à nettoyer les étables de tantd'animaux, quoiqu'il n'ait point négligé de con-struire une sentine dans laquelle il suffisait de préci-piter les ordures. Mais admettant que cettedisposi-tion ait pu suffire, comment peut-on admettre quel'air intérieur n'ait point été empesté par la respira-tion d'un si grand nombre d'êtres vivants, ainsi quepar une telle masse d'émanations dététères ?

Car aucun commentateur orthodoxe de la Bible

ne s'est imaginé de soutenir que Jéhovah avait révélé

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à Noé l'usage du chlore et celui du phénol Boboeufdont l'usage aurait été si précieux.

Aussi Scheuzer et le père Kircher, les auteurs lesplus ingénieux qui se soientoccupés de cette matière,ont-ils déclaré tout d'une voix qu'ils étaient horsd'état d'expliquer cette merveille sans admettrel'existence de soupiraux par lesquels l'air pouvaitsortir sans que l'eau pût entrer mais l'un et l'autreconfessent, que par une raison qui leur échappe, lelivre saint a négligé de s'expliquer sur ce point.

La manière dont l'arche pouvait être éclairée riapoint non plus paru trèsclaire, car personnen'a oséprétendre que Noé avait inventé les lampes carcel,le gaz ou les bougies JabIockhoiT pour dissiper lesténèbres qui devaient régner dans la calle. Le livresaint ne parle point non plus de provisions faites

en huile, en résine, ou en chandelle non stéariquebien entendu.

Cependant les nuits devaient être singulièrementlongues avec un ciel couvert de nuages d'une épais-

seur suffisante pour donner de la pluie pendant unepériode de quarante jours sans la moindre interrup-tion.

La plupart des interprètes se contentent de nousapprendre que Noé avait fermé quelques partiesde son arche avec des pierres transparentes telles

que le mica. Mais cette opinion fort hasardeuse nerepose sur aucun texte précis. Du reste il n'estpersonnequi ne sache que ces matières sont excessi-vement fragiles. n eût été bien peu. raisonnable de

se hasarder à les employer sur un point de cette

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importance sans un ordre exprès du Très Haut. Onfrémit en effet en songeant aux fuites qui se fussentdéclarées au milieu de si épouvantables averses, s'ils'était produit dans la couverture de l'arche un petittrou par lequel l'eau du dehors aurait pu suinter.

Nous ne parlerons pas de la gène dans laquelleNoé et sa famille auront dû se trouver en restantpendant quarantejours sans faire cuire de la viande

ou des légumes, et même sans pouvoir préparer

une simple panade,faute de feu

Après avoir insisté sur tous ces détails et surbeaucoup d'autres que nous avons négligés, le pèreKircher disserte avec beaucoup d'éloquence sur lagénéralité de la croyance des anciennes religions àun déluge.

Dans cette partie de son œuvre, nous pouvonsadmirer sa logique et sa pénétration, sans noustrouver obligés de regretter l'usage qu'il fait de siprécieuses facultés.tl est incontestable que la légende de Noé, setrouve pour ainsi dire dans les annalesde tous les peu-ples. Cette unanimité dans une tradition aussisingulière suffirait à elle seule pour nous por<ter à croire que les dinérentes parties du continentont été successivement visitées par des catastrophesplus ou moins analogues. Mais il n'est pas mêmebesoin de l'invoquer.

En elfet l'histoire authentique de notre vieilleGaule a conservé les détails d'invasions de l'Océanqui ont formé des golfes d'une étendue comparable àcelle de toute la Mésopotamie.

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Une tribu Frisonne ignorantemais possédant unbarde doué d'une imagination aussi vive que cellede Moïse, aurait été certainement excusable de ra-conter dans ses chroniques une histoire analogue àcelle de la Genèse, après avoir vu le Zuyderzée seforlnerdevant ses yeux.

Un mouvementde la Caspienne ouun débordementde l'Euphrateaurait suffi à un poète pour lui donnerl'idée d'inonder toute la terre. Un Homère n auraitpas eu besoin d'un événement de cette importancepour l'universaliser. Car Troie n'était qu'un villageindigne du nom de ville, et Agamemnonle chefd'unebande de voleurs de grands chemins. Cependant grâceà son génie, le monde moderne admire encore debonne foi la majesté du roi des rois et les splendeursd'Ilion. Un érudit allemand vient de retrouver pro-fondémentenfouisdans les plaines qu'arrosait, dit-on,le Scamandre,les trésors hypothétiques de Priam etjusqu'à la queue du cheval de bois.

Quoique le père Kircher s'imaginât que le montCaucase est la plus haute des montagnes du globe,qu'il ne se doutât pas que la chaine des Andes etles monts Himalaya renfermentun grand nombre decimes encore plus élevées, il était déjà bien embar-.rassé de la masse des eaux du déluge.

Qu'aurait fait le pauvre jésuite s'il se fût vuà la tête d'une superficie de 5i0 millions de kilo-mètres carrés à couvrir de 9 kilomètres d'eau, ce quidonne 4,590 millions de kilomètres cubes; soit 1/2pourcent du volume que la terre elle-même occupedans l'espace céleste.

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L'évoque anglican Wilson qui vivait à une époqueoù l'on avait mesuré les hautes montagnes,a essayéde tirer la Bible. d'affaire en admettant quête déluge

a été produit par une cause astronomique.C'était une habile manœuvre du piétisme, car les

incrédules auraient mauvaise grâce de refuser à Fau-teur des mondes fe pouvoir de nous dépêcher unepetite comète pour heurter la terre et déplacerla masse des océans.

Mais si l'on consent à s'attacher pendant quelquesinstants a cette hypothèse, on verra que l'explication

ne brille point par sa simplicité. En efïet.H resteraità expliquer comment la vague qui a envahi toute laterre habitable a mis quarantejours a sortir du lit desocéans primitifs.

`Le inoinsabsurde serait de prétendre que l'eau dudéluge provint de l'espace céleste, mais il faudraitun autre miracle pour expliquer comment elle adisparu.

IV

LA COLOMBE DE NOÉ

L'expéditionde la colombe de l'arche est certaine-ment un des plus touchants épisodes que l'on puisseimaginer, mais il n'est pas besoin de longues disser-

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tarons pour se convaincre que cette légende gra-cieuse n'a d'autre fondement que l'imagination fé-conde du poète qui a rédigé la Genèse.

En eHet si le bec des pigeons se prête dinjcilementà saisir de menus objets, on conviendra qu'il estimpossible d'admettre que celui de l'arche ait pucueillir le rameau qu'il rapporta à son maître.

H est vrai, certains interprètes ne s'embarrassentpoint pour si peu de chose et supposent que le ra-meau a été mis entre les deux mandibules de la co-lombe par un ange dont le livre saint omet de parleret qui l'avait cueilli pour lui. L'auteur inspiré nepouvait entrer dans le détail de ces menues circon-tances qui n'ont aucun intérêt pour les fidèles et n'enonrent que pour les impies comme nous.

Quoi qu'it en soit, nous verrons dans ce pas-sage une utile allusion à un instinct admirable dontles peuples de l'Orient ont fait usage dès l'antiquitéla plus reculée. En effet ils l'avaient transmis auxsujets des premiers Césars. Les armateurs de cetteépoque embarquaient des colombes à bord de tousleurs bâtiments, et les capitaines avaient ordre delâcher les messagères dès qu'on approchait du port,où elles avaientleurs petits.Les courtiersétaient doncprévenus de l'approche du navire et de l'état de sacargaison avant qu'il fût entré en rade, avantage queleurs.successeursmodernes sont loin de posséder. Carmalgré la puissance des télescopes dont il est armé,l'œil de nos sémaphores ne peut plonger au-dessousde l'horizon.

Après plus de mille ans de repos, les pigeons

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deviennent d'un emploi fréquent dans la navigationcôtière.

Les pécheurs de la mer du Nord prennent l'habi-tude d'en emporter dans leurs bateaux, ce qui leurpermetde prévenir de la nécessité où ils se trouventquand ils ont besoin d'un remorqueur pour se tirerd'un mauvais pas.

Que de naufrages n'eussent point été épargnés surnos mers orageuses, si au lieu de considérerle pigeonde Noé comme un animal miraculeux, on avait re-connu que cette histoire avait un fondement nature!,et conservait la trace d'un art antique, malheureuse-ment oublié! 1

Du temps de l'antique monarchie française, onn'avait gardé de souvenir de l'admirable instinct despigeons que dans le symbole de l'Esprit saint.

Les nobles avaient rapporté des croisades l'usagedes pigeons voyageurs, et toutes les poésies du moyenâge font mention d'une aimabledame reniermée dans

son castel par un mari jaloux, dont un gentil mes-sager d'amour trompait la vigilance, et narguaitles hallebardiers.

Mais en même temps que s'éteignirent les chantsdes troubadourscessèrent les messages aériens, et lesnobles abâtardis ne gardèrent que le privilège deposséder des colombiers dont les habitants senourrissaient impunément aux dépens des ma-nants.

Quoique les chevaliers de l'ordre du Saint-Espritportassent une colombe dans leur collier, ce n'estni à eux ni à des moines, maisaux gueux des Pays*

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Bas qu'il faut faire honneur de la renaissance de l'artd'élever les oiseaux voyageurs.

Qui sait si ces héroïques champions de la libertéde conscience, qui lisaient déjà la Bible avec unesprit investigateur, n'avaient point trouvé dans taGenèse l'idée d'employer l'oiseau de l'arche, lors-qu'ils ont eu à défendre leur foi virile contre leDéluge de la superstition.

Grâce à un pigeon voyageur arrivant dans la villede Leyde assiégée, les habitants apprirent que leprince d'Orange allait rompre les digues et noyer lesEspagnolsqui les avaient réduits à la dernière extré-mité.

L'instinct sublime auquel l'auteur de la légendedu déluge faisait allusion, a sauvéégalementnotreliberté naissante,au milieu des horreurs du siège deParis.

Nous ne devons donc point marchander notre re-connaissance à l'écrivain sacré qui a conservé dansses légendes la trace d'unefaculté qui parait d'autantplus merveilleuse qu'on se borne à l'expliquer pardes moyens.naturels,en se rendant compte des dé-tails de l'organisation de l'oiseau qui la possède à undegré si éminent.

En effet son œil a une sensibilitéet une puissancesi grandes qu'il discerne les plus petits objets à unedistance inouïe. Sa mémoire est si prodigieuse qu'ilse rappelle les paysages (lui l'ont frappé, même lors-qu'il ne les a aperçus qu'une fois. A moins cependantque la neige ne défigure les détails ou que là quan-tité de lumière ne soit pas suffisante pour les éclairer

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convenablement, il retrouve sa route avec une préci-sion qui confond la raison.

L'histoire authentique du siège nous fournit desexemples plus dignes de figurer peut-êtreau nombredes miracles, que les merveilles de la colombe deNoé. Quel Français ne préférerait la petite femelle

rouge qui força quatre fois le blocus prussien, etretrouva quatre fois sa route dans des circonstancesatmosphériques si déplorables, au milieu d'innom-brables ennemis. Car ma!gré les proclamations dugouvernement de la Défense nationale, les paysansabrutis par le despotisme impérial ne pouvaient sedéshabituer de tirer sur les oiseaux qui passaient àportéede leur fusil si peu meurtrier pour les hulans!La plupart des pigeons qui portaient sous leur queuedes messages si précieux pour toute la nation, péri-rent frappés par des balles françaises.

Ces vaillantsanimaux semblaient plus intelligents

que les brutes à figure humainequi les mitraillaient.Un de ces pauvres oiseaux appartenant au ballon deFerrières, étant tombé entre les mains ennemies, futdonné au prince Frédéric-Charles et mené à Berlin

comme vivant trophée de la victoire.Quelle ne fut pas la joie de son maître quand, six

mois après le jour ou l'arméerépublicaine reconquitParis, il vit revenir son oiseau, qui s'était échappédes mains du vainqueuret avait trouvé dans les airsla route de la patrie

La république de Venise entretenait des pigeonsmessagers qu'elleenvoyaitdans des possessions loin.taines telles que l'lie de Candie.

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C'est grâce à ces messagers que les conseils et ledoge de la république apprirent que les Turcs ve-naient de mettre le siège devant!a Canée. Ils dépé-chèrent une flotte qui arriva à temps pour dégager laplace et sauver la colonie.

Enthousiasmé par un si beau succès, le sénat de lasage république décida que les descendants de cesvaillants oiseaux seraient nourris aux frais de l'Étatsur la place Saint-Marc, et ce décret fut observémême pendant que le Pont des Soupirs était gardépar des sentinelles autrichiennes.

j~ous n'avons point imité les ancêtres du grandManin, car la capitulation était à peine signée qu'unemployé des postes vendit à l'encan les pigeons del'État à raison de trente sous par tête.

Parmi ce lot d'oiseaux répudiés par une insou-ciante administration, il se trouvait des vétérans quiavaient à plusieurs reprises forcé le blocus prussien.

Si de pauvres colombophiles qui étaient sortis deParis pendant le siège n'avaient eu honte de cetteingratitude, et n'avaientemployéà racheter ces hérosemplumés les quelques écus qui leur restaient, ilsallaient figurer dans les musées de l'ennemi.

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28--

v

L'ARC-ËN.CtEL

S'il faut en croire la légende biblique, c'est à lafin du déluge que Dieu créa l'arc-en-ciel ann de

rassurer Noé.Si le texte sacré disait que jusqu'alors les hommes

du commun n'avaient point encore aperçu Farc-en-ciel, l'assertion serait moins ridicule.

Car nous vivons incontestablement au milieu d'unnombre immense de phénomènes qui ne frappentl'attentiongénérale, que lorsqu'un esprit plus réflé-chi que les autres s'est avisé de les signaler.

Mais il ne saurait êtrequestion de soutenir, commele font bravement certainscommentateurs, qu'avantle déluge la lumière du soleil n'avait pas une seulefois produit ce cercle si surprenant.

En effet, il est établi par des preuves innombrables

que cette courbe est produite par le passage d'unrayon de lumière à travers la multitude de gouttesd'eau qui tombent d'un nuage, et qui en tombantdans l'air, ont pris la forme de petites sphères.

Les principes les plus incontestablesde la physiquesuffisent alors pour expliquer le phénomène avec soninfinie variété, qu'il soit double ou triple, qu'il s'a-

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gisse des arcs ordinaires ou des arcs parasites quiviennent les accompagner en les coupant de !a façonla plus bizarre. En effet, il est facile de s'assurer enobservant l'image du soleil répercutée sur un jetd'eau comme celui du Palais-Royal ou des Tuileries,qu'on aperçoit successivementtoutes les variétés del'iris.

Les aérfmautes savent tous dans quelle positionils doivent se placer pour voir l'arc-en-ciel se pein-dre sur la face lumineuse des nuées, et s'enroulerpour ainsi dire autour de leur image, ou de celle deleur ballon.

Il faudrait donc supposer qu'avant le déluge lespropriétés de la lumière étaient autres que de nosjours, que les gouttes ~'étaient point rondes, ou quele pouvoir réfringent de l'eau n'avait point encore étéimaginé par Jéhovah.

Mais nous croyons que ces trois hypothèses feraientreculer les plus intrépides apologistes comme étantun peu trop salées. même en admettant qu'avant ledéluge l'eau de mer ne le fût point.

Les inquisiteursavaient bien flairé que dans l'ex-plication physique de l'arc-en-ciel, il y avait quelqueobstacle à l'authenticité du passage de la Bible. Eneffet, ils furent excessivement durs pour le malheu-

reux physicien auquel la science doit cette précieusethéorie.Dom Dominis qui l'imagina était évoque dans une

des principalesville de l'Italie du nord. Ayant eu labonne fortune de se tirer des mains des familiers dusaint-office, il s'enfuit à Londres où il était en sû-

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reté.mais où le soleil de sa patrie lui manquaitOn fit comprendre au pauvre exilé qu'il n'avait

qu'à iaire amende honorable et qu'il rentrerait engrâce avec les autorités ecclésiastiques.

Le malheureux ayant eu confiance, on rappré-henda au corps et on le jeta en prison. Pendant l'in-struction de son procès i! mourut,peut-être des suitesdes tortures qu'il subit.

Mais le sain t-omce voulut montrer par une preuvesignalée coinbienétait coupable rhérésie du prélatdéfunt.

On continua l'instance; dom Dominis fut con-damné au bûcher, et brûlé tout comme s'il eût étéencore en vie.

Le souvenir de cette exécution était encore récentquand Ga!i!ée fut obligé de se rétracter, et la craintede partager le sort de Dominis, sans avoir mêmele temps d'échapper à ses bourreaux, ne fut pas sansdoute sans influer sur le célèbre désaveu arraché augrand physicien.

H ne faut pas s'imaginer, comme Arago a eu le tortde le dire trop légèrement, que c'est aux détailsqu'on reconnalt toujours l'exactitude des théories.Mais il est clair que le caractère de la vérité estd'en-gendrer une série de points de vue féconds et nou-veaux, dont les conséquences pratiques s'étendentsur toutes les sphères de l'activité humaine. Au con-traire quand une croyance est absurde, de quelques

noms qu'eue se trouve étayée, elle conduit a unesérie indénnie de coq-à-l'àne et de contradictionsdetout genre; on ne peut y ajouter créance qu'en se

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mettant volontairement et d'une façon persistanteles deux poings-sur les yeux.

Il était difficile que les missionnairesjésuites qui

se sont établis en Chine, et y ont joué un si grandrôle au xvmc siècle, persistassent a soutenir en pré-sence de 1 histoire officielle de cet antique empire,qu'il n'y avait point encore six mille ans que toutela terre habitable avait été recouverte par les eaux.

Aussi nombre d'écrivains catholiques ont jugé né-cessairedepuis lors d'abandonner la doctrine de l'uni-versalitédu déluge de Noé.

Mais il n'y a pas un demi-siècle, qu'on voyait en.core le célèbre Biot, triple académicien, attaquer sousce point de vue les découvertes des élèves de Cham-pollion.

Cette résistance des derniers défenseurs de la tra-dition Biblique ne s'expliquerait point, si la craintede démanteler ce qui reste du sens littéral ne devaitprovoquerces résistances in ~r~s, trop peu dan-gereuses aujourd'hui pour qu'on puisse les traiter au-trement qu'en riant.

Des événements récents dispensent d'avoir recoursà l'intervention divine pour expliquer les change-ments constatés à la surface de la terre.

En effet, il a suffi de la rigueur d'un hiver excep-tionnel pour nous mettre à deux doigts d'une catas-trophe qui aurait bouleversé la surface d'une partienotable de la France.

Comme on le sait, l'année i879 a été signalée pardes phénomènes météorologiques tout à fait excep-tionnels. La gelée a atteint une épaisseur véritable-

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ment extraordinaire et la débâcle à Paris même aentraîné une multitude d'accidents.

Mais ces désastres quoique considérables n'appro-chent point de ceux qui ont signalé le mois de jan-vier à l'embouchure de la Loire, et à celle de laSaône, rivière qui malheureusement s'est trouvéegelée à fond. L'embâcle a produit l'enet d'une diguebarrant le lit du fleuve de manière que le niveaus'est trouvé surhaussé de plusieurs mètres en amont.

Supposons cet amas de glaces consolidé par destroncs d'arbre, des sables et des débris de toutenature qui devaient y être incorporés, dans le tempsoù la Gaule était couverte de forêts vierges, on com-prend que les eaux furibondesaient troublé le lit ma-jeur des fleuves, et laissé des traces indélébilesd'unecatastropheque dans un âge de superstitionon auraitattribuée à un bouleversement général, signe de lacolère des dieux.

Cet exemple saillant nous montre malheureuse-ment que les forces.de la nature sont beaucoup plusénergiques qu'on ne le croit communément. Cartous ces embarras ont été amenés par un abaisse-ment qu'on ne peut évaluer à plus de quelques de-grés au-dessous du minimum de nos hivers ordi-naires.

Sous d'autres climats les volcans se chargent deconstater que les feux souterrains possèdent en-core une force suffisante pour modifier le relief du'sol aussi profondémentque dans les périodes les plusanciennes. On dirait que notre terre protestecontre l'impertinence de ses enfants qui prétendent

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qu'elle n'est plus échauHee que par un vieux restede feu dont quelques rêveurs, très bien en cour aca-démique, veulent qu'elle ait commencépar être im-prégnée.

