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DOSSIER L’identité en psychiatrie 126 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015 N ous vivons une époque où la recherche d’identité est devenue une question centrale et préoccupante. Nous sommes confrontés, d’une part, à des risques de régression identitaire, qui peuvent conduire à l’absence de dialogue entre les cultures ; et, d’autre part, à l’uniformisation des conduites produite par une économie mondialisée. Il n’existe pas un jour sans que l’actualité ne se saisisse de manière angoissée de ces problèmes. Pour de nombreux philosophes, la difficulté que nous avons à penser l’identité de façon ouverte est directement liée à l’héritage cartésien, et à sa conception du sujet comme sujet de la représenta- tion, qui devient, dans notre modernité, un simple objet fabriqué par des discours normatifs (1) et avec un imaginaire vidé par une pensée calculante, la vérité étant rabattue sur la certitude (2). Comment, dans cette configuration technique, où le rapport au monde et à l’autre est organisé autour de la question du quoi (description des objets) ou du pourquoi (mise en évidence des causalités), l’homme peut-il continuer à construire un projet humain, c’est-à-dire un projet qui assume la dimension temporelle et historique du soi ? La dimension de la mise en récit, avec le concept d’identité narrative, est une création conceptuelle de Paul Ricœur destinée à répondre aux impasses du mode de pensée logico-scientifique qui n’arrivent pas à rendre compte de la spécificité humaine. Il souligne la dimension paradoxale de l’identité humaine, parti- culièrement en ce qui concerne celle de sa struc- ture temporelle. Il met en évidence la différence entre l’identité ipse et l’identié idem (same) que l’on rencontre dans l’identité numérique (la même chose apparaît plusieurs fois), ontogénétique (le même être vivant de la naissance à la mort), de struc- ture (code génétique, empreinte digitale, groupe sanguin). Cette identité-mêmeté ne permet pas de penser la personne humaine dans sa diversité. Elle ne permet pas de rendre compte de la variabilité des désirs, des croyances par-delà un substrat fixe. “Si nous cherchons un moi immuable, non affecté par le temps, nous ne le trouvons pas […] nous attendons d’autrui qu’il réponde de ses actes passés comme en ayant été l’auteur, le même qu’aujourd’hui ; et nous L'identité narrative The narrative identity J. Betbèze*, G. Ostermann** comptons que dans l’avenir nous pouvons compter qu’il tienne parole, c’est-à-dire qu’il prendra en charge l’être d’aujourd’hui dans l’être de demain” (3). Cette identité à travers le temps est un autre aspect de l’identité, dont la promesse peut servir de modèle. P. Ricœur lui réserve le terme d’ipséité (self). S’il est important que la question de l’identité humaine soit posée selon la modalité du qui et non du quoi, celle-ci doit intégrer une réponse équivoque dont les deux extrêmes sont illustrés par “le caractère qui marque la permanence de l’idem et par la promesse qui illustre le maintien de l’ipse”. Nous sommes en même temps caractère et être de promesse, et c’est “la mise en intrigue” qui permet, par la création de récits, de composer une histoire une avec des éléments multiples. L’histoire que nous racontons sur nous-mêmes, ou celle que les autres racontent sur nous, donne forme à notre identité, même si les histoires peuvent être discordantes jusqu’à la déchirure. Histoire mince et histoire épaisse Cette distinction entre les modes de pensée logico-scientifique et narratif a été reprise par Michael White et David Epston (4, 5). Ces 2 auteurs, créateurs de la thérapie narrative, se sont intéressés à l’apport de la philosophie française et, plus précisé- ment, à celle de P. Ricœur et à la philosophie critique (Michel Foucault, Jacques Derrida, etc.). Le mode de pensée narratif privilégie les parti- cularités de l’expérience vécue, crée un mode de signification implicite pour élargir le champ des possibles et installer des perspectives multiples qui permettent de reconnaître la complexité et la subjectivité de l’expérience. Le sujet, dans les conver- sations thérapeutiques, peut redevenir auteur de sa propre vie grâce aux questions qui lui sont posées et qui lui permettent de décrire des événements qui deviennent histoire grâce à la mise en intrigue. Dans cette approche narrative, les personnes participent avec d’autres à réinventer et donc à modeler leur vie et leurs relations de telle manière qu’ils puissent se reconnecter avec leurs histoires préférées. * Psychiatre des hôpitaux, chef de service, Nantes. ** Professeur de thérapeutique, médecin interniste, Bordeaux. J. Betbèze G. Ostermann

