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Les situations psychologiques pricriminelles redlatrices des caract6res de 1’Ctat dangereux OLOF KINBERG Saltsjobaden, Stockholm L e s anciennes ecoles de droit g n a l et de philosophie du droit consideraient le criminel comme un abstractum moyen de l’hom- me et la totalit6 de la population comme un autre abstractum. Cependant, il n’y a pas d’individus abstraits, ni de foules abstrai- tes, mais seulement des individus concrets et uniques, ainsi que des foules diversement compos6es par de tels individus. Les spblations de la philosophie du droit sur les effets probables produits par les peines sur des individus particuliers et sur les foules n’Ctaient donc pas fondbes sur des observations systema- tiques, recueillies avec ’des prtkautions suffisantes, mais bades sur des notions abstraites sur le caractere humain et sur ce qui est souvent appele Bl’exp6rience personnelle,. Mais cette nexpe- rience, n’est muvent faite que de notions fantaisistes sur le com- portement du sujet dans des situations oh il ne s’est jamais trouve auparavant. I1 va de soi que des conclusions tir6es de telles premisses manquent de base empirique et que leur valeur est douteuse. L’holution de l’ecole positiviste italienne a change la maniere Pgbliraiion n:o 4 de Plnrtiiui de Criminologie de Stockholm. I

Les situations psychologiques précriminelles révélatrices des caractères de l‘état dangereux

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Les situations psychologiques pricriminelles redlatrices des caract6res

de 1’Ctat dangereux

OLOF KINBERG Saltsjobaden, Stockholm

L e s anciennes ecoles de droit g n a l et de philosophie du droit consideraient le criminel comme un abstractum moyen de l’hom- me et la totalit6 de la population comme un autre abstractum. Cependant, il n’y a pas d’individus abstraits, ni de foules abstrai- tes, mais seulement des individus concrets et uniques, ainsi que des foules diversement compos6es par de tels individus. Les spblations de la philosophie du droit sur les effets probables produits par les peines sur des individus particuliers et sur les foules n’Ctaient donc pas fondbes sur des observations systema- tiques, recueillies avec ’des prtkautions suffisantes, mais bades sur des notions abstraites sur le caractere humain et sur ce qui est souvent appele Bl’exp6rience personnelle,. Mais cette nexpe- rience, n’est muvent faite que de notions fantaisistes sur le com- portement du sujet dans des situations oh il ne s’est jamais trouve auparavant. I1 va de soi que des conclusions tir6es de telles premisses manquent de base empirique et que leur valeur est douteuse.

L’holution de l’ecole positiviste italienne a change la maniere

Pgbliraiion n:o 4 de Plnrtiiui de Criminologie de Stockholm. I

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d’envisager ce probleme. La th&e principale de cette kcole est qu’un traitement rationnel du criminel presuppose une connais- sance approfondie des criminels concrets. Les notions arbitraires sur le crimi,nel abstrait qui n:existe nulle part ne peuvent pas fonder d’une maniere sat_isfai.sante les mesures pratiques qui ,. doivent necessairement s’adapter non seulement aux besoim de protection de la societe mais aussi au caract6re du delinquant. Aussi est-il nCcessaire de connaitre la personnalitk criminelle pour arriver i des notions concretes sur les causes de la crimi- nalite.

En posant ain5i le problcme sur une base empirique, il s’agit de prot6ger les particuliers et la sociCtC contre les manifestations de la dangerosit; du delinquant.

Depuis longtemps un des thcmes prcponderants de la discus- sion criminologique est la question de savoir si les facteurs indi- viduels prennent le pas sur les facteurs mesologiques dans la genbe du crime, ou vice versa. En vertu de la theorie lombro- sienne du criminel-ne, on a attribue i l’ecole positiviste une atti- tude purement individualiste. Cette opinion est contestable. Lom- broso lui-mEme n’kvaluait le nombre des criminels nCs qu’i 35- 40 yo de tous les criminels. De plus, surtout dans ses publica- tions tardives, il considkrait les facteurs mksologiques comme assez importants pour la genbe du crime.

Une forme extreme de la thCorie mesologique est apparue surtout aux Etats-Unis, OG l’eclosion d’une sociologie nouvelle a dirige l’attention sur les entites collectives, les groupes sociaux et leurs influences sur les individus.

Or, toutes les manifestations bio-psychologiques et notamment le crime sont le resultat de stimuli provenant du milieu interieur, humoral, des cellules et de l’ambiance exdrieur, psycho-sociale ou physico-cosmique, de l’organisme entier, c’est 2 dire qu’elles sont des reponses i des stimuli dont l’origine se trouve dans un de ces milieux. En vue d’un ordre systematique on a depuis long- temps distingu6 dans la medecine entre les facteurs endogenes et les facteurs exogcnes. Dans la biologie la notion de ,,milieu internen est de vieille date; elle a 6t6 creCe aux approches de

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1860 par le physiologiste frangais Claude Bernard. Malgre son ige cette notion importante n’a ete employee dans la psycholo- gie qu’assez tard, ce qui s’explique par le fait qu’en psychologie on s’est souvent content6 d’interpretations finalistes tides des epreuves psychiques subjectives au lieu de chercher une explica- tion objective et causale des phenom2nes bio-psychologiques. La signification du milieu interne comme cause de changements psychologiques saute aux yeux quand il s’agit d’intoxications provoquees par des poisons qui ont CtC introduites dans l’orga- nisme (alcool, morphine, cocaine, hachisch, peyotl etc.) . Les alterations du liquide des tissus peuvent aussi consister en une augmentation ou une diminution des matitres qui sont des in- gredients normaux du liquide, p. ex. le sucre du sang, l’oxygcne, etc. Une instance bien connue de ce genre est l’acc6s de confusion cause par l’abaissement du pourcentage de sucre dans le sang par suite d’une dose trop grande d’insuline. Une fatigue ex- treme, compliquee ou non dun jeihe prolonge, produit parfois chez certaines personnes un &at de forte irritation qui peut se manifester par des actes violents. Chez d’autres dont le fonds d’energie cCrEbrale est reduit en raisonl de facteurs constitution- nels, les .subvalidess selon la theorie gen6rale de psychologie du psychiatre suedois H. Sjobring, les memes facteurs produisent des ;tats d’obnubilations qui peuvent engendrer des actes cri- minels. Dans tous ces cas, le changement du milieu interne hu- moral produit des alterations des tendances r6actionnelles de I’organisme, mais il faut aussi des stimuli provenant du milieu exterieur pour provoquer des reactions musculaires. Donc, on ne peut dans aucun cas soutenir que tel ou tel comportement soit endc- otc exogcne puisqu’ils sont tous endo- et exogtnes. Le crime, ainsi que chaque comportement bio-psychologique chez l’homme, est donc produit par un choc entre un organisme d’une structure determinee et des milieux internes et externes deter- mines.