VI

LA TOUR DE BABEL

Une des plus grandes difficultés pour admettrel'authentici té du récit de la tour de Babel estcertaine-ment le nombre immense d'ouvriers nécessaire pourbâtir l'édificeque la Bible nous décrit. Comment est-ilpossible d'admettre que, si peu de temps après le dé-luge, l'espèce humainefût assez vivace pour exécuter

une oeuvre d'une telle immensité, que tous les mo-numents ultérieurs se trouvent éclipsés, et queies pyramides d'Egypte ne sont qu'une taupinière sion les compare à ce chef-d'œuvrede l'orgueil de nospremiers parents?

D'après la chronologie biblique cette entreprisecolossale n'a eu lieu que trois siècles après le momentoù, réduite à une famille, l'humanité a repris uneseconde fois possession de la terre.

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Pour arriver a expliquer la multiplication rapidedes hommes le père Kircher fait un calcul assez sin-gulier pour que nous le rapportions; car il montreramieux que de longs raisonnements les difficultésd'accepter le récit du livre sacré.

L intrépide jésuite admet <jue chacun des fils de~oo a engendré pendant trente ans consécutifs unfils et une fille chaque année cependant, en joi-gnant aux peti's-fifs et aux petites-fines de Noé lesarrière-petits-fiis et les arrières-petites-fines parve-nues à l'âge nubile, il n'arrive encore à la fin decette période si prodigieusementfavorableaux accou-chements, qu'à trouver pour toute la terre, une po-pulation de 360 personnes.

Ce premier résultat t'engage à continuer pendantsoixante ans, et il admet que chaque année les 360hommes et femmes produisent chacun un enfantgrâce à cette hypothèseit démontre que quatre-vingtdix ans après le déluge la terre avait déjà 91,600habitants.

Alors. il partage le temps en périodes de quatre-vingt-dix ans et il mu!tip!ie le nombre 91,600 parles puissances successives de 90.

En procédantde la sorte il démontre que, au boutde cent quatre-vingts ans ïa population de la terreétait de 1,940,000 hommes, celle du royaume deWurtemberg.

Enfin il nous prouve qu'au bout de trois siècles laterre pouvait avoir 23 milliardsd'habitants, unequin-zaine de fois plus qu'elle n'en possède de nos jours.t! en tire Id conclusion que l'impossibilité avancée

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par les infidèles n'existe que dans leur étroit cer-veau.

Au lieu d'avoir recours si timidement, si miséra-blementà ces artifices de calcul, ce grand calculateuraurait agi plus sagement en abrégeant carrément letemps de la gestation.

11 a eu tort, en outre, de s'en tenir aux deuxjumeaux qu'il donne chaque année aux premiers cou-ples de l'humanité rajeunie par le détuge.

La Bible ne défend pas de compléter les miraclesqu'elle énonce par d'autres petits miracles dont ellene parle pas. La seule chose qu'elle interdise, aumoins le pape qui parle en son nom, c'est de nepas ajouter une foi entière aux faits extravagantsqu'elle articule.

D'autres commentateurs orthodoxes plus sérieuxque le père Kh'cher ont pris soin de nous montrermalgré eux l'origine de la légende elle est évi-demment sortie du souvenir des constructionsanalogues que les prêtres cbaldéens élevaient pourles observationsastronomiques sur lesquelles leur re-ligion naturaliste était basée.

Ces tours devaient être fort élevées, mais nous dou-tons qu'elles aient dépassé ou même atteint la hau-teur de la tour Saint-Jacques ou. de la cathédrale deStrasbourg.

Car la difficulté de construire des monuments necroit pas simplement comme leur hauteur, mais cer-taineluent comme le cube de cettedimensionet peut-être dans une proportion plus élevée.

Nous venons d'en avoir une preuve tout à fait

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récente lors de l'exposition centenniale de Philadel-phie.

Tous les journaux des deux mondes avaientfait grand bruit d'une tour de cent mètres que l'ondevait élever en cette occasion.

Mais, malgré la sorte de pompe avec laquelle lesdessins avaient été publiés, aucune tentative ne futfaite. La Babel nouvelle, bien modeste cependant àcôté de l'autre, ne fut même pas commencée.

En faisant leurs calculs les ingénieurs n'aurontpas eu de peine à se convaincreque la dépense seraithors de proportion avec l'intérêt de ce monu-ment.

Kircher nous apprend qu'une version samaritainede la Bible estime que les hommes ont poussé la tourde Babel jusqu'au ciel de la lune. Le docte commen-tateur s'élève avec une vigueurcomique contre unepareille assertion, et il prend la peine de tracer à cepropos une figure dans laquelle il a conservé lesproportions entre le rayon du globe terrestre et l'orbede notre satellite. Cette image lui parait suffisante

pour établir l'absurdité d'une croyance aussi témé-raire. Il n'a pas tort, car elle démontre à premièrevue que le mouvement de la terre eût été altéré parune semb!able construction.

La légende de l'entreprisede la tour de Babel estaccompagnée de celle de la corruption des languesqui a mis l'esprit de tous les philosophes chrétiens àla torture.

L'observationdes faits quotidiens qui sepassentde.vant nos yeux nous montre que pour l'expliquer

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il n'est pas nécessaire d'invoquer l'intervention duSaint-Esprit.

En effet l'éloignement de la mère patrie sùffit enpeu de siècles pour créer des idiomes aussi différentsentre eux que les divers dialectes de la langue d'Ho-mère.

Une fautpas être bien perspicacepour comprendre

que les Anglais d'Amérique sont en train de former

une langue qui aura sa grammaire, son dictionnaireet qui possède déjà son génie.

Il est probableque le français d'Afrique ne garderapas non plus sa pureté, surtout si le chemin de fertranssaharien nous ouvre les voies mystérieuses dugrand désert et met entre nos mains l'empireincon-testé du Soudan.

Cependant de nos jours la vapeur et l'électricitéont pour ainsi dire supprimé les distances, l'impri-merie a fixé relativement lès mots en mettant leschefs-d'œuvre à la portée des plus simples citoyens.

Les superstitions relatives à l'origine de la parolesont nombreuses et elles proviennent toutes de cequ'on donne à la langue une origine divine, au lieud'y voir une conquête due au génie progressif del'humanité.

La Bible nous représente Dieu conduisant devantAdam tous les animaux, et les nommant. Le rôled'Adamse borne à retenir les vocables que Dieu lui-même a pris la peine de lui révéler.

11 serait puéril d'insister sur le nombre prodigieuxdes êtres qui ont dû y figurer, et sur l'impossibilité

pour certains de faire la route nécessaire pour s'y

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présenter. Car nous avons examiné déjà tous cespoints à propos du déluge et l'analyse des mots dontles hommes se servent pour désigner les animauxne tarde pas a nous révéler une objection beaucoupplus sérieuse. En effet un grand nombre, surtoutdans les langues primitives, portent des noms em-pruntés a leurs cris, et qui ne sont qu'autant d'essaisd'harmonie imitative.

Ce ne serait pas Dieu qui aurait parlé, ce seraientau contraire les animaux qui en passant devant leurmaître auraient samé de leurs cris.

On ne doit donc encore voir dans ce verset de laGenèse qu'une fiction ingénieuse, destinée à bien af-firmer le pouvoir de l'homme sur tout ce qui a reçula vie, puissanceessentielle a la marche de !a civili-sation mais qui est loin de paraître évidente a priori,et qui choque encore de nos jours certains esprits,plus impressionnablesque logiques.

En effet la conception brahmanique du respectde tout ce. qui a vie repose sur un sentimentinstinctif des plus puissants. H est dmicite à unhomme éclairé de surmonter un sentiment d'hor-reur et de répulsion inv'ncibÏe quand il parcourtles abattoirs, et qu'it voit les bouchers faire froi-dement des hécatombes de bœuis et de moutons.

H n'est pas inopportun de rappeler a ce proposles controverses auxquelles les interprètes ortho-doxes se sont gravement livrés afin de déterminerquelle était en réalité la langue dont Dieu s'estservi pour faire la conversation avec Adam.

Le Coran émet la prétention que c'est en arabe

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qu'il sest exprimé. Si quelqu'un de nos compa-triotes refaisait de nos joursune religion révélée, ilprétendrait certainement que c'est en français.

Nous aurions donc très mauvaise grâce de repro-cher aux Juifs de supposer que c'est en chaldéen.

Quantaux caractères qui serventà fixer le langage,beaucoup d'interprètes outranciers du merveilleuxprétendent que des anges l'ont inventé. Il paraitbeaucoup plus probable que ce sont tout simplementles Égyptiens. A moins cependant de croire qued'autres anges beaucoup plus forts que les précédentsont inventé l'imprimerie. Car les types mobilesont produit tant de transformations dans la penséehumaine que nous ne serions point éteignes d'ac-cepter une pareille transaction. Mais alors ne serait-il point raisonnable d'admettre que ce sont égale-ment des êtres supérieurs à la nature humaine quiont découvert l'électricité et la photographie? Si

ces faits n'étaient point si récents, il y aurait peut-~trc des mystiques disposés à le prétendre. Prenonsun peu patience et ajournons-nous au trentièmesiècle, il ne faut. désespérer de rien. les faiseurs demythes ont donné couleur à des légendes plusextraordinaires encore et ayant un fondement bienautrement sérieux.

Il faut cependant reconnaitre en terminant cettecritique que l'idée de rapporter au même typel'origine de tous les hommes donne une haute idéede l'universalitédes droits de l'être que le Créateura fait à son image. La légende du déluge ramenantune seconde fois tous les rameaux de l'espèce

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humaine à sortir d'une même famine est une concep*tion puissante, dont les défenseurs des opprimés ontpu se servir plus d'une fois victorieusement. Elle setrouve corroborée d'une façon merveilleusepar l'idéed un Messie mourant pour tous les hommes sansexception.

Ce n'est point la doctrine aristocratique du dar-winisme qui résistera d'une façon aussi efficace auxapôtres du droit de la force.

De quelque côté que nous portions nos regardsdans cette analyse, nous voyons les traces et lesvestiges d'une sagesse puissante qui a organisé ceslégendes avec un profond sentiment des besoinspratiques de l'humanité naissante. Il y aurait ingra-titude suprême à ne point voir dans cet ensemble lerésultat d'une véritable inspiration. Quoique desqualités identiques se retrouvent dans la plupart desgrandes religions, qui ont guidé les premiers pasde l'humanité, nulle mythologie ne possède un eu-

semble si merveilleusement cohérent, et si admira-blement instructif. Comme nous le disions en com-mençant nos études, notre rapide exégèse n'est pasfaite pour diminuer notre admiration pour la phi-losophieprofonde qui conduisait la plume des auteursde l'Écriture. Mais c'est seulement en dégageantcesmonuments d'une haute sagesse, des peintures my-thologiques dont ils ont été affaiblis, qu'on pourraapprendre aux nations modernes à en admirer lesbelles proportions et le divin éclat.

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Vif

LA PHYStQUE DE MOÏSE

Si l'on s'attache au sens littéral de l'Écriture. lacarrière de Moïse est celle d'un escamoteur; rienn'est plus ridicule et plus enfantin que la série desmiracles qu'il raconte. I! est clair que 1 histoire deson exposition sur le Nil est même de la plus hauteimprobabilité. Malgré les magnifiques tableaux quela fille de Pharaon a inspirés aux artistes, ce détailne peut que faire sourire de pitié les physiciens.

Mais il n'est point difficile de reconnaître quel'auteur de ces légendes était profondément versédans l'histoire de la nature et qu'il a choisi avec soindes phénomènespropres à frapper l'imagination deses lecteurs pour les exagéreret, si l'on veut, pourles, poétiser.

Ainsi la vue de Jéhovah dans un buisson ardentpeut très bien s'expliquer par l'apparition d'un mé-téore électrique analogue au feu Saint-Elme. On

peut admettre que Moïse ait été témoin d'un phéno-mène analogue à ceux que de Saussure a décritsdans ses ~b~c~cs dans les Alpes, et qui doivent êtreplus fréquents dans les solitudes du mont Sinaï quedans celles du mont Blanc.

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IJ est clair que la verge de Moïse changée en ser-pent ou !e serpent d'un des magiciens du roi change

en verge peuvent s'expliquer égalementbien a l'aidede l'anatomie. En effet l'on sait que certains serpentspossèdent la propriété de se raidir à vo!onté, detelle manière qu'un observateur superficiel pourraitpresque les prendre pour une branche de bois des.séché.

Mais il serait plus sage de croire à la réalité dumiracle comme Dom Calmet ou Scheuzer, que de

penser comme certains protestants que Moïse et sesadversaires ont jongté avec des serpents, comme leferaient des professeurs de magie blanche se dispu-tant la faveur d'un grand personnage de notretemps.

H est dit au quatrième livre des Rois, chapitre vt,verset Ë5, que le quart d'un cube de fiente de pigeon

se vendait deux sie!es pendant !e siège de Samarie, cequi met le litre au prix de trente-deux francs denotre monnaie, d'après Je compte qu'en fait DomCaïmet. Cette assertion a misa la torture l'esprit desrabbins et môme des chrétiens. Les uns, commeJoseph, se sont imaginé que, manquait de sel, les as-siégés le remplaçaient par un assaisonnementqui n'ajamais été taté par d'autres peuples dans une au~si

pressante nécessité. D'autres plus raisonnables, maismoins amis du sens littéra!prétendent qu'il s'agis-sait d'une terre qui peut servir de condiment. Maisdes gens encore plus raisonnables estiment qu'il y aun contresens et que par fiente de pigeon il fautentendre des pois chiches.

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Que de miraclesà propos desquels on a écrit desvolumes n'ont point eu une origine plus sérieuseet reposent sur un simple contresens, sur une fauted'un copiste ignorant.

La naïveté brutale du curé de village, qui croitnaïvement,honnèteinentce qu'on lui a enseigné dansle séminaire, répugne moinsà la raison que la crédulitéergotrice et prétentieuse du pasteur mal émancipé,qui s'efforce de nous convertir à !a dialectique d'ou-tre-Rhin.

Si nous examinons les détails de la lutte des ma-giciens, comment pourrions-nousarriver à admettreque la verge d'Aaron,l'allié de Mofse, ait fini par ava-ïer la verge des magiciens?

Quel adepte de 1 école des habiles dialecticiens qui

ne veulent renoncer ni aux miracles, ni à la raison,oserait soutenir que cet épisode a couronné une lutteréelle entre des charlatans également habiles àmanier les reptiles

Le miracle des eaux d'Egypte changées en sangs'explique par la connaissance du fait que les eauxpeuvent recevoir une couleur rouge par l'adjonctionde substances tinctoriales trèspuissantessous un petitvolume et susceptibles de faire périr le poisson.

On peut encore en donner une raison naturelle ensupposant que sous l'influence de circonstances par-ticulières, il s'est développé dans l'eau du Nil desvégétations cryptogamiques avec une rapidité donton a pu constater quelques exemples dans ces der-niers temps.

Mais cette application des études micrographiques

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les plus récentes ne prouve pas l'intégrité du textesacré.

Quant au récit biblique, il ne se soutient pas lui-même si on y voit autre chose qu'une métaphoreingénieuse destinée à donner une idée avantageusede la puissance de Moïse. En eflet,si les eaux ont étéune première fois changées en sang, l'on ne comprendpoint comment les magiciens de Pharaon auraientaccompli de nouveau ce miracle, et retué les animauxque Moïse avait tués une première fois.

On serait réduit à supposer qu'il ne s'est agi que.d'une portion limitée du fleuve, alors le fait miracu-leux se rapetisse tellement qu'il cesse d'être éton-nant. Car il n'y a pas de pécheur à la ligne qui ne-connaisse des substances susceptiblesd'amener à lasurface de la Seine, des brochets, des carpes, ou des.barbillons.

La plaie des grenouilles ou plus exactement des.crapauds est la réminiscence d'un fait bien connu etobservé à différentes reprises. On ignore si ces batra-ciens sont amenés par une trombe d'eau ou s'ils sonttsortis brusquement de la vase où ils se sont déve-loppés. Mais le fait de leur apparition brusque estincontestable. Pendant l'hiver ~877 nous avons euoccasion de le constater par nous-meme dans les en--virons de Paris, près de Maisons-AIfort.

Un de nos amis qui habitait cette commune, nous.ayant averti de ce qui se passait, nous nous sommesempressé de profiter de l'occasion inattendue de vé-rifier par nos propres yeux un fait si souvent consi-.déré comme apocryphe.

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Avant d'arriver au pont nous avons contemplé unspectacle qui dans un siècle d'ignorance eût faitcertainement crier au miracle; le personnage quieût été assez savant pour annoncer à l'avance qu'ilallait se produire, eût été facilement acclamé commeun prophète de Dieu. Incontestablement. les rois deFrance eussent été moins dnnciles à toucher que lePharaon d'Egypte, Ils n'auraientpas demandé qu'onleur donnât d'autres preuves, et les plus sceptiquesse fussent convertis à l'instant.

Des myriades de vrais crapauds plus petits. quel'ongle du pouce, étaient entassés sur la terrehumide, du côté de Paris, ils avaient même envahile trottoir droit du pont. Ils étaient serrés les unscontre les autres à tel point que le sol semblait cou-vert d'un tapis. Je n'ai pu trouver l'arrière-garde decette singulière armée qui occupait un espace longde plusieurs centaines de mètreset large d'une ving-taine de pas. Ces animaux ne paraissaientpoint dis-posés à se sauver, car ils ne bougaient pas. Ils sem-blaient comprendre qu'ils étaient sumsammentdéfendus par le sentiment de répulsion qu'on auraitcertainement éprouvé en écrasantleurs corps gluantssous les pieds.

Il en est de même de la plaie des moucherons quifait allusion à des circonstances naturellesplus com-munes qu'on ne le croit. En effet les sauterelles nesont point les seuls insectes qui se multiplient demanière à devenir extraordinairement incommodes.Dans le courant de l'été si court et si hurnide dei879, on a observé des colonnes innombrablesde pa-

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pillons dont quelques-unsappartenaientau genre ~a-nesse, et qui ont parcouru dans tous les sens le dé-partement du Nord où leur trace a été suivie pendantplusieurs journées.Le même phénomène à été ob-servé en Angleterre, en Irlande, etc.

On doit dire d'une façon générale~ pour expliquer

ces circonstancesextraordinaires,que tous les insectespondent un nombre considérable d'œufs et que lenombrede leurs larves est immense. S'il arrive quedescirconstancesexceptionnellesfavorisent la métamor-phose~ leur nombre deviendra facilement légion.

Ce qui est véritabtement incroyable, c'est que cesanimaux sortent de leur cocon à peu près au mêmeinstant, et que sans avoir eu le temps de rien appren-dre, ils aient l'instinct de sociabilité assez développé

pour voyager en phalanges quelquefois fort serrées.Mais si l'on devait être condamné à croire qu'il

suffit de cette observation pour justifier le récit dela Bible, il faudrait en accepter bien d'autres quin'ont certainement point un caractère d'authenti-cité moins grand, et qui sont moins blâmables auxyeux de la raison. Car il n~est peut-être pas fort aiséde justifier Moïse, qui ne craignait pas de frappertout un peuple dans le seul but de faire ouvrir les

yeux à son roi.Nous ne pouvons nous empêcher de rapprocher de

la légende de Moïse celle de la Tour des Souris,vieux monument des environs de Mayence élevéà l'embouchure de la Nahe où s'est passé un drameque nous trouvons fort touchant.

Vers la fin du dixième siècle, l'évoque Hatto II

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avait prudemmentrempli ses greniers épiscopaux.Sa seigneurie, son clergé et ses hommes d'armernageaient dans l'abondance pendant que ses sujetsmouraient de faim, car une affreuse famine avaitéclaté. En vain suppliaient-ils le serviteur du fils deMarie, ce dernier faisait dissiper par ses gendarmes lesrassemblements qui se reformaient déplus en plusbruyants et qui auraient fini par devenir dangereux.

Un certain jour révoque résolut de faire unexemple qui le débarrassât des importuns. H donna,l'ordre de s'emparer de ceux qui viendraient seplaindre, puis de les enfermer dans un grenier videet d'v, mettre le feu.

Cet ordre barbare fut exécuté et, de la salle oùHatto recevait joyeuse compagnie, on entendit lescris des malheureux qui brûlaient. Loin de se repen-tir l'évoque se prit à rire comme l'eût fait un Néronet H dit à ses convives « Écoutez donc ïe chant deces souris. »

Les souris humaines se turent bientôt, mais lechâtiment ne devait point tarder et les souris deschamps devaient se charger de Finniger terrible.