L'identité narrativegerardostermann.fr/wp-content/uploads/2017/09/Ostermann... · 2017. 9. 20. · Michael White et David Epston (4, 5). Ces 2 auteurs, créateurs de la thérapie

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  • DOSSIERL’identité

    en psychiatrie

    126 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015

    Nous vivons une époque où la recherche d’identité est devenue une question centrale et préoccupante. Nous sommes confrontés, d’une part, à des risques de régression identitaire, qui peuvent conduire à l’absence de dialogue entre les cultures ; et, d’autre part, à l’uniformisation des conduites produite par une économie mondialisée. Il n’existe pas un jour sans que l’actualité ne se saisisse de manière angoissée de ces problèmes. Pour de nombreux philosophes, la difficulté que nous avons à penser l’identité de façon ouverte est directement liée à l’héritage cartésien, et à sa conception du sujet comme sujet de la représenta-tion, qui devient, dans notre modernité, un simple objet fabriqué par des discours normatifs (1) et avec un imaginaire vidé par une pensée calculante, la vérité étant rabattue sur la certitude (2).Comment, dans cette configuration technique, où le rapport au monde et à l’autre est organisé autour de la question du quoi (description des objets) ou du pourquoi (mise en évidence des causalités), l’homme peut-il continuer à construire un projet humain, c’est-à-dire un projet qui assume la dimension temporelle et historique du soi ? La dimension de la mise en récit, avec le concept d’identité narrative, est une création conceptuelle de Paul Ricœur destinée à répondre aux impasses du mode de pensée logico-scientifique qui n’arrivent pas à rendre compte de la spécificité humaine. Il souligne la dimension paradoxale de l’identité humaine, parti-culièrement en ce qui concerne celle de sa struc-ture temporelle. Il met en évidence la différence entre l’identité ipse et l’identié idem (same) que l’on rencontre dans l’identité numérique (la même chose apparaît plusieurs fois), ontogénétique (le même être vivant de la naissance à la mort), de struc-ture (code génétique, empreinte digitale, groupe sanguin). Cette identité-mêmeté ne permet pas de penser la personne humaine dans sa diversité. Elle ne permet pas de rendre compte de la variabilité des désirs, des croyances par-delà un substrat fixe.“Si nous cherchons un moi immuable, non affecté par le temps, nous ne le trouvons pas […] nous attendons d’autrui qu’il réponde de ses actes passés comme en ayant été l’auteur, le même qu’aujourd’hui ; et nous

    L'identité narrativeThe narrative identity

    J. Betbèze*, G. Ostermann**

    comptons que dans l’avenir nous pouvons compter qu’il tienne parole, c’est-à-dire qu’il prendra en charge l’être d’aujourd’hui dans l’être de demain” (3).Cette identité à travers le temps est un autre aspect de l’identité, dont la promesse peut servir de modèle. P. Ricœur lui réserve le terme d’ipséité (self). S’il est important que la question de l’identité humaine soit posée selon la modalité du qui et non du quoi, celle-ci doit intégrer une réponse équivoque dont les deux extrêmes sont illustrés par “le caractère qui marque la permanence de l’idem et par la promesse qui illustre le maintien de l’ipse”. Nous sommes en même temps caractère et être de promesse, et c’est “la mise en intrigue” qui permet, par la création de récits, de composer une histoire une avec des éléments multiples. L’histoire que nous racontons sur nous-mêmes, ou celle que les autres racontent sur nous, donne forme à notre identité, même si les histoires peuvent être discordantes jusqu’à la déchirure.

