6
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Transfusion Clinique et Biologique 20 (2013) 40–45 Article original Les TRALI au CHU de Nancy : une incidence reconsidérée après l’application stricte des critères de Toronto TRALI in the University Hospital of Nancy: A reevaluation of the incidence after applying strict criteria of Toronto M. Bernasinski a,, S. Gette b , J.-M. Malinovsky c , F. Viry Babel d , C. Charpentier d , G. Audibert d , M.N. Guirlet e , E. Lorne a , M. Moubarak a , E. Zogheib a , H. Dupont a , Y. Ozier f , P.-M. Mertes g a Pôle anesthésie-réanimation médecine d’urgence, hôpital Sud, CHU d’Amiens, avenue Laënnec, 80001 Amiens, France b Pôle anesthésie-réanimation, hôpital Bon-Secours, CHR de Metz-Thionville, 1, place Philippe-de-Vigneulles, 57000 Metz, France c Pôle urgence réanimation anesthésie et douleur, hôpital Maison-Blanche, CHU de Reims, 45, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims, France d Pôle anesthésie-réanimation, hôpital Central, CHU de Nancy, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54000 Nancy, France e Service d’hémovigilance, hôpital Brabois, CHU de Nancy, rue de Morvan, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France f Pôle anesthésie-réanimations-soins intensifs-blocs opératoires-urgences, CHU de Brest, boulevard Tanguy-Prigent, 29609 Brest cedex, France g Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, nouvel hôpital civil, hôpitaux universitaires de Strasbourg, BP 426, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France Disponible sur Internet le 21 mars 2013 Résumé Le transfusion-related acute lung injury (TRALI) est un œdème pulmonaire lésionnel post-transfusionnel, potentiellement grave, mieux défini depuis la conférence de Toronto de 2004. L’incidence des TRALI déclarés en France reste faible en partie à cause de sa méconnaissance par les praticiens. L’objectif de notre travail était d’évaluer de fac ¸on rétrospective les accidents transfusionnels avec complications respiratoires survenus au centre hospitalier universitaire de Nancy et déclarés à l’hémovigilance entre 1996 et 2006, à partir du logiciel « Traceline » répertoriant l’ensemble des complications de la transfusion sanguine à partir des signes observés. L’analyse des dossiers a été réalisée en appliquant de fac ¸on rigoureuse les critères diagnostiques de Toronto. Quarante et un dossiers de complications respiratoires ont été retrouvés pour 34 573 produits sanguins administrés. Dix cas de TRALI ont été diagnostiqués alors qu’un seul un cas avait été déclaré auprès de l’hémovigilance de Nancy. Les neuf autres cas avaient été préalablement étiquetés transfusion-associated circulatory overload (TACO). Aucun cas de TRALI n’a été recensé en réanimation. Notre travail permet de retrouver une incidence des TRALI dix fois plus importante que celle déclarée auparavant. La méconnaissance des TRALI et l’absence de définition consensuelle avant 2004 ne suffisent pas à expliquer ces résultats. Cette étude montre l’intérêt potentiel d’une base de données et d’un système de déclaration informatisé et basé sur les symptômes observés. Elle met en lumière la vulnérabilité du système d’hémovigilance actuel beaucoup trop dépendant d’un observateur médical unique. Bien que les TRALI soient reconnus comme des complications graves nécessitant parfois des soins de réanimation, notre travail n’a pas isolé de formes sévères de TRALI en réanimation. La sensibilisation des médecins à l’identification des TRALI et à la déclaration, notamment en réanimation, doit être poursuivie. Enfin, les critères diagnostiques des TRALI doivent être adaptés à la réanimation. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : TRALI ; Hémovigilance ; Toronto ; TACO ; Transfusion Abstract “Transfusion-related acute lung injury” (TRALI) is a post-transfusion lesional pulmonary edema, potentially severe, better defined since the conference of Toronto in 2004. The incidence of TRALI reported in France remains low in part because of its ignorance by physicians. The objective of our study was to evaluate retrospectively transfusion accidents with respiratory complications that occurred in Nancy University Hospital and reported to the haemovigilance between 1996 and 2006, from the software “Traceline” listing all the blood transfusion complications from signs observed. The analysis of the files has been performed by applying rigorously diagnostic criteria of Toronto. Forty-one cases of respiratory complications were found in 34,573 blood products. Ten cases of TRALI were diagnosed while only one case had been reported to Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Bernasinski). 1246-7820/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.tracli.2013.02.028