I1 s’ensuit qu’une analyse approfondie des causes d’un crime determine requiert une analyse non seulement des caracttres bio-psychologiques et pathologiques de l’individu criminel mais

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aussi des milieux qui ont agi sur lui. C’est par une telle analyse, et par elle seule, qu’on peut determiner d’une manicre satisfai- sante le degre et le caractere de la dangerositC de I’individu.

I1 va de soi que d’autres facteurs importants peuvent orienter le choix des methodes pratiques de lutte contre le crime, tels que des maladies cCrCbrales et autres, des malformations cCrCbrales et psychiques dCriv&s de dispositions pathologiques, des influ- ences nocives du milieu psycho-social pendant la phase plastique du dCveloppement, l’Cducabilit6 de l’individu par diverses me- sures de traitement etc. NCanmoins la dangerosite garde sa place au premier rang des facteurs dont la connaissance est indispen- sable dans la lutte contre le crime. Cest pourquoi I’Cvaluation correcte de la dangerositC A ses diffCrents degrCs et dans toutes ses nuances sera toujours une tiche essentielle de la criminologie.

A premicre vue, le diagnostic de la dangerositC semblerait chose assez simple: un homme qui a commis un dClit insignifiant serait peu dangereux; un autre, par contre, qui a commis un crime grave serait trPs dangereux. Or, tous les criminologues ayant &die personnellement un grand nombre de delinquants savent que cette opinion n’est pas fondCe, bien qu’elle soit assez rCpandue parmi les magistrats. I1 y a donc une distinction A faire: par son acte criminel un homme peut avoir dCmontrC qu’il Ctait dangereux au temps de la perpetration de cet acte, mais dans bien des cas sa dangerositC s’est CpuisCe par le crime de sorte qu’elle ne persiste plus A l’avenir. Mais ce qui intCresse la poli- tique criminelle est precisement de savoir s’il continuera ou non d’&e dangereux.

D’autre part il y a beaucoup de cas oh le crime actuel est assez insignifiant tandis qu’une analyse de la personnalitC du dClin- quant et de son comportement anterieur au crime actuel dC- montre qu’il est trcs dangereux. C’est en) omettant de faire une telle analyse ou en ne poddant pas les connaissances nCces- saires que le magistrat manque souvent de choisir le traitement idoine.

Pour etablir le diagnostic de la dangerositC dans ses degrCs et nuances il y a deux chemins A suivre. D’abord il faut Ctudier

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la personnalite du delinquant sous tous ses aspects: le fond con- stitutionnel, les troubles psychiques accessoires d’origine lesion- nelle ou produits par des malformations cerebrales causees par des genes pathologiques ou conshtives B des circonstances ou des evenements malheureux. Pourtant une etude mCme appro- fondie de l’individu n’est presque jamais suffisante pour klaircir sur la dangerosite. La personnalite est la somme algibrique des tendances reactionnelles actuelles. Etant potentielles, celles-ci ne sont pas directement observables et ne se rivelent que par des reactions qui prisupposent des stimuli adequats. Selon le mot de Schopenhauer, le caractere est empirique, ce qui signifie qu’il est impossible de savoir avec certitude comment reagira un indi- vidu dans une situation oh il ne s’est jamais trouve auparavant. C’est pourquoi les action de personnes dont nous croyons con- naitre assez bien le caractere nous ebbahissent et nous epouvan- tent parfois. C’est aussi B cause de ce fait qu’il arrive trop sou- vent que le personnel de certains etablissements (asiles dalienes, prisons ou institutions correctionnelles dautre genre) se trompe sur le pronostique social des internes. Quand un interne est calme et ordonn6 pendant le stjour B l’etablissement, l’on con- clue faussement qu’il ses comportera de la meme manicre aprPs la sortie. Mais on oublie alors qu’il peut avoir des tendances reactionnelles aggressives et dangereuses qui ne sont pas activees dans l’etablissement, faute de stimuli adequats, tandis qu’elles se manifesteront aussit6t qu’il sera expos6 aux stimuli qui sont de nature B tveiller ces tendances aggressives. Car l’individu et son milieu font toujours une totalit6 fonctionnelle. Lorsque les circonstances misologiques changent, le total fonctionnel change aussi. Donc, pour revenir B l’exemple cite plus haut, l’individu n’est pas le mCme au point de vue fonctionml dans l’etablisse- ment que dans certains milieux exterieurs.

I1 est evident que c’est surtout la situation pr6criminelle et la maniere dont y a reagi le criminel qui peut nous donner des renseignements prkieux sur sa dangerosite. I1 est vrai que le crime mCme devoile souvent des tendances profondes et cachees jusqu’au moment de son execution, mais c’est B la lumike de

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la situation precriminelle que le genre de manifestation de ces tendances devient plus clairement explicable. De plus, la situa- tion# judiciaire du delinquant rend possible des recherches sur ses traits personnels et ses actions prkalables qu’il a dissimulees soigneusemat, recherches qui ne sont guke possibles dans dautres Situations.

Le comportement des hommes &ant determine par ses tendan- ces reactionnelles et les stimuli agissant sur eux il faut rechercher avec la plus grande attention dans les situations precriminelles les stimuli qui ont pu agir sur le delinquant. Ce faisant, on trou- Vera qu’il y a dew eseces de situations mesologiques qu’il faut bien distinguer et que nous avons coutume d’appeler les situa- tions spkifiques ou ,,dangereusesD et les situations non-spiki- fiques ou mnorphes,.

I . Les situations spe‘cifiques, dangereusesn

Elles se distinguent par deux traits: 1) L’occasion de commettre un crime est toujours prbente.

Le dklinquant pdsomptif n’a donc pas besoin de chercher l’oc- casion ou d’en creer les conditions.

2 ) La presence d’un facteur dynamique, c’est-&dire une pul- sion vers un acte criminel d’un certain genre. Cette pulsion peut Ctre constituk par des traits psychologiques individuels ou par quelque circonstance appartenant au milieu.

C’est par ces deux caractkes que la situation mesologique specifique devient dangereuse A deux points de vue: elle pr6- dispose le sujet ii un developpement criminel; elle expose les personnes et les choses qui appartiennent A l’ambiance du sujet et qui par cela se trouvent dans la situation dangereuse i Ctre la victime ou l’objet d’un acte criminel. Cest aussi par ces carac- tcres que la situation dangereuse merite une attention speciale.

Parmi les situations dangereuses il y a lieu de nommer d’abord la >,situation preincestueuse,, qui est tres simple et transparente. Avec mes C lhs , MM. G. Inghe et Svend Riemer, j’ai public une monographie basee sur 100 cas d’inceste soumis A un examen

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mental et sociologique pendant le proces. Dans les cas d’inceste entre $re et fille nous avons trouvC deux traits constants. D’abord un endiguement, une stase, de l’instinct sexuel pro- voquCe par la maladie ou la mort de l’Cpouse, par des incompa- tibilitCs d’humeur entre les epoux ou par d’autres circonstances. Parmi les circonstances favorisant l’incitation B l’inceste on trouve l’intimid de la vie familiale qui contribue B orienter l’instinct sexuel du sujet vers ses enfants.