    Histoire mince et histoire épaisseCette distinction entre les modes de pensée logico-scientifique et narratif a été reprise par Michael White et David Epston (4, 5). Ces 2 auteurs, créateurs de la thérapie narrative, se sont intéressés à l’apport de la philosophie française et, plus précisé-ment, à celle de P. Ricœur et à la philosophie critique (Michel Foucault, Jacques Derrida, etc.).Le mode de pensée narratif privilégie les parti-cularités de l’expérience vécue, crée un mode de signification implicite pour élargir le champ des possibles et installer des perspectives multiples qui permettent de reconnaître la complexité et la subjectivité de l’expérience. Le sujet, dans les conver-sations thérapeutiques, peut redevenir auteur de sa propre vie grâce aux questions qui lui sont posées et qui lui permettent de décrire des événements qui deviennent histoire grâce à la mise en intrigue. Dans cette approche narrative, les personnes participent avec d’autres à réinventer et donc à modeler leur vie et leurs relations de telle manière qu’ils puissent se reconnecter avec leurs histoires préférées.

    * Psychiatre des hôpitaux, chef de service, Nantes.

    ** Professeur de thérapeutique, médecin interniste, Bordeaux.

    J. Betbèze

    G. Ostermann

  • Résumé

    La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015 | 127

    Après avoir rappelé la manière dont Paul Ricœur a défini l’identité comme une identité narrative, nous décrivons comment l’approche narrative, développée par Michael White et David Epston, donne corps à ce concept. Les conversations thérapeutiques permettent au sujet de déconstruire l’histoire dominante et ses conclusions identitaires négatives pour construire une histoire alternative plus riche. Cette construction s’appuie sur des questions externalisantes et la mise en évidence des exceptions. Le sujet redevient auteur de sa propre vie en tissant, à partir des moments d’exception, des histoires relationnelles où ses actions correspondent à ses intentions.

    Mots-clésConversation thérapeutiqueCoopérationDissociationExceptionHistoire alternativeHistoire dominantePaysage de l’identitéRéassociation

    SummaryAfter describing how Paul Ricœur has developed the conception of identity based on the narration of oneself, we will describe here how the narrative approach theorized by Michael White and David Epston is presented. Both authors translate this concept to everyday life. Therapeutic conversations allow the subject to deconstruct the dominant story of oneself along with its negative corollary about iden-tity in order to build a richer alternative story. This construc-tion is based on externalising questions and the highlight of exceptions. Thus the subject reauthors one's own life by weaving from these excep-tions relational stories in which actions fit with intentions.

    KeywordsTherapeutic conversation

    Cooperation

    Dissociation

    Exception

    Alternative story

    Dominant story

    Identity landscape

    Reassociation

    M. White a inventé un mode de questionnement favorisant la réécriture des événements de vie d’une manière qui éveille la curiosité et qui développe l’ima-gination. Il est parti du travail de Jerome Seymour Bruner et de l’utilisation de la métaphore du voyage, la conversation thérapeutique permettant aux personnes de quitter ce qui est familier (dans la thérapie, c’est-à-dire un monde saturé par une histoire de problèmes) pour s’embarquer dans un voyage vers une nouvelle destination. Les sujets, en explorant des territoires inconnus grâce aux questionnements, découvrent de nouvelles possibilités de vie plus en relation avec leurs intentions, leurs valeurs et leurs croyances. À la manière des bons romans, qui présentent des inter-stices dans l’intrigue devant être comblés par le lecteur, le questionnement thérapeutique doit permettre le développement d’une histoire plus riche de sens en lien avec l’activation de la créativité. Pour M. White, les histoires que nous racontons servent de cadres d’intelligibilité à partir desquels les personnes nous consultant donnent du sens à leur expérience de leur événement de vie. En suivant J.S. Bruner, ils recourent, pour rendre compte de la complexité de l’histoire, à l’utilisation de 2 paysages : le paysage de l’action, qui se compose d’une séquence d’événements, et le paysage de la conscience, c’est-à-dire les signi-fications des intentions qui donnent forme aux événe-ments. Le rôle des thérapeutes est d’attirer l’attention des sujets sur les blancs dans l’intrigue. Ces derniers correspondent aux thèmes subordonnés de leur vie, et les thérapeutes les encouragent à les combler en faisant appel à leur vécu et à leur imagination. Dans ces conversations, les histoires alternatives prennent leur essor à partir de fines traces de vie. Elles permettent aux sujets d’élargir leur identité à la multiplicité de leur expérience et de leurs espoirs en s’appuyant sur de nombreux événements négligés, qui deviennent la trame d’une nouvelle histoire où ils redeviennent auteurs de leur vie.

