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Rédacteurs en chefBénédict de Tscharner
Anselm Zurfluh
GraphismeSébastien Zurfluh
Editions de Penthes
CorrectionsInstitut des Suisses dans le Monde
Couverture : ©exem
Musée des Suissesdans le Monde18, chemin de l'Impératrice
1292 Pregny-Genève
www.penthes.ch
SOMMAI RE
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6 Genève et la Suisse, 1814-2014
12 La Suisse dans la Grande Guerre
18 Quand les étudiants suisses__ fréquentaient les universités__ allemandes
22 Ma mission au Mozambique
30 Nobles Suisses dans le monde
34 Jost Bürgi, Kepler und der Kaiser
35 Léo Lesquereux (1806-1889)
36 La Suisse et la guerre__ d'indépendance algérienne
37 Peter Geier, précurseur intrépide__ de l'écologie
38 Egyptien et Diplomate, Farag__ Mikhaïl Moussa (1892-1947)
41 Marcel Junod et l'arbre__ d'Hiroshima
44 A Penthes, Tintin,__ comme vous ne l'avez jamais vu
54 Urs et Yvonne Amman
59 Des Alpes aux Andes - Léon__ Steiner
64 Terres Suisses dans le monde
66 L'exposit ion Peter Knapp
4 Éditorial
9 Présence Suisse : le défi
16 Hommes sans visage
21 Ici l'Afrique / Here Africa
26 Peuples autochtones, un combat__ noble et pacifique
32 Swiss Library USA
35 Etienne Clavière /1735-1793)
36 The Swiss Emigration to the__ Red River
37 L'égyptologue Marguerite Naville__ (1852-1930)
38 Charles Borgeaud (1861-1940)
40 Micheline Calmy-Rey, La Suisse__ que je souhaite
42 Touche pas à mon Penthes
48 Suisses d'hier, Suisses__ d'aujourd'hui
56 Ruedi Rüesch
60 Les Bertoni - une dynastie de__ scientifiques suisses
65 Una fiesta para el alma
67 Pour un enseignement de l'histoire__ suisse et genevoise
4
Rodolphe S.
Imhoof
ancien ambassadeur de
Suisse auprès de
l'UNESCO
Président de la Fondation
Le 9 février dernier le peuple et les cantons suisses se sont prononcés sur
une initiative visant à sceller dans la Constitution de notre pays le principe
d'un plafonnement et d'un contingentement de l'immigration. A Penthes,
cette décision populaire ne nous a pas laissés de marbre. Depuis toujours les
Suisses, et notre pays tout entier, ont profité du droit à la mobilité des
personnes, qui transcende les aspects politiques, juridiques ou économiques.
C'est pourquoi nous nous sommes érigés dans notre institution en acteurs
culturels, promoteurs de la circulation des personnes dans les deux sens qu'a
nécessairement tout mouvement migratoire. Aujourd'hui nous entendons
renforcer notre vision culturelle d'ouverture historique de la Suisse vers le
Monde, documenter les particularités qui font la Suisse et qui sont à la fois le
fruit de l'apport des Suisses au monde et de celui des personnes qui ont
déployé leurs racines chez nous : une Suisse indépendante, profondément
démocratique, pragmatique, solidaire, prônant l'universalité. Une Suisse faite
d'hommes et de femmes qui vont aussi chercher leur inspiration dans d'autres
contrées. Une Suisse accueillante, unie dans toute sa diversité.
C'est mûs par cette vision que nous nous sommes associés au grand
projet que le Conseil d’Etat de Genève a retenu dans son principe pour le
Domaine de Penthes : un centre de rencontres entre les Suisses et le monde,
de recherches et de dialogues au service de l'image de la Suisse à l'extérieur. A
ce titre le Musée fera office de vitrine culturelle, expliquant la réalité de
l'engagement de la Suisse et de Genève dans le monde globalisé et
démontrant leur intégration de toujours. Ce fait constitue l'origine de
l'objectif global de la Fondation dont vous, Amis de Penthes en particulier,
êtes les porteurs.
Dans cette veine nous avons inauguré, en février dernier, une très belle
exposition, largement saluée par la critique, « Objectif Penthes :
TINT'INTERDIT, pastiches et parodies » . Comme le veut son titre, cette
exposition met en lumière l'objectif pérenne de notre Musée de décliner,
principalement sous l'angle historique et culturel, l'ancrage inébranlable de la
Suisse dans le monde qui l'entoure. Par une multitude de références, de clins
d’œil, cette exposition a pour objectif d'illustrer l'inspiration que la Suisse,
certains Suisses, ont insufflée à Hergé et en même temps souligner les
particularités de la réception par les Suisses des aventures du grand reporter
belge. C'est donc le principe même de l'interaction culturelle entre les mondes
qui est illustré par cette exposition. Les pièces exposées sont souvent des
CHERS AMIS LECTEURS,
5
gravures à tiroirs, une sorte d'incitation à voyager dans l’histoire et la culture
de l'autre, de notre voisin. Elles reflètent l’absorption et l'adaptation que les
« a tintinophiles » suisses ont fait des aventures, des expressions, de la
gestuelle du célèbre héros de Hergé. Le binôme Suisse-Monde, et son miroir,
s'y expriment avec pertinence et ironie.
En mai nos cimaises accueilleront « Ici Afrique ». Un autre exemple
significatif de notre engagement culturel qui dépasse les frontières et les
clivages. Il s’agira de montrer, après les manifestations organisées au cours du
traditionnel « Automne de Penthes » l'an dernier autour des Amériques ( je
vous recommande d'ailleurs la lecture de l'article de notre Directeur, qui en
est une première récolte, publié dans le présent numéro), nos liens multiples
avec un autre continent de ce monde globalisé, grâce notamment à la
présence d'artistes africains.
Enfin, nous poursuivrons, plus tard dans l'année, notre périple culturel
avec une exposition d’œuvres du photographe suisse Peter Knapp, « Elles, 101
regards sur les femmes ». Un regard suisse, d'un tout grand photographe qui a
sillonné le monde, travaillé longtemps pour le magazine Elle, mais pas
seulement. Un regard au plus large éventail qui trouvera sa conclusion dans la
série de portraits inédits sur les femmes de Genève d'aujourd'hui. Là encore
s'épanouira le lien indissoluble entre Genève, la Suisse et le monde.
Ces trois expositions, à voir et à revoir dans notre musée, par excellence
le musée des citoyens suisses dans le monde, – car nous le sommes tous, que
nous le voulions ou non – sont une réponse aux esprits chagrins qui taxent la
Suisse et les Suisses de « hérissons » renfermés et consternants. Une réponse
fragmentaire certes, mais grâce au message d'ouverture culturelle que ces
expositions distillent, une réponse forte. A Séville, Ben Vautier avait déclamé
« La Suisse n'existe pas » . Je prendrai résolument le contre-pied de sa
déclaration : « La Suisse existe » . Une Suisse respectueuse de la volonté de ses
propres citoyens, respectueuse des autres aussi, ouverte culturellement : ces
trois expositions en sont le reflet.
Rodolphe S. Imhoof
6
GENÈVE ET LA SUISSE1 81 4 – 201 4
Arrivée des Suisses au
Port-Noir en 1814
Genève s’apprête à célébrer les 200 ans de son entrée
dans la Confédération. Ce pas franchi en 1 81 4/1 5 fut
l ’aboutissement d’une période particul ièrement
diffici le : la grande rupture révolutionnaire, les années
d’appartenance de Genève à la France, la période
marquée par Napoléon, la fin de l’Empire et l ’arrivée
des troupes al l iées, puis des troupes helvétiques…
7
EN TRET I EN AVEC
Irène Herrmann Palmierihistorienne, professeure associée, Unité d’histoire suisse, Université de Genève
membre du Conseil de la Fondation pour l’Histoire des Suisses dans le Monde
Notre première question :
Genève a eu des liens
importants avec le Corps helvétique, notamment
avec Berne, bien avant son entrée au cercle des
cantons confédérés. Et on a vu des troupes
bernoises, entre autres, dans les rues de Genève à
plusieurs reprises, expression de ce rôle d’allié et
de protecteur des Suisses sur la cité lémanique.
Pourquoi, en somme, a-t-il fallu attendre le XIXe
siècle pour voir Genève devenir officiellement
suisse ?
Les liens de Genève avec le Corps helvétique ne
suivent pas une évolution linéaire, mais oscillent
au fil du temps et des événements. Ainsi, juste
avant et après l'adoption de la Réforme, on observe
un resserrement avec certains cantons. Toutefois,
au XVIIIe siècle, la République semble plutôt se
tourner vers la France, jusqu'à ce que cette
dernière ne devienne trop menaçante et qu'en 1792,
les syndics genevois obtiennent que leur ville soit
incluse dans la neutralité suisse.
Cette fragile garantie s'effondre quand les troupes
du Directoire envahissent la Confédération ; elles
annexent aussi Genève qui est promue chef-lieu du
Département du Léman, avant de devenir Ville
d'Empire. Pendant les guerres napoléoniennes, ses
habitants ne se soucient guère de leurs voisins
d'outre-Versoix. La plupart d'entre eux sont alors
persuadés que le destin de Genève est de devenir
française.
Lorsque la fin de la période française s’est
annoncée, y avait-il débat public sur le futur statut
de la ville : rejoindre l'un des deux royaumes
voisins, la Sardaigne (avec la Savoie qui rentrait
dans le giron de Turin) ou la France, opter pour
l’indépendance, adhérer à la Confédération – ou
cette dernière option était-elle ce que les Anglais
appellent a foregone conclusion, une évidence ?
Un petit groupe de notables avait déjà anticipé
cette fin et prévu le retour à l'indépendance. Après
le départ des troupes françaises, l'administration de
la préfecture est pourtant confiée à une
« Commission centrale du Léman » qui, dans
l'ensemble, penche pour la France. Entre ces deux
instances se développe rapidement une
concurrence palpable. Pour emporter la mise, le
premier organisme décide de jouer la carte de la
Suisse, qui était celle que préconisaient les Grandes
Puissances ; cette option présentait le triple
avantage d'éviter le risque d'un rattachement à la
Savoie, ennemie héréditaire et honnie, d'avoir le
soutien des monarques européens au détriment des
membres de la « Commission centrale », et de se
laisser une certaines marge de manœuvre
gouvernementale à la faveur de l'ultra-fédéralisme
helvétique.
Qui étaient les hommes aux responsabilités à
Genève, chargés de préparer, de négocier et de
mettre en œuvre ce pas ? Tout le monde connaît le
nom de Charles Pictet de Rochemont ; mais y en
avait-il d’autres dont il faudrait retenir la
contribution
Il est truculent de constater que Pictet de
Rochemont a été transformé en principal artisan de
l'entrée de Genève dans la Confédération. Certes, il
n'y était pas défavorable, mais bien plus que lui –
voire contre lui –, ce sont les membres les plus
8
conservateurs du gouvernement genevois qui
détermineront les limites et la physionomie du
canton. L'étroitesse territoriale de Genève est
surtout due aux syndics Joseph des Arts et Ami
Lullin… dont le grand public a largement oublié les
noms.
Quant aux cantons suisses, étaient-ils ravis – ou
résignés – à la perspective d’accueillir Genève au
sein de la Confédération ? Quel était l’apport de
Genève à la Suisse d’alors ?
Certains cantons étaient contents, d'autres l'étaient
moins. Le fait est que l'incorporation du Valais, de
Neuchâtel et de Genève a été imposée à la Diète
par les représentants des Grandes Puissances pour
prix de leur bienveillance envers la Suisse. Si le
coût a parfois semblé élevé, il a néanmoins paru
valoir la peine d'être payé.
Qu’est-ce qui a changé concrètement pour Genève,
avec son passage au statut de canton ? Il y a eu la
question de l’assise territoriale, donc des frontières,
y compris celle des zones franches ; mais devait-on
régler d’autres points importants encore ?
Les changements concrets mettront près d'une
génération à s'imposer dans la population qui,
progressivement, apprendra à considérer qu'elle est
aussi suisse. Un phénomène non négligeable alors
que s'affirme l'Europe des nations.
Quel genre de canton Genève est-elle devenue à
partir de 1815 ? On a l’impression que l’idée d’une
étape supplémentaire, celle de passer d’une
structure confédérale à une constitution fédérale
notamment, n’a été franchement souhaitée et
soutenue à Genève qu’avec l’arrivée au pouvoir
des Radicaux de James Fazy ?
Les élites gouvernementales ont longtemps cultivé
une vision « utilitariste » de leur appartenance
suisse. La chose s'inscrit parfaitement dans le
système politique ultra-fédéral de la Suisse de la
Restauration. Au moment où Fazy assoit son
pouvoir, quelques décennies plus tard, la
Confédération est sur le
point de devenir une
fédération, modifiant
ainsi les rapports qu'on
pouvait avoir avec
elle… Même si,
fondamentalement, les
Genevois n'ont cessé
d'estimer qu'ils étaient
spéciaux et valaient
plus que leurs
compatriotes.Charles Pictet de Rochemont
9
EN TRET I EN AVEC
Nicolas Bideauambassadeur, directeur de Présence Suisse
PRÉSENCE SUISSE :LE DÉFI
Monsieur l’ambassadeur, rappelez-nous les
origines de la structure que vous dirigez. Quels ont
été les incidents ou développements négatifs qui
ont incité la Berne fédérale à se mobiliser pour
améliorer l’image de la Suisse dans le monde ?
Dans les années 1970, l’image de la Suisse fut
ternie par les initiatives « Schwarzenbach ».
Rattachée au Département fédéral des affaires
étrangères (DFAE), la Commission de coordination
pour la présence de la Suisse à l'étranger (COCO)
fut alors créée afin d’assurer le rayonnement de la
Suisse à l’étranger. Ses diverses prérogatives
incluaient notamment la fonction de commission
des expositions universelles et la décision de
priorités régionales et sectorielles. La COCO
comprenait une vingtaine de membres,
départements fédéraux, organisations semi-
publiques ou privées (Pro Helvetia, Office suisse
d’expansion commerciale, Suisse Tourisme, SSR).
Mais les moyens modestes attribués à la COCO se
révélèrent insuffisants.
Dès 1996, le dégât d’image causé par l’affaire des
fonds en déshérence fit prendre conscience au
Parlement (Commission de politique étrangère du
Conseil national) de l’importance de structures
permettant de diffuser des informations sur la
Suisse à l’étranger. Le Parlement souligna alors la
nécessité de renforcer la COCO.
Le 24 mars 2000, les Chambres fédérales décident
de créer Présence Suisse, sous la forme d'une unité
administrative décentralisée de la Confédération
rattachée administrativement au DFAE. La loi et
l'ordonnance relatives à la promotion de l'image de
la Suisse à l'étranger entrent en vigueur le 15
novembre 2000. La mission de la communication
internationale est de promouvoir la visibilité de la
Suisse à l’étranger, défendre les intérêts et
positions du pays, développer et entretenir les
relations à l’étranger. La stratégie entre en vigueur
le 1er janvier 2009. De nouvelles tâches sont
assignées à Présence Suisse en matière de « menace
pour l’image / crise d’image », donnant lieu
notamment à la veille et l’analyse de la presse
étrangère (issues monitoring). En juin 2012,
Présence Suisse fusionne avec le Centre de
politique étrangère culturelle (CCC) du DFAE. Le
1er juin 2012, le Conseil fédéral adopte la stratégie
de communication internationale 2012-2015 ; elle
donne la priorité à une approche thématique
incluant des priorités géographiques, alors que la
priorité était donnée jusque-là aux seuls objectifs
géographiques.
© Présence Suisse DFAE
1 0
Quel est le sens d’une coordination de la
promotion par le DFAE, étant entendu que, depuis
bien longtemps, il existe de nombreux instruments
de promotion – publics, privés ou mixtes – dans le
domaine du tourisme, par exemple, de l’expansion
commerciale ou encore de la culture ?
Historiquement, les événements ayant porté
atteinte à l’image de la Suisse et qui ont impulsé la
création de la COCO, puis de Présence Suisse,
étaient de nature éminemment politique.
L’institutionnalisation d’un organe chargé de
superviser la conception globale de la présence de
la Suisse à l’étranger et de coordonner ses activités
fut d’ailleurs une initiative du Parlement. Comme
en témoigne l’expression « diplomatie publique »,
la communication internationale revêt une
dimension politique. Elle ne saurait donc être
pilotée indépendamment des réseaux
diplomatiques traditionnels et du DFAE. De plus, la
sensibilisation des publics étrangers aux
particularités culturelles, socio-économiques et
politiques de la Suisse, fait partie de la mission de
Présence Suisse. C’est pourquoi nous nous
efforçons d’optimiser notre collaboration avec des
acteurs publics et privés opérant dans la culture, le
tourisme et l’économie.
A notre époque d’une mondialisation des informa-
tions et des images, la promotion officielle d’un
pays a-t-elle encore un sens? N’y a-t-il pas là,
parfois, un élément d’autosatisfaction ?
La mondialisation des informations et des images
au contraire rend nécessaire la mise en œuvre
d’une stratégie apte à rendre visible et cohérente
l’image d’un pays. Le bruit médiatique occasionné
justement par la mondialisation des informations
et des images, les confusions et simplifications qui
en découlent, ainsi que la rapidité à laquelle se
propagent des informations parfois préjudiciables à
la réputation d’un pays renforcent ce besoin
stratégique. La communication internationale
répond notamment à ce besoin.
Que faites-vous des « zones d’ombre », des
événements ou facteurs négatifs qui concernent la
Suisse et qui sont susceptibles de ternir l’image du
pays ?
Roger Federer,
House of Switzerland,
Jeux olympiques de
Londres 2012
© Présence Suisse DFAE
1 1
À court et moyen terme, des stratégies de
communication sont justement élaborées en
fonction des sujets sensibles. Lors de votations
susceptibles de provoquer des réactions négatives
dans les médias étrangers, par exemple, des
réponses adaptées aux différents publics sont
préparées dans le but d’informer, par exemple sur
les particularités de la démocratie directe. Sur le
long terme, Présence Suisse s’attache également à
promouvoir des aspects de la Suisse qui sont moins
connus par les publics et les médias étrangers, tels
par exemple que sa capacité d’innovation.
Rappelez-nous les principales lignes de l’action de
Présence Suisse pour 2014.
Présence Suisse met en place des plateformes à
l’étranger dans le cadre de grandes manifestations
internationales : en 2014, la Maison de la Suisse à
l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi,
ainsi que notre présence au Brésil lors de la Coupe
du monde de football font partie des priorités de
Présence Suisse. Dans le cadre de l’Exposition
universelle 2015 à Milan, ce sont les préparatifs du
Pavillon Suisse ainsi que la campagne de promotion
du Giro del Gusto qui sont à l’agenda. L’expérience
des pavillons suisses à l’étranger s’est jusqu’ici
révélée positive. Il est probable qu’elle soit
reconduite après 2015, bien qu’il soit prématuré de
s’avancer sur la question de façon plus précise.
