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19 formation dossier Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010 L es thromboses peuvent être d’origine artérielle ou veineuse. Les thromboses artérielles sont dues à une lésion au niveau de l’endothélium vasculaire et leur traitement fait appel aux anti- agrégants plaquettaires. Les thromboses veineuses font suite à une stase sanguine, une hypercoagulabi- lité et une lésion pariétale (triade de Virchow). Héparines L’héparine est une substance naturelle d’origine ani- male, extraite d’intestin de porc. Il s’agit d’un mélange hétérogène de chaînes polysaccharidiques sulfa- tées de taille variable (poids moléculaire de 4 000 à 30 000 daltons). Mécanisme d’action L’activité biologique de l’héparine repose sur une séquence pentasaccharidique correspondant au site de fixation de l’antithrombine, cofacteur de l’héparine. Cette dernière accélère de façon considérable l’inacti- vation par l’antithrombine III des sérines-protéases de la coagulation, facteurs IIa et Xa en particulier, mais aussi les facteurs IXa, XIa et XIIa. Il suffit que l’héparine soit fixée à l’antithrombine pour faciliter l’action inhibitrice vis-à-vis du facteur Xa. En revanche, elle doit être fixée à la fois à l’antithrom- bine et à la thrombine pour faciliter l’action inhibitrice vis-à-vis de la thrombine. Il en est de même pour l’inhibition des facteurs IXa et XIa. L’activité anti- thrombine d’une héparine diminue avec la masse moléculaire de celle-ci, tout en conservant son activité anti-Xa. Ainsi, les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) inhibent le facteur Xa mais peu la thrombine. Le poids moléculaire des HBPM n’est pas identique, ce qui explique des ratios d’activité anti-Xa/anti-IIa différents (entre 1,5 et 3,5). Innohep ® dont le poids moléculaire est le plus important possède le ratio le plus faible. Les héparines non fractionnées (HNF) sont utilisa- bles par voie intraveineuse continue ou sous-cutanée en deux ou trois injections par jour. La voie intravei- neuse discontinue est déconseillée du fait de pics d’activité anticoagulante qui augmentent le risque hémorragique. L’élimination de l’HNF se fait en deux étapes, d’abord par le compartiment réticulo-endo- thélial qui est saturable, puis via les reins. La demi-vie de l’HNF est dépendante de la dose administrée et très variable d’un individu à l’autre. Le rein intervient peu aux doses administrées en thérapeutique. Du fait de l’extrême variabilité individuelle et dans le temps, la surveillance biologique est indispensable pour adapter les posologies au quotidien. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sont utilisables par voie sous-cutanée. Leur biodis- ponibilité est meilleure que celle des HNF. La vitesse d’élimination des HBPM est sous la dépendance de la filtration rénale (risque de surdosage en cas d’insuffisance rénale). Leur demi-vie reste sensible- ment constante quelle que soit la dose administrée, ce qui a permis d’établir des posologies standard pour la grande majorité des patients, seulement en fonction du poids corporel pour le schéma curatif, en une à deux injections par jour. Les HBPM ont l’avantage, par rapport à l’HNF, d’induire un risque moindre, bien que non exclu, d’hémorragie et de Les traitements des thromboses cardiovasculaires Le traitement des thromboses cardiovasculaires et des embolies fait appel à trois catégories de médicaments : les antiplaquettaires, les anticoagulants et les fibrinolytiques. Ces médicaments empêchent la formation et l’extension des thromboses ou favorisent leur disparition. © BSIP/CMSP Tirot

Les traitements des thromboses cardiovasculaires

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Les thromboses peuvent être d’origine artérielle ou veineuse. Les thromboses artérielles sont dues à une lésion au niveau de l’endothélium

vasculaire et leur traitement fait appel aux anti-agrégants plaquettaires. Les thromboses veineuses font suite à une stase sanguine, une hypercoagulabi-lité et une lésion pariétale (triade de Virchow).

HéparinesL’héparine est une substance naturelle d’origine ani-male, extraite d’intestin de porc. Il s’agit d’un mélange hétérogène de chaînes polysaccharidiques sulfa-tées de taille variable (poids moléculaire de 4 000 à 30 000 daltons).

