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Lettre de l’ASAF 11/04
« Ne pas subir » (Maréchal Jean de Lattre de Tassigny)
L’armée française sur tous les fronts
Tandis qu’elle poursuit ses missions de stabilisation au Liban, de pacification et de formation
en Afghanistan, l’armée française est engagée directement dans deux nouvelles opérations en
Libye et en Côte d’Ivoire (RCI) à la demande du conseil de sécurité de l’ONU et avec le
soutien unanime de la représentation nationale.
Une armée dont la valeur s’impose à tous
En dépit de multiples déploiements dans le monde, d’incessantes réorganisations depuis 30
ans et de l’amputation sévère de leurs moyens, nos armées ont su conserver une surprenante
capacité de réaction, d’adaptation et un remarquable niveau professionnel. Peu de pays dans le
monde sont capables de mettre en œuvre une telle palette de savoir-faire et disposent d’une
armée possédant de telles qualités militaires.
En effet, ces opérations se déroulent dans des environnements géographique, opérationnel et
politique radicalement différents, dans lesquels la nature des missions évolue très vite.
L’aptitude à prendre en compte, sur très court préavis, les caractéristiques de tous ces
engagements, révèle la valeur de nos soldats, marins, aviateurs et de leurs cadres. Elle est le
résultat d’une sélection et d’une formation rigoureuses ainsi que d’une culture opérationnelle
inculquée sans relâche à tous les niveaux.
En RCI, l’action de nos forces, à la fois discrète, ciblée et déterminée a évité aux Ivoiriens le
bain de sang d’une guerre civile et d’affrontements ethniques qui se profilaient. Elle a épargné
la vie des milliers de ressortissants français et étrangers parmi lesquels l’ambassadeur du
Japon et sept de ses collaborateurs extraits de nuit de leur ambassade assiégée.
En Libye, grâce à des actions aériennes remarquables, nos pilotes ont évité la sanglante
répression qu’annonçait la reconquête des villes de Cyrénaïque par l’armée de Kadhafi.
En faisant un sans faute dans l’exécution de ces missions, l’armée a renforcé
considérablement la crédibilité de la France aux yeux des alliés, mais aussi de ceux des pays
africains et des puissances émergentes. Cette image d’excellence d’une France à la fois forte,
déterminée et soucieuse des populations civiles constitue un atout indiscutable dans la main
de notre pays dans ses relations futures avec ses partenaires. Son prix est inestimable.
Des opérations qui rappellent quelques vérités.
Quoi que veuillent le croire certains, il n’y a pas de politique étrangère sans puissance
militaire crédible ; celle-ci demeure une composante essentielle de la puissance d’un Etat et
de sa capacité à agir dans le monde.
Aujourd’hui, alors que ses pilotes donnent le meilleur d’eux-mêmes, la France souffre d’être
en limite de capacités en Libye. C’est vrai pour le nombre des avions de combat disponibles et
des munitions à guidage terminal. C’est vrai aussi pour certaines capacités qu’elle ne possède
plus comme le brouillage des systèmes radars adverses.
Avec cette opération, l’armée de l’air française, comme l’armée de terre avec l’Afghanistan,
n’a plus de réserves significatives.
Il est pour le moins stupéfiant que la France et le Royaume-Uni, 5ème
et 6ème
puissances
économiques mondiales et totalisant plus de 120 millions d’habitants, soient obligés de
solliciter les Etats-Unis pour atteindre leurs objectifs dans un pays de 6 millions d’habitants!
Ces deux opérations confirment, s’il en était besoin, la nécessité de disposer de bases proches
de la zone d’intervention, à partir desquelles peut se déployer et agir durablement une force.
C’est évident pour la base d’Abidjan qu’il est cependant prévu de quitter à court terme. C’est
également vrai pour la Libye grâce à la base de Solenzara située à 1 000 km - soit une heure
de vol- de Tripoli.
Enfin, il se confirme que la défense européenne n’existe pas. Cela ne doit pas surprendre car,
malgré les multiples déclarations, il n’y a ni projet politique commun, ni volonté manifestée.
Un effort à faire malgré la dette
De natures radicalement différentes, ces opérations reflètent de manière un peu paradoxale
l’excellence opérationnelle des unités et les limites, voire les lacunes capacitaires, de notre
armée.
Les réductions budgétaires incessantes depuis plus de 20 ans ont ramené notre armée à un
ensemble d’échantillons de capacités, insuffisant pour agir dans la durée. L’effort de défense,
qui est descendu de plus de 3% à 1,7% du PIB en 20 ans, ne permet plus de maintenir notre
pays à son rang et de garantir son indépendance d’action.
Il serait donc totalement irresponsable de le réduire encore comme certaines études et
déclarations le laissent croire. Il est urgent d’inverser la tendance de ces dernières décennies
pour conserver les capacités actuelles et pour que notre pays puisse organiser une défense
européenne avec les pays qui le souhaiteraient. Nos nations doivent se préparer à faire face à
des crises plus nombreuses et plus intenses qui ne manqueront pas d’éclater dans une Afrique
et un Proche Orient dramatiquement instables.
Pour demain
A moins d’un an de l’élection du chef de l’Etat, qui est aussi le chef des armées, nul doute que
la communauté d’intérêt militaire, qui compte 3 millions de Français en âge de voter, sera
particulièrement attentive à la vision stratégique des candidats, à leur connaissance des
questions militaires et aux engagements qu’ils prendront au regard du livre blanc sur la
défense et la sécurité nationale.
C’est en effet dans cette fonction suprême, à laquelle ils aspirent, que se jouent la liberté du
pays, la sécurité des Français et la défense des intérêts supérieurs de la nation. Son exercice
exige donc un stratège à la fois clairvoyant, courageux et rompu aux questions militaires.