Quels sont les moyens financiers que la
Confédération, et donc le contribuable suisse,
investit dans cette activité ? Faudrait-il en faire
plus ?
Les activités de Présence Suisse sont financées par le
budget annuel du DFAE. Le budget ordinaire alloué
à Présence Suisse en 2013 (après sa fusion avec la
CCC) s’élève à un peu plus de 10 millions de francs.
À cela s’ajoutent des contributions extraordinaires
de la Confédération lors d’événements auxquels la
Suisse participe : 24 millions pour l’Exposition 2015,
3 millions pour la Maison de la Suisse à Sotchi en
2014. Enfin, Présence Suisse finance une partie de
ses activités grâce à des sponsors qui s’associent à
elle lors de ces événements.
L’action de Présence Suisse a-t-elle eu un impact
perceptible, voire mesurable, non seulement sur une
vague opinion publique d’un pays donné, mais sur
l’attitude des élites et du gouvernement étranger
concerné vis-à-vis de la Suisse ?
L’organisation et la participation de Présence Suisse
à des activités de communication et d’événements
au sein de nos ambassades à l’étranger, la
conception de pavillons lors de grandes
manifestations internationales ainsi que l’accueil de
délégations étrangères constituent autant de
plateformes qui assurent une visibilité de la Suisse
auprès des responsables politiques étrangers. Les
contacts diplomatiques à l’étranger confirment que
cet impact est réel. Celui-ci se traduit par des
collaborations entre la Suisse et des pays étrangers
dans différents domaines, y compris d’ailleurs dans
celui de la promotion de l’image. Ainsi, l’Espagne a
développé la marque « España » de façon très
aboutie. Son responsable, le Secrétaire d’État Carlos
Espinosa de los Monteros, sera prochainement mon
invité afin d’échanger sur les pratiques en matière
de communication internationale.
Miroir, miroir, dis-moi qui
est la plus belle…
dessin extrait de :
Gianni HAVER (texte),
MIX & REMIX (dessins)
L’image de la Suisse
Editions LEP,
Mont-sur-Lausanne, 2011
1 2
Christophe
Vuilleumier
docteur en histoire
Genève
LA SUISSE DANSLA GRANDEGUERRE
Il est bien évidemment possible d’évoquer de
nombreux aspects déterminant la Suisse de cette
époque. On connait l’épisode de la mobilisation qui
devait marquer durablement les esprits et la grève
générale de novembre 1918. Ces années de guerre
furent sombres et chaotiques pour le pays. La
Confédération resta certes sur sa position de
neutralité, mais nombreux furent ses ressortissants
qui ne le demeurèrent pas et qui décidèrent de
s’engager dans les armées françaises ou
allemandes. A l’étranger également, les expatriés
helvétiques, presque trois cent quatre-vingt mille
femmes et hommes avant 1914, furent touchés par
le conflit qui balaya l’Europe. Des colonies
britanniques, ils furent quarante mille hommes à
rejoindre le pays, abandonnant derrière eux
femmes et enfants, traversant parfois le monde
pour rejoindre leur patrie, avec dans la poche leur
ordre de marche reçu du consulat.
Dans les pays en guerre, les communautés suisses
survécurent tant bien que mal, suffisamment mal
pourtant pour que le Comité central pour les
Suisses nécessiteux rédige un appel en 1915 afin de
leur venir en aide. Les hommes, rappelés au pays
pour rentrer sous les drapeaux ou préférant
s’engager dans les armées de leur pays d’accueil,
étant absents, ce furent les femmes, les enfants et
les vieillards, qui constituèrent le plus souvent les
rangs de ces communautés helvétiques de Paris ou
de Bruxelles, soutenues à bouts de bras par les
légations suisses.
En 1915, les ressortissants suisses de l’étranger
furent tellement nombreux à s’engager dans les
armées en guerre que la Confédération songea à
prendre des dispositions législatives pour les en
empêcher. La presse d’alors cite sans défaillir au
cours de toutes ces années de guerre les Suisses
tombés sur les champs de bataille dont les noms lui
parviennent. Il en alla ainsi pour le capitaine Jules
Seylaz, de Môtier, tombé le 21 juin 1915 à la tête de
ses zouaves aux Dardanelles, pour le sergent
Albert Rey de Saint-Maurice tué sur le front de la
Somme le 10 octobre 1916, ou pour Konrad
Zellweger, fils de l’ancien Landamann de Trogen,
N’y a-t-i l rien à dire à propos de l’histoire de la Suisse
et des Suisses pendant la Première Guerre mondiale ?
Les études historiques sur cette période ont été
modestes comparées aux efforts déployés pour
d’autres époques. A l’heure de la commémoration du
centenaire de l’ouverture de la Guerre de 1 91 4 dans les
pays jadis bel l igérants, i l semblait nécessaire de porter
une attention à ces années de crise et aux
répercussions du premier confl it mondial en Suisse.
1 3
ART I C LE S
capturé en Namibie par les Anglais en 1915 lors de
la défaite des troupes coloniales allemandes
dirigées par le gouverneur Theodor Seitz et le
major Erik Victor Franke qui capitulèrent avec
quatre mille sept cent quarante soldats.
La guerre allait montrer également toute sa laideur
au cœur même de la Suisse, puisque c’est par elle
que plusieurs milliers de prisonniers tant civils que
militaires passèrent pour regagner leur nation. La
position géographique de la Confédération par
rapport au conflit offrait un avantage considérable
pour se déplacer rapidement et en toute sécurité de
l’Allemagne à la France ou à l’Italie. Les autorités
helvétiques créèrent d’ailleurs très rapidement le
Bureau de rapatriement des internés civils, qui
fonctionnait déjà le 22 septembre 1914.
Des convois remplis de soldats blessés, toutes
origines confondues, transitèrent également par le
territoire de la Confédération, salués à leur
passage, comme durant la nuit du 7 mars 1915
lorsque deux mille Suisses envahirent la gare de
Lausanne, en dépit des gendarmes, pour venir
témoigner leur sympathie aux militaires blessés
rentrant du front. Certaines de ces victimes furent
accueillies dans les hôtels désertés par leur
clientèle et transformés en hôpitaux de fortune,
une industrie du tourisme qui aurait été sans doute
anéantie par l’absence de vacanciers durant la
guerre sans cette reconversion humanitaire
financée par les États belligérants respectifs. Ces
hôtels virent ainsi quatre mille blessés britanniques
et bien plus encore de Français et d’Allemands. Les
conventions furent passées en automne 1915 entre
la Suisse et les pays belligérants en parallèle aux
arrangements pris avec les représentants des
hôteliers suisses. Le règlement sur l’organisation
de l’internement des prisonniers blessés conçu par
le médecin colonel Hauser, responsable en chef de
la médecine militaire suisse, devait entrer en
vigueur le 25 février 1916. Une drôle d’époque tout
1 4
Agence internationale de
secours et de
renseignements en faveur
des prisonniers de guerre,
Musée Rath, Genève
(Archives du CICR)
de même durant laquelle le génie d’un peuple
parvint à obtenir des combattants qu’ils lui
achètent tant les soins que les armes !
Car la guerre allait profiter à certains qui surent en
faire une ressource soutenant l’économie vacillante
de la Suisse. Des personnes telles Jules Bloch dont
le train cheminait sans cesse de Bienne à Genève,
chargé de fusées d’obus fabriquées par les
horlogers neuchâtelois à destination des artilleurs
français, ou Marc Birkigt qui allait produire un
moteur d’avion au sein de son entreprise Hispano-
Suiza permettant à la chasse française de dominer
le ciel. Des activités suivies attentivement par les
services de renseignements étrangers comme la
Metallum, une société créée en Suisse par
l’Allemagne, devant officiellement faciliter les
transactions industrielles entre les deux pays, mais
qui employait de nombreux agents de
renseignements actifs dans l’espionnage politique
et commercial.
La guerre devait en effet créer un phénomène
nouveau en Suisse, l’espionnage qui se développa
comme une traînée de poudre de Bâle à Genève, de
Zürich à Lugano, impliquant aux côtés d’agents
étrangers un grand nombre de confédérés.
Quelques-uns, capturés au cours de missions dans
les pays où ils opéraient, comme le Suisse
Malherbe à Troyes, furent passés par les armes aux
heures blafardes de leur dernière matinée. D’autres,
comme ce fut le cas de Youssouf Saddik Pacha,
1 5
Grévistes en 1918
(coll. privée)
Les aspects relevés dans cet article ne sont qu’un
pâle reflet de cette période autrement plus riche
et complexe. Et on ne peut qu’espérer que le
colloque qui se déroulera au Château de Penthes
du 10 au 12 septembre 2014, et qui réunira une
trentaine de chercheurs suisses et étrangers,
permette une vision à la fois plus large et plus
spécifique de ces années sombres.
représentant de l’ancien Khédive d’Égypte à
Constantinople, résidant à la « Maison Royale » à
Genève, ne furent qu’inquiétés. D’autres encore,
déserteurs ayant échappé aux horreurs de la
guerre, n’eurent d’autre choix que d’obéir aux
ordres d’officiers de renseignements payant plus
ou moins grassement leurs services. En effet, ces
déserteurs n’étaient pas rares en Suisse. En 1918, la
police des étrangers en recensait plus de quatre
mille, originaires de France, d’Allemagne et d’Italie,
ayant trouvé un abri à Genève.
Et c’est dans ce refuge que le Comité international
de la Croix-Rouge, présidé alors par le Genevois
Gustave Ador, mit en place, dès l’ouverture du
conflit, l’Agence internationale de secours et de
renseignements en faveur des prisonniers de
guerre. Et c’est ce même Gustave Ador, revenu à la
vie civile en 1920, après son bref passage au
Conseil fédéral, qui défendit au nom du
gouvernement suisse la ville de Genève comme
siège de la Société des Nations. Après les années de
guerre, ce nouvel élan de civilisation devait garan-
tir la paix ; mais si la rupture de 14/18 annonçait
l’avènement d’une modernité, les espoirs allaient
se taire devant les divisions de blindés nazis
envahissant la Pologne en septembre 1939.
1 6
HOMMES SANS VISAGE,D’HENRIETTE RÉMI
une leçon d’histoire et de vie proposée aux élèves
romands
Stéphane Garcia
docteur en histoire,
enseignant au Collège
Sismondi (Genève)
A sa parution en 1942, Hommes sans visage de la
Suissesse Henriette Rémi suscita quelques comptes
rendus élogieux et émus dans la presse romande.
Pourtant, en raison des circonstances, son ouvrage
sur les « gueules cassées » de la Grande Guerre
devait rester un cri pacifiste quasiment inaudible.
Aujourd’hui réédité à l’occasion du centenaire de la
Première Guerre mondiale, ce témoignage unique
en son gendre connaît une nouvelle fortune. Et pas
seulement en librairie. Il a en effet été diffusé dans
l’ensemble des écoles secondaires romandes, grâce
à l’appui du Département genevois de l’Instruction
publique et de la Fondation pour l’Histoire des
Suisses dans le Monde, ainsi qu’au don généreux
d’une fondation de famille.
Les quelque 1800 enseignant-e-s d’histoire des
écoles secondaires obligatoires et post-obligatoires
des cantons francophones ont ainsi reçu
gratuitement un exemplaire de l’ouvrage en février
2014, ce qui constitue probablement une première.
Ils ont pu juger sur pièce de l’intérêt d’aborder
avec leurs élèves cette thématique des grands
blessés de guerre, certes difficile mais très
instructive, soit en cette fin d’année scolaire, soit
lors de la prochaine. A cet effet, trois séquences
pédagogiques leur sont proposées, librement
téléchargeables depuis le site de la Fondation
(www.penthes.ch, onglet « Institut » puis « Projet
Henriette Rémi »).
La première consiste en une réflexion, après
lecture, sur l’authenticité du témoignage
d’Henriette Rémi. L’attitude critique face à une
source historique constituant l’un des piliers de
l’histoire enseignée, les élèves trouveront avec
Hommes sans visage un terrain d’expérience
particulièrement pertinent. Quelle valeur attribuer
à des souvenirs vieux de vingt ans ? Quels sont les
buts poursuivis par l’auteure ? Comment se
permet-elle de donner les noms des hommes
défigurés, dont certains sont probablement encore
vivants à la parution du livre ? Les élèves pourront
confronter et évaluer leurs hypothèses sur la base
des éléments de connaissance qu’ils tirent du
témoignage et de ses deux pièces liminaires.
Guidés par leur enseignant-e, ils s’adonneront
également à une sorte de jeu de piste qui fait le
plaisir de l’enquête historique : livrés peu à peu par
le professeur (qui aura lu la postface,
contrairement aux élèves), les éléments
d’information sur la vie de l’auteure permettront
de relancer le débat, et de le conclure sur une
position nuancée. Les élèves motivés auront alors
le loisir de lire la postface historique, qui
complétera utilement leurs connaissances sur
l’ouvrage et son auteure. Selon le temps que
l’enseignant-e voudra consacrer à l’exploitation de
cette source historique, cette démarche critique
constituera un possible préalable aux deux autres
séquences proposées, portant l’une sur la place des
femmes pendant la Grande Guerre, l’autre sur le
pacifisme de l’entre-deux-guerres.
1 7
L I VRE S
La présence d’Henriette Rémi, infirmière bénévole,
au milieu de ces hommes défigurés, offre
l’opportunité d’aborder son témoignage et, au-delà
les conséquences même du conflit, à travers ses
dimensions sociales et culturelles. En cela, la
séquence intitulée « Gueules cassées » et
infirmières, hommes et femmes durant la Première
Guerre mondiale s’inscrit à la fois dans un sillage
fécond de l’historiographie actuelle, et dans un
souci pédagogique souligné par les plans d’études :
celui de parler du rôle des femmes dans l’histoire.
Hommes sans visage renvoie à deux icônes de la
Première Guerre mondiale, le guerrier et l’« ange
blanc », qui illustrent bien le décalage entre les
modèles et la réalité vécue, entre la représentation
sociale et la perception de soi. De là découle toute
une série de questions : En quoi le conflit a-t-il
changé les hommes, les femmes et leurs relations ?
Dans quelle mesure la guerre a-t-elle modifié les
identités sexuées ? Constitue-t-elle une rupture
dans l’histoire du féminin et du masculin, ou au
contraire renforce-t-elle la continuité des
stéréotypes de sexe ? Plus simplement, a-t-elle
héroïsé les hommes ou au contraire mis à mal leur
virilité ? A-t-elle émancipé les femmes ou a-t-elle
eu plutôt un effet conservateur ? Ces
problématiques renverront les élèves à leurs
propres représentations, actuelles, sur les questions
de genre, ce qui donne toujours l’occasion de
riches échanges avec eux et entre eux.
La troisième séquence suggérée par le témoignage
d’Henriette Rémi est en lien avec le contexte de sa
production : non pas la Première Guerre mondiale,
mais de ce que nous savons être l’« entre-deux-
guerres » . Or, cette expression même (à l’instar de
celles, courantes aussi, de « marche à la guerre » ou
de « guerre de trente ans ») suggère une évolution
des faits menant fatalement vers le pire. La
séquence intitulée « La Der des Ders : Comment
faire pour qu’un tel conflit ne puisse plus se
reproduire ? » invite l’élève à déconstruire ces
fausses évidences en découvrant les initiatives,
multiples et variées, de celles et ceux qui ont cru à
un monde où régnerait la paix. Ils découvriront
notamment, à travers l’analyse de divers
documents de cette époque, que « l’Esprit de
Genève » n’était pas une vaine expression dans les
années 1920, et que des Suisses et des Suissesses,
comme Henriette Rémi, ont joué un rôle important
dans les mouvements pacifistes d’après-guerre.
Certes, le pacifisme de cette époque-là n’a pas
bonne presse ; son ultime expression, les accords de
Munich, est aujourd’hui synonyme de lâcheté ; et,
pensera-t-on peut-être, son échec final rend peu
utile son étude en classe. En réalité, les solutions
pacifistes qui émergent durant cette période, loin
d’être complètement utopiques, ont souvent été
reprises et mises en œuvre au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale. Une fois encore, les
élèves de la Suisse d’aujourd’hui, pour qui la
guerre semble une réalité ancienne ou lointaine,
comprendront que leur monde est bien issu de
cette réalité-là ; et que l’engagement de
personnalités, de forces positives – beaucoup
d’anonymes – permet, en dépit des difficultés, de
faire progresser l’humanité.
Cette leçon d’histoire et de vie, qui répond
exactement à la posture d’Henriette Rémi, a une
chance d’être rappelée à l’occasion des
commémorations à venir et de la lecture, dans les
classes, d’Hommes sans visage.
Editions Slatekine,
Musée des Suisses dans le
Monde, Genève 2014
1 8
Olivier Meuwly
Lausanne
QUAND LES ÉTUDIANTSSUISSES FRÉQUENTAIENTLES UNIVERSITÉSALLEMANDES
Le paysage académique suisse n’a pas toujours connu
la densité que l’on peut contempler aujourd’hui .
Longtemps, sur le territoire qui deviendra la Suisse,
n’émerge qu’un établissement susceptible de répondre
au nom d’université : à Bâle. Et encore, fondée en 1 460
et après avoir enregistré des débuts bri l lants, la
vénérable institution poursuit un lent décl in, qui
l ’amène aux portes de l’ insignifiance alors que
s’évei l lent les Lumières au cours du XVI I Ie siècle...
Non que la Suisse restât étrangère à ce formidable
mouvement intellectuel qui allait embraser l’Europe.
Les Helvètes se trouvent au contraire aux premières
loges de l’ascension triomphante de la Raison en
guerre contre tous les obscurantismes. Mais les
jeunes Suisses désireux d’arpenter les champs
qu’ouvre cette nouvelle approche de la science
doivent émigrer, pour parfaire leur formation
acquise au pays. Les cantons ont certes assimilé les
principes du progrès, ont peu à peu réformé leur
système scolaire, possèdent des académies capables
de former les pasteurs (surtout) et les juristes dont
ils ont besoin. Mais l’accès à une université qui leur
permettrait d’embrasser l’horizon en pleine
mutation du savoir leur est interdit.
Dès le XVIIIe siècle, une région aimante les
ambitions intellectuelles de la jeunesse cultivée de
notre pays : l’Allemagne, ou ce qui en tient lieu.
Wartburgfest 1817
1 9
ART I C LE S
Dans ce monde germanique si morcelé, formé
d’une juxtaposition de principautés, détenir le
siège d’une Université constitue un gage de respect
et d’honorabilité pour cette myriade de rois,
princes et grand-ducs jaloux de leur pouvoir.