Cette exécution barbare terminée, Hatto se ren-ferma dans sa tour. Il dormait en sûreté avec seshommes d'armes derrière ses épaisses murailles,lorsque la sentinelle qui veillait du côté de Mayencevit à la pointe du jour une couche noirâtre qui cou-vrait la terre et s'avançaitpar mouvements saccadés.C'étaient des millions de souris qui, envoyées parle ciel, venaient punir cet indigne pasteur de ses.forfaits. En effet l'évoque et ses satellites eurent beau

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tuer leurs ennemis par myriades, ces rongeurs ne seretirèrent que lorsqu'avec leurs puissantes incisiveslis eurent dévoré le dernier lambeau de la chair desbourreaux qu'ils assiégeaient.

La plaie des poux ne donne non plus de démentià aucune loi naturelle. On sait en effet que cette ver-Mine se développe avec une effroyable rapidité, etque leur vitesse de propagation est surprenante àtel point que des auteurs généralement sages y onttrouvé une preuve de génération spontanée.

On voit par ce qui précède que l'auteur du livrede Moïse avait des connaissances d'histoire naturellefort développées, et qu'il tirait habilement parti despropriétés les plus curieuses de la propagation desanimaux pour rédiger un récit poétique et attachantdes luttes qu'il avait dû soutenir avec les favoris duprince avant de faire la conquête de son esprit.

Le miracle de la peste des troupeaux est facile àexpliquer à l'aide des observations faites sur leRinder Pest d'Allemagne qui a produit tant de rava-ges en France et surtout en Angleterre, malgré toutesles mesures prises pour en arrêter la propaga-tion.

On peut même dire qu'un habile observateurayant reconnu les premiers symptômes de ce mal,aurait pu sans aucune peine en tirer parti pour frap-per l'intelligencede tout prince désireux de s'assurerle concours d'un conseiller sagaceet savant.

L'histoire des pestes telles que celle de Marseille,si célèbre par le dévouement tout évangélique deFévéque Belzunce, nous dispense d'ajouter des dé-

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laits sur !a plaie des boutons pestilentiels et conta-gieux.

Quant aux grêles, on connaitl'histoire de celle dei788 qui traversa tout le royaumede France et occa-sionna des dégâts estimés à plus de cent millions delivres tournois. N'aurait-il pas suffi qu'un habile nié-téorologiste, plus au courant des symptômes dutemps que les académiciens du temps, ait annoncél'orage pour qu'il ait acquis rapidement un pouvoirsurprenant? De toutes les merveilles de Moïse,celle-ci nous paraît la plus croyable. Car une teHeprescience qui est au-dessus des forces de nos savantsà formules, à cartes et a calculs, n'est peut-être passupérieure à l'expérience du chefd'un peuple de pas-teurs habitués à contempler avidement les signes dunrmament.

La naissanceet la fin de la plaie des sauterelles nesont pas moins naturelles, et dignes au point devue descriptif de notre admiration. En eHet si lepoète avait fait périr les voyageuses en Égypte, le solen aurait été infesté et la peste aurait été infaillible.ment engendrée.

Maison imaginant qu'ellesont été enlevées par unventd'ouestet précipitées dans la mer Rouge, l'auteuren débarrasse te pa.ys d'une façon merveilleusementnaturelle. et admirablement imaginée. H ne resteque Fà propos de ces vents venant tantôt de l'ouestet tantôt de l'est, à point nommé, mais cette cir.constance n'embarrasse pas les sorciers nègres quoi..

.»qu'ils soient bien moins savants que Moïse ne l'étaitcertainement. Le roi Ceitiwayo avait comblé de

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Il n'est pas nécessaire d'insister sur J'exagérationmanifeste d'une telle assertion. Toutefois on saitqu'il y a dans les déserts de l'Asie Mineuredes trombesdont quelques-unes sont lumineuses, et tellementfréquentes que le voyageur russe Kbanikou* en aobservé plusieurs dont il a laissé la description.

J! n'est point superflu de citer à propos du mi-racle mosaïque les ré~exions de Jean-JacquesScheu-chzer qui cherche à l'expliquer.

Cette coJonnc était une nuée, mais non pas une nuéenaturelle, errante au gré des vents, ni composée de gouttesd'eau. Elle était. en même temps un feu, mais non pas unfeu naturel, c'était un feu tout divin. S'i! n'y eut rien quede naturel dans cette colonne, le feu eût bientôt dissipé lesparticules d'eau, ou ces particules eussent étouffé le feu. Sil'on veut se servirdes termes barbares de l'école, i'antipero-stose eût fait que les particules d'eau et de feu eussent été

dans une contradiction continuelle. Elles eussent causé tousles jours de terribles tempêtes.

Les premières eussent produitdes pluies abondantes,et les

ses dons, les fabricants de tempêtes qui devaientanéantir l'armée des Anglais. Le pauvre pharaonde l'Afrique australe, aujourd'hui renferme dans

son château du Cap, doit amèrement regretterd'avoirajouté foi aux promesses de ses enchanteurs.Mais cet homme astucieux et versé sans doute dansl'interprétation des symptômes naturels est plus ex-cusable d'avoir ajouté foi aux promesses de ses griHots

que le pharaon de l'Écriture.L'on sait que, suivant Moïse, la route des Israélites

fut indiquée pendan t le jour parunecolonnede nuées,et pendant la nuit par une colonne de feu.

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secondes des éclairs et des tonnerres. Ce nuage que nous.expliquons avait cependant du rapport avec ceux qui pro-duisent la foudre, car il en sortait de temps en temps des.éclairs et des tonnerres lorsqueDieu était irrité, ou lorsqu'ilétait propice. Mais cela ne se faisait que par son opérationimmédiate. La première fois qu'Aaron fit les fonctions d&grand prêtre, et qu'il fit pour ainsi dire l'inauguration duculte divin~ /~< sortit de ~CM< l'Eternel et consuma sur.~~u<~ f~o/ocMMS<e et les ~'cf~<sM. Cette foudre fut lancée dela colonne même et dévora les hommes de la conjuration~de Coré, Dathan, Abiron, qui offraient du parfum.

Aprèsa voir décrit les effets de la colonne lumineusependant la nuit, notre auteur ajoute non sans. montrerune grande dose de naïveté

II est sûr que ce peuple avait besoin d'un tel guide, et dejour et de nuit. Car il lui fallait traverser l'Arabie déserte~ce pays inhabité, si vaste, si sec, et dont les chemins sont sidifficiles: ce pays rempli de rochers tout nus et de coltinessablonneuses, sans fleuves, sans rivières et sans ibntaines~et presque entièrement dénué d'arbres et de plantes,c'est une espèce de mer de sable, où l'on a besoin d'uneboussole pour se guider.

Nous sommes d'un sentiment tout opposé, et trou.vons qu'il n'était nullementbesoin de jalonner mer-veilleusement une route, que les Arabes parcourentjournellement sans avoir de boussole pour se guider.

Le docte et pieux professeur de Zurich oubliait qu'ily a des étoiles au ciel, et que dans ces déserts lesconstellations boréales voisines de la Polaire brillenttoutes les nuits.

Le passage de la mer Rouge a été trop souventdiscuté pour qu'il y ait lieude revenir sur l'apprécia'

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<ion d'un fait qui n'a rien que de très naturel en lui-méme; car les marées extraordinaires se produisentsouvent) môme dans des mers closes telles que le lacde Genève où elles sont assez fréquentes pour êtreconnues sous le nom de Seiches et commencent à êtresoigneusement observées.

La dimcuMé majeure ne réside point ici dans ladimculté d'accorder la possibilité physique du phé-nomène, mais la convenance d'admettre qu'il s'estproduit au moment où Moïse en avait besoin.

Si nous le trouvions dans quelque auteur sérieux-comme Polybe ou Hérodote nous n'aurions pas lemême droit de nous montrer incrédules. Mais nesommes-nous pas tenus de pécher pour ainsi direpar circonspection, quand nous rencontrons ce faitextraordinaire par lui-même, accolé avec d'autres~ui sont affirmés avec autant d'audace, quoiqu'ilssoient tout à fait extravagants.

Beaucoup de commentateurs orthodoxes se sontdonné du mal pour montrer que ce passage de Pha-raon était une vérité historique~ Des docteurs deBerlin se sont mis le crâneà la torturepour démontrer.que les troupes du tyran d'Égypte avaient été en-glouties par tes eaux.

Nous n'irons point discuter avec ces graves et sa-vants personnages,dont quelques-uns connaissentsans doute par coeur le livre des marées dans la .M-~<M~Mecd~~ de t'immortei Laplace. Nous nous bor-nerons à leur faire remarquer que la solution de cettedifScuité historique ne serait que d'un faible secourstant qu'ils n'auraient pas été plus loin. En effet, le

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miracle de la traversée de la mer Ronge n'est pasle seul de.ce genre qu'il faille expliquer pour sauverl'intégrité du livre saint, il faut encore démontrer quele prophète Élisée a pu partager en deux les eauxdu Jourdain, et se promener à pied sec en frappantà droite et à gauche avec les pans du manteauqu'Élie, le grand patron des aéronautes, avait laissétomber sur terre quand il ut sa glorieuse et der-nière excursion sur un char de feu.

Les cailles qui tombèrent dans ïe camp des Hé-breux et servirent à les ravitailler n'ont rien quipuisse être considéré comme véritablementmiracu-leux, car comme quelques personnespersistent à lecroire, elles n'étaient pas toutes rôties. Sans avoircertainement le droitde crierau miracle, on pourraitadmettre que le peuple de Dieu ait eu une pareilleaubaine, semblable à la rencontre du fameux bancde poissons volants qui tombèrent sur le radeau des

'naufragés de la ~fcd~w. Car les Hébreux pouvaientbien être considérés comme des naufragés volon-taires s'il était vrai qu'ils se fussent avancés dans cessolitudes sans avoir eu la prudence de faire desprovisions d'aucune espèce, ce dont nous nous per-mettronsde douter malgré l'assertion persistante del'écrivain sacré.

Il n'est même pas nécessaire que les Hébreuxaient rencontré des oiseaux aussi délicats. Des saute-relles auraient tout aussi bien fait leur affaire, carsans être poussés par la famine au môme degré dèmisère les Arabes mangent ces insectes et ne s'enplaignent jamais. Quanta la manne qui tombait du

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'ciel la dimculté est plus sérieuse et l'on ne peuts'empêcher de reconnaître que dans son zèle l'écri-vain a péché contre la logique autant que contre lavérité historique. En effet l'homme étant à propre-jnent parler o?MM!~ore ne se peut contenter d'unenourriture unique. Des expériences nombreuses fai-tes sur l'alimentation des chiens et un nombre considé-rable d'observations cliniques donnent un démenti-complet au récit de Moïse, à moins cependant d'ad-mettre que la manne contint toutes les substancesnécessaires à l'entretien des organes complexes dontle corps de l'homme est composé. Dans ce cas le mi-a'acle serait beaucoup plus surprenant encore que lesinterprètes ne l'ont imaginé.

Le docte abbé Moigno a eu grandement tort dansle second volume de ses Splendeurs de la. /<'t ( tome 2,page i i25) d'invoquerune circonstance atténuanteencitant certains passages qui prouvent que le fait sur-naturel peut être greffé sur un fait naturel. En effet

en constatant la chute de la manne qui de nos jourstombe encore du coccMs w<MMMparadans les solitudesdu Sinaï,H ne fait que de montrer comment cette cir.constance curieuse a pu donner au rédacteur de laBible la matière première de la légende qu'il a sipoétiquement développée. Nous ne perdrons pasnotre temps à justifier l'opinion des incrédufesqui fontremarquer fort judicieusement que cette manne estlaxative et qu'aucun peuple humain ne. s'en sauraittcontenter. Nous ne discuterons point non plus laréplique des fidèles qui font remarquer qu'elle n'agitprobablement que les premiers jours et que les Israé-

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lites auraient très bien pu s'habituer à en faire leurordinaire s'ils en avaient vu tomber du ciel réguliè-rement chaque matin.

Toutefois nous ne partagerons pas l'étonnementdecertaines personnes qui trouvent singulier que lesIsraélites aient montré quelque impatience d'être misà ce régime et s'étonnent que !e peuple de Dieuait vécu au milieu de troubles aussi fréquents. Despopulations ;)Ius dociles et plus patientes que ces ber-

gers sémites n'auraient point attendu si longtempspour demanderqu'on leur rende lesoignonsdÉgypte,fussent-ils assaisonnés de quelques coups de bâ-ton.

Un des plus beaux et des plus poétiques épisodesdela vie accidentée de Moïse est lorsqu'il frappa un ro-cher de sa baguette, pour lui ordonner de livrerpassage à une source d'eau. On peut dire que nousne devons pas une seule fois le perdre de vue si

nous voulons atteindre Tombouctou, et que nousdevrons répéter ce miracle bien des fois le long dufutur chemin de fer du Soudan.

Nous ne sommes point étonnés que la vue d'une si'utile merveille ait frappé avec une vivacité extraordi-naire l'imaginationdes nomades, même quaud Moïsen'aurait fait que de découvrir une vieille sourceabandonnée.

Quoique nous soyons obligés de frapper les sableset les rochers du désert avec une sonde en fer beau-

coup plus solide que sa baguette, l'étonnement desindigènes ne sera pas moins grand, que le fut celuides Beni-Israel, quand ils virent que leur prophète,

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digne précurseur de Wallace, leur donnait le moyend'apaiser la soif qui les dévorait.

Nous demandonsà nos lecteurs la permissionde nepoint chercherà devinerl'instrument dontMoïse a puse servir pour tirer de la roche aride une source vivi-fiante. Celui qui donne un nouveau puits au Sahara~de quelque procédé qu'il se serve, accomplit un mi-racleplus admirable que celui du Sauveur lui-mêmequand il tira Lazare de son sépulcre.

En effet quand l'eau coule au milieu des sables,c'est la vie universelle qui se réveille pour toujours,c'est le sable qui se couvre de fleurs ce n'est passeulement un cadavre qu'on arrache à la mort pourquelques jours, c'est la mort elle-même qui recule etsemble descendre au tombeau.

vm

LES FOUDRES DE L'ANCIEN ET DU NOUVEAU

TESTAMENT

Dans la mythologie ancienne on peut dire que lafoudre était l'arme habituelle des dieux. Pline rap-porte avec une gravité comique que neuf immortelsont le privilège de la manier.Il admettait qu'il y avaitonze espèces différentes de carreaux et que sur cesonze sortes de traits fulgurants Jupiters'était réservé

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le privilège d'en lancer trois, que toutes trois da-taient de jour,celles de nuit ayant été abandonnées ad'autres dieux de moindre importance.

Les annales romaines prétendaientt même que parcertains rites et certaines invocations,de simpleshom-

mes pouvaient obtenir de se servir de la foudre

comme s'ils eussent été élevés au rang des dieux.C'est ainsi que les Etrusquesse seraient débarras-

sés d'un monstre qui dévastait le territoire deVolsimes et portait le nom de Volta.

Lacoïncidence qui donne à cet apocryphele nom del'homme de génie auquel la science moderne doit lafoudre quesecrète la pilé, est plus merveilleuse peut-être que beaucoup de passages des poésies de Danielrelativement à la venue de Jésus-Christ.

Malgré cette circonstancenous persisteronsà croireque tout est mensonge dans les légendes qui ont traita ce pouvoir magique. Nous n'ajouterons notammentaucune créance au passage célèbre dans lequel Tite-Live nous raconte que Numa et Porsenna avaientpratiqué cet art sublime, et que Tullius Hostiliuspérit parce qu'il avait négligé quelques-unes desprécautions dont il fallait s'environner.

Toutefois il est fort possible de croire que la pro-priété essentielle du paratonnerre ait. été connue dela plus haute antiquité,et que malgré leur ignorance

en beaucoup de choses les Juifs l'aient possédée.En effet il paraît difficile d'admettreque le temple

de Jérusatem ait bravé pendant si longtemps les fou-dres du ciel s'il n'avait été protégé par quelque moyencaché.

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Quoique les descriptions que l'on nous donne de

cemonument soient excessivement peu claires, il estfacile de voir qu'il était hérissé de pointes de fer quidevaient former un excellent paratonnerre se trou-vant mis en communicationavec la terre par d'autresornements met auiques dont te temple de Jéhovahétait revêtu.

Les Juifs avaient donc trouvé pour leur temple unmoyen de protection peut-être plus efficace que celuidont un physicien fantaisiste de Bruxelles a armél'Hôtel de Ville dans ces derniers temps.

Sans porterpréjudiceàlagloire du grandFrankiin,il n'est point étonnant que les prêtres d'Egypte, quisuivant toute probabilité furent les instituteurs desHébreux, aient deviné le pouvoir des pointes, et queleurs pyramides et leurs obélisques aient joué d'unefaçon dispendieuse mais pittoresque le même rôieque les tiges de fer couronnant nos monuments. Eneffet, le récit de voyageurs dignes de foi nous ap-prend que pendant le temps d'orage on soutire ausommetdes pyramidesdes étincelles dont de Saussureet Jalabert auraient été jaloux.

H serait souverainement injuste de faire à Ïa Bible

un reproche, de faire un usage immodéré de la foudre,car on la rencontre à chaque pas dans la mythologie.C'est à l'aide de la foudre que le rival de Jéhovah in-tervient dans les affaires de ce monde. Si quelqu'unlui dérobait le moyen de lancer ses terribles carreauxJupiter ne serait plus qu'un dieu fort ordinaire.

Dans la. vie pubtique des anciens on peut dire quela ibudrc avait droit de cité.

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A chaque pas dans Tite-Live et dans les historiensfomains on rencontre la preuve qu'elle précédait tou-jours d'au moins un an les caprices de la Fortune.

Pour ne point allonger inutilement nos citations,

Mous nous bornerons à rappelerque des foudres pré*monitoires frappèrent les principaux monuments deRome lorsque les Ligures furent vaincus (an 570),quand Persée roi de Macédoine fut défait par PaulEmile, l'année de la destruction de Carthage par Sci-pion, etc., etc.

Mais tous les événements annoncés ainsi n'étaientpoint favorables au développement de la puissanceromaine.

L'année où les esclaves révoltés massacrèrent unearmée romaine en Sicile, la foudre était tombée surun bouclier pris aux Ligures. L'année où PubliusCrassus fut tué, un coup de foudre avait irappé àmort un préteur du peuple romain en même tempsqu'un troupeau de moutons. Il en fut de même

en 598 quand les Romains furent défaits par lesLusitaniens.

Nos lecteurs se diront sans doute que les auguresse donnaient les coudées franches en supposant quel'effet d'un coup de foudre pouvait s'étendre sur unlaps de temps aussi considérable.En effet il est bienfare qu'une période de douze mois s'écoule sansque l'on puisse trouver dans la vie d'un peuple unseul événement heureux pour expliquer un carreauqui est venu de l'Orient, ou une seule circonstancesinistre éclatant du coté de l'Occident.

Mais il ne faut pas croire que les vicissitudesainsi

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annoncées dussent toujours suivre d'aussi près lescarreaux dont elles ont été précédées.

Pour les particuliers la signification du coup defoudre s'étendsur unepériode de dix années, à moins

que la foudre n'éclate lorsdu mariage,alors il estbonpour toute la vie.

La signification des foudres publiques est souventplus longue car elle s'étend jusqu'à trente ans, et lorsde la fondation des villes, elles sont bonnes jusqu'à ladestruction de l'État.

L'influence des fulgurations qui se sont produiteslorsque Romulus creusait les célèbres fossés, quicoûtèrent la vie à son frère, ne s'est point encoreépuisée.

Pour observer des présages susceptiblesd'une telleimportance les Étrusques avaient partagé le ciel enseize départements qu'on nous dispensera d'énu-mérer.

Nous ajouterons seulement que pour tirer unpré ~ge valable l'augure avait un nombre incroyablede précautionsà prendre.

H devait observer non seulement d'où la foudreétait venue, mais encore ce qu'elle était devenue étsi elle s'était éteinte ou si elle était remontée versle ciel.