L’occasion de commettre des actes incestueux est donnEe par l’intimite de la vie de famille et par 1’autoritC patemelle qui peut emecher la fille, surtout si elle est mineure, de s’opposer aux dCsirs de son e r e .

Les situations pddisposant B commettre des meurtres ou assas- sinats sur des membres de la famille impliquent la prCsence dans la famille d’un membre atteint d’une maladie mentale, entrainant une tendance destructive B l’encontre des membres de la famille. Le cas elassique est celui du e r e ou de la m2re mClancolique se trouvant sous l’inf luence d’un delire accom- pagne d’idCes de mortification et d’autoaccusation, souvent de caractke metaphysique, et se manifestant par l’idee d’avoir pCchC contre le saint esprit, p a 6 qui selom la doctrine chrktienne est hpardonnable. Dans son extrCme dtsespoir le malade com- mence B spbculer sur le sort metaphysique de ses enfants qui ne sont pas encore en &ge de commettre ce p&hC. Pour ks emptcher de tomber dans le mGme Ctat dCsesper6 oii il se trouve lui-mCme, il tue ses enfants. Dans ses cas le crime revtt un caractPre saltruisten.

Chez les sujets atteints d’autres formes de maladies mentales le mCcanisme psychologique menant au crime est diffkrent, ce qui n’emHche que le cours des 6vinements restent le mCme. Les meurtres ou les assassinats de membres de la famille sont un genre de crime dont les traits caracteristiques se rip2tent d’une mani6re monotone.

I1 y a une autre situation dangereuse qui prCsente une certaine ressemblance avec celle que je viens de dkrire. C’est celle oii une personne vit dans un milieu Ctroit, souvent celui de sa propre

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famille, duquel elle ne peut pas se soustraire et oh elle est pen- dant longtemps expode & un traitement brutal qui & la fin Cveille chez elle un sentiment de desespoir et de rCvolte qui aboutit & un meurtre ou assassinat commis contre le tourmenteur. En Suede oh il existe depuis une trentaine d’annees une ICgislation sociale visant le traitement des alcooliques et la protection de ceux qui sont objets de leurs tendances aggressives, il y a un type assez frequent que nous avons l’habitude d’appeler les Btourmenteurs d’CpouseB. Cependant, malgrC la frcquence de cette situation dangereuse, il n’arrive presque pas chez nous que les femmes maltraities commettent des aggressions contre leurs maris. Cela dCpend en majeure partie de l’existence de cette ligislation qui-rend possible de protCger la famille en plasant l’alcoolique dans un Ctablissement de traitement avant que la femme ne soit arrivCe ii un tel degrC d’exaseration qu’elle ne trouve autre moyen de protection pour elle-mtme et pour ses enfants que de tuer son mari.

Lors d’un voyage d’Ctudes aux pays balkaniques comme mem- bre d’une commission nommCe par Howard League de Londres, je vis dans tous ces pays un grand nombre d’assassins femmes. En me renseignant sur elles, je sus que la plupart d’entre elles avaient CtC mariees & des buveurs qui pendant des annCes les avaient maltraitees cruellement ainsi que leurs enfants. Une des causes de ces crimes Ctait donc le manque dune legislation de protection & I’Cgard des membres de familles contre un e r e ou un fils alcoolique et aggresseur. Pendant une visite en France que je viens de faire et qui ne dura que trois semaines j’ai connu par les faits divers de journaux pas moins de trois cas du mtme genre. Les conditions sous lesquelles vivaient les femmes et les enfants de ces buveurs Etaient les memes que j’ai connues dans des milliers de cas en Suede sans que les tourmenteurs aient CtC tuCs par les victimes de leur activite brutale. En fait, il n’y a dans les prisons de Suede pas un seul assassin femme. Les cas rares oh une femme a recours & un meurtre ou assassinat sont tous des cas clairement pathologiques (psychoses mClancoliques ou confusionnelles etc.) . En raison des circonstances psycholo-

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giques d’oh naissent les crimes commis par des 6pouses maltrai- tees, ils peuvent Ctre caractCrids c o m e des actes d’evasion ou des instances de 16gitime defense.

Quant au developpement psychologique qui mene i la cata- strophe, on trouve bien des mCcanismes psychologiques qui ont 6t6 si bien dkrits par M. de Greeff dans son rapport general au CongrPs de criminologie de Paris1 Le maltraitement continu reveille des sentiments d’irritations, de colere, de depit, melanges de crainte. Le comportement odieux du tourmenteur produit un dhalorisation progressive ainsi qu’un desengagement croissant i son Egard. Les sentiments de pitie qui au commencement de son developpement vers l’alcoolisme ant pu Ctre provoquPs par sa dCterioration physique et morale sous l’influence de l’alcool s’atrophient bient6t et sont remplaces par un mutisme affectif ou une haine profonde. A la fin, la tension kmotionnelle devient si intense qu’elle explose en un acte criminel. Dans un cas une femme fragaise pousde i bout par les mauvais traitements qu’elle subissait depuis des annees par son .mari buveur fit un jour bouillir une grande quantite deau, et quand celui-ci Ctait rentre completement ivre et s’etait touche, elle l’avait echaude avec l’eau prCpar6e i l’avance.

M. de Greeff considere que le .silence affectif. envers la vic- time d’un acte criminel peut s’expliquer par un dkeloppement successif sous des influences psychologiques anormales chez une personnalite parfaitement saine au point devue biologique. Seule- ment, si le .silence affectif. est absolu et le crime commis est excessif, il suppose que Bseuls des Ctres profondement tares sont susceptibles d’en Ctre amen& l i sans trop s’en apercevoir.. Je suis du mCme avis. Mais leses biologiquement ou non avant le developpement qui a abouti au crime, les criminels de ce genre doivent tous Ctre exempts de punition et soumis i un traitement mCdical. Car leur &at psychologique lorsqu’ils comettent des crimes de ce genre est manifestement anormal. De plus, ils a p partiennent au groupe oh la dangerosite s’kpuise avec le crime.

Etienne de Greeff: La criminogCdse, Rapport g6nCral pr6sentC au Ile Con- grb international de Criminologie P Paris 1950.

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I1 n’y a donc pas lieu d’aggraver leur vie malheureuse par le malheur ulterieur d’une punition severe mais inutile pour la pro- tection de la sociite.

Dans la situation dangereuse dont je viens de parler, ainsi que dans la prkcedente, l’occasion de commettre un crime est donnee par la vie en commun du criminel et de la victime. La pulsion vers le crime vient de la rngsadaptation psychologique et la situa- tion emotionnelle tendue de la victime du tourmenteur qui la pousse B chercher B s’evader par n’importe quel moyen.