Les TRALI au CHU de Nancy : une incidence reconsidérée après l’application stricte des critères de Toronto

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Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Transfusion Clinique et Biologique 20 (2013) 40–45

Article original

Les TRALI au CHU de Nancy : une incidence reconsidérée aprèsl’application stricte des critères de Toronto

TRALI in the University Hospital of Nancy: A reevaluation of the incidence after applying strictcriteria of Toronto

M. Bernasinski a,∗, S. Gette b, J.-M. Malinovsky c, F. Viry Babel d, C. Charpentier d, G. Audibert d,M.N. Guirlet e, E. Lorne a, M. Moubarak a, E. Zogheib a, H. Dupont a, Y. Ozier f, P.-M. Mertes g

a Pôle anesthésie-réanimation médecine d’urgence, hôpital Sud, CHU d’Amiens, avenue Laënnec, 80001 Amiens, Franceb Pôle anesthésie-réanimation, hôpital Bon-Secours, CHR de Metz-Thionville, 1, place Philippe-de-Vigneulles, 57000 Metz, France

c Pôle urgence réanimation anesthésie et douleur, hôpital Maison-Blanche, CHU de Reims, 45, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims, Franced Pôle anesthésie-réanimation, hôpital Central, CHU de Nancy, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54000 Nancy, France

e Service d’hémovigilance, hôpital Brabois, CHU de Nancy, rue de Morvan, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, Francef Pôle anesthésie-réanimations-soins intensifs-blocs opératoires-urgences, CHU de Brest, boulevard Tanguy-Prigent, 29609 Brest cedex, France

Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, nouvel hôpital civil, hôpitaux universitaires de Strasbourg, BP 426, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex,France

Disponible sur Internet le 21 mars 2013

ésumé

Le transfusion-related acute lung injury (TRALI) est un œdème pulmonaire lésionnel post-transfusionnel, potentiellement grave, mieux définiepuis la conférence de Toronto de 2004. L’incidence des TRALI déclarés en France reste faible en partie à cause de sa méconnaissance pares praticiens. L’objectif de notre travail était d’évaluer de facon rétrospective les accidents transfusionnels avec complications respiratoiresurvenus au centre hospitalier universitaire de Nancy et déclarés à l’hémovigilance entre 1996 et 2006, à partir du logiciel « Traceline » répertoriant’ensemble des complications de la transfusion sanguine à partir des signes observés. L’analyse des dossiers a été réalisée en appliquant de faconigoureuse les critères diagnostiques de Toronto. Quarante et un dossiers de complications respiratoires ont été retrouvés pour 34 573 produitsanguins administrés. Dix cas de TRALI ont été diagnostiqués alors qu’un seul un cas avait été déclaré auprès de l’hémovigilance de Nancy. Leseuf autres cas avaient été préalablement étiquetés transfusion-associated circulatory overload (TACO). Aucun cas de TRALI n’a été recensé enéanimation. Notre travail permet de retrouver une incidence des TRALI dix fois plus importante que celle déclarée auparavant. La méconnaissancees TRALI et l’absence de définition consensuelle avant 2004 ne suffisent pas à expliquer ces résultats. Cette étude montre l’intérêt potentiel d’unease de données et d’un système de déclaration informatisé et basé sur les symptômes observés. Elle met en lumière la vulnérabilité du système’hémovigilance actuel beaucoup trop dépendant d’un observateur médical unique. Bien que les TRALI soient reconnus comme des complicationsraves nécessitant parfois des soins de réanimation, notre travail n’a pas isolé de formes sévères de TRALI en réanimation. La sensibilisation desédecins à l’identification des TRALI et à la déclaration, notamment en réanimation, doit être poursuivie. Enfin, les critères diagnostiques desRALI doivent être adaptés à la réanimation.