Suivant une croyance fort répandue, ce phéno-mène se produisait quelquefois. S'il était constaté,lorsque la foudre venait du Nord, on considérait cettecirconstance, comme étant le présage d'une fortuneextraordinaire. C'est ainsi que beaucoup d'écrivainsbeaucoup plus instruits et beaucoup plus civilises que

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les auteursde la Bible, expliquaient le bonheur inso-lent dont le dictateur Sylla jouit jusqu'à la fin de savie.

En outre les augures prenaient à l'avance leursprécautions pour le cas où les présages ne seraientpoint vérifiés, et ils procédaientavec une circonspec-tion dont Tartuffe lui-mêmeeût été jaloux.

L'on peut facilement s'en convaincre a la suite dela lecturede ce passage du bon Pline.

a On pense, ajoute-t-il prudemment qu'il y a certainesfoudres dont il n'est point permis de donner ni d'écouterl'interprétation. On a reconnu à Rome quand le temple deJunon fut frappé par la foudre sous le consulat de Scan-dius combien ces observations sont vraies en en'et. peu detemps après ce personnage fut prince du sénat.

'Dans l'antiquité, il n'y avait pas de religion sansla foudre, et celui qui eut nié son influence eut étéconsidéré comme un blasphémateur.

Cette vérité était si manifeste que les poètes parune trope hardie, confondaient Jupiter avec son ton--nerre, témoins ces deux vers d'Horace.

Horr~ tempestfls c<B~Mm coM~r<MM~ et1~'es nivesque deducunt Jb~eM.

Il n'est pas étonnant que la foudre figure pour ainsidire à chaque pas dans l'Écritureet qu'au moins dansl'Apocalypse le Nouveau Testament en ait fait uuusage constant. Non seulement Jéhovah de même queJupiter foudroie les méchants de temps a autre,mais il prend plaisir à montrer à ses amis qu'H dirige

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ses carreaux avec autant de dextérité que s'il étaitarmé d'un fusil rayé.

H serait fastidieux de faire rénumération de tousles événementsdans lesquels la foudre a joué un rôlemémorable. Nous nous contenterons donc en ce mo-ment de présenter quelques observations à propos deplusieurs coups fort notables dont les hiographes duprophète des Hébreux n'oublient jamais de fairemention.

Lorsque Moïse va chercher sur.le mont Sinaï les.tables de la loi, Jéhovah les lui remet au milieu deséclairs et du tonnerre, roulant d'une façon non in-rompue.

Au point de vue physique les foudres du Sinaïn'ont rien qui soit essentiellement incroyable oumiraculeux.

Car les habitants des plaines ont bien des fois lespectacle, surtout dans les régionschaudes, d'oragesviolents éclatant dans les lieux élevés.

Quoique les collines qui environnent Paris n'aientqu'une élévation bien médiocre~ et que la patrie deVottaire ressemblebeaucoup plus.à une Sodome qu'àune Thébaïde, nous avons vu bien des fois les refletsd'orages éclairant les hauteurs du Mont-galérien~

sans que le moindre rayon de foudre ait pénétré dansFin teneur de Paris. Un ermite habitant les ruines del'ancienmonastèresous prétexte d'y préparerun codede lois inspirées, n'aurait pas eu de peine à tirerparti de la localisation du feu céïeste, pour faire croire

que Dieu lui avait parlé.L'art du prophète ne pouvant être de provoquer

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tes orages, on comprend qu'il produise des effetspuissants sur son peuple, s'il est assez habile pourtirer parti des tempêtes qui se déchaînentet qui parleur grandeur sont de nature à frapper l'imagination.

Supposez les Parisiens plus superstitieux et moinsinstruits qu'aujourdhui,H ne faudrait point l'affole-ment d'un siège pour leur fuire perdre de vueles bienfaitsdont une république sagement progres-sive les fera jouir ainsi que leurs enfants. Il sufurait,non pas d'une série de coups de foudre, mais d'uneavalanche semblable à celle du 4 décembre i879pour qu'ils admirent la science du mystagogue lesayant prévenus qu'il allait neiger.

Le feu du ciel qui tombe sur les sacrifices queMoïse immola à la dédicace du tabernacle n'a certai-nement jamais rien dévoré.

Il est cependant possible que dans ces circonstancesles prêtres aient usé d'un subterfuge bien simple etcommuniqué une étincelle subreptice à un dépôt dematières inflammablesvenant a s'embrasersoudaine-ment.

Les divers moyens à l'aide desquels on peut prati-quer un semblable miraclesont trop nombreuxet tropfaciles à concevoir pour qu'il y ait quelque intérêt às'appesantir sur ce genre d'escamotage.

L'eftet théatraî d'une semblable manœuvre devaitêtre véritabtement prodigieux à une époque oùl'existence des allumettes chimiques était inconnue.

De nos jours même, il se trouverait nombre degens crédutes qui seraient certainement ébranïés.

Mais avant de continuernotre examen rapide des

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miracles de la B~ble, il n'est pas hors de propos de'faire quelques études rapides de mythologiecomparée

sur une religion rivale. Car elles nous aideront à corn*prendreque les faits merveilleux forment pour ainsidire un fonds commun de prestiges ou de symbolesauxquels tous les apologistes et tous les révélateurs.ont librement puisé.

IX

LA PHYSIQUE DES MIRACLES DE MAHOMET

Une des prétentions de toutes les religions, mômedes plus récenteset des plusridicules,est de renfermertoute la vérité et de regarder les autres avec un sou-verain mépris.

Il ne faudraitpourtant pas beaucoupd'imaginationpour démontrer sérieusement que l'arrivée de Maho-met entrait dans les destins de Dieu. En effet ilsemblait (pie les plus grands événements politiquesdes derniers siècles aient eu pour but principal de.faciliter l'expansion de l'empire qu'il était appelé àfonder. Indignes de leur père, les enfants du grandChosroès ne songeaientqu'à désolerpar des meurtresou des parricides la Perse qu'il avait élevée a un sihaut degré de puissance et de prospérité.

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Mais les Romains n'étaient pas plus heureux queles Persans, et les successeurs de Justinien avilissaientle trône auquel un digne successeur de César avaitrendu une sorte de splendeur nouvelle, déchue dusiècle desAntonins.

Maurice venait d'être détrôné par Phocas à la suitedes intrigues du patriarche de Syrie. Le sang de cegrand empereur et de ses cinq fils avait coulé par lamaiu du bourreau.

L'évoque de Rome, préoccupédu désir de rétablirsa suprématie sur l'Eglise d'Orient, flattait le tyrancouvert du sang d'un brave guerrier qu'il ne rougis*sait pas de calomnier odieusement.

Sur les ruines de l'empire d'Occident s étaientélevées une série de monarchiesbarbaresdans lesquel-les le souvenir de la civilisation semblait sur le pointde s'éteindre. L'Eglise du Christ, trop souvent corn"plice de princes indignes du trône, n'avait jamais paruplus éloignée d'avoir la puissance de faire régnerl'ordre et respecter la vertu.

La carrière du fondateur de l'Islam est trop con-nue pour que nous cherchions à la résumer. Mais ilest impossible de ne pas reconnaître qu'il n'estpoint étonnantqu'elle ait enflammé l'imagination deses disciples et qu'elle soit, encore de nos jours,après une douzaine de siècles, un sujet d'admirationpour tout l'Orient.

H est fort curieux de lire les auteurs catholiquesquand ils font le commentaire des miracles accom-plis par l'ancien conducteur de chameaux l'on nesaurait trop admirer avec quelle saine logique ils nous

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Montrent que ces prestiges sont imaginés par da-droits compères cherchant à inspirer pour leur pro-phète un respect de mauvais aloi.

Bien entendu les écrivains musulmans ne sont pasun guide moins sûr quand ils analysent certains mi-racles chrétiens, quoiqu'ils soient plus indulgentspour les disciples de Jésus de Nazareth, et se bor-nent à réclamer d'ordinaire pour eux-mêmes la foi

que leurs adversaires exigent pour leurs prophètesetpour leurs moindres saints.

La nativité de Mahomet a été accompagnée, ilfaut le reconnaître, de miracles aussi faciles à admet-tre que celui de l'Annonciation. En effet quand lamère de Mahomet était sur 1~ point d'accoucher ellevit arriver, près de son lit, des anges venant la féli-eiter.

Les femmes enceintes étant souvent sujettes à desvisions parfois bien extraordinaires, il n'y a pasiieu d'insister sur la possibilité physique de pareillesapparitions.

Quant au tremblement soudain dont les idoles de.la Mecque furent saisies au moment de la naissance

-du prophète et des voix qui annoncèrent cet événe-ment, nous croyons que cette légende n'offre pasplus de dimculté que celle des mages, de Jésus.

Si l'on rénéchit au rôle que l'archange Gabrieljoue dans la mythologie chrétienne, on doit franche-ment reconnaître qu'il n'est point étonnant queMahomet se soit adressé à lui.

En outre Mahomet est d'une modestie exemplairequi donne une idée favorable, sinon de son bon sens,

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du moins de sa bonne foi. En euet, il a besoin de con-sulter sa femme pour se convaincre qu'il a bien étéchoisi par Dieu. Puis il se prend à désespérer de voirde nouveau l'archange revenir. Sa douleur est sisincère qu'il songe à se suicider.

Un écrivain musulman qui se chargerait de raccom'moder la tradition islamique avec la philosophiegermanique, pourrait bien soutenir que le prophèteest tombé dans une extase naturelle en entrant danssa caverne, et le justifier aux yeux de la faculté deStamboul en employant des raisonnements moinsdifficiles à comprendre que ceux de maints docteursde Sorbonne. Ils seraient des chefs-d'œuvre de clartéauprès de ceux dont tant de gens habiles se sont.servis pour mettre d'accord la science moderne avecla divinité de Jésus-Christ.

La légende prétend de plus qu'après une secondeapparition de l'archange tous les doutes durentcesserdans l'esprit du prophète. En effet lorsqu'il retournaune nouvelle fois à la Mecque, les pierres et lei arbreseux-même le saluaient lorsqu'il passait en s écriant àl'envi « Oui, tu es bien le véritable prophète deDieu. »

Evidemment cette merveille fera rire aux larmesdes gensqui croient à l'existence des onze mille viergesde Cologne et à l'histoire de la légion fulminante.

Cependant, les arbres et les pierresn'ont pas besoind'avoir une bouche ou une langue pour chanter àl'unisson de notre pensée. Le vent qui souffle à traversla montagne possède une voix que celui qui vientde voir l'archange Gabriel comprendracertainement.

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H faut de plus remarquer d'une façon expresseque Mahomet lui-môme est excessivement sobre defaits miraculeux. L'immense majorité des légendesqui émaillent sa vie sont incontestablement dues auzéle inconsidéré de disciples cherchantà augmenterson renom.

C'est un besoin de crédulité naïve et méprisabledont les religionsne sont passeules à porteries traces,et qui afflige toutes les sectes politiques. On en a vules preuves pendant la duréede l'empire, et la Répu-blique, si l'on n'y mettait pas ordre, verrait reparaî-tre les mêmes excès.

Les disciples de Mahometapportaient, dans leursrapports avec le maître, un dévouement sans bornes

que Voltaire a très bien peint dans la célèbre tra-gédie, où son génie nous a montré à quel excès peutdescendre le fanatisme quand il est habilementex-ploité.

Cette adoration se traduisait non seulement pardes crimes horribles, mais par des actes d'un cynismerévoltant.

Lorsque Mahomet se lavait, les croyants recueil-laient avec soin l'eau dont le prophète s'était servi.Ils la buvaient avec délices comme s'il se fût agi d'unvéritable breuvage de félicité.

Quand le prophète se faisait tondre on ramassait

ses moindres poils avec un empressementservile. De

nos jours les cheveux du prophète sont considérés

comme des reliques du plus haut prix et donnentlieu aux plus curieux procès.

Un musulman fervent de Bombay étant mort il y

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quelques années, laissa une rente importante afinde montrer aux fidèles un cheveu du prophète, en-châssé dans un ostensoir de cristal et d'or. Le jugeanglais eut à déciderde la manière dont le testamentserait appliqué.

Quatre prétendants se disputaient avec acharne-ment cet objet inestimable. Salomon eût proposé dele partager, ce qui pouvait se faire à la rigueur avecles instruments dans dispose la micrographie mo-derne.

Après un jugement motivé de la façon la plus-comique et dont les juges de Racine eussent étéjaloux, l'Anglais partagea la rente entre tous lesplaideurs, mais il conserva intacte !a relique du pro-phète et la donna en garde au représentant le plus.âgé de la branche aînée.

Le futur prophète n'avait que deux ou trois ans<pand sa nourrice le mena à la campagne. Deux.anges à forme humaine s'approchèrentde la femme,s'emparèrent de l'enfant et le portèrent sur une col-line. Alors le couchant par terre ils lui ouvrirent leventre, lui prirent son cœur pour lui enlever unepetite tache noire, trace du péché originel qui estdans le cœur de tout homme depuis la faute d'Adam.La légende ne dit pas ce que fit la nourrice pendant'cette merveilleuse extirpation.

Mais quand les deux envoyés d'Allah eurent finicette opération, ils remirent le viscère en place et re-fermèrent la plaie qu'ils avaient ouverte. Il n'en restad'autre trace qu'une cicatrice allant depuis la fossettedu cou, jusqu'au nombril. Les bons musulmans pré-

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tendent, que Mahomet a gardé jusqu'à sa mort cetteétrange preuve de sa purification.

Le fils d'Amina portait entre les épaules une loupequi constituait une dinbrmité des plus gênantes.Au lieu de chercherà l'en guérir, ses disciples imagi-nèrent que c'était le sceau de sa mission.

Ce n'est pas la ferveur religieuse qui doit êtreconsidéréecomme ayant le monopole de cette avilis-sante manie de changer en vertu les défauts deceux qu'elle admire.

N'a-t-on pas vu tous les courtisans d'Alexandre leGrand incliner la tête sur l'épaule afin d'imiter deleur mieux le défaut qui faisait le désespoir dusouverain ? H n'est point étonnant de voir tous lescourtisans prendre des béquilles à la cour d'un em-pereur boiteux. Ceux qui approchaient Miche! leBorgne s'exerçaient à garder un œil fermé.

La mode des perruques n'aurait pas fleuri à lacour de Louis XIV, si le roi.soleiln'avait eu à cacherquelque rougeur peu flatteuse pour un prince qui,ayant le droit de guérir les écrouelles, aurait dû faire

usage pour lui-même du pouvoir surnaturel dont soncouronnement l'avait investi.

Voilà certainement une série de miracles bien ab-jects, et que l'on nous dispensera de commenter,car nous verrons dans la suite de ce travail que lesdévots aux saints des derniers jours ont perdu ledroit d'en rire, et nous aurons à raconter des his-toires encore moins édifiantesauxquelles il n'y a pasque des peuples demi-barbaresqui ajoutent foi.

Mais nous ne pouvons quitter cet intéressantsujet

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sans dire deux mots d'une légende qui a inspiré unhomme ayant joué un rôle bien funeste dans l'his-toirede notre patrie.

L'archange Gabriel n'était pas le seul messagerqu'Allah dut employer pour se mettre en rapportavec son prophète.

Sans doute pour les détails moins importants etmoins pressés, il se contentait de lui envoyer unsimple pigeon.

Suivant ce que rapportent les Jésuiteset les histo-riens des croisades,Mahotneten guise de coton avaitl'habitudede se mettre un peu de grain dans l'oreille,et l'oiseau qui venait pour s'en saisir avait l'air des'entretenir avec lui.

Pendant qu'H n'était encoreque simple prétendant,Napoléon Ht essaya de devancer l'heure des plébis-cites en eitectuant une descente à Boulogne. Pensantfrapper l'imagination des populations, il avait pris lepetit chapeau de son oncle et un aigle apprivoisé

se tenait sur son épaule. Cette magnifique mise enscène manqua totalement son effet. Le futur empe-reur dut se jeter à la mer pour essayer de s'échapper

en nageant. On le repêcha, et l'on s'aperçut alors dela raison qui faisait que l'oiseau impérial l'avait si

ndèlement suivi pendant tout le temps qu'avait durécette comédie. Le prince Louis, habile escamoteur,avait attaché un morceau de lard dans le fond deson chapeau.

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x

LA STATUE DE SEL

L'histoire de Loth, neveu d'Abraham, est une decelles qui peuvent se narrer le plus difficilement entermes honnêtes aussi laisserons-nous d'autres plushabites, ou plus hardis que nous, développer les dé.tails que nous nous contenterons d'énumérer rapide.ment.

Nous n'insisterons ni sur Fituprudence de Jého-vah d'envoyer ses anges dans une ville où leur in-nocence devait courir d'aussi grands dangers, ni sur!e singulier dévouementdu patriarchequi s'empressed'offrir ses filles pour épargner les derniers outragesà des étrangers qu'il connaissait à peine, ni sur l'é-tonnante impudicité des enfants de cet homme ver-tueux qui l'enivrent afin d'abuser de son état d'é'briété pour lui dérober d'horribles caresses.

Nous ferons remarquer que si quelqu'un méritaitla colère deJéhovah, c'était certainementces malheu-

reuses cependant ce fut leur mère, qui, par un mi-racle peu facile à comprendre, fut châtiée, pour unecause infiniment moins grave.

Ovide raconte une multitude de métamorphosesparaissant certainementplus plausibles a notre faibleraison.

On comprend la colère de Mercure qui change le

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bavard berger Battes en pierre parce qu'il a révéléle secret du vol dont il a été témoin. On admet quece dieu vindicatif ait transformé en rocher la nym-phe Agiaurepour la punir de ses refus. On sait mêmejusqu'à un certain point gré à Apollond'avoir renduà jamais insensible la pauvre Niobée, quoiqu'il aiteu pitié un peu tard de la pauvre mère dont il ve-nait de massacrer les enfants.

Mais changer en masse de sel une femme dont lecrime est d'avoir regardé derrière elle sa patrie quibrûlait, est une sévérité véritablement aussi peu ex-plicable que la manière dont la merveille s'est accom-plie. Saint Irénée ne veut pas admettre que latransformation ait été complète. Il imagine que lastatue de sel donne chaque mois des preuves qu'ellea conservé quelque chose de sa nature féminine.L'abbé Moigno explique que la métamorphose a eulieu parce que la malheureuse curieuse fut surprisepar un torrent de bitume surchargé de sel. Il croitTendre le miracle plus facile à comprendre en le par-tageant en deux actes successifs dans le premier elleavait été brûlée, et dans le second le sel aurait rem-placé les chairs carbonisées par une sorte demétamorphose que les géologues nomment épigé-nèse.

N'est-ce pas encore le cas de dire- qu'il vaut mieux-se contenter de la foi du charbonnier qui,même pouradmettre ce miracle, ne cherche pas à savoir si on aallumé du feu?

Cette légende si embarrassante, et l'on peut ajou-ter si grotesque, est certainementune de celles dont

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l'origine se devine plus aisément. On peut en eHetraisonnablement supposer qu'il s'est rencontré, dansles déserts voisins de la mer Morte, une roche de se!,et ayant une forme plus ou moins analogue à celled'une femme habiltée à la Juive.

En effet, c'est en généra! d'une ressemblance decette nature que s'inspirent les faiseurs de chroni-ques, non seulement dans les déserts, mais encoredans les pays de montagnes. En général ils sonttMS peu difficiles à satisfaireet il suffit aux guides des.Alpes de la coupe bizarre d'un pic, pour que leurimagination crée des légendes dignes de figurercôté de celle des villes maudites de la mer Morte.

Quelquefoisquand les montagnes n'ont point unesilhouette suffisament significative, on les travaille, eton les modèle de manière à donnerà ces analogies

vagues un certain degré de précision.11 y a môme des cas où les dévots cherchent

à tailler des statues véritablesen s'aidant de quelquerocher susceptible, à la rigueur, de se prêter à unesemblable transformation.

Il ne faut pas cependant oublier d'ajouter que lesconvulsions volcaniquessont fort communesdans ledistrict o~ aurait eu lieu la métamorphose, de sorteque la destructiondes villesmaudites peut sans incon-vénient être considérée comme un fait historiquedont l'écrivain sacré s'est servi pour donner au sexeaimable une leçon dont il n'a pas beaucoup profité

car il est certain que le châtiment terrible d'un mou-vement bien pardonnable n'empêchera pas beaucoupde belles filles d'Eve de se retourner toutes les fois

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que quelque chose, même un simple torchon, brû-lera derrière leur dos.