    Paysage de l’action et paysage de l’identitéPour expliciter comment le questionnement narratif permet un tissage entre le paysage de l’action et le paysage de l’identité (que J.S. Bruner nommait paysage

    de la conscience) afin de permettre au sujet de construire à travers cette trame narrative une identité plus riche, nous proposons de raconter l’histoire de Liam, jeune garçon de 15 ans envahi par des idées suicidaires. Liam vient consulter M. White. Il est accompagné de sa mère, Penny, qui est très inquiète après avoir découvert dans le journal intime de son fils des écrits saturés par le thème du suicide. La consultation a lieu en présence de Liam et de sa mère. L’histoire familiale est marquée par des maltraitances et des violences de la part du père de Liam. Penny, après avoir décrit les violences de son ex-conjoint, a la surprise d’entendre son fils exprimer son inquiétude lorsqu’il voyait sa mère maltraitée alors qu’il est resté silencieux depuis le début de l’entretien. À la suite de ce commentaire, M. White commence à poser des questions modifiant l’intrigue dominante de l’histoire jusque-là racontée (la violence).M. White : Liam s’inquiète plus pour vous que pour lui. Qu’est-ce que cela vous suggère sur ce qui est important pour lui ? Ou bien qui est précieux pour lui ?Penny : Et bien… C’est vrai qu’on a eu des hauts et des bas, et ces temps-ci, Liam n’a pas eu trop envie que je passe du temps avec lui. Mais pourtant j’ai toujours su que je comptais beaucoup pour lui.M. White : Comment le savez-vous ?Penny : Une mère sait ces choses-là sur son fils. Oui, c’est le genre de choses qu’une mère sait.M. White : Y a-t-il des histoires que vous pourriez me raconter à propos de ce que Liam aurait fait, et qui refléterait ce qui est précieux pour lui ? Ce qui lui tient à cœur ? Avez-vous des histoires à me raconter à son sujet qui m’aiderait à comprendre comment vous savez cela sur lui ?À ce moment-là, Penny retrouve un souvenir, celui de Liam, âgé de 8 ans, qui avait envoyé une pierre à travers une vitre pour que son père arrête de la frapper. À la suite de cette initiative pour protéger sa mère, Liam avait été battu par son père. À cet instant, pour enrichir une nouvelle description de vie, M. White demande à Penny comment elle nommerait l’initiative que son fils a prise en lançant cette pierre. Puis, il lui demande si cette initiative colle avec ce que Liam disait en début d’entretien, à savoir que sa vie n’avait pas de sens. L’initiative de Liam a pu être nommée par Penny “protestation”, elle a pu par la suite relier celle-ci à la notion de courage et de justice.

