7

Click here to load reader

Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones du système nociceptif spinal : rôle dans les douleurs neuropathiques

  • Upload
    remy

  • View
    223

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones du système nociceptif spinal : rôle dans les douleurs neuropathiques

Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2008) 9, 127—133

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

FAITES LE POINT

Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones dusystème nociceptif spinal : rôle dans les douleursneuropathiques

P2X receptors for ATP in spinal nociceptive neurons:Role in neuropathic pain

Rémy Schlichtera,b

a UMR7168 CNRS, institut des neurosciences cellulaires et intégratives, 21, rueRené-Descartes, 67084 Strasbourg cedex, Franceb Département nociception et douleur, université Louis-Pasteur Strasbourg I, 21, rueRené-Descartes, 67084 Strasbourg cedex, France

Disponible sur Internet le 26 juin 2008

MOTS CLÉSNeurone sensoriel ;Nocicepteur ;Corne dorsale de lamoelle épinière ;Allodynie ;Hyperalgésie

Résumé Les récepteurs P2X de l’adénosine 5′-triphosphate (ATP) sont des récepteurs-canauxperméables aux cations (principalement Na+ et K+, mais également Ca2+) qui interviennentdans les communications intercellulaires et la transduction sensorielle. Ces récepteurs, forméspar l’assemblage de trois sous-unités indépendantes, sont largement distribués dans différentstissus de l’organisme et notamment dans le système nerveux. Actuellement sept sous-unitésP2X distinctes ont été identifiées et la sous-unité P2X3 est exprimée par une sous-population denocicepteurs périphériques. Les données fonctionnelles montrent que les récepteurs P2X quiincluent dans leur structure la sous-unité P2X3 sont impliqués dans la nociception aiguë. Parailleurs, l’expression et la fonctionnalité de ces récepteurs est augmentée dans les douleursinflammatoires. En ce qui concerne les douleurs neuropathiques, il apparaît que, dans un nerflésé, l’expression de P2X3 est augmentée dans les neurones intacts alors que son expressiondiminue dans les neurones lésés. Les récepteurs incluant P2X3 semblent également participer audéveloppement de l’allodynie mécanique dans les modèles animaux de douleur neuropathique.D’autres récepteurs P2X, notamment les récepteurs P2X7 exprimés par les cellules immunitaireset les récepteurs P2X4 exprimés par les cellules microgliales, jouent un rôle important dans le

développement des douleurs neuropathiques. Finalement, les récepteurs P2X apparaissent aussicomme des acteurs importants dans les interactions entre les neurones et les cellules glialesainsi qu’entre le système immunitaire et le système nerveux.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Adresse e-mail : [email protected].

1624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.douler.2008.04.010

Page 2: Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones du système nociceptif spinal : rôle dans les douleurs neuropathiques

128 R. Schlichter

KEYWORDSSensory neurons;Nociceptor;Dorsal horn of thespinal cord;Allodynia;Hyperalgesia

Summary P2X receptors for adenosine 5′-triphosphate (ATP) are ligand—gated cation channelsthat play a role in intercellular communication and sensory transduction. These receptors,formed by a trimeric assembly of independent subunits, are largely distributed in various tissuesincluding the nervous system. Currently, seven distinct P2X subunits have been identified andthe P2X3 subunit is expressed by a subpopulation of peripheral nociceptors. P2X receptors,which include in their structure the P2X3 subunit appear to be involved in acute nociception.Moreover, the expression and the function of these receptors is upregulated in inflammatorypain. Concerning neuropathic pain, it appears that, in injured nerves, P2X3 is increased in intactneurones whereas it is decreased in injured neurones. Receptors, which include P2X3 seem alsoto participate in the development of mechanical allodynia in animal models of neuropathicpain. Other P2X receptors, in particular P2X7 receptors expressed by immune cells and P2X4

receptors expressed by microglia, play an important role in the development of neuropathicpain. Finally, it appears also that P2X receptors are important elements involved in interactions

cell. Tou

I

AtslErfdracemmlllhsecdasldlrLcctucsddrrv[

L

Lcrrmlctliph[ecsd[leddtdmidvmguqer[pà

between neurones and glial© 2008 Elsevier Masson SAS

ntroduction

u cours de ces dernières années, l’adénosine-5′-riphosphate (ATP) s’est révélée être une molécule deignalisation extracellulaire dans de nombreux tissus de’organisme, y compris le système nerveux central [1,2].n effet, la molécule d’ATP ne joue pas seulement unôle dans les processus biochimiques intracellulaires, sousorme de stockage de l’énergie cellulaire ou de donneure phosphate dans la plupart des réactions de phospho-ylation, mais également comme messager paracrine,utocrine ou synaptique après avoir été libérée par desellules glandulaires, épithéliales ou nerveuses (neuronest cellules gliales) [1,2]. Dans le système nerveux, il estaintenant bien établi que l’ATP peut être sécrétée deanière calcium-dépendante par les neurones [1,3] et

