6
14 formation dossier Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012 L a plaie est une effraction de la barrière cutanée ou rupture de celle-ci, généralement associée à une perte de substance. Les plaies graves se déclinent en deux types principaux : les plaies chro- niques et les plaies aiguës. La plaie chronique Selon l’étiologie, une plaie est considérée comme chronique après quatre à six semaines d’évolution, indépendamment des conditions de prise en charge. Les étiologies incluent notamment les : – ulcères de jambe ; – escarres ; – plaies diabétiques ; – moignons d’amputation ; – brûlures étendues en cas d’allongement des délais de cicatrisation. Ces plaies sont liées à : – des délabrements importants (plaie infectée, étendue, présence de corps étrangers, zones nécrosées…) ; – des terrains favorisants (anomalies vasculaires, dénu- trition, plaies cancéreuses, diabète, tabagisme…). Elles correspondent à une perte significative des cou- ches superficielles de la peau : derme et épiderme. Il s’agit de plaies qui ne cicatrisent pas ou difficilement malgré la mise en place des meilleures conditions pos- sibles, tant localement que sur un plan général (apport protidique). Elles touchent principalement les person- nes âgées, puisque plus de deux tiers des personnes atteintes de plaies chroniques ont plus de 70 ans. Le diabète, les problèmes vasculaires ou les états de mobilité réduite augmentent le risque d’incidence. Pour certaines plaies, la cicatrisation est complète- ment effectuée dans un délai de six mois, alors que d’autres ne cicatrisent jamais ou récidivent régulière- ment. Certains patients vivent avec des plaies chro- niques pendant de longues années. La plaie aiguë La plaie aiguë présente un temps de cicatrisation normal en l’absence de facteur local ou général pou- vant retarder la cicatrisation. Les étiologies incluent notamment les : – brûlures ; – greffes ; – plaies chirurgicales ; – morsures ; – abcès ; – gelures ; – dermabrasions profondes… Le risque tétanique Face à toute plaie, le pharmacien doit s’assurer de la validité du statut sérologique antitétanique du patient (tableau 1). En France, il est recommandé de vacciner les enfants tous les cinq ans, puis tous les dix ans à partir de 18 ans. En cas de vaccination très ancienne (personnes âgées), un cycle complet est recommencé : deux injections à un mois d’intervalle, puis une autre à un an. Ensuite, le schéma d’une vaccination tous les dix ans est repris. L’officinal doit orienter son patient vers le médecin lorsque la vaccination n’est pas à jour. Ce dernier jugera si l’injection d’immunoglobulines spécifiques humaines est opportune. Les principales plaies Il existe différentes plaies selon leur origine. Les brûlures Une brûlure est une destruction de la peau après exposition à un agent thermique, chimique, électri- que ou une radiation. Sa cicatrisation est fortement dépendante de : – la surface touchée ; – la profondeur atteinte ; Les plaies : définitions et étiologie L’officinal doit jouer un rôle actif dans le conseil, l’information et la prévention de certaines plaies (plaies diabétiques, escarres…) et face à certains terrains (dénutrition, diabète, tabagisme…). Tableau 1 : Les protocoles de vaccination antitétanique Situation vaccinale Risque modéré Risque important Vaccination complète et certaine Rien Rien < 5 ans Rien Rien 5 à 10 ans Rien Rappel > 10 ans Rappel Rappel + immunoglobulines 250 UI Vaccination incomplète Revaccination Rappel + immunoglobulines 250 UI Vaccination absente ou douteuse Vaccin + immunoglobulines 250 UI Vaccin + immunoglobulines 250 UI

Les plaies : définitions et étiologie

  • Upload
    sonia

  • View
    220

  • Download
    5

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les plaies : définitions et étiologie

14formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

La plaie est une effraction de la barrière cutanée ou rupture de celle-ci, généralement associée à une perte de substance. Les plaies graves se

déclinent en deux types principaux : les plaies chro-niques et les plaies aiguës.