2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : TRALI ; Hémovigilance ; Toronto ; TACO ; Transfusion

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“Transfusion-related acute lung injury” (TRALI) is a post-transfusion lesional pulmonary edema, potentially severe, better defined since theonference of Toronto in 2004. The incidence of TRALI reported in France remains low in part because of its ignorance by physicians. Thebjective of our study was to evaluate retrospectively transfusion accidents with respiratory complications that occurred in Nancy Universityospital and reported to the haemovigilance between 1996 and 2006, from the software “Traceline” listing all the blood transfusion complications

rom signs observed. The analysis of the files has been performed by applying rigorously diagnostic criteria of Toronto. Forty-one cases ofespiratory complications were found in 34,573 blood products. Ten cases of TRALI were diagnosed while only one case had been reported to

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Bernasinski).

246-7820/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.tracli.2013.02.028

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M. Bernasinski et al. / Transfusion Clinique et Biologique 20 (2013) 40–45 41

he haemovigilance. The remaining nine cases were previously labeled transfusion-associated circulatory overload (TACO). No cases of TRALIave been identified in the ICU. Our work can find an incidence of TRALI 10 times greater than previously reported. Ignorance of TRALI and theack of consensus definition before 2004 are not sufficient to explain these results. This study demonstrates the potential interest of database andomputerized declaration system based on the symptoms observed. It highlights the vulnerability of the current haemovigilance too dependent on

single medical observer. Although TRALI are recognized as serious complications, sometimes requiring resuscitative care, our work was notsolated severe TRALI in ICU. Physician awareness of TRALI to the identification and to the declaration, including ICU should be continued.inally, the diagnostic criteria for TRALI must be adapted to the ICU.

2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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cfdL(dsclpécddtdatrosées et mousseuses, des râles crépitants à l’auscultation desdeux champs pulmonaires et parfois un frein bronchique etdes sibilants. Le diagnostic est confirmé par une radiographie

Tableau 1Critères diagnostiques des TRALI et des « possibles TRALI » d’après la confé-rence de consensus de Toronto de 2004.

Critères diagnostiquesdes TRALI

ALIDébut aiguHypoxémie : PaO2/FiO2 < 300 ou

SpO2 < 90 % en air ambiantInfiltrats pulmonaires bilatéraux sur la

radiographie de thoraxPas de défaillance cardiaque gauche, ni

d’augmentation des pressions de remplissagedes cavités cardiaques gauchesPas d’ALI avant la transfusionAu cours de la transfusion ou dans les 6 heuresqui suivent la fin de la transfusionPas de relation temporelle avec d’autres facteursde risque d’ALI

Critères diagnostiques des« possible TRALI »

ALIPas d’ALI avant la transfusionAu cours de la transfusion ou dans les 6 heures

eywords: TRALI; Haemovigilance; Toronto; TACO; Transfusion

. Introduction

Le TRALI, acronyme de transfusion-related acute lungnjury, est un œdème pulmonaire lésionnel post-transfusionnelbservé à tous les âges, avec la même incidence dans les deuxexes [1]. Son incidence semble sous-estimée en France et ce enépit des nombreuses campagnes de sensibilisation de l’Agenceationale de sécurité du médicament et des produit de santéANSM). Cette sous-évaluation serait en partie liée à la non uti-isation stricte des critères de Toronto [2]. Dans la littératurenglo-saxonne, le TRALI a une incidence estimée à presque unour 5000 produits sanguins labiles (PSL) [3–6]. Il représenteésormais la première cause de décès post-transfusionnels auxtats-Unis [7]. Dans notre pays, son incidence semble être d’unas pour 60 539 PSL transfusés [8]. Le TRALI ne serait quea troisième cause de mortalité post-transfusionnelle en France9]. En 2010, le rapport national d’hémovigilance suggère sonmplication dans 20 % des décès liés à la transfusion [10].