es cellules gliales [4]. De plus, après avoir été libérée,’ATP est très rapidement dégradée en adénosine par’intervention d’une famille diversifiée d’enzymes quiydrolysent les liaisons phosphate et qui sont regroupéesous le terme d’ectonucléotidases [5]. Ce phénomènest très rapide puisqu’il faut moins d’une seconde pouronvertir l’ATP en adénosine. Les produits intermédiairese l’hydrolyse de l’ATP peuvent également interagirvec des récepteurs des purines et induire des effetsimilaires ou opposés à ceux de l’ATP. Ainsi, l’ATP et’adénosine-5′-diphopsphate (ADP) activent des récepteurses purines de type 2 (récepteur de type P2) alors que’adénosine-5′-monophosphate et l’adénosine activent desécepteurs P1 (ou A pour récepteurs de l’adénosine) [1].es récepteurs P1 sont tous des récepteurs métabotropesouplés à des protéines-G, alors que les récepteurs P2omprennent des récepteurs-canaux (P2X) et des récep-eurs métabotropes (P2Y) [1]. Dans cet article, il seraniquement question des récepteurs P2X et notammenteux exprimés par les neurones du système nociceptifpinal. À ce jour peu d’études se sont intéressées au rôlees récepteurs P2Y dans la nociception, mais il s’agit’un domaine en pleine émergence, car il a été montré

écemment que certains récepteurs P2Y semblent jouer unôle dans l’activation des cellules microgliales [6] qui inter-iennent dans l’installation des douleurs neuropathiques7].

dead

s as well as between the immune and the nervous systems.s droits réservés.

es récepteurs P2X

es récepteurs P2X constituent une famille de récepteurs-anaux structurellement différente de la famille desécepteurs-canaux du glutamate ou de la famille desécepteurs-canaux de l’acétylcholine (qui comprend égale-ent les récepteurs GABAA, les récepteurs de la glycine et

es récepteurs 5-HT3 de la sérotonine) [2]. Chaque sous-unitéonstitutive d’un récepteur P2X possède deux domainesransmembranaires reliés par une large boucle extracellu-aire. Les parties N- et C-terminales de la protéine sontntracellulaires (Fig. 1A). Les récepteurs P2X sont formésar l’assemblage homomérique (sous-unités identiques) ouétéromérique (sous-unités distinctes) de trois sous-unités8] qui vont former un canal ionique activé par la fixationxtracellulaire d’ATP (Fig. 1B). Les récepteurs P2X sont desanaux cationiques perméables aux ions Na+ et K+ et pré-entent un degré de perméabilité aux ions Ca2+ (Fig. 1C) quiépend de la nature des sous-unités constituant le récepteur9]. La composition en sous-unités détermine égalementes propriétés fonctionnelles (activation, désensibilisation)t pharmacologiques (liaison d’agonistes et d’antagonistes)es récepteurs P2X [1]. À ce jour, sept sous-unités P2Xistinctes (P2X1—P2X7) ont été identifiées. Dans le sys-ème nerveux, les sous-unités P2X1—P2X6 sont expriméesans les neurones alors que la sous-unité P2X7 est expri-ée dans les cellules gliales et les cellules du système

mmunitaire. En revanche, certaines sous-unités présentesans les neurones, telles que P2X4, sont également retrou-ées dans les cellules gliales, notamment dans les cellulesicrogliales [7]. Les neurones sensoriels périphériques du

anglion rachidien semblent exprimer l’ensemble des sous-nités P2X1—P2X6, mais sur le plan fonctionnel on noteue les courants ATP enregistrés dans ces neurones sontssentiellement dus à l’activation de récepteurs homomé-iques P2X3 et P2X2 et de récepteurs hétéromériques P2X2/3

10]. La sous-unité, P2X3 n’est exprimée que par une sous-opulation de nocicepteurs (cf. ci-dessous), ce qui a conduits’intéresser principalement au rôle de cette sous-unité

ans la nociception aiguë et les douleurs inflammatoirest neuropathiques, en négligeant quelque peu le rôle desutres sous-unités, notamment dans la moelle épinière etans les cellules gliales.