La plaie chroniqueSelon l’étiologie, une plaie est considérée comme chronique après quatre à six semaines d’évolution, indépendamment des conditions de prise en charge. Les étiologies incluent notamment les :– ulcères de jambe ;– escarres ;– plaies diabétiques ;– moignons d’amputation ;– brûlures étendues en cas d’allongement des délais de cicatrisation.Ces plaies sont liées à :– des délabrements importants (plaie infectée, étendue, présence de corps étrangers, zones nécrosées…) ;– des terrains favorisants (anomalies vasculaires, dénu-trition, plaies cancéreuses, diabète, tabagisme…).Elles correspondent à une perte significative des cou-ches superficielles de la peau : derme et épiderme. Il s’agit de plaies qui ne cicatrisent pas ou difficilement malgré la mise en place des meilleures conditions pos-sibles, tant localement que sur un plan général (apport protidique). Elles touchent principalement les person-nes âgées, puisque plus de deux tiers des personnes atteintes de plaies chroniques ont plus de 70 ans. Le diabète, les problèmes vasculaires ou les états de mobilité réduite augmentent le risque d’incidence.

Pour certaines plaies, la cicatrisation est complète-ment effectuée dans un délai de six mois, alors que d’autres ne cicatrisent jamais ou récidivent régulière-ment. Certains patients vivent avec des plaies chro-niques pendant de longues années.

La plaie aiguëLa plaie aiguë présente un temps de cicatrisation normal en l’absence de facteur local ou général pou-vant retarder la cicatrisation. Les étiologies incluent notamment les :– brûlures ;– greffes ;– plaies chirurgicales ;– morsures ;– abcès ;– gelures ;– dermabrasions profondes…

Le risque tétaniqueFace à toute plaie, le pharmacien doit s’assurer de la validité du statut sérologique antitétanique du patient (tableau 1). En France, il est recommandé de vacciner les enfants tous les cinq ans, puis tous les dix ans à partir de 18 ans. En cas de vaccination très ancienne (personnes âgées), un cycle complet est recommencé : deux injections à un mois d’intervalle, puis une autre à un an. Ensuite, le schéma d’une vaccination tous les dix ans est repris.L’officinal doit orienter son patient vers le médecin lorsque la vaccination n’est pas à jour. Ce dernier jugera si l’injection d’immunoglobulines spécifiques humaines est opportune.

Les principales plaiesIl existe différentes plaies selon leur origine.

Les brûlures

Une brûlure est une destruction de la peau après exposition à un agent thermique, chimique, électri-que ou une radiation. Sa cicatrisation est fortement dépendante de :– la surface touchée ;– la profondeur atteinte ;

Les plaies : définitions et étiologie

L’officinal doit jouer un rôle actif dans le conseil, l’information et la prévention

de certaines plaies (plaies diabétiques, escarres…) et face à certains terrains

(dénutrition, diabète, tabagisme…).

Tableau 1 : Les protocoles de vaccination antitétanique

Situation vaccinale Risque modéré Risque important

Vaccination complète et certaine Rien Rien

< 5 ans Rien Rien

5 à 10 ans Rien Rappel

> 10 ans Rappel Rappel + immunoglobulines 250 UI

Vaccination incomplète Revaccination Rappel + immunoglobulines 250 UI

Vaccination absente ou douteuse Vaccin + immunoglobulines 250 UI Vaccin + immunoglobulines 250 UI

Page 2: Les plaies : définitions et étiologie

15 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

À chaque plaie son pansement

– l’âge du patient ;– la qualité du traitement local.Plusieurs degrés de brûlure sont distingués selon la profondeur (figure 1). La brûlure du premier degré affecte uniquement

les couches superficielles de l’épiderme, laissant la couche basale intacte. Elle se présente comme une rougeur persistante (un érythème) ; témoin de l’hyper-vascularisation du derme, cicatrisant en huit jours par desquamation accélérée (coup de soleil). La brûlure du deuxième degré se caractérise par

la présence de phlyctènes :– superficiels, caractérisés par une atteinte superfi-cielle de l’épiderme, avec un aspect rouge vif, très douloureux au contact, se recolorant après pression, un peu cartonnés, cicatrisant en 15 à 21 jours ;– profonds présentant un aspect moins rouge, parsemés de zones blanchâtres, sans décoloration à la pression, moins douloureux, cicatrisant en 21 à 30 jours, ou pas. La brûlure du troisième degré se caractérise par