Mécanisme d’action

L’activité biologique de l’héparine repose sur une séquence penta saccharidique correspondant au site de fixation de l’antithrombine, cofacteur de l’héparine. Cette dernière accélère de façon considérable l’inacti-vation par l’antithrombine III des sérines-protéases de la coagulation, facteurs IIa et Xa en particulier, mais aussi les facteurs IXa, XIa et XIIa.Il suffit que l’héparine soit fixée à l’antithrombine pour faciliter l’action inhibitrice vis-à-vis du facteur Xa. En revanche, elle doit être fixée à la fois à l’antithrom-bine et à la thrombine pour faciliter l’action inhibitrice vis-à-vis de la thrombine. Il en est de même pour l’inhibi tion des facteurs IXa et XIa. L’activité anti-thrombine d’une héparine diminue avec la masse moléculaire de celle-ci, tout en conservant son activité anti-Xa. Ainsi, les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) inhibent le facteur Xa mais peu la thrombine. Le poids moléculaire des HBPM n’est pas identique, ce qui explique des ratios d’activité anti-Xa/anti-IIa différents (entre 1,5 et 3,5). Innohep® dont le poids moléculaire est le plus important possède le ratio le plus faible. Les héparines non fractionnées (HNF) sont utilisa-

bles par voie intraveineuse continue ou sous-cutanée

en deux ou trois injections par jour. La voie intravei-neuse discontinue est déconseillée du fait de pics d’activité anticoagulante qui augmentent le risque hémorragique. L’élimination de l’HNF se fait en deux étapes, d’abord par le compartiment réticulo-endo-thélial qui est saturable, puis via les reins. La demi-vie de l’HNF est dépendante de la dose administrée et très variable d’un individu à l’autre. Le rein intervient peu aux doses administrées en thérapeutique. Du fait de l’extrême variabilité individuelle et dans le temps, la surveillance biologique est indispensable pour adapter les posologies au quotidien. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM)

sont utilisables par voie sous-cutanée. Leur biodis-ponibilité est meilleure que celle des HNF. La vitesse d’élimination des HBPM est sous la dépendance de la filtration rénale (risque de surdosage en cas d’insuffisance rénale). Leur demi-vie reste sensible-ment constante quelle que soit la dose administrée, ce qui a permis d’établir des posologies standard pour la grande majorité des patients, seulement en fonction du poids corporel pour le schéma curatif, en une à deux injections par jour. Les HBPM ont l’avantage, par rapport à l’HNF, d’induire un risque moindre, bien que non exclu, d’hémorragie et de

Les traitements

des thromboses cardiovasculaires

Le traitement des thromboses cardiovasculaires et des embolies fait appel

à trois catégories de médicaments : les antiplaquettaires, les anticoagulants

et les fibrinolytiques. Ces médicaments empêchent la formation et l’extension

des thromboses ou favorisent leur disparition.©

BS

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Les traitements des thromboses cardiovasculaires

Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

thrombopénie, de posséder une action prolongée et de nécessiter une surveillance thérapeutique limi-tée. Les molécules dispo nibles sont : daltéparine (Fragmine®), nadroparine (Fraxiparine®, Fraxodi®), énoxaparine (Lovenox®), tinzaparine (Innohep®).

Surveillance biologique de l’HNF

En traitement curatif, le surveillance biologique doit être au minimum quoti dien ne. Le premier prélèvement doit avoir lieu exactement entre les deux premières injections pour l’HNF en sous-cutanée (soit 6 ou 4 heures après la première, selon que deux ou trois injections sont prévues dans la journée) ou 6 heures après le début du traitement pour l’HNF en intravei-neuse continue. Un prélèvement doit être effectué 4 à 6 heures après chaque modification de dose.En fonction des cas, il est possible d’utiliser :– le temps de céphaline activé (TCA) qui doit se situer entre 1,5 et 3 fois le témoin selon la sensibilité du réactif utilisé (à définir par le laboratoire) ;– l’activité anti-Xa, qui est un test spécifique. Elle doit se situer entre 0,3 et 0,7 UI/mL. Ce test sera préfé ré en cas d’anomalies du TCA préexistantes, chez les malades de réanimation et en cas de syndrome inflammatoire marqué.En traitement préventif, la surveillance du TCA et/ou de l’activité anti-Xa n’est pas indispensable, mais celle de la numération plaquettaire est nécessaire.

Surveillance biologique de l’HBPM

Avant d’instaurer un traitement par HBPM, il est indispensable d’évaluer la fonction rénale, ceci plus particulièrement chez le sujet âgé à partir de 75 ans

(dosage de la créatininémie et calcul de la clairance à l’aide de la formule de Cockcroft).La surveillance biologique par détermination de l’activité anti-Xa n’est pas nécessaire dans tous les cas mais peut être utile pour gérer le risque hémor ragique dans certaines situations cliniques fréquemment associées à un risque de surdosage (insuf fisance rénale légère à modérée, poids extrê-mes, sujet âgé).Le prélèvement est réalisé au pic d’héparinémie, 4 heures après la troisième administration si deux injections sous-cutanées (SC) sont effectuées quoti-dien ne ment, ou 4 heures après la deuxième adminis-tration si une injection par voie SC est réalisée par jour. Une activité située entre 0,5 et 1 UI anti-Xa/mL doit être obtenue en curatif (jusqu’à 1,5 UI anti-Xa/mL pour Innohep® et Fraxodi®). La répétition du dosage de l’activité anti-Xa pour mesurer l’héparinémie, par exemple tous les 2 à 3 jours, sera discutée au cas par cas. La mesure du TCA est inutile.