Un autre genre de situation dangereuse se trouve chez les sujets predisposes B tuer leur maitresse. A l’6gard de ces ntueurs de maitressen aussi; -la situation psychdogique se rehrouve avec monotonie d’un cas B l’autre. Ici on trouve un homme, en gin& ral assez j e w , et qui a une liaison avec une jeune fille. Elle veut rompre avec son amant mais il refuse. I1 pense ne pas pou- voir vivre sans elle, il devient inquiet et agite, il commence a dor- mir mal, il niglige son alimentation, il devient de plus en plus deprirni et l’id6e de se suicider nait en h i . I1 rumine cette idee et les traits pathologiques s’accentuent. Un caractcre distinctif chez ce type de sujets est la tendance B executer le projet de suicide en presence de la maitresse. Ceci parait rkv6ler un trait nhysterique, et autocommiserateur. En se suicidant sous les yeux de sa maitresse il tend B conserver son emprise sur elle en la foriant de se souvenir toujours avec remords du fait que par sa duretC elle a provoquC son action dCsespCr6e.

Chez une personne qui est d6cidCe ou se croit dCcidCe A se suicider tombe une des barrieres dressee contre l’acte criminel. Si le sujet se tue immediatement apres son crime, rien de pire ne peut lui arriver. Dans la constellation psychologique precurseuse de ce genre de crime on trouve aussi un sentiment de grief envers la maitresse. Si, moi, je meucs,-pourquoi continuerait-elle de vivre et de jouir de la vie? Pourtant, ce qui est remarquable dans ces cas c’est qu’en-g6nCral ik n’y entre hucun sentiment de ja- 1 o u s i e .

Si l’amant s’est arm6 et se trouve en presence de sa maitresse elle court un grand risque. Car mtme dans les cas oh l’amant

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n’a eu prealablement aucune intention de la tuer, il arrive sou- vent qu’une pulsion subite survenue sans provocation discer- nable de la part de la jeune fille aboutisse ii un attentat ii sa vie.

Dans le premier cas de ce genre que j’aie connu, le jeune homme, apres avoir tire quelque coups de revolver sur sa mai- tresse, jeta l’arme par terre et courut se jeter dans l’eau d’une petite Tiviere qui se trouvait tout prPs. Bien qu’il n’y eiit que 50 centimetres d’eau, il reussit i se noyer en se couchant sur le fond de la riviere. Cependant quelques jeunes garsons qui l’avaient vu appelerent au secours et le noye fut repkhC hanoui et ranime par la respiration artificielle. La jeune fille fut sauvee aussi.

Dans ce cas il y avait donc un ,,suicide etendu, mais rate. Dam d’autres cas la force d’action s’epuise par l’attaque sur la femme de sorte qu’il ne se produit aucune tentative de suicide. Nous appelons les cas de ce genre des .suicides derailles..

Les situations predisposant aux meu‘rtres de maitresse presen- tent les traits caracteristiques des situations dangereuses: une tendance auto-destructive provoquee par le conflit Crotique et Ctendue ii l’objet de l’instinct sexuel comme pulsion ii l’acte criminel et l’intimite entre les amants offrant l’occasion de da- liser la pulsion criminelle.

Dans la clinique de psychiatrie legale, j’ai pu etudier un assez grand nombre de ces cas et j’ai 6t6 frapp6 par la monotonie du mecanisme psychologique actif. Parfois ce mecanisme se r6vele mCme chez des schizophrPnes qui commettent des suicides eten- dus ii l’objet de l’instinct sexuel. I1 semble donc que la situation erotique donnee declenche un mecanisme preform6 qui e s F pro- fondement enracine chez des hommes d’un certain type psycho- logique. Une autre observation interessante est qu’en general on ne trouve pas d’autres tendances criminelles chez ce genre de delinquants.

I1 est. bien comu par la vie et par la litterature qu’il existe m e connexion entre la passion Crotique et la tendance suicidale. Des cas de Bmort en beaut& et ,suicide ii deux. sont relates de temps en temps dans les faits divers de la presse. Parfois ils ont

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un) caractcre retentissant par la situation sociale des protagonis- tes. Ce lien! entre un sentiment qui est au service de la propaga- tion du genre humaine et une tendance vers l’autodestruction peut paraitre Gnigmatique. Pourtant il y a dans ce sentiment et dans les attitudes sociales qu’il bveille chez les amants memes et dans leur entourage bien des circonstances qui expliquent la chose. La passion erotique est une emotion tellement forte et particulicre qu’il y a peu de ressemblance entre elle et les petites emotions provoquees par les ev6nements de tous les jours. A cause de cela ces petites Emotions banales sont regardees par ceux qui sont envahis par la passion 6&ique comme mesquines et ayant peu d’importance. 11s savenk que la plupart de leurs semblables envisagent leur passion avec une curiosite bienveil- lante ou critique, souvent amude. Pour beaucoup d’entre eux l’attachement profond qui existe entre les deux amants parait chose inexplicable ou ridicule. Cette attitude de leur entourage leur donne l’impression d’Ctre isolks dans un monde hostile. A l’instar de Zeus qui tikhait de cacher dans des nuages ses aven- tures sentimentales aux regards jaloux de Hera ils font de leur mieux pour tenir secrete leur passion. Tout cela augmente leur sentiment d’isolement social et leur dgsengagement envers les choses du monde exterieur.

Si leur situation sociale est telle qu’une solution de leur pro- bl2me peut Ctre obtenue par collage ou mariage la forte tension emotionnelle s’abaisse peu ii peu et leurs attitudes envers leur milieu social s’egalisent. Si, par contre, une telle solution est impossible il arrive souvent que leur divalorisation de tout ce qui n’est pas leur passion augmente ainsi que leur desengage- ment vis-ii-vis du genre de vie qui est le lot de la plupart de leurs semblables, et leur aventure erotique finit dans certains cas par une crise suicidale. -

Leur sentiment d’Ctre en conflit avec leur monde social qu’ils sont pourtant incapables de negliger completement provoque une reaction emotive de deplaisir qui renforce leur desengagement ewers la vie. Ainsi leur vie hotionnelle oscille entre un maxi- mum de plaisir et un maximum de deplaisir. D’ailleurs l’inten-

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sit6 de leur activite erotique contxibue aussi B produire une fati- gue extdme qui est souvent accompagnee d’un 6tat de deplaisir intense avec des vellEit6 de mourir. Cela arrive chez des hom- mes en plein equilibre mental et sans que ces velleites soient prCced6es d’une dEvalorisation de la vie par suite de crises psy- chologiques commes celles qui se trouvent chez des couples en- vahis par une passion erotique.