une zone blanche, dure, cartonnée et insensible, voire carbonisée.La cicatrisation des brûlures se déroule en cinq phases :– prévention initiale des infections ;– détersion ;– granulation (ou bourgeonnement) ;– épidermisation ;– maturation.Différents pansements sont employés au cours des phases successives de cicatrisation. La préoccupa-tion constante est de prévenir l’infection, complication de la phase aiguë, mais aussi des phases tardives,

qui ralentit le processus d’épidermisation ou de cou-verture cutanée définitive.

Les escarres

L’escarre est une nécrose ischémique consécutive à une hypoxie tissulaire provoquée par une pression exces-sive et prolongée des muscles, ou tissus sous-cutanés, entre l’os et un support extérieur. Pouvant apparaître en quelques heures, il s’agit d’une plaie grave, car elle peut se creuser jusqu’à atteindre les muscles et, parfois, même l’os, et mettre des mois à cicatriser.Les escarres sont définies par stades, selon la pro-fondeur du dommage cellulaire. Stade 0 : rougeur cutanée disparaissant à la

pression.Stade I : érythème de peau intacte sans contusion.

La peau peut être plus chaude ou plus froide, et la consistance des tissus ferme et/ou douloureuse. Ce stade est réversible.

Stade II : pertes superficielles de substance impli-quant l’épiderme, le derme, ou les deux. Se présente sous forme d’une cloque emplie de sérum, intacte ou ouverte, ou d’une escarre peu profonde, humide ou sèche.

Stade III : pertes partielles de substance dans l’épais-seur cutanée, avec atteinte de l’aponévrose et des mus-cles, la base de l’escarre devenant indolore (figure 2).

Stade IV : perte totale de substance dans l’épaisseur cutanée, avec mise à jour de l’articulation et de l’os.Les régions sujettes à l’escarre concernent les zones d’appui sur lesquelles le poids du corps exerce une pression telles que le sacrum et les talons, qui repré-sentent 80 % des escarres. D’autres zones peuvent être concernées, notamment : les ischions (région fessière en position assise au fauteuil), les trochanters (région de la hanche, en position couchée sur le côté), les coudes, les malléoles, les omoplates et l’occiput (arrière de la tête).

© B

SIP

/Photo

take/C

am

azin

e

Figure 1 : Brûlure du second degré.

Figure 2 : Escarre de stade III.

© B

SIP

/CM

SP

Calie

nd

o

Page 3: Les plaies : définitions et étiologie

16formation

dossier

Les plaies : définitions et étiologie

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

Les sujets à risque sont des personnes fragilisées par la maladie ou l’âge et immobilisées au lit ou au fauteuil. La prévention de l’escarre et sa prise en charge rapide sont essentielles. Les recommanda-tions préconisent :– de changer de position les patients à risque d’escarre toutes les deux ou trois heures ;– d’installer confortablement les patients sur des supports spéciaux (matelas, coussins de position-nement, talonnière stabilisatrice, talonnière large de fond de lit…) ;– de veiller à des apports alimentaires adaptés ;– de maintenir l’hygiène corporelle ;– de surveiller étroitement la peau des zones à risque ;– de sensibiliser l’entourage de la personne à risque (surveillance des zones d’appui et alerte du personnel soignant aux premiers signes d’escarre ou en cas de risque nouveau).Le temps de cicatrisation des escarres est d’au moins trois à cinq mois, en tenant compte des facteurs étiologiques.