Il existe un risque de thrombopénie grave, parfois

thrombosante, induite par l’héparine

(héparine non fractionnée et, moins fréquemment,

héparines de bas poids moléculaire), d’origine

immunologique dite de type II. Celle-ci est due à

l’apparition d’anticorps dirigés contre le facteur 4

plaquettaire complexé à l’héparine et capables

d’activer les plaquettes.

La thrombopénie induite par l’héparine de type II (TIH)

est définie par un chiffre de plaquettes < 150 000/mm3

et/ou une chute significative des plaquettes (30 à 50 %)

sur deux numérations successives (avant même que

cette valeur n’atteigne un seuil critique). Elle apparaît

essentiellement entre le 5e et le 21e jour suivant

l’instauration du traitement héparinique (avec un pic

de fréquence aux environs du 10e jour), mais peut

survenir beaucoup plus précocement lorsqu’il existe

des antécédents de traitement récent par héparine

ou de thrombopénie sous héparine. Pour cette raison,

ceux-ci seront systématiquement recherchés au cours

d’un interrogatoire approfondi réalisé avant le début du

traitement.

Dans tous les cas, l’apparition d’une TIH

constitue une situation d’urgence et nécessite

un avis spécialisé. La poursuite d’un traitement

antithrombotique d’action rapide est indispensable,

l’héparine devant être relayée par une autre classe

d’antithrombotiques (danaparoïde, hirudine).

Le relais par antivitamines K (AVK) ne sera

pris qu’après normalisation de la numération

plaquettaire, en raison du risque d’aggravation

du phénomène thrombotique par les AVK.

En raison du risque de TIH, une surveillance

de la numération plaquettaire est nécessaire avant

traitement, puis deux fois par semaine pendant

21 jours. Au-delà de cette période, si un traitement

prolongé s’avère nécessaire dans certains cas

particuliers, le rythme de contrôle peut être porté à une

fois par semaine, et cela jusqu’à l’arrêt du traitement.

Les recommandations de bonne pratique en médecine1

ne préconisent pas une surveillance systématique de

la numération plaquettaire en cas de traitement par

HBPM à dose prophylactique ou curative en dehors

d’un contexte postopératoire ou d’administration

préalable d’HNF (ces recommandations n’incluent

pas certaines situations cliniques particulières telles

que thrombose veineuse cérébrale ou grossesse).1. Afssaps. Recommandations de bonne pratique. Prévention et traitement de la maladie thrombo-embolique veineuse en médecine. Décembre 2009 (www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Recommandations-de-bonne-pratique/Prevention-et-traitement-de-la-maladie-thromboembolique-veineuse-en-medecine-recommandations-de-bonne-pratique).

Thrombopénie induite par l’héparine

© B

SIP

/Chassenet

Page 3: Les traitements des thromboses cardiovasculaires

21 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

Les médicaments des thromboses cardiovasculaires

Posologies des héparines

HNF En traitement curatif

Perfusion intraveineuse (IV) continue : héparine sodique. On administre généralement un bolus IV de 50 UI/kg dans le but d’obtenir rapidement une anti coagulation efficace. La dose initiale est de 20 UI/kg/heure en injection continue avec une seringue électrique, adaptée ensuite en fonction des résultats du contrôle biologique.Par voie SC : héparine calcique. On administre généralement un bolus IV de 50 UI/kg dans le but d’obtenir rapidement une anticoagulation efficace. La dose initiale est de 500 UI/kg par 24 heures par voie sous-cutanée, répartie en deux ou trois injections par jour, en fonction du volume à injecter (l’injection par voie SC d’un volume supérieur à 0,6 mL pourrait diminuer la résorption de l’héparine). La dose d’hépa-rine sera ensuite adaptée en fonction des résultats du contrôle biologique. En traitement préventif : héparine calcique SC.

Dans certaines situations médicales, la posologie habituelle est de 5 000 UI toutes les 12 heures.

