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III Évaluation des capacités langagières

Les Troubles du Langage Chez L'enfant || Introduction

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IIIÉvaluation des capacités

langagières

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Les chapitres précédents ont montré d’une part que le langage et la communi-cation constituent des phénomènes complexes qui peuvent être appréhendés de différents points de vue (chapitre 2), et, d’autre part, que les troubles du langage oral (chapitres 3 et 4) et du langage écrit (chapitres 5 et 6) présentent une hétéro-généité, liée à la fois aux diverses manifestations qui peuvent être observées et aux regards qui peuvent être portés sur ces dernières. C’est en tenant compte de toutes ces considérations que l’évaluation des capacités langagières orales et écrites, qui constitue l’une des pratiques centrales de la logopédie-orthophonie (voir chapi-tre 1), doit être envisagée.

L’objectif de cette troisième partie est de montrer en quoi consiste l’évaluation des capacités langagières en logopédie. Il s’agira, dans l’introduction, de situer cette démarche dans le cadre de l’ensemble des interventions logopédiques, et d’en décrire les objectifs et les principes généraux. Les deux chapitres suivants décriront et discu-teront les deux principales orientations prévalant actuellement en matière d’évalua-tion. Il s’agit, d’une part, de l’évaluation structurale de la langue orale et écrite (chapi-tre 7), qui reste l’option classique encore majoritaire, et, d’autre part, une évaluation centrée sur l’analyse des activités langagières orales et écrites (chapitre 8), option qui tend à se développer en raison notamment des limites de l’approche structurale dans la mise en évidence des forces et des faiblesses du patient et de son entourage. Dans les deux cas, après une description des caractéristiques générales, des données de la recherche et des outils seront présentés, à titre illustratif, car l’objectif de ces chapitres n’est pas de proposer une recension exhaustive des moyens d’évaluation disponibles, mais plutôt de présenter les principes théoriques et méthodologiques sous-jacents à la démarche d’évaluation des capacités langagières orales et écrites.

Introduction : vers un diagnostic logopédique-orthophoniqueLe but d’une consultation logopédique-orthophonique est de parvenir, en collabo-ration avec les demandeurs, à évaluer la situation dans son ensemble, afin d’es-timer si les manifestations qui les préoccupent nécessitent une intervention au-delà de la consultation. Autrement dit, il s’agit pour le clinicien de poser un diagnostic et de définir une indication de prise en charge thérapeutique.

Dans ce qui suit, nous présentons la démarche générale d’une consultation logo-pédique (voir aussi Coquet, 2000) et définissons ce qu’on entend par diagnostic logopédique.

Le schéma général d’une consultation logopédique peut se décrire selon les étapes suivantes, présentées dans le tableau III.1.

Toute démarche de consultation peut se concevoir selon au moins deux points de vue. D’une part, le clinicien peut privilégier une démarche centrée sur la personne qui présente un (des) trouble(s), dont on cherche à faire le diagnostic nosographique et étiologique, c’est-à-dire à en décrire les principales manifestations (ou symptômes) et à en chercher l’origine, dans une logique de causalité linéaire. L’histoire du patient et de ses difficultés revêt une grande importance. Selon les références théoriques adoptées par le clinicien, il est possible d’évoquer des causes internes (neuropsy-chologiques, cognitives, développementales, psychopathologiques, etc.) ou externes

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(environnementales, familiales et/ou scolaires) à l’enfant. Cette perspective prend ses racines dans le modèle médical classique, et a été reprise par différents professionnels de la santé en général (psychanalystes, psychologues, logopédistes- orthophonistes, etc.). D’autre part, le clinicien peut adopter une perspective centrée sur le groupe, et en particulier sur le groupe auquel appartient à la base la personne présentant un trouble, à savoir la famille. Il s’agit davantage de travailler sur les interactions actuelles des membres de la famille, interactions aux influences réciproques, et moins sur l’histoire du patient dit désigné. Dans une démarche de causalité circulaire, le logopédiste peut « se focaliser sur la relation entre les éléments du système dans lequel la difficulté s’inscrit » (Joliat, 2008, p. 22). Cette démarche relève des modèles systé-miques. Nous ne développons pas davantage ces deux orientations, mais renvoyons le lecteur d’une part au chapitre 2 pour les fondements de ces modèles et d’autre part à Joliat (2008) pour une discussion de ces deux orientations en orthophonie. Des illustrations de pratiques peuvent également être trouvées dans Sylvestre et coll. (1999), Galli Cornali (1999), Guerrero et Guillaume (2008) notamment.