Chacun aspire à posséder la meilleure Université,
tous se livrent une concurrence féconde pour
attirer les professeurs les plus prestigieux. Mais
cette course à la gloire a un prix... dont profite la
science : leurs espoirs ne pourront être exaucés
qu’en échange d’une liberté flamboyante dans un
univers encore engoncé dans les contraintes de
l’Ancien Régime. Le résultat est lumineux : malgré
la crise qui frappe le monde académique allemand
à l’aube du XIXe siècle, avant les réformes initiées
par Humboldt, un très grand nombre d’universités
prospèrent et tous les regards se tournent vers
elles.
Alémaniques ou Romands, les étudiants suisses se
pressent par centaines dans ces petites villes qui,
sans leur vie académique des plus animées,
auraient dû se satisfaire d’une morne sérénité, à
l’abri des tourelles de leurs châteaux médiévaux et
des cossues maisons à colombages de leurs rues
marchandes. Les jeunes Romands prendront en
général le chemin des villes du sud de l’Allemagne
comme Tübingen. On y croisera notamment deux
étudiants en droit vaudois, le Rollois Frédéric-
César de La Harpe et le Morgien Henri Monod.
Tous deux joueront un rôle central dans la
libération de leur patrie, puis dans son affirmation
comme canton suisse égal aux autres en 1803,
avant de poser les fondements du mouvement
libéral en Suisse. Marc Mousson, le si subtil
chancelier de la Confédération sous la
Restauration, y obtient son doctorat en droit en
1796. Les Alémaniques, de leur côté, se dirigent
souvent vers Iéna, comme le Lucernois Ignaz Paul
Vital Troxler en 1800. Elève du philosophe
Schelling, il deviendra l’un des principaux
penseurs du mouvement libéral puis radical, dans
lequel il instillera quelques éléments du
romantisme politique enseigné par son maître. Il
sera l’un des « inventeurs » du système bicaméral
qui régit encore notre système parlementaire.
Les événements politiques de la fin du XVIIIe et du
début du XIXe siècles n’épargnent pas les
universités. Dans cette Allemagne occupée par les
Français, la jeunesse académique s’enflamme pour
le combat patriotique contre les troupes napoléo-
niennes et s’immerge avec avidité dans les discours
à la nation allemande de Fichte. Les armes à la
main, ils décident de contribuer à l’édification
d’une Allemagne unie sous les auspices des idéaux
libertaires de la Révolution française. Jusque-là, les
étudiants étaient en général réunis dans des Corps,
en fonction de leur région d’origine et, loin de se
soucier de politique, pratiquaient avec assiduité les
rites médiévaux tournant autour de la bière et du
duel.. .
De retour des guerres de libération, nombre
d’étudiants imaginent une grande organisation qui
fédérerait tous les étudiants au sein d’une
association au service de la nouvelle Allemagne
dont ils rêvent. En 1817, le jour anniversaire de la
bataille de Leipzig, ils fondent au château de la
20
Wartburg, près de Weimar, la Deutsche
Burschenschaft. Leurs espérances sont toutefois
partiellement déçues. Une partie seulement des
Corps antiques s’y rallie, la cohabitation avec les
autres sera souvent difficile. Mais, surtout, le
libéralisme nationaliste de la Burschenschaft épouse
des contours variables : plutôt favorable à une
monarchie constitutionnelle à Heidelberg, très
républicain à Giessen... Après le meurtre d’un
poète réactionnaire par un étudiant de cette ville,
la Burschenschaft est provisoirement proscrite, en
1819. Le rôle politique de cette association sera
néanmoins essentiel.
Comment réagissent les cohortes d’étudiants
suisses face aux soubresauts de la vie universitaire
allemande ? Ils se réunissent souvent dans des
Corps « nationaux » et fraient peu avec leurs
collègues allemands. Mais plusieurs Helvètes
manifestent un grand intérêt pour la Burschenchaft
et les idéaux libéraux qu’elle véhicule. Le plus
célèbre d’entre eux est Henri Druey, qui la
fréquente assidûment durant ses séjours à
Tübingen, puis à Heidelberg, dès 1820. Peu
désireux de se limiter à côtoyer ses compatriotes, si
nombreux, il entend découvrir son pays d’accueil,
sa jeunesse universitaire, les opinions politiques
qui s’y bousculent. Son engagement est total,
discussions politiques et soirées arrosées se
succèdent, à un rythme effréné. Il doit même
accepter un duel contre un Korpsstudent qui l’avait
provoqué... Il suivra ensuite les cours du
philosophe Hegel à Berlin, avant de rentrer sur les
bords du Léman. Chef du mouvement radical
vaudois en 1845, il sera élu au sein du premier
Conseil fédéral, en 1848.
La fascination qu’exercent les universités
allemandes sur les étudiants suisses ne faiblira pas
durant toute la première moitié du XIXe siécle.
Certains entreront dans l’une ou l’autres des
sociétés d’étudiants locales, d’autres non. Un autre
futur conseiller fédéral adhérera également à une
Burschenschaft, à Iéna, durant le passage
germanique de son cursus de juriste : l’Argovien
Emil Welti, conseiller fédéral de 1867 à 1891 et l’un
des artisans du réseau de chemins de fer
helvétique.
Puis l’attrait pour l’Allemagne universitaire va
progressivement diminuer au fur et à mesure que
le paysage académique helvétique s’étoffe, avec la
création d’universités de plus en plus cotées, à
Zurich en 1833, à Berne en 1834, puis à Genève et à
Lausanne vers la fin du siècle, sans oublier l’Ecole
polytechnique fédérale, en 1855, qui annonce un
renversement de tendance : ce seront désormais des
étudiants allemands qui, malgré l’essor d’une
floraison d’écoles techniques prestigieuses outre-
Rhin, se rendront en masse à Zurich, l’« Athènes »
de la Limmat... au point que deux sociétés
d’étudiants suisses, la libérale Zofingue et la
radicale Helvetia, deux avatars indirects de la
Burschenschaft, se sentiront obligées de sceller une
éphémère fusion, qui ne durera que deux ans.
Daniel-Henry Druey (1799-1855)
21
22
Madame, vous êtes ingénieur agronome de formation,
diplômée (1 976) de l’Ecole polytechnique fédérale de
Zurich (EPFZ) et spécial iste du développement ; vous
avez été responsable, au sein de la Direction du
développement et de la coopération (DDC) du
Département fédéral des affaires étrangères (DFAE),
des programmes pour l ’Afrique, puis, au cours des
années 1 990, coordinatrice résidente de la DDC à
Niamey (Niger), d’où vous avez, entre autres tâches,
dirigé la délégation suisse pour les négociations
menées dans le cadre de la Convention des Nations
Unies sur la lutte contre la désertification (CNULD).
Après avoir occupé le poste de cheffe de la section
d’environnement au DFAE à Berne, vous avez été
nommée vice-directrice de la DDC en 2001 . Depuis
l ’automne 201 0, vous exercez la fonction
d’ambassadeur de Suisse au Mozambique.
MA MISSIONAU MOZAMBIQUE
23
EN TRET I EN AVEC
Therese Adamambassadeur de Suisse, Maputo
Que faut-il savoir sur le Mozambique, pays si peu
connu ?
Le Mozambique peut être considéré comme un
point focal de l’intérêt croissant que le monde
d’aujourd’hui porte à l’Afrique et, dans la région, le
pays jouit d’une réputation qui ne cesse
d’augmenter. C’est notamment au sein de la
Communauté de développement de l’Afrique
australe (SADC) que Maputo joue de plus en plus
souvent un rôle de médiateur dans des conflits
régionaux et les troubles intérieurs (Madagascar,
RD du Congo…). Sur un plan géostratégique, le
pays est important en raison de sa situation en
bordure de l’Océan indien et de ses voies de
navigation.
Pays riche ou pays pauvre ?
Les deux à la fois. Au cours des dix dernières
années, le Mozambique a connu une croissance
élevée et constante, de 6 à 8% du PIB par année ; il
fait donc partie, dans le monde, du groupe de pays
dont la croissance est la plus marquée. Les secteurs
minier et énergétique contribuent largement à ce
résultat ; mais il ne faut pas non plus négliger les
exportations agricoles et les services de transports.
Longtemps, les gisements de charbon et de métaux
rares sont restés non ou peu exploités, voire
inconnus. L’exploration des importants gisements
de gaz offshore ne date que de quelques années et
on estime que le pays se rangera d’ici peu parmi les
dix plus importants producteurs mondiaux de gaz
naturel. Il est évident que la mise en valeur de ces
richesses exige d’importants investissements en
infrastructures. Mais c’est bien la diversification de
l’économie, la formation et la création de postes de
travail en dehors des secteurs mentionnés qui
constituent le défi le plus important, y compris
celui d’éviter un endettement excessif en attendant
l’arrivée de revenus en devises plus importants du
secteur minier et énergétique.
Et la pauvreté ?
Elle est toujours une réalité dominante. En effet, le
Mozambique fait partie du groupe des pays dits les
moins avancés ; ce ne sera qu’à moyen terme que
cette classification pourra tomber. Plus de soixante-
dix pour cent de la population vit encore de
l’agriculture, peu productive, basée sur des
exploitations familiales non mécanisées. Même si
l’accès à des services de santé, à la distribution de
l’eau et à l’écolage a fait de réels progrès au cours
des quinze dernières années, beaucoup reste à faire.
Il faut rappeler qu’après l’indépendance, proclamée
en 1975, le Mozambique a connu une guerre civile,
entre 1976 et 1992, aux conséquences dévastatrices,
notamment aussi dans les régions rurales ; le
nombre de morts de ces luttes est estimé à près
d’un million d’êtres humains. C’est par centaines
de milliers que les Mozambicains se sont réfugiés
dans des pays voisins et dans les villes, plus sûres.
24
Mais à présent, les choses vont mieux ?
Heureusement, oui. Depuis vingt ans, le
Mozambique connaît une paix politique et sociale
relative. Après la signature de la paix entre les
partis en conflit, à Paris en 1992, une nouvelle
constitution fut adoptée en 1994 introduisant un
régime multipartite. Il y eut depuis, souvent au
moment des élections, un certain nombre de crises
politiques mettant en lice le parti gouvernemental
Frelimo et le parti de l’opposition Renamo, les
anciens guérilleros ; la dernière en date est toute
récente. En effet, à peine quelques mois avant les
élections locales de novembre 2013 et dans la
perspective des élections parlementaires et
présidentielles d’octobre 2014, les milices du
Renamo, toujours armées, se mirent à attaquer des
postes de police et des forces armées, voire des
véhicules civils sur l’axe principale de
communication entre le nord et le sud du pays. Le
but était bien d’empêcher la tenue des élections
locales ; il y eut des morts et des blessés et les
accrochages entre ces milices et l’armée se sont
intensifiés.
Quant à la population, elle a réagi énergiquement
contre cette violence ; sa peur d’une nouvelle
guerre est réelle. De nombreuses initiatives devant
faciliter le dialogue entre les forces en présence
sont issues de sa mobilisation. Finalement, les
élections locales ont bel et bien eu lieu dans toutes
les circonscriptions. Un jeune mouvement
d’opposition, le Mouvement démocratique du
Mozambique, désirant renvoyer les anciens
ennemis à leurs responsabilités, a pu engager des
succès plus qu’honorables au point qu’en février
2014, le Renamo a finalement accepté sa
participation aux élections d’octobre. Sans entrer
dans l’historique et les complexités actuelles de ces
antagonismes, disons simplement que les revenus
générés par l’exploration et l’exploitation des
ressources minières et énergétiques mettent des
moyens considérables entre les mains de ceux qui
contrôlent les instances de l’Etat.
Comment caractériser les relations entre la Suisse
et le Mozambique ?
On connaît mal le Mozambique en Suisse, quoique
les relations soient anciennes tant sur le plan privé
qu’officiel. Depuis le XIXe siècle, des missionnaires
suisses y sont actifs. En 1887, une Missão Suíça,
émanant de l’Eglise presbytérienne, s’est établie au
Sud ; les écoles de cette Mission étaient ouvertes à
toute la population et on y enseignait également
les langues locales. Le premier président du
Frelimo, Eduardo Mondlane, ainsi que le premier
président du pays, Samora Moises Machel, s’y sont
trouvés sur les bancs d’école, avec beaucoup
d’autres qui occupent actuellement des positions
en vue.
Parmi les missionnaires suisses qui ont été engagés
au Mozambique il faut surtout retenir le nom
d’Henri Alexandre Junod (1863-1934), qui a
également travaillé au Transvaal sud-africain
25
voisin. Sa réputation est aussi celle d’un grand
linguiste, ethnologue et naturaliste. A Rikatla près
de Maputo où se trouve le séminaire qu’il a fondé
ainsi que sa tombe, un centre culturel portant son
nom a été ouvert en 2008.
Peu de temps après l’indépendance – qui fit suite à
une présence coloniale du Portugal de près de cinq
siècles (1498 à 1975) –, des organisations d’entraide
privées suisses ont entamé des projets de
développement, notamment dans le domaine de
l’approvisionnement en eau. Fin 1979, la DDC s’est
jointe à elles. Outre l’eau, d’autres infrastructures
et les réseaux de santé ont été visés, toujours
prioritairement dans les régions rurales du Nord.
Le problème central était bien les destructions
causées par la guerre civile. Dans le contexte de
l’accord de paix, la Suisse a contribué à la
démobilisation et la réintégration des combattants
des deux camps, programme mis sur pied par
l’ONU (ONUMOZ).
Si, traditionnellement, l’aide suisse se concentre
sur les besoins de base de la population et le
développement rural, il faut souligner la
contribution de la Suisse dans le domaine des
institutions démocratiques et de la protection des
droits humains ; un accent est aussi mis sur la
décentralisation, la gestion des finances publiques
et la lutte contre la corruption. Depuis 2001, un
ambassadeur de Suisse réside à Maputo et vous
pensez bien que c’est surtout dans les domaines
que je viens de citer que le travail d’un
ambassadeur peut être utile – et fascinant. En
complément à l’action de la DDC, le Secrétariat
d’Etat à l’économie (Seco) fournit une aide
budgétaire. Avec tous ces dispositifs, la Suisse est
bien intégrée dans le dialogue que les autorités du
pays mènent avec la communauté internationale.
Est-ce que les entreprises suisses participent à cette
intensification des relations ?
Oui, heureusement. Le domaine le plus attrayant,
bien évidemment, est le secteur minier et
énergétique, mais aussi les infrastructures et les
services. Le nombre d’entreprises suisses qui se
sont installées dans le pays ou qui y ont ouvert des
antennes a beaucoup augmenté au cours des deux
dernières années ; elles sont parfaitement
conscientes que ce sont plutôt les perspectives à
long terme qui paraissent intéressantes, rarement
des affaires vite faites.
Conclusions ?
Personnellement, je suis convaincue que ce pays
sera en mesure de profiter de ses énormes atouts
naturels ; mais c’est bien la poursuite du processus
de démocratisation, le rétablissement complet de la
paix intérieure et des réformes de tout genre qui
détermineront son avenir.
26
PEUPLES AUTOCHTONESUN COMBAT NOBLE ETPACIFIQUE
Siège de nombreuses organisations internationales et
d’ONG, Genève possède une véritable tradition de
coopération internationale et de défense des Droits de
l ’homme. On associe souvent cette tradition à la
présence de l’ONU ou de la Croix-Rouge
Internationale, oubliant des organisations moins
connues comme le Centre de documentation, de
recherche et d’ information des peuples autochtones
(doCip – www.doCip.org). Madame Pierrette Birraux,
ancienne directrice et consei l lère scientifique au
doCip, nous éclaire sur le rôle du Centre, sur ses
engagements et sur les raisons de sa présence à
Genève, présence qui ne doit rien au hasard.
Madame, pour tous ceux qui ne le connaissent pas,
qu’est-ce que le doCip?
En 1977, les délégations des peuples autochtones se
sont réunies au Palais des Nations lors de la
Conférence des ONG sur la discrimination à
l’encontre des peuples autochtones des Amériques
dont l'un des résultats fut la création du doCip. Son
objectif principal est : «soutenir les peuples
autochtones dans la défense de leurs droits, en
particulier auprès des institutions internationales
établies à Genève». Le doCip travaille avec toutes
les délégations des peuples autochtones sans
aucune distinction politique ou autre. Il se limite
volontairement à jouer le rôle de secrétariat et de
centre de documentation : nous ne jugeons pas, ne
faisons pas de lobby ni d’advocacy. Nous sommes
une fondation à but non lucratif qui fournit des
services indispensables en quatre langues afin de
réduire un peu l’écart qui les sépare des États, en
termes de moyens, auprès des institutions
internationales.
En ce qui concerne le volet information et
documentation, nous centralisons et mettons à la
disposition du public à la fois les documents
d’archives provenant des peuples autochtones,
mais aussi les rapports et interventions rédigés et
prononcés dans les instances internationales
concernant leurs droits. Bien souvent, ces textes
n’ont pas été archivés par l’ONU et sont
difficilement accessibles.
Drapeau des Samis,
Laponie
27
EN TRET I EN AVEC
De quels soutiens le doCip jouit-il dans la
communauté internationale? Est-il reconnu par les
peuples autochtones eux-mêmes?
Composé au départ de bénévoles engagés, mais
refusant tout paternalisme dans le combat que les
autochtones mènent pour faire respecter leur droit
à l’autodétermination, le doCip s’est
professionnalisé dès 1992 à l’occasion des réunions
préparatoires du Sommet de Rio, à la demande de
l’Alliance internationale des peuples autochtones
et tribaux des forêts tropicales. Des relations de
réciprocité ont été établies alors : nous fournissons
une structure et une organisation aux délégations
autochtones, ne réalisons que des activités décidées
en consultation avec leurs peuples et eux nous
appuient vis-à-vis des donateurs et d’autres
soutiens. Au final, nous accomplissons un travail
professionnel que personne d’autre ne fait et
l’ONU, bien qu’elle ne nous ait pas toujours vu du
meilleur œil, nous reconnaît comme indispensable
pour ce qui s’agit des peuples autochtones.
Pour ce qui est du financement, nous avons pu
compter, dès 1992, sur l’aide de Genève et de la
Suisse à travers la Direction du développement et
de la coopération (DDC) et, depuis 2002, sur la
Commission Européenne à travers l’Instrument
européen pour la démocratie et les droits de
l’Homme (IEDDH). A plusieurs reprises, le caucus
autochtone qui se réunit avant les conférences
onusiennes nous a appuyés auprès de la CE.
D’autres États nous ont également financés par le
passé, des États favorables aux autochtones et
acceptant intégralement notre programme
d'activité tel que défini avec eux. Depuis quelques
années, nous sommes fiers de recevoir le soutien
financier du parlement des Sami (Scandinavie), un
des rares peuples qui en a la possibilité.
