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LES PACTES D’ACTIONNAIRES Intervention de Me Claude NOEL, Avocat Associé Spécialiste en droit des sociétés et en droit commercial Barreaux de Nancy et de Luxembourg Petit-Déjeuner 19 mai 2011 Les rencontres CCI - ACE

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LES PACTES D’ACTIONNAIRES

Intervention de Me Claude NOEL, Avocat AssociéSpécialiste en droit des sociétés et en droit commercial

Barreaux de Nancy et de Luxembourg

Petit-Déjeuner 19 mai 2011Les rencontres CCI - ACE

SOMMAIRE

1. Introduction 1.1 Définitions 1.2. Pacte « statutaire » ou « extra statutaire »

2. Clauses usuelles 2.1. Durée du pacte 2.2. Panorama

3. Clauses relatives à la gestion de la société 3.1. Clauses relatives au droit de vote 3.2. Clauses d’information ou de consultation 3.3. Clauses concernant les dirigeants ou certains salariés

4. Clauses relatives à l’actionnariat 4.1. Clauses financières 4.2. Autres clauses

5. Sanctions de l’inobservation du pacte 5.1. Sanctions d’origine légale 5.2. Sanctions d’origine contractuelle

1.1.Définitions

« Pacte » :

Accord de volontés Contrat soumis au régime de droit commun des →obligations (consentement et capacité des parties, objet déterminé ou déterminable, cause licite)

Article 1134 du Code Civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoqués que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elle doivent être exécutées de bonne foi. »

Accord de volonté d’une nature particulière conformité aux règles →d’ordre public du droit des sociétés (compétences des organes sociétaires, clauses léonines…), conformité aux statuts et à l’intérêt social

1. Introduction

L’utilisation du terme de pacte au lieu de contrat renvoie à l’idée d’alliance entre certains actionnaires

Un moyen d'offrir une plus grande flexibilité dans l'organisation et le fonctionnement des sociétés

Un outil habituel du capital investissement

Une création de la pratique

Une inventivité sans limite

Une évolution permanente et de plus en plus complexe

1. Introduction (suite)

1. Introduction (suite)

« Pacte d’actionnaires » ou « Pacte d’associés » :

Personne physique ou morale titulaire d'une ou plusieurs actions (s) dans une SA ou SCA (on parle d'associés pour les autres sociétés)

La qualité d'actionnaire renvoie à la problématique de la qualité ou non en cas de démembrement, indivision, communauté de biens

La pratique des pactes d’actionnaires est apparue dans le cadre des sociétés faisant APE, lesquels ne peuvent être que des sociétés par actions : l’expression est en fait générique. Leur révélation et leur transmission à la société et à l'AMF sont obligatoires.

1. Introduction (suite)

1.2.Pacte « statutaire » ou « extra statutaire »

Le pacte d’actionnaire, par essence, est extra statutaire.La problématique est donc :« clauses statutaires ou pacte d’actionnaires »

3 avantages essentiels par rapport aux statuts :

- Ils sont confidentiels alors que les statuts sont publics,

- Les statuts lient la totalité des actionnaires – un pacte ne lie que ses signataires,

- Les pactes présentent l'avantage de la souplesse

1. Introduction (suite)

Néanmoins,

- Les pactes sont inopposables à la société, sauf si elle est signataire, et aux tiers,

- Les statuts priment sur le pacte,

- Les pactes doivent respecter les règles impératives du droit des sociétés

- Les pactes ne doivent pas violer l'ordre public

- Les pactes sont conclus pour une durée déterminée : certains événements entraîneront leur caducité

- L'efficacité est le point faible des pactes : sanction de l'inexécution : dommages et intérêts

- Certains pactes imposent une clause de gestion du pacte par un tiers

2.Clauses usuelles2.1. Durée du pactePrincipes :

Un engagement à durée indéterminée peut être résilié unilatéralement et librement sous condition de respect d’un préavis: la sécurité juridique commande donc une durée déterminée.

Principe de prohibition des engagements perpétuels (mais difficilement invocable car la durée de la société limite en tout état de cause celle des engagements)

Possibilité de différencier les durées si le pacte contient plusieurs engagements

La loi fixe parfois des durées maximales (convention de vote, clause d’inaliénabilité des titres) ou minimales (engagement collectif de conservation de titres permettant de bénéficier de certaines exonérations fiscales)

2.Clauses usuelles (suite)

Possibilité de prévoir qu’au terme du pacte, celui-ci sera prorogé pour une nouvelle durée (maintien du contrat initial) ou qu’il se poursuivra par tacite reconduction (nouveau contrat d’une durée indéterminée)

Quelques applications jurisprudentielles :

Durée indéterminée pour un pacte prévoyant qu’il s’appliquera aussi longtemps que les parties ou leurs substitués demeureront ensemble actionnaires (remise en cause de la jurisprudence selon laquelle en l’absence de durée précisée, la durée du pacte est celle de la société?)