Dans l’explicitation du schéma de la consultation logopédique (voir Tableau III.1) qui suit, ces deux points de vue ne sont pas présentés de façon dichotomi-que ; des éléments relevant de l’un et de l’autre sont intégrés dans les réflexions.

DemandeLe point de départ de la démarche de consultation est la demande des consultants qui prennent contact avec le clinicien (Grossen, 2006 et 2008). Pour les enfants, cette demande doit émaner des parents1, mais ceux-ci peuvent avoir été conseillés par l’enseignant de leur enfant (quand celui-ci est déjà scolarisé), par un méde-cin (pédiatre, ORL, psychiatre, phoniatre, orthodontiste, etc.), un psycho logue ou toute autre personne ou professionnel.

Tableau III.1. Schéma général d’une consultation logopédique

Demande des parents↓

Consultation auprès d’un spécialiste↓

Premier entretien↓

Suites possibles :

a. Arrêt de la consultation

b. Entretiens :- parents- famille- école- autre, etc.

c. Examen logopédi-que de l’enfant

d. Examens complémentaires

↓Entretien de synthèse : diagnostic logopédique et indication thérapeutique

1 Par commodité, nous utilisons l’expression les parents. Il va de soi que ce ne sont pas toujours les deux parents qui participent au même titre à l’ensemble de la démarche thérapeutique.

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Selon l’institution dans laquelle le clinicien travaille, la politique par rapport au signalement peut différer, dans la mesure où, parfois, les cliniciens sont intégrés au système scolaire. Toutefois, même dans ces situations, le code de déontologie du clinicien le contraint à respecter l’autorité parentale et donc à laisser aux parents la responsabilité de la demande, qu’ils peuvent alors formuler à leur manière, selon leurs besoins.

Arrêtons-nous quelques instants sur le rôle de l’école2 dans cette démarche. L’école est souvent un révélateur des difficultés, des troubles psycho-scolaires et langagiers en général de l’enfant. Elle devrait se mettre alors dans un rôle de conseiller, sans prendre des décisions à la place des parents. Toutefois, il n’est pas rare d’observer les pressions qui peuvent être exercées sur les parents, par exemple en les obligeant à consulter un professionnel, en faisant dépendre le passage dans le degré scolaire supérieur à la consultation, etc. Ce type de pratique pose bien sûr un problème de motivation chez les parents qui finissent par se soumettre et à consulter contraints, sans que cette démarche ait un sens pour eux. Rappelons, à ce propos, que l’exigence scolaire ne correspond pas forcément au rythme de la famille. L’expérience des cliniciens montre qu’une consultation précipitée ou contrainte aboutit très souvent, tôt ou tard, à une rupture dans la démarche théra-peutique (Folletête, 1995 ; Roller, 1995), dans la mesure où, dans ces cas, l’alliance thérapeutique (de Roten, 2006) entre la famille et le logopédiste ne peut s’établir de façon approfondie. Il est donc préférable de prendre le temps nécessaire pour que les parents intègrent la nécessité d’une consultation et parviennent à formuler une demande qui réponde à leurs propres besoins. Ce n’est que dans ces conditions qu’une mesure thérapeutique a des chances d’aboutir. Si les cliniciens insistent sou-vent sur cet aspect, c’est qu’ils cherchent par leurs interventions à aider les patients à harmoniser leurs capacités langagières et communicatives ; ils visent par consé-

quent un objectif à long terme, qui n’est pas forcément limité à l’année scolaire.