À l’instar des données nationales, très peu de TRALIont identifiés à Nancy depuis 15 ans. Afin de déterminervec plus d’exactitude l’incidence des TRALI survenus depuis996 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy, unenquête rétrospective a étudié les accidents transfusionnels dont’expression clinique comporte une symptomatologie respira-oire à type de surcharge et d’hypoxie. Ces effets indésirables dea transfusion sont identifiés en consultant une base de donnéesnformatisée qui collige les accidents transfusionnels à partires signes observés. L’incidence des TRALI est réévaluée aprèspplication stricte des critères de Toronto [2].

. Matériel et méthode

Il s’agit d’une étude rétrospective incluant les incidents res-iratoires survenus après une transfusion sanguine au CHU deancy de 1996 à 2006.La sélection des dossiers est réalisée à partir de mots

lés contenus dans une base de données informatisée intitu-ée « Traceline » (société MEDICAL WS). Celle-ci répertorie’ensemble des incidents transfusionnels en fonction de laymptomatologie observée. Les infirmiers renseignent la fichenformatique dès lors qu’ils constatent le moindre évènementu cours ou au décours d’une transfusion sanguine. Le soi-

nant doit sélectionner parmi 11 syndromes prédéfinis celuiui ressemble le plus aux signes observés. Cette déclaration’aboutit pas systématiquement à une fiche d’effet indésirableeceveur (FEIR). Ce n’est qu’après une enquête clinique que le

esponsable d’hémovigilance juge la pertinence de la déclarationt décide ou non de remplir une FEIR.

Les dossiers du fichier « Traceline » comportant les itemsliniques évocateurs d’une complication respiratoire de la trans-usion sont retenus : item no 7 (malaise, hypotension artérielle,yspnée, tachycardie) et item no 9 (manifestations de surcharge).es autres items ne concernent pas la sémiologie respiratoire

frissons, hyperthermie, troubles digestifs, érythème, prurit,ouleurs notamment au site d’injection, hypotension artérielleévère isolée). Un collège d’experts composé de quatre méde-ins hospitaliers rompus à la transfusion sanguine analysees dossiers médicaux correspondant aux patients identifiésar « Traceline ». Chaque complication transfusionnelle esttudiée en tenant compte des critères de la conférence deonsensus de Toronto en 2004 [2] (Tableau 1). L’absence deéfaillance cardiaque aiguë clinique, radiologique et échocar-iographique doit être mise en évidence. Le diagnostic deransfusion-associated circulatory overload (TACO) est retenuevant une symptomatologie clinique évocatrice d’un œdèmeigu pulmonaire de survenue brutale avec des prodromes àype de chatouillement laryngé, accompagné d’expectorations

qui suivent la fin de la transfusionRelation temporelle probable avec un autrefacteur de risque d’ALI

42 M. Bernasinski et al. / Transfusion Cliniq

Tableau 2Liste des éléments renseignés lors de la revue des dossiers médicaux.

Service d’hospitalisationÂge du patientGravité de l’accident transfusionnelAntécédents du patientNotion d’insuffisance cardiaqueTerrain favorisant les TRALI (hémopathies malignes, pathologies

cardiovasculaires, situations chirurgicales, circulationextracorporelle, sepsis, transfusions massives, traitementscytokiniques)

Type et le nombre de produit sanguin labileSexe des donneursDélai d’apparition et la durée des symptômesExistence d’une dyspnée, d’une cyanose, d’une toux, d’expectorations

muqueuses et/ou de râles crépitants bilatérauxTempérature corporelle (delta > 1 ◦C)Valeur de la pression artérielle (delta > 20 % entre la pression artérielle

pré-transfusionnelle et la pression artérielle post-transfusionnelle laplus extrême)