L'histoire de Croquemitaine, quelque peu vrai-semblable qu'elle soit, produit certainement plusd'effet sur les petits enfants.

Quant à la moralité de l'anecdote, elle est plusque douteuse; en effet, elle tend à prouver que Jého-vah exige un détachement bien grand de ce senti-ment presque divin qui se nomme l'amour de la pa-trie, et des fanatiques ont pu en faire un usage dé-plorable plus d'une fois,-dès qu'il a été nécessaire deprêcher l'abandon du devoir civique, pour obéir auxordres d'un pontife étranger. ~~T"

XI

Un des personnages qui jouent le plus grand rôledans les miracles de la Bible est sans contredit Josué.Il ne pouvait en être autrement du général qui in-troduisit les Hébreux dans cette terre promise, queson prédécesseur n'avait fait qu'entrevoir, et où illui avait été impossible dé mettre lui-même les pieds.H fallait que Jéhovah, qui avait tant fait pour Moïse,manifestât également sa puissance en faveur du suc-cesseur immédiat du législateur du Sinaï.

LES MURAILLES DE JÉRtCHO

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Aussi croyons-nous que Voltaire n'a point raisonde chercher querelle à l'auteur de la Bible parcequ'après avoir fait passer la mer Rouge à pied secau peuple de Dieu, il emploie un miracle nouveaupour lui permettre de traverser un ruisseau d'aussipeu d'importanceque le Jourdain. Le moindre bateau-eût certainement dispensé l'Eternel d'intervenir cettefois. Mais la répétition d'un si étourdissant prodigen'est-eUe pas nécessaire pour établir son authenticitédans le cas plus pressant où Israël avait sur ses talonstoute l'armée d'un Pharaon?

Quelques auteurs plus zélés que perspicaces ontMun reproche aux auteursorthodoxesd'avoirpousséla crédulité jusqu'à s'imaginer qu'un faible mortelpût interrompre le cours des astres, pour permettreà une poignée de barbares d'achever la déroute dequelquesbandits. Mais ce qui parait le plus extraor-dinaire dans l'histoire d'un homme qui a le pouvoird'arrêter le soleil, ce n'est peut-être pas que Jéhovahlui ait donné cette faculté, c'est qu'ayant à sa dis-position des moyens si énergiques, il descendeà em-ployer des subterfuges positivement indignes d'unfavori de Jéhovah.

H envoie dans la terre de Chanaan des espionschez une femme que dom Calmet cherche à fairepasser pour une cabaretière, mais qui en réalitéexerçait une tout autre industrie, et dont le métierne se peut prononcer.

Lorsque ce grand conquérant, qui était à la têted'une armée de six cent mille hommes et qui avaitDieu pour lui, se trouve en présence de la bourgade

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de Jéricho, il se garde bien de faire donner l'assaut,mais il est pour ainsi dire obligé d'employer unmoyen surnaturel pour faire tomber les muraillesde cette bicoque.

Il faut que ces soldats, plus nombreux que lesPrussiens devant Paris, soient réduits à laisser repo-ser leurs armes inutiles pour ne compter que sur lapuissancede leurs poumons. Cette conquête décidée

par Jéhovah n'aurait pu être accomplie sans le se-cours d'une entrepreneuse de débauches publiques,et si ces bataillons innombrables s'étaient trouvésaffHgés d'une extinction de voix.

Cette fois encore il n'est pas difficile de trouverl'origine d'une légende aussi contraire aux lois de laphysique.

En effet il n'est personne qui né sache que tousles peuples sauvages ont recours à un procédé ana-logue pour frapper leurs ennemis de terreur. Ce

moyen d'attaque n'est pas aussi méprisable qu'onpourrait le supposer.

L'on raconte, en effet, qu'il a suffi des hurlementspoussés par les Zoulous dans la dernière guerre, pourjeter le désordre dans les rangs des troupes britanni-ques. Lors de la terrible bataille d'Isandulah, le gosierdes sujets de Cettiwayo a tout à fait désorienté des

troupes fort braves et très disciplinées.Avant d'avoir recours aux armes des barbares

d'Occident, les Chinois se défendaient bravementpar des cris aidés, il est vrai, de grimaces. Quoiqu'ilsaient, parait-il, inventé la poudre depuis bien desannées, il a fallu une très longue expérience pour

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les convai ncrequ'elle était d'une emcacitésupérieureà celle de leurs tamtams et de leurs mannequins.

Cependant, les interprètesne se sont pas contentésde voir dans le récit biblique la trace d'une terreurpanique dont les ennemis d'fsraë! auraient été frap-pés, ainsi que tes légions romaines elles-mêmes Jefurent tant de fois.

Habitués à prendre au pied de la lettre les récitsïesp!usinvraisemb!ab!es,tes théologiens ne pouvaient

manquer d'invoquer la physique en faveur de cetteabsurde histoire, surtout depuis que l'on a découvertque le son est produit par des vibrations des corpssonores que l'on transmet à l'oreille d'une façon toutà fait merveilleuseet qui, comme on le voit par l'in-vention du téléphone et du phonographe, est loind'avoir été expliquée.

On a même imaginé une expérience qui est quel-quefois répétée dans les cours publics, quoique laptupart des professeurs se bornent à la raconter.

Elle consiste à briser avec la voix des tubes de

verre très minces auxquels on a donné une longueurcalculée, de t.elle sorte qu'ils vibrent à l'unisson decertains sons très aigus.

En généra! les interprètes orthodoxes ne croient

pas que la voix des Israélites ait précipité les mu-railles tout d'une pièce comme l'aurait fait un ventviolent.

Afin de rendre le miracle plus commode à exécuter,ifs enseignent que c'est le ciment qui maintenait lesmuraitîes qui s'était détaché sous l'action mécaniquede l'air poussé par les trompettes; ils supposent que

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les pierres ainsi privées du soutien qu'elles se don-nent l'une à l'autre se sont précipitées à terre, etqu'il s'est formé une brèche par laquelle les vaillants.Hébreux ont passé.

Nous ne nous arrêterons point à faire remarquercombien il est absurde de supposerque les architectes.des Chananéens aient connu le rafunementqui con-siste à joindre les pierres les unes avec les autres al'aide d'une substance qui les solidarise en se cristal-lisant. Comment ces pauvres ouvriers auraient-ils faitpour ces murs d'une obscure bourgade ce que 1~

plupartdes habitants de ces régions désolées ne fontpoint de notre temps ?

Nous ne verrons dans ces détails que des précau-tions oratoires destinées à dissimuler l'absurdité durécit, dont les apologistes les plus déterminés sontobligés de se rendre compte.

N'en est-il pas de même dans cette combinaisonburlesque imaginée par Scheuehzer, qui suppose queles Hébreux ont formé un cercle autour de la villemaudite, de sorte que leurs cris, répercutés par lesmontagnes voisines, ont atteint l'énergie suffisantepour produire un elfet mécanique irrésistible?

L'auteur explique compendieusement que ces cris,n'étaient point poussés au hasard, mais proférés avecun ensemble dont les meilleurs choristes profanes onttoujours été incapables. Le rythme du chant sacréajoutantà la force vive de l'air une impulsion quasisurnaturelle,les murailles furent précipitées sur lesol et rien n'empêcha plus le peuple de Dieu de

passer une population idolâtre au fil de l'épée.

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D'autres ont attribué purement et simplement cemiracle à une sorte d'euet d'amplification produit

par l'usage des trompettes sacrées. Mais quelque dé-chirement que les sons répercutés par ce cuivrefassent subir à la membrane de notre tympan, noussavons que l'effort dynamique produit par le souffledes prêtres est diminué par leur usage. A moins d'ad-mettre le renversement d'une loi physique aussi bienétablie que le mouvement de la terre, on peut dire

que les sonneurs de trompe n'ont pu produire sur lesmurailles plus d'effet que s'ils soufflaient dessus.1 Quelques auteurs prudents se bornent à faire re-marquer en termes généraux que Jéricho est situé

encore de nos jours dans un district exceptionnel,où les lois de la nature sont pour ainsi dire suspen-dues. Ils en donnent pour preuve une plante en réa-lité fort extraordinaire, qui ne croit guère que dansles environs et à laquelle on donne le nom de rosequoiqu'elle ressemble peu à celle de nos jardins.

Contrairement à celle qui embaumenos parterres,la rose de Jéricho ne se flétrit jamais. Elle est com-posée d'une substance particulièreà trame siliceuse,et qui conserve longtemps la propriété d'absorberl'humidité avec une étrange avidité.

Quand elle est sèche et roulée en boule on jure-rait qu'elle est morte depuis longtemps. Elle n'a eneffet aucune forme définie mais quand on l'appro-che d'un peu d'eau elle se gonfle, sa tige se forme,

ses pétales se développent, et ses couleurs vivaces re-paraissent comme par enchantement.

Aucunè expérience n'est de nature à donner une

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plus haute idée de la stabilité des lois qui ont pré-sidé à la créationdes êtres animés.

Nulle merveille n'est plus digne de servir d'exem-ple aux poètes. Les philosophes peuvent même l'in-voquer comme un symbole de la vie future et de larésurrection, mais que vient-elle faire à propos deslégendes relatives au pouvoir magique de Josué?

Un auteur allemand nommé Marhof a publié àKiel, en l'an de grâce i683, un volume entier sur la<;hute des murailles de Jéricho. Ce livre, actuellementintrouvable, porte le nom d'N~oc~er, celui qui

casse les verres, bien entendu sans les payer.Il rapporte avec détails l'histoire d'un marchand de

vin d'Hambourg qui se livrait à l'industrie de fairevoler en éclats les bouteilles dans lesquelles il criait.Ce petit talent de société,fort utile pour établir l'au-thenticité d'un passage controversédes Ecritures,at-tirait pas mal de monde autour de son comptoird'étain.

La légende de Jéricho ne peut être prise au sé-rieux que si l'on consent à admettre la réalité decelle du cor de Roland, ou de celle de la trompetted'Alexandre, instrument non moins authentique,quoique peut-être moins connu.

On rapporte en effet dans certains historiens aussisérieux que la Bible, que le son s'entendaitjusqu'àsoixante lieues de distance, ce qui explique la facilité

avec laquelle une poignée de Grecs et de Macédo-niens ont pu manœuvrer au milieu des multitudesqu'elles ont soumises si rapidement.

Dans cette circonstance, comme dans beaucoup

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d'autres, l'on peut dire que t'imagination des écri*vnins orientaux, malgré leur fécondité, n'a point étéan niveau de la réalité. En effet, !a trompetted'Alexandre, malgré sa puissance, ne peut se compa-rer avec le télégraphe électrique qui permet aux An-g!nis de régner dans le pays de Porus d'une façon plussure que jamais le conquérant grec. Il est bon d'a-jouter à tous ces détails que le Talmud, dont lesrécits fantaisistes sont à tort négligés, contient plu-sieurs légendes de nature à éclairer peut-être les ori-gines du récit ridicule dont nous nous occupons en cemoment.

Suivant !es rabbins, !e théâtre de ce miracle acous-tique resta, jusqu'à la ruine de Jérusalem, d'une so-norité surnaturelle. En effet toutes les fois que l'onfermait les portes d'airain du temple de Jérusalem~

un craquement mystérieux se produisait dans la vaï<!ée de Jéricho.

Ils ajoutent môme qu'on y entendait Je son d'un

orgue dont la musique charmait les Hébreux, ainsi

que le bruit que faisait une machine destinée à tirereau de la mer d'airain.Toutes cesmerveiiJes ont la même origine, le désir

de tirer parti de la créduHté sans bornes des lecteurs,de peur que la foi qu'on cherche à leur inspirer nesoit trop facilement ébranlée.

Si quelque chose peut nous surprendre, c'est quel'écrivain sacré n'ait point songé à invoquer le moin-dre tremblement de terre pour faire tomber les mu-railles impies derrière lesquelles se cachaient les en.nemis de Dieu.

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En effet il n'aurait pas été difficile de citer dansl'histoire authentique des événements que ses admi-rateurs auraient pu invoquer pour corroborer sonrécit.

Je n'en citerai qu'un seul assez récent pour queles détails en soient encore bien connus.

Je veux parler de la chute des murailles de la villed'Oran, qui eut lieu à la fin du siècle dernier,au mo-ment où les Espagnols étaient assiégés par un deslieutenants du dey d'Alger. Nul doute que les janis-saires n'aient attribué, non sans quelque prétexte,ilfaut l'avouer, à la protection divine l'événement quiles délivrait ainsi des infidèles, et que plus d'un ma-rabout de la province de l'Est attende encore qu'unchoc nouveau débarrasse la régence des Françaisqui l'opprimentdepuis plus de cinquante ans.

XII

LES ABEtLLES DE SAMSON

La chronique des travaux de Samson n'est guèreplus raisonnable que celle d'Hercule. S'il étatt néces-saire d'ajouter foi à l'un ou à l'autre,je ne cache pasque je préférerais accepter la massue du fils de Ju-piter plutôt que la mâchoire d'âne de l'Hébreu.

Mais il faut reconnaitre que la légende juive est

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bien faite pour exprimer le mépris que devaient ins-pirer des ennemis qu'une telle arme suffit pour dis-perser.

Il est possibleque les deux histoires aient une ori~gine commune; la séduisante Philistine a un certainair de famille avec l'irrésistible reine de Lydie. Lasupériori té n'appartient pas cettefois aux Grecs.

L'idée d'attacher ta force musculaire du héros.biblique a la longueur de la chevelure, et de &iretomber ses précieuses mèches sous les ciseaux d'unefemme artificieuse, mérite de trouver grâce devantla critique moderne.

Que de fois en effet le ciseau d'un coiffeur n'a-t-ilpas commence la transformation d'un sauvage elthomme par trop civilisé

Que de coeurs vaillants, sans avoir eu la force del'athlète, ont eu cependant toutes les faiblesses, et enperdant comme lui leur chevelure ont aussi perdu.leur liberté 1

Malheureusement il n'en est pas de même de tousJes miracles qui émaiilent la carrière de ce robustefils d'Israël.

H est tout àfait impossibled'admettre qu'unhommepuisse saisir chacune des mâchoires d'un lion et dé-chirer Fanimal en lui écartelant la gueule,car je doutequ'on puisse, par ce procédé si peu naturel, venir àbout du moins redoutable roquet.

Ne serait-il pas plus raisonnable d'ajouter foi aurécit d'un poète arabe qui prétend que Samsonsaisissait le roi du désert par le bout de sa.

queue, le faisait tourbillonner autour de sa tête, e!.

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l'achevait en le lançant sur !e sol o~t il expiraitQuoi qu'il en soit, la Bible nous rapporte que

Samson eut la curiosité de s'approcherde la carcassed'un lion que quelques jours auparavantil avait ainsidéchiré. Le héros s'aperçut à sa grande surprisequ'un essaim d'abeilles s'était installé dans la gueulede sa victime et y avait fabriqué un rayon de mieldont il avait le plus grand besoin, et dont il se régalaen rendant grâces à Dieu

Au premier abord on ne comprend pas la nécessitéd'un miracle de ce genre, et l'on s'étonne que l'onait raconté dans la Bible un fait si en dehors de ceuxque l'on observe constamment.

Les Hébreux connaissaient admirablement lesmœurs des abeilles qui constituaient une de leursrichesses.Lesdévotsd'Israël étaient aussi bienà mêmeque ceux de nos jours de se rendre compte de l'im-possibilité d'admettre que ces insectes, si soigneuxd'éviter toute chancede corruption, allassent choisir

une charogne pour y établir un essaim.Mais cette merveille était de nature à donner une

haute idée de l'homme qui en avait été l'objet. Elleindiquait en effet un bouleversement complet deshabitudes d'une espèce d'animauxdont l'organisationsociale a toujours excité une vive admiration.

Un athlète choisi par l'Éternel ne pouvait commeun simple voyageur assouvir sa faim dans une soli-tude, avec. un peu de miel trouvé dans un vulgairetronc d'arbre, ou dans le creux de quelque rocher.

Il est bon de noter de plus que cette fable desabeilles de Samson se retrouve sous une forme ana-

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Soguedans les Géorgiques ou Virgilea si bien résuméHn certain nombre de traditions rurales. En effet lepoète raconte en vers d'une admirable harmonie(ce qui ne gâte rien) que le pasteur Aristée a fuit sor-tir un essaim dabeiHes de la peau d'un bœufsacriHésuivant les rites révélés par un dieu.

Ce miracle, aussi croyable que celui de Samson, aété invoqué par quelques auteurs crédules commeune preuve de la réalité de la génération sponta-née.

Ce n'était pas seutementchez les Juifs que les mou-vements des abeilles étaient observés avec uu soiujaloux.

Les anciens n'avaient point oublié que Jupiter futnourri par ces mouches dans les cavernes du montIda. Ils avaient gardé une pieuse reconnaissance auxlaborieux insectes qui s'étaient rendus à l'appet descorybantesà l'époque ou Saturnecroyait avoir dévoréle futur roi des dieux.

La simple apparition d'un essaim d'abeilles dansla ville éternelle était considérée comme un événc-mentassezimportant pour queles historiens en fassentmention.

Il n'y a pas bien longtempsque les abeilles étaientencore considérées en France comme symboïe de ladynastie régnante/et l'on se rappelle encore le tempsoù le manteau pourpreseméd'abeilles d'or était con-sidéré chez nous comme le symbole de. la toute-puissance.

Ceux qui,malgré eux et sans le prévoir, nous ont«débarrassésde cescoûteuxinsectes, ont senti lu besoin

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de les faire travailler pour la gloire de leur empirenouveau.

Ainsi l'on montre dans un musée de Berlin,commeune merveille digne d'attirer l'attention publique,une couronne analogue a celle de Char!emagne etqui est formée par un rayon que des abeilles dociles,sujettes de Sa Majesté Guillaume,ont fabriquée dansquelque ruche du château de Sans-Souci.

Quelque brillant que soit le prodige, nous préfé-rons de beaucoup le miracle qui consisteà faire pous-ser un melon dans une carafe, et que nos jardiniersexcellent à réaliser.

Le sagace Scheuchzeracherché à diminuerla hauteimprobabilité du récit biblique, et il nous a donnéune planche fort bien dessinée qui représente le lionde Samson.

On ne voit plus trace de chair, toute la carcassea été nettoyée par les vers pendant les quelquesjoursqui se sont écoulés depuis. que Samson a écartelé savictime en lui ouvrant la gueule à la force dupoignet.

La précaution prise par le savant commentateurhelvétique est évidemment fort sage, car -l'on saitcombien les abeilles sont ennemies de la vermine etavec quel soin il est indispensableque leurs rucherssoient toujours tenus.

Mais au lieu de disserter à perte de vue sur lesraisons qui ont pu décider un essaimà abandonner saruche pour un logement que les asticots devaient luidisputer, il eût été beaucoup plus sage de se bornera voir, dans l'ordre parfait de leur gouvernement, un

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exemple que les hommes doivent se proposer desuivre, et qu'ils peuvent arriver à réaliser en adop-tant une série de lois destinées à régler l'expansiondeleur génie créateur ainsi que l'exercice de leur li-berté.

Les philosophes spiritualistes pourraient y trouverune preuve non moins remarquable de l'existenced'un pouvoir créateurdu monde, qui a assigné à tousles êtres leur rôle ici-bas, et qui semble nous avoirdonné la mission de compléter sa providence parun usage intelligent des facultés éminentes dont il

nous a doués.

xm

LES MERVEILLES DU TEMPLE DE JÉRUSALEM

La puissance et la richesse de Salomon ont étél'objet d'exagérations tellement puériles qu'il seraittrop long de les rapporter. On pourrait les résumeren disant que les Orientauxont attribué à ce princeun pouvoir sans bornes sur le monde visible, il pro-venait uniquement de ce qu'il possédait un sceaumagique sur lequel était gravée la signature même duTrès-Haut.L'inuuence de ce signe inimitableétait siprodigieuse que les anges et les génies obéissaient à

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celui qui en était possesseur même lorsque l'au-rait dérobé.

Un démon s'en étant emparédu vivant de ce prince

a bouleversé la nature entière, et aurait anéantipeut-être l'univers si Salomon n'était parvenu à le récu-pérer.

Mais comme ce sceau n'a point été anéanti, il fal-lait songer à empêcher qu'il ne tombât entre des mainscoupables, c'est à quoi le Très-Haut a pourvu. Eneffet, les Mille et une nuits, recueil de chroniquesfortrecommandables, nous apprennent que le sceau deSalomon a été en foui dans une des tles de la mer duSud, et qu'un serpent ailé a été préposé à sa garde.