Nous sommes donc reconnus par les peuples eux-
mêmes, mais aussi par l’ONU et les États.
Quels sont vos principaux objectifs pour les années
à venir?
Tant que les peuples autochtones souffriront de
discriminations, d’expropriations et de destructions
de leurs terres et de leur culture, notre objectif
reste de faire entendre leur voix. Plus
concrètement, nous nous préparons pour la
Conférence mondiale sur les peuples autochtones
de septembre 2014 qui prendra la forme d’une
réunion plénière de haut niveau de l’Assemblée
générale à New York.
Nous développons également un nouveau projet de
transfert de la mémoire orale des anciens ayant
pour but non seulement la conservation de cette
mémoire mais l’empowerment des jeunes
générations.
Plus personnellement, qu’est-ce qui vous a poussée
sur ce chemin?
Géographe et historienne, j ’ai quitté Genève pour
Montréal où j 'ai travaillé comme chargée
d’enseignement sur les questions d’aménagement
Pierrette Birrauxancienne directrice du doCip
28
du territoire et de protection de la nature,
notamment sur l’histoire de l’occupation du
territoire de la Belle Province. Ce qui m’a
naturellement amenée à la présence des
Amérindiens du Québec et à leur rapport à la
nature (qu’ils ne distinguent pas puisqu’ils se
considèrent comme faisant eux-mêmes partie de la
«nature»). A travers les films d’Arthur Lamothe, je
me suis alors passionnée pour l’histoire du peuple
de chasseurs cueilleurs nomades des Innus ou
Montagnais qui fut sédentarisé dans des réserves
aux XIXe et XXe siècle dans le but de le faire
s'éteindre de lui-même... Car les Innus vivaient sur
des terres notamment riches en gisements de fer,
découverts par un Suisse, le curé Babel de Veyrier.
Celui-ci, en aparté, avait l’habitude de remercier
Dieu à chaque repas que lui chassaient les Indiens.
Mon intérêt pour les Innus fut ignoré par mes
collègues et je repartis donc pour Genève en 1979,
où je découvris l’existence du doCip qui, selon moi,
travaillait dans le sens voulu par les Innus. Je
partageais dès lors mon temps entre mon
engagement au doCip et le Brésil et le Venezuela
dans le cadre de ma recherche sur la territorialité
des Indiens Yanomami d’Amazonie vers qui
l’ethnologue genevois René Fuerst m’avait
orientée.
La notion d’autodétermination est pour moi
évidente. Chaque peuple devrait pouvoir vivre et
évoluer en fonction de sa propre culture, en
transmettant sa langue à ses enfants et en
disposant de sa terre. La gouvernance participative
et décentralisée des peuples autochtones et leur
profond respect pour la terre sont à mon avis des
valeurs d’une grande actualité. Il vaut donc la
peine de se battre pacifiquement pour elles en
appuyant leurs détenteurs. Pour moi, la dynamique
autochtone aux Nations Unies, où chacun prend la
parole à l’égal de l’autre, constitue un modèle pour
le futur.
Avec d’autres Suisses comme Bruno Manser ou
René Fuerst, que vous avez cités, vous formez une
grande équipe. Peut-on parler, dans ce domaine, de
spécificité suisse, voire genevoise ?
On peut effectivement faire plusieurs liens avec la
Suisse. Certes, nous n’avons pas pratiqué de
politique de colonisation comme les puissances
européennes, ce qui nous épargne les conflits
d’intérêt politique. Cela dit, la Suisse au XIXe siècle
a participé à la colonisation de l’Amérique latine en
envoyant ses pauvres traverser l’Atlantique et
s’installer sur des territoires dits vides, mais en
réalité occupés depuis longtemps par des
autochtones. Je ne m’étalerais pas sur l’exemple du
général brésilien Rubens Bayma Denys,
d’ascendance valaisanne, et dont le plan
d’occupation des frontières dans les années 1980-
90 a été fatal à un très grand nombre d’Indiens.
Je préfère m’intéresser à ce qui nous rassemble : la
notion de consensus et de confédération. En effet,
les valeurs politiques des autochtones sont très
proches des nôtres : autonomie cantonale,
décentralisation et autorité faîtière dont la tâche
est avant tout de coordonner plutôt que d’imposer
ou de décider à la place du peuple. Et, bien
entendu, il y a le consensus culturel et linguistique
qui existe autant en Suisse que chez les peuples
autochtones. Je me souviens d’un Amérindien qui,
s’intéressant à l’histoire suisse, avait trouvé
admirable le Pacte d’Alliance de 1291 .
A Genève, je dirais que le calvinisme a également
joué un rôle dans cette attitude respectueuse que
nous avons pour les peuples autochtones lui qui a
constitué une église décentralisée et qui a connu la
persécution en Europe. Quelque part dans notre
culture, il existe une capacité de ne pas
nécessairement imposer nos vues, de respecter le
fait que d’autres pensent différemment (les écrits
de Jean de Léry sur les anthropophages du Brésil
29
sont significatifs à cet égard) ainsi que leur
capacité à se gouverner selon leurs propres règles.
Enfin j’aimerais terminer en précisant que le doCip
s’inscrit dans une tradition qui date de 1923
lorsqu’une association genevoise, la Commission
des Iroquois, a appuyé, malheureusement en vain,
les démarches de l’ambassadeur de la
Confédération des Six Nations iroquoises auprès de
la Société des Nations. Mais à la différence d’une
ONG britannique très respectable, cette
Commission possédait un esprit non paternaliste
que le doCip continue et continuera d’appliquer
jusqu’à ce que les autochtones considéreront qu’ils
n’auront plus besoin de nous.
La Commission des
Iroquois devant le Palais
Eynard avec le chef
iroquois Deskaheh en
1923. Photographe
anonyme de l'agence de
presse Photographia,
Genève. Gracieusement
transmis par le Centre de
l'iconographie de Genève
(CIG) 37 ans après la première
conférence à l’ONU sur la
discrimination à
l’encontre des peuples
autochtones : les premiers
délégués des Amériques,
d’Afrique, de l’Arctique,
d’Asie, d’Europe, du
Pacifique et de Russie
rencontrent les jeunes
générations, Genève, 2013.
Photo Stephane Pecorini.
30
Bénédict de
Tscharner
ancien ambassadeur de
Suisse en France,
président honoraire de la
Fondation pour l'Histoire
des Suisses dans le Monde
NOBLES SUISSESDANS LE MONDE
« Honni soit qui mal y pense ! »
Quand j’étais jeune diplomate à Londres, mon
ambassadeur me pria un jour de me rendre au Pays de
Galles, au château de Saint-Donat dans le Glamorgan,
près de Cardiff. Dans cette forteresse de style
gothique, construite sur une falaise surplombant la
mer, était logée, dès 1 962, une école portant le nom
d’UnitedWorldCollege ofthe Atlantic. Parmi les
étudiants venant du monde entier, quelques jeunes
Suisses étaient également inscrits ; i l s’agissait de les
saluer et de me faire une idée plus précise de cet
établissement qui dél ivrait le baccalauréat
international , le BI pour les initiés, à l ’ issue d’études
de deux ans. Plus tard, notre propre fi l le fréquentera
l’Atlantic College.
Une première histoire liée à ce château a comme
personnage principal le richissime magnat de la
presse William Randolph Hearst – le cinéaste
Orson Welles le rendit immortel dans son film
Citizen Kane. Au cours des années vingt, Hearst
acheta le Château de Saint-Donat pour sa
maîtresse, l’actrice Marion Davies, le rénova en y
installant non seulement des plafonds gothiques
qu’il avait dénichés dans des églises en ruine en
Ecosse, ou encore des cheminées, des colonnes et
autres gargouilles taillées, ramassées chez des
antiquaires, mais aussi non moins de 34 salles de
bain modernes ! C’est en 1960 qu’il vendit le do-
maine. Le collège put s’en porter acquéreur grâce à
l’aide de mécènes privés, convaincus de la
pertinence des principes pédagogiques
« internationalistes » qui y étaient – et sont – à
l’honneur.
Une autre histoire sur Saint-Donat mérite qu’on la
raconte. Au magnifique Château de Spiez sur les
bords du Lac de Thoune habitait, au XIIIe siècle, un
chevalier et troubadour du nom d’Heinrich von
Straettligen. Quand le roi d’Angleterre Edouard Ier
rentra de sa croisade, deux nobles « suisses »
faisaient partie de son entourage – notons tout de
même que le serment du Grütli n’avait pas encore
eu lieu à ce moment-là… et que la Suisse n’existait
pas ! Leur nom ? Othon de Grandson et son jeune
31
ART I C LE S
neveu Jean de Straettligen, ce dernier sans doute
un proche parent – fils, neveux – du troubadour.
En fait, la présence de nobles de notre région à la
cour d’Angleterre avait déjà été établie sous
Henri III Plantagenêt, le père d’Edouard. En effet,
les Straettligen avaient tissé des liens avec la
maison de Savoie. Or l’épouse du roi Henri, la
bienheureuse Eléonore de Provence, était la fille de
Béatrice de Savoie, ce qui fit que le frère de celle-ci,
le comte Pierre de Savoie, seigneur de Vaud, avec
sa suite de nobles vaudois – Othon de Grandson en
faisait déjà partie – était souvent présent à Londres
et se mêlait à la vie de la cour.
Jean s’établira en Angleterre sous le nom de John
Stradling et on sait que son fils Pierre fit construire
le Château de Saint-Donat autour de l’an 1300,
dans ce pays de Galles où le roi l’avait doté de
terres et lui avait confié des fonctions
administratives. Le petit fils de John, Edward
Stradling, fut administrateur du Somerset et
membre du Parlement. L’amitié de son homonyme,
le roi Edouard III, lui valut l’honneur d’être adoubé
chevalier ; ce sera donc Lord Stradling.
En Suisse, la lignée des Straettlingen s’éteignit au
milieu du XIVe siècle déjà, celle des Stradling en
Angleterre au cours de la première moitié du
XVIIIe siècle. A propos des Grandson ou
Grandison, on raconte que Catherine Montagu,
comtesse de Salisbury, une descendante d’Othon,
était la propriétaire de la très célèbre jarretière –
garter en anglais – que le roi Edouard III, lors d’un
bal à Calais en 1341, en pleine guerre de Cent Ans,
ramassa par terre en prononçant la célébrissime
phrase Honni soit qui mal y pense ! et qu’il fixa à
son genou, créant ainsi le plus noble des ordres de
chevalerie anglais. On pourrait faire des
suppositions sur les relations entre le roi et
Catherine ; mais l’histoire ne nous livre que peu de
détails sur ce sujet. Nous prenons donc note du
fait qu’au XIIIe siècle, en Suisse, des jeunes gens de
bonne famille étaient envoyés à l’étranger, à la
cour des rois, où ils pouvaient apprendre les
manières et toute sorte de savoirs utiles, y compris
l’art des tournois chevaleresques. A ce propos, on
n’a qu’à se fier aux vieux graffiti que l’on trouve au
château de Spiez. Retenons que la mobilité et
l’ouverture au monde étaient d’utiles vertus à
l’époque déjà, en tout cas pour les chevaliers – et
on voit bien le parallélisme avec le collège de
Saint-Donat d’aujourd’hui. Un des plus célèbres
porteurs de l’Ordre de la Jarretière fut d’ailleurs
l’amiral comte Louis Mountbatten, dernier vice-roi
des Indes britanniques en 1947, puis premier
gouverneur général de ce pays devenu
indépendant. Lord Mountbatten accepta, en 1967,
la présidence du Conseil international du Collège
de l’Atlantique – d’autres écoles du même genre
ont été ouvertes depuis. Il sera assassiné en août
1979 par un agent de l’Irish Republican Army, ce
qui amènera son neveu Charles, Prince de Galles, à
lui succéder à la présidence.Codex Manesse,
Heidelberg, XIIIe
32
SWISS LIBRARY USA
I ls ne seront peut-être pas très nombreux, les lecteurs
de La Lettre de Penthes qui auront l ’occasion de visiter
le nouveau Swiss Center ofNorth America à New
Glarus, Wisconsin. I l est néanmoins intéressant de
savoir que c’est là qu’une des plus remarquables
bibl iothèques consacrées exclusivement à la Suisse
vient d’être inaugurée, unique en son genre sur le
continent américain. I l s’agit d’un généreux don de
quelques 8000 l ivres fait, en 201 2, par le docteur
Donald G. Tritt, professeur honoraire de psychologie à
l’Université Denison à Granvi l le, Ohio, auteur, entre
autres, d’un guide des festivals suisses en Amérique du
Nord et d’une publication sur Léo Lesquereux
(1 806-1 889), paléobotaniste suisse (né à Fleurier NE).
Anselm Zurfluh
directeur du Musée des
Suisses dans le Monde
33
ART I C LE S
Le professeur Tritt est d’origine suisse : son grand-
père, Joseph Gustav Tritt (1842-1904) naquit dans
le Haut Simmental bernois et émigra vers les États-
Unis au cours des années 1860 où il devint une des
chevilles ouvrières de la vie associative des Suisses
de Columbus, Ohio, d’où l’intérêt du collectionneur
pour la Suisse et d’où l’origine des premiers titres
de sa vaste collection de Helvetica. Le virus ne l’a
plus lâché ; mais la séparation d’avec ses trésors lui
a été facilitée par la construction d’une annexe
spéciale à la bibliothèque du Swiss Center.
La Swiss American Historical Society vient de
publier, dans sa Review (volume 49, n° 3, novembre
2013), une bibliographie de la Donald G. Tritt Swiss
Library, établie selon les règles de la bibliographie
académique par Amanda Crowley et Jenna Settles
(disponible à la bibliothèque du Musée et Institut
des Suisses dans le Monde, à Penthes). Dans la
préface de cette bibliographie, Tritt évoque
quelques-uns des livres les plus intéressants et sans
doute aussi les plus rares de sa collection, livres
d’histoire, récits de voyage, biographies et
mémoires, littérature pour la jeunesse,
correspondances, etc.
Un des joyaux de la collection Tritt est un livre en
latin, Helvetiorum Respublica, par Josiah Simler,
publié à Leyde en 1627. Si on trouve évidemment
dans cette bibliothèque beaucoup de livres en
allemand – voire en dialecte suisse-allemand – et
en français, certains titres en anglais paraissent
particulièrement intéressants, par exemple une
traduction du poème Die Alpen d’Albrecht de
Haller (Zurich, Fuesslin, 1768), les œuvres de
Salomon Gessner publiées à Londres en 1805,
l’autobiographie d’Heinrich Zschokke, publiée à
Londres en 1845, les lettres d’Emil Frey, participant
à la guerre civile américaine, futur conseiller
fédéral, écrites entre 1860 et 1865 et publiées à
New York en 1986 sous le titre d’An American
Apprenticeship, ou encore la traduction de L’or de
Blaise Cendrars, publiée également à New York, en
1926, et, bien entendu, les œuvres de Johanna Spyri
– Heidi et les autres –, aussi populaires en
Amérique qu’en Suisse, ainsi que de Mari Sandoz,
écrivaine américaine d’origine suisse, notamment
Old Jules, son meilleur livre, un portrait de son
père né dans le canton de Neuchâtel et émigré vers
le Nebraska, œuvre publiée à Boston en 1935 (cf. le
livre Suissesses dans le monde de Laurence
Deonna et Bénédict de Tscharner aux Éditions de
Penthes, 2010), sans négliger la rubrique humour
où l’on trouve le titre Up the Matterhorn in a Boat,
par Marion Manville Pope, publié à New York en 1897.
34
Fritz STAUDACHER
Jost Bürgi, Kepler und der Kaiser
Uhrmacher – Instrumentenbauer – Astronom –
Mathematiker 1552-1632
Verlag Neue Zürcher Zeitung, Zurich, 2013
Quand on demande à un visiteur du Musée national
suisse à Zurich quel est l’objet qui l’a le plus fasciné,
il n’est pas rare qu’il mentionne le petit globe céleste
datant de 1594 que l’on doit à l’horloger, astronome
et mathématicien suisse Jost Bürgi. Pourtant le nom
de ce génie est peu connu du grand public.
Il est donc d’autant plus méritoire que l’auteur de ce
livre, qui a fait une carrière dans la communication
pour d’importantes entreprises du secteur de
l’optique de précision et des instruments de mesure,
nous offre une biographie qui est aussi une
présentation, somptueusement illustrée, du monde de
la science de la seconde moitié du XVIe et du début
du XVIIe siècle.
Jost Bürgi est originaire de Lichtensteig dans le
Toggenburg (Saint-Gall) où son père, Lienz Bürgi,
exerce le métier de serrurier. La date de naissance de
Jost est le 28 février 1532 ; il fera un apprentissage en
tant qu’orfèvre et se tournera tôt vers l’horlogerie.
C’est en 1579 que Jost Bürgi est engagé par
Guillaume IV, margrave de Hesse-Cassel, dit le Sage,
un astronome compétent – il fait construire le
premier observatoire en Europe centrale – et un
collectionneur d’horloges et d’instruments
scientifiques. La position de Bürgi est celle d’un
horloger de la cour, position qui lui permettra de
construire sa première horloge en forme de globe.
Tôt après, il produira la première horloge permettant
de mesurer le temps en secondes. Ses travaux
engloberont également les mathématiques et de
nouveaux instruments de mesure (sextants) ainsi que
l’astronomie, combinaison à laquelle on doit les
étonnantes horloges représentant la sphère céleste
avec les constellations – la langue anglaise connaît le
terme de orrery pour ce type d’horloge. Celle que l’on
peut admirer à Zurich et dont le globe ne mesure que
14,2 cm de diamètre, est en laiton doré et indique
avec précision la position de non moins de 1028
étoiles fixes. On attribue aussi à Bürgi la première
table de logarithmes, méthode qui, dit-on, a décuplé
la capacité de calcul des astronomes.
Dans la vie de Jost Bürgi on retiendra notamment ses
séjours à Prague à la cour de Rodolphe II de
Habsbourg, empereur romain germanique (petit-fils
de Charles Quint), caractère bizarre, mais grand
collectionneur et protecteur des arts et des sciences.
Bürgi résidera entre 1603 et 1617 à Prague, ville qui
était alors la capitale impériale – la guerre de Trente
Ans commencera en 1618 ; il gardera une maison à
Prague jusqu’en 1631 . Son décès interviendra un an
plus tard, à Cassel. A Prague, il faut surtout retenir
son étroite collaboration et son amitié avec le grand
astronome Johannes Kepler (1571-1630), qui est
connu pour avoir établi les trajectoires elliptiques des
planètes au sein du système solaire.
Horloge, globe céleste de
1594, Musée national
suisse, Zurich
Portrait de Jost Bürgi par
Aegidius Sadeler
(Prague, 1619)
35
L I VRE S
Bénédict de TSCHARNER
Etienne Clavière (1735-1793).