Fréquence cardiaque (augmentation de 20 % entre la fréquencecardiaque pré-transfusionnelle et la fréquence cardiaquepost-transfusionnelle la plus extrême)

Autres signes associésL’état du parenchyme pulmonaire sur la radiographie de thorax de face

(normale ou opacités alvéolo-interstitielles bilatérales)Résultat de l’échocardiographieValeur de la préssion artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO)Valeur de la PaO2 (pression partielle en oxygène du sang artériel),

SpO2 (saturation pulsée en oxygène mesurée à l’oxymètre de pouls),FiO2 (fraction inspirée en oxygène), existence d’une neutropénie,valeur de la Brain Natriuretic Peptide (BNP), troponinémie

Bilan immunologique chez le donneur : la recherche d’anticorpsanti-HLA de classe I et II et d’anticorps antigranuleux, le typageHLA et le typage granuleux

Utilisation de solutés de remplissage vasculaire (en précisant laquantité), de diurétiques, d’amines vasopressives ou inotropes (avecles posologies)

Efficacité du traitement entrepris

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4. Discussion

horacique en incidence de face qui retrouve des hiles pul-onaires élargis avec un œdème péri-hilaire. L’examen de

éférence reste l’échocardiographie transthoracique qui objec-ive une élévation des pressions de remplissage du cœur gauche.es autres causes d’acute lung injury (ALI) notamment infec-

ieuses sont éliminées. L’indication et les circonstances de laransfusion, la description clinique de l’accident transfusionneldyspnée, tachycardie, hypotension ou HTA, élévation ther-ique [3,11,12]), les antécédents du patient et les résultats des

xamens complémentaires biologiques (neutropénie transitoire11,13]) et échocardiographiques sont colligés (Tableau 2).

En parallèle, les FEIR du service d’hémovigilance de Nancyont consultées afin de connaître le diagnostic retenu initiale-ent par le correspondant d’hémovigilance.Le nombre des différents PSL transfusés et les effectifs de

atients transfusés au CHU de Nancy de 1996 à 2006 sont trans-is par l’établissement de transfusion sanguine de Nancy. Les

ncidences des différentes complications transfusionnelles sur-enues pendant les dix années d’observation sont recalculées à

artir des diagnostics retenus par notre enquête puis à partir desiagnostics établis sur les FEIR. d

ue et Biologique 20 (2013) 40–45

. Résultats

Au total, la sélection retrouve 86 dossiers comportant lesentions : « malaise, hypotension artérielle, dyspnée, tachy-

ardie » ou « manifestations de surcharge (OAP, hypertensionrtérielle) ». Parmi ces dossiers, 45 sont exclus (poussées hyper-ensives isolées). Parmi les 41 dossiers restants, le collège’experts retrouve dix cas de TRALI, 28 cas de TACO et troisas d’allergie transfusionnelle.

Dans le groupe TRALI, les PSL impliqués sont les concentréslaquettaires d’aphérèse (CPA) pour sept patients et les concen-rés de globules rouges (CGR) pour quatre patients. Les TRALIbservés dans ce travail surviennent après la transfusion d’uneul PSL. Aucun cas de TRALI n’est observé après la transfu-ion de plasma frais congelé (PFC). Pour ces patients, l’évolutionst favorable dans les 48 heures, avec un séjour en réanimationour deux d’entre eux. Aucun décès n’est constaté. Parmi leseuf nouveaux cas de TRALI, sept surviennent avant l’année004 dont cinq avant l’année 2002.

Dans le groupe TACO, tous les patients recoivent au moinsn CGR. Un seul recoit un PFC mais aucun CPA n’est transfusé.e nombre moyen de PSL transfusé est supérieur à deux. Danse groupe, trois décès sont rattachés directement à l’accidentransfusionnel, soit une mortalité de 11 % dans notre population.