.Les situations de jalousie, prgsentent des traits analogues. I1 s’agit d’une situation1 trotique oir l’un des partenaires ou to,us deux ont ou croient avoir des griefs l’un envers l’autre. L’insatis- faction) fait naitre l’idCe que l’interh erotique du partenaire a trouve un objet nouveau. C‘est avant tout chez les alcooliques qu’on trouve des idees de jalousie dont la vivacite et l’emprise sur le sujet est en1 raison directe avec le degrC d’intoxication chronique. S’il est prive d’alcool pendant quelque temps les idies de jalousie palissent ou disparaissent enti2rement pour reparaitre quand il reprend ses habitudes alcooliques. Cette rela- tion entre les idees de jalousie et le degre d’intoxication semble dimontrer que les lesions cer6brales produites par l’intoxication constituent une cause importante de ces idees. Mais tous les alcooliques ne sont pas jaloux. Dans la genbe des idEes de ja- lousie il y a donc d’autres facteurs d’ordre individuel ou m b - logique.

Chez les jaloux alcooliques on trouve la mCme tendance de- structive que chez 1e.type de sujets prkcCdemment CtudiC. Mais contrairement aux Dtueurs de maltresse,, les tendances destruc- trices des jaloux n’empruntent pas en general le detour du sui- cide. Leurs attaques contre l’objet de leurs desirs sont directes et souvent trCs brutales. J’ai connu des cas oh des alcooliques ja- loux oat tkhC de faire sauter A la dynamite l’appartement ou meme toute la maison 06 ils habitaient avec leur f a i l l e . Dans un cas, un alcoolique qui s’opposait B l’action en divorce de sa femme essaya de la detruire et de se suicider A la dynamite pen- dant le coit. Ce qui dkmontre une certaine affinit6 avec le groupe precedent.

La contribution des alcooliques B la criminalit6 est Cnorme.

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Parmi les situations dangereuses oii des intoxiqucs alcooliques jouent un r8le il faut nommer les nrixes des alcooliques,. Tandis que la dangerosite des tueurs de maitresse et des jaloux est strictement localide et se dirige contre un seul objet, les aggres- sions commises par des alcooliques violents peuvent Ctre dirigks contre n’importe qui se trouvant par hasard dans leur entourage. Ce genre de dClit porte 6galement la marque de la criminalit6 alcoolique, A savoir la brutalit6 et la disproportion entre le sti- mulus declenchant l’acte et son caractcre excessif.

Jusqu’ici il n’a 6te question que des situations dangereuse oii la dangerosite est dirigke contre des personnes. Dans d’autres situations dangereuses elle se dirige contre la propriite.

Comme paradigme on peut mentionner nla situation de d& tournementn oii l’occasion de commettre un dClit est constituee par le fait que le sujet dispose de biens appartenant A autrui et qui lui ont 6t6 remis en d6p8t ou A titre de mandat.

Cependant la pulsion au crime peut relever de types tres varies. Elle peut Ctre constituee par des circonstances misolo- giques extirieures, le plus souvent des dif ficultCs Cconomiques causees par un salaire insuffisant, une famille trop nombreuse, des- accidents du travail ou d’autres evinements malheureux, des maladies de longue duree et entrainant des depenses conside- rables etc.

Dans d’autres cas la pulsion est produite par des traits indi- viduels. Ici on trouve une trcs grande variation. Un des types les plus fr6quents est le joueur qui aime l’argent, mais essaie d’Cviter l’effort necessaire pour le gagner. I1 joue A la loterie, il sp6cule A la bourse etc. Lorsque ses revenues sont insuffisan- tes pour couvrir ses depenses il emprunte A la caisse qui lui a 6t6 confiCe, il hypotheque les titres qui lui ont 6te remis en dep8t etc. Evidemment on ne connait pas le nombre des cas oii ces operations reussissent. En cas d’Cchec, leur auteur est traduit devant les tribunaux.

Dans un de mes cas j’ai trouvC une vanit6 et un snobbisme excessif A la base des detournements. I1 s’agissait d’un cais- sier de banque qui avait dCtournC de grosses sommes. I1 etait

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LES SITUATIONS PSYCHOLOGIQUES PIU~RIMINELLES 199

d’extraction modeste mais il avait l’ambition de paraitre un homme de haute culture et de goQts raffinCs. Pour realiser ce rCve il achetait @le-mCle des meubles antiques, des objets d’art etc. N’etant pas du tout comaisseur, il devait payer cher des imitations sans valeur. Son ambitionae s’arretait pas li. I1 acheta un immeuble dans l’archipel de Stockholm oh il fonda un petit musee ethnographique en plein air, imitation du jardin publique de Skansen i Stockholm oh l’on a recueilli des maisons et autres objets de l’antique culture suedoise. Tout cela coQtait des som- mes qui exckdaient de beaucoup ses ressources Cconomiques. Pour satisfaire i son snobbisme maniaque il dktourna quelques centaines de milliers de couronnes. I1 fut condamn6 ii 14 mois de travaux forces en juillet 1936 et libere en aoQt 1937. Une re- cherche en cours i 1’Institut de criminologie de Stockholm sur le prognostic social de 500 delinquants examines par 0. Kinberg dans les annees 1930 pendant l’instruction a rCvClC qu’i partir de sa liberation cet hom!me a gagne sa vie honnCtement dans le commerce - d’antiquitis.

Un autre caissier de banque qui vivait dans une petite ville, avait dttournC quelques milliers de couronnes. Sa situation eco- nomique etait bonne. I1 n’Ctait pas joueur. I1 n’avait pas de vices. I1 menait une vie tranquille sans attirer l’attention. Un beau jour, une personne vint i la banque pour solliciter un emprunt. La banque trouva la caution insuffisante et refusa. Pour une raison ou une autre, le caissier s’offrit i aider cet homme qui se trou- vait dans une situation difficile. Un peu plus tard la mtme chose se repeta. I1 fut connu dans la petite ville que le caissier pouvait procurer de l’argent quand la banque avait refuse. Les sommes qu’il prCtait augmentant, il cormnenca i emprunter i la caisse de la banque. Fatalement, les emprunteurs ne pouvaient pas tous remplir leurs engagements et ainsi les dCtournements du caissier se r6velGrent. Ici aussi on trouve comme facteur in- citateur une vanite excessive, seulement d’un autre genre que dans le cas precedent, une es@ce d’attitude de bon Dieu qui pouvait toujours aider, mCme lorsque les banques refusaient leur appui.

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Une fois j’ai observe le fait un peu paradoxal qu’un homme commettait des detournements err raison d’une sorte de pathos social. I1 occupait une poste de confiance dans une organisation ouvricre comme distributeur dallocations de ch8mage. Dans des cas oii il trouvait que l’autorite centrale n’avait pas attribue des allocations suffisantes il les augmentait en prelevant la diffe- rence sur la caisse qu’il administrait.

Assez souvent des detournements sont engendres par l’igno- rance des rcgles de la comptabilite ou par surmenage et incapa- cite d’executer les maniements de comptabilite necessaires A une gestion correcte des af feires.

Dans bien des cas la situation dangereuse se trouve associee A une certaine profession. Cest ainsi que des escroqueries sont souvent commises par de modestes voyageurs de commerce qui circulent pour recueillir des ordres. C m m e ils sont ma1 payes et souvent assez alcooliques, il leur arrive de temps en temps de se trouver dans des difficult& economiques qui les induisent A des maneuvres illicites.