Un Genevois dans la tourmente de la
Révolution française
Editions de Penthes, Pregny / Infolio,
Gollion, 2014
Des trois Genevois qui ont été ministres des finances
dans un pays étranger, Jacques Necker (1732-1804)
est sans doute le plus connu. Mais on peut considérer
que la trajectoire d’Albert Gallatin (1761-1849 ;
Secrétaire au Trésor aux États-Unis) a été plus
intéressante, car si Necker s’est battu avec les
finances d’une monarchie en déclin terminal,
Gallatin a jeté les bases des finances publiques d’une
démocratie qui, elle, a survécu.
Mais peu de gens se sont penchés sur le destin du
troisième, Étienne Clavière (1735-1793). Bénédict de
Tscharner l’a fait avec cette brève biographie que les
Éditions de Penthes vont publier ; c’est surtout parce
que le cheminement politique de ce commerçant et
financier genevois permet à la fois de jeter un coup
d’œil sur la Genève du XVIIIe siècle avec ses
querelles entre les « négatifs » , les « représentants »
et les « natifs » . L’exil, à partir de 1782, a conduit les
« dissidents » genevois d’abord en Grande-Bretagne,
puis à Paris où ils ont rejoint Mirabeau et Brissot
dans leur fameux « atelier » .
Genève serait-elle à considérer comme le berceau de
la Révolution française ? Il est sans doute exagéré de
l’affirmer ; mais Genève a été un des plus intéressants
foyers des Lumières européennes, dont les
révolutions sont nées – en Amérique, en France, mais
aussi ailleurs –, cette lutte entre, d’un côté, une
vision nouvelle de l’homme et de son destin, et, de
l’autre, des régimes non seulement anciens, mais
sclérosés et inaptes à affronter les temps modernes.
Mais l’Amérique a fait des principaux acteurs de sa
lutte pour l’Indépendance des hommes d’État, des
pères de la Nation, alors qu’en France, la Révolution
a « dévoré ses enfants », plusieurs volées successives
d’innovateurs plus ou moins radicaux. Clavière en
tout cas, après quelques mois de service, auprès du
roi Louis XVI d’abord, juste avant la fin de son règne,
puis aux côtés de la République, n’a pas eu la chance
de mettre ses convictions et ses capacités en œuvre
plus que pendant quelques mois ; il a terminé sa vie
dans les cachots de la Conciergerie, condamné à mort
par un Tribunal révolutionnaire que l’on qualifierait
aujourd’hui de « cour kangourou ».
Michel CLÉMENT-GRANDCOURT
Léo Lesquereux, 1806-1889. De Fleurier à
Columbus (Ohio),
récit biographique d’après sa correspondance avec
Fritz Berthoud
Editions Alphil, Neuchâtel, 2013
« C’est en ouvrant une ancienne
armoire de la maison familiale que
Michel Clément-Grandcourt a
découvert cent soixante lettres
autographes échangées pendant plus de quarante ans
par deux amis de jeunesse, l’un à Columbus (Ohio),
Léo Lesquereux, l’autre à Fleurier (Neuchâtel), Fritz
Berthoud.
Descendant de Fritz Berthoud, l’auteur de cet
ouvrage a patiemment reconstruit au travers de cette
correspondance, la vie de Léo Lesquereux. Au récit
biographique passionnant de cet homme attachant
s’ajoute en filigrane l’histoire du mouvement
naturaliste neuchâtelois et américain du XIXe siècle.
Replacés dans le contexte de leur époque, ces
échanges épistolaires riches et variés offrent en effet
un éclairage sans artifice sur une période clef du
développement scientifique moderne.
Léo Lesquereux s’est fait connaître en Suisse dès la
publication en 1844 de son mémoire sur les
tourbières, qui lui a ouvert une carrière scientifique
dans son pays natal. La Révolution neuchâteloise de
1848 l’a contraint à s’exiler aux États-Unis, à l’appel
de ses collègues Louis Agassiz et Édouard Desor qui
s’y trouvaient déjà. Cependant, il n’a jamais cessé
d’écrire à son ami et confident Fritz Berthoud, de
1847 à 1889. Ses lettres apportent un témoignage de
première main sur les aspects sociologiques,
politiques, culturels et religieux de la vie américaine
dans la seconde moitié du XIXe siècle.
36
Après ses publications sur les batailles où se sont
battus les Régiments de Watteville et de Meuron dans
la Guerre de 1812, ainsi que sur l’expédition de Lord
Selkirk vers les rives du Red River en 1816/1817,
l’auteur présente son troisième livre qui complète la
trilogie. Colonel à la retraite de l’Armée suisse,
auteur également de livres en français sur des
personnalités qui ont joué un rôle au cours de la
période trouble de 1792 à 1814, conseiller associé de
la Fondation, Antoine de Courten base son récit
essentiellement sur des documents originaux
(correspondance, journaux de voyage, etc.) puisés
dans les archives des familles de Courten et de
Watteville.
Quatrième de couverture :
“Everything went wrong. Having crossed the
Atlantic for about three months and getting stuck in
the ice of the Hudson’s Strait for another three
weeks, the band of Swiss emigrants had to row with
great hardship up the Hayes River over some 60
portages, and cross Lake Winnipeg in its full length.
Most of their baggage was left at Fort York for lack of
any means of carriage.
Arriving starved, exhausted and deprived of their
belongings at the Red River Settlement just before
the snows, they were told that nothing had been
prepared for them. Lodging and food was there none
due to a plague of grasshoppers and floods that had
destroyed the harvests of the previous four years. To
crown it all, a dishonest governor acting like an
oriental nabob, together with his minions, abused
and cheated the settlers.
The so-called Promised Land was bare of any
prospect. Thoroughly embittered and disgusted, one
family after the other headed south between 1821
and 1826, some alone, others in groups, hoping to
reach present-day Minnesota as their first refuge. But
to get there they had to cross over some 350 miles of
prairie, a veritable desert of uncharted trails and
water holes, peopled by roving Sioux looking out for
victims to scalp. How did they survive? That’s what
the reader will find out by reading this dramatic
document, which is illustrated by Peter Rindisbacher,
the young artist who participated in this
extraordinary venture.”
« La guerre d’indépendance
algérienne marque par sa longueur
et sa violence l’histoire du XXe
siècle. Longtemps présentée
comme un ‹ événement de politique intérieure
française › cette guerre a eu des conséquences bien
au-delà.
Pour la Suisse, le début de la guerre correspond à sa
réintégration dans le nouvel ordre mondial, après des
années difficiles de l’après Seconde Guerre mondiale.
Le contexte de guerre froide ainsi que le mouvement
planétaire de décolonisation lui offrent l’occasion de
démontrer la réelle utilité de sa neutralité par
l’engagement de sa diplomatie.
Mais le conflit algérien vient d’abord troubler les
relations franco-suisses. La Suisse se trouve sous la
pression de Paris, qui exige un soutien sans faille, et
des pays du Proche et du Moyen-Orient qui
critiquent toute attitude favorable à la France. Le
suicide du procureur général de la Confédération,
impliqué dans une affaire d’espionnage, marque en
1957 une rupture dans la politique de la
Confédération vis-à-vis des Algériens, la Suisse va
chercher à maintenir un équilibre entre les différents
acteurs.
Les autorités suisses doivent gérer plusieurs dossiers
sensibles liés à la guerre : présence de ressortissants
suisses en Algérie ; opinion publique suisse qui
bascule en faveur des Algériens ; présence de
ressortissants algériens en Suisse.
L’auteur a eu la chance de pouvoir travailler dans les
archives algériennes, françaises et suisses : la
confrontation des sources lui permet de donner un
éclairage nouveau à de nombreux moments clés du
conflit.
Antoine de COURTEN
The Swiss Emigration to the Red River
Settlement in 1821
and its Subsequent Exodus to the United States
illustrations : reproductions de dessins de Peter
RINDLISBACHER
Damien CARRON
La Suisse et la guerre
d’indépendance algérienne (1954-1962)
Editions Antipodes, Lausanne, 2013
37
L I VRE S
Danielle MAURICE-NAVILLE, Laurence
NAVILLE, Corinne EGGLY-NAVILLE
La plume, le pinceau, la prière.
L’égyptologue Marguerite Naville (1852-1930)
La Baconnière, Genève, 2014
« Marguerite Naville a connu un
destin exceptionnel. Comme
d’autres femmes remarquables de
son époque, elle est pourtant
restée dans l’ombre, ses multiples dons ayant été
voués au service des autres et surtout de son mari,
l’égyptologue Edouard Naville (1844-1926).
Aquarelliste de talent, elle contribua notamment par
ses nombreuses et précises reproductions de sites, de
statuaire et hiéroglyphes aux découvertes de son
époux.
Née de Pourtalès en 1852, elle s’intéressa très jeune
aux grandes questions de son époque et fut
confrontée au dilemme de l’allégeance de sa famille
neuchâteloise à la Prusse, en regard de leur affection
pour les Français. Elle s’identifia à la Prusse dans la
guerre franco-prussienne de 1870, mais prit le parti
des Alliés lors de la Grande Guerre. Bouleversée par
les souffrances sans précédent causées par le conflit
mondial, qu’elle consigna au jour le jour dans ses
carnets, elle tenta d’endiguer le mal en secourant les
blessés et les prisonniers de guerre.
Entre ces deux guerres, elle prit part aux côtés
d’Edouard Naville à quatorze campagnes de fouilles
en Egypte. En dehors de ses travaux de
reproductions, elle relata avec acuité et humour dans
son journal la vie au quotidien sur les chantiers de
fouilles et ses rencontres avec des égyptologues,
notamment le célèbre Howard Carter.
Ses écrits sur la Bible et ses carnets démontrent
également son souci constant d’inscrire ses actions
dans une foi protestante jamais démentie. Refusant
les idées modernes de l’Eglise institutionnelle, elle
adopta les positions du mouvement évangélique du
Réveil, plus enclin à se fonder sur les Ecritures seules.
Danielle Maurice-Naville, Laurence Naville et
Corinne Eggly-Naville ont présenté les actions, les
pensées et les désespoirs de Marguerite comme s’il
s’agissait d’un roman. Elles parviennent au fil de ce
récit enlevé, sans jamais altérer les événements
rapportés par Marguerite, à faire ressurgir du passé
cette femme à l’esprit fort et original et au caractère
indépendant.
Eliane RIAT
Peter Geier, précurseur intrépide de
l’écologie
Préface de Jean-Paul AESCHLIMANN
Editions Cabédita, Bière, 2014
« Un homme, plusieurs vies. Une
enfance mouvementée, qui lui
apprend à se débrouiller seul.
Vingt ans en 1941 : Peter Geier
plonge dans la Mob. Humour et sens critique mêlés
nous valent des histoires inédites autant que
savoureuses, témoignages de première main sur
l’esprit qui régnait à l’époque. On y rencontre même
un Georges-André Chevallaz sous l’habit militaire.
Puis c’est la vie d’un chercheur scientifique de haut
vol, précurseur combatif – à contre-courant – de ce
que l’on a appelé des années plus tard l’écologie
scientifique moderne. Il ose dénoncer, dès la fin des
années quarante, les méfaits des traitements
chimiques sur l’agriculture et l’environnement. Il
œuvre dans ce sens en Suisse puis en Australie et, de
là, dans le monde entier, menant une lutte d’avant-
garde qui lui a conféré une audience internationale,
peu relayée dans son propre pays. Mais son
insatiable curiosité d’esprit l’a conduit sur d’autres
chemins encore.
De la vie en kaléidoscope de cet Anglo-Allemand de
naissance, devenu dans son pays d’adoption,
profondément patriote, le destin a fait un brillant
Suisse de l’étranger.
38
Luc WEIBEL
Les essais d’une vie,
Charles Borgeaud (1861-1940)
Editions Alphil, Neuchâtel, 2013
C’est avec intérêt qu’on lira Les essais d’une vie que
l’écrivain et historien Luc Weibel consacre à la
jeunesse de son grand-père. Avant d’être, dès 1896,
professeur d’histoire des institutions politiques
suisses à l’Université de Genève, Charles Borgeaud a
été un « Suisse dans le monde », d’abord, en 1866/67,
à Paris, comme tout jeune enfant du commissaire
suisse de l’Exposition universelle qui devait marquer
l’apogée du Second Empire – voir au sujet de ces
grandes manifestations l’entretien avec Nicolas
Bideau –, puis comme étudiant en Allemagne (Iéna et
Weimar) – voir l’article d’Olivier Meuwly –, comme
chercheur et conseiller juridique d’entreprises en
France et en Grande-Bretagne. Par la suite, Charles
Borgeaud sera non seulement le grand chroniqueur
de l’Université de Genève (trois volumes édités par la
Librairie Georg en 1900, 1909 et 1934, œuvre dont la
sortie devait, à l’origine, coïncider avec l’Exposition
nationale suisse de Genève de 1896), mais aussi
l’auteur d’une évocation de l’entrée de Genève dans
la Confédération en tant que canton, publiée chez
Attar en 1914, année du centenaire – voir l’article
d’Irène Herrmann sur les événements de 1814.« Figure marquante du paysage
intellectuel et universitaire de
Genève au début du XXe siècle,
Charles Borgeaud (1861-1940) a
contribué à fixer l’image de sa ville, en participant de
façon décisive à la création du Monument
international de la Réformation (1909-1917). Mais
quelles furent sa formation et ses sources
d’inspiration ? Comment un jeune juriste libéral, qui
enquête à Paris et à Londres sur les origines de la
démocratie moderne, en vint à mettre en avant
Calvin et ses successeurs ?
C’est ce que tente d’explorer ce livre, sur la base de
documents inédits. Récit d’une jeunesse en quête
d’une vocation, il situe son personnage dans le
contexte d’une Suisse […] en pleine mutation, avide
d’innovations mais aussi soucieuse de magnifier son
passé. Charles Borgeaud y apparaît entouré de ses
proches – famille, professeurs, amis – ce qui fait de
l’ouvrage le portrait multiple d’une société où chacun
est appelé à définir son destin.
Farag MOUSSA
Egyptien & Diplomate.
Farag Mikhaïl Moussa, 1892-1947
Riveneuve Editions, Paris, 2014
La période de l’histoire égyptienne qui se situe entre
les deux guerres mondiales est peu connue – sauf
pour les lecteurs de Naguib Mahfouz, bien entendu.
Deux ou trois rappels donc : suite à la révolution
égyptienne de 1919, l’Egypte devient, en 1922, un
royaume indépendant, mais l’ancienne puissance
tutélaire, le Royaume-Uni, garde le contrôle du Canal
de Suez et la responsabilité de la défense du pays. Le
traité de 1936 confirmera l’indépendance, mais ne
touchera pas au statut du Canal ni au stationnement
de troupes britanniques. A la tête de l’Etat, on trouve,
dès 1917, le roi Fouad Ier ; à sa mort, en 1936, le prince
Farouk accède au trône à l’âge de seize ans. Très
populaire et très religieux, le jeune roi prend ses
distances à l’égard du parti nationaliste du Wafd,
parti laïc et réformateur, et s’appuie sur la Confrérie
des Frères musulmans, fondée, en 1928, par Hassan
el-Banna. Le roi Farouk sera déposé, en 1952, par le
Mouvement des officiers libres que dirige le colonel
Gamal Abdel Nasser.
C’est sur cet arrière-fond que nous lisons la
biographie que Farag Moussa consacre à son père
Farag Mikhaïl et à sa carrière de diplomate. L’auteur,
de nationalité suisse et égyptienne, est lui-même
ancien diplomate au service de l’Egypte et de la
Ligue Arabe, puis, pendant vingt ans fonctionnaire
international (Organisation internationale de la
propriété intellectuelle, OMPI) à Genève. Il publie de
nombreux livres sur la diplomatie et sur les …
femmes inventrices. Pour retracer la carrière de son
père, l’auteur n’a pas pu se baser sur des mémoires
ou sur un journal ; son livre est le fruit d’un long
travail de fourmi pour récolter des souvenirs
personnels de contemporains, mais aussi des traces et
reflets dans des documents diplomatiques ou encore
dans la presse.
L’indépendance – même relative – oblige l’Egypte à
se doter d’un service diplomatique moderne ; le jeune
avocat et docteur en droit, fils et petit-fils de paysans
coptes et donc issu d’un milieu plutôt éloigné des
grandes familles proches de la cour royale, devient
diplomate dès la fin de 1923 et se voit envoyé à
Washington D.C. comme attaché de la Légation
d’Egypte. C’est à Washington, peu avant son départ
pour Berlin en 1927, que Farag rencontre la jeune
Américaine Julia Maisak qui travaille à la School of
39
L I VRE S
Foreign Service (Université de Georgetown). Un bref
séjour à Berlin où les deux jeunes gens se marient et
où naît leur premier fils, est suivi par une mission
d’une tout autre nature : consul à Addis-Abeba, dans
un pays d’Afrique proche, source du Nil Bleu et pays
à majorité copte. Le rôle de consul d’Egypte s’avère
être avant tout diplomatique – le Royaume-Uni ne
voit d’ailleurs pas d’un bon œil l’ouverture de cette
représentation. Le lieu de la naissance du second fils,
de l’auteur, en 1929, sera donc la capitale
éthiopienne ; son parrain est le plus haut dignitaire
de l’Eglise d’Ethiopie !
Evoquant les années 1929 à 1935 dans la carrière du
diplomate, ce livre nous rappelle un chapitre
particulièrement dramatique de l’histoire de
l’Ethiopie ; c’est le début du règne de l’empereur
Haïlé Sélassié Ier, avec lequel le consul noue d’emblée
des relations de confiance, voire d’amitié, qui
incluent toute sa famille ; les deux hommes sont
d’ailleurs nés la même année, en 1892, sous le signe
du Lion. Ce sont les années qui précèdent la guerre
que l’Italie fasciste de Mussolini lancera contre cette
terre du toit de l’Afrique que les puissances
coloniales n’ont pas encore su se partager. Mais
quand l’attaque italienne aura lieu, en octobre 1935,
le consul d’Egypte aura déjà été muté … comme
chargé d’affaires ad interim à Rome !
De retour au Caire dès le mois d’avril 1936, Farag
Mikhaïl Moussa, à 45 ans, est nommé directeur des
affaires administratives au Ministère des affaires
étrangères avec le titre de Bey – comparable au Sir
anglais. Son ministre est Wassef Boutros-Ghali, un
copte comme lui. Le réseau diplomatique et
consulaire de l’Egypte s’étend à présent sur 27
capitales (dont une seule ambassade, à Londres) et le
pays est admis comme membre à la Société des
Nations, en mai 1937 – ce sera la dernière adhésion
que connaîtra cette organisation moribonde dans son
palais tout neuf qui a vu l’empereur d’Ethiopie
vainement tenter de mobiliser l’opinion publique
mondiale contre l’occupation italienne.