Page 3: Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones du système nociceptif spinal : rôle dans les douleurs neuropathiques

Les récepteurs P2X de l’ATP dans les douleurs neuropathiques

Figure 1. Les récepteurs P2X de l’ATP. A : structure type d’unesous-unité entrant dans la composition des récepteurs-canaux P2Xde l’ATP. Chaque sous-unité comprend deux domaines transmem-branaires reliés par une large boucle extracellulaire. Les partiesN- et C-terminales de la protéine sont intracellulaires. B : lesrécepteurs P2X sont formés par l’assemblage de trois sous-unitésayant chacune la structure illustrée en A. Les récepteurs peuventêtre homomériques (assemblage de trois sous-unités identiques) ouhétéromériques (assemblage de trois sous-unités distinctes). C : lesrécepteurs P2X sont des canaux cationiques activés par la fixation

mts

Ps(it(smqmdDsr

Ri

LtPcrirddelnlslDEtunclmméadcfpd

Récepteurs P2X des neurones sensoriels

de l’ATP. Ils sont perméables aux ions Na+ et K+ et présentent éga-lement une perméabilité aux ions Ca2+. Cette dernière est plus oumoins importante, selon la composition en sous-unités du récepteur.

Rôle des récepteurs P2X dans lanociception aiguë

L’étude immunohistochimique de l’expression de la sous-unité P2X3 a montré sa présence dans des neuronessensoriels nociceptifs de petite taille fixant l’isolectine B4 etne contenant pas de neuropeptides [11]. Ces neurones cor-respondent à une sous-population de nocicepteurs [12]. Dansces neurones, la sous-unité P2X3 est exprimée au niveaudu corps cellulaire et des extrémités périphériques (cuta-née) et centrale (couche II de la corne dorsale de la moelleépinière) de leur axone. Par ailleurs, la sous-unité P2X est

2

présente dans une large fraction de neurones sensoriels pri-maires [13]. Ces observations suggèrent que des récepteursP2X homo- et/ou hétéromériques incluant P2X3 et/ou P2X2

pourraient jouer un rôle dans la transduction/initiation du

p

Pt

129

essage nociceptif en périphérie, ainsi que dans sa modula-ion au niveau du premier relais synaptique dans les couchesuperficielles de la corne dorsale de la moelle épinière.

Les récepteurs homomériques P2X3 et hétéromériques2X2/3 se distinguent respectivement par une désensibili-ation rapide et une désensibilisation lente des réponsescourants membranaire ou décharge de potentiels d’action)nduites par l’application d’ATP ou d’un agoniste de cer-ains récepteurs P2X, l’��-méthylène ATP (��-me-ATP), [1]Fig. 2A). Les récepteurs P2X2 homomériques ne sont pasensibles à l’��-me-ATP [1] (Fig. 2A). Des données expéri-entales obtenues chez l’animal et chez l’homme indiquentue l’��-me-ATP active des fibres nociceptives (A� et C),ais pas les fibres non-nociceptives de type A� et qu’elleéclenche un réflexe nociceptif chez l’animal [14] (Fig. 2B).e plus une application locale d’ATP est à l’origine d’uneensation de douleur chez l’homme [15], confirmant ainsi leôle des récepteurs P2X3 et P2X2/3 dans la nociception aiguë.

écepteurs P2X et douleursnflammatoires

es données présentées ci-dessus indiquent que les récep-eurs P2X3 et P2X2/3 jouent un rôle dans la nociception aiguë.ar ailleurs, on a pu montrer que la signalisation associée àes récepteurs était augmentée dans les neurones senso-iels périphériques au cours d’une inflammation. Ainsi, unenflammation induite par une injection intraplantaire de car-agénine potentialise fortement la décharge en potentiels’action déclenchée par une application locale d’��-me-ATPans les fibres nociceptives de type C dont l’activité est misen jeu par des stimulations et thermiques chaudes [14]. Danses mêmes conditions, les mécano-nocicepteurs de type Ce présentent pas de changement de réponse induite par’application d’��-me-ATP. Ces données suggèrent que laensibilisation de la réponse à l’ATP ne semble essentiel-ement concerner qu’une sous-population de nocicepteurs.es observations similaires ont été faites chez l’homme.n effet, l’irradiation aux rayons ultraviolets d’un terri-oire cutané augmente la sensation douloureuse induite parne application locale d’ATP [15]. L’ensemble de ces don-ées suggère que la sensibilisation de la réponse à l’ATP deertaines afférences nociceptives, chez le rat comme chez’homme, permet d’expliquer l’hyperalgésie thermique etécanique observée dans des situations de douleur inflam-atoire. En ce qui concerne les mécanismes impliqués, il a

té montré chez le rat, qu’au cours d’une inflammation, uneugmentation de l’expression des sous-unités P2X3 et P2X2

ans les neurones sensoriels périphériques, potentialise lesourants membranaires induits par l’ATP [16]. De plus, laonction des récepteurs P2X3 et P2X2/3 peut être augmentéear des phosphorylations résultant de l’action de médiateurse l’inflammation sur les afférences nociceptives [17].

rimaires et douleurs neuropathiques

our ce qui concerne les douleurs neuropathiques, la situa-ion est moins bien connue que dans le cas des douleurs

Page 4: Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones du système nociceptif spinal : rôle dans les douleurs neuropathiques

130

Figure 2. Propriétés fonctionnelles des récepteurs P2X et dis-tribution des récepteurs P2X en fonction du type de fibre desafférences sensorielles. A : les propriétés pharmacologiques et fonc-tionnelles des récepteurs P2X dépendent de leur composition ensous-unités. Les tracés représentent des courants transmembra-naires enregistrés grâce à la technique du patch-clamp sur descellules exprimant des récepteurs homomériques P2X3 ou P2X2, oudes récepteurs hétéromériques P2X2/3. Tracés du haut : les récep-teurs homomériques P2X3 présentent une réponse transitoire lorsde l’application d’ATP. Ce décours traduit une désensibilisationrapide des récepteurs durant l’application de l’agoniste (barre hori-zontale). La réponse à l’ATP est reproduite par l’��-me-ATP, unagoniste de certains récepteurs P2X. Tracés du milieu : l’activationdes récepteurs P2X2 par l’ATP est à l’origine d’un courant lent quine présente pas ou peu de désensibilisation lors de l’applicationde l’ATP. L’��-me-ATP n’active pas les récepteurs P2X2. Tracés dubas : les récepteurs hétéromériques P2X2/3 sont activés par l’ATP etl’��-me-ATP et présentent une réponse peu désensibilisante. Noterque les propriétés pharmacologiques et fonctionnelles dépendentde la composition en sous-unités des récepteurs. Pour les récepteursP2X2/3 la sensibilité à l’��-me-ATP est conférée par la présencede la sous-unité P2X3 alors que les propriétés de désensibilisa-tion sont dues à la sous-unité P2X2. B : exemple d’enregistrementsunitaires effectués sur des fibres nerveuses sensorielles d’un nerfpériphérique chez le rat. Les déflexions verticales représentent despotentiels d’action. L’application locale d’��-me-ATP (barre hori-zontale) déclenche une décharge de potentiels d’action dans lesfiql

idvpdosds

pnddàouuCédecqc

oPdéousbescelcrnd[lcoddcUalqf

PspclPcrrnt

bres A� et C, mais pas dans les fibres A�. Ces données suggèrentue les récepteurs P2X sensibles à l’��-me-ATP sont préférentiel-ement exprimés par les nocicepteurs.

nflammatoires, probablement en raison de la multiplicitées modèles expérimentaux utilisés et surtout du délaiariable écoulé entre l’établissement de la lésion du nerfériphérique et la période d’évaluation. En effet, la plupart

es modèles utilisent soit des constrictions par ligature lâcheu serrée de la branche principale du nerf ou des racinesensorielles dorsales, soit des sections partielle ou totaleu tronc nerveux ou des racines dorsales. Ces manipulationsont à l’origine d’une réaction inflammatoire plus ou moins

udnPt

R. Schlichter

rolongée qui s’additionne aux conséquences de la lésionerveuse elle-même. Cette composante inflammatoire estifficile à dissocier de la composante neuropathique et lesifférentes études réalisées n’ont pas toujours recherchéséparer ces deux composantes. D’une manière générale,

n considère que l’allodynie mécanique qui en résulte estn bon indicateur de la douleur neuropathique, car c’estn symptôme rencontré fréquemment en clinique humaine.ependant, les douleurs inflammatoires s’accompagnentgalement d’une allodynie mécanique. De plus, très peue modèles neuropathiques actuellement étudiés sontntièrement dépourvus de composante inflammatoire. Cesonsidérations permettent probablement d’expliquer pour-uoi les données obtenues sont variables et quelquefoisontradictoires.

Nous allons essayer de résumer les principaux résultatsbtenus concernant une implication possible des récepteurs2X3 dans les douleurs neuropathiques, en tenant compteu type de modèle expérimental utilisé (Tableau 1). Il até montré que dans le cas d’une section totale de nerf onbserve une diminution globale de l’expression de la sous-nité P2X3 dans les neurones sensoriels primaires [11]. À lauite d’une section partielle du nerf, on note également uneaisse de l’expression de P2X3 dans les neurones lésés, maisn revanche on observe une augmentation de cette expres-ion dans certains neurones non lésés [18]. De manièreomparable, une ligature partielle de nerf au niveau L5—L6,st à l’origine d’une diminution de l’expression de P2X3 danses neurones lésés de petite taille, mais n’entraîne pas dehangements dans les neurones de taille moyenne [19]. Enevanche, avec un modèle de constriction partielle chro-ique (sans lésion) on trouve une augmentation de P2X3

ans les neurones de petite taille et de taille moyenne20]. L’ensemble de ces données suggère globalement que’expression de P2X3 diminue dans les neurones lésés et nehange pas ou augmente dans les neurones non lésés. Cesbservations pourraient expliquer en partie les phénomènes’hyperalgésie associés aux douleurs neuropathiques du fait’une augmentation de sensibilité à l’ATP de certains noci-epteurs polymodaux et de mécanorécepteurs à haut seuil.ne étude assez récente confirme ce résultat puisqu’ellemontré que, dans un modèle de section partielle de nerf,

’expression de P2X3 ne change pas de manière globale, maisue l’adressage de la sous-unité P2X3 à la membrane estortement augmenté [21].

Par ailleurs, l’inhibition de l’expression de la sous-unité2X3 par une injection intrathécale d’oligonucléotides anti-ens, s’hybridant avec les ARN messagers codant cetterotéine et bloquant sa synthèse, supprime l’allodynieonsécutive à une ligature du nerf sciatique [22]. Le déve-oppement récent de molécules antagonistes des récepteurs2X3 et P2X2/3, telles que le A-317491 [23], a permis deonfirmer un rôle de ces récepteurs dans les douleurs neu-opathiques. Le A-317491 administré par voie intrathécaleéduit l’allodynie mécanique dans deux modèles de douleurseuropathiques, la constriction chronique du nerf scia-ique et la ligature des branches L5—L6 [24]. En revanche,ne injection périphérique dans les tissus intraplantaires

e cet antagoniste n’a pas d’effet sur l’allodynie méca-ique. Ces résultats suggèrent que les récepteurs P2X3 et2X2/3 impliqués seraient localisés sur les terminaisons cen-rales intraspinales des fibres sensorielles afférentes, car la
Page 5: Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones du système nociceptif spinal : rôle dans les douleurs neuropathiques

Les récepteurs P2X de l’ATP dans les douleurs neuropathiques 131

Tableau 1 Changement d’expression de la sous-unité P2X3 dans les neurones sensoriels primaires dans différentsmodèles de douleur neuropathique.

Expression de la sous-unité P2X3

Type de modèle Neurones lésés Neurones intacts

Section totale de nerf Baisse Pas de neurones intactsSection partielle de nerf Baisse Augmentation

és

pma

ndcd[ctdqti(dsfrdddlpslsdfsnurm[ldpqLràt

Ligature partielle de nerf BaisseConstriction chronique Pas de neurones lés

sous-unité P2X3 n’est pas exprimée par les neurones postsy-naptiques de la moelle épinière [25].

Autres récepteurs P2X impliqués dans lesdouleurs neuropathiques

Comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction,l’expression spécifique de la sous-unité P2X3 par unesous-population de nocicepteurs a fortement orienté lesrecherches vers l’étude du rôle de cette sous-unité dansles douleurs inflammatoires et neuropathiques en négligeantsouvent l’implication potentielle d’autres sous-unités P2X.En effet, les différentes sous-unités P2X sont largement dis-tribuées dans le système nerveux périphérique et central[25].

La sous-unité P2X7 est exprimée par les cellules d’origineimmunitaire, telles que les cellules microgliales [26],et les cellules gliales du système nerveux périphérique,c’est-à-dire les cellules satellites qui enrobent les corpscellulaires des neurones sensoriels primaires dans les gan-glions rachidiens et crâniens [27]. Récemment, il a étémontré que l’invalidation du gène codant la sous-unitéP2X7 supprime complètement l’hyperalgésie thermique etl’allodynie mécanique dans des modèles animaux de dou-leurs chroniques inflammatoires et neuropathiques, sans quela nociception aiguë soit perturbée [27]. Ce phénomèneest en partie dû à l’absence d’effet stimulateur de l’ATPsur la sécrétion de cytokines proinflammatoires (notammentd’interleukine 1�) par les macrophages du fait de la perte derécepteurs P2X7 fonctionnels. Par ailleurs, l’expression deP2X7 est augmentée dans les cellules satellites des ganglionsrachidiens provenant de souris ou de sujets humains porteursde douleurs neuropathiques. Ces résultats suggèrent ainsique les récepteurs P2X7 exprimés par les cellules satelliteset les cellules du système immunitaire pourraient jouer unrôle important dans le développement des douleurs chro-niques inflammatoires ou neuropathiques.

D’autres études ont également montré le rôle importantdes cellules microgliales [7]. Ces cellules de la névrogliedérivent de la lignée monocytaire et assurent la surveillancede l’état immunitaire au sein du système nerveux central.Elles sont considérées comme les macrophages résidentsdu système nerveux central. Dans des situations de dou-

leur neuropathique, ces cellules microgliales sont activéespar l’intermédiaire de la stimulation des récepteurs P2X4

exprimés par ces cellules [7]. Le blocage de leur activationempêche l’évolution dans le temps de l’allodynie mécaniqueobservée au cours du développement des douleurs neuro-

epqmd

Pas de changementAugmentation dans neurones petits et moyens

athiques, indiquant le rôle clé de l’activation des cellulesicrogliales dans le développement des symptômes associés

ux douleurs neuropathiques [7].Les récepteurs P2X sont également présents sur les termi-

aisons centrales des neurones nociceptifs qui font synapseans les couches superficielles de la substance grise de laorne dorsale de la moelle épinière [13,25] ainsi que sures neurones et interneurones présents dans ces couches25,28,29]. Peu d’études se sont intéressées au rôle dees récepteurs P2X centraux dans les douleurs neuropa-hiques. Notre laboratoire a montré qu’une sous-populatione neurones GABAergiques libérait également de l’ATP [28]ui active des récepteurs P2X postsynaptiques. Ainsi, ceserminaisons synaptiques libèrent un neurotransmetteurnhibiteur (le GABA) et un neurotransmetteur excitateurl’ATP), l’effet résultant sur le neurone postsynaptiqueépendant en dernier lieu du poids respectif des compo-antes inhibitrices et excitatrices de la cotransmission. Nousormulons l’hypothèse selon laquelle une régulation diffé-entielle de ces deux composantes pourrait être responsablees changements observés au cours de la transmission ete l’intégration de l’information nociceptive dans la corneorsale de la moelle épinière dans des situations de dou-eur chronique inflammatoire et neuropathique. Une tellelasticité, par exemple une augmentation de la compo-ante excitatrice purinergique (ATP) et une diminution dea composante inhibitrice GABAergique de cette cotransmis-ion GABA/ATP, pourrait se manifester, dans des situationse douleurs chronique inflammatoire ou neuropathique, duait de la libération locale de molécules modulatrices de laignalisation nerveuse dans la corne dorsale de la moelle épi-ière. Parmi les molécules candidates susceptibles de jouern tel rôle modulateur, on peut citer les neurostéroïdes, sté-oïdes synthétisés par les neurones et/ou les cellules gliales,odulateurs de l’activité des récepteurs postsynaptiques

30]. La synthèse des neurostéroïdes est augmentée dansa corne dorsale de la moelle épinière dans une situatione douleur inflammatoire [31-33]. Certains neurostéroïdeseuvent moduler l’activité des récepteurs GABAA [30], alorsue d’autres vont interagir avec les récepteurs P2X [34].e Tableau 2 résume les effets des principaux neurosté-oïdes sur les deux types de récepteurs. On peut spéculerpartir de ces données que, dans le cas d’une augmenta-

ion de la production de déhydroépiandrostérone (DHEA) par

xemple, on pourrait observer une augmentation de la com-osante ATPergique de la cotransmission GABA/ATP, alorsue la composante GABAergique serait inchangée ou légère-ent inhibée, l’effet résultant étant alors une facilitatione l’activation des neurones postsynaptiques nociceptifs.
Page 6: Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones du système nociceptif spinal : rôle dans les douleurs neuropathiques

132

Tableau 2 Modulation des récepteurs GABAA et P2X2

par des neurostéroïdes.

Neurostéroïde RécepteurGABAA

RécepteurP2X2

Sulfate deprégnénolone

Inhibition Pas d’effet

Alloprégnanolone Potentialisation Pas d’effetDHEA Inhibition Potentialisation

Cr

C

LdpddmmdundIm

cvrlciCtesdp

R

Jdclps

R

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

DHEA : déhydroépiandrostérone.

ette hypothèse devra cependant être vérifiée au plan expé-imental.

onclusion

es données de la littérature que nous avons présentées ci-essus indiquent que les récepteurs P2X3 et P2X2/3 exprimésar les neurones nociceptifs périphériques jouent un rôleans la nociception aiguë. Par ailleurs, une potentialisatione leur fonction et une augmentation de leur expressionembranaire semblent sous-tendre l’hyperalgésie ther-ique et mécanique observée dans des situations deouleur inflammatoire. Les récepteurs incluant la sous-nité P2X3 semblent également impliqués dans les douleurseuropathiques, mais les données disponibles sont moinsémonstratives que dans le cas des douleurs inflammatoires.l apparaît globalement que l’expression de P2X3 est aug-entée dans les neurones sensoriels non lésés.Jusqu’à très récemment, l’essentiel des recherches s’est

entré sur l’étude des nocicepteurs périphériques. De nou-elles pistes prometteuses sont apparues concernant lesécepteurs P2X7 exprimés par les cellules immunitaires etes cellules satellites des ganglions, les récepteurs P2X4 desellules microgliales et les récepteurs P2X exprimés par lesnterneurones de la corne dorsale de la moelle épinière.es nouvelles voies de recherche suggèrent un rôle impor-ant de l’ATP et des récepteurs P2X dans les interactionsntre les neurones et les cellules gliales ainsi qu’entre leystème nerveux et le système immunitaire, en particulierans le contexte du développement des douleurs neuro-athiques.

emerciements

e tiens à remercier le Dr Jean-Luc Rodeau pour la relectureu manuscrit et les discussions constructives à propos dee dernier. Mes remerciements vont également au CNRS, à’université Louis-Pasteur et à l’institut UPSA de la douleurour leur soutien financier dans le cadre de nos recherchesur les récepteurs P2X dans le système nociceptif spinal.

éférences

[1] Ralevic V, Burnstock G. Receptors for purines and pyrimidines.Pharmacol Rev 1998;50:413—92.

[

R. Schlichter

[2] Khakh BS, North RA. P2X receptors as cell-surface ATP sensorsin health and disease. Nature 2006;442:527—32.

[3] Khakh BS. Molecular physiology of P2X receptors and ATP signal-ling at synapses. Nat Rev Neurosci 2001;2:165—74.

[4] Haydon PG, Carmignoto G. Astrocyte control of synap-tic transmission and neurovascular coupling. Physiol Rev2006;86:1009—31.

[5] Zimmermann H. Extracellular metabolism of ATP andother nucleotides. Naunyn Schmiedebergs Arch Pharmacol2000;362:299—309.

[6] Biber K, Neumann H, Inoue K, Boddeke HW. Neuronal‘‘On’’ and ‘‘Off’’ signals control microglia. Trends Neurosci2007;30:596—602.

[7] Tsuda M, Shigemoto-Mogami Y, Koizumi S, Mizokoshi A, Koh-saka S, Salter MW, et al. P2X4 receptors induced in spinalmicroglia gate tactile allodynia after nerve injury. Nature2003;424:778—83.

[8] Jiang LH, Kim M, Spelta V, Bo X, Surprenant A, North RA. Subunitarrangement in P2X receptors. J Neurosci 2003;23:8903—10.

[9] Egan TM, Khakh BS. Contribution of calcium ions to P2X channelresponses. J Neurosci 2004;24:3413—20.

10] Dunn PM, Zhong Y, Burnstock G. P2X receptors in peripheralneurons. Prog Neurobiol 2001;65:107—34.

11] Bradbury EJ, Burnstock G, McMahon SB. The expression ofP2X3 purinoreceptors in sensory neurons: effects of axo-tomy and glial-derived neurotrophic factor. Mol Cell Neurosci1998;12:256—68.

12] Molliver DC, Wright DE, Leitner ML, Parsadanian AS, Doster K,Wen D, et al. IB4-binding DRG neurons switch from NGF to GDNFdependence in early postnatal life. Neuron 1997;19:849—61.

13] Vulchanova L, Riedl MS, Shuster SJ, Buell G, Surprenant A,North RA, et al. Immunohistochemical study of the P2X2and P2X3 receptor subunits in rat and monkey sensory neu-rons and their central terminals. Neuropharmacology 1997;36:1229—42.

14] Hamilton SG, McMahon SB, Lewin GR. Selective activation ofnociceptors by P2X receptor agonists in normal and inflamedrat skin. J Physiol 2001;534:437—45.

15] Hamilton SG, Warburton J, Bhattacharjee A, Ward J, McMa-hon SB. ATP in human skin elicits a dose-related pain responsewhich is potentiated under conditions of hyperalgesia. Brain2000;123(Pt 6):1238—46.

16] Xu GY, Huang LY. Peripheral inflammation sensitizes P2Xreceptor-mediated responses in rat dorsal root ganglion neu-rons. J Neurosci 2002;22:93—102.

17] Paukert M, Osteroth R, Geisler HS, Brandle U, GlowatzkiE, Ruppersberg JP, et al. Inflammatory mediators potentiateATP-gated channels through the P2X3 subunit. J Biol Chem2001;276:21077—82.

18] Tsuzuki K, Kondo E, Fukuoka T, Yi D, Tsujino H, Sakagami M,et al. Differential regulation of P2X3 mRNA expression by per-ipheral nerve injury in intact and injured neurons in the ratsensory ganglia. Pain 2001;91:351—60.

19] Kage K, Niforatos W, Zhu CZ, Lynch KJ, Honore P, Jarvis MF.Alteration of dorsal root ganglion P2X3 receptor expression andfunction following spinal nerve ligation in the rat. Exp Brain Res2002;147:511—9.

20] Novakovic SD, Kassotakis LC, Oglesby IB, Smith JA, EglenRM, Ford AP, et al. Immunocytochemical localization of P2X3purinoceptors in sensory neurons in naive rats and followingneuropathic injury. Pain 1999;80:273—82.

21] Chen Y, Li GW, Wang C, Gu Y, Huang LY. Mechanisms underlyingenhanced P2X receptor-mediated responses in the neuropathic

pain state. Pain 2005;119:38—48.

22] Honore P, Kage K, Mikusa J, Watt AT, Johnston JF, Wyatt JR, etal. Analgesic profile of intrathecal P2X3 antisense oligonucleo-tide treatment in chronic inflammatory and neuropathic painstates in rats. Pain 2002;99:11—9.

Page 7: Les récepteurs P2X de l’ATP dans les neurones du système nociceptif spinal : rôle dans les douleurs neuropathiques

es

[

[

[

[

[

Les récepteurs P2X de l’ATP dans les douleurs neuropathiqu

[23] Jarvis MF, Burgard EC, McGaraughty S, Honore P, Lynch K,Brennan TJ, et al. A-317491, a novel potent and selective non-nucleotide antagonist of P2X3 and P2X2/3 receptors, reduceschronic inflammatory and neuropathic pain in the rat. Proc NatlAcad Sci U S A 2002;99:17179—84.

[24] McGaraughty S, Wismer CT, Zhu CZ, Mikusa J, Honore P, Chu KL,et al. Effects of A-317491, a novel and selective P2X3/P2X2/3receptor antagonist, on neuropathic, inflammatory and che-mogenic nociception following intrathecal and intraplantaradministration. Br J Pharmacol 2003;140:1381—8.

[25] Collo G, North RA, Kawashima E, Merlo-Pich E, Neidhart S, Sur-prenant A, et al. Cloning of P2X5 and P2X6 receptors and thedistribution and properties of an extended family of ATP-gatedion channels. J Neurosci 1996;16:2495—507.

[26] Collo G, Neidhart S, Kawashima E, Kosco-Vilbois M, North RA,Buell G. Tissue distribution of the P2X7 receptor. Neurophar-macology 1997;36:1277—83.

[27] Chessell IP, Hatcher JP, Bountra C, Michel AD, Hughes JP,

Green P, et al. Disruption of the P2X7 purinoceptor geneabolishes chronic inflammatory and neuropathic pain. Pain2005;114:386—96.

[28] Jo YH, Schlichter R. Synaptic corelease of ATP and GABA incultured spinal neurons. Nat Neurosci 1999;2:241—5.

[

133

29] Hugel S, Schlichter R. Presynaptic P2X receptors facilitate inhi-bitory GABAergic transmission between cultured rat spinal corddorsal horn neurons. J Neurosci 2000;20:2121—30.

30] Schlichter R, Keller AF, De Roo M, Breton JD, Inquimbert P,Poisbeau P. Fast nongenomic effects of steroids on synaptictransmission and role of endogenous neurosteroids in spinalpain pathways. J Mol Neurosci 2006;28:33—51.

31] Keller AF, Breton JD, Schlichter R, Poisbeau P. Productionof 5alpha-reduced neurosteroids is developmentally regulatedand shapes GABAA miniature IPSCs in lamina II of the spinalcord. J Neurosci 2004;24:907—15.

32] Poisbeau P, Patte-Mensah C, Keller AF, Barrot M, Breton JD,Luis-Delgado OE, et al. Inflammatory pain upregulates spinalinhibition via endogenous neurosteroid production. J Neurosci2005;25:11768—76.

33] Inquimbert P, Rodeau JL, Schlichter R. Differential contributionof GABAergic and glycinergic components to inhibitory synaptictransmission in lamina II and laminae III—IV of the young rat

spinal cord. Eur J Neurosci 2007;26:2940—9.

34] De Roo M, Rodeau JL, Schlichter R. Dehydroepiandroste-rone potentiates native ionotropic ATP receptors containingthe P2X2 subunit in rat sensory neurones. J Physiol2003;552:59—71.