  • DOSSIERL’identité

    en psychiatrieL'identité narrative

    128 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015

    Puis, M. White ayant demandé un autre souvenir qui pourrait confirmer cette valeur de justice, Penny raconte comment, lorsque son fils était âgé de 6 ans, il partageait ses friandises avec 2 autres enfants qui étaient tristes d’être séparés de leur mère. Cette histoire est alors nommée par le vocable “secourir”, vocable qui est validé par Liam.M. White : Bon, alors la question c’est : Comment se fait-il que tu sois capable de te reconnaître dans ce que tu viens d’entendre ? Est-ce qu’il y aurait quelque chose qui se serait passé plus récemment dans ta vie qui correspondrait à ce que nous apprenons sur toi ?À ce moment, Liam retrouve un souvenir récent où il a tendu la main à sa cousine Vanessa, qui était elle-même maltraitée par son père.M. White demande alors à Liam : Si tous ces actes (actes de sauvetage, actes de protestation, actes de tendre la main) faisaient partie d’une direction dans ta vie, ou d’un projet, ou d’un chemin particulier que tu aurais suivi dans la vie, comment est-ce qu’on pourrait appeler ça ?Liam propose : Préserver la vie.Nous passons ainsi d’une histoire étroite, avec comme mise en intrigue principale le thème de la maltraitance, histoire dans laquelle chacun se sent seul, isolé, avec des sentiments de désespoir et/ou des idées suicidaires, à une histoire épaissie, organisée autour d’une nouvelle mise en intrigue : préserver la vie, où sont perçues les initiatives de Liam en relation avec ses valeurs préférées. Les nouvelles histoires racontées, avec lesquelles Liam se reconnecte, enrichissent son identité en lui ouvrant des nouvelles possibilités d’action qui font sens pour lui.

    Conversations externalisantes

    Il est des situations où il est très difficile pour le thérapeute de mettre en évidence dans les histoires du sujet des moments où il prend des initiatives en relation avec ses valeurs préférées. Il en est ainsi lorsque la vie est organisée autour d’un problème chronique qui modèle certains comportements et favorise le développement d’histoires centrées sur l’incompétence. M. White a inventé un mode de questionnement particulier, dit “questionnement externalisant”, qui permet à toute personne enfermée dans une détermination identitaire négative de retrouver accès à des possibilités jusque-là négligées. Nous proposons, pour saisir cette manière particulière de questionner, de rapporter le cas de Nicolas, 11 ans, venu consulter

    pour une énurésie primaire, qui devenait de plus en plus embarrassante pour son avenir, puisqu’elle l’a empêché d’aller dormir chez ses amis ou d’aller en colonie de vacances. M. White lui a simplement demandé ce que l’énurésie tentait de lui faire croire quant à sa personne, en particulier les conséquences identitaires négatives : “Je suis incompétent.” Grâce à ce questionnement, cette conséquence identitaire négative peut être perçue, non comme une réalité ontologique, mais comme une intrigue dominante d’une histoire d’incompétence dans laquelle il se trouve défini de façon réductrice. La mise en évidence de cette intrigue dominante permet de modifier la perception que le sujet a de lui-même, en passant d’une identification problématique à une relation avec un contexte d’incompétence, contexte soutenu par l’histoire racontée par son entourage lui-même. D’autres diraient que ce questionnement externalisant permet de passer d’une identification imaginaire à une relation symbolique. Ces conversations externalisantes rendent possibles de prendre une distance avec des histoires pénibles, qui enferment les sujets dans une identité privée limitante. Le fait de nommer l’intrigue dominante (l’incompétence) conduit à mettre en évidence ce que M. White a appelé des résultats uniques, des contradictions, des exceptions à cette intrigue dominante. Il ne s’agit pas de concevoir le résultat unique comme une contradiction simplement aux problèmes (ici l’énurésie), ce qui réduirait considérablement le champ d’enquête. Même s’il est utile d’avoir des informations sur les nuits où le lit reste sec et sur les conséquences négatives de l’histoire dominante (ne pas aller en colonie de vacances), l’élément important est de faire percevoir au sujet les histoires de vie qui sont en contradiction avec l’intrigue dominante. Nicolas a pu raconter un certain nombre d’histoires où il avait réussi à résoudre d’autres problèmes, comment il avait réussi à améliorer sa mémoire, à intervenir en classe, à se poser des questions qui avaient plus de sens et à mieux utiliser son imagination. Nicolas, comme ses parents, était d’accord pour dire que ces histoires étaient le reflet d’histoires de compétences. Celles-ci deviennent l’intrigue d’une nouvelle histoire alternative à partir de laquelle Nicolas va pouvoir faire face différemment à son problème d’énurésie. M. White a proposé à Nicolas d’écrire un document qu’il pourrait lire tous les soirs avant de s’endormir, document qui exprime d’autres possibilités en rapport avec cette nouvelle histoire. Nicolas a rédigé un document où il a noté un certain nombre de ses pensées, il a écrit ce qu’il souhaitait,