Les ulcères

L’ulcère, conséquence d’une ischémie tissulaire, est une plaie chronique avec perte de substance, pouvant aller de la peau jusqu’à l’os. Siégeant le plus souvent au niveau de la jambe, il ne guérit pas de lui-même.Les ulcères de jambe sont principalement dus à une altération de la circulation sanguine dans le réseau artério-veineux et touchent le plus souvent des sujets âgés, avec une prédominance féminine. La cause principale est l’insuffisance veineuse ou artérielle chro-nique, mais également le diabète (micro- et macro-angiopathies). Il existe trois principaux types d’ulcères de jambe : veineux, artériel, mixte (artério-veineux). L’ulcère veineux (figure 3) succède à l’incontinence

valvulaire de veines qui entraîne une stase, puis une hyperpression veineuse. Cela conduit, dans un pre-mier temps, à l’apparition de varices et, à un niveau plus avancé, de thrombose veineuse profonde. Il se situe le plus souvent sur le tiers inferieur et la sur-face antérieure de la jambe. Il est suintant, avec des contours irréguliers, une dermite ocre et œdéma-teuse, mais est peu douloureux. L’ulcère artériel est lié à une hypoxie cellulaire

entraînant une nécrose présentant des contours réguliers marqués. Il se localise sur le tiers inférieur de la jambe, mais également sur les bords exter-nes (notamment autour et au-dessus des chevilles). Il s’agit d’une plaie sèche et douloureuse qui a ten-dance à se creuser et dont la peau périphérique devient blanche et glabre.Dans ce type de plaie, la vocation du pansement est de maintenir un milieu humide, mais sans macération après détersion. Pour cela, il doit être capable d’ab-sorber les exsudats, malgré la pression exercée par l’application d’une compression par bande. Les pansements les plus utilisés dans l’ulcère

de jambe sont les :– pansements gras, efficaces dans les ulcères non exsudatifs ;

Conseil officinal et escarresMaintenir une bonne hygiène de la peau et inspecter soigneusement les zones

à risque : une toilette corporelle quotidienne précautionneuse avec séchage soigneux

est recommandée au niveau des zones à risque.

Veiller à avoir une alimentation suffisante : si besoin, conseiller des compléments

alimentaires appropriés.

Éviter les appuis prolongés et les risques de frottement, favoriser la mobilisation

du patient : proposer matelas anti-escarres, cerceau, coussins anti-escarre, potence,

déambulateur.

Rechercher les signes cutanés prémonitoires d’escarres : l’apparition d’une rougeur

persistante sur la zone d’appui est le tout premier signe d’escarre. Il faut donc inspecter

les zones à risque afin de repérer les rougeurs, et palper légèrement la peau pour évaluer

sa souplesse ainsi qu’une éventuelle réaction douloureuse.

Un test simple permet d’identifier les rougeurs persistantes en appliquant une légère

pression avec le doigt sur la zone de rougeur :

– si une marque blanche apparaît et se recolore, il n’y a pas d’escarre en formation ;

– si la peau reste rouge, une escarre est en train de se former (stade I), pouvant se

poursuivre par l’ouverture d’une plaie. Il convient alors d’alerter l’équipe soignante.

Afin de protéger les zones cutanées à risque d’escarre, il est bon d’appliquer une huile pour

massage anti-escarre telle que Sanyrène®, particulièrement adaptée à la prévention de l’escarre

de décubitus. L’application doit s’effectuer par effleurage. Cette crème renferme du corpitolinol

60, des glycérides hyperoxygénés d’acide linoléique à 60 % et du tocophérol (vitamine E).

Pratiquer l’effleurage qui consiste à masser, sans appuyer sur la peau, et peut s’effectuer

à sec ou avec Sanyrène®. Il favorise la microcirculation cutanée et permet d’explorer

les zones d’appui. Il est pratiqué sur les patients alités ou assis avec appuis prolongés

et sur les zones à risques.

Il est évidemment contre-indiqué lors de lésions cutanées (dermatoses infectieuses),

de lésions inflammatoires ou en présence d’érythème persistant (escarre de stade I).

L’effleurage peut constituer, lorsqu’il est pratiqué à bon escient et selon les bonnes

modalités, une prévention intéressante des escarres.

Figure 3 : Ulcère veineux.