Premier entretienÀ partir du moment où les parents ont une demande relative à leur enfant, ils vont consulter un spécialiste. Celui-ci va leur proposer un premier entretien. Cette démarche signifie que les parents, ont observé que (craignent que, se demandent si) certains comportements, certaines façons de parler, de lire, d’écrire, etc., de leur enfant ne sont pas conformes à leur attente. Ces attentes sont construites en fonction de normes implicites, elles-mêmes élaborées sur la base des expé-riences personnelles des parents, de leur histoire familiale, mais aussi souvent à partir de comparaisons avec d’autres enfants et/ou de connaissances dans les domaines du développement langagier et psychologique (cognitif et affectif- relationnel) des enfants, acquises notamment au travers des médias.

Ce premier entretien avec les parents, qui se déroule en présence ou non de l’enfant, inaugure une démarche thérapeutique de consultation qui vise un double objectif : d’une part, une compréhension d’ensemble de la demande, du trouble et de la situation de l’enfant et de la famille, et, d’autre part, une évaluation des capacités

2 Les relations de la logopédie-orthophonie avec l’école sont évoquées dans la conclusion de l’ouvrage.

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langagières de l’enfant. L’ensemble de ces éléments doit permettre d’aboutir à une décision relative à la nécessité d’une démarche thérapeutique à plus long terme. Le premier objectif se justifie par le fait qu’un trouble langagier n’est pas considéré de façon isolée, pour lui-même uniquement, mais en fonction de l’ensemble des facteurs environnants et propres à l’enfant. Cette option renvoie à la notion de symptôme (voir des exemples dans Serrano, 1994 et 2002), et en particulier au fait qu’un même symptôme (un trouble d’articulation, une difficulté d’apprentissage de la lecture, etc.) peut prendre des significations différentes pour des personnes différentes, et donc nécessiter des interventions différentes. Le deuxième objectif vise une mise en évidence des forces et des faiblesses de l’enfant de façon appro-fondie, mais également de son entourage. Dans ce qui suit, nous nous centrons surtout sur le premier objectif, le second faisant l’objet des chapitres 7 et 8 de cette partie.

Revenons au premier entretien. Précisons pour commencer que ce terme peut être trompeur, dans la mesure où il n’est premier que dans la configuration de ce début de consultation. Il ne faut toutefois pas oublier que les parents (ou tout consultant) ont déjà eu des entretiens à propos des difficultés qui motivent la consultation, que ce soit dans le cadre familial, social ou avec d’autres professionnels (Grossen, 2006 et 2008). Ainsi, le premier entretien avec le logopédiste constitue une étape d’un processus, et non son point de départ. Comme le dit Grossen (2008, p. 12), « il s’inscrit donc dans un passé et prépare le futur ».

Le but de cet entretien est, tout d’abord, de cerner la demande des consultants (des parents quand il s’agit d’enfants), car la demande exprimée au téléphone n’est jamais complète. S’entretenir de cette demande signifie parvenir, d’une part, à une définition des difficultés rencontrées par l’enfant selon les parents, mais également selon l’enfant s’il est présent, et, d’autre part, à une explicitation, autant que faire se peut, des attentes par rapport au(x) spécialiste(s). Autrement dit, le thérapeute « cherche à comprendre les attentes du patient au-delà de sa plainte immédiate » (ibid., p. 11). Cet entretien constitue un processus de négociation entre les consultants et le clinicien, négociation qui vise à aboutir à une première définition commune des difficultés et de ce que le clinicien peut proposer en fonction des attentes. On peut alors parler d’une construction collective (de Roten, 2006 ; Grossen, 2006 et 2008 ; Joliat, 2008). Cette définition commune évolue souvent par la suite, mais ce point de départ est primordial dans le processus thérapeutique qui s’engage à ce moment-là.