Nadroparine calcique :

Fraxiparine® en traitement curatif : 85 UI anti-Xa/kg deux fois/jour.Fraxiparine® en traitement préventif : une dose quoti dienne de 2 850 UI anti-Xa si situation à risque thrombogène modéré. Posologie adaptée au poids du patient si situation à risque thrombogène élevé (38 à 57 UI anti-Xa/kg/jour).Fraxodi®, uniquement en traitement curatif : une injec-tion quotidienne de 171 UI anti-Xa/kg. Daltéparine sodique (Fragmine®)

En traitement curatif : 100 à 120 UI anti-Xa/kg deux fois/jour en fonction des indications.En traitement préventif : une injection quotidienne de 2 500 à 5 000 UI anti-Xa. Enoxaparine sodique (Lovenox®)

En traitement curatif : 100 UI anti-Xa/kg deux fois/jour.En traitement préventif : une injection quotidienne de 2 000 à 4 000 UI anti-Xa. Tinzaparine sodique (Innohep®)

En traitement curatif : une injection quotidienne de 175 UI anti-Xa/kg.En traitement préventif : une injection quotidienne de 2 500 à 4 500 UI anti-Xa. Danaparoïde (Orgaran®)

Cet héparinoïde de bas poids moléculaire est utilisé pour le traitement préventif ou curatif des manifes-tations thrombo-emboliques chez les patients ayant des antécédents ou atteints de thrombopénie induite

par l’héparine de type II. Le profil anticoagulant du danaparoïde sodique est caractérisé par un rap-port d’activité anti-Xa/activité anti-IIa élevé (supé-rieur à 20). Le risque de réactivité croisée du dana-paroïde vis-à-vis de l’anticorps héparine-dépendant existe (entre 5 et 10 %). L’hirudine est un inhibiteur direct et hautement

spéci fi que de la thrombine. Son mode d’action est indépendant de l’antithrombine. La lépirudine (Refludan®) est indiquée en cas de thrombopénie induite par l’héparine de type II. Les autres dérivés de l’hirudine commercialisés sont la désirudine (Revasc®) et la bivalirudine (Angiox®).

Antivitamines KLes antivitamines K (AVK) actuellement utilisées en thérapeutique sont la warfarine, l’acénocoumarol et la fluindione (tableau 1).

Mécanisme d’action

Les AVK inhibent compétitivement la K-époxyde réductase et la K-NADH réductase, responsables de la régénération de la vitamine K (KH2) à partir de la vitamine K oxydée sous forme d’époxyde. Il en résulte une inhibition de la synthèse des protéines vitamine K dépendantes actives dont la concentra-tion chute. Il s’agit des facteurs de coagulation II, VII, IX et X et des anticoagulants, les protéines C (dont la chute rapide serait responsable des nécro-ses cutanées) et S. Du fait de l’action sur la synthèse des protéines de coagulation, l’effet anticoagulant est retardé. En cas de surdosage, la vitamine K per os ou injectable permet de relancer la synthèse des facteurs de coagulation et constitue l’antidote.L’absorption des AVK, bonne au niveau intestinal, peut être diminuée par la cholestyramine, l’huile de paraffine ou les topiques qu’il faut prendre à distance des repas. L’apport en vitamine K par l’alimentation (choux, brocolis, céréales, choucroute, carottes, crudités, abats) peut diminuer l’action des AVK. Ils se lient de façon réversible et importante à l’albumine plasmatique (98 %). Ainsi, la fraction liée représente un réservoir alors que l’activité dépend de la fraction libre. La partie liée peut être déplacée par certains médicaments à forte affinité pour l’albumine expli-quant le risque potentiel d’hémorragie.La fraction libre est métabolisée au niveau hépati-que par les mono-oxygénases (réaction de phase I) et

Tableau 1 : Les antivitamines K

Délai d’action Demi-vie d’élimination

Warfarine (Coumadine®) Lent, 2 à 3 jours 35 heures

Acénocoumarol (Sintrom®) Semi-lent, 1 à 2 jours 8 à 10 heures

Fluindione (Préviscan®) Semi-lent, 1 à 2 jours 30 heures

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Les traitements des thromboses cardiovasculaires

Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

par conjugaison au niveau du réticulum endoplasmi-que (réaction de phase II). Le métabolisme peut être accéléré par les inducteurs enzymatiques (rifampi-cine, carbamazépine, millepertuis, phénobarbital…) et diminué par les inhibiteurs comme le miconazole (Daktarin®).L’élimination se fait par la bile sous forme de dérivés inactifs ou sous forme liée à l’albumine, par filtration glomérulaire.