© B

SIP

Page 4: Les plaies : définitions et étiologie

17 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

À chaque plaie son pansement

– hydrocolloïdes, historiquement, les premiers pan-sements de la cicatrisation humide, mais qui ont ten-dance à provoquer une macération et à endommager les berges au retrait ;– hydrocellulaires, des pansements absorbants par-ticulièrement adaptés aux ulcères, notamment si l’exsudat est important et les berges fragilisées ;– alginates, utilisés pour les ulcères hémorragiques (propriétés hémostatiques) ;– boosters (UrgoStart® et Promogran®), qui favorisent l’accélération du bourgeonnement dermique.L’utilisation de compresses doit être déconseillée, car elles maintiennent une forte macération (l’eau absor-bée est immédiatement relarguée sur la plaie sous l’effet de la compression).En cas de plaie infectée, il est possible d’utiliser un pansement ayant une action bactériostatique ou bac-téricide (Biatain Ag®, charbon…).

La compression élastique permet de réduire l’œdème ainsi que la stase veineuse, et d’obtenir, par l’intermédiaire d’une meilleure vascularisation, un bourgeonnement de l’ulcère.La compression forte de classe III (pression comprise entre 30 et 40 mmHg à la cheville) s’effectue à l’aide de bandes ou de bas de contention.La compression par bande est appliquée des orteils au sommet de la jambe, en épousant au mieux les for-mes de la jambe (notamment au niveau de la cheville). La compression monocouche (Biflex®…) est l’appli-cation d’une seule bande élastique ou non. La com-pression multicouches (Profore®) consiste en la mise en place d’une succession de bandes diverses.Ces systèmes à usage unique sont posés tous les deux à sept jours par une infirmière, sur un panse-ment, ou directement sur la plaie après protection des berges par un hydrocolloïde mince ou une pâte à l’eau selon les cas.Les bas de contention sont de moindre efficacité sur le patient maigre et sont difficiles à poser sur un pan-sement. Ils sont toujours réalisés sur mesure.

Les plaies chez le patient diabétique

Chez le patient diabétique, les plaies touchent prin-cipalement les nerfs périphériques et/ou la circu-lation artérielle des membres inférieurs. Le pied est la zone de prédilection de diverses manifestations pathologiques. Le mal perforant plantaire : ulcération neuropathique

à l’emporte-pièce entourée d’une hyperkératose siégeant sur la tête des métatarses ou sur la face plantaire des orteils. Il est dû à une hyperpression localisée, avec risque infectieux important (figure 4). L’ulcère ischémique : fibrineux et douloureux, il est

dû à un frottement des bords de pied ou du talon.

Prévention efficace de l’ulcère de jambe

Traiter avant tout l’insuffisance veineuse (contention veineuse, anticoagulants,

phlébotoniques, marche régulière, cures thermales, sclérose, chirurgie…).

Éviter les traumatismes : chutes, chocs, éraflures, décollement un peu vif d’un sparadrap,

griffures d’animaux peuvent provoquer des hématomes longs à se résorber et peuvent être

source de plaies et de surinfection.

Ne pas se gratter : une démangeaison a une cause qui doit être traitée. Se gratter risque

de provoquer des érosions cutanées, des éraflures qui peuvent vite s’aggraver, parfois se

transformer en nouvel ulcère, diffuser des germes et infecter dangereusement la peau.

Se méfier des piqûres d’insectes : elles peuvent provoquer des réactions allergiques

et, surtout, occasionner des grattages.

Ne pas se précipiter en enfilant les bas de contention : il faut appliquer du talc officinal

sur les pieds et les jambes, utiliser un enfile-bas et éviter tout geste brusque.

Se méfier des sparadraps et pansements adhésifs : il faut éviter d’appliquer directement sur

la peau sparadraps ou pansements adhésifs qui peuvent être allergisants et dont l’arrachage peut

provoquer des ulcérations. Il existe d’autres moyens de maintenir un pansement ou une bande.

Ne pas utiliser sans avis médical : savon antiseptique de façon répétée, antibiotique local

(pommades, crèmes), corticoïdes et anti-inflammatoires locaux.

Éviter l’exposition au soleil : une exposition intensive ou répétée provoque une atrophie de

la peau (héliodermite) et la fragilise.

Changer assez souvent de chaussettes (coton ou fil) et ne pas marcher pieds nus.

Les chaussures, confortables, doivent avoir une semelle bien isolante du sol, être non

traumatisantes et ne pas provoquer d’hypersudation.