Quelque peu croyable que soit rénumérationdesrichesses delà lampe merveilleuse, on doit dire quecelle des trésors du monarque juif est encore moinsaisée a. accepter.

D'après les calculs qui ont été faits à la fin dusiècle dernier, la somme que David aurait laissée àson fils se serait élevée à dix-huit milliards de francs.

Le nombre des ouvriers d'art que Salomon auraitemployés dans la construction de son temple auraitété de trente mille, auxquels il aurait fallu joindresoixante-dix mille portefaix, quatre-vingt milletailleurs de pierres, et trois mille trois cents sculp-

teurs.Ses flottes allèrent chercher les matièrespremières

dans le pays mystérieux d'Ophir et elles auraientrap-porté plus d'or que jamais le nouveaumonde n'en afourni.

tl avait dans son palais quarante mille écuries,

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douze mille chariot et un nombre de concubines etde femmes légitimes à ruiner le plus riche sultan.

Pour juger de l'authenticité de toutes ces mer-veilles, il nous suffira de rappeler la légende de l'El-dorado, espèce de Midas indien que les Espagnolscherchèrent pendant Lien longtemps dans le voisi-nage de l'Amazone. Quand on arriva à découvrir Jechef qui avait donné lieu à tous ces racontars, ontrouva un pauvre diable mourant de faitn, ne pos-sédant pas la moindre paillette de précieux métal.Tout son trésor était un peu d'ocre jaune dont il seservaitpour se barbouiller la peau.

Chacun des versets consacrés à la description dutemple a été l'objet de controversesaussi inutiles quenombreuses, afin de déterminer la forme et la gran-deur que ce marquis de Carabas couronné était par-venu à lui donner.

Malgré les efforts des commentateurs,on n'est pointarrivé à se mettre d'accord sur les moindres détailsde la construction de ce chef-d'œuvre de l'architec-ture humaine, ni sur aucune de ses dimensions, nisur les ornementsqui y étaient renfermés.

Les difficultés que l'on rencontre sont métne detelle nature qu'on est forcé de reconnaitre que les

maçons du grand monarque ignoraient les premierséléments de la géométrie, et que par conséquentilsétaient incapables d'aucune combinaison architectu-rale. Pour qu'ils pussent réussir à construireun édi-fice comparable à ceux des Grecs, il eût fallu queleur truelle miraculée fut conduite à chaque instantpar les anges dejéhovah.

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Ainsi bien desont cliercbé à déterminerla forme de la fameuse mer d'airain, vase de formemétallique qui joue un grand rôle dans toutes ces cé-rémonies.

Mais aucun n'a pu réussir puisque la mer était par<faitement ronde, et que son diamètre -était de dixcoudéespendant que sa circonférence était de trente.Or, depuis le temps d'Archhnède on sait qu'il s'enfaut d'une coudée et demie pour que la circon-férencede cette espèce de bénitier pût être fermée.

Les chaudronniers de Salomon n'auraient pu ve-nir à bout de leur tâche sans un nouveau miracle,changeant le rapport essentiel de la circonférenceaudiamètre.

Ce miracle est donc aussi difficile à accomplir

que celui qui consisterait à construire un cerclecarré, ou un bâton qui n'aurait qu'un bout.

Ne serait-il pas beaucoup plus simple et beaucoupmoins trompeur de voir dans cette description unepreuve de l'ignorance du peuple de Dieu et de l'étattout à fait rudimentaire de ses arts les plus vulgaires?

Mais le corollaire fatal de cette erreur n'est-il pasde réduire le palais de Salomon aux proportions d'unebicoque, et le temple à celle d'une église dont nospaysans modernes ne voudraient pas ?

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XIV

L'ANESSE DE BALAAM

L'histoire de l'ânesse de Balaam est un charmantapologue que !a Société de protection des animauxaurait peut-être inventé de nos jours si la loi Gram-mont n'avait point existé. On peut donc admettrequ'eHe ait été imaginée dansun but louable d'huma-nité afin de prévenir les excès des Hébreux vis-à-visde leurs bêtes de somme. On ne peut s'empêcher dedonner raison à l'écrivain sacré pour peu que l'onaitvu comment les petits polissonsmaures maltraitentleur bourricots dans les rues d'Alger.

Mais pour prétendre qu'une ânesse ait pu parler ilfautavoir oublié toutes les lois delà physiologie, car !egosier d'une ânesse n'a rien de ce qu'il faut pour for-muler les sons articulés comme ceux qui forment !elangage lui-même, i! faudrait que la langue épaisse

que Dieu lui a donnée reçût par un miracle la flexi-bilité de la nôtre ou celle des oiseaux qui parvien-nent à nous imiter.

Pour admettre ce passage il faudrait faire commecertains interprètes qui prétendent que c'est Dieu lui.même qui s'est servi de la bouche d'une ânesse pourfaire entendre sa voix. H faut donc réduire ce

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merveille à un tour d'escamotage don~Jéhovah lui-même serait l'auteur.

D'autres ont supposé que l'ànesse n'avait rien ditdu tout, et que le miracle consistait en ce queBa-'laam l'avait entendue parler.

Toutes ces manièresd'interpréter le discours d'une

pauvre ânesse montrent, hélas que si l'on peut re-gretter quelquefois que les ânesne puissentplus pren-dre la parole, on doit plus souvent se plaindre que lessavants ne soient point frappés de mutisme.

Les rabbins, rendons-leur cette justice, ont euconscience de cette absolue impossibilité,aussi ont-ilsdéclaré que l'ànesse de Balaam était une des dix.

créaturesprivilégiées que Dieu avait créées à la fin dusixième jour, et dans leurs légendes ils font jouer àcet animal un rôle des plus remarquables.

C'est d'elle qu'Abraham se serait servi pour porterle bois du sacrifice lorsqu'il menait nu bûcher son filsIsaac. MoUseennt usage pourfaire passer sa femme etson fils à travers le désert;s'ilsavaient cru àla naissancedu Christ. ils auraient dit que c'est sur son dos qu'ilentra A Jérusalem le jour de son triomphe,car ils pen-sent qu'elle servira de monture au Messie lorsqu'ilviendra faire son apparition sur la terre.

Le père Kircher ne fait aucune allusion à ces tra-ditions, cependant il ne craint pas, pour justifier laBible, d'avoir recours à des auteurs peu recomman-dables.au point de vue de la morale et môme de ladécence.

Il fait remarquer que l'âne d'or d'Apulée se plaintd'une manière assez analogue à celle de l'ànesse

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Israélite. Voici comment il s'exprime: « Privé tout ala fois du geste et de la voix humaine,tout ce que jepouvais faire était de tâcher de l'émouvoir par montangage muet, en laissant pendre mes lèvres et en laregardant de côté avec des yeux humains. Je m'ef-forçai deux fois d'invoquer le nom de l'empereur avecla double voix que je tenais de ma nature et de mamétamorphose. »

Les exemptes abondent dans des livres que l'ondoit considérer comme plus sérieux ou au moinscomme plus dignesd'être invoquéspar de doctes per-sonnages.

Hygin raconte que Bacchus donna la parole àl'âne qui l'avait porté. DansApolloniusle bélier dePhryxus proféra une voix humaineaprès qu'Hel!ésefût noyée dans le bras de mer qui éternise son nom.Cet animal incomparable au Heu de se servir de savoix pour appeler la pitié des hommes, renouvelale beau trait d'Isaacet demanda à être sacriGé. DansHomère on voit le chevalXanthusharanguer son maî-tre Achille, il a même sur l'ànesse de Balaam t'avan-tage de s'exprimer en beaux vers. Moschus rapportequ'un bœuf adressa la parole à Europe qui se trouvaitsur son dos, mais il faut nous hàter d'ajouter que cebœuf n'était autre que Jupiter, qui pour les raisons

peu morales qu'expose Ovide avait cru devoir pren-dre ce déguisement.

Parmi les historiens qui ont cru à la parole des bêtesà cornes, nous devons citer Tite-Live qui rapportequ'un bœuf s'exprima en langagehwnain au momentdes victoires d'Annibal. Ce prodige fut accompagnée

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d'un grand nombre d'autres de présage funeste. !1 seserait renouvelé peu de temps après à Priverne, aumoment où, revenus de leur effroi, les Romainsallaient de nouveau tenter le sort des armes.

Le prince des historiens latins, qui pourtantaime afaire parler ses héros, omet de raconter ce que cesanimaux ont pu dire dans ces deux circonstances. H

est d'une discrétion que la Bible n'a point imitée.Il ajoute que les Romains furenttrès désagréable-

ment surpris par le second de ces prodiges. Ils secrurenten quelque sorte perdus; mais les consuls ayantsacrifié les grandes victimes, les présages se retour-nèrent contre les Carthaginois et la victoire revintse ranger sous les aigles romaines.

Il est étonnant que des auteurs aussi sérieux queScheuchzer et le père Kircher n'aient pas pensé àinvoquer l'exemple des animaux de Bidpaï ou aumoins de ceux d'Esope, de Phèdre ou deLockman,qui avaient dans maintes circonstances montré unesagacité dont bien des hommesseraient,certainement

jaloux. Mais ce qui est encore bien plus surprenantc'est que ni le docteur Nicolas, ni le docte abbéMoign~n'aient songé à s'appuyer sur la ménagerie du bonLa Fontaine

En effet ces animaux s'exprimentavec une sagesseinimitable. Je doute qu'on connaisse beaucoup deprédicateurs qui n'aient rien à leur envier, et mêmeles prophètes d'Israël, quoiqu'ils soient inspirés patl'esprit saint, parlent rarement un langage aussinaturel, aussi élevé Que n'ai'je un peu de leur lo-gique, de leur présence d'esprit, de leur naïveté!1

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Et si j'écrivais comme parlent la fourmi, le renard, etmême le pauvre agneau, je ferais sans doute ouvrirles yeux a bien des gens. Mais, hélas, il n'est pasdonné souvent aux hommes de lutter de verve avecdes animaux qu'on peut dire véritablement divins!

Qu'on ait trouvé le moyen de leur faire dire desvérités si profondes et si naturelles, si éternellementjustes, si prodigieusement morales, voilà le miraclequi confondratoujours ia raison.

Voilà une preuve que j'invoquerai, pour démontrer

que c'est en réalité un Dieu plus juste, meilleur etplus puissant que Jéhovah qui a inspiré ces apologuesimmortels et conduit la plume des grands hommesqui les ont tracés.

xv

LES ANIMAUX FABULEUX DE LA BIBLE

Les anciens admettaient comme un article de foil'existence des trois harpies, Alope, Archaïœ et Orci-thœ, monstresauvisage de femmes, à bec crochu, aucorps de vautour et aux mamelles pendantes, quiservaient de chiens à Jupiter et à Junon.

Ils n'étaient pas moins certainsdu danger que lestrois syrènes, Parthenope,Leucosie et Lygëe, faisaient

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courir aux navigateurs franchissant le détroit deMessine.

Dans le cercueil des morts ils mettaient le gâteaudestiné à être offert à Cerbère sur le nombre destètes duquel on n'était pas fixé, mais dont la férocité

ne pouvait être mise en doute un seul instant. Leurshistoriens les plus circonspects parlaient gravementdes Centaures, mi-partis homme et mi-chevat, duMinotaure, moitié homme et moitié taureau, et desCyclopes. qui n'avaient qu'un œil au milieu du front.Les poètes s'adressaient sérieusement à Pégase, che.val ailé né du sang de Méduse, quelquefois à Phoboset à Deimos, les coursiers de Mars, et plus souventà Pyroeus, Eous, Ethon, et Phlégon, chevaux duSoleil, dont Ovide nous a transmis le nom dans sonadmirablefable de Phaéton. Ils croyaient à l'existencede l'hydre de Lerne qui n'avait que sept tètes,mais dont chacune avait la propriété de repousserdès qu'on la coupait.

Il n'est pas de professeur d'histoire ou de philo-sophe, qui ne se considère comme obligé d'appelerl'attention de ses élèves sur l'absurdité de sembla-bles conceptions.

Mais il ne faut pas croire que la ménagerie mira-culeuse de la Bible soit moins riche en êtres singu-liers.

1Voltaire en a donné, avec son esprit ordinaire,l'énumérationdans le conte du Taureau &~c qu'onne saurait trop admirer. 11 les fait défiler les unsaprès les autres, sans oublier la baleine de Jonas etle poisson de Tobie, animaux éni~matiques dont les

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propriétés ne se peuvent décrire, malgré les effort sde tous les commentateurs.

Nous engageons a relire le récit admirable desaventures de la princesse égyptienne, que touchela grâce d'un animal enchanté, et devant laquellel'auteur de la Henriade fait dénier toute la ména-gerie de Jéhovah. Nous croyons inutile de rienajouter à cette spirituelle satire de la manie de créerdes êtres imaginaires, tellement naturelle aux au-teurs de l'Écriture, qu'ils ne se contentent mêmepas de décrire ceux qu'ils prétendent avoir vus. Ladernière partie du Nouveau Testament va nous mon-trer un exemple assez curieux de ce genre d'exagé-ration.

De tous les livres de l'Ancien et du Nouveau Testa-ment il n'en est aucun qui ait donné lieu à des con-troversesaussimultipleset aussi passionnéesque l'oeu-

vre du solitairede Patmos. Eneffetil n'estaucunepar-tie de l'Écriture où l'on ait fait usage d'un style aussimétaphorique et de mots dont le sens ait plus besoind'être fixé. On peut très bien dire que les obscuritésdes oracles les plus fameux de l'antiquité n'a jamaisété si brillamment surpassée.

Le nombre des commentaires qu'il a provoquésest si prodigieux qu'on nous pardonnera de ne pointessayer de l'augmenterd'un commentairephilosophi-que surtout en pareille matière nous n'avons gardede voler sur les traces du grand Newton.

L'Apocalypse contient vingt-deux livres dont lespremiers ne possèdent aucun intérêt spécial puis-qu'ils ne sont en quelque sorte que des instructions

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pastorales adressées aux églises d'Asie. Les quinzesuivants sont un véritablepamphlet dans leque! Fau-

teur raconte, sans doute avec les exagérations iné-vitables de la part d'un homme de parti, les per-sécutions subies par l'Église de la part des empe-reurs romains. L'apôtre y retrace les catastrophesde Rome avec des traits dignesd'un Rochefort et d'unVallès ou d'un Lissagaray racontant les souffrancesde la France pendantl'année terrible et les attribuantace qu'on a attendu le 4 8 mars pour proclamer laCommunede Paris.

On comprend iâcilement que l'imagination du so-litaire de Patmos se soit exaltée et que la puissancede son génie vaste mais désordonné ait éclaté dans

ce morceau.Nous remarquons seulement que la bête de l'Apo-

calypse avec sept têtes et dix cornes fait involontaire-ment songer au non descript ou animal merveilleux

que le grand Barnum montrait dans son musée deNew-York et dont M. Buckhland donne le dessindans son ouvragesur les curiosités de l'histoire natu-relle.

Ce monstre fut soumis à l'analyse de ce savant,qui reconnut que sa peau était fabriquée avec du papierparcheminé, et que ses os étaient formés avec depetits morceaux de bois fort habilement attachés.

L'on n'auraitpoint trouvé la clef du mystèresi cetobjet étrangen'eut été tiré de la case en verre où, sousprétexte de le protéger contre la poussière on le te-nait constammentrenfermé.

Outre les animaux miraculeux proprement dits, la

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Bible nous en présente d'autres qui se distinguent deleurs congénères par quelque inculte cxtraordi.nairc.

Sous ce point de vue on peut dire qu'il n'est guèred'espèce que 1 Écriture n'ait rendue fabuleuse.

Ce n'est point ce genre d'animaux que Fauteurde la ~ew<adc fait défiler devant sa gentille prin-cesse.

Il ne faut pas croire que Voltaire ait abusé de sesavantages et essayé d'être complet. En effet, s'ils'était donné ce problème, il n'aurait certainement

pas oublié les renards dont Samson s'était servi pourincendier les récoltes des Philistins. Ces animauxmiraculeux étaient en effet si dociles, que le hérosjuif avait pu les lier ensemble,attacher des torchesennammées à leur queue et les lancer dans leschamps des ennemis de Dieu. Ils étaient si bien pé-nétrés de la sainteté de leur mission, qu'ils s'étaientbien donné garde de se rouler par terre, commel'auraient fait des renards vulgaires, au risque des'incendier et de compromettre le succès du strata-gème imaginé par l'hercule hébreu.

Dans la Bible, lemiracle s'exerce sur toutes choses.II n'est dans la nature aucun acte qui échappe à sonaction.

On sait que les éleveurs anglais poussent si loinl'art de modifier les qualités corporelles de leursanimaux domestiques, qu'on peut dire qu'ils fabri-quent des races à volonté, et qu'il n'est point éton-nant que la loi de sélection ait pris naissance dansleur patrie.

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Jacob avait à se proposer le même probleme, maisil se garde bien d'opérercomme le feraitun fermierbritannique. Il adopte une méthode manifestementabsurde et qu'aucun professeurde l'Institut agrono~mique n'oserait certainement recommander.

Le patriarcheprit des branchesvertes. de peuplier,d'amandier et de platane, puis il les dépouilla demanière à laisser quelques morceaux d'ëcorce noirequi tranchaient avec la teinte blanche du bois misà nu.

Il plaça les rameaux ainsi préparés dans des ca-naux où les brebis venaient boire, de sorte qu'ellesfurent obligées de les avoir devant les yeux en se dé-saltérant. La Bibleprétend que les agneaux qu'ellesavaient conçus vinrent au monde tachetés.

Le procédé d'Ovide pour faire changer les cor-beaux de couleur est beaucoupplus simple. L'oiseaubavard qui était blanc comme la neige fut noircid'un seul coup par Apollon qui le punit ainsi de sonindiscrétion.

Ne faut-il pas ranger encore parmi les animauxfabuleux les frelons qui mirent en fuite les Hévéenset les Etéens?

Quoique les moustiquessoient souvent bien incom-modes, nous serons, nous ne le cacherons point,de cet avis.

Nous persisterons, quoi que l'abbé Moigno puisseraconterdans ses Splendeurs de la /b),et nous ne nouslaisserons point convaincre par la mouche Tze-Tze.

Il est en effet fort surprenantde voir qu'il suffitd'uninsecteacharné à poursuivre les chevaux et les bœufs

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pour empocher les explorateurs de circuler en cha-riot dans des régions fertiles.

On croit rêver quand on songe qu'une partie no-table du grand continentafricain est protégée par uni nsecte contre l'invasion desarts et des sciences euro-péennes. Mais le pouvoir merveilleux de ces taonsprovient d'une particularité authentiquede leur orga-nisation, et n'a point été donné par un miracle à desêtres qui, depuis l'origine des choses, en avaient étédépourvus.

Nous voyons d'après la discussion à laquelle se li..

vrent actuellement les colons d'Alger, pour déter-miner quel est le meilleur tracé à adopter dans laconstruction de la ligne de Tombouctou, qu'on sepréoccupe beaucoup d'éviter quelques cantons in-commodes à cause des myriades de moustiques qui s'ydéveloppent chaque année. H n'est personne qui nesache que, dans les pays chauds, ces insectes rendentle séjour de quelques régions insupportable, mais iln'estpersonne qui n'approuve Voltaire quand il fait la

remarque que jamais les mouches n'ont suffi pourmettre en fuite une armée.

Les animaux sauvages eux-mêmesn'échappent pasà la nécessité d'être miraculés. On les voit entreren scène dans des circonstances qui excitent notrejuste indignation.

Des gamins d'Israël, dignes prédécesseurs desspirituels petits drôles qui courent le long desruisseaux de Paris, voyant passer le prophèteElisée dont la tête était toute chauve, se mettent àle suivre en se moquant de lui. C'était une conduite

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peu charitable, il faut bien le reconnattre, à une épo-

(lue où les perruques n'étaient point encore inven-tées.

Mais sommes-nous condamnés à croire, pour lagloire de Jéhovah, qu'il se rendit aux supplicationsde son prophète, et qu'il fit sortir des bois des oursqui mirent en pièces quarante-cinq de ces insolentsbambins

Cet horrible et inhumain miracle a été invoquéplus d'une fois à une époque d'ignorance pour mon-trer combien il fallait respecter les oints du Sei-

gneurs, et l'exemple des ours d'Elisée a fait allumerplus d'un bûcher.