Une durée de 20 ans n’est pas illicite au regard de l’interdiction des engagements perpétuels

2.Clauses usuelles (suite)

2.2.Panorama

Les pactes s'articulent généralement autour :

– Des clauses de gestion

– Des clauses d'actionnariat

– Des clauses de sortie

2.Clauses usuelles (suite)

Le principe étant la liberté contractuelle, les clauses suivantes peuvent être stipulées, non limitativement :

● Condition suspensive● Porte-fort● Clauses garantissant l’exécution (clause pénale, clause

résolutoire,astreinte conventionnelle, cf infra)● Clause de sortie (droit de se retirer de la société pour une victime à la

violation du pacte, obligation de sortie de la société de l’auteur d’une infraction au pacte)

● Gestion du pacte (désignation d’un mandataire chargé de la tenue de la comptabilité des titres de la société)

● Confidentialité sur le contenu du pacte● Non-concurrence ou exclusivité de l’activité des associés● Arbitrage

3. Clauses relatives à la gestion de la société

3.1. Clauses relatives au droit de vote

Répartition des sièges au sein d'un Conseil d'Administration ou d'un Conseil de Surveillance

Peuvent concerner toutes les décisions collectives mais sont le plus souvent limitées à certaines d’entre elles (choix des dirigeants, agrément de nouveaux actionnaires, politique d’investissement, affectation des résultats…)

Accord unanime des signataires est nécessaire ou majorité renforcée

La clause ne doit pas : - avoir pour seule contrepartie le versement d’une rétribution

- avoir une durée illimitée- conduire à des votes contraires à l’intérêt social (abus de majorité et de minorité)

Obligation de faire sanctionnée par des dommages-intérêts

3.Clauses relatives à la gestion de la société (suite)

3.2.Clauses d’informations ou de consultationClauses d’information renforcée:

Mettent à la charge des dirigeants la fourniture de certains renseignements mensuels ou trimestriels (situation comptable détaillée, rapport écrit sur l’exécution des prévisions budgétaires et d’investissement, cessions d’actions…)

L’obligation ne peut être mise à la charge du Commissaire aux comptes (secret professionnel)

Clauses de consultation et d'autorisation :

Permettent aux minoritaires d’être consultés sur certains projets définis ou sur l’identité de certaines personnes (Commissaires aux comptes…)

3. Clauses relatives à la gestion de la société (suite)

3.3.Clauses concernant les dirigeants ou certains salariés

De façon non limitative, ces clauses prévoient par exemple :

- La nomination et la révocation (Conditions) (Qualités)

- L’intéressement des dirigeants aux résultats de l’entreprise (stocks options, bons de souscription, parts de créateurs, actions gratuites)

- Les pouvoirs des dirigeants (investissements, désinvestissements et cessions, emprunts et levées de fonds)

3. Clauses relatives à la gestion de la société (suite)

- Les conséquences de la révocation du dirigeant avant une certaine date (obligation de rachat à un prix prédéterminé, versement d’une indemnité…)

- La sortie forcée (promesse de vente) d’actionnaires salariés en cas de rupture du contrat de travail, ou inversement le maintien en fonction de certains actionnaires salariés ou dirigeants pour une certaine durée

- Fidélité – Motivation et pérennité des managers

- Non concurrence des hommes chef pendant et après (Nespresso) (JP)

- Non sollicitation

- Propriété intellectuelle

4. Clauses relatives à l’actionnariat

4.1. Clauses financièresVisent à préserver les droits des minoritaires. Se rencontrent dans les domaines suivants:

Répartition des bénéfices :

- Non distribution

- Les clauses visent à assurer un dividende aux minoritaires.