Veiller à avoir une hygiène des pieds, orteils et ongles : se laver régulièrement les pieds

à l’eau tiède ou froide. Ne pas faire de bains de pieds prolongés qui peuvent faire macérer la

peau, la fragiliser. Utiliser un savon non agressif, volontiers gras, sans colorants ni parfum.

Bien sécher avec une serviette, par tamponnements. Sécher particulièrement les espaces

interorteils car le maintien d’une humidité à cet endroit favorise grandement la survenue de

fissurations, de mycoses et de surinfections dangereuses. Couper les ongles sans traumatiser

les coins et ne pas hésiter à recourir aux soins d’un pédicure.

Figure 4 : Mal perforant plantaire.

© B

SIP

/Belm

onte

Page 5: Les plaies : définitions et étiologie

18formation

dossier

Les plaies : définitions et étiologie

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

La nécrose vasculaire : gangrène, zone violacée puis noire sur les orteils. La prévention et l’éducation thérapeutique du patient diabétique trouvent ici toute leur importance car ces atteintes du pied constituent les premières causes d’amputation.La stratégie de prévention adaptée doit porter sur la prise de conscience de la perte de la sensibilité, de l’al-tération de la vascularisation et des risques qui en résul-tent, l’auto-examen des pieds, le chaussage adapté et l’hygiène et l’entretien des pieds (soins de podologie).

Les plaies post-chirurgicales

Consécutives à une incision de la peau, elles sont “agrémentées” de points de sutures ou d’agrafes. L’objectif est de protéger cette plaie, d’éviter une

infection et d’absorber les exsudats ou les pertes sanguines, si nécessaire.

Les phases de cicatrisation d’une plaieLa connaissance des différents stades de la cicatrisa-tion est primordiale pour effectuer un choix judicieux des pansements à appliquer. La cicatrisation est un processus complexe visant à la reconstruction du tissu, en mettant en jeu les différents types cellulaires (kératinocytes, fibroblaste, endothéliocytes), la matrice extracellulaire et des facteurs de croissance.La cicatrisation se déroule en trois phases.

La phase de détersion

La phase de détersion est caractérisée par la présence de tissus inertes (nécrose et/ou fibrine) qui empê-chent la cicatrisation en présence ou non d’exsudat. Le foyer de la plaie est infiltré par des polynucléaires neutrophiles, macrophages et lymphocytes. Ces cel-lules assurent la détersion, c’est-à-dire l’élimination des tissus nécrosés, des corps étrangers, du liquide d’œdème et des germes (du foyer infectieux).La détersion naturelle des nécroses est un phénomène physiologique lent, essentiellement dû à l’action enzy-matique microbienne au niveau de la plaie. Cette phase doit être la plus courte possible, la plus complète et la moins traumatique pour le sujet. La détersion n’est donc pas toujours spontanée, mais bien souvent assistée, favorisant l’accélération de l’élimination de la nécrose, limitant le risque infectieux, et préparant le bourgeon-nement à partir des tissus sains vascularisés.Quatre types de détersion sont distingués : méca-nique (curette, bistouri, ciseaux), chirurgicale ou hydro-chirurgicale (Versajet®), autolytique (association d’applications d’hydrogels à des gestes de détersion douce non traumatique) et biologique (larves).

La phase de bourgeonnement

La phase de bourgeonnement est une phase de proli-fération cellulaire qui débute sous l’impulsion de divers

Propriétés d’un pansement idéal

Créer un milieu qui favorise la cicatrisation : humide

et perméable aux échanges gazeux.

Retirer l’exsudat en excès et les composants toxiques.

Augmenter la température au niveau de la plaie.

Rendre la plaie imperméable aux liquides et constituer

une barrière contre les bactéries.

Ne pas adhérer à la plaie et ne pas perdre de particules lors du retrait.

Permettre un retrait atraumatique pour la plaie et ses berges.

Être conformable et stérile.