Considérons ensuite la place de l’enfant dans une telle consultation. Rappelons que ce n’est généralement pas lui qui est à l’origine de la demande, mais ses parents, bien que cette demande le concerne très directement. Ainsi, contrairement à une consultation avec un adolescent ou un adulte, ce n’est pas l’enfant qui est l’interlo-cuteur principal du logopédiste-orthophoniste, mais les parents, qui viennent donc pour leur enfant, mais pas pour eux directement. Par ailleurs, comme le montre Grossen (2008), l’enfant est dans une situation doublement asymétrique : il est le patient (par opposition au logopédiste-thérapeute) et enfant (par rapport aux adultes). Cet état de fait lui confère une place particulière où il peut avoir tendance à peu s’exprimer, même si le logopédiste l’invite à le faire. Dans ce cadre complexe, la difficulté du clinicien est « à la fois d’obtenir l’implication des parents (condition

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indispensable à une éventuelle prise en charge de l’enfant) et de maintenir avec l’enfant un contact qui en fasse, immédiatement ou par la suite, un participant actif à son traitement, le “propriétaire” de ses difficultés » (p. 12).

Le premier entretien poursuit trois objectifs :• permettreauxparentsdeprendreconsciencedel’aidequ’ilsontdéjàapportéeà leur enfant, ce qui renvoie à tout ce qui s’est déjà déroulé avant la consultation ; de l’aide qu’ils sont encore prêts à lui offrir en plus de l’éventuelle intervention du clinicien ; parallèlement, du point de vue de ce dernier, cet entretien permet d’éva-luer à quel degré les parents sont prêts à accepter une aide extérieure ;• donnerlapossibilitéauxparentsdemettreenrelationdifférentséléments(événe­ments, difficultés, etc.) de l’enfant et de l’histoire familiale actuelle et passée, ce qui permet de commencer à attribuer un sens au trouble langagier ; c’est dans cet espace de discussion que peuvent s’actualiser les causalités linéaires et circulaires (voir supra) ;• permettreaulogopédistedesefaireunereprésentationdesdifficultésdel’en-fant, de la situation dans son ensemble, passée et actuelle, pour envisager la suite à donner à ce premier entretien.

Dans ce processus de compréhension, les participants à la consultation sont donc amenés à parler de différents éléments, certains étant évoqués spontanément par les parents, d’autres nécessitant des questions de la part du clinicien. On parle sou-vent d’anamnèse à propos de ces thèmes relatifs à la vie de l’enfant et de sa famille, abordés lors du(des) premier(s) entretien(s) (voir Aimard et Morgon, 1983, pour un exemple de données anamnestiques). Par rapport à cette idée d’anamnèse, il ne s’agit absolument pas de procéder à un interrogatoire pour récolter des informa-tions, mais de conduire un entretien clinique (Chiland, 1983), qui doit avant tout être utile aux consultants. L’important n’est pas d’obtenir tous les renseignements, mais de proposer des thèmes en fonction de la discussion et des associations des parents et/ou de l’enfant, sans quoi la construction commune du sens de la consul-tation n’est pas atteinte, et la dimension thérapeutique de cette dernière évacuée.

Suite à ce premier entretien, plusieurs possibilités s’offrent à la famille et au clinicien, dont voici les principales (voir supra, tableau III.1).

Suites de la consultation logopédique-orthophoniqueIl arrive que l’enfant ne présente pas de troubles, les manifestations observées par les parents étant habituelles dans le cours du développement du langage oral ou de l’apprentissage du langage écrit. La consultation peut avoir eu un effet théra-peutique, permettant aux parents de mieux comprendre comment se déroulent ces acquisitions et donc d’être tranquillisés ; dans ces cas, un entretien ultérieur est toujours possible. Il arrive aussi parfois que l’enfant ne manifeste pas de troubles langagiers, mais d’autres difficultés qui nécessitent une consultation auprès d’un autre spécialiste ; il s’agit alors pour le clinicien de parvenir à bien faire comprendre aux parents la nécessité d’un autre type de consultation, et surtout de s’assurer de cette compréhension. Si tel n’est pas le cas, le clinicien va proposer un (ou des) autre(s) entretien(s), comme décrit ci-dessous.

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Différents entretiensUne poursuite des entretiens avec les parents peut être proposée par le clinicien pour différentes raisons : demande insuffisamment claire aboutissant à une diffi-culté dans la construction commune du sens de la consultation, événement(s) lié(s) à l’enfant, à la famille, absence d’un des parents lors du premier entretien, etc. Les parents et le clinicien décident alors si ce(s) entretien(s) ultérieur(s) se font en présence ou non de l’enfant présentant des difficultés, des éventuels autres membres de la fratrie.