Indications des AVK

Les AVK sont indiqués :– en relais de l’héparinothérapie dans le traitement curatif des thromboses veineuses profondes et de l’embolie pulmonaire ;– en prévention des complications thrombo-emboliques (cardiopathies emboligènes, en cas de présence de cathéters ou de chirurgie de hanche).Le risque d’hémorragie, qui peut être externe (gingi-vorragies, épistaxis, hématurie…) ou interne (abdo-minales, méningé…), est fréquent avec les AVK. Les autres effets secondaires sont à type de diar-rhée et d’éruption cutanée. Ils sont dépendants des molécules utilisées.Le sous-dosage des AVK expose aux complications thrombotiques. Le surdosage expose aux complica-tions hémorragiques.

Surveillance du traitement

Éducation du patient

Il est primordial que le patient soit sensibilisé au but et à l’intérêt du traitement, à ses risques et à la nécessité du suivi biologique. Le port d’un carnet où figurent l’indication du traitement et les résultats des contrôles biologiques est nécessaire. Il est important de remet-tre au patient la liste des médicaments contre-indi-qués et autorisés. Enfin, il faut lui expliquer qu’il doit énoncer qu’il est sous anticoagulant. Surveillance biologique

La surveillance biologique est indispensable en raison des grandes variations pharmacocinétiques inter individuelles. Elle se réalise par la mesure du temps de Quick (TQ) exprimé en INR (International Normalized Ratio), explorant la voie extrinsèque de la coagulation. Il permet d’explorer les facteurs II, VII

et X dont la synthèse est inhibée par les AVK. C’est le seul test permettant de déterminer la dose effi-cace du médicament. En dehors de tout traitement AVK, la valeur de l’INR chez un sujet normal est infé-rieure ou égale à 1,2. La zone thérapeutique habi-tuelle correspond, pour la plupart des indications, à un “INR cible”, entre 2 et 3. La surveillance porte sur l’efficacité thérapeutique, le risque hémorragique et les déséquilibres en cas de modifications des traite-ments associés. L’INR doit être réalisée tout au long du traitement, si possible dans le même laboratoire. Il permet d’adapter la dose thérapeutique.

Instauration du traitement

La dose initiale du traitement est toujours probatoire et doit se rapprocher le plus possible de la dose d’équilibre de la spécialité AVK utilisée (20 mg de fluindione, 5 mg de warfarine). Chez le sujet âgé de plus de 75 ans ou chez celui de plus de 65 ans poly-pathologique, elle doit être réduite de moitié afin de diminuer le risque hémorragique.En relais de l’héparinothérapie, afin de diminuer le risque de thrombopénie induite à l’héparine, le relais par AVK se fait dès les deux premiers jours. Le trai-tement par hépa rine est arrêté dès lors que deux INR se trouvent en zone thérapeutique.Le premier contrôle doit se réaliser dans les 48 premiè res heures +/- 12 heures après la pre-mière prise d’AVK afin de rechercher une hypersen-sibilité individuelle : un INR supérieur à 2 annonce un surdosage à l’équilibre et doit faire diminuer la posologie.

Traitement d’une embolie pulmonaire : 3 à 6 mois.

Traitement d’une thrombose veineuse profonde : 3 à 6 mois.

Prévention thrombo-embolique sur bioprothèse : 3 mois.

Prévention thrombo-embolique sur valve mécanique : à vie.

Au comptoir, quelques durées de traitement

antivitamines K à connaître

nce de la surveillancence de la surveillanceFréquenFréquen

sssoussous antivitaminesantivitaminesantivitamines KK

Médicaments

déplaçant les

antivitamines K (AVK)

de la fraction liée

Aspirine à forte dose.

Anti-inflammatoires

non stéroïdiens (AINS).

Fibrates.

Sulfamides

antibactériens.

Sulfamides

hypoglycémiants.

Page 5: Les traitements des thromboses cardiovasculaires

23 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

Les médicaments des thromboses cardiovasculaires

Réaction en cas de surdosage ou d’hémorragie

Les surdosages, qui constituent une situation fréquen te, sont asymptomatiques dans 15 à 30 % des cas.En cas de surdosage asymptomatique ou d’hémor-ragie non grave, les mesures suivantes sont recommandées. En cas de traitement par AVK avec un INR cible

à 2,5 (fenêtre entre 2 et 3) :– INR < 4 : pas de saut de prise, pas de vitamine K ;– 4 ≤ INR < 6 : saut d’une prise, pas de vitamine K ;– 6 ≤ INR < 10 : arrêt du traitement, 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique) ;– INR ≥ 10 : arrêt du traitement, 5 mg de vita-mine K par voie orale (1/2 ampoule buvable forme adulte). En cas de traitement par AVK avec INR cible ≥ 3