- Les majoritaires promettent de se porter fort de la distribution chaque année d’un « premier dividende », ou s’engagent à autoriser pour les minoritaires un prélèvement sur les bénéfices afin de faire pression sur la mise en œuvre d’une clause de sortie

4. Clauses relatives à l’actionnariat (suite)

Droit de priorité pour certaines opérations : Fusion – Scission – Liquidation amiable

Attribution prioritaire : De numéraire dans des opérations mixtes

Droit de souscription :En cas d’augmentation de capital, les minoritaires se voient reconnaître un droit prioritaire de souscription jusqu’à un certain niveau, souvent pour maintenir leur participation au même seuil (« clause anti-dilution ») ou un droit préférentiel aux mêmes conditions que celles offertes à un investisseur financier (« clause pari passu »)

4. Clauses relatives à l’actionnariat (suite)

Stabilité des capitaux propres :

Les majoritaires s’engagent, si les capitaux propres deviennent inférieurs à une fraction déterminée du capital social, à régulariser le montant de ces capitaux d’une valeur au moins égale

4. Clauses relatives à l’actionnariat (suite)

4.2. Autres Clauses

4.2.1.Les clauses relatives aux conditions de détention des droits sociaux

Encadrer strictement la détention du capital,

Exercer un contrôle sur les mouvements,

Cristalliser la répartition,

Inaliénabilité temporaire sur tout ou partie des actions

4. Clauses relatives à l’actionnariat (suite)

4.2. Autres Clauses

4.2.2.Les clauses visant à contrôler la répartition du capital social

Pour l'investisseur, il s'agit essentiellement de protéger la liquidité de son investissement : en général de 3 à 7 ans

Anti-dilution et plafonnement (% en cas de fusion ou d'augmentation de capital social)

4.2.3. Les clauses de préemption et d'agrément

Systématiquement prévue dans les opérations d'investissement

Clause de filtrage

4. Clauses relatives à l’actionnariat (suite)

4.2.4.Les clauses de cession

Clause de sortie conjointe (tag along) Le majoritaire s'engage à ne pas céder ses titres sans donner aux

minoritaires la possibilité d'en faire autant et aux mêmes conditions

Clause d’entraînement ou cession forcée (drag along) Les minoritaires s'obligent à céder leurs actions au tiers cessionnaire

choisi par les majoritaires

Cession globale forcée à terme (buy or sell) / clause américaine Sortie des investisseurs à un terme défini ou en cas de survenance

d'événements et impose aux managers de lancer un processus de recherche d'un acquéreur.

A défaut de trouver un tiers, oblige les managers à procéder à l'acquisition des actions des investisseurs.

4. Clauses relatives à l’actionnariat (suite)

4.2.5.Les clauses de conflits et de rupture :

Clause d'impasse (dead lock) A pour objet de régler par avance les conditions de la résolution d'un pacte

d'actionnaires imposée par la situation d'impasse dans laquelle se trouve la cible du fait des dissensions entre les associés

Clause d'exclusion et de retrait dans les opérations de capital-investissement

5. Sanctions de l’inobservation du pacte5.1. Sanctions d’origine légale

Responsabilité contractuelle:

Le Code civil sanctionne l’inexécution d’une obligation de faire ou de ne pas faire par des dommages-intérêts et par la possibilité de demander la résolution (rupture) du pacte

Annulation d’un acte passé en violation du pacte:

Toute cession effectuée en violation des clauses statutaires d’une SAS est nulle (L227-15 C.Com)

Un acte passé en violation d’un pacte d’actionnaires peut être annulé s’il est frauduleux (nécessité de prouver une collusion frauduleuse) : « action paulienne » (1167 C.Civ)

Ce qui est passé en violation d’une obligation de ne pas faire peut être « détruit » c’est-à-dire annulé (1143 C.Civ)

5. Sanctions de l’inobservation du pacte (suite)

Exécution forcée « légale »:

Si obligation de ne pas faire, l’annulation de l’acte interdit vaut exécution forcée du pacte (ex : annulation d’une vente violant une clause d’incessibilité)

Si obligation de faire, possibilité de forcer l’autre partie à l’exécution du pacte lorsque le pacte contient des obligations réciproques (« contrat synallagmatique »), et si cette exécution forcée est possible (1184 C.Civ):astreinte

La jurisprudence reconnaît depuis peu la possibilité de demander l’exécution forcée de certains contrats unilatéraux (substitution en cas de vente violant un pacte de préemption ou de préférence) alors même qu’aucune clause à ce sujet n’est stipulée

5. Sanctions de l’inobservation du pacte (suite)

5.2. Sanctions d’origine contractuelle

Clause pénale (attention à la possible révision judiciaire)

Exécution forcée « contractuelle » :

- Astreinte conventionnelle

- Substitution en cas de cession violant une promesse unilatérale de vente (jurisprudence récente de la Cour de cassation)