Dans notre série, sept hémopathies, une néoplasie ou unepsis sont retrouvés dans le groupe des TRALI. L’enquêtemmunologique menée sur le seul TRALI initialement diagnos-iqué a isolé chez la donneuse du CPA mis en cause un anticorpsntigranuleux (HNA1b) ne correspondant pas au phénotypeNA du receveur et anti-HLA de classe II de spécificité cor-

espondant au groupage HLA du receveur (cross match positif).ans le groupe des TACO, 89 % des patients ont une insuffisance

ardiaque chronique.Une ascension de la température corporelle d’au moins 1 ◦C

st retrouvée pour trois des dix cas de TRALI et pour un desas de TACO. Une hypotension artérielle est isolée dans un case TRALI. Soixante et onze pour cent des patients étiquetésACO sont hypertendus. La neutropénie est trouvée chez 20 %es patients sans différence significative entre les cas de TRALIt les cas de TACO. Le délai d’apparition des symptômes estnférieur à six heures pour les 41 patients sans différence entrees TACO et les TRALI.

Finalement, au CHU de Nancy, sur la période de 1996 à 2006,45 736 PSL sont transfusés. L’incidence corrigée des TRALI auours de ces dix années est d’un cas pour 34 573 PSL transfusésontre seulement un cas pour 345 737 PSL si on tient compte desonnées initialement retenues en hémovigilance. Sur la mêmeériode, l’incidence des TACO est d’un cas pour 12 348 PSLransfusés. La distribution des incidences des TRALI et desACO en fonction du type de PSL et du mode d’évaluationst résumée dans le Tableau 3.

L’application stricte des critères de Toronto sur une basee données informatisée recensant les complications de la

M. Bernasinski et al. / Transfusion Clinique et Biologique 20 (2013) 40–45 43

Tableau 3Incidence du TRALI et des TACO au CHU de Nancy de 1996 à 2006.

Enquête de l’hémovigilance Application de la définition de 2004

TRALI TACO TRALI TACO

Patient 1/38 500 1/1041 1/3850 1/1375PSL 1/345 737 1/9344 1/34 573 1/12 348Concentré de globules rouges 0 1/6938 1/55 500 1/7929Concentré plaquettaire d’aphérèse 1/38 250 1/6375 1/5464 0P 7 200

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ransfusion sanguine à partir de signes cliniques observés per-et de trouver une incidence de TRALI dix fois plus importante

ue celle déclarée à l’hémovigilance sur la même période.’incidence redressée est d’un cas sur 34 573 PSL transfusés, ceui est plus proche des valeurs observées dans la littérature issuees données francaises [8] mais toujours inférieure aux donnéesitées par Silliman et Wallis qui vont de 1/5000 à 1/10 000 PSL3,4]. Même si ce travail rétrospectif ne porte que sur l’analysee 86 dossiers, il plaide pour une approche plus systématiquees déclarations des effets indésirables de la transfusion à l’aidee logiciels informatiques mis à disposition des soignants danshaque service d’un établissement de santé.

La différence observée à Nancy entre les incidences desRALI avant et après application des critères de Toronto sou-

igne la méconnaissance des TRALI avant la diffusion de cesritères [10,14–16] et les difficultés rencontrées par le corpsédical pour affirmer l’existence d’un TRALI avant 2004.e diagnostic est essentiellement clinique [1,4,17,18] et il est’autant plus difficile que le patient présente des antécédentsardiologiques. Le bilan immunologique permet la compréhen-ion des mécanismes physiopathologiques et certifie en cas deositivité l’existence d’un TRALI immunologique. En revanche,ucun test diagnostique n’élimine les TRALI avec certitude.ependant, cette complexité du diagnostic est similaire dans

ous les pays développés et ne peut expliquer à elle seule la dif-érence existant entre l’incidence francaise [10] et les incidencesstimées par diverses études notamment anglo-saxonnes [3–6].