  • DOSSIERL’identité en psychiatrie

    La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015 | 129

    ce que cela changerait dans sa vie, comment il serait heureux avec un lit sec, les questions qu’il pourrait se poser et qui pourraient être aidantes, comme “suis-je allé aux toilettes ?” ou “comment me sentirai-je quand je serai sec ?”. Ce document en lien avec l’histoire alternative lui a permis de se libérer de cette ancienne histoire limitante pour réinvestir une identité plus libre.Ces conversations externalisantes permettent de dégager de nouvelles possibilités d’action et de compréhension dans lesquelles le sujet se situe comme un être relationnel : l’identité narrative est une identité dialogique.Penser l’identité comme une identité dialogique, c’est la comprendre comme une identité relationnelle et sociale. La perception que nous avons de nous-mêmes est une perception négociée sur le plan social et dans les communautés humaines. Ces perceptions à partir des relations ouvrent des possibilités d’action et développent des conclusions identitaires qui modèlent fortement la vie des gens. Les vies humaines deviennent multi-intentionnelles (6) à travers une multiplicité de facettes distinctes.

    États intentionnels et états internesPour J.S. Bruner, la différence entre les états inten-tionnels et les états internes marque une diffé-rence radicale entre la psychologie populaire et la psychologie savante. La vie multi-intentionnelle se développe à travers des conversations décrivant une multiplicité d’interactions autour d’un thème particulier. Elle est le soubassement d’une histoire épaissie dans laquelle le sujet fait preuve d’initiative personnelle ; le soi est une autobiographie en mouve-ment, c’est une biographie soi-autre multiforme : nous vivons nos récits et ils deviennent notre vie (7).La psychologie des états internes de l’identité, caractéristique de la psychologie moderne, contribue à la “sous-compartimentation de la vie”. La réduction de l’autonomie relationnelle et sociale à une autonomie-indépendance amène à penser le soi dialogico-narratif comme un soi autonome replié sur lui-même. Pour M. Foucault, un tel soi non relationnel semble être étroitement lié au développement des systèmes modernes de contrôle social – dans lesquels les humains sont séparés les uns des autres en étant affectés à des lieux précis dans un continuum de santé et de performance –, des lieux qui définissent la distance d’une personne par rapport à des normes socialement construites

    pour un individu qui fonctionne de manière efficace. Cette catégorisation des individus comme émanation d’états internes les amène à se sentir seuls face à leur motivation, isolés dans leur déficit et vulnérables quant à leurs besoins psychologiques. La non-prise en compte de la dimension relationnelle favorise le développement de conclusions identitaires négatives dans lesquelles les sujets, au lieu de développer des jugements réflexifs sur leur vie, deviennent prisonniers de jugements normalisateurs qui contribuent à appauvrir leur vie affective en les maintenant dans l'illusion d’une adéquation avec une norme à laquelle ils devraient correspondre pour se sentir eux-mêmes. Cet oubli de la psychologie populaire et des états intentionnels structure des histoires dominantes où les sujets ont de grandes difficultés à appréhender certains dilemmes et à comprendre le sens de leur action. Cet oubli fait ainsi le lit du sentiment d’échec personnel (8), avec son corollaire, le sentiment de ne jamais se sentir à la hauteur, malgré les efforts incessants pour essayer d’incarner la norme. Le sujet manque toujours de maîtrise de lui-même, “d'affirmation de soi, d’assurance, de confiance en soi”, il aura tendance à se sentir comme un “raté”, prisonnier de ses insuffisances, dont il va essayer de se libérer en s’astreignant à des techniques psychosociales d’amélioration de ses capacités moïques. Mais cette activité, éloignant le sujet de ses propres intentions et valeurs, sera productrice sur le long terme de fatigue et d’insatisfaction.