C’est le poste de chef de mission en Espagne, pays en
pleine guerre civile, que Farag Mikhaïl Moussa Bey
choisit en été 1938. Mais, déjà, les diplomates
accrédités auprès du gouvernement républicain, qui
résiste encore à Barcelone, se sont retirés sur
territoire français (Biarritz-Hendaye-Saint Jean de
Luz) ; Moussa s’y établit également. La Légation
d’Egypte à Madrid a d’ailleurs été détruite par des
bombes italiennes… Barcelone capitule le 26 janvier,
Madrid le 30 mars. Le gouvernement du général
Franco est reconnu par la France et le Royaume-Uni
le 27 févier 1939 ; l’Egypte les a précédés de 3 jours
(la Suisse de 13). Un collègue est envoyé à Madrid ;
Moussa rentre au Caire. Peu après, les Allemands
déclencheront les hostilités en Europe. In extremis, le
24 février 1945 (sic ! ), l’Egypte déclarera la guerre à
l’Allemagne et au Japon afin de se trouver du bon
côté quand les armes se tairont.
Cette carrière si intéressante ne se poursuit pas. Une
loi à effet rétroactif interdisant aux diplomates
égyptiens le mariage avec une étrangère est entrée en
vigueur. Moussa renonce à un retour au barreau et
accepte un poste dans la magistrature administrative
à Alexandrie, puis dans le Contentieux de l’Etat au
Caire, avec le titre de conseiller royal adjoint. Il
décédera le 10 avril 1947.
Ce livre n’est pas à ranger parmi les biographies de
grands hommes de la politique internationale, mais
parmi les témoignages de la vie diplomatique au
quotidien avec ses nombreux défis, ses rencontres et
ses péripéties, de la vie de famille soumise aux
contraintes de la Carrière, du service rendu à un
pays, certes, mais rendu dans un esprit d’ouverture
au monde. C’est un témoignage profondément
personnel ; ses qualités humaines et la vivacité de
l’écriture – on y retrouve le talent d’écrivaine de
Laurence Deonna, épouse de l’auteur, que celui-ci
remercie de lui avoir « prêté son appui, et parfois sa
plume » – font que ce récit touche tous les lecteurs.
40
Micheline CALMY-REY
La Suisse que je souhaite
Préface de Romaine JEAN
Editions Favre, Lausanne, 2014
« J’ai voulu une Suisse engagée,
une Suisse active, une Suisse qui
passe de son rôle de facilitatrice et
d’État hôte à celui de médiatrice.
J’ai appris qu’en s’exprimant, en
étant présente, la Suisse dérangeait
parfois, mais s’attirait le respect. »
Micheline Calmy-Rey
« La Suisse se montre discrète face
au monde. Trop souvent, elle agit
politiquement lorsqu’elle est dos
au mur. À tort, pense Micheline
Calmy-Rey, qui a marqué la politique extérieure de la
Suisse de la décennie passée comme presque aucun
de ses prédécesseurs, et dont l’indépendance et le
courage sont reconnus par ses adversaires politiques.
Ministre des affaires étrangères et, à deux reprises,
présidente de la Confédération suisse, Micheline
Calmy-Rey a rempli ses fonctions de manière
offensive et très engagée. Elle a fait avancer la Suisse
sur le plan international, voyagé dans des zones de
conflit dans le monde, pris position et provoqué des
débats. Même ses critiques les plus virulents lui ont
toujours accordé une chose : elle défend ses
convictions politiques avec intelligence et une grande
implication personnelle.
Dans son livre, Micheline Calmy-Rey montre que
notre pays dispose d’une expérience et de capacités
qui ne sont pas suffisamment utilisées. Elle combine
de façon passionnante son credo politique et ses
souvenirs des expériences les plus importantes de
son temps au Conseil fédéral. En font partie la crise
libyenne, l’initiative de Genève pour le conflit
israélo-palestinien, le rôle de médiateur dans le
différend nucléaire avec l’Iran, des visites en Corée
du Nord et du Sud, au Kosovo et en Russie, et de
nombreux tête-à-tête avec des chefs d’État. Dans son
récit, Micheline Calmy-Rey livre une analyse de la
Suisse actuelle, qu’elle a co-gouvernée de façon
résolue et engagée.
L'avis de la rédaction :
Tout d’abord, on ne peut que se féliciter, ou plutôt
féliciter l’auteure, d’avoir pris la peine de rédiger des
mémoires, d’expliquer – et justifier – son action au
sein du gouvernement. C’est un exercice auquel nos
femmes et hommes politiques ou encore nos leaders
économiques ou culturels, malheureusement, ne se
soumettent que trop rarement ; or c’est une aide
précieuse à la compréhension d’une époque et c’est,
en même temps, une belle leçon de choses pour un
public qui connaît mal la politique étrangère suisse
au quotidien. Cela dit, inévitablement, des mémoires
dirigent les projecteurs sur l’auteur, son action, son
optique ; d’autres acteurs ou d’autres instances,
avant, pendant et après la période en question, se
trouvent ainsi quelque peu relégués dans l’ombre ;
mais, bien évidemment, l’historiographie saura
rétablir les équilibres nécessaires.
Micheline Calmy-Rey a choisi son moment et sa
manière pour préciser son opinion sur un des
dossiers clés de la politique étrangère de la Suisse, à
savoir nos relations avec l’Europe. Pendant sa
période d’activité, la collégialité au sein du Conseil
fédéral et des contraintes de politique intérieure avec
des campagnes référendaires à répétition, l’ont
probablement empêchée de désigner l’adhésion de la
Suisse à l’Union européenne comme une option à
long terme souhaitable ou inévitable. A présent, elle
choisit de le faire, sous la forme d’un plaidoyer pour
des négociations visant une adhésion « modulée » ou
partielle, mais avec plein accès à la prise de décision
de l’Union, une formule dont certains se
demanderont sans doute si elle est réaliste. Du même
coup, Mme Calmy-Rey révèle son scepticisme face à
la politique de son successeur qui tente vaillamment
de mettre fin à la stagnation dans laquelle se trouve
la politique d’arrangements bilatéraux depuis
plusieurs années déjà et de convenir avec Bruxelles
d’un cadre institutionnel adéquat pour gérer et
dynamiser ces nombreux accords, notamment aussi
pour en négocier les nouveaux qui s’imposent, visant
tout particulièrement l’accès des acteurs
économiques suisses au Marché intérieur que
forment les 28 États de l’Union. Il est évident que
cette profession de foi et cette critique peuvent gêner
ou susciter de l’incompréhension ; mais il paraît juste
d’accorder cette liberté de parole à nos anciens
dirigeants. Les anciens conseillers fédéraux Otto
Stich ou Rudolf Friedrich, par exemple, ne s’en sont
pas privés non plus.
41
L I VRE S
MARCEL JUNOD ETL’ARBRE D’HIROSHIMA
Laurence Deonna
reporter, écrivaine,
photographe, conseillière
de la Fondation pour
l'Histoire des Suisses dans
le Monde.
Marcel Junod (1 4 mai 1 904 – 1 6 juin 1 961 ) est l ’une des
grandes figures de notre « humanitaire » suisse. L’un
des délégués les plus célèbres du Comité International
de la Croix-Rouge (CICR).
S on nom est mondialement connu, au Japon
notamment, où il fut l’un des premiers à
arriver sur place en août 1945 et à
constater l’horreur. L’horreur des bombes
atomiques américaines lancées sur Hiroshima et
Nagasaki. Médecin lui-même, Junod imposera aux
Américains - ô ironie ! - de lui procurer le matériel
sanitaire indispensable, grâce auquel il
s’empressera de soigner les blessés (encore)
« soignables » .
Un monument lui a été dédié dans le parc de la
Paix d’Hiroshima. Junod, au Japon, est vu comme
un héros, au point qu’un manga a même été
consacré à son extraordinaire, généreux parcours.
Des dessins magnifiques évoquant la guerre
d’Ethiopie, la guerre civile espagnole, tant d’autres
encore de ces effroyables conflits qu’il relate
d’ailleurs dans son livre Le Troisième combattant :
De l'ypérite en Abyssinie à la bombe atomique
d'Hiroshima. On y lit la vérité. On y dit la folie des
hommes. Un ouvrage que l’on ferait mieux de
soumettre à nos écoliers plutôt que la
sempiternelle bataille de Marignan 1515.
Après les Japonais, les Suisses s’apprêtent à leur
tour à reconnaître l’enfant du pays. Un film docu-
mentaire se prépare sur la vie de Marcel Junod.
Je l’ai personnellement connu, c’était un homme
discret. A sa mort, je n’avais que 24 ans, mais
Marcel Junod était de ces êtres que l’on n’oublie
pas. Son regard était brun et doux. Je les regardais,
ces yeux, ces yeux qui avaient vu tant d’horreurs,
et je m’étonnais qu’ils ne soient pas différents des
autres yeux, des yeux des autres …
Il y a quelques années, les Japonais ont eu un geste
touchant, en envoyant à la famille Junod résidant à
Jussy, un village genevois, une pousse de ce que
l’on a appelé « l’arbre d’Hiroshima », parce qu’il fut
le seul arbre ayant survécu aux bombardements
atomiques … L’école d’horticulture de Lullier, près
de Jussy, a pris soin de ce trésor. Soigné avec
amour, il a grandi, et le 22 septembre 2013 eut lieu
une cérémonie, face à lui, face à cet arbre tout
beau, tout grand. Etaient présents ce jour-là le
Maire d’Hiroshima, venu spécialement du Japon,
l’Ambassadeur du Japon en Suisse, Monsieur
Charles Beer, alors Conseiller d’Etat genevois à
l’éducation, Olivier Vodoz, représentant le CICR, et
Laurence Deonna, reporter, écrivaine et
photographe genevoise (laquelle signe cet article).
Il faisait un temps sublime, aux antipodes de ce que
nous fit revivre par ses récits le Maire d’Hiroshima,
nous faisant prendre conscience, une fois de plus, à
nous Suisses, de notre chance.
42
Daniel Bernard
Président de la Société des
Amis de l’Institut des
Suisses dans le monde
* Slogan original : Touche
pas à mon pote. Il fut
inventé en 1985 par SOS
racisme. Le slogan a été
décliné sur de nombreux
supports, le plus connu
d'entre eux représentant
un pin's à forme de main
ouverte en signe de paix
et de fraternité, de couleur
jaune, portant l'inscription
« Touche pas à mon
pote ».
TOUCHE PAS À MON PENTHES *
I l est loin le temps des revendications et du slogan
repris des manifestations françaises d’i l y a près de
trente ans. I l est loin le moment où la vie de Penthes
fut menacée par l ’arrivée à son terme légal de son bai l
à loyer. L’espace de quelques mois, les choses ont
repris leur place, le Président sortant Bénédict de
Tscharner a été remplacé par son successeur.
L’Ambassadeur Rodolphe Imhoof, qui se présenta une
première fois lors de la soirée d’Adieu de son
prédécesseur, puis fut présent à l’assemblée générale
de notre modeste association, a devant lui la lourde
tâche d’assurer la pérennité de la fondation en ces
l ieux. Aujourd’hui , les efforts notoires de la SAP ont
récemment permis de boucler le budget d’expositions
temporaires, tel les René Burri et prochainement Peter
Knapp, tous deux photographes suisses de l’étranger.
En paral lèle, notre association met sur pied nombre
d’événements, sur lesquels i l est uti le de revenir.
43
ACTUAL I TÉ S
Du crayon…
C’est à l’occasion de l’exposition Objectif Penthes
que nous avons pu convier le dessinateur Exem à
une conférence-débat. Exem, de son vrai nom
Emmanuel Excoffier, a fait plonger ses auditeurs
dans l’univers magique de son imaginaire. Certes
marqué par l’œuvre magistrale d’Hergé, l’artiste a
fait découvrir la création de son affiche. Angle de
prise de vue du château, en plongée ou en contre-
plongée, présence d'une fusée V2 à damier,
évocation des personnages suisses de l’étranger,
depuis Ella Maillart en marinière et tenant son
Leica, à Dunant dans sa mansarde, en passant par
l’image reflet de Baxter et son chauffeur, brûlés au
retour de la fusée (On a marché sur la lune) qui
devient Lefort en chemise de nuit et son chauffeur
Tinguely... Que d’hommages en une seule affiche,
que de références cachées ou visibles à découvrir.
Parions qu’au succès de l’exposé, il n'y eut que la
visite sur le site même de l’exposition qui finit
d’enchanter les tintinophiles. Avec de tels
événements, qui évoquent les initiatives de
l’association pour drainer un public nouveau à
Penthes, nous réussissons en partie notre pari : il
faut rappeler que les cotisations et les dons seuls
forment l’essentiel de notre participation
financière, aussi modeste soit-elle, au
fonctionnement du musée.
…au violon.
En avril, ce sera au tour du violoniste Tedi
Papavrami de venir conquérir les oreilles des
auditeurs que l’on espère nombreux. Interviewé
cette fois au sujet de son livre, Tedi Papavrami fera
découvrir son trajet singulier, échappé miraculeux
de la dictature en Albanie, puis en résidence
aujourd’hui à Genève. Enfin, le violoniste jouera de
son instrument. Espérons que l’auditoire sera là
pour entendre l’un des prodiges de sa génération.
Par ailleurs, ses élèves au Conservatoire de Genève
où il enseigne ne tarissent pas d’éloge sur leur
maître. On pourra juger de sa simplicité et de sa
modestie : qualités rares dans ce domaine.
Alors oui, nous touchons à notre Penthes ! Mais
dans le bon sens, dans celui de la culture et du
partage, envers et contre les quelques esprits
chagrins qui se faufilent partout. A la tête du
Musée des Suisses dans le Monde depuis un peu
plus de dix ans, le directeur Anselm Zurfluh
poursuit son objectif avec opiniâtreté, à savoir faire
vivre son entreprise, bon gré, mal gré. Bon vent
pour la suite à toute l’équipe, et bon vent à la
Lettre de Penthes qui nous fait l’honneur de nous
faire figurer dans ses lignes.
Retrouvez l'affiche en
grand format en
couverture
44
A PENTHES, TINTINCOMME VOUS NE L’AVEZJAMAIS VU
Après avoir suivi jusqu'au bout du monde les traces de
Corto Maltese et de son créateur Hugo Pratt, le Musée
des Suisses dans le monde a accuei l l i du 1 5 février au
3 mai 201 4 une exposition autour du plus connu des
reporters: Tintin. Objectif Penthes, Tint'interdit:
pastiches et parodies a pour but de montrer la richesse
de l 'univers tintinophi le, qu'el le soit le fait
d'admirateurs passionnés ou de détracteurs piquants
d'Hergé et de son œuvre. En effet, malgré la vigi lance
des ayants droit, Tintin est le personnage le plus
parodié et le plus piraté de la bande dessinée et, à ce
jeu, la Suisse est aussi bien présente chez Tintin le vrai
que chez le faux. A travers une sélection de planches,
d'albums et d'objets, l 'exposition présente, d'une part
les l iens qui unissent Hergé, Tintin et la Suisse, et
d'autre part les différentes formes de parodies, leur
expression et les intentions des « pirates » .
Hergé et son avatar Tintin sont liés à la terre
helvétique de manière singulière et plurielle.
Refuge idéal, la Suisse a servi de décor pour
L’affaire Tournesol. A proximité de Penthes, Hergé
a fréquenté Le Reposoir où s’était replié le roi des
Belges après-guerre et s’était inspiré de la toute
proche école hôtelière pour dessiner son
ambassade de Bordurie transposée au bord du
Léman. Quant au savanturier Auguste Piccard,
bien présent dans la présentation permanente du
musée, il est comme chacun sait à l’origine de
l’incontournable professeur Tournesol.
Incontestablement, notre Helvétie a joué un rôle de
premier choix dans la diffusion des Aventures de
Tintin : c’est le premier pays, après la France à
importer les péripéties du reporter. « Savez-vous,
confiait Hergé que Tintin paraît en Suisse depuis
1932, dans l’hebdomadaire catholique L’Écho
illustré ? Les Suisses romands sont de vieux amis de
mes séries… »
Cet ouvrage possède une
notice sur
http://editionsnomades.ch
Allez sous TITRES,
lettre T puis Tintin.
Anselm Zurfluh
directeur du Musée des
Suisses dans le Monde
45
ACTUAL I TÉ S
Tintin a inspiré nombre de dessinateurs suisses.
Nous avons insisté sur l'ancrage genevois de
Tintin, ce qui nous a permis de mettre en valeur le
travail d’Exem, de son vrai nom Emmanuel
Excoffier, qui est le meilleur dessinateur de la ligne
claire de l'après-Tintin selon les spécialistes. C’est
un dessinateur genevois, certes, mais il habite en
France voisine et pour le Musée des Suisses dans le
Monde, c’est un symbole qui prend encore plus de
sens suite à la votation du 9 février. Son parcours
correspond précisément aux nouvelles
problématiques auxquelles est confrontée notre
institution. Qu’est-ce en effet aujourd’hui un
Suisse de l’étranger à l’heure de la globalisation et
des échanges instantanés?
Exem est à proprement parlé un Suisse de
l’étranger ce qui n’est guère le cas, par exemple, du
banquier genevois qui fait chaque jour l’aller-
retour en TGV à Paris. Notre interrogation actuelle
concerne la place des étrangers dans la
construction de la Maison suisse et qui de là,
rayonnent dans le monde entier. Parmi les
Genevois travaillant en France voisine, signalons
également Thierry Bourquin – plus connu sous le
pseudonyme van Leffe – qui a publié à Genève en
1990 un Vol 898 pour Sydney. A la dernière page de
sa parodie Tintin et le Pustaha, on se retrouve tout
simplement rue Calvin dans la cité du bout du lac.
Nous savons tout ce que la Suisse doit aux
étrangers installés chez elle, même si la vocation
première de notre musée est de mettre en valeur et
en perspective les Suisses qui ont œuvré à travers
le monde. Cependant, l’étude du cas Hergé nous
incite à valoriser le rôle des étrangers ayant tout
simplement transité par le territoire helvétique.
Beaucoup d'étrangers ont été littéralement boostés,
sublimés, métamorphosés par leur passage dans
notre pays. Cela va de Mary Shelley qui y écrit
Frankenstein, Richard Strauss qui compose ses
quatre derniers lieders, Nietzsche qui a la révéla-
tion de l'Eternel retour, sans oublier Lénine pour ce
qu’on en sait. Quant à Hergé, il a trouvé en Suisse
un havre de paix durant les étés qu’il y passa. Son
passage chez un psychanalyste de Zurich lui a
permis de rebondir intellectuellement et de
surmonter sa hantise du blanc, à la suite de quoi il
a pu nous offrir son chef-d’œuvre, Tintin au Tibet.