L‘analyse d’un tr6s grand nombre de delinquants et leur con- duite dans des situations dangereuses nous a permis d’en tirer certaines conclusions.

1. Les situations dangereuses selon la definition donnee ne sont pas dangereuses pour toutes les personnes qui s’y trouvent. I1 y a donc lieu de distinguer entre celles qui sont dangereuses objectivement et subjectivement. Ce qui decide si une situation dangereuse du point de vue objectif est egalement dangereuse subjectivement est la structure biopsychologique des personnes qui s’y trouvent.

2. La dangerosite est souvent limitee A une seule forme din- fractions. L’yassin de famille, l’incestueux, le tueur de ma;- tresse, l’escroc voyageur de commerce par exemple sont dange- reux dans leur situation sgcifique mais en gCn6ral pas dans une autre situation.

3. La dangerosite est souvent orientee contre une personne determinee comme chez les ntueurs de maitressen et les jaloux,

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ou B un certain groupe de personnes c o m e ches les ,assassins de membres de la famillen. 4. Dans certains cas la tendance B rkidive peut Gtre con-

siderable tandis que les dClits sont assez insignifiants. Ainsi les petites escroqueries likes A un certain metier se repctent souvent avec un grand nombre de dClits sous chaque recidive. Donc la disposition B delinquer est facile B rheiller, et pourtant le degrC de dangerosite est asset faible.

5. La dangerosite spicifique disparait si le delinquant ce$se de se trouver dans la situation dangereuse.

Les codquences pratiques au point de vue criminologique qu’on peut tirer de la connaissance des situations dangereuses et de la manicre de combattre la ddinquance specifique qui en d6- coule sont considerables. D’abord il importe d’empCcher qu’un delinquant soit replace dans la situation dangereuse prCcCdente apres avoir purge sa peine. Dans un de mes cas l’autorite p h i - tentiaire avait preconisC la grLce d’un incestueux B condition qu’il rentrit dans sa famille. I1 en rCsulta un nouvel inceste.

De plus, quand la situation dangereuse est liCe B une profes- sion determinee on doit empCcher que le delinquant reprenne son, metier aprcs l’exkcution de la sanction.

Les consequences pratiques d’ordre general ne sont pas moins importantes. Les situations dangereuses sont trcs fr6quentes et n’importe qui peut s’y trouver un beau jour. MCme ayant reconnu sa situation il peut se croire B l’abri du danger puisqu’il n’Cprouve aucune pulsion au crime. Mais le facteur dynamique qu’im- plique la situation peut augmenter de force, de sorte qu’une situation qui ne presente aucun danger B l’heure actuelle peut devenir dangereuse soit pour celui qui se sent poussC vers un crime, soit pour celui qui est menace d’en devenir la victime. I1 y a donc lieu de traiter les situations dangereuses avec beau- coup de circonspection. Lorsque par exemple un homme dont la maitresse veut rompre avec lui commence A parler de suicide, i souffrir d’insomnies, B paraitre inquiet, agit6, dtprime, la fem- me se trouve en danger manifeste et doit s’eloigner de lui par tous les moyens. 2

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11. Les situations non-specifiques, Bamorphes, Ce qui caracterise ces situations est que l’occasion de com-

mettre un dClit n’est pas prCsente mais doit Ctre recherchee. Cela exige la formation d’um plan, la reconnaissance du lieu du crime projet;, les preparatifs, l’acquisition des outils nkssaires, le choix de complices etc. En s o m e , tout cela demande une activite plus itendue. Cela montre que les personnes qui com- mettent des crimes dans des situations amorphes ont une disposi- tion criminelle plus ou moins alerte. Cependant, malgrC cette predisposition au crime les dommages qu’ils provoquent ne son& pas toujours trth graves, comme dans le cas des specialistes en escroqueries miniatures ou en petits larcins. I1 n’y a donc pas toujours un parallelisme entre la force de la tendance criminel le et le degre de dangerosit6.

Dans les situations amorphes le danger d’Ctre la victime du crime est moins limit6 A des personnes particulicres ou aux grou- pes particuliers que dans les situations specifiques.

Cependant, parmi ceux qui commettent des crimes sous l’in- fluence de situations amorphes il y a des specialistes qui com- mettent toujours des delits d’un certain genre (pick-pockets, certains escrocs) tandis que d’autres timoignent d’une crimina- lit6 polymorphe.

* * *

Pour la criminalit: des bandes, des ligues et des associations de gangsters, la situation est intermediaire entre le type sp6ci- fique et le type non-sgcifique. Ici ce sont des criminels qui in- ventent une technique criminelle par laquelle ils rendent plus effi- cace leur activitC, en mtme temps qu’elle protcge dans une me- sure plus ou moins itendue les membres contre les poursuites judiciaires. On sait ainsi que des ligues criminelles comme les camarillas, les maffias et les gangsters americains emploient avec succ6s des methodes terroristes combinees avec des mesures de corruption destinees ii mettre obstacle A des poursuites hen- tuelles contre les leurs.

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Pour les membres subalternes de ces ligues la structure de la ligue peut equivaloir B une situation dangereuse, par le fait que les chefs preparenk les occasions de commettre les crimes et com- mandent B leur personnel de les executer. De plus, les ligues pratiquent dans leur sein des methodes de terreur pour retenir les membres qui ont d6jB donne leur adhesion. Enfin un lien psychologique interne maintient leur solidarite; c’est la morale propre au groupe et engendree par les conditions speciales dans lesquelles vivent les membres de la ligue.

Tous ces traits, imputables au groupe, chez les sujets retenus dans les ligues criminelles augmentent leur dangerosite en redui- sant leur force de resistance, par suite de la desorganisation de leurs regles prealables de conduite.

La situation oh se trouvent les delinquants condamnes B des peines privatives de liberte et internes dans un penitentier pour- rait aussi &re considErie comme intermediaire entre la situation dangereuse et la situation amorphe. Certes, tant que le prison- nier se trouve dam la prison il est emptche de commettre des debts contre des personnes en dehors de la prison et ses possi- bilitks criminelles dans la prison sont assez restreintes. Seule- ment, comme l’ont d6montrt les rapports sur ,La prison facteur criminogene,, present& au Congres de Criminologie B Paris en 1950, et les discussions auxquelles ils ont donne lieu, l’influence exercee par le milieu des prisonniers sur le prisonnier individuel tend B renforcer la pulsion vers le crime et B diminuer la resi- stance contre cette pulsion. Ainsi les influences psychologiques de la foule criminelle qui se trouve dans la prison tendent B assimiler chaque nouveau venu et constituent par cela une pre- paration B une delinquence future. De mgme, l’atmosphere de la prisoa, constituee par le regime penitentiaire, et les attitudes du personnel envers les internes contribuent B les preparer B la recidive. Par ce fait la prison est dans beaucoup de cas une source indirecte de delinquence.