    Narration et incorporation

    Lorsque les patients viennent en consultation et racontent l’histoire dans laquelle ils se sentent pris, histoire qui les empêche de se reconnecter avec leur identité préférée, ils évoquent des situations vis-à-vis desquelles ils se sentent, par exemple, incapables et impuissants. Toutefois, le sujet, grâce aux questions posées par le thérapeute, va pouvoir mettre en évidence un certain nombre d’expériences vécues que l’histoire dominante n’intègre pas complètement, qui sont des moments où il se sent capable, des moments où il prend des initiatives et où il arrive à réaliser des actions qui sont pour lui significatives. M. White a appelé ces expériences qui sont en contradiction avec l’histoire dominante, des “moments d’exception”. Explorer ces moments, les nommer, encourager les patients à construire une nouvelle histoire dans laquelle ils arrivent à réaliser des actions qui sont en relation avec leurs

  • DOSSIERL’identité

    en psychiatrieL'identité narrative

    130 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015

    intentions, c’est construire une histoire qui leur permet de vivre une identité narrative riche dans laquelle ils peuvent tisser à nouveau leur relation aux autres et à eux-mêmes.Ces récits d’exception décrivent des moments où le sujet est ainsi dans une relation de coopération avec les autres et où il se sent reconnu et accepté dans sa différence. C’est dans cet espace de coopération que le sujet réalise des actions qui sont en lien avec ses intentions. Ces moments d’exception décrivent des situations dans lesquelles le sujet se sent vivant, réassocié, c’est-à-dire des moments à partir desquels il pourra faire de nouveaux choix dans sa vie.Grâce aux conversations thérapeutiques qui explorent les exceptions, le sujet va pouvoir s’im-pliquer dans une nouvelle narration qui va être le support d’une modification perceptive lui donnant la possibilité de s’investir dans des formes inédites d’actions et de significations.Les histoires alternatives se construisent ainsi à partir des exceptions ; ce sont ces histoires qui permettent au sujet de rentrer dans son corps, d’accueillir sa sensorialité, d’exprimer sa sponta-néité et sa créativité. Dans les histoires alternatives, les concepts ne sont plus des représentations vides ou contradictoires, mais expriment une manière d’être incarnée, où le langage donne forme à la vie.C’est au sein de ces histoires alternatives que le sujet peut faire l’expérience du processus de dissociation -réassociation, c’est-à-dire se montrer suffisamment créatif pour aller se reconnecter à des expériences ressources afin de résoudre les difficultés qu’il peut rencontrer.Ainsi, une personne qui ressent de l’anxiété lors-qu’elle est dans une relation plus ou moins “insé-cure”, pourra aller se reconnecter à des expériences passées de sécurité relationnelle et d’initiatives, afin de modifier dans le présent sa relation à l’autre. En modifiant sa relation à l’autre, le sujet va pouvoir expérimenter une nouvelle manière d’être plus satis-faisante lui permettant de développer des possibilités de coopération ultérieure.Lorsque les sujets viennent nous voir en début de thérapie, leur identité est pauvre, car ils restent prisonniers de leur histoire dominante et n’arrivent pas à s’investir dans des récits alternatifs. Leur principale difficulté, à ce moment de leur parcours, réside dans leur impossibilité à percevoir ces moments d’exception qui pourraient les remettre dans le flux de la vie. Ce sont ces histoires dominantes qui maintiennent une perception étroite dans laquelle le sujet ne perçoit pas les intentions positives des autres. Il se sent isolé, son rapport à