Pour le 85e anniversaire de la naissance de Tintin,
nous lui avons rendu cet hommage qui est un sacré
challenge ! Malgré la vigilance des ayants droit,
Tintin est le personnage le plus piraté de la bande
dessinée et, à ce jeu, la Suisse est aussi bien
présente chez Tintin le vrai que chez le faux. Le
reporter à la houppe est-il le bien commun de tous
ceux qui l’ont tant aimé depuis leur enfance ou la
propriété privée et exclusive de quelques héritiers ?
Auteur d’une exposition à succès sur les parodies
et pastiches de Tintin, Alain-Jacques Tornare par
ailleurs vice-président de la Fondation pour
l’Histoire des Suisses dans le Monde - nous
présente ici les œuvres d’artistes ayant trouvé en
Suisse les moyens d’exprimer concrètement sur le
papier-dessin leur admiration sans borne pour
l’œuvre d’Hergé, quand bien même ces bornes sont
très vite franchies aux yeux de Moulinsart qui
veille à tempérer les ardeurs créatives des
amoureux fous de l’univers de Tintin. Nous en
46
avons également fait les frais, au sens propre et
figuré ! L’exposition qui est en notre possession
voyage désormais comme ambassadrice du château
de Penthes. Elle est présentée durant l’été 2014 à la
Médiathèque de Rueil-Malmaison, ville des bords
de Seine avec laquelle Fribourg est jumelée.
L’album-catalogue qui accompagne l’exposition de
ces hommages parfois délirants, le plus souvent
respectueux, toujours joyeux, est ici offert en
partage aux lecteurs, à ceux qui rêvent de
rencontrer au détour d’un dessin improbable un
« Tint’inconnu », dans des aventures hergéennes
qui n’ont jamais officiellement existées. Ce nouvel
album bénéficie, pour la couverture, d’un dessin
original spécifiquement lié au domaine de Penthes,
fruit du talent d’Exem, que nous remercions pour
son apport inappréciable. Les voici évoqués ces
amoureux fous de l’univers de Tintin, sans tabou ni
a priori, dans un texte mené tambours battants au
son du canon de Waterloo ou plutôt de la rue
Louise à Bruxelles par l’historien des relations
franco-suisses à qui nous avons demandé d’adapter
l’exposition à la spécificité de Penthes.
Outre Exem, à la ligne si claire qu’on a pu parler de
lui comme du plus grand représentant de la
parodie hergéenne, l’ouvrage fait également la part
belle à l’Atelier du Radock, brillant collectif de
dessinateurs romands présentant l’avantage
d’avoir eux aussi toujours été tolérés par
Moulinsart SA. En renfort, Alex alias le Broyard
Alexandre Ballaman et ses dessins de presse si
généreusement proches de l’esprit hergéen.
La 2e édition de Tint’interdit, un mois et demi
après la parution de cet ouvrage déjà collector,
offre une séance de rattrapage à toutes celles et à
tous ceux qui auraient manqué la sortie de ce pur
plaisir des yeux à nul autre pareil. Rançon de la
gloire, deux images ont été retirées à la demande
de la société Moulinsart qui gère l’héritage des
ayant-droits légaux : d’une part un Guillaume Tell
avec les traits du capitaine Haddock et d’autre part
un Zinzin jouant au golf au pied du Salève. A vous
de découvrir où elles se trouvaient dans l’album et
de demander au final à qui appartient moralement
le personnage qui a toujours enchanté notre
jeunesse. Cette annexe tintinophile de belle facture
montre précisément que le héros à la houppe est le
bien commun de tous ceux qui l’ont tant aimé
depuis leur enfance. Contre toute attente, l’ouvrage
à abattre ouvre une brèche dans le mur
d’incompréhension érigé autour de notre cher
héros et qui le sépare de ses aficionados. Pour
combien de temps encore ?
Bonne visite dans ces espaces méconnus et parfois
improbables des aventures hergéennes qui n’ont
jamais officiellement existé et bienvenue, quand il
vous plaira, au domaine de Penthes, dans ce coin
du canton de Genève qu’Hergé a tant aimé.
48 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
Anselm Zurfluh
directeur du Musée des
Suisses dans le Monde
Le Guillaume Tell du
sculpteur tessinois
Jose Belloni, à Montevideo
49
S U I S S E S D ' H I ER , S U I S S E S D 'AU J OU RD 'H U I
LE MOT DU DIRECTEUR
Le Musée des Suisses dans le Monde possède une riche
col lection d'objets et de témoignages mais qui pour
l 'essentiel traite du Service étranger des XVI Ie et XVI I Ie
siècles et qui est géographiquement centrée sur
l 'Europe. Tous ces Suisses qui sont partis pour d'autres
motifs que le Service étranger et qui ont si l lonné le
monde entier, nous connaissons mal leur histoire.
Certains d'entre nous on entendu parler de New Glaris
dans le Wisconsin et d'autres « terres » suisses en
Californie. Or au XIXe siècle, la Confédération
helvétique a contribué à la création de colonies de
peuplement un peu partout dans le monde : en Russie
également – où el les n'auront pas survécu à Stal ine - en
Austral ie... et en Amérique du Sud.
L ’émigration des Suisses en Amérique
latine prend son essor au Brésil à partir de
1816, date de la fondation de la ville de
Nova Friburgo. En Argentine, en Uruguay et au
Chili, c’est au milieu du XIXe, dans les années 1850
à 1870, que les colons suisses, majoritairement
issus des cantons de Fribourg, d’Argovie et de
Thurgovie, émigrent. Ce sont en partie la disette –
en 1816, par exemple – et la pauvreté qui poussent
ces Suisses à partir, mais pas uniquement ; la
possibilité d’un avenir meilleur, certes, mais aussi
les grands espaces qui permettront aux immigrés
50 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
51
S U I S S E S D ' H I ER , S U I S S E S D 'AU J OU RD 'H U I
“Algún día en cualquier
parte, en cualquier lugar
indefectiblemente te
encontrarás a ti mismo, y
ésa, sólo ésa, puede ser la
más feliz o la más amarga
de tus horas”
― Pablo Neruda
52 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
de faire fructifier leurs terres de façon
exponentielle ; en effet, la parcelle de terre qu’ils
recevront fait cinquante fois celle qu’ils
possédaient dans leur canton d’origine.
Des contrats d’Etat à Etat, ou plutôt de communes
suisses à Etats étrangers, scelleront le sort de ces
Suisses parfois amèrement désappointés par les
terres qui leur seront attribuées et par des
conditions de vie, dans des contrées au climat
tropical, dont ils n’avaient aucune idée. Des francs-
tireurs aventuriers se mêlent à la masse des
émigrants, mais aussi des médecins et des pasteurs.
Santa Madalena au Brésil, Bariloche, Rosario,
Misiones, Santa Fe en Argentine, les Valaisans du
Paisandù en Uruguay, Traiguèn en Araucanie au
Chili, Porto Yartou et son musée patagon du bout
du monde sont autant de témoins de la présence de
la Suisse à travers ses fils et ses filles. Il convient de
signaler aussi des Maisons Suisses très actives en
Equateur, en Colombie et en Bolivie.
Ces Suisses dans le monde que j’ai rencontrés sont
viscéralement attachés à la Suisse, même s’ils
appartiennent à la cinquième, sixième ou septième
génération vivant sur ces terres. La plupart d’entre
eux ne parlent plus la langue de leurs ancêtres,
mais se disent fiers d’être d’ascendance suisse. La
prospérité est même au rendez-vous à Nueva
Helvecia en Uruguay où les Suisses ont importé
leur savoir-faire en matière de fromagerie et
d’hôtellerie ; l’Hotel Suizo, fondé en 1872, y est
toujours en activité.
Ces rencontres enthousiasmantes permettent
d’envisager une large coopération, allant de projets
de recherche à des ouvrages publiés conjointement
ou encore à des expositions. Une brochure sera
éditée à ce sujet prochainement. Je vous invite, par
ailleurs, à lire les biographies de Suisses qui sont
régulièrement signalées dans les pages de la
Nous considérons ce voyage en
Amérique latine comme faisant partie du
53
S U I S S E S D ' H I ER , S U I S S E S D 'AU J OU RD 'H U I
renouveau du Musée que nous menons
actuellement et qui se caractérise par une volonté
d’ouverture sur le monde encore plus marquée.
A ce stade, on peut dire ceci : ces lieux de mémoire
ont un point en commun : le terrible hiver de 1816.
En effet, avant le XIXe siècle, très peu de colonies
de peuplement à proprement parler ont été
entreprises par les Suisses – on pourrait citer la
colonisation avortée de la Sierra Nevada en
Espagne par des Schwytzois en 1763. Mais à partir
de 1816, avec la crise industrielle qui suit la chute
de Napoléon, les Suisses commencent à émigrer,
pendant une centaine d’années (courte période à
l’aune de l’histoire ! ), en masse et vers une
destination précise. Ce sont les cantons qui
organisent ces départs, mais aussi les pays
d’accueil, la plupart du temps grâce à un
intermédiaire qui pourvoit à tout. On promet le
paradis aux candidats ; les autorités saisissent cette
occasion pour se débarrasser de familles et
d’individus qui sont à la charge de la communauté.
Or à l’arrivée, la plupart du temps, la situation frise
la catastrophe : ni accueil ni semences et des terres
incultes… Pourtant, la plupart de ces colonies
parviennent à s’enraciner, voire parfois, à
prospérer, comme nous l’avons déjà évoqué.
D'où vient à ces Suisses cette capacité à faire fi des
difficultés ? En réalité, c’est un cocktail
d’ingrédients, dont le plus important tient à la
personnalité de ceux qui quittent leur patrie.
Statistiquement parlant, on peut dire que les
Suisses qui émigrent bénéficient d’une bonne
éducation et sont formatés pour se conformer à un
cadre précis ; la fiabilité, le goût du travail bien fait
forment également des composantes importantes
de la réussite. Les descendants de ces Suisses le
répètent encore aujourd’hui : c’est le travail qui fait
la valeur d’une vie ; en somme, ces Suisses Latino-
Américains se comportent comme des Suisses.
54 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
URS ET YVONNE AMMAN
de Berne à Nova Friburgo
L'aventure de l'Auberge suisse de Nova Friburgo
commence il y a trente ans. Les douze chalets en
forme de bungalows construits entre lacs et
jardins, entourés de la forêt luxuriante sont l'œuvre
d'Urs et d'Yvonne Amman, tous les deux Bernois et
agriculteurs de profession. Un complexe hôtelier
en parfaite harmonie avec l'écosystème,
respectueux de l'eau et de l'énergie, il y a beaucoup
de Suisse dans cet endroit paradisiaque que les
Brésiliens apprécient pour passer un week-end au
frais. Mais l'aventure des Amman ne fut pas une
mince affaire. Entreprise familiale au départ, c'est à
la suite de la défection de son propre frère,
cuisinier, reparti en Suisse, qu'Yvonne se met aux
fourneaux pour le plus grand plaisir de tous les
gourmands de la région alors qu'Urs construit,
entretient et développe le complexe.
La disparité culturelle entre Suisses et Brésiliens
qui ne manquèrent pas de troubler les relations
somme toute cordiales entre l'Auberge Suisse et les
« Fribourgeois » , nous est évoquée par Urs
Amman, un peu désabusé et fataliste. « Nos clients
ont droit à une réserve d'eau importante, chauffée
au solaire pour des raisons écologiques,
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S U I S S E S D ' H I ER , S U I S S E S D 'AU J OU RD 'H U I
naturellement... Ils allument leur douche, puis
vaquent à leurs occupations, regardent une
télénovela ou mangent une bricole puis quand ils se
décident à prendre leur douche, et bien il n'y a plus
d'eau chaude et ils viennent se plaindre. Donc, j 'ai
dû remettre l'eau chaude chauffée au gaz dans les
bungalows... » . « Mais », reprend Yvonne, « Ces
comportements culturels brésiliens sont un vrai
challenge dans notre vie quotidienne, c'est aussi
pour vivre tout cela que nous avons quitté la
Suisse! »
En janvier 2011 , les Amman furent les témoins de
l'effondrement d'une partie de la montagne sur la
ville. Ils ont participé aux secours d'urgence,
notamment en relation avec le Canton de Fribourg,
et ont aussi vérifié que l'argent arrivait à bon port.
Urs Amman recevra une récompense pour sa
contribution au développement du tourisme dans
l'État de Rio de Janeiro. Les Amman et leur quatre
enfants, nés au Brésil et qui parlent le suisse-
allemand avec un accent brésilien font partie de
ces Suisses à l'Étranger qui gardent des liens très
forts avec leur canton d'origine et qui sont
parfaitement intégrés dans leur pays d'accueil.
56 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
C 'est en 2000 que Ruedi Rüesch achète
sept hectares et demi de terres agricoles
à Tres Esquinas, à quatre cents km au
sud de Santiago du Chili, pour développer une
ferme agricole. En effet, chez lui dans le canton de
Saint-Gall, vallée du Toggenburg, Ruedi était
agriculteur. En venant au Chili il avait l'intention
de profiter des saisons inversées dans l'hémisphère
sud - en été, s'occuper de sa ferme au Toggenburg,
en hiver profiter de l'été au Chili - en somme, faire
deux récoltes par an. Très vite, prenant conscience
que la vigne était un produit d'avenir, Ruedi
commença donc à planter des cépages
traditionnels, Syrah, Merlot, Pinot Noir mais aussi
du Carmen, du Zinfandel, du Malbec et du
Sauvignon Blanc. En 2001, le domaine s'agrandit de
huit hectares et demi. S'ensuivit la construction
d'un immense hangar avec quatre cuves de 10'000
litres et toute la logistique qui va avec pour
produire un vin de qualité. En effet, au Chili, les
domaines de 50'000 hectares produisent pour le
marché standard et seule la qualité peut se
distinguer dans cette production industrielle. La
qualité suisse en somme, comme horizon, la mise
en bouteille commence en 2003, un restaurant
gastronomique est ouvert, ainsi que des bungalows
pour des touristes venus de Suisse, d'Autriche et
d'Allemagne. En 2004, Ruedi passa à une
production bio, persuadé que c'était non seulement
meilleur pour l'environnement mais aussi un
garant de la qualité qu'il ambitionnait. Entre les
RUEDI RÜESCH
du Toggenburg au Chili
Aprécier un verre de vin produit par
Ruedi Rüesch au Chili .
Weingut Roland & Karin LenzCH-8524 UesslingenTel: 052 746 13 [email protected]
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S U I S S E S D ' H I ER , S U I S S E S D 'AU J OU RD 'H U I
ceps de vignes, de l'avoine est semée et la plante
est amalgamée avec la terre pour fertiliser
naturellement les sols.
Le tremblement de terre de 2011 réveille Ruedi un
matin, dans un fracas qu'on ne peut pas imaginer.
« C'est terrifiant » raconte-t-il. A cause d'une
malfaçon dans la construction, l'un des réservoirs
tomba à la renverse en entraînant un deuxième
dans sa chute ; 20'000 litres de vin se répandirent
sur le sol - perte sèche. Outre les aléas de la nature,
les disparités culturelles existent aussi ; ainsi, il est
toujours difficile de faire des vacances en Suisse
avec une famille qui ne parle que
l'espagnol, par ailleurs, comme le dit
Ruedi, des réalités banales en Suisse
deviennent compliquées au Chili. En
Suisse tout est « calculable », nous
sommes habitués à envoyer nos enfants
dans les écoles de qualité, même à la
campagne. Impossible à Tres Esquinas !
Madame Rüesch, chilienne, va donc vivre
à Chillàn, une ville de 160'000 habitants
et qui dispose de bonnes écoles, Ruedi
rejoignant sa famille tous les week-end.
« L'avantage du Chili » , dit Ruedi en
regardant par-delà l'horizon, « C'est que
les gens ne se plaignent pas sans cesse ».
« Si les conditions de vie sont parfois rudes, les
Chiliens sont heureux, une différence appréciable
pour la qualité de vie » . L'avenir se construit sur
ces terres lointaines mais toujours en connexion
avec la Suisse où les vins sont distribués par un
ami, et avec en arrière-plan, le savoir et la rigueur
suisses qui sont au Chili un atout non négligeable
pour réussir. « La qualité paye », disent les
Chiliens, et les Suisses sont connus pour leur
amour du travail bien fait. Une autre différence
notable au Chili, beaucoup des gens travaillent
pour survivre, non pas pour se réaliser. Sur ces
terres lointaines, Ruedi lui, s'est trouvé un destin...
58 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
Né en 1 878 à Sierre, le Valaisan Léon Steiner
s'embarque en novembre 1 894 à l 'âge de 1 6 ans à bord
du vapeur San Pedro pendant la grande vague
d'émigration du canton du Valais, direction
l 'Argentine. C'est avec deux de ses frères et de sa sœur
qu'i l se rend dans la province de Santa Fe, à Baradero
et à Esperanza. En Suisse, Léon Steiner avait appris de
son père forgeron le travai l des métaux ce qui l 'aidera
tout naturel lement dans l 'apprentissage de son
nouveau métier : ingénieur ferroviaire. Léon Steiner
devient ainsi un pionnier du rai l en Argentine.
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S U I S S E S D ' H I ER , S U I S S E S D 'AU J OU RD 'H U I
DES ALPES AUX ANDESLÉON STEINERTECHNICIEN FERROVIAIREPIONNIER DU RAILEN ARGENTINE
Dr Pablo Barral Steiner, arrière-petit-fils de Léon Steiner
C'est en mai 1903 qu'il entre dans la Compagnie de
chemin de fer Central Norte. Il y travaille à
l’adaptation des locomotives au passage du
combustible solide, le charbon, au combustible
liquide, le pétrole, en inventant des fusibles de
sécurité pour prévoir et empêcher des incendies
dans des locomotives à pétrole.
Léon Steiner introduisit également le système de
crémaillères dans les lignes de chemin de fer en
pente. Il sera à l'initiative de la ligne entre
l'Argentine et le Chili, le Tren de las Nubes ou
« Train des nuages » avec le viaduc transandin
FFCC Huaytiquina à plus de 4'500 mètres au-
dessus du niveau de la mer. Leon Steiner devient
ainsi un acteur essentiel de l’union ferroviaire
Atlantique-Pacifique entre les deux pays andins.
Comme Chef du service des eaux, il met au point
des locomotives à vapeur pour les zones
désertiques du pays, baptisées « locomotives à
recondensation ».
Ces travaux donnent à Léon Steiner l'occasion de
publier maints articles dans des journaux
spécialisés du rail, Via Libre, par exemple. mais
aussi dans des journaux métropolitains comme La
Nación. Par ailleurs, profondément humaniste, le
Valaisan prendra la défense des Indiens appelant à
les protéger et à les instruire.