Dans la mesure où l’enfant appartient non seulement au système familial, mais également au système scolaire en tant qu’élève (Joliat, 2008), il peut s’avérer utile que le clinicien ait un entretien avec les responsables de l’enfant à l’école (ensei-gnant titulaire, d’appui, inspecteur/directeur d’école, etc.), afin de recueillir le point de vue de ces partenaires (Curonici et McCulloch, 1997 ; Curonici, Joliat et McCulloch, 2006 ; Joliat, 1999). Cet entretien peut parfois réunir l’ensemble des partenaires : les parents, l’enfant, les responsables scolaires et le clinicien. Dans tous les cas, le code de déontologie de la logopédie-orthophonie souligne la néces-sité d’avoir l’accord des parents pour entreprendre une telle démarche, si elle a lieu en dehors d’eux.

Examen/entretien logopédique-orthophonique de l’enfantCet examen a lieu lorsque les parents et l’enfant l’acceptent. L’ensemble des parte-naires a alors décidé si l’enfant s’entretiendra seul avec le clinicien, ou si l’un des parents sera présent, les raisons du choix ayant été explicitées. La présence de l’un des parents lors de cette étape n’est pas forcément liée à une difficulté éventuelle de l’enfant à être seul avec un adulte qu’il connaît encore peu (ce qui est habituel avec les très jeunes enfants), mais à un choix du clinicien qui envisage cette démar-che dans une perspective interactionniste (voir infra et chapitre 8). Cet examen de l’enfant s’étend en général sur au moins deux séances. C’est dans ce cadre que se déroule la plus grande partie de l’évaluation des capacités langagières.

De manière générale, une démarche d’évaluation des capacités langagières est guidée par les hypothèses du clinicien relatives à la situation du patient. Celles-ci sont élaborées sur la base de différents éléments : d’une part, les entretiens qui ont précédé cette évaluation, et les observations qu’il a déjà pu effectuer au cours de ces entretiens ; d’autre part, les références théoriques pertinentes par rapport au(x) domaine(s) concerné(s). Ces références concernent notamment le développement/apprentissage et les troubles du langage oral et écrit, ainsi que les différentes approches de ces domaines telles qu’elles ont été développées dans les chapitres 3 à 6. Ainsi, selon la (les) approche(s) privilégiée(s), la démarche d’évaluation s’effectuera selon une méthodologie spécifique et cherchera à mettre en évidence des éléments de nature différente. Les chapitres 7 et 8, centrés respectivement sur l’évaluation structurale et sur l’évaluation des activités lan-gagières, visent à montrer les spécificités de chacune de ces orientations, ces der-nières étant en relation avec la perspective générale dans laquelle la pratique de l’orthophonie-logopédie est conçue (de Weck et Rosat, 2003). Ainsi au risque d’être un peu schématique, on peut considérer qu’une évaluation essentiellement

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structurale s’insère plutôt dans une optique rééducative, centrée sur le(s) déficit(s) et les manques de l’enfant à combler par la suite, d’orientation plutôt médicale et/ou neuropsychologique (voir par exemple Mazeau, 2003). Par contre, une évaluation basée davantage sur les activités langagières se situe plutôt dans une perspective de psychologie développementale socio-interactionniste, cherchant à comprendre où en est l’enfant dans son développement ou son apprentissage afin de lui permettre de le poursuivre plus harmonieusement par la suite dans une visée thérapeutique (voir par exemple Coville, 1993 ; de Weck, 1997b ; de Weck et Rosat, 2003 ; Dubois et Kuntz, 1999 ; Lederlé, 2005 et 2008). Le but du logopédiste-orthophoniste est alors de mettre en évidence avant tout les savoirs et savoir-faire de l’enfant ; ses difficultés, même si elles doivent encore être spé-cifiées dans cet examen, sont déjà largement connues de l’enfant lui-même et de son entourage. Pour que l’intervention qui pourrait être ensuite proposée à l’enfant puisse être efficace, le niveau actuel (Vygotski, 1946/1985) de l’enfant doit être établi afin que l’intervention puisse se situer dans sa zone proximale de développement.