(fenêtre 3-4,5) :– INR < 6 : pas de saut de prise, pas de vitamine K ;– 6 ≤ INR < 10 : saut d’une prise. Un avis spécia-lisé (ex. : cardiologue si le patient est porteur d’une prothè se valvulaire mécanique) est recommandé pour discussion d’un traitement éventuel par 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique) ;– INR ≥ 10 : un avis spécialisé sans délai ou une hospita lisation est recommandé.La cause du surdosage doit être recherchée et prise en compte dans l’adaptation éventuelle de la posologie, et un contrôle de l’INR doit être réalisé le lendemain.En cas de persistance d’un INR suprathérapeutique, les recommandations précédentes restent valables et doivent être reconduites.La surveillance ultérieure de l’INR doit se calquer sur celle habituellement réalisée lors de la mise en route du traitement.En cas d’hémorragie grave ou potentiellement grave, un avis spécialisé sans délai ou une hospitalisation est recommandé.

Thrombolytiques (usage hospitalier)Les thrombolytiques activent la transformation du plasminogène en plasmine qui exerce une action protéo lytique sur la fibrine des caillots. L’effet recherché est la lyse de la fibrine du thrombus patho logique au prix d’un risque hémorragique lié à la protéolyse des caillots de fibrine hémostatiques physiologiques.Les médicaments commercialisés sont : altéplase (Actilyse®), rétéplase (Rapilysin®), streptokinase (Streptase®), ténectéplase (Métalyse®) et urokinase (Actosolv®, Urokinase Choay®).

Antiagrégants plaquettairesLes antiagrégants plaquettaires sont indiqués en cas de pathologie thrombotique artérielle (figure 1). L’aspirine est un inhibiteur irréversible de l’acti-

vation plaquettaire : en bloquant par acétylation la cyclo-oxygénase plaquettaire, elle inhibe la syn-thèse du thromboxane A2 (TXA2), substance acti-vatrice physiologique libérée par les plaquettes qui jouerait un rôle dans les complications des lésions athéromateuses. Le flurbiprofène exerce, quant à lui, une inhibi-

tion réversible de la cyclo-oxygénase plaquettaire (24 heures) entraînant un défaut de synthèse du thromboxane A2.L’activation des plaquettes induit une augmentation de l’affinité du récepteur GPIIb-IIIa pour le fibrino-

Cas de comptoir

Le cas

Monsieur Durand, que vous connaissez bien, vient vous voir le matin à l’ouverture de

l’officine car il a oublié de prendre la veille au soir son comprimé de Préviscan® 20 mg

pour traiter une phlébite du membre inférieur droit. Il dînait chez sa fille et avait oublié

sa boîte de médicaments.

La conduite à tenir

Préviscan® est un médicament important, un anticoagulant qui doit être bien pris tous

les jours pour le bon équilibre de l’INR (International Normalized Ratio).

Si l’oubli est constaté au-delà de 8 heures après l’heure habituelle de prise, il ne faut

pas reprendre le médicament, ni prendre une double dose le soir suivant. En revanche,

cet oubli doit être signalé lors du contrôle et le consigner dans le carnet de suivi.

© D

R

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Page 6: Les traitements des thromboses cardiovasculaires

24formation

dossier

Les traitements des thromboses cardiovasculaires

Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

gène et le facteur Willebrand, permettant l’agrégation plaquet taire.

Les antagonistes du récepteur GPIIb-IIIa sont le tirofiban (Agrastat®), l’eptifibatide (Integrilin®) et l’ab-ciximab (Réopro®). Ces produits ne sont pas dispo-nibles en officine de ville. La ticlopidine (Ticlid®), le clopidogrel (Plavix®) et le

prasugrel (Efient®) inhibent irréversiblement l’activa-tion plaquettaire induite par l’ADP et, par conséquent, l’acti va tion du complexe GPIIb-IIIa. Le clopidogrel est indiqué, en association à l’aspirine, pendant 6 à 12 mois après la pose d’un stent. L’effet antiplaquet-taire du clopidogrel est soumis à sa transformation préalable au niveau du cytochrome P 450. Il a été identifié chez des patients ayant des allèles codant pour le cytochrome P 450, en l’occurrence le 2C19, à l’origine d’une diminution de l’activité fonctionnelle et donc de l’activité.

Le dipyridamole (Cléridium®, Persantine®) agit par inhibition de recapture de l’adénosine et inhibition de la phosphodiestérase. Il augmente le taux intra-plaquettaire d’AMP cyclique qui s’oppose à l’agré-gation des plaquettes.