Les performances du système d’alerte actuel doivent êtreptimisées. La sous-estimation des TRALI en France sembleiée à la « vulnérabilité » passée de l’hémovigilance. La pos-ibilité de déclarer les TRALI dans la base d’hémovigilancee date que de 2002. Auparavant aucune FEIR ne comportait’item TRALI dans le paragraphe dédié à l’orientation diagnos-ique. L’optimisation du fonctionnement du système d’alerte esta condition sine qua non de l’augmentation du dépistage desncidents de la transfusion notamment des TRALI. Actuelle-

ent, l’établissement du diagnostic final sur les fiches d’effetndésirable dépend du seul correspondant d’hémovigilance. Ore nombreux médecins n’ont pas considéré le TRALI commene entité médicale propre mais comme une forme de TACO.’exigence injustifiée d’une preuve immunologique par cer-ains scientifiques, avant la conférence de 2004, a conduit àxclure un nombre conséquent de cas. La dépendance du sys-

ème déclaratif actuel à un observateur médical unique amoindrite toute évidence les performances de l’hémovigilance. Laymptomatologie devrait être appréciée systématiquement à

dgr

0 1/47 200

’échelon de chaque établissement par un collège d’expertsssurant une discussion multidisciplinaire pour chaque effetndésirable de la transfusion et cela avant que la FEIR neoit adressée à l’échelon national. Cela est valable pour touteses complications de la transfusion et notamment pour lesffets indésirables nécessitant une expertise clinique comme lesRALI.

L’efficacité de l’hémovigilance peut être mise en jeu bienvant que l’existence d’un incident de la transfusion ne soitommuniquée au service d’hémovigilance. Dans de nombreuxentres de santé, le signalement d’un effet indésirable de laransfusion n’est soumis le plus souvent qu’à l’appréciation’un observateur médical unique qui remplit une fiche dédiéevec les principaux symptômes. Ce clinicien représente unltre potentiel au processus de déclaration. La garantie qu’iloit réellement sensibilisé aux enjeux de l’hémovigilance n’estamais vérifiable. Sa connaissance du protocole de signalement’est pas certaine notamment au cours d’une garde lorsque ceernier doit seul répondre avant tout aux nombreuses urgencesliniques reportant au lendemain une tâche plus administrativeui aura alors de fortes chances d’être oubliée. En permettantn recueil systématisé et informatisé des signes observés auécours d’une transfusion, « Traceline » constitue de ce fait unrototype d’alternative aux pratiques actuelles. La déclarationst facile et rapide via un logiciel présent sur chaque postenformatique et ne nécessite pas de diagnostic d’emblée. Saimplicité d’utilisation favorise l’adhésion et la participation desoignants rendant le processus de déclaration plus systématiquet plus rigoureux. Ainsi le responsable en hémovigilance,’ayant pas un service ouvert 24 heures sur 24 heures, peutous les matins repérer les incidents en même temps qu’ilvalue la qualité de la tracabilité des PSL. Il peut ainsi trèsapidement débuter une enquête au niveau du service concernéuis effectuer une déclaration d’hémovigilance s’il juge cetteéclaration justifiée et utile. La rapidité de la démarche éviteinsi la perte d’information. « Traceline » améliore ainsi la qua-ité et l’exhaustivité du dépistage. L’existence d’items cliniquesimplifiés pour la déclaration laisse envisager son utilisation pares infirmiers. Ces derniers pourront probablement à l’avenirntégrer la filière d’hémovigilance à l’aide d’un logiciel de ceype et se positionner ainsi à l’avant-garde des déclarations.es campagnes de sensibilisation doivent cibler tous les acteurse santé. L’informatisation progressive des établissements

e santé permet d’envisager dans les années à venir uneénéralisation de ce principe déclaratif. Une rétro-informationapide et systématique aux soignants pour chaque signalement

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4 M. Bernasinski et al. / Transfusion

st nécessaire pour entretenir la motivation des équipes et ainsiajorer l’exhaustivité des déclarations.Concernant les TRALI en particulier, les efforts