Par cet expos6 j’ai voulu montrer que, par une andyse du comportemenit de l’individu dans une situation bien etudiee, on

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peut arriver ii une connaissance plus complete et plus nuanck de sa dangerosite dont on peut distinguer nombre de caracdres: sa limitation i certaines situations et sa direction contre certaines personnes; la disposition plus ou moins forte ii commettre des actes criminels qui n’est pas toujours en raison directe du degre de dangerosite; la manifestation de la dangerosite par un seul genre de crime ou par une criminalit6 polymorphe; la duree de la dangerosite qui s’epuise parfois dans le crime commis (meur- tre de la maitresse ou assassinat d’un membre de la famille, in- ceste decouvert et puni) .

I1 est evident qu’une analyse des situations precriminelles, si pcnetrante soit-elle, ne peut donner qu’une connaissance incom- plPte de la genPse d’un crime concret. Car la situation precrimi- nelle seule, sans prejudice de la force de la pulsion, ne mPne pas toujours au crime - heureusement, car autrement le volume total du crime serait encore plus eleve qu’il n’est actuellement, ii cause de la frequence des situations dangereuses. La question de savoir si une situation precriminelle, specifique ou non, pro- duira un crime depend de la structure personnelle de celui qui s’y trouve. Pour mieux connaitre les facteurs menant i un crime concret une analyse approfondie de toute la personnalite du delinquant est donc indispensable. Une telle analyse doit ren- seigner sur le fond constitutionnel du delinquant, ii savoir ses caracteres phenotypiques & mesure qu’ils proviennent d’une va- riation quantitative de dispositions ou gPnes normaux qui ob- tiennent chez tous les hommes, et un milieu evolutif qui est nor- mal au sens qu’il ne dCvie pas beaucoup de celui qui existe pour la plupart des hommes. Puis, elle doit rechercher des deviations tvolutives conditionnees par des dispositions pathologiques qui n’existent que chez certains hommes. Encore faut-il s’enquerir sur l’existence de lesions survenues chez des individus aupara- vant sains et normaux, par des facteurs interieurs (toxiques, in- fectieux, allergiques etc.) ou exterieurs (traumatiques, d’ordre thermique, electriques etc.) . En dernier lieu il faut se renseigner sur les changements dans les attitudes sociales et morales engen-

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dres par des facteurs d’ordre psychesocial pendant la vie de l’in- dividu anterieure 2 la situation precriminelle.

Si l’on entreprend un tel examen total de la personnalite du delinquant du point de vue medical, psychologique et psycho- pathologique on trouve souvent non seulement des circonstances ambiantes et qui ont poussC vers le crime, mais aussi des faibles- ses constitutionnelles, des defectuosites biopsychologiques d’ordre evolutif et des troubles psychiques causes par des lesions cCrC- brales. Souvent ces lesions cerebrales sont si subtiles du point de vue symptomatologique qu’elles n’ont pas etk diagnostiquees ’au temps de leur premiere manifestation, ce qui fait qu’elles sont inconnues A leur porteur.

Un psychologue anglais, sir Cyril Burt,‘ a &he de subtiliser la contribution medicale 2 l’etude de la criminogenese en soute- nant que l’attitude du medecin est essentiellement clinique. En general, il verrait ses patients couches dans leurs lits d’oii suiv- rait qu’il serait dispose a regarder la maladie ou l’infirmite com- me logee dans le malade lui-mCme au lieu d’en chercher les causes ailleurs. Selon M. Burt le crime est Ble resultat d’une reaction parfaitement naturelle quoique pas desirable chet un sujet parfaitement sain et normal sur une situation qui peut Ctre considCree comme anormale ou pas desirable*.

L’opinion de M. Burt est assez representative de la thgorie purement mesologique de la genese du crime. Car en appliquant cette theorie on oublie facilement la personnalite du criminel situee sous un grouillement de circonstances appartenant au milieu psycho-social. D’abord, les facteurs pourtant t d s impor- tants du milieu interne humoral sont negliges. Puis, un grand nombre des circonstances psycho-sociales alleguees sont des in- gredients tellement frequents de la condition humaine qu’elles ne pourraient pas Ctre considCrees comme anormales du point de vue statistique. Donc, si la theorie preconisee par M. Burt Ctait

Sir Cyril Burt: The Psychology of Crime dans *The Study of the Mind, (dans la publication de B. B. C. The Listerner, XLIV: nris 1131-1138). London 1950.

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vraie la majorite des citoyens de la mi i t6 actuelle seraient pro- bablement des criminels.

D’ailleurs je crois que la signification donnee par M. Burt au terme ncliniquen est peu exacte. Car, selon la terminologie ac- tuelle la vue clinique veut dire qu’on tlche de regarder le com- portement de l’organisme humain dans tous ses connexes cau- saux au lieu de restreindre l’attention h un certain groupe de phenomenes. C’est precisement h d6faut de cette vue d’ensemble, dniquen, qu’on arrive h de telles explications borgnes de la criminogenbe.

* * *

Par une analyse de la situation precriminelle on peut trouver encore d’autres points de repcre pour Cvaluer la dangerosite.

Si dans une situation dangereuse .un crime sera commis ou non, depend de la force relative des facteurs incitateurs et de la resistance. Au cas 06 un crime est commis bien que la force de la pulsion soit faible, la resistance doit nkessairement etre encore plus faible. Cela prouve que la disposition criminelle est 6veill6e et forte ce qui veut dire qu’un stimulus ad6quat assez faible est suffisant pour provoquer un crime.

Dans un de mes cas un jeune homme qui subissait une peine pour vol tua un jour un gardien avec un tranchet qu’on lui avait laiss6 dans la cellule 06 il etait occupe h un travail de cordon- nerie. La cause pr6ponderante de l’acte Ctait une irritation forte chez le prisonnier. A l’lge de 12-13 ans celui-ci avait et6 place dans une maison de correction pour des mineurs. Un jour qu’il s’etait irrite contre le directeur de la maison, il d6cida avec un camarade de faire sauter la maison h la dynamite. Les deux com- pagnons se preparerent h executer leur projet et seule leur igno- rance technique emgcha la realisation de leur plan. La tendance destructive chez ce garson et sa faible resistance aux incitations au crime constituaient donc un systBme de facteurs poduisant une dangerosite excessive.

Dans d’autres cas on trouve que des pulsions fortes ont agi longtemps sur un individu avant que le crime ne fQt commis.

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Cela prouve que la resistance a ete considerable. La probabilite qu’un tel homme se trouve de nouveau dans une situation oii les pulsions auront une force suffisante B vaincre la resistance est donc faible. Cest pourquoi sa dangerosite future doit Ctre considCree comme assez faible, mCme si le crime actuel a 6t4 assez grave.