Tableau 2 : Traitement des plaies et pansements

Stade de la

cicatrisation

Exsudat Objectifs Actions et pansements

Nécrose Sec Hydrater et ramollir Scarification au scalpel

I – Hydrogel

II – Hydrocolloïde ou film de polyuréthane

À renouveler tous les 1 ou 2 jours

Humide Drainer et absorber Détersion mécanique

I – Alginate

II – Pansement sec ou hydrocellulaire

À renouveler tous les 1 ou 2 jours

Détersion

(fibrineuse)

Sec Hydrater et ramollir I – Hydrogel après scarification

II – Hydrocolloïde ou film de polyuréthane

À renouveler tous les 1 ou 2 jours

Exsudatif Drainer et absorber

Hémostase en cas de plaie

hémorragique

I – Alginate après détersion mécanique

II – Pansement sec ou film de polyuréthane

À renouveler tous les 1 ou 2 jours

Très exsudatif I – Hydrofibre après détersion mécanique

II – Compresse + bande

À renouveler tous les 1 ou 2 jours

Bourgeonnement

(granulation)

Sec Protéger et cicatriser en

milieu humide

I – Interface

II – Pansement sec

À saturation ou tous les 2-3 jours

Exsudatif Maîtriser l’exsudat en

fonction de son importance

et cicatriser

I – Hydrocellulaire

II – Pansement sec ou bande

À saturation ou tous les 2-3 jours

Très exsudatif I – Alginate/hydrofibre

II – Pansement sec

À saturation ou tous les 7 jours

Épidermisation Sec Protéger et cicatriser en

milieu humide

I – Interface + II – pansement sec

I – Hydrocolloïde ou film de polyuréthane

À renouveler tous les 2 à 7 jours

Exsudatif I – Hydrocellulaire

À renouveler tous les 2 à 7 jours

Hyper-

bourgeonnement

Dans toutes

les phases,

mais sur

prescription

Maîtriser le bourgeon I – Corticoïdes locaux + interface ou tulle

II – Pansement en fonction de l’exsudat à

renouveler tous les jours

À renouveler tous les 1 ou 2 jours

Plaie infectée Dans toutes

les phases

Drainer

Absorber

Protéger

Maîtriser l’infection

Pansement à l’argent, alginates

À renouveler tous les jours

Plaie

malodorante

Dans toutes

les phases

Absorber l’odeur++++

Maîtriser l’infection

I – Pansement au charbon (utilisé comme

pansement secondaire) après détersion mécanique

II – Pansement sec

À renouveler tous les 1 ou 2 jours

Plaie

anfractueuse

Hydrofibres, alginates, hydrocellulaire forme

cavitaire, hydrocolloïde pâte ou poudre

Plaie

hémorragique

Dans toutes

les phases

Hémostase I – Alginate (± détersion mécanique)

II – Pansement sec

À renouveler tous les 1 ou 2 jours

Page 6: Les plaies : définitions et étiologie

19 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

À chaque plaie son pansement

facteurs de croissance. La migration des fibroblastes est observée à partir des bords de la plaie infiltrant pro-gressivement la matrice cellulaire. Un tissu conjonc-tif jeune et riche en collagène est ainsi formé, et une revascularisation (néo-angiogenèse) se met en place.L’ensemble de ces phénomènes aboutit à la formation d’un tissu granuleux, ou bourgeon, et comble la perte de tissu. Des pansements absorbants et protecteurs sont nécessaires afin de maintenir un milieu humide favorable à la cicatrisation, et leur retrait ne doit pas léser les bourgeons.

L’épidermisation

L’épidermisation débute des berges de la plaie, par migration et prolifération des kératinocytes de façon centripète, jusqu’au centre de la plaie. L’on peut obser-ver la formation d’une membrane basale définitive avec prolifération en épaisseur afin de redonner un épiderme normal. Le tissu épithélial néoformé reste fragile est nécessite une protection accrue pour éviter tout dessè-chement : un pansement protecteur doit être appliqué.La cicatrisation est de meilleure qualité si elle répond au principe de la cicatrisation en milieu humide.

Classification des plaiesLa classification des plaies (tableau 2) s’accomplit selon un diagramme coloriel des plaies. Un code couleur carac-térise l’aspect visuel d’une plaie tout au long du traitement et détermine un stade dans l’évolution de la plaie.