Les nouveaux antithrombotiques Le fondaparinux (Arixtra®) est un inhibiteur synthé-

ti que et sélectif du facteur Xa qui agit en se liant sélectivement à l’antithrombine.Il est indiqué dans le traitement des thrombo-ses veineuses profondes aiguës et des embolies pulmo nai res aiguës, à l’exclusion des patients hémo dynamiquement instables ou des patients nécessitant une thrombolyse ou une embolectomie pulmonaire. La posologie recommandée dans ces situations est de 7,5 mg (pour les patients dont le poids est compris entre 50 et 100 kg) une fois par jour, administrée par injection sous-cutanée. Le trai-tement sera poursuivi pendant au moins 5 jours et jusqu’à ce que la posologie adéquate du traitement anticoagulant oral instauré en relais soit atteinte (INR compris entre 2 et 3). Ce traitement anticoa-gulant concomitant par voie orale doit être initié dès que possible et généralement dans les 72 heures. La durée moyenne d’administration dans les études cliniques était de 7 jours et l’expérience clinique au-delà de 10 jours est limitée.Le fondaparinux est également indiqué dans la préven tion des événements thromboemboliques veineux en chirurgie abdominale et en chirurgie ortho-pédique majeure : la posologie recommandée est de 2,5 mg par injection sous-cutanée une fois par jour, administrée en postopératoire. La dose initiale doit être administrée 6 heures après la fin de l’interven-

L’association de clopidogrel et d’inhibiteurs de la pompe à

protons (IPP) est très fréquente en pratique clinique. En effet, les

IPP sont prescrits pour réduire le risque d’hémorragies

gastro-intestinales chez les patients traités par aspirine.

Cependant, le clopidogrel est métabolisé en un métabolite actif

au niveau de l’isoenzyme CYP2C19 du cytochrome P 450. Or,

les IPP exercent une inhibition compétitive à ce niveau, à des

degrés variables suivant les molécules. Ainsi, une réduction de

l’effet antiplaquettaire du clopidogrel est observée. Une étude

randomisée1 a mis en évidence une diminution significative

de l’effet antiplaquettaire en association avec l’oméprazole.

Une autre étude2 randomisée a retrouvé des résultats semblables

avec le lansoprazole, montrant une augmentation des récidives

de syndrome coronarien aigu d’environ 40 % versus non

prescription d’IPP.

Le pantoprazole est le seul IPP possédant une affinité moindre

pour l’isoenzyme CYP2C19. Ainsi, il n’est pas associé à

une augmentation d’événements cardiovasculaires. Ainsi,

l’association IPP/clopidogrel autres que le pantoprazole doit

être évitée. Les anti-H2, comme la cimétidine ou la ranitidine,

constituent une alternative thérapeutique chez les patients

à risque.

Références

1. Gilard M, et al. Influence of omeprazole on the antiplatelet action

of clopidogrel associated with aspirin: the randomized, double-

blind OCLA (Omeprazole Clopidogrel Aspirin) study. J Am Coll

Cardiol 2008; 51: 256-60.

2. Small DS, et al. Effects of the proton pump inhibitor lansoprazole

on the pharmacokinetics and pharmacodynamics of prasugrel and

clopidogrel. J Clin Pharmacol 2008; 48: 475-84.

Une interaction à connaître

Syndrome coronarien aigu :

quelle ordonnance de sortie ?

L’ordonnance de sortie après un syndrome coronarien aigu

doit comporter :

– des bêtabloquants comme anti-angineux en absence

de contre-indication ;

– de l’aspirine +/- clopidogrel ;

– des statines pour leur action pleïotrophique ;

– des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)

pour diminuer le remodelage cardiaque.

Par ailleurs, corriger les facteurs de risque cardiovasculaire

est primordial : arrêt du tabac, activité physique, diminution

du poids...