Quand il décéda, ses collègues collaborateurs
comme subalternes le saluèrent comme étant « le
pionnier de la conquête ferroviaire des Andes ».
60 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
UNE DYNASTIE DESCIENTIFIQUES SUISSES :LES BERTONI
Sous les frondaisons, quelques pierres grises et
moussues entourées d’une petite gri l le. Dernier repos
pour celui que l’on a surnommé El Sabio (le Sage). I l
repose dans le petit paradis créé de ses mains sur les
bords du Rio Paraná. I l repose à l’ombre des grands
arbres qu’i l a accl imatés dans ce petit coin d’Amérique
du Sud. I l repose entouré d’une partie de sa famil le
qui l ’avait suivi au bout du monde.
Mosé Giacomo (Santiago) Bertoni naquit le 15 juin
1857 à Lotigna, un petit village du Val Blenio au
Tessin. Il fit ses études primaires et secondaires à
Locarno. Esprit curieux et précoce, il fonda, à l’âge
de 18 ans, avec sa mère, le premier observatoire
météorologique de sa ville natale. Touche à tout de
génie, il se dédia à l’étude de nombreuses autres
sciences, mais la météorologie fut son principal
intérêt tout au long de sa vie. En 1875, il s’inscrivit
à l’Université de Genève où il commença des
études de droit et de sciences naturelles dans la
classe de Johannes Mueller Argovensis. En 1876, il
la quitta pour celle de Zürich ; il y tomba amoureux
d’Eugenia Rossetti Rebaud, une étudiante de
biochimie. Ils convolèrent en justes noces une
année plus tard. Moïse retourna à l’Université de
Genève jusqu’en 1881 . Les études de droit
commençant à le lasser, il les abandonna pour se
lancer, dans la mesure où ses devoirs familiaux le
permettaient, dans diverses études scientifiques.
Moïse Bertoni faisait partie d'un groupe de
scientifiques fascinés par la nouveauté, l'exotisme.
Curieux de tout, il ramait à contre-courant, ce qui
est parfois, même de nos jours, très mal interprété.
On le taxa d’anarchiste, étiquette due au fait qu’il
s’entretint avec Piotr Kropotkin et avec Paul
Reclus, qui se fixa un temps à Clarens après son
expulsion de France. En fait, Bertoni était surtout
humaniste. De leurs conversations surgit l’idée de
créer une communauté agricole de style socialiste,
autrement dit, une coopérative. En Moïse grandit le
désir de fonder une colonie suisse en Amérique du
Sud. Il désirait vivre de l'agriculture et faire des
recherches scientifiques dans les territoires vierges
du continent austral.
Il quitta la Suisse le 3 mars 1884. Toute sa famille
l’accompagnait, y compris sa mère (qui prit la
décision de laisser en Suisse son époux et son
dernier enfant), son épouse Eugenia, leurs enfants
Reto Divicone, Arnoldo de Winkelried, Vera
Zassoulich, Sofia Perovskaya (Helvecia) et Inès.
Quarante agriculteurs du Val Blenio qu’il réussit à
convaincre, furent aussi du voyage. Durant son
séjour en Argentine naîtra son fils Moisés Santiago
61
Carlo Dlouhy
diplômé d'études
supérieures de l'université
de la Sorbonne,
organisateur et guide des
missions de recherches du
musée d'histoire naturelle
de Genève au Paraguay
et plus tard, au Paraguay, Guillermo Tell, Aurora
Eugenia, Walter Fürst, Werner Stauffacher, Carlos
Linneo y Aristóteles. Le 30 mars, il débarqua à
Buenos Aires avec toute sa troupe. Pour
concrétiser son projet il lui fallait l’appui des
autorités. Il demanda une audience au président
Julio Argentino Roca, qui lui octroya des terres
dans la province de Misiones.
Le groupe arriva sur le territoire de Santa Ana, sur
les bords du Rio Paraná. Dès son arrivée, Moïse
commença son travail de recherche dans diverses
spécialités : l’agriculture, la zoologie, la
météorologie, l’ethnologie, etc. Il fut le premier
naturaliste qui vécut dans la province de Misiones
en Argentine. Durant son séjour, il collecta environ
2000 spécimens de plantes et publia son premier
ouvrage traitant de l’acclimatation de l’eucalyptus.
Ses recherches ne furent pas vues d’un bon œil par
les agriculteurs argentins qui n’acceptèrent pas la
venue de cet étranger qui donnait des conseils et
bousculait leurs traditions. Après bien des
déboires, dont des attaques armées, Bertoni
abandonna Santa Ana pour s’installer au Paraguay.
Dans un premier temps, il se fixa à Yaguarazapa,
distant d’environ cinquante kilomètres au nord de
sa précédente colonie, mais sur l’autre rive. Après
la perte de ses collections, due à une grande crue
du fleuve, il remonta le Paraná sur environ 150
kilomètres et choisit de s’arrêter près du confluent
avec le Rio Yguazu où se situent les fameuses
chutes. La propriété, qu’il nomma Colonia
Guillermo Tell, couvrait environ 12'500 hectares.
Travaillant d’arrache-pied, il reconstitua ses
collections. Pour faire vivre sa famille et continuer
son travail de recherche, il se lança dans la culture
de café, de bananes et d’agrumes.
Travaillant seul et hors des circuits, ses travaux
étaient peu connus. Il étudia la flore et la faune,
sans oublier l’anthropologie et la cartographie, et
constitua une impressionnante collection de plus
de 7'000 espèces végétales et environ 6'500
62 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
insectes. Entre autres, il étudia à fond le ka'a he'e,
la stevia rebaudiana (Bertoni), une plante herbacée
endémique de la région. Trois cents fois plus
sucrée que la saccharose, la stévia ou chanvre
d’eau est devenue importante de nos jours comme
édulcorant non calorique.
Bertoni entreprit également des études
métérologiques approfondies à la demande des
autorités du Paraguay. Durant des années, il
compila tous les jours l'humidité, le vent, la
pluviométrie et la température. Son calendrier
météorologique est un modèle du genre. Il indique,
entre autres, les meilleures dates pour les
plantations. Ce calendrier est encore consulté de
nos jours par les paysans paraguayens.
Moïse était un homme aux grands horizons.
Depuis son petit paradis et bien que seulement
relié au reste du monde par le fleuve, il réussit
l’exploit de se mettre en contact avec des collègues
et des centres de recherche dans le monde entier.
Ses travaux lui apportèrent une renommée
nationale et internationale. On se souvient de lui
comme le Sage, diffuseur de connaissances
ancestrales des Indiens, conseiller agricole et
météorologiste. Altruiste, il ne garda pas pour lui
ses résultats, écrivit de nombreux articles
scientifiques et devint le principal éditeur
scientifique du Paraguay.
A la demande du général Juan Bautista Egusquiza,
président du Paraguay, Bertoni créa, en 1886,
l’Ecole nationale d’agriculture d’Asunción, ce qui
l’obligea à quitter les rivages du Paraná. Il dirigea
cette institution durant neuf ans. En 1903, il fonda
la Société nationale d'agriculture et en 1905, en
tant que délégué du gouvernement paraguayen, il
se rendit au Troisième Congrès latino-américain
scientifique de Rio de Janeiro. Il y présenta son
premier ouvrage traitant de la géologie du
Paraguay, ainsi que deux appareils de son
invention : le drosomètre et le phytothermomètre.
En 1906, suite à de graves dissensions avec le
savant, le gouvernement décida la fermeture de
l’école. Le Sage se retira alors dans sa propriété.
Une fois de plus, il retrouva ses collections
détruites, cette fois-ci par les insectes. Opiniâtre, à
la place de se désoler contre ce nouveau coup du
sort, il recommença à herboriser. Il créa l’année
suivante la Station agronomique expérimentale de
Puerto Bertoni. En 1910, commença la période faste
des études du savant. Il se rendit, à la demande du
gouvernement paraguayen, au Salon international
de Buenos Aires, où il obtint plusieurs médailles et
diplômes. Cette même année, il représenta le
Paraguay au Congrès international qui se tint dans
la capitale argentine. Il fit également paraître le
premier fascicule de sa grande œuvre, la
Description physique et économique du Paraguay.
En 1914, Bertoni prit brièvement la direction du
Ministère de l'agriculture. De retour à Puerto
Bertoni, il installa, en 1918, un atelier d'impression
et y publia ses travaux sous la ligne éditoriale d’Ex
Silvis. En 1922, en tant que délégué de la
République du Paraguay, Bertoni assista au
Congrès scientifique international de Rio de
Janeiro, où il présenta des travaux traitant de
l'anthropologie et de l'ethnographie de la tribu des
Guarani.
Le nom de Bertoni ne s’effaça pas avec la
disparition de Moïse Santiago Bertoni. Parmi ses
descendants, mentionnons son deuxième fils,
Arnoldo de Winkelried Bertoni, né en 1878 en
Suisse, le plus scientifique de la tribu et souvent en
conflit avec son père. En tant que professeur de
zoologie, il fut l’auteur d’études de référence sur la
faune du Paraguay.
La tradition scientifique de la famille Bertoni se
poursuivit avec Hernando Milciades Bertoni Flores,
né en 1924 à Puerto Bertoni qui fit une brillante
carrière en tant qu’agronome et vétérinaire. En
1968 Bertoni Flores fut nommé ministre de
l’agriculture et des élevages. Ce grand
gentilhomme n’a jamais oublié ses racines suisses
63
S U I S S E S D ' H I ER , S U I S S E S D 'AU J OU RD 'H U I
et les expéditions scientifiques du Museum
d’histoire naturelle de Genève n’auraient jamais pu
être menées à bien sans son fidèle appui. Il décéda
à Asunción en 1992.
Le flambeau a été repris par Siemens Bertoni, le
petit dernier de la famille. Il fit son travail de
diplôme au Conservatoire et jardin botaniques de
Genève, participa au projet suisse de formation de
gardes forestiers et enseigne actuellement
l’agronomie appliquée à l’Université nationale
d’Asunción.
Quant à Puerto Bertoni, les collections de vertébrés
de Winkelried furent presque totalement pillées et
ce qui reste se trouve déposé dans la maison
familiale. Celle-ci fut sauvée grâce l’apport
financier de la Confédération et sa bibliothèque,
qui était attaquée par les insectes, put être
entièrement microfilmée en Suisse. En revanche,
de nombreuses pièces de valeur furent dérobées
par des touristes, venant en bateau depuis le Brésil
et forçant les portes de la maison en l’absence des
gardiens. Grâce à l’aide de la Coopération suisse,
des efforts ont été entrepris pour éviter une perte
totale de ses collections. Quant aux collections
d’insectes, elles sont encore presque complètes et
déposées au Musée national d’histoire naturelle du
Paraguay. Les collections botaniques du Sage sont,
elles, conservées à la Société scientifique du
Paraguay ; elles furent entièrement restaurées par
le Conservatoire et jardin botaniques de Genève.
Que reste-t-il de la propriété montée avec tant
d’abnégation et de courage par le Sage et sa
famille ? Presque rien. Les colons brésiliens
entrèrent dans la propriété pour couper, sans
aucune vergogne, les essences rares qui avaient été
acclimatées par le Sage. Les troncs furent vendus
en contrebande à des scieries brésiliennes sans que
les autorités de la région puissent l’empêcher. La
région est devenue un vaste champ de soja. A force
de rogner et de rogner, il ne reste qu’environ 2'000
hectares de ce qui avait été une propriété de plus
de 10'000 hectares. Ce reliquat fut remis au
gouvernement paraguayen afin qu’il protège ce qui
reste ; il prit cette tâche à cœur et essaie de sauver
ce qui peut encore l’être.
Moïse Bertoni était un admirateur de la culture
traditionnelle indigène. Il permit à diverses ethnies
de vivre sur la propriété. Actuellement, des
membres de la tribu Mbyá du peuple des Guarani,
chassés de leurs terres ancestrales par les
agriculteurs, ont trouvé refuge à Puerto Bertoni.
Les quelques familles survivent grâce à la collecte
de fruits et de la vente de babioles aux touristes
venant visiter le site. Une petite école, bien que
précaire, permet de donner aux enfants quelques
rudiments d’éducation. De nos jours, la propriété
se dresse comme un phare dans l’immensité des
champs attestant ainsi la pérennité de l’œuvre
scientifique d’une famille suisse hors du commun.
64 - MU S É E DE S S U I S S E S DAN S LE MONDE
TERRES SUISSESDANS LE MONDE
En 1991, à l’occasion des célébrations
du 700e anniversaire de la
Confédération, des rochers de taille, de
forme et de couleur variées ont été
prélevés dans des endroits du monde
entier qui portent le nom de Suisse,
Switzerland ou similaires – souvent des
régions de montagnes fort pittoresques.
Ces « cailloux » ont été artistiquement
installés dans un petit square aux côtés
du Palais fédéral à Berne.
Voici à présent des lieux – et ils sont
encore plus nombreux – qui portent les
noms de villes Suisses sur les cinq
continents. La journaliste Petra Koci les
a cherchés, s’y est rendue et raconte
dans ce beau livre illustré l’histoire de
ces lieux : pourquoi ce choix de nom ?
quelles ont été les circonstances de la
fondation ? Ce ne sont pas
nécessairement des lieux de
colonisation d’émigrés suisses. Dans sa
postface, le grand spécialiste des
migrations des Suisses, le professeur
Leo Schelbert (Evanston, Illinois), nous
livre quelques explications
complémentaires.
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S U I S S E S D ' H I ER , S U I S S E S D 'AU J OU RD 'H U I
UNA FIESTAPARA EL ALMA
N ueva Helvecia fue el único lugar más
allá de Montevideo, elegido para ser
visitado en Uruguay por el Director del
Museo de los Suizos en el Mundo, el Sr. Anselm
Zurfluh y su esposa Emmanuelle, en su reciente
gira sudamericana. Este renombrado museo se
aloja en una magnífica construcción que engalana
el hermoso parque a orillas del lago de la
internacional ciudad de Ginebra y que puede
conocerse a través de su sitio web:
www.penthes.ch.
Tuve el privilegio de ser invitada en el año 2007
para presentar allí el libro Suizos en Uruguay,
gracias a la intermediación de un uruguayo
radicado desde hace varias décadas en esa misma
ciudad – Alberto Pérez Iriarte –, que arraigó allí
con Béatrice Surber, una suiza de Zurich de la más
pura cepa. Confluyeron todos ellos en el recorrido
coordinado por el Municipio de Nueva Helvecia el
pasado viernes 10 de enero en el que tuve la grata
responsabilidad de acompañarlos.
Los visitantes fueron inmejorablemente recibidos y
atendidos en cada una de las instituciones que el
escaso tiempo disponible nos permitió recorrer. Es
importante que un breve paso provoque un efecto
positivo y estimulante que les permita formarse
una idea clara y genuina de lo que es hoy el lugar
que construyeron aquellos inmigrantes llegados
hace siglo y medio. En su recorrido, nuestras
visitas pudieron admirar el patrimonio natural y
cultural de la vieja colonia agrícola suiza a través
de su vegetación, de sus edificios y monumentos,
calles y caminos, de antiguos objetos,
publicaciones, documentos escritos y fotográficos
que ponen en evidencia el desarrollo de una
epopeya que, si bien se repitió en muchos lugares
de varios continentes, aquí se palpa todavía hoy a
cada paso.
Fue emocionante para los suizos, encontrar
pedacitos de su patria en un lugar tan distante de
ella y custodiados con tanto cariño y dedicación,
aún después de varias generaciones. Pudieron
formarse una idea real de cómo viven, cómo
actúan, trabajan y se organizan socialmente los
descendientes y quienes no lo son, integrados
todos, sin diferencias. Es conmovedor para una
neohelvética sentir la alegría, la satisfacción y el
orgullo que significa observar de qué modo mi
terruño se muestra en esta especial dimensión que
lo caracteriza, ante personas que saben apreciar los
valores que hacen de nuestra identidad, algo único.
Fue una verdadera fiesta para el alma.
Sonia Ziegler
Maestra e Investigadora
POUR UN ENSEIGNEMENT DEL’HISTOIRE SUISSE ET GENEVOISE
SIGNONS CETTE PÉTITION !
L e Musée des Suisses dans le monde à Penthes, par tradition, est un lieu où l’on est
pleinement conscient de l’importance de l’histoire pour la formation du citoyen, où cette
conscience et ce savoir sont aussi transmis avec intelligence – à preuve les nombreuses
visites guidées, pour des classes d’école notamment, qui y sont offertes, un service qui sera, nous
dit-on, encore développé dans le futur Nouveau Musée.
Le Groupe de Genève de « Rencontres suisses – Nouvelle société helvétique », association civique
non partisane, invite les lecteurs de la Lettre de Penthes et tous les amis du Musée à signer une
pétition qu’il adresse au Conseil d’Etat et au Grand Conseil de la République et Canton de Genève.
De quoi s’agit-il ?
Connaître l’histoire de son pays, c’est le prix de la démocratie. Pour exercer ses droits politiques, le
citoyen doit être instruit de la genèse de son pays, des valeurs qui y ont présidé, ainsi que de
l’évolution et du fonctionnement actuel des institutions aux différents niveaux : fédéral, cantonal et
communal. La démocratie, cela s’enseigne et cela s’apprend indépendamment de toute idéologie, et
la préparation à la citoyenneté se construit dès le plus jeune âge avec les moyens adaptés aux élèves
concernés.
Cette pétition, lancée sur la base de témoignages de jeunes Genevois et soutenue par certains
d’entre eux à qui ces connaissances manquent et sur le constat que le Plan d’études romand (P.E.R.),
malheureusement, n’assure pas l’acquisition de connaissances suffisantes dans ce domaine,
demande aux autorités compétentes que tous les élèves puissent bénéficier, au cours de leur
formation obligatoire, d’un enseignement chronologique et factuel de l’histoire suisse et genevoise,
ainsi que des notions utiles à l’exercice de la citoyenneté suisse.
Toute personne capable de discernement peut signer cette pétition, quels que soient son âge, sa
nationalité ou son domicile ; une signature manuscrite est cependant requise. Vous pouvez
télécharger un formulaire au site http://www.dialoguesuisse.ch (rubrique « nos groupes >
Genève ») et le retourner par courrier postal à l’adresse indiquée au recto des formulaires (les
signatures électroniques ne sont pas valables). Des formulaires de signature vous attendent
également à la boutique du Musée des Suisses dans le Monde à Penthes.
Merci pour votre intérêt ! Merci pour votre signature !
Corinne de Tscharner-Hentsch,
vice-présidente du Groupe de Genève, Rencontres Suisses - Nouvelle Société helvétique
EXPOSITIONPETER KNAPPElles, 101 regards sur les femmes
1 2 JUILLET -1 5 NOVEMBRE
La mode à Penthes
Commissaire d'exposition:Valentine Meyer, Paris