Pour juger du degre et du genre de la dangerosite il y a un autre couple de facteurs dont il faut tenir compte. C’est la rela- tion entre la force de la pulsion et l’extension de la reaction criminelle. Si une pulsion assez faible pmvoque une reaction criminelle excessive il y a lieu de conclure que la dangerosite est tr2s grande et qu’elle provient de troubles mentaux scrieux.

Si un acte tombe dehors de la Ggle de la vie, c’est-&dire, si elle devie beaucoup de ce qui arrive habituellement, il y a lieu de douter que 1’6vCnement suppose soit arrive de la manihe imaginee.

Si un acte criminel suppos6 est tout Li fait incomprehensible, on peut conclure ou qu’il s’est passe differemment qu’on le croit, ou qu’il est d’origine pathologique.

I1 est bien connu de nos jours qu’une grande partie, peut-ttre la plupart des crimes graves sont commis par des personnes souffrant de quelque trouble mental, de vesanies classiques, de dysfonctions psychologiques survenues B la suite de lesions &re- brales de nature variee, soit de malformations psycho-cerebrales en relation avec des g h e s pathologiques. La tendance criminelle etant souvent liee Li des traits psychopathologiques, le diagnos- tic exact de la dangerosite presuppose dans ces cas une analyse clinique des phEnom2nes psychopathologiques que peuvent re- veler les prbvenus. Pour se former une opinion sur la dangerosite d’un accus5 le juge ne peut donc pas se passer de l’aide d’un psychiatre expert en criminologie.

Les jurisdictions penales peuvent f aire deux sortes d’erreur quant B la dangerosite. En concluant du peu de gravite du crime

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actuel i un faible degrt de dangerosite chez le criminel elles sont disposees i le traiter d’une manicre routinicre sans prtter beaucoup d’attention B son caractcre. I1 s’ensuit que son traite- ment est souvent inadequat, ce qui mcne necessairement i des nouvelles infractions du mtme delinquant. Aussi ne crois-je pas exagCrer en disant qu’au moins dans mon pays la meconnais- sance de la dangerosite chez des criminels dont le crime actuel est insignifiant est une des causes du recidivisme. En sous-esti- mant la dangerosite reelle chez certains criminels, les tribunaux affaiblissent donc la defense de la societe contre les infractions penales.

L’erreur contraire des tribunaux criminels consiste i surestimer la dangerosite en raison de la gravitC du crime actuel. Comme je l’ai souligne auparavant il y a beaucoup de criminels, surtout parmi ceux pour lesquels une situation dangereuse est indispen- sable pour l’holution d’un crime, dont la dangerositk s’epuise par l’action criminelle. Leur dangerosite future est donc insigni- fiante ou nulle. En infligeant des peines skvcres et de longue durCe B de telles personnes, les tribunaux rendent un mediocre service B la protection de la societe et affligent des dommages inutiles aux delinquants en mtme temps qu’ils imposent des de- penses inutiles i la sociCt6. Dans de tels cas le condamn6 qui connait mieux que son juge les facteurs qui l’ont influence avant la pergtration du crime et qui regarde la punition qui lui a Et6 infligCe par la sentence comme excessive et injuste Eprouve des sentiments de ressentiments, de rancune et de defi qui renforcent en lui des attitudes antisociales. Une peine excessive vis-i-vis de la dangerosit; existante peut donc devenir un facteur crimino- gPne.

La connaissance des situations dangereuses est importante non seulement pour les responsables de la politique criminelle (ma- gistrats, personnel des etablissements charges du traitement des delinquants et de la prevention du crime etc.) mais aussi pour le public. N’importe qui peut se trouver dans une situation dangereuse, n’importe qui peut ttre victime d’une infraction

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penale, n’importe qui peut Ctre atteint d’une maladie mentale de nature B altCrer sa personnaliti et B le prCdisposer B commettre des infractions pCnales. I1 est donc utile ii tout le monde de con- naitre les situations psycho-sociales qui peuvent amener une per- sonne B &re la victime ou l’auteur d’un crime.

La criminalit6 est une esece de maladie sociale dont les ra- cines profondes et enchevCtrCes sont rEpandues un peu partout dans la sociCtC. Cela Ctant, il semble peu probable que les or- ganes de la sociCtC charges de combattre le crime puissent reus- sir seuls B mettre une fin B 1’activitC criminelle des particuliers. Pour mieux proteger la sociCtC contre les infractions gnales, il faut une aide active de la part du public. Cela presuppose non seulement une solidaritC des honnCtes gens contre le crime mais aussi une meilleure connaissance des facteurs criminoghes. Parmi ceux-ci, les facteurs mCsologiques sont plus faciles B re- connaitre que les facteurs individuels, qui comprennent non seulement les traits psychologiques normaux mais aussi les traits psychopathologiques peu Cvidents aux yeux du public.

Au contraire les situations dangereuses spbcifiques sont re- connaissables sans difficult6 aussitat que l’attention a 6t6 attirCe sur elles. Si par exemple on savait gCnCralement que la presence dans une famille d’un malade mClancolique atteint d’un dClire de mortification et d’autoaccusation de caract6re metaphysique implique que le malade peut trPs bien se suicider ou attenter gravement B la vie d’un ou plusieurs membres de sa famille, beaucoup d’homicides sur des membres de f amille pourraient Ctre emptchb. D’ailleurs, tous les criminologues ayant une ex- pCrience personnelle des criminels savent qu’un grand nombre de crimes trPs graves effectivement commis auraient pu Ctre prCvenus si l’entourage du criminel ou de la victime avait com- pris le danger de la situation oh il se trouvait.

La langue anglaise posscde un mot qui exprime trPs bien une certaine situation prCcriminelle; c’est le mot murderee qui dC- signe une personne qui par son comportement pour ainsi dire fait croitre le risque d’Ctre assassinee. En SuPde nous possCdons depuis plus de trente ans une organisation pour le traitement

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des alcooliques qui nous donne des renseignements assez detail- 16s sur 15.000 alcooliques environ. Or, j’ai mainte fois pu con- stater comment des ipouses d’alcooliques en favorisant les abus de leurs maris ou en excitant par des paroles ironiques ou am- bigues leur irritation ou leurs sentiments de jalousie, provoquent des kmotions violentes qui poussent leurs maris 2 les tuer. Par- fois ces attitudes provoquantes et imprudentes decoulent du dedain qu’ont ces femmes pour leurs maris; elles pensent que des gredins c o m e eux n’oseraient pas commettre des actes vio- lents, mais en cela elles se trompent. En somme, elles provoquent leur sort par l’ignorance de la situation dangereuse OG elles ce trouvent.

Le diagnostic de la dangerositg laisse toujours beaucoup A desirer. Afin de l’ameliorer il faut Ctudier systematiquement les differents groupes de criminels pour comaitre en detail les me- canismes psychologiques qui menent au crime. Par ce moyen seul il nous sera possible d’augmenter nos connaissances sur I’intensiti, la direction et le genre de la dangerosite. Faute d’une connaissance suffisante de ces facteurs notre politique criminelle restera tgtonnante et arbitraire.