Cependant il n'existe point d'ours en Judée et, enoutre, il n'en a jamais existé. Le miracle serait doncimpossible par la meilleure de toutes les raisons,celle qui dispenseraitde donner toutes les autres, s'ilIn'était parfaitement inutile de raisonner avec cer-taines gens.

Serait-il indiscret de terminer ce chapitre malheu-reusement incomplet, en rappelant que l'heureuxamant de la reine de Saba était possesseur d'un ser-pent miraculeux que son anneau magique lui avaitpermis d'apprivoiser, probablement.Quoi qu'il eûtbien des milliers d'ouvrierspour construire son tem-ple, il n'aurait pu en venir à bout s'il n'avait été aidé

par ce reptile dont les dents étaient tellement duresqu'elles entamaient comme du beurre les pierresdestinées à construire l'autel de Jéhovah.

Par quel entrainement de contradictions surpre-nantes tant de gens instruits, pieux et savants, ont-

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ils usé leurs veilles afin de démontrerque l'auteur dela nature avait mis sa gloire à se donner à lui-mêmed'incessants démentis en exécutant des merveillesdont nos directeurs de théâtrene voudraientpas dansleurs féeries ?

Comment en est-on venu à ce point d'aveugle-ment que de croire que l'Etre suprême qui a créétant d'animaux si parfaits, si bien appropriés à leurfonction dans l'ensemble'de la nature, a lancé surla terre une série de monstres informes, à l'effet demontrer sa puissance à un peuple qui ne la voyaitpoint écrite avec des soleils dans le firmament ?

Que des êtres douésde raisonaient fait si longtempsun usage aussi indigne de leurs facultés les plussublimes est un miracte qui surprend plus les genssensés, que de voir des animaux parler. Espérons

que ce miracle ne se continuera pas longtemps.

XVI

LES ANGES ET LES ASCENStONS

Depuis l'époque inconnue où il y a eu pour lapremière fois sur la terre des hommes susceptiblesderaisonner, ils ont toujours jeté un regard d'envie

sur les oiseaux qui peuplent le firmament. Aussi

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n'est-il pas étonnant que l'on voie figurer des angesdans toutes les mythologies.

Quelquefoison les désigne sous le nom de génies,ayant la figure, la langue et la raison des habitantsdes villes, mais qui de plus portent attachées à leursépaules les ailes des habitants des airs.

La Bible ne pouvait échapperà une nécessité géné-rale, si impérieuse. Aussi n'est il pas de livre sacréoù ces créatures privilégiées jouent un rôle plusimportant. On les voit également figurer avec hon-

neur dans le Nouveau Testament.Ce sont des anges qui sont les envoyés du Sei<

gneur, et qui exécutent ses moindres volontés. Les

anges sont en outre préposésà la garde des nationset même à celle des individus. Il y en a dans le ciel

un nombre incroyable dont saint Jean l'Apocalypsechercheà faire comprendre la multitudeplutôt encorequ'il n'en tente réellement l'énumération.

Bien avant le moment où l'invention des ballons est

venue lui fournir enfin le moyen de s'élever dansles airs, l'homme s'est cru destiné à en réaliser laconquête. Des enthousiastes ou des charlatans onttoujours eu les yeux tournés vers la plus merveilleusede toutes les expériences.

Il n'est pas étonnant que le désir d'imiterles angesn'ait pas donné seulement lieu chez tous les peu-ples du monde à la création de légendes aussi dif-

ficiles à accepter, et que dans un grand nombre de

circonstances on puisse croire que des expériencesaient eu lieu. L'histoire a conservé les traces d'uncertain nombre de tentatives malheureuses qui ont

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été faites à différentes reprises par des inventeursdoués de plus de courage peut-être que de bon sens,pour réaliser le miracle qui est encoreau-dessus de

nos forces.C'est dans ce sens qu'il faut interpréter certaine-

ment l'histoire du fameux voyage aérien fait par l'in-génieur Dédale et par son fils Icare.

La Bible ne pouvait manquer de donner aux pro-phètes une puissance si universellement convoitée.

Elle a été surtout réservée au prophète Elie quebeaucoup d'interprètesconsidèrentcomme ayant étécelui dont la carrière a offert le plus de rapportsavec celle dti Sauveur de l'humanité.

Il couronne en effet l'édifice de ses miracles parune ascension exécutée dans des conditions tout àfait mémorables, car en s'enlevant dans les espacescélestes à l'aide d'un chariot ennammé, il laisse tom-ber sur la terre son manteau, espèce de talisman au-quel était attaché le don de prophétie. Mais le filsde Dieu devait réaliser ce miracle suprême d'unefaçon bien autrement merveilleuse en effet il re-monte à son séjour céleste sans avoir besoind'aucunmoyen matériel.

Il n'est en effet question ni de feu, ni de chariot,ni d'ailes dans les récits qui nous ont été laissés decet événement fabuleux dont les chrétiens tiraientorgueil, et qu'ils considéraient comme un argumentsuffisant à lui seul pour triompher de tous les doutesdes païens.

Il ne faut point s'y tromper, on doit considérer lemiracle de l'ascension comme étant la véritable

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sanction matérielle de l'Ecriture, c'est la chevilleouvrière qui démontre la réalité de tout cet ensemblemerveilleux miraculé, en contradiction avec les loisde la nature.

Sans aucun doute, la propagationde l'Evangite eûtété moins aisée si les frères Mongoluer eussent trouvéleur appareil du temps des Césars, et la découvertedu vol artificiel eût été un obstacle terrible dimi-nuant notablement le mérite du grand miracle deJésus.

Si nous examinons la physiquedes Pères de l'Église

nous voyons qu'elle est parfaitement en harmonieavec la générante des connaissancesadmises par lessavants officiels du temps des Césars. ils ne sont passur ce point en avant d'un seul pas vis-à-vis despaïens.

Saint Augustin prétend bravement et sanssourcil-er qu'il n'y a pas d'antipodes et que la terre est platecomme une vaste table environnée ~e toutes parts del'Océan.

Il serait superflu d'accumuler les preuves qui dé-montrent que ces erreurspopulaires étaient partagéespar presque tous les Pères de l'Eglise et presque tousles croyants, dont bien peu connaissaient sans doutel'existence de Pythagore et l'origine des dogmes queleurs prêtres enseignaient. Il est 'impossible à undévot d'écrire l'histoire d'un apôtre sans y insérerquelque part le détail de la délivrance d'un petitpossédé. Saint Paul et ses collègues auraient oubliéde faire mention de cette circonstance que les co-pistes l'auraient fatalement ajoutée.

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Il est clair que saint Paul devait être 'exposé auxbêtes,.et que les bêtes devaient le respecter. Il étaitnécessaire qu'il communiquât à ses disciples le donde prophétie dont il se trouvait lui-même investi. Un

païen seul aurait trouvé à redire de ce qu'il avait tra-versé les mers dans des circonstances exceptionnelleset dramatiques de manière à prouver la réalité de samission.

L'ascension était un miracle d'une nature si supé-rieure que l'on devait en réserver soigneusement lemonopole au sauveur de l'humanité.

C'eût été un sacrilège que de prétendre que le Filsde l'Homme pouvait être imité en ce point.

Grande fut donc la colère du prince des apôtresquand il apprit que Simon le magicien annonçait laprétention de s'élever dans les airs comme le Christl'avait fait.

Le récit orthodoxe est un peu confus sur ce pointparticulier. Il semble que Simon affichait la préten-Mon d'exécuter son ascension sans aucun moyenmatériel.

D'autres historiens rapportent que c'est à l'aided'un système d'ailes, c'est-à-dire d'un procédé renou-velé de Dédale, que le magicien devait s'envoler.Nous nous arrêterons à cette dernière opinion.

Quoi qu'il en soit, le premier soin de saint Pierre

en arrivant à Rome fut de protestercontre les asser-tions du magicien et de déclarer que jamais il néparviendrait à s'élever dans les airs, en sa présence,quand il le lui défendrait au nom de Jésus.

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Simon, disent les Bollandistes,accepta le défi quePierre lui adressa.

L'empereur Néron qui s'intéressait à l'expérienceaccepta d'y assister, et l'on convoqua le peuple auColysée.

Apres avoir revêtu son appareil/Simon monta surune tour très élevée 'et se lança hardimentdans l'es-pace.

L'amphithéâtre était rempli d'une multitude cu.rieuse qui gardait un silence profond et attendaitavecun~ anxiété iacile à comprendre l'issue d'une expé-rience aussi extraordinaire.

Simon le magicien commença à prendre son vol

vers l'espace céleste non seulement il ne tombapas, mais il était clair qu'il allait triompher de cetteforce inexorable que l'on nomme la pesanteur.

Tout d'un coup Pierre, bravant la colèrede la fouleet de l'empereur, se leva audacieusement.

S'adressant d'une voix haute et claire à Dieu lePère, il le'supplia de montrer sa puissance en disantcessercette odieusecomédie, et il ordonna au nom duChrist aux démons invisiblesqui soutenaient le pro-fanateur des airs de retourner dans l'enfer.

Une invocationsi pressante,accompagnéedegrandssignes de croix, ne pouvait évidemment manquerson effet. Les démons se hâtèrent d'obéir à l'ordrequi leur était donné si impérieusement.

Abandonnépar ses complicesle magicienne pouvaitse soutenir un seul instant dans l'air, il tomba à terred'une façon assez heureuse et qui montre que les dé.

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m ons ne l'avaient lâché qu'à regret. Cari! ne se cassaque la jambe.

Il serait mort sur le coup que nous n'en serionsnullement surpris, car tous ceux qui ont tentésemblable aventure se sont certainement cassé quel-que chose, et il en est peu qui aient échappé.

Cependant les auteurs 'approuvés du Saint-Siège,qui nous servent de guides, prétendent qu'il ne mou-rut pas de la suite de sa blessure, mais du dépit devoir que saint Pierre l'avait ainsi désarçonné.

Certains critiques ont fait remarquer combien ilétait peu charitable au prince des apôtresde deman-der au ciel qu'un homme exécutant une expériencesi dangereuse se rompît les os.

JLes anciens apologistes de saints expliquent cettecirconstance par la nécessité de faire ouvrir les yeuxdu peuple égarépar les prédicationsdu magicien, maisles plus récents, beaucoup plus circonspects, n'endisent rien du tout.

Nous ferons remarquer que cette prière était telle-ment superflue qu'on peut très bien-pardonner auxapôtres de l'avoir adressée à leur Dieu.

Certes, si Simon le magicien a éprouvé le sortd'Icare, ce n'est point aux apôtres qu'il serait justede faire remonter la responsabilitéd'une catastrophesi facile à prévoir.

Toutefois ce serait être injuste vis-à-vis du filsd'Agrippine, que de lui faire un reproche de s'être mis

en colère contre le Juif qui l'avait bravé et auquel, sil'on croyait !e récit des révérends Pères, il eût étéen droit d'attribuer l'insuccès d'une expérience si

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bien commencée. Certes la vengeance est bien peuproportionnée avec l'outrage s'il est vrai que saintPierre ait été mis en croix. Mais, malgré l'adoucisse-ment des moeurs, un personnage qui imiterait l'apô-tre dans uneexpérience publique, courrait peut-êtreencore aujourd'hui de gros risques d'être lynché, s'il-arrivait malheur à l'officiant.

Ce passage parait démontrer que Néron, qui étai!,grand amateur de nouveautés, aurait en enet entre-tenu à sa cour un homme qui lui aurait promis devoler, et que la conquête de l'air aurait été tentéedevantce prince non pas avec l'assistance des démonsmais avec des ailes analoguesà celles soit du malheu-reux de Groof, soit de l'infortuné Letur, soit del'horloger Deghen, soit d'un habitantde Mont-martredont le nom nous échappe en ce moment.

Suétone,plusaffirmatif quesaint JeanChrysostôme,raconte même que le sang de l'infortuné volateurrejaillit jusque dans la loge où l'empereur se trou-

vait.Quoique nous n'ayons nullement l'intention de

Tious faire l'apologiste de Néron, nous ajouteronsque la tentative hardie dont parle Suétone n'estpas la seule qui ait signalé cette période féconde de50 n régne. Il avait, en effet, entrepris de grands tra-vaux publics, dont le souvenir a été conservé parl'histoire authentique. Nous ne pouvons les résumerici sans sortir de notre sujet, mais il nous sera per'mis d'y faire allusion pour faire remarquer que, danscette circonstance,les Actesdes apôtres semblentavoirconservé le récit d'un événement intéressant auquel

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les historiensmodernes n'eut pas prêté toute l'atten-tion qu'il méritait.

Il est fâcheux de voir que le rôle de Pierre n'aitpasété probablement celui d'un ami du progrès, et queson exemple peu digne d'éloges ait été si souventsuivi par les pontifes qui lui ont succédé; car, jusqu'àl'annexion de Rome à la couronned'Italie,c'est tou-jours avec la plus grande peine que les aéronautesontpu exercer leur industrie devantt les habitants de laville éternelle.

Il ne faut pas croire, en effet, que la croyance auxplus ridicules des miracles soit sans- influence sur lapolitique de la cour romaine et la conduite des dé-vots jusque dans le choix de leurs divertissements.

XVII

LES MiRACLES ASTRONOMIQUES ET MÉTÉOROLOGtQUES

L'on a trop longtemps disserté sur le miracle deJosué arrêtant le soleil pour qu'il ne soit pas super~ud'en entretenirnos lecteurs. Mais un prophèted'Israëla donné à un tyran juif, nommé Achaz, le spectacled'un petit miracle du même ordre, qui n'est pasmoins curieux.

Ce prophète s'est avisé d'obliger Fombre à rétro.grader de dix degrés.

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D'habiles commentateurs ont fait remarquer avecbeaucoup de sens, que ce miracle donnait une hauteidée de la science des Hébreux.car il prouve qu'ils con-naissaient les cadrans solaires à une époque très an-cienne.

Mais ces dévots personnages auraient dû ajouterque cette fable a montré bien des fois le peu desens de ceux qui en ont discuté sérieusementles dé-tails, et qui ont voulu t'expliquer par un phénomènede mirage extraordinaire,ou de réfractionsatmosphé-riquesredressant les rayons solairesdu côté de l'orient.

En enët, si un pareil enet était possible, lors dequelque trouble extraordinaire, ce n'est que d'unefraction de degré, c'est-à-dire d'une quantité telle-ment faible que personne ne pourrait s'en rendrecompte sans instruments.

La Bible raconte au livre de Josué que l'arméedes Amatécites fut mise en déroute par une pluie depierres. Pendant longtemps on a mis en doute lapossibilité de ce phénomène. Mais, depuis. le com-mencement dece siècle, où l'on a pris l'habituded'ob-server sans préventions ce qui se passe, on a reconnuque de pareilles occurrencesn'étaient pointphysique-ment impossibles. On peut très bien admettre que cepassage du livre saint ait été écrit par un auteur quiavait connaissance de quelque incident de cette na-ture. Ceux qui, au siècle dernier, admettaient lapluie de pierres avaient donc raison contre les acadé-~nliciens qui en enseignaient l'impossibilité.

Mais de ce qu'il existe dans la Bible des traces d'unemultitude d'obser vations utiles, ce n'est pas une rai-

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son pour dire que ces événements soient miraculeux.Quand même il y aurait eu une coïncidence bienconstatée, serait-ce un motif pour croire qu'elles'est produiteen faveur du peuple de Dieu à la suited'un desseinprémédité de Dieu?

Alors il faudrait soutenir que c'est Jupiter qui afait venir à point nommé une éclipse pour séparer lesLydiens et les Mèdes qui se livraient un combat dé-sespéré, et que, dans des temps plus modernes, c'estsaint Christophe qui a permis à Colomb de tirer partid'une éclipse de lune pour intimider les Indiens.

Un grand nombre de faits concourent à nous fairecroire que les Juifs si profondément ignorants entant de choses, possédaient en météorologie des con-naissances très étendues.

A ce point de vue l'histoire que nous allons rap-porter encore est excessivement instructive.

Jéhovah ayant laissé son peuple gémir pendantsept ans dans l'esclavage, finit par trouver que sa pé-nitence avait assez longtemps duré. H envoya sur !aterre un ange pour l'engager à s'insurger.

L'ange s'adressa à un certain Gédéon, qui avaitune grande influence sur ses concitoyens, mais quiétait un hommeaussi soupçonneux qu'habite.

Craignant de n'avoir affaire qu'à un vulgaire agentprovocateur envoyé par les Madianites, Gédéon de-manda à l'ange de donner une preuve de sa mission.

L'ange ne se fitt pas prier. II dit de placer lesviandes sur un autel et il les rit consumer par un feuqu'il alluma par une sorte d'invocation.

C'est un talent que possédaient non seulement les

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anges du Seigneur, mais encore les prophètes, quifaisaient si facilement descendre la foudre sur leursautels.

Mais Gédéon savait peut-être que cette expériencesurprenante peut réussir à l'aide de préparations chi-miques que connaissent aujourd'hui tous les fabri-cantsd'allumettes,ou à l'aided'un feu alluméd'avanceet soigneusement dissimulé.

L'ange était de bonne composition, et il montraune patience dont un envoyé secret de Cavour n'eûtpoint été capable vis'à-vis de Garibaldi. Loin de seformaliser de soupçons si injurieux, il ne remontaau ciel qu'après avoir essayé de convaincre Fincré-dule de la réalité de sa mission.

Une fois l'ange parti, le soupçonneux berger ima-gine un moyen pour consulter lui-même l'Éternel.

H exposa donc au refroidissement nocturne unetoison, en priant Jéhovah de faire pleuvoir sur cettetoison pendant que l'herbe resterait séche toutautour, si l'ange était véritablement envoyé par lui.

L'expérienceayant réussi, Gédéon se mit à la têtedes insurgés et délivra, sa nation, qui par reconnais-sance le nomma son président.

Pendant longtemps, on a confondu cette histoireavec les légendesgrossières au milieu desquelles elleest racontée.

Il faut remarquerque toutes les fois que la nuit estclaire, les toisons ainsi exposées se couvrent d'unerosée abondante,sans que bien souvent l'herbe soitmême humectée.

C'est ce fait qui a permis au docteur WeU, météo-

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rologiste anglais au commencement du xix" siècle~d'établir la théorie actuelle de la rosée, une de cellesqui sont le plus solidement démontrées.

L'observation capitale du docteur a donc servideux ou trois mille ans auparavant à un pasteurd'Israëlpour exciter l'enthousiasmepatriotique de sesmalheureux concitoyens.

Les bergers d'Israël devaient connaître un grand-nombre de symptômes qui échappentà nos modernes

augures, et que les membres du bureau central demétéorologie auraient le plus puissant intérêt à pos-séder.

Quoiqu'il soit certain que le prophète Ëlie n'eûtjamais fait descendre la foudre sur les soldatsqui lepoursuivaient,il n'est pas positivement certain qu'ilne soit point parvenu à interpréter Jes symptômesdu firmainent, et à prédire quelques heures d'avancele déchaînementd'un oragedont, par une pente facileà comprendre~ des gens grossiersdevaient lui attribuerla paternité.

Si par hasard un rayon égaré a frappé les soldatsqui étaient à sa poursuite, il n'était pas dans toutIsraël et dans toute la Chaldée un sceptique assezincrédule pour se refuser à croire que c'était le pro-phète lui-même qui avait décoché le trait vengeurcontre ceux qui cherchaient à l'assassiner.

M n'y a pas peut-être dans toute l'Écriture delégende plus curieuse mais portant plus visible--ment les signes de l'exagération que l'histoire deDaniel.

Le prophète prédit à Nabuchodonosor qu'il serait

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changé en hôte et chassé de son palais, et la Bible

nous oblige à croire que le monarque alla en effetpaître dans les champs pendant une longue périodede sept années consécutives, après quoi il remontasur son trône sans dimculté.

Mais les esprits modérés, n'allant pas jusque-là, secontententde supposerque Nabuchodonosora éprouvéaprès les débuts d'un règne heureux les effets ordi-naires de la toute-puissance et que son esprit a ététroublé.

On peut encore commenter l'Écriture d'une façonà la fois profonde et gracieuse, si l'on consent àabandonner le sens littéral pouradopterune interpré-tation symbolique.