’information doivent cibler les services à risque. Dansotre série, 80 % des cas de TRALI identifiés apparaissent danse cadre de pathologies cardiaques ou hématologiques. Notreérie est trop petite pour identifier tous les terrains à risque.ertaines pathologies facilitent l’adhésion des polynucléaireseutrophiles à l’endothélium et conduisent à la survenue deRALI [3,19]. La littérature médicale a identifié plusieursituations à risque : essentiellement les hémopathies malignest les pathologies cardiovasculaires, les situations chirurgicalesen particulier avec circulation extracorporelle), les syndromesnfectieux aigus, les transfusions massives et les traitementsytokiniques, l’alcoolisme chronique et la chirurgie hépatique1,3,20,21]. Malgré l’utilisation de « Traceline », aucun décèsn rapport avec un TRALI n’est rapporté au CHU de Nancyotamment en réanimation. Les formes graves ne sont pasares dans la littérature. Les TRALI sont les principales causese mortalité transfusionnelle [7,9,22]. Le taux de décès desRALI s’élève entre 5 et 20 % [8,23–25]. Les données de

a littérature évaluent également le recours à la ventilationécanique entre 55 et 70 % des cas [23,24]. Dans notre

tude, aucun patient ne nécessite une ventilation artificielle. Traceline » n’a pas permis d’isoler les patients de réanimationorteurs d’un ALI qui ont aggravé, même de facon mineure,eur fonction respiratoire au décours d’une transfusion. Dea même facon, les « poumons blancs » considérés commene conséquence attendue de la transfusion massive n’ontas été répertoriés. La méconnaissance de la pathologie et laifficulté diagnostique face aux autres causes d’ALI expliquentà aussi la non reconnaissance des TRALI en réanimation. Laéfinition retenue actuellement par la conférence de consensusst difficile à appliquer en réanimation notamment lorsqu’unatient hospitalisé pour un ALI voit son état respiratoire seégrader brutalement dans les suites immédiates d’une trans-usion sanguine. Chez un patient sous ventilation mécanique,es signes d’alerte peuvent se résumer à une désaturation duang artériel à l’oxymètre de pouls et parfois simplement àne désadaptation du respirateur. Les réanimateurs doivent êtrenformés de la possibilité d’établir le diagnostic de « possibleRALI ». La définition du TRALI doit être adaptée à la

éanimation en établissant par exemple un seuil de variation duapport PaO2/FiO2 ou un score diagnostique de présomption.ne meilleure détection des TRALI en réanimation peut être

endue possible par une surveillance systématique des deltae saturation pulsée en oxygène mesurées à l’oxymètre deouls pour déclencher une alerte au cours ou décours de laransfusion, ce qui devrait être possible avec l’informatisationrogressive des réanimations [26].

. Conclusion

L’application stricte des critères diagnostiques du TRALIur une base de données informatisée constituée à partir desymptômes observés par les soignants permet de modifier deombreux diagnostics établis par l’enquête d’hémovigilance.

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ue et Biologique 20 (2013) 40–45

’incidence des TRALI est significativement plus élevée etlus proche des valeurs anglo-saxonnes après revue des dos-iers : dix fois plus élevée que celle établie par l’enquête’hémovigilance. La difficulté diagnostique des TRALI quirovient d’une ressemblance clinique avec leur principal dia-nostic différentiel, les TACO, ne suffit pas à expliquer cetcart. Le système d’hémovigilance actuel ne permet d’observerue la partie émergée de « l’iceberg ». Sa performance peuttre améliorée à condition que des mesures soient prises poure rendre moins subordonné à un unique observateur médical.’idée d’un système de déclaration informatisé, basé sur lesymptômes observés comme le propose « Traceline » et poten-iellement accessible aux infirmiers, semble être une solution etoit faire l’objet d’une évaluation plus étendue. Les campagnes’information sont à poursuivre particulièrement en réanimationar la sous-évaluation des TRALI tient également à la non identi-cation des cas graves. La non détection des aggravations d’ALIréexistants mais aussi la non déclaration des poumons blancses transfusions massives sont des hypothèses. Les critères deiagnostic du TRALI doivent faire l’objet d’une adaptation enéanimation.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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