Examen(s) complémentaire(s)Selon les troubles de l’enfant, les parents peuvent être amenés à aller consulter l’un des autres spécialistes suivants :• unpsychologueet/ouunpsychiatre,lorsquedesquestionsimportantesseposentsur le fonctionnement cognitif-intellectuel, psychique, relationnel de l’enfant ; une telle indication ne doit pas laisser supposer que le logopédiste-orthophoniste n’est pas habilité à aborder ces questions, et qu’il doit se cantonner aux considérations touchant uniquement au langage de l’enfant ; bien au contraire, il se doit de consi-dérer l’enfant dans l’intégralité de son développement et de sa personne, le lan-gage, oral comme écrit, ne se développant pas de façon isolée ; les cas classiques nécessitant une telle consultation sont les situations où le clinicien fait l’hypothèse d’un trouble intellectuel important ou d’une psychopathologie grave, telle qu’une psychose ou un autisme ;• unneurologueet/ouunneuropédiatre, lorsquedes informationscomplémen­taires, relatives à d’éventuels troubles neurologiques et/ou neuropsychologiques, sont nécessaires ;• unmédecinORLencasdesuspiciondetroublesdel’auditionchezlepatient,ou pour un examen de la sphère bucco-pharyngo-laryngée (fosses nasales, voile du palais, végétations/amygdales, etc.) lorsque le patient présente des difficultés dans le passage de l’air, qui peuvent entraver son articulation et/ou sa voix ;• unphoniatrepourdesproblèmesplusspécifiquesdevoix;• unorthodontistepourdesquestionsliéesàladentition:certainespositionsdesdents, des mâchoires peuvent entraîner des troubles de l’articulation notamment.

Suite à l’examen complémentaire, les informations circulent entre les parte naires de diverses façons : les parents peuvent transmettre les résultats au logopédiste- orthophoniste, mais généralement celui-ci a un contact direct avec le spécialiste consulté.

Les différentes démarches qui suivent le premier entretien peuvent s’effectuer en parallèle, comme en témoigne leur disposition dans le schéma de la consultation

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logopédique (voir tableau III.1), mais également dans le successif. Par exemple, l’examen logopédique de l’enfant peut amener le clinicien à faire des hypothèses nécessitant, pour les vérifier, un (des) examen(s) complémentaire(s) qui n’avai(en)t pas été envisagé(s) précédemment. De fait, pour chaque patient, la pertinence et le moment opportun de chaque étape de la démarche doivent être évalués et leur réalisation faire l’objet d’un accord entre les consultants et le clinicien.

DiagnosticLes différentes étapes décrites ci-dessus aboutissent à l’élaboration du diagnos-tic logopédique-orthophonique, étape finale de la consultation. Ce diagnostic se définit en termes de présence ou non de troubles du langage (oral et/ou écrit), de leur caractérisation précise, de la mise en évidence des éléments pertinents qui leur donnent un sens, et de leur pronostic, mais également des capacités acquises par le patient, celles-ci étant fondamentales pour envisager un traitement. Ainsi, le diagnostic résulte de l’ensemble des actes réalisés, en tenant compte de toutes les informations, observations et évaluations des différents partenaires – parents et professionnels – de la démarche de consultation. Dans certains cas, pour aboutir au diagnostic, une rencontre des professionnels est nécessaire. Mais, dans tous les cas, un entretien de synthèse avec les parents est prévu. Dans cet entretien, le diagnostic et les éléments de compréhension de la situation de l’enfant et de sa famille sont discutés. Une indication thérapeutique, lorsqu’elle s’avère nécessaire, peut alors être définie ; elle tient compte de l’ensemble des éléments composant le diagnostic. Si l’indication va dans le sens d’un traitement logopédique- orthophonique, celui-ci peut être réalisé individuellement, avec l’un des parents, ou encore en groupe, à une fréquence déterminée. L’accord des parents et de l’enfant est un préalable à tout début de traitement.