Page 7: Les traitements des thromboses cardiovasculaires

25 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

Les médicaments des thromboses cardiovasculaires

tion chirurgicale, après vérification de l’absence de saignement actif. Le traitement sera poursuivi jusqu’à diminution du risque thromboembolique veineux, habituellement jusqu’à déambulation du patient, au moins pendant 5 à 9 jours après l’intervention.En prévention des événements thromboemboliques veineux chez le patient alité pour une affection médi-cale aiguë, jugé à haut risque d’événements thrombo-emboliques veineux, la posologie recommandée est de 2,5 mg une fois par jour, administrée par injection sous-cutanée.Le fondaparinux peut être indiqué, dans certaines situations, dans le traitement de l’angor instable ou de l’infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (injection sous-cutanée) ou avec sus-décalage du segment ST (première injection intra-veineuse). La posologie recommandée est de 2,5 mg une fois par jour. Le traitement devra être initié le plus rapidement possible une fois le diagnostic établi et sera poursuivi jusqu’à 8 jours au maximum, ou jusqu’à la sortie de l’hôpital si cette dernière intervient avant ce terme.Aux doses utilisées pour le traitement, le fondapa-rinux ne modifie pas, de façon cliniquement perti-nente, les tests de coagulation de routine tels que le TCA ou le TP/INR. À doses plus élevées, le TCA peut être modifié de façon modérée. Le fondaparinux ne nécessite pas de contrôle systématique de l’acti-vi té anti-Xa. Il doit être utilisé avec prudence chez les patients ayant des antécédents de TIH de type II (l’efficacité et la tolérance du fondaparinux n’ont pas été étudiées de façon formelle dans ce contexte). Toutefois, il n’existe pas de réaction croisée entre le fondaparinux et le sérum des patients ayant une thrombopénie induite par l’héparine. Le rivaroxaban (Xarelto®) est un inhibiteur direct

hautement sélectif du facteur Xa. Le rivaroxaban a fait la preuve de son efficacité dans des études de phase III en prophylaxie de la maladie thromboem-bolique après arthroplastie totale de hanche ou du genou. Actuellement, le rivaroxaban est en dévelop-pement dans le traitement des thromboses et dans la préven tion des accidents vasculaires cérébraux chez les patients en fibrillation auriculaire.Le rivaroxaban possède des avantages certains par rapport aux autres anticoagulants. En effet, son administration se fait par voie orale contrairement aux héparines et ne nécessite pas de contrôle des para-mètres de la coagulation contrairement aux antivita-mines K qui sont d’un maniement aléatoire à cause de leur pharmacodynamie difficile à prévoir.La dose recommandée est de 10 mg en une prise orale quotidienne. La dose initiale doit être prise 6 à 10 heures après l’intervention chirurgicale à

condition qu’une hémostase ait pu être obtenue. La durée du traitement dépend du type d’inter-vention chirurgicale orthopédique (5 semaines pour une intervention chirurgicale majeure de la hanche , 2 semaines pour une intervention chirur-gicale majeure du genou).

Le dabigatran (Pradaxa®) est un inhibiteur direct de la thrombine. Il est indiqué en prévention primaire des événements thromboemboliques veineux chez les patients adultes ayant bénéficié d’une chirurgie programmée pour prothèse totale de hanche ou de genou.Le dabigatran possède l’avantage d’une administra-tion orale et ne nécessite pas de contrôle des para-mètres de la coagulation.La dose recommandée est de 220 mg par jour, soit 2 gélules de 110 mg en une prise. Chez les patients présentant une insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine entre 30 et 50 mL/minute) et chez les sujets âgés (plus de 75 ans), la dose recommandée est de 150 mg une fois par jour, soit 2 gélules de 75 mg en une prise. Il est conseillé d’instaurer le traitement à la poso-logie d’une seule gélule 4 heures après la fin de l’intervention chirurgicale (si l’hémostase n’est pas contrôlée, le traitement doit être instauré plus tard), puis de poursuivre à la posologie de 2 gélules une fois par jour. La durée de traitement est de 10 jours pour une prothè se totale de genou et de 28 à 35 jours pour une prothèse totale de hanche. �

François Pillon

Pharmacien, Dijon (21)

[email protected]

À propos du prasugrel

Le prasugrel (Efient®) est un nouvel antiagrégant plaquettaire de la famille

des thienopyridines antagonisant les récepteurs de l’ADP. Tout comme le clopidogrel,

il nécessite une métabolisation par le cytochrome P 450 afin d’être actif. En revanche,

contrairement à lui, il a un profil pharmacocinétique plus intéressant par une inhibition

plus forte des récepteurs de l’ADP via son métabolite actif.

Les indications du prasugrel sont la prévention des événements athérothrombotiques

chez les patients traités par angioplastie primaire ou retardée pour un syndrome

coronarien aigu, c’est-à-dire angor instable ou infarctus du myocarde avec ou sans sus-

décalage du segment ST.

Selon la Haute Autorité de santé (HAS), l’association prasugrel + aspirine n’est pas

différente de l’association clopidogrel + aspirine en termes de réduction de mortalité

(globale ou de cause cardiovasculaire). L’association prasugrel + aspirine réduit,

quant à elle, les événements ischémiques, principalement les infarctus du myocarde,

mais au prix d’une augmentation du risque hémorragique. Ce risque conduit à ne pas

recommander le prasugrel chez les patients de 75 ans et plus ou dont le poids est

inférieur à 60 kg.