Le stade noir désigne la nécrose : une plaque noire sèche recouvrant les tissus dévitalisés. La détersion et la réhydratation sont importantes à ce stade. Le stade jaune ou fibrineux se rencontre le plus

souvent après élimination des tissus de nécrose. Il est toujours nécessaire de déterger tout en préservant les tissus sous-jacents, et de contrôler les exsudats et la présence ou l’absence de bactéries. Le stade rouge correspond au bourgeonnement ou

à la granulation, favorisée par un milieu humide. Le stade rose qualifie une rougeur ne disparaissant pas

à la pression. Il s’agit de la phase d’épidermisation où une protection accrue des tissus néoformés est impérative. Le stade vert désigne une plaie infectée.

Quel que soit le stade, on peut observer des plaies sèches, peu exsudatives, exsudatives, fortement exsuda-tives, infectées ou malodorantes. Il est également impor-tant d’évaluer la surface et la profondeur d’une plaie : lon-gueur (plus grand axe), largeur (petit axe perpendiculaire) et profondeur (pointe de mousse) (tableau 3). �

Valérie Battu

Docteur en pharmacie, Limoges (87)

[email protected]

Sonia Brischoux

Docteur en pharmacie, praticien hospitalier,

CHU Dupuytren, Limoges (87)

[email protected]

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.Facteurs influençant la cicatrisation

Facteurs locaux : localisation, environnement, hydratation,

degré de contamination, présence de corps étrangers,

vascularisation.

Facteurs généraux : troubles vasculaires, carences

protéino-caloriques ou en oligoéléments, insuffisance rénale

ou hépatique, neuropathies, hypovolémie, hypoxie, diabète,

tabagisme, déficits immunitaires, hémopathies, troubles de

la coagulation, certaines maladies génétiques et certains

traitements tels que les corticoïdes par voie systémique.

Pour en savoir plus

Meaume S, Téot L, Dereure O. Plaies et cicatrisations. Paris: Masson; 2005.

Echinard C, Latarjet J. Les brûlures. Paris: Masson; 1993.

Pauchet-Traversat AF. Prévention des escarres : bien évaluer les facteurs de risque. Objectifs soin.

1993;11:44-50.

Téot L, Dealey C. Plaies et cicatrisations. Comment prévenir les escarres. Paris: Médias Flash; 1997.

Téot L, Banwell P, Ziegler U. Plaies chirurgicales et nouvelles techniques de traitement des plaies

chez la personne âgée. Surgery in Wounds. Paris: Springer; 2004.

Société française et francophone des plaies et cicatrisations. www.sffpc.org

www.urgomedical.fr/Accueil ; www.ulcere-de-jambe.com/ ; www.plaie-et-cicatrisation.com/

Tableau 3 : Outil d’évaluation locale des plaies, aide aux traitements locaux et suivi des plaies (Time)

Tissus Infection

Facteurs relatifs à la plaie Tissus non viables ou défectueux Infection ou inflammation

Problèmes Nécrosé Fibrineux Atone Oui Doute

Locale seule Avec extension

Actions Détersion Détersion Diagnostic général Éradiquer les foyers infectieux Prélèvement pour la cytobactériologie

Moyens Détersion épisodique ou permanente (autolytique, chirurgicale,

enzymatique, mécanique ou larvomatique)

Élimination du foyer infectieux (détersion, pansements antimicrobiens)

Traitement général si extension locorégionale et/ou générale

Milieu humide Épidermisation

Effets attendus Milieu humide équilibré Progression épidermique des berges

Problèmes Trop humide Humide Sec Décollées Hyperkeratosique Épidermisation stoppée Hyperbourgeonnement Altération de la peau

périlésionnelle

Actions Contrôler l’exsudat Maintenir le milieu

humide

Humidifier Réduire et supprimer

le décollement

Selon la cause : mettre la plaie en

décharge, détersion, hydratation

Identifier la cause Freiner

l’hyperbourgeonnement

Identifier la cause

Moyens Pansements absorbants

Pansements hydratants

Réévaluation de la plaie

Soins spécifiques