    l’autre est problématique, il a du mal à partager des projets, la rivalité et la méfiance ruinant la possibilité d’installer des relations de reconnaissance. La construction de l’identité narrative va se traduire par le passage, grâce à la mise en récit des moments d’exception, d’une perception étroite à une percep-tion large, d’une identité où le sujet est bloqué “dans sa tête” à une identité où il habite son corps.La perception étroite est un effet de la prégnance de l’histoire dominante dans laquelle le sujet se décrit comme enfermé dans un monde hostile, celui de la tristesse, de l’anxiété, de la douleur, de l’injustice, de la maltraitance, etc.La construction de l’histoire alternative va permettre de passer à une perception élargie grâce à laquelle le sujet va entrer dans une nouvelle manière de se situer dans son rapport au monde, en se percevant lui-même comme étant capable d’initiatives qui reflètent ses intentions et ses valeurs.Lorsque le sujet reste prisonnier de son histoire domi-nante, sa relation à l’autre reste structurée autour d’un imaginaire rivalitaire, c’est-à-dire dans un espace où il perçoit toute différence comme une opposition. Dans un tel espace, le sujet ne parvient pas à intégrer les intentions positives des autres à son égard, ce qui maintient une séparation entre la dimension cognitive et la dimension affective. En effet, un sujet ne s’in-carne que dans la mesure où la relation à l’autre peut être vécue de façon “sécure”, c’est-à-dire lorsque toute différence est potentiellement perçue comme un enri-chissement affectif. C’est dans un contexte de coopé-ration que le sujet peut, dans sa relation à l’autre, accueillir ses propres affects et ainsi enrichir le contenu de ses cognitions en leur permettant de nommer ses expériences vivantes. Le langage n’est plus réduit à sa dimension représentative, il donne forme à la vie dans sa diversité, il permet de déployer de nouvelles narrations dans lesquelles le sujet accueille ses propres ressentis au fur et à mesure qu’il raconte les histoires signifiantes qui donnent sens à sa vie.Ces histoires mettent en scène les exceptions, c’est-à-dire les moments où le sujet est incarné, ceux où il est réassocié au niveau de sa pensée, de ses émotions et de ses mouvements.Le processus de réassociation permet au sujet d’être en lien avec les autres et lui-même ; il construit une identité ouverte où le temps prend la consistance d’une présence vivante. Ce processus se caracté-rise par la mise en mouvement du corps : le sujet, accueillant les ressentis sensoriels en rapport avec ses émotions, se met en mouvement et rentre dans une nouvelle dynamique psychocorporelle où ses gestes sont ajustés à l’histoire qu’il veut construire.

  • DOSSIERL’identité en psychiatrie

    La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015 | 131

    Retisser une histoire déchirée

    Lorsque la personne se reconnecte avec les intrigues de son histoire alternative, elle décrit des événements qui façonnent son identité relationnelle et sociale et lui permettent d’intégrer son histoire dominante comme une suite de mauvais souvenirs. La reconnexion avec les thèmes de l’intrigue alternative conduit à une remise en mouvement d’une narration créative qui ouvre de nouvelles possibilités d’action et de choix. Les thèmes de l’intrigue correspondent aux différentes valeurs qui nomment la manière dont la relation à l’autre et à soi-même est perçue. Les événements racontés qui reflètent ces valeurs portent la chair à la présence du langage et donnent sens aux mots qui, à travers la narration, remettent le sujet en mouvement.Nous proposons, pour illustrer cette dynamique, de raconter quelques moments thérapeutiques qui ont été des moments charnières, au cours desquels l’histoire alternative a pu émerger de l’histoire dominante. Jean est un patient de 38 ans, suivi pendant de très nombreuses années à l’hôpital psychiatrique, avant d’être pris en charge dans différentes structures du secteur psychiatrique. Son histoire dominante est construite autour du thème de la maltraitance, de l’abandon et de l’échec. À l’âge de 3 ans, Jean a été séparé de sa mère qui présentait des troubles psycho-tiques et il a été placé dans une famille d’accueil où il a bénéficié d’un certain degré de sécurité affective. Pendant l’adolescence, il a commencé à se replier sur lui-même, puis à s’isoler de plus en plus. Il se décrit comme “timide, réservé, maltraité par les autres au collège”. Peu après avoir commencé à travailler comme ouvrier en usine, Jean présente un épisode délirant, avec des thèmes persécutifs. Lorsque nous le rencontrons, il vient de repasser par un énième épisode dépressif, avec des idées suicidaires.Au cours des entretiens, Jean commence par exprimer une plainte centrée sur les injustices du monde associée à un vécu de rejet décliné dans différentes histoires dont la solitude et la méfiance sont le thème dominant. L’histoire alternative commence à se développer à partir d’un questionnement visant à mettre en évidence les moments de contradiction avec l’intrigue dominante. Jean suit ensuite d’autres lignes narratives organisées autour des quