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Les salaires par profession dans le monde: un nouveau fichier

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Revue internationale du Travail, vol. 140 (2001), no 4

Copyright © Organisation internationale du Travail 2001

Les salaires par professiondans le monde: un nouveau �chier

Richard B. FREEMAN* et Remco H. OOSTENDORP**

Avec la mondialisation, les différences de rémunérations entre travailleurs également qualifiés se sont-elles creusées ou com-blées d’un pays à l’autre? Qu’en est-il, dans un même pays, des diffé-rences de salaires entre professions? Si l’on constate des changements,dans quelle mesure sont-ils imputables à la mondialisation ou à d’autresforces économiques? Qu’il s’agisse des différences de salaires àl’échelle internationale ou de la structure nationale des salaires, cesquestions sont au centre du débat sur le fonctionnement du marché dutravail dans l’économie mondiale. Y répondre avec quelque assurancerequiert des données sur les salaires par profession dans le monde. Maisil n’existe pas de fichier de cette sorte qui fasse l’unanimité. Le fichierinternational le plus utilisé sur les salaires est celui que l’on trouve, pourles industries manufacturières et quelques autres grandes branchesd’activité, dans l’Annuaire des statistiques du travail du Bureau interna-tional du Travail, mais il ne comprend pas de ventilation par professionou par qualification. Diverses données sont par ailleurs disponiblesauprès d’autres sources. Ainsi l’Union des banques suisses publie uneétude sur les prix et les salaires dans le monde tous les trois ans environ(UBS, 2000). Le Forum économique mondial a recueilli certaines don-nées par profession auprès des entreprises qui participent à ses activités(Warner, 2001). La Fédération internationale des organisations de tra-vailleurs de la métallurgie publie tous les deux ans des données mondia-les sur les gains et le pouvoir d’achat dans cette branche d’activité(FIOTM, 2000). Il existe enfin des rapports sur les salaires dans certai-nes professions comme l’enseignement (Department of Education

* Harvard University, Centre for Economic Policy – London School of Economics, andNational Bureau of Economic Research, Cambridge, MA. ** Free University of Amsterdam etAmsterdam Institute for International Development. Cet article est la version abrégée d’un docu-ment de travail intitulé Wages around the world: Pay across occupations and countries, NBER,no 8058, publié par le National Bureau of Economic Research, en décembre 2000.

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1988, American Federation of Teachers 1993, Bell et Elias 2000). Tou-tefois, aucune de ces bases de données ne couvre une période assez lon-gue et un nombre suffisant de pays pour traiter la question de façonsatisfaisante.

Nous expliquerons ici comment nous avons conçu – dans l’inten-tion d’améliorer l’information disponible – le fichier des salaires parprofession dans le monde, à partir de la plus vaste enquête qui existedans ce domaine: l’Enquête d’octobre du BIT. Mise sur pied en 1924,l’Enquête d’octobre a depuis été étendue à un plus grand nombre deprofessions et de pays 1. Cependant, ses données sont difficiles à exploi-ter parce que les pays utilisent des définitions et des unités statistiquesdifférentes dans leurs déclarations lors de l’Enquête. Il s’ensuit que lesrémunérations déclarées2 ne sont pas comparables, à divers égards,d’un pays à l’autre et même quelquefois à l’intérieur d’un même pays.En fait, on estime que seulement 5,7 pour cent des salaires déclarés lesont exactement sur la même base. En outre, la qualité des donnéespubliées est tributaire de celle des statistiques fournies par les pays.

Pour remédier à cette situation et rendre les données de l’Enquêteutilisables, nous les avons recalibrées sous forme d’un taux de salairestandardisé. Il en résulte un fichier sur les rémunérations dans 161 pro-fessions et 150 pays pour la période 1983-1999, où les rémunérationssont définies de façon cohérente pour des groupes de référence spéci-fiés. Le Bureau de statistique du BIT a fourni un classement de la qua-lité des données déclarées nous permettant de les différencier selon cecritère. Nous décrivons ici la méthode de standardisation des données

1 Au cours du temps, les données de l’Enquête d’octobre ont été publiées par le BIT de lafaçon suivante:1924-1945: Revue internationale du Travail (Genève), vol. 10 (no 5, nov. 1924) à 54 (no 3 et

4 sept.-oct. 1946).1934-1957: Annuaire des statistiques du travail (Genève), premier numéro (vol. II, 1934-

35) au huitième numéro (1958).1951-1963: Revue internationale du Travail (Genève), Supplément statistique, publié sépa-

rément: vol. 66 (supplément de juillet 1952) à 89 (supplément de juillet 1964).1964-1990: Bulletin des statistiques du travail (Genève), numéros du deuxième trimestre de

chaque année de 1965 à 1985 (données de 1984); édition annuelle publiée sépa-rément: Bulletin des statistiques du travail: résultats de l’Enquête d’octobre, de1985 (résultats de 1983-84) à 1991 (résultats de 1989-90).

A partir de 1990: Statistiques des salaires et de la durée du travail par profession et des prix de pro-duits alimentaires, supplément spécial au Bulletin des statistiques du travail,depuis 1992.

A partir de 1983: données également disponibles sur le site du BIT à l’adresse http://laborsta.ilo.org.

2 Par rémunérations, gains ou salaires déclarés on entendra ici qu’ils auront fait l’objetd’une déclaration par un pays dans le cadre de l’Enquête d’octobre, et ce sans aucune relation avecla notion de revenu déclaré auprès des services fiscaux par exemple.

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puis nous résumons certaines des tendances que révèle l’examen desdonnées standardisées 3.

L’Enquête d’octobreL’Enquête d’octobre du BIT sur les salaires par profession dans le

monde existe depuis 1924. Un questionnaire est envoyé aux gouverne-ments, pour collecter des informations sur les salaires dans des profes-sions bien précises regroupées par activités économiques. Pour garantirla comparabilité des professions d’un pays à l’autre, le BIT a défini avecbeaucoup de précisions les tâches accomplies dans chacune d’elles. Ladescription de l’activité d’un coupeur d’empeignes dans l’industrie dela chaussure donne une idée de ce niveau de détail:

Coupeur d’empeignes. Conduit une presse qui découpe les empeignes de chaus-sures: place la matière sur le plateau de la machine; choisit les emporte-pièces;dispose les emporte-pièces sur la matière à utiliser afin de la découper de façonéconomique dans les parties fortes; découpe les éléments de chaussure en abais-sant la presse sur les emporte-pièces; enlève les parties ainsi découpées.

De même avec la description (ici abrégée) de la profession d’expert-comptable dans une banque:

Expert-comptable. Organise et dirige des opérations de comptabilité et examine,analyse, interprète et évalue les livres comptables en vue de donner des conseilssur les problèmes comptables ou préparer des états ou de mettre en place des sys-tèmes de comptabilité des coûts ou d’enregistrement d’autres données financiè-res et budgétaires […] tient un compte de tous les impôts, droits, etc. à payer parla banque […] procède à des enquêtes financières, notamment dans des cas deprésomption de fraude […] dresse et vise les états financiers qui seront soumis auconseil d’administration, à la direction, aux actionnaires […]

Le tableau 1 montre l’extension de l’Enquête d’octobre par pro-fession et par pays au cours du temps. En 1924, l’Enquête recueillait desdonnées sur les salaires des hommes dans 18 professions et 15 pays.L’augmentation régulière de la couverture fait que, pour la période1983-1999, les fichiers de l’Enquête (sur lesquels cet article porte) com-prenaient des statistiques sur les salaires dans 158 pays pour une annéeau moins et dans au moins 76 pays pour une année donnée. Le nombrede professions faisant l’objet de déclarations a été porté à 30 en 1929,41 en 1951, 48 en 1953, pour atteindre 161 en 1983 4.

3 La base de données de l’Enquête d’octobre (à partir de 1983) est disponible en ligne surle site du BIT à l’adresse http://laborsta.ilo.org. Tableaux 01 (salaires par profession et durée dutravail) et 02 (prix des produits alimentaires). Le fichier standardisé est disponible à l’adressehttp://www.nber.org/oww.

4 Actuellement le BIT demande des informations sur 159 professions, mais la profession139 (agent administratif (administration publique)) est subdivisée en trois niveaux: gouvernementcentral, gouvernement régional, autorité locale.

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Problèmes dus au manque de cohérence des déclarations

Si, pour fournir ces informations sur les salaires, chaque paysmenait une enquête nationale fondée sur les définitions du BIT,l’Enquête d’octobre serait la source idéale pour comparer la rémunéra-tion d’activités équivalentes dans le monde. Les qualifications d’un cou-peur d’empeignes, d’un expert-comptable, d’un économiste ou autre,au Pakistan, en Roumanie, en Allemagne ou aux Etats-Unis seraientpour l’essentiel interchangeables et l’on comparerait vraiment larémunération de travaux équivalents.

Toutefois, les données de l’Enquête d’octobre sont loin de cetidéal. De fait, les problèmes sont tels que c’est l’une des sources de don-nées internationales les moins utilisées. Le principal problème tient à ceque les pays ne répondent pas de façon cohérente aux demandesd’information du BIT. Les salaires déclarés ne sont directement com-parables ni d’un pays à l’autre, ni d’une période à l’autre pour un mêmepays, ni d’une profession à l’autre dans un même pays à un momentdonné. Ce défaut de comparabilité vient du fait que les pays déclarentdes salaires tirés de diverses sources nationales au lieu de procéder àune enquête spécifique pour répondre au BIT. Certains, par exemple leHonduras ou les Philippines, déclarent les salaires relevés lors d’enquê-tes auprès des établissements. D’autres, comme l’Inde, déclarent lestaux de salaire minima légaux dans certaines professions. D’autresencore, comme l’Allemagne, déclarent les taux de salaire minima fixéspar la négociation collective sur une base qui peut être, selon la profes-sion, horaire, quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. En outre, lessources des données changent avec le temps. Par exemple, jusqu’en

Tableau 1. Extension de l’Enquête d’octobre du BIT

Nombre de pays ayant fait des déclarations

Nombre de professions Une année donnée Total cumulé

1924 18 15 151925-1928 18 16-19 201929 30 17 201930-1950 30 16-37 691951 41 19 691952 41 48 771953 48 47 821954-1982 48 54-103 1811983 161 56 1811984-1997 161 58-76 1971988 161 53 1971999 161 45 197

Source: Voir note 1.

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1985, les Etats-Unis ont déclaré les taux de salaire communiqués par lessyndicats et les gains relevés lors des enquêtes sur les salaires par bran-che d’activité. De 1986 à 1997, ce même pays a déclaré les gains médianshebdomadaires habituels issus de l’enquête permanente sur la popula-tion. Depuis 1997, il déclare les taux de salaire médians relevés lorsd’enquêtes auprès des employeurs. Certains pays font état des salairesdes hommes, d’autres à la fois de ceux des hommes et des femmes, tan-dis que d’autres déclarent le salaire des femmes dans certaines profes-sions.

Un autre problème vient de l’incohérence des déclarations dans letemps. Sur la période 1983-1999, 158 pays ont déclaré des salaires aumoins une année, mais seulement 5 ont fait des déclarations 17 fois(c’est-à-dire chaque année), 40 ont fait entre 10 et 16 déclarations, 51entre 5 et 9 déclarations, 43 entre 2 et 4 déclarations et 19 n’en ont faitqu’une seule. Rétrospectivement, on a 56 déclarations de pays en 1983,71 en 1985, 72 en 1990, 60 en 1992, 76 en 1995, 66 en 1997 et enfin 45 en1999. Cette irrégularité rend difficile la construction de séries chrono-logiques et l’analyse de tendance. En outre, au cours du temps, le BITa demandé des données sur un nombre croissant de professions, ce quicomplique les comparaisons temporelles en particulier entre la périodequi suit 1983 et les années précédentes. A cela il faut ajouter que cer-tains pays ne donnent pas des données nationales mais des donnéesrelatives à certaines régions, par exemple les grandes villes ou les zonesurbaines.

Un troisième problème tient aux concepts utilisés dans l’Enquêted’octobre: l’information demandée porte sur les taux moyens de salaireou de traitement et sur les gains moyens (bruts et réguliers), avec ladurée du travail correspondante, pour le mois d’octobre (les définitionsprécises figurent dans l’encadré).

Il ressort de ces définitions que l’Enquête d’octobre n’inclut pastoutes les composantes du revenu, alors que les primes irrégulières peu-vent représenter une part significative des gains comme, par exemple,les primes annuelles ou semestrielles versées au Japon et dans certainsautres pays d’Asie. Il s’ensuit que les coûts du travail n’y apparaissentpas dans leur totalité. Dans la mesure où les cotisations sociales sontsouvent proportionnelles aux salaires, leur exclusion n’affectera pas lastructure relative des salaires des pays, mais elle affectera, en généralen les sous-estimant, les différences de coûts du travail ou de niveau devie entre pays.

Malgré la précision du BIT dans la définition des qualifications, unquatrième problème tient à ce que les tâches effectuées dans une pro-fession peuvent varier d’un pays à l’autre. Même dans un pays donné,les qualifications peuvent varier au sein d’une des catégories pourtantétroitement définies par le BIT. Par exemple, la gamme de qualifica-tions dont doit disposer un cuisinier employé dans un hôtel ou un res-

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taurant (une des catégories définie par le BIT) au Royaume-Univariera considérablement selon la taille de l’établissement, le type decuisine et le nombre d’étoiles attribuées par les guides. Ces différencesrisquent fort d’être encore plus grandes entre pays. Dans la mesure oùles différences de qualifications au sein d’une profession sont associéesau niveau d’instruction, il est probable que les travailleurs des paysindustriels avancés seront plus qualifiés que ceux des pays en dévelop-pement moins avancés.

Reste enfin le problème de la qualité des données transmises auBIT. Comme on l’a déjà dit, ces données proviennent de sources trèsdiverses: organismes publics, conventions collectives, échelles légalesde salaires (dont les taux de salaire minima) et enquêtes de qualitévariable. Environ la moitié des données provient d’enquêtes, auprèsdes établissements pour l’essentiel. Chacune des sources susmention-nées peut présenter des problèmes de qualité qui tiennent aux métho-des de collecte des données. Pour nous aider à mettre au point le fichiersur les salaires par profession dans le monde, le Bureau de statistiquedu BIT a classé les sources de données en quatre catégories allantd’«inacceptable à excellent». Le tableau 2 montre la répartition desdonnées de l’Enquête d’octobre selon leur qualité. Dans la grandemajorité des cas, il n’y a qu’une seule appréciation par pays, mais quel-ques pays ont utilisé plusieurs sources ou ont changé; dans ce cas le BITa attribué plusieurs appréciations. Dans un souci de simplicité, cesappréciations multiples ont été traitées comme des observations indé-pendantes, ainsi si un pays a obtenu pour l’une de ses sources le classe-

Définition de l’Enquête d’octobre

Taux moyens de salaire ou de traitement. Les taux de salaire ou de traitementcorrespondent aux taux payés pour la durée normale du travail et comprennent les salai-res ou les traitements de base, les allocations de vie chère et autres allocations garantieset versées régulièrement; devraient être exclus: la rémunération des heures familiales,les autres versements de sécurité sociale effectués par les employeurs, et les avantagesen nature accordés à titre gracieux et qui s’ajoutent aux taux normaux de salaire et detraitement.

Gains moyens. Les gains comprennent la rémunération en espèces et en natureversée aux salariés, en règle générale à intervalles réguliers, au titre des heures de travaileffectuées ou du travail accompli; ainsi que la rémunération afférente aux heures noneffectuées, par exemple pour le congé annuel, ou d’autres congés payés ou pour lesjours fériés, y compris les éléments de gains que perçoivent les salariés d’une façonrégulière, avant toute déduction effectuée par l’employeur au titre des impôts, des coti-sations des salariés aux régimes de sécurité sociale et de pensions, des primes d’assu-rance vie, des cotisations syndicales et autres obligations des salariés; devraient êtreexclus: les contributions que les employeurs versent pour leurs salariés aux régimes desécurité sociale et de pensions ainsi que les prestations reçues par les salariés dans lecadre de ces régimes, les indemnités de licenciement et de cessation de service et lesversements irréguliers, tels que primes de fin d’année et autres primes exceptionnellesqui se rapportent à un laps de temps plus long qu’une période de paie.

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ment «excellent» et pour une autre le classement «médiocre», ces deuxappréciations figurent dans le tableau. Le plus gros des données estclassé dans les catégories «acceptable/bonne» (52,6 pour cent) ou«excellent» (32,4 pour cent); mais le BIT considère 14,5 pour cent desdonnées comme médiocres et l’une des sources comme inacceptable.Dans les calculs qui suivent, nous avons travaillé avec les donnéesclassées comme au moins acceptables et ce sont les seules qui figurentdans le fichier standardisé des salaires par profession dans le monde.

Les données pour la période 1983-1999

Le tableau 3 présente une description détaillée du type d’informa-tion que contiennent les fichiers de l’Enquête d’octobre pour la période1983-1999, à laquelle nous nous intéressons.

La première rubrique (A) porte sur la taille de l’échantillon. Dansla première colonne figure le nombre total de données, y compris lesobservations classées par le Bureau de statistique du BIT comme dequalité médiocre ou inacceptable. Nous faisons état de ces donnéesparce qu’elles figurent dans l’Enquête d’octobre telle qu’elle est pu-bliée, mais aussi parce que, pour procéder à certaines analyses, il vautmieux avoir des données de qualité douteuse que pas de données dutout. Dans la seconde colonne figure le nombre d’observations classéespar le Bureau de statistique du BIT comme de qualité acceptable/bonne ou excellente.

Le «nombre maximum d’observations possibles» est celui quecontiendrait l’Enquête d’octobre si chaque pays fournissait chaqueannée une et une seule statistique pour chaque profession: plus de432 000 observations 5. Le nombre effectif d’observations est plus petit,essentiellement parce que les pays n’ont pas déclaré de statistiques

5 Ce nombre maximum est le produit du nombre de pays (158) par le nombre de profes-sions (161) et le nombre d’années (17).

Tableau 2. Qualité des données sur les salaires �gurant dans l’Enquête d’octobre

Qualité Nombre de sources (en pourcentage)

Inacceptable 1 (0,6)Médiocre 25 (14,5)Acceptable/bonne 91 (52,6)Excellente 56 (32,4)Total 173 (100)

Source: Classement fourni par le Bureau de statistique du BIT, «Sources and types of wage data in the OctoberInquiry», août 2001. Ce tableau présente la répartition de toutes les sources évaluées.

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Tableau 3. Observations �gurant dans le �chier informatique de l’Enquête d’octobre1983-1999

Ensembledes données

Données au moins acceptables

A. Taille de l’échantillonNombre maximal d’observations possibles 432 446 369 495 Observations manquantes faute de déclaration une année donnée

255 990 211 393

Observations manquantes par absence de certaines professions dans la déclaration d’une année

93 913 83 008

Observations effectives (année-pays-profession) 82 543 75 094 Observations avec plusieurs valeurs 38 107 34 117 Valeurs multiples 54 969 50 219Total, observations multiples comprises 137 512 125 313

B. Pays et professions pour lesquels au moins une statistique sur les salaires a été déclaréeRépartition des pays selon le nombre de professionsNombre de professions Nombre de pays

(total 158)Nombre de pays (total 135)

<30 8 630-59 21 1760-79 21 1880-99 21 18100-119 32 27120-139 20 20140+ 35 29

Répartition des pays selon le nombre de paysNombre de pays Nombre de professions (161)<60 15 2260-79 25 4280-99 38 44100-119 47 48120+ 36 5

C. Observations effectivesType de rémunérationSalaires (142 pays) 88 453 82 251Gains (95 pays) 49 059 43 062Paramètres de position Moyenne 95 221 85 255 Minimum 30 060 28 902 Maximum 4 202 4 023 Moyenne entre minimum et maximum 336 330 Valeur prédominante 4 491 3 748 Médiane 2 542 2 434 Autre 13 13 Manquante 647 638

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Unité de temps Mois 86 906 79 173 Heure1 23 471 22 931 Semaine 15 987 13 883 Jour 7 220 6 562 Année 2 529 2 308 Quinzaine 1 253 439 Autre 146 7Sexe Hommes 58 555 51 783 Hommes et femmes 49 294 46 861 Femmes 29 663 26 669

1Les chiffres horaires comprennent quelques observations se rapportant aux nombre d’heures rémunérées etquelques autres se rapportant aux heures ouvrées.Source: Calculé à partir des �chiers informatiques de l’Enquête d’octobre du BIT, 1983-1999. «Ensemble dedonnées»: toutes données y compris celles jugées comme médiocres ou inacceptables par le Bureau de statis-tique du BIT. «Données au moins acceptables»: données jugées comme acceptables/bonnes ou excellentes(voir tableau 2).

Ensembledes données

Données au moins acceptables

pour de nombreuses années. En moyenne, les pays ont fait des décla-rations pour 6,9 années sur 17. Il s’ensuit que plus de 250 000 observa-tions potentielles manquent. En outre, les années où les pays ont faitdes déclarations, ils ne l’ont pas forcément fait pour toutes les profes-sions. Ce qui importe, c’est que l’on dispose de 82 543 cellules «pays-année-profession» contenant des données sur le salaire dans le fichierpour 1983-1999. Cependant, 7 449 de ces observations proviennent desources que le BIT a classées comme de qualité médiocre ou inaccepta-ble. Il s’ensuit que l’on a 75 094 observations pays-année-profession dequalité acceptable/bonne ou excellente.

Une autre complication s’est présentée. De nombreux pays décla-rent plus d’un salaire par profession. Certains fournissent le tauxhoraire de salaire et les gains moyens. D’autres déclarent les salairesdes hommes et ceux des femmes. D’autres encore donnent les salairespour un des deux sexes et pour les deux sexes. Près de la moitié desobservations qui figurent dans la première colonne (46,2 pour cent)consistent en plusieurs chiffres. Disposer de plusieurs chiffres pour lamême profession facilite sans doute le recalibrage des données sous uneforme standardisée, mais cela rend difficile l’utilisation des donnéesbrutes pour des comparaisons internationales, surtout si les pays décla-rent les revenus sous des formes différentes. Si l’on considère les chif-fres multiples, on dispose de 137 512 éléments de données dont 125 313sont de qualité au moins acceptable.

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La deuxième rubrique (B) contient la répartition des pays en fonc-tion du nombre de professions déclarées et la répartition des profes-sions en fonction du nombre de pays qui ont fourni des statistiques àleur propos. La répartition des pays en fonction du nombre de profes-sions montre que, pour la plupart des pays, on dispose de suffisammentde données sur les salaires par profession pour évaluer convenablementleur structure salariale. Toutefois, on constate aussi que le nombre deprofessions faisant l’objet d’une déclaration change d’un pays à l’autre,ce qui pose des problèmes pour comparer les structures salariales natio-nales. La répartition des professions en fonction du nombre de paysmontre que dans beaucoup de professions on dispose de données surles salaires pour un grand nombre de pays, ce qui implique que l’onpeut comparer le coût du travail et le niveau de vie, pour une mêmeprofession, à travers le monde.

La troisième rubrique (C) présente les divers modes de décla-ration des pays 6. La plupart déclarent les taux de salaire provenantd’enquêtes auprès des employeurs, de conventions collectives oud’échelles légales de salaires. Toutefois, nombreux sont ceux qui décla-rent les gains à partir d’enquêtes auprès des ménages, ou le plussouvent, d’enquêtes auprès des employeurs. La plupart des statistiquesdéclarées sont des moyennes 7, mais 22 pour cent des pays déclarent lestaux de salaire minima, quelquefois fixés par convention collective.Certains déclarent les taux de salaire maxima, d’autres les salairesprédominants. Après avoir déclaré les gains hebdomadaires médianshabituels pour la plupart des professions tels qu’ils ressortent des décla-rations des individus lors de l’enquête permanente sur la population, lesEtats-Unis en sont venus à déclarer les taux médians de l’OES (Occu-pational Employment Statistics, statistiques sur l’emploi par profes-sion) qui est une enquête nationale auprès des établissements, sur lessalaires et l’emploi par profession dans chaque branche d’activité.L’unité de temps (période de rémunération) varie également. La pluscommune est le mois, suivi par l’heure, mais quelques pays déclarent lesgains hebdomadaires, d’autres des taux quotidiens pour certaines pro-fessions, etc. Des variations existent aussi en fonction du sexe: 43 pourcent des observations se rapportent aux salaires des hommes, 36 pourcent à ceux de l’ensemble des travailleurs et 21 pour cent à ceux desfemmes.

Compte tenu de toutes ces variations, la grande majorité des sta-tistiques qui figurent dans l’enquête ne se prêtent pas à des compa-raisons. Seulement 5,7 pour cent se réfèrent simultanément à la notion

6 Qui déterminent ce que dans la suite du présent article nous dénommons le type ou laforme des données.

7 Dans quelques cas, les salaires sont déclarés sous la forme d’une fourchette. Nous avonsconsidéré le point central de cette fourchette comme le salaire de la catégorie.

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la plus commune de la rémunération (taux de salaire), avec le plus cou-rant des paramètres de position (la moyenne), l’unité de temps la plusfréquente (le mois) et se rapportent au sexe pour lequel on a le plus dedonnées (les hommes) 8. Comment comparer valablement les rémuné-rations d’un pays à l’autre lorsque, par exemple les Etats-Unis décla-rent des gains hebdomadaires médians pour les deux sexes, la Chine dessalaires mensuels pour les femmes et pour les hommes séparément etl’Allemagne les taux de salaire minima négociés collectivement pourdifférentes unité de temps?

La méthode de standardisationPour rendre les données de l’Enquête d’octobre directement utili-

sables, nous nous sommes livrés à un important exercice de standardi-sation. Notre but était de transformer chaque observation, quelle quesoit la façon dont elle a été déclarée, en un taux standardisé fondé surla forme de données la plus courante dans l’enquête, à savoir le taux desalaire moyen mensuel d’un homme 9.

Pour comprendre la façon dont nous avons standardisé les don-nées, considérons chaque observation W comme la somme d’un tauxstandardisé, W*, d’un ajustement en fonction de la façon dont les don-nées sont déclarées Wa, où a exprime la déviation entre le salaireobservé et la forme la plus commune, et un terme d’erreur v:

1) W(i,j,o,t) = W*(j,o,t) + Wa(i,j,o,t) + v(i,j,o,t)

où i indique le type de données (selon le mode de déclaration), j le pays,o la profession et t la période (année).

Le recalibrage consiste à estimer W* pour les observations dontles données ne sont pas déclarées sous la forme standard, c’est-à-dire àcalculer les coefficients d’ajustement qui mesurent la déviation entreles données sous forme non standard et W* pour différents pays, pro-fessions, et périodes. Soit X(i,j,o,t) un vecteur ligne de variables fictives

8 La situation n’est pas aussi délicate que peut le laisser penser l’observation directe des sta-tistiques, car l’on peut améliorer la comparabilité en transformant les unités de temps, c’est-à-direque des gains annuels peuvent être convertis en chiffres mensuels (division par 12), les salaireshebdomadaires en salaires mensuels (multiplication par 4,3), ou encore en multipliant la rémuné-ration horaire par le nombre d’heures ouvrées déclarées dans le cadre de l’enquête. Mais, mêmeaprès cet exercice de standardisation, seulement 15,7 pour cent des chiffres déclarés sont directe-ment comparables.

9 Nous pouvons transformer ces observations sous toutes autres formes, comme les gainsmoyens hebdomadaires des femmes. Toutefois, en choisissant la forme la plus commune, nousminimisons le bruit provoqué par la méthode de recalibrage parce que nous partons du plus grandnombre possible de données non recalibrées.

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pour le type de données (variables prenant la valeur un si l’observationappartient au type de donnée en question) et B (i,j,o,t) un vecteurcolonne des déviations d’un type de donnée particulier par rapport à laforme standard. Nous écrivons alors (1) sous la forme:

2) W(i,j,o,t) = W*(j,o,t) + X(i,j,o,t) B(i,j,o,t) + v(i,j,o,t)

La clé de la méthode d’ajustement est de calculer les coefficientsB appropriés à la transformation d’une observation pour qu’elle prennela forme standard. Compte tenu des données disponibles, la manièrenaturelle d’estimer ces coefficients est d’effectuer une régression expli-quant W(i,j,o,t) par W*(j,o,t) et les variables fictives, en utilisant lesobservations pour lesquelles on dispose de données sous les formesstandards et non standards:

3) W(i,j,o,t)´ = W*(j,o,t)´ + X(i,j,o,t)´ B(i,j,o,t)´ + v(i,j,o,t)´

où les observations (i,j,o,t)’ sont celles pour lesquelles nous aurons à lafois les formes standards et non standards et où v est un terme résiduel,avec E(v) = 0 (homoscédasticité).

Une fois les coefficients B estimés, W* peut être déduit pour lesobservations dont on ne dispose pas des deux formes de données, à par-tir de l’équation suivante:

4) PW*(j,o,t) = W(i,j,o,t) – Xa(i,j,o,t) PB(i,j,o,t)

où la lettre P indique que le terme de l’équation est calculé ou estimé.Pour voir ce que cela signifie concrètement, considérons la situa-

tion où la forme standard est celle du taux de salaire mensuel moyend’un homme (parce que c’est la forme de déclaration la plus fréquente).Alors, une observation qui donne le taux de salaire mensuel moyend’une femme nécessitera un ajustement pour le sexe. Si nous connais-sons l’effet du sexe sur le taux de salaire pour une profession ou un paysdonnés, on pourra ajuster le salaire déclaré. Par exemple considéronsl’ajustement auquel nous avons effectivement procédé pour les tisse-rands en Chine (données de 1990). Le taux de salaire moyen déclaré estde 171 yuan par mois pour les femmes. Selon notre base de recalibrage,nous avons estimé que ce salaire devait être de 201 yuan par mois pourcorrespondre à celui des hommes. L’intervention d’un facteur d’ajuste-ment a été nécessaire pour 50 pour cent des recalibrations, de deux fac-teurs pour 46 pour cent d’entre elles, de trois facteurs dans 4 pour centdes cas et de quatre facteurs exceptionnellement.

Toutefois, l’exercice de standardisation est encore compliqué parl’importance de la variation dans les données de l’enquête. Le principalproblème tient à la grande diversité des formes de données. Il y a deuxtypes de revenus, trois types de données en fonction du sexe, trois typesde données en fonction de l’unité de temps (qui ne peuvent pas être

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Les salaires par profession dans le monde: un nouveau fichier 453

standardisées par la méthode dimensionnelle 10), et cinq paramètres deposition différents. Cela nous donne 90 (2 ´ 3 ´ 3 ´ 5) formes de don-nées possibles. En outre, les coefficients B peuvent différer selon lepays, la profession ou la période. Il n’y a pas assez de recoupementsentre les observations sous toutes leurs formes pour estimer un jeucomplet de coefficients B.

Face à cette complexité, il a fallu simplifier le vecteur X de diver-ses manières: par exemple en faisant l’hypothèse que les différences detypes de données affectaient les salaires indépendamment plutôt qu’eninteraction (ce qui réduit la dimension de X de 90 à 12), ou en suppo-sant que B ne change pas au cours du temps ou est indépendant de laprofession ou du pays. Ces simplifications font que certaines des dévia-tions entre W(i,j,o,t) et W*(j,o,t) sont transférées dans le termed’erreur, ce qui entraîne l’hétéroscédasticité du modèle (E(v) ¹ 0). Mal-heureusement, la variation des données de l’Enquête est trop «subtile»pour limiter l’estimation de B aux observations (i,j,o,t)’ pour lesquellesnous avons à la fois les taux standards et non standards. En principe,cela donnerait 19 010 observations mais bien des types de donnéesn’apparaissent pas en conjonction avec un type standard. Cela se pro-duit parce que, dans la plupart des cas, ces types de données sont décla-rés à la place des types standards. Seules les différences entre taux desalaire et gains et entre salaires des hommes et salaires des femmes peu-vent être estimées avec précision de cette façon.

C’est pourquoi nous avons aussi choisi d’estimer le salaire stan-dard en appliquant la régression suivante à l’ensemble de l’échantillon:

5) W(i,j,o,t) = D(j,o,t) A(j,o,t,) – X(i,j,o,t) B(i,j,o,t) + (j,o,t) + v(i,j,o,t)

où D(j,o,t) est un vecteur ligne de variables fictives pour le pays, la pro-fession et la période (avec de possibles interactions), A(j,o,t) un vec-teur colonne de coefficients et (j,o,t) l’élément aléatoire du salairestandardisé dont les variables fictives susmentionnées ne rendentpas compte. La valeur calculée de B peut être utilisée pour estimerW*(j,o,t) avec l’équation (4).

L’aspect le plus troublant de ce processus de standardisation estqu’il n’existe pas de manière unique et naturelle de simplifier le vecteurdes coefficients B. Chaque méthode de simplification – par exemple,poser l’hypothèse que les coefficients B sont les mêmes dans les pays lesmoins développés et dans les pays avancés – risque de donner des salai-res estimés sensiblement différents de ceux produits par une autrehypothèse simplificatrice – par exemple que les coefficients B sont dif-férents dans les pays en développement et dans les pays avancés. Pour

10 Par méthode dimensionnelle nous entendons simplement la transformation des unités detemps par des moyens bien établis tel que le fait d’obtenir la rémunération hebdomadaire en divi-sant la rémunération annuelle par 52.

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454 Revue internationale du Travail

prendre un exemple, si les différences de salaires entre les sexes s’atté-nuent en fonction du niveau de développement, et que nous ajustons lesalaire des femmes sur le taux de salaire standard mensuel des hommesen utilisant un paramètre d’ajustement estimé pour tous les pays con-fondus dans certaines professions, nous sous-estimerons le salaire deshommes dans les pays en développement et le surestimerons dans lespays avancés. La seule façon de résoudre ces difficultés est d’essayerplusieurs procédures de standardisation, puis d’examiner les coeffi-cients B qu’elles donnent, ainsi que les résultats obtenus en fin de pro-cédure, c’est-à-dire les gains standardisés calculés.

Même pour une procédure de standardisation donnée, il peutapparaître une multiplicité de prévisions ou de recalibrages du salairestandardisé si plus d’un salaire est déclaré pour un pays, une professionou une année donnés. Si la matrice des variances-covariances du termed’erreur v(i,j,o,t) est connue, des pondérations optimales peuvent êtrecalculées pour obtenir une estimation pondérée avec une varianced’échantillonnage minimale. Dans la pratique, ces pondérations opti-males sont difficiles à calculer et divers modèles de pondération doiventêtre utilisés en fonction de leurs effets. Une autre solution est d’estimerl’équation (5) comme un modèle de régression à effets aléatoires, avechétéroscédasticité, et une estimation unique du salaire standardisé peutêtre calculée de la façon suivante:

6) PW*(j,o,t) = D(j,o,t) PA(j,o,t) + P(i,j,o,t)

Au premier abord, cette procédure directe est plus efficace, maispotentiellement moins robuste parce qu’elle suppose que l’on connaîtmieux la matrice des variances-covariances du modèle de régression.

Chacun des recalibrages effectués avec diverses méthodes de sim-plification des coefficients B, divers modèles de pondération ou diver-ses procédures d’estimation donne des résultats assez similaires avecdes coefficients de corrélation qui vont de 0,9983 à 0 ,9998 pour les(logarithmes des) salaires estimés et de 0,9644 à 0,9987 pour les para-mètres de dispersions utilisés ici. Les calculs détaillés figurent dansl’annexe de Freeman et Oostendorp (2000).

Examen du fichier des salaires par professiondans le monde

Le fichier des salaires par profession dans le monde a la formed’une énorme matrice des salaires par pays, par profession et parannée, dont de nombreuses cases sont vides. Ces vides s’expliquentparce que les pays font des déclarations sur différentes professionsdurant des périodes différentes. Par exemple, la Nouvelle-Zélande adéclaré de façon continue des données sur les salaires de 1984 à 1991,mais ni avant ni après. Elle a donné les salaires de 83 professions en

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Les salaires par profession dans le monde: un nouveau fichier 455

1984, 131 en 1985, 143 en 1986 et 135 en 1991. La Hongrie a déclaré dessalaires pour 26 professions en 1987 et 130 environ entre 1995 et 1999mais aucun chiffre pour les autres années.

Le nouveau fichier nous permet d’examiner la structure des salai-res par profession et son évolution au cours du temps dans chacun despays, ainsi que de comparer, d’un pays à l’autre, le coût du travail et leniveau de vie des travailleurs ayant des qualifications équivalentes.Toutefois, afin d’obtenir des statistiques pratiques et compréhensibles,il faut réduire les données de cette matrice sous forme d’indicateurssynthétiques et cohérents de la dispersion des rémunérations selon lesprofessions. Nous avons procédé à cette réduction de deux façons.

En premier lieu, pour chacun des pays, nous avons calculé deuxindicateurs: l’écart-type du logarithme des rémunérations et le rapportentre les salaires dans la profession situés dans le 90e centile de larépartition des salaires par profession et les salaires dans la professionsitués dans le 10e centile de répartition, pour toutes les professions ayantfait l’objet d’une déclaration sur une période donnée. Cette comparai-son utilise le maximum de données possibles, mais porte sur un nombredifférent de professions suivant les pays. Il s’ensuit que la dispersion dessalaires ainsi mesurée peut être affectée par le nombre de professionsconsidérées dans l’indicateur synthétique. La meilleure manière derésoudre ce problème serait de calculer des indicateurs des différencesde salaires pour exactement les mêmes professions et pour l’ensembledes pays. Mais, comme les pays déclarent les salaires pour des profes-sions différentes, cette stratégie «du plus petit commun dénominateur»réduirait considérablement la taille de l’échantillon.

Nous avons donc choisi une autre méthode pour synthétiser lesdonnées, consistant à traiter les observations comme des échantillonsde la répartition des salaires par profession de chacun des pays, plutôtque comme des estimations des salaires dans une profession donnée11.Nous avons considéré la répartition par décile des salaires par profes-sion et calculé les indicateurs de dispersion de cette répartition. Plusprécisément, nous avons ordonné les professions en fonction de leurssalaires dans chaque pays et pour chaque période, nous avons ensuitedivisé cette échelle en déciles et considéré le salaire médian de chaquedécile comme le salaire du décile dans le pays 12. On dispose alors de dixsalaires par pays pour lesquels on peut calculer des indicateurs de dis-

11 Dans la mesure où le nombre de salarié diffère d’une profession à l’autre, la répartitiondes salariés par profession différera de la distribution des salaires individuels. Mais dans la mesureoù ce qui nous préoccupe, c’est la structure des salaires, il est légitime de traiter les professionscomme des unités d’observation.

12 Cette procédure permet de conserver l’essentiel des données «pays-année» puisque pra-tiquement tous les pays ont fait des déclarations pour des professions dans chacun des groupesd’activité. Sur 982 observations «pays-année», 949 contiennent des informations pour chacun desdéciles.

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456 Revue internationale du Travail

persion. Par exemple, si le décile supérieur des professions les mieuxrémunérées aux Etats-Unis comprend huit professions, on prendra lesalaire médian parmi ces huit professions pour représenter l’ensembledu décile supérieur des Etats-Unis, tandis que si ce décile supérieur necomprend que trois professions en Inde, on considérera le salairemédian parmi ces trois professions comme estimation du salaire d’undécile supérieur en Inde. En la circonstance, les indicateurs de disper-sion ainsi calculés sont fortement corrélés avec ceux fondés sur l’ensem-ble des données, ce qui implique que la question du nombre deprofessions ne pose pas de problème. De ce fait, la plupart des résultatsdont nous faisons état ont été calculés en considérant le nombre maxi-mal d’observations – avec des pays qui ont fait des déclarations sur 30professions ou plus – plutôt qu’à partir de la répartition par décile.

Le tableau 4 présente les indicateurs de dispersion des salaires parprofession que nous avons calculés pour la période centrale, 1989-1992,classés en fonction du niveau de développement des pays. Pour obtenirun nombre maximal de comparaisons sur la période, nous avons consi-déré l’année pour laquelle nous avions le plus de données. Aux colon-nes 3 et 5 figurent les indicateurs fondés sur l’ensemble des professionsayant fait l’objet d’un rapport l’année la plus riche en observations,tandis qu’aux colonnes 4 et 6 figurent les indicateurs fondés sur larépartition par décile. Ces deux séries montrent que les différences dequalifications ou les inégalités de salaires sont plus réduites dans lespays les plus avancés, et particulièrement faibles dans les pays quiétaient alors sous régime communiste. Dans la mesure où il s’agit là defaits déjà bien établis par des comparaisons internationales plus limi-tées, on peut considérer ces résultats comme une validation du fichierdes salaires par profession dans le monde.

La figure 1 fait apparaître la relation inverse qui existe entre lesécarts de rémunération et le niveau de développement économique,sous une présentation légèrement différente. L’écart-type du loga-rithme des salaires par profession dans un pays est porté en ordonnéeet le logarithme de son PIB par tête du pays en abscisse. Le PIB par tête(à parité de pouvoir d’achat) est celui de l’année pour laquelle le paysa déclaré les salaires du plus grand nombre de professions. Si l’écartpeut être très important entre les pays ayant le même niveau de PIB partête – par exemple les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont des niveauxd’inégalité très importants pour des pays avancés –, le diagrammemontre clairement la relation inverse entre le revenu par tête et la dis-persion des salaires.

Le tableau 5 présente les résultats relatifs aux différences de salai-res entre pays et à leur évolution au cours du temps à l’échelle natio-nale. La première régression explique la dispersion des salaires en fonc-tion du logarithme du PIB par tête (à parité de pouvoir d’achat), d’unevariable fictive pour les pays sous régime communiste l’année considé-

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Les salaires par profession dans le monde: un nouveau fichier 457

Tableau 4. Indicateurs de la structure nationale des salaires par profession,1989-1992

Ecart-type du logarithme des salaires Centile 90/centile 10

Nombre de professions

Toutes observations

Analyse par décile

Toutes observations

Analyse par décile

Pays à revenu élevéAT – Autriche 144 0,33 0,33 2,18 2,47AU – Australie 149 0,24 0,26 1,80 1,99BE – Belgique 42 0,17 0,17 1,49 1,52DE – Allemagne 159 0,37 0,35 2,52 2,60DK – Danemark 57 0,19 0,19 1,57 1,67FI – Finlande 124 0,25 0,26 1,83 1,98GB – Royaume-Uni 50 0,28 0,26 2,04 2,01HK – Hong-kong 52 0,44 0,41 2,53 2,96IT – Italie 144 0,27 0,25 1,76 1,92JP – Japon 43 0,35 0,31 1,96 2,31NL – Pays-Bas 70 0,22 0,22 1,62 1,75NO – Norvège 31 0,18 0,17 1,69 1,55NZ – Nouvelle-Zélande 136 0,35 0,31 2,25 2,30SE – Suède 130 0,20 0,17 1,53 1,57SG – Singapour 121 0,54 0,51 3,66 3,94US – Etats-Unis 86 0,34 0,35 2,31 2,46

Pays à revenu moyen-supérieurAR – Argentine 133 0,74 0,70 7,32 6,82GA – Gabon 60 0,61 0,60 4,91 4,80KR – Corée, République de 129 0,37 0,37 2,37 2,67MU – Maurice 88 0,48 0,47 3,87 3,58MX – Mexique 46 0,18 0,11 1,44 1,35PR – Porto Rico 48 0,33 0,30 2,20 2,18TT – Trinité-et-Tobago 118 0,56 0,50 3,33 3,87UY – Uruguay 45 0,50 0,50 2,70 3,79VE – Venezuela 142 0,42 0,38 2,66 2,70

Pays à revenu moyen-inférieurBO – Bolivie 117 0,67 0,65 4,88 6,03CO – Colombie 41 0,65 0,58 5,03 4,78DZ – Algérie 135 0,33 0,31 2,57 2,37HN – Honduras 109 0,58 0,58 4,94 4,97PE – Pérou 34 0,60 0,51 3,46 4,19PH – Philippines 36 0,14 0,15 1,33 1,46TH – Thaïlande 125 0,50 0,50 3,82 3,78TN – Tunisie 66 0,16 0,12 1,44 1,40TR – Turquie 45 0,31 0,32 2,23 2,35

Pays à revenu faibleBD – Bangladesh 133 0,50 0,46 3,34 3,52BF – Burkina Faso 110 0,42 0,42 2,92 3,07BI – Burundi 69 0,76 0,76 6,17 7,54

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458 Revue internationale du Travail

Nombre de professions

Toutes observations

Analyse par décile

Toutes observations

Analyse par décile

BJ – Bénin 72 0,74 0,71 6,64 6,63CF – République centrafricaine 92 0,78 0,81 6,05 8,45CI – Côte d’Ivoire 134 0,66 0,67 5,41 6,41IN – Inde 92 0,58 0,50 4,51 3,47ML – Mali 112 0,62 0,59 4,74 4,94MM – Myanmar 138 0,29 0,27 2,08 2,13MZ – Mozambique 117 0,45 0,45 3,19 3,48RW – Rwanda 126 0,70 0,72 6,85 6,96SD – Soudan 130 0,42 0,35 2,28 2,59SL – Sierra Leone 102 0,59 0,58 3,17 4,90SN – Sénégal 73 0,44 0,40 2,87 3,01TD – Tchad 91 0,76 0,76 5,66 7,24TG – Togo 39 0,52 0,50 3,40 3,60ZM – Zambie 132 0,56 0,53 3,84 4,28

Pays faiblement peuplésAG – Antigua-et-Barbuda 64 0,41 0,42 2,70 3,05AN – Antilles néerlandaises 47 0,40 0,37 2,70 2,82BB – Barbade 97 0,44 0,45 3,11 3,35BM – Bermudes 46 0,41 0,39 2,10 2,60BZ – Belize 100 0,53 0,53 3,28 4,17CY – Chypre 112 0,44 0,40 2,94 2,85FK – Iles Falkland (Malouines) 65 0,38 0,31 2,07 2,31GI – Gibraltar 32 0,28 0,26 1,90 2,00IM – Ile de Man 58 0,35 0,33 2,41 2,44KM – Comores 76 0,54 0,53 3,75 4,18LC – Sainte-Lucie 97 0,54 0,56 3,59 4,48PF – Polynésie française 87 0,46 0,44 3,40 3,22PM – Saint-Pierre-et-Miquelon 67 0,30 0,32 2,10 2,40SC – Seychelles 58 0,38 0,39 3,06 2,98SR – Suriname 57 0,55 0,52 3,89 4,08VI – Iles Vierges 70 0,40 0,39 3,15 2,93

Pays communistesou ex-communistesBG – Bulgarie 112 0,28 0,25 1,88 1,97CN – Chine 82 0,28 0,27 1,90 2,07CS – Tchécoslovaquie 110 0,21 0,20 1,61 1,73CU – Cuba 129 0,31 0,30 2,08 2,24RO – Roumanie 160 0,24 0,24 1,88 1,89RU – Fédération de Russie 41 0,28 0,28 2,05 2,19SI – Slovénie 57 0,35 0,35 2,93 2,65YU – Yougoslavie 159 0,36 0,36 2,40 2,69

Note: Certains pays faiblement peuplés ou à régime communiste ont été classés dans leur tranche de revenu.

Ecart-type du logarithme des salaires Centile 90/centile 10

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Les salaires par profession dans le monde: un nouveau fichier 459

rée et de variables fictives pour les autres années en sorte que ses coeffi-cients ne reflètent que les variations transversales (entre pays). Le coef-ficient du logarithme du PIB par tête est significatif, ce qui indique quel’association qui apparaît à la figure 1 est également significative: plusélevé sera le PIB, moindres seront les différences de rémunérationsentre professions. La deuxième régression porte sur l’évolution dans letemps de ces différences. La variable expliquée est la dispersion desrémunérations, les variables explicatives sont: des variables fictivespour les pays (afin d’exprimer les variations transversales), une varia-ble fictive pour les régimes communistes (qui diffère de la variable fic-tive du pays pour tenir compte des transitions à l’économie de marché)et une tendance linéaire pour déterminer le sens de l’évolution au cours

log par tête PIB (ppp)4,76733 8,85527

0,159557

1,04655

AGAO

AR

AT

AU

AZ

BB

BD

BE

BF

BG

BIBJ

BO

BRBW

BY

BZ

CA

CF

CI

CL

CM

CN

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CR

CVCY

CZ

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DK

DO

DZEE

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GB

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GY

HK

HN

HR

HU

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IRIT

JP

KG

KH

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KR

LCLK

LT

LU

LV

MDMG

ML

MU

MW

MX

MZ NC

NE

NGNI

NLNO

NZ

PE

PFPG

PH

PL

PT

RO

RU

RW

SE

SG

SI

SK

SL SN

SR

SZ

TD

TG

TH

TN

TR

TTUA

UG

USUY

VE

ZM

ZR

Figure 1. Relation entre les écarts-types du logarithme des salaires par profession et les logarithmes du PIB par tête

AO – Angola; AG – Antigua-et-Barbuda; AR – Argentine; AT – Autriche; AU – Australie; AZ – Azerbaïdjan;BB – Barbade; BD – Bangladesh; BE – Belgique; BF – Burkina Faso; BG – Bulgarie; BI – Burundi; BJ – Bénin;BO – Bolivie; BR – Brésil; BW – Botswana; BY – Bélarus; BZ – Belize; CA – Canada; CF – République centrafricaine;CI – Côte d’Ivoire; CL – Chili; CM – Cameroun; CN – Chine; CO – Colombie; CR – Costa Rica; CV – Cap-Vert;CY – Chypre; CZ – République tchèque; DE – Allemagne; DK – Danemark; DO – République dominicaine;DZ – Algérie; EE – Estonie; ER – Erythrée; FI – Finlande; FJ – Fidji; GA – Gabon; GB – Royaume-Uni;GH – Ghana; GQ – Guinée équatoriale; GY – Guyana; HK – Hong-kong; HN – Honduras; HR – Croatie;HU – Hongrie; IE – Irlande; IN – Inde; IR – République islamique d’Iran; IT – Italie; JP – Japon; KG – Kirghizistan;KH – Cambodge; KM – Comores; KN – Saint-Kitts-et-Nevis; KR – République de Corée; LC – Sainte-Lucie;LK – Sri Lanka; LT – Lituanie; LU – Luxembourg; LV – Lettonie; MD – Moldavie; MG – Madagascar; ML – Mali;MU – Maurice; MW – Malawi; MX – Mexique; MZ – Mozambique; NC – Nouvelle-Calédonie; NE – Niger;NG – Nigéria; NI – Nicaragua; NL – Pays-Bas; NO – Norvège; NZ – Nouvelle-Zélande; PE – Pérou;PF – Polynésie française; PG – Papouasie-Nouvelle-Guinée; PH – Philippines; PK – Pakistan; PL – Pologne;PT – Portugal; RO – Roumanie; RU – Fédération de Russie; RW – Rwanda; SE – Suède; SG – Singapour;SI – Slovénie; SK – Slovaquie; SL – Sierra Leone; SN – Sénégal; SR – Suriname; SZ – Swaziland; TD – Tchad;TG – Togo; TH – Thaïlande; TN – Tunisie; TR – Turquie; TT – Trinité-et-Tobago; UA – Ukraine; UG – Ouganda;US – Etats-Unis; UY – Uruguay; VC – Saint-Vincent-et-les-Grenadines; VE – Venezuela; ZM – Zambie; ZR – Zaïre.

log

sala

ires

par

prof

essi

on

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460 Revue internationale du Travail

du temps. Le coefficient de cette tendance est négatif, mais faible et sta-tistiquement non significatif, ce qui implique que globalement il n’y a euguère de changements dans la structure des salaires par profession dansles années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Toutefois, ce modèle n’indi-que pas si des changements du PIB par tête affectent les différences derémunérations entre professions dans un pays donné. Pour analyser cephénomène, nous avons effectué une régression expliquant la disper-sion des rémunérations par des variables fictives pour les pays, desvariables fictives pour les années et le logarithme du PIB par tête(PPA). Dans ce modèle, le PIB par tête a un coefficient négatif et infé-rieur à celui de la première régression (analyse transversale); en outre iln’est pas significatif aux seuils habituels. Dans la mesure où ce modèleélimine les effets des différences entre pays et l’effet du temps, on peuten conclure que, au sein d’un même pays, la croissance du PIB n’estassociée qu’à un léger recul des inégalités salariales. Des différences ins-titutionnelles, associées au PIB par tête, notamment l’existence de gou-vernements démocratiques et la force des syndicats, peuvent expliquerque l’association entre PIB par tête et réduction des inégalités est plusforte dans l’analyse transversale que dans l’analyse temporelle.

Comparaison internationale du coût du travail

Pour analyser les différences internationales dans le coût du tra-vail en fonction des qualifications, nous avons corrigé les salaires de

Tableau 5. Régression (moindres carrés ordinaires) estimant les effets du revenupar tête sur l’écart-type du logarithme des revenus par profession.Etudes transversale et chronlogique

Etude Transversale Chronologique

1 2 3

Logarithme du PIB par tête –0,104 (0,011)

–0,045 (0,033)

Régime communiste (variable �ctive) –0,17 (0,02)

–0,21 (0,03)

–0,18 (0,04)

Tendance –0,0013 (0,0008)

Pays (variable �ctive) oui oui

Année (variable �ctive) oui oui

Constante oui oui oui

Nombre d’observations 704 831 704

R2 0,440 0,873 0,794

Note: Ces régressions ont été calculées à partir de l’ensemble des données relatives aux pays dont les décla-rations comprenaient au moins 30 professions. Les régressions calculées à partir des écarts-types des salairesestimés par décile donnent des résultats à peu près identiques. Les écarts-types (entre parenthèses) sont cor-rigés en fonction des regroupements.

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chaque profession-année-pays en fonction des taux de change avec ledollar des Etats-Unis. Les résultats montrent une variation très impor-tante du coût du travail d’un pays à l’autre. Sur la période 1990-1992, lesgains mensuels moyens d’un charpentier dans le bâtiment, par exemple,étaient de 52 $EU en Inde, de 2 474 $EU en Suède et 223 $EU enArgentine. Même entre pays avancés, on constate des différences con-sidérables de coût du travail: sur la période 1989-1992, les gains men-suels moyens d’un maître de jardin d’enfants étaient de 1 775 $EU enItalie et 1 536 $EU aux Etats-Unis; tandis que ceux d’un professeurétaient de 1 256 $EU au Japon et 2 468 $EU en Allemagne.

La figure 2 montre la différence de rémunération d’un pays àl’autre pour cinq professions au cours de la période 1983-1999: médecingénéraliste (forte rémunération), bûcheron (bas salaire), agent d’assu-rance (col blanc), coupeur d’empeignes (col bleu) et programmeur(haute technologie). Pour faciliter la représentation, nous avons nor-malisé les salaires en fonction du plus élevé de la catégorie. C’est-à-direque le salaire dans le pays où la profession est la mieux rémunéréeprend la valeur 1, les salaires de la même profession dans les autres payssont proportionnellement exprimés par une valeur située entre 0 et 1.Pour chaque profession, la courbe de répartition indique le nombre depays correspondant à chaque niveau de salaire relatif.

Pour donner une mesure synthétique des variations au sein de cha-que profession, nous avons également calculé le rapport entre le salairenational médian et le salaire dans le pays où il est le plus élevé. Ce n’estpas un indicateur de dispersion très courant, mais il est facile à interpré-ter: plus le salaire médian est petit par rapport au salaire maximum,plus les salaires dans les autres pays seront éloignés de ce maximum 13.Le rapport entre le salaire médian et le salaire maximum est relative-ment bas pour les cinq professions – allant de 0,098 à 0,210 – ce quiimplique des différences considérables du coût nominal du travail pourdes emplois équivalents à travers le monde. Nous avons égalementcalculé l’écart-type du logarithme des rémunérations pour chaque pro-fession. Sa valeur est également grande comparée, par exemple, àl’écart-type du logarithme des salaires des différentes professions ausein d’un même pays.

Les évolutions économiques qui ont marqué les années 1980 et1990 – mondialisation et expansion des technologies – ont-elles réduitles différences de salaires entre les professions, et dans quelle mesure?Pour répondre à cette question, on peut comparer les paramètres dedispersion des rémunérations entre pays et au cours du temps. Du faitque certains pays ont fourni des observations pour certaines années et

13 L’analyse statistique des extrêmes peut immédiatement être appliquée à cette analysedans la mesure où elle porte sur une relation entre des valeurs extrêmes, la tendance centrale et ladispersion de la distribution; voir Gumbel (1958).

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462 Revue internationale du Travail

Médecin généraliste

Salaire médian/salaire maximum0 10

3

Nom

bre

de p

ays

(%)

Figure 2. Répartition des salaires dans cinq professions, 1983-1999, en dollars (EU)

Bûcheron

Salaire médian/salaire maximum0 1

0

3

Nom

bre

de p

ays

(%)

Salaire médian/salaire maximum0 10

3

Agent d’assurance

Nom

bre

de p

ays

(%)

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Les salaires par profession dans le monde: un nouveau fichier 463

non pour d’autres, la seule manière de faire est de regrouper les don-nées en deux périodes. Nous avons procédé de deux façons.Premièrement, nous avons comparé la dispersion des rémunérationsentre pays pour 101 professions pour 1983-1988 (première période) et1992-1999 (seconde période). Ensuite, pour élargir le nombre de pro-fessions observées (137), nous avons étendu ces périodes à 1983-1989 et1990-1999. Nous avons ensuite effectué des régressions où les variablesexpliquées sont les indicateurs de dispersion des rémunérations et lesvariables explicatives, une variable fictive pour la dernière période etdes variables fictives pour chacune des professions afin d’éliminer lesvariations transversales (entre professions). Les coefficients de la varia-ble fictive mesureront l’évolution moyenne de l’inégalité à travers letemps.

Coupeur d’empeignes

Salaire médian/salaire maximum0 1

0

3

Nom

bre

de p

ays

(%)

Programmeur

Salaire médian/salaire maximum0 1

0

3

Nom

bre

de p

ays

(%)

Figure 2. Répartition des salaires dans cinq professions, 1983-1999, en dollars (EU) (suite et fin)

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464 Revue internationale du Travail

Le tableau 6 présente les résultats de ces variations temporelles.Les première et troisième colonnes présentent les résultats derégressions dans lesquelles la variable expliquée est l’écart-type dulogarithme des salaires. La tendance temporelle a un coefficent positif,ce qui implique une aggravation des inégalités des rémunérations entrepays. Les deux autres colonnes présentent les résultats de régressionsoù la variable expliquée est le rapport entre le salaire national médianpour une profession et le salaire national le plus élevé pour cette mêmeprofession. La tendance temporelle a un coefficient négatif, ce qui indi-que un accroissement des inégalités: le salaire médian s’éloigne dusalaire maximum. Les résultats des régressions figurant aux colonnes 1et 2 montrent que, pour les deux indicateurs considérés, les différencesde salaires entre pays se sont accrues au cours de la période considérée.Les résultats des régressions figurant aux colonnes 3 et 4, avec un plusgrand nombre de professions et sans interruption entre les deuxpériodes, montrent des résultats similaires, mais ici, si l’indicateurfondé sur l’écart-type est associé à un coefficient hautement significatif,il n’en est pas de même pour celui qui est fondé sur le rapport entresalaire médian et salaire maximum, on en conclura que le deuxièmeindicateur est moins robuste que le premier. Il reste que le résultatessentiel ressortant du tableau 6 est que les inégalités de salaires pourune même profession se sont accrues entre les pays au cours de lapériode considérée malgré la mondialisation qui aurait dû réduire cesinégalités.

ConclusionJusqu’à présent, le manque de données internationalement recon-

nues sur les salaires par profession a handicapé l’analyse des structures

Tableau 6. Estimation des différences internationales de salaires dans les pro-fessions, pour deux périodes (correction par les taux de change))

Comparaison entre 1983-1988et 1992-1999

Comparaison entre 1983-1989et 1990-1999

Ecart-typedu logarithme

Salaire médianrapporté au salairemaximum

Ecart-typedu logarithme

Salaire médianrapporté au salairemaximum

Variable �ctive pour la secondepériode

0,130(0,006)

–0,023 (0,003)

0,099(0,007)

–0,005 (0,004)

Profession (variable �ctive) oui oui oui oui

Constante oui oui oui oui

R2 0,92 0,86 0,85 0,82

Nombre de professions 101 101 137 137

Note: Les écarts-types sont corrigés en fonction des regroupements: avec 101 professions sur deux périodes, ily a 202 observations pour les deux premières colonnes; avec 137 observations sur les deux périodes, il y a274 observations pour les deux dernières colonnes.

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salariales et la comparaison des rémunérations dans le monde. Nousproposons un fichier des salaires par profession dans le monde qui con-tient des données cohérentes sur les rémunérations dans 161 profes-sions et plus de 150 pays pour la période 1983-1999. Nous avons mis aupoint ce fichier en standardisant les données figurant dans l’Enquêted’octobre du BIT, sous forme de taux de salaire calculés pour les mêmesunités statistiques, réparties par profession dans tous les pays et pourtoutes les années considérées. Les diverses variantes de la méthode destandardisation ont produit des résultats similaires, ce qui indique quele fichier de salaires par profession dans le monde présente une robus-tesse certaine face aux changements de méthodes de standardisationdes données de l’Enquête d’octobre. Il est possible d’augmenter lenombre des données figurant dans ce fichier en remontant jusqu’auxannées 1950, avec toutefois un moindre nombre de professions.

Notre analyse des données du fichier des salaires par professiondans le monde montre que, sur la période considérée, l’évolutionéconomique a été associée à une réduction des différences de rémuné-ration d’une profession à l’autre, mais à un accroissement de ces diffé-rences d’un pays à l’autre, pour une même profession.

RéférencesAmerican Federation of Teachers. 1993: How US teachers measure up internationally: A com-

parative study of teacher pay, training, and conditions of service (Washington, DC).Bell, D.; Elias, P. 2000: «Analysis of pay trends: A report for the McCrone Inquiry», dans

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BIT. 2001: Statistiques des salaires et de la durée du travail par profession et des prix de pro-duits alimentaires: Résultats de l’Enquête d’octobre, 1999 et 2000, Supplément spécialau Bulletin des statistiques du travail (Genève).

—. Différentes années: Annuaire des statistiques du travail (Genève).Department of Education, National Center for Education Statistics. 1988: International com-

parisons of teachers’ salaries: An exploratory study (Washington, DC).Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOTM). 2000:

Pouvoir d’achat du temps de travail: une comparaison internationale (Genève).Freeman, Richard B.; Oostendorp, Remco H. 2000: Wages around the world: Pay across occu-

pations and countries, NBER no 8058 (Cambridge, National Bureau of EconomicResearch), décembre, disponible à l’adresse http://papers.nber.org/paper/w8058 [con-sulté le 6 décembre 2001].

Gumbel, E.J. 1958: Statistics of extremes (New York, Columbia University Press).National Bureau of Economic Research (NBER): site Internet à l’adresse http://www.

nber.org/oww.Union des banques suisses (UBS). 2000: Prix et salaires dans le monde: Comparaison inter-

nationale du pouvoir d’achat, disponible à l’adresse http://www.ubs.com/f/index/about/research/publications.html [consulté le 20 février 2002].

Warner, Andrew M. 2001: International wage determination and globalization, documentprésenté à la NBER Universities Research Conference on Labor in the Global Econ-omy, qui s’est tenue à Cambridge, MA.