En eflet, il est facile d'expliquer la métamorphose.de Nabuchodonosor en bœuf comme certains histo-riens ont interprété celle des compagnons d'Ulyssechangés en pourceaux. La folie est une maladie telle-ment commune chez les princesqu'il serait trop longd'énumérer tous ceux qui en furent affectés, à desdegrés dinérents.On pourrait mêmeà la rigueur sou.tenir que le rang suprême prédispose à ressentir lesatteintes de cette terrible affection et que lesmeilleureprinces en ont tous un grain. Les noms de l'empereurMourad, du feu roi de Prusse, de l'empereur Paul 1~,mériteraient à différents titres de figurer sur une listeinterminable où l'on coucherait côte à côte les vic-times de la débauche, de l'orgueil, de l'ivrognerie.On y enregistrerait une ibule de genresde démences,depuis la folie érotique jusqu'à la manie homicide.La plus rare serait certainement celle dont Nabucho-

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donosor a dû être affecté pour que le sens littéralde l'Ecriture puisse être adopté.Car si on peut croireA la rigueur que dégoûté de la grandeur il se soitréfugié dans les bois pour vivre en misanthrope eten sauvage, il est peu aisé d'admettre qu'il ait puvivre de l'herbe qu'il broutait, que ses courtisansl'aient abandonné à ce caprice, et qu'étant resté silongtemps adonné à ce genre de vie, il se soit jamaisguéri.

La force de l'imagination est si grande que beau-coup de poètes ont confondu leurs rêves avec la réa-lité. La Béatrice n'était adorable sans doute que dansla cervelle du poète, se mourant d'amour loind'elle. Tous les jours on voit se jouer entre amantsdes drames qui ne s'expliqueraientpoint si l'on voyaittoujours ceux que l'on aime tels qu'ils sont, et si l'onne prenait incessamment l'habitude de faire abstrac-tion de leurs défauts ou de leurs vices pour ne s'é-prendre .(pie de leurs qualités

Ce sentiment est beaucoup plus vif lorsqu'il s'agitdu salut éternel et des idées qui ont passionné lesinitiateurs de l'humanité.

Alors le croyant arrive facilement à l'extase, il n'estaucune absurdité qui le révolte, il accepte tout avecun enthousiasme qu'aucune merveille ne peut as-souvir.

A chaque pas, dans la vie du Christ, on voit destraces d'un sentiment tellement vif qu'on peut lecroire voisinde l'hallucination mais on ne peut s'em-pêcher d'envier le sort de ceux qui ont été dévorés

par une folie si sublime, car presque toujours elle

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était alimentée par l'amour du prochain et vivifiée

par l'amour de Dieu.Sans fouiller bien avant dans les archives de l'élec-

tricité, on trouverait un grand nombre de légendesqui toutes ne sont peut-être pas apocryphes, et quise trouvant plus ou moins analogues à celle delàtransfiguration sur le mont Thabor pourraient jus-qu'à un certain point servir à la justifier.

Non seulement des hommes célèbres eurent cethonneur, mais il fut quelquefois réservé aux trou-peaux. Ainsi Julius Obséquens nous rapporte quesous le consulat de M. Herennius et de P. Valerius

un phénomène analogue fut observé autour del'étable d'un berger lucanien où des moutons, quin'eurent aucun mal, se trouvaient renfermés.

A une époque plus récente, des flammes analoguesà la lumièredu mont Thabor ont environné la tête dequelques cherchenrs sans que les physiciens moder-nes se soient demandési cette lumière était crééeouincréée, mais après avoir constaté qu'elle ne brûlaitpoint.

Ces lueurs sont même assez fréquentes pour qu'onleur ait réservé le nom de feu Saint-Elme et qu'onconsidère encore l'observation qu'on peut en faire

comme étant un symptôme fort précieux annonçanttoujours qu'un orageest sur le point de se déchaîner.

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XVIII

DANIEL DANS LA FOSSE AUX LIONS

Je doute qu'on rencontre dans toute la Bible dechapitre portant plus visiblementles signes d'unecrédulité naïve, presque enfantine; que l'histoire duDaniel dont nous venonsde parler.

On sait que, suivant la chronique orthodoxe, cetillustre personnage aurait été amené à Babylone encaptivité lorsque Nabuchodonosor dévasta le templede Jérusalem. La même source nous apprend queDaniel fut élevé à la cour du monarque qui avait dé-vasté son pays, et parvint à capter ses bonnes grâcesen prontant d'un songe dont les mages avaient re-noncé à lui donner le sens.

S'il est vrai, comme la Bible le rapporte, que lepetit Daniel à peine âgé de douze ans soit parvenu àdémontrerl'innocence de la chaste Suzanne accuséed'impureté par deux ignobles vieillards, il faut re-connattreque le jeune drôle était singulièrement pr'coce pour son âge.

Il n'est pas difficile d'admettre sans miracle qu'ilait été assez futé pour tourner 1 esprit du roi, en lui

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expliquant le sens d'un songe qui le tourmentait.Mais où la merveille commence, c'est que les magesde Sa Majesté aient été assez simples pour se laissercondamner à mort et exécuter plutôt que de risquerune explication quelconque. Si quelque ange protec-teur d'Israël ne leur avait tourné l'esprit, ils auraientcertainement deviné le conseil que donne le bonLa Fontaine à tous les charlatansplacés dans une dif-ficulté analogue, et ils se seraient dit comme l'astro-logue d'une fable plus profonde que ce passage del'Écriture:

« D'ici là, le roi, l'âne ou moi nous mourrons. »Ils étaient d'autant plus à l'aise pour se sauver du

bûcher à l'aide d'une fraude pieuse que le capricieuxmonarque était de compositionassez facile. En effet,il se contenta de l'assurance que lui donna un jeuneet malicieux enfant d'Israël, qu'il s'agissait dans savision des empires devant succéder à celui qui trem-blait à ses pieds. L'oracle qui suffit pour exciterl'enthousiasme de Nabuchodonosor était par lui-même si peu clair, qu'on ignore encore de nos jours,deux mille'ans après leprétendu accomplissementdela prophétie, si Daniel a voulu parler de l'empire desRomains, ou de la monarchie des Ptolémées, oumieuxde celle des Lagides

Un autre miracle, non moins remarquable maisplus difficile à comprendre, c'est qu'à propos d'unautre songe, le rusé Daniel ait osé débiter à son sei-gneur et maître une série de révélations que les plusplacides monarques de l'antiquité eussent difficile-ment entendues sans sourciller.

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Titus lui-même ne se serait point laissé dire qu'iïserait changé en bœufet chassé de son palais, qu'i!s'en irait paître dans les champs pendantune longuepériode de sept années consécutives, après quoi ilremonterait sur son trône sans dimculté.

Si l'on admet que Nabuchodonosorait été réelle-ment transformé, il faudrait soutenir la véracitéd'Ovideet verserdes larmes sur une foule de nymphesbien maltraitées.

Cette nécessité ne paraît point trop dure à certains commentateurs,ainsi que nous l'avonsiaitdéjàremarquer.

Aussi après avoir rapporté l'histoire des fureursd'Ajax, qui se jeta sur un troupeau de brebis qu'ilprit pour les princes des Grecs, le docte et pieux domCalmet termine son apologie en faisant remarquerque Virgile lui-même rapporte quelque part qu'ilexiste des herbes qui ont le pouvoir de changer leshommes en loups.

Quoique Daniel soit parvenu àmaitriser l'esprit de~

Nabuchodonosor, il faut avouer que sonpouvoirétaitbien précaire sur ce souverain.

En effet, pendant une absence du prophète, quiavait été voler des troupeaux sur les terres desEgyptiens, il se livra à un acte de despotisme plusterrible que tous ceux que Daniel avait jusqu'à cejour empêchés.

Trois de ses compagnons ayant refusé de se pros-terner devant une statue en or que ce prince avaitérigée, furent jetés dans une fournaise, mais le feu ne:les dévora point.

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La Bible nous enseigne que cette statue d'or n'avaitpas moins de soixante coudées de hauteur, ce qui lui(tonne une masse qu'elle n'aurait pu atteindre sansun nouveau miracle. Car les trésors extraits de laCalifornie depuis sa découverte ne suffiraient pointpour en édifier une semblable.

Cet or n'a même pas pu être du cuivre doré.H est donc probable que la fournaise n'a existé

que dans l'imagination échauffée de l'écrivain. Maisles trois Hébreux auraient échappé aux atteintes dela flamme qu'il serait peu raisonnabled'en attribuerle mérite à Jéhovah.

On peut citer de très nombreuses expériencesqui prouvent que le feu ne brûle pas tout le monde.On montre dans toutes les foires des hommes quiméritent jusqu'à un certain point le nom d'incom-bustibles, car on les voit impunément séjourner aumilieu d'un foyer violent.

Leur procédé consiste à s'enduire d'une substancequi favorise extrêmement l'évaporation,car la n'aï-cheur qu'elle engendre permetincontestablement auxouvriers d'entrer dans des fours où règne une tem-pérature propre à faire cuire des œufs. C'est ce quefont souvent les maçons chargés de faire des ré-parations pour le compte des boulangers.

Il n'est personne d'autre part qui n'ait vu les ou-vriers plombiers ramasserune pièce d'argent ou d'orjetce dans le fond d'un vase contenant du métalfondu. Entin les visiteursde l'Exposition des sciencesappliquées à l'industrie n'ont sans doute point oubliéles belles expériences faites à l'aide de l'extincteur,

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appareil rempli d'un liquide silicate étounant le feu

comme si un souffle magique I*éteignait.Malgré toutes ces analogies et beaucoup d'autres

que M. Nicolas et Fabbé Moigno ont eu le plus grandtort de négliger, nous préférons ranger cette légendeà côté des lampes perpétuelles dont il a été si sou-vent question au siècledernier,et dont nous deman-derons la permission de dire quelques mots pourmontrer combien la crédulité est naïve dans les dé-tails qu'elle considère comme démontrés.

On raconte qu'en l'an i500 du Christ, des paysansfaisant des fouillesdans les environs de Padoue trou-vèrent une lampe ardente placée entre deux fiolesdont l'une contenait de l'or fluide et l'autre de l'ar-gent également liquéfié.

Cette lampe qui se trouvait dans le tombeau d'un'certain Olybius aurait été brisée par les paysans quila maniaient trop rudement.

ïl en est à peu près de même de la lampe dutombeau de Tulliola, fille chérie de Cicéron, où sonpère l'avait placée. Mais, contrairementà toutes lesautres, cette lampe ne brûlait qu'en l'absence del'air qui l'éteignit en entrant dans la tombe aussitôtqu'on l'eut ouverte, sous le pontificat de Paul Ill,de sorte qu'on ne la vit allumée qu'avec les yeux dela foi.

Ces deux lampes avaient étéconstruitessans doutea l'imitation de celle qu'on trouva vers l'an 500 àRome, dans le tombeau du fils d'Evandrequi avait ététué par Turnus deux mille ans auparavant. Nous en-gageons vivement les archéologues qui fouillent la

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Troade à ne pas ouvrir avec trop de précipitation letombeau de Priam, de crainte qu'on n'éteigne par un

coup de maladresse quelque lampe perpétuelleplusmerveilleuse encore que celle d'Edison et y brûlantdepuis la fin de la guerre de Troie.

Le successeur de Nabuchodonosor ayant eu à seplaindre du prophète lui-même, le fit jeter dans lafosse aux lions, mais les lions refusèrent de le dé-vorer. Le lendemain on trouva Daniel assis dans lafosse où les lions lui léchèrent les pieds.

Nous commencerons par faire remarquer que c&dernier miracle n'est nullement impossible au point.de vue physique.

En effet, on connaît l'histoire qui parait suffisam-ment authentique du lion d'Androclés. On sait dureste que nombre de dompteurs ont paru dans les cir*ques avec des bêtes féroces qu'ils tourmentent quel-quefois de la façon la plus cruelle, sans qu'il leuradvienne aucun désagrément. Au moins, si quelques-uns finissent par être victimes de leurs pensionnaires,ce n'est qu'après les avoir bravés pendant fort long-temps.

On aimerait à conserver intacte l'authenticité dela légende du festin de Balthasar. En enet,rien n'estplus grandiose que la scène tant de fois décrite, etqui sera toujours vraie tant qu'il y aura des despoteset des sujets.

Mais, hélas! il faut reconnaître que le récit MMi-que usant jusqu'à la corde les mêmes ficelles, faitdescendre une seconde fois le pauvre Daniel dans lafosse aux lions.

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Dans ce second séjour, son exposition ne dure pasmoins d'une semaine.

L'écrivain sacré n'osant faire jeûner le prophète,qui est déjà arrivé à un âge où il est bien dange-reux de ne pointêtre régulierdans ses repas, inventeun père nourricier qu'un ange saisit par les cheveux,et qui vient chaque matin lui porter les pains dontil a besoin pour lui et pour sa ménagerie.

Malgré tout notre bon vouloir, nous ne pouvonstraiter ce conte plus sérieusement que la caméristed'une jeune fille grande coquette, se plaignant queson oncle l'avait laissée seule à la campagne, entredeux amoureux.

« Je suis ici comme Daniel dans la fosse aux lions.C'est fort dangereux. » Pour les lions, lui fut-il1répliqué.

Si les contes de la mythologiechrétienne n'étaientprotégés par une tradition, que son antiquité rendvénérable;. il y a longtemps que tous les esprits éclai-rés étudieraient l'histoire de Jéhovah de la mêmemanière que de Jupiter, Bouddha et d'Allah. La créa-tion d'une chaire de religions comparées, au Collègede France, mesure qui fait tant d'honneur à M. Ferry,n'auraitpoint étéaccueillie avec une sorte de stupeur.

Mais grâce à la tendance morale de la généralitédes chroniques pieuses, et au but civilisateur qu'ellesont servi à poursuivre pendant tant de siècles, la foiparait avoir persisté chez une partie notable de lanation, au delà du terme que le progrès des scienceset de la raison semblait devoir lui assigner. L'incer-titude de l'avenir qui nous est réservé, et surtout

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la douleur qui nous déchire quand la mort noussépare d'un être aimé, troubleront encore longtempsÏes plus solides intelligences, quand elles cherche-ront à sonder les abimes sans fond de l'éternité.L'idée de l'immortalité de l'âme et de l'existenced'un Dieu juste suffit à peine dans ces tristes cir-constances pour protéger contre un horrible vertigeles esprits les plus fortement trempés.

Pendant bien longtemps, des hommes intelligents,dévoués à la patrie, inébranlables dans leurs affec-tions, refusent d'appliquer les facultés les plusprécieuses de l'esprit à l'étude des questions que leplus simple bon sens aurait suffi pour trancher de-puis des siècles, si l'on n'avait fait abstractionde sonintelligence, toutes les fois qu'on est obligé d'y tou-cher.

Quoiquedisposé à excuser toutes les erreurs, dontl'origine est avouable, la philosophie ne peut s'abs-tenir. En eCet, nous vivons heureusement sous desinstitutions qui reposent sur la libre discussion desinstitutionspubliques.

Si donc elle doit engagerles impatients à attendreque la lumière de la vérité ait pénétré dans des ré-gions si longtemps obscures, elle ne peut s'empêcherd'encourager les efforts honorables d'un gouverne-ment dévoué au bien public, et pénétré de l'impor-tance de sa mission tutélaire du progrès.

Nous manquerion~uplus essentiel de nos devoirssi. nous ne saisissions pas l'occasion de la publicationde cet opuscule, publié à la veille de la fameuseéchéance des décrets du 29. mars, pour faire parve-

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nirùn témoignage de confiance et d'anection auxamis à côté desquels nous avons si longtemps cpm- t'battti contre le despotisme, et qui moins heureuxque nous, ont actuellement le redoutable honneurde diriger Favenirde la grande nation qu'on a silongtemps appelée le soldat de Dieu.

..o~

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PRÉFACE 'L-~L Le paradisterrestre.II. Les origines de la croyance aux géants. 8

H!. Les eaux dudéluge. 45IV, La colombe deNoé. 92V. L'arc-en-ciel. 28Vl.LatourdeBabel. 33

VH. La physique deMoïse. 4~VML Les foudresde l'Ancien et duNouveau Testament. S6

!X. La physique des miracles de Mahomet. 64X. La statuedesel. 72XI. Les murailles de Jéricho. 7S

XU. Les abéilles de Samson. 83XIU. Les merveillesdu temple de Jérusalem. 88

XIV. L'ânesse deBalaam. 93XV. Les animaux fabuleux de la Bible. 96

XVI. Les anges et les ascensions 404

XVIL Les miracles astronomiques et météorologiques. 4<2XVIII. Daniel dans la fosse aux lions. <t20

TABLE

Paris. Imprimerie de B. DONMTD, rue Cassette, 4.

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-M~ MKO~'ELLK B!RUOTH~E ~<)!S!K i P!!A~C LE ~MME

Alfred AssoHant. Un'' ViHe de garnison. i ~ot.Fn Mariage au Couvent 'fUcnx.\tt)iscn)'?')2. 1ÉlieBerthet. UtehardtePanconnicr. iLeCrinx'dct'ierrcfittc. 't

F. du Boiagobey. La r''an d'un Autre. 2 ~BsCneA(TaH'e~yst6('feusc.

Alexis Bouvier. Monsn'tn- Ttmnean. 1ChampSeury. !.es~nt))'~dsde~ofincha)'d.. t(~)if'n-C:)i)tf)tt. 1A\<'ntu)csd'))'i<'t!(. 1

Jules Claretie. Madcnxdst-H' C.tcht'tnit'e. i

ErneRt Daudet. )n''t''t'm'tt(-(htm<))tdc. 1(uM.otyt'd'Amum. iCharles Deslys. ).s Uix-f;t :'tt~ de Marthe

L;) !tH~t.);<c'j)!cs.i'ft:t!:L;<mhj" 1

Charles Dickens. ).t- t.rintc de .taspcr. 2Ëtienne Enault et Louis Judicis. Le Vagabond. s!/Hom!))e de Minuit. t!):ttttcHc. 1J.Fievée. La Dot de SuxcUc. '1

Enfile Gaboriau. !.c Capitaine Coutanccau. 4

Constant GuéroulL Aventures Cavaticrcs. 4

{.a!j!uur~coi$c()'A)!C)'s. 1

Emman.Gonzalès.. !.('ssppU:iti<:cr~dc)}uc!ut)gham.Les M<f))oit'ps d'un An~e. 2j.f.-s )n-)''sdc!a'.ôtc. 1

Théodore de Grave. L<- ))t:<)))<-s ().- t't'j.cc. iH. Escoffler. Le Mo ex')- de t.von. tLc'Hi<t.\)~tdit. '<

Charles Joliet L'tu' H<-inc d'; f'< tit< Viifc. 1

La ~(!\ic'' d'' [ri.'fx'tf) )fHenri de Kock. t n drutc de Votunr )Lamartine. t)(jt-d')i/ tG. de La Landelle.. t ot~t'sain; sens la icncm' )1L'Antom'dc~htf.'ttc. tAlex. de Lavergne.. La Ucitc Ara~ouaisc' tAuguste Maquet. La Maison du Ua~nou; 2XavierdeMontépin.. Ln.' t icm- aux cnch~cbMichel Masson. La .!cnn<- Rf'nte.t~ -tEugène Muller.d:)m</ 'hmdc. iPaul de Musset. Une \ic du hiahi. q 1

Victor Perceval. Les Feux df t'ai).Lf. Yivscitcs de Cat')i)C) tPaul Perret. t!!stoit'cd'unhonnctchun)me,ctc,.t

Emile Richebourg net E. de Lyden tAmoureuses de Par~

Emile Richebourg. t!tstoi)ed'unAvarp,dun!.ufant,&iTony Révillon Le bon Monsieur Jou~cnccL

Lc'st)cuxcomj)a~n<~ns. 'iPaul Saunière. La (.cndrc à tot~ pr)x. 4Le Capitaine Beitc-numeur.LcroiM'scrc. i2

Albéric Second. La Jeunesse dor~e. 4Le" Ucnx'i'scUcs (tu nonç.'y dAndré Theuriet. Madame V0'"t:h)uu. i

Frédéric Thomas Un Coquin d'Unctc. 1 .cPierre Zaccone. Les Aventuriers de Paris.La Dame d'Autcui! 4Mémoires d'unconin~dcpoHcc 2

Paris. –)mpr:mcrtc (teË.nu~\ALt',r't~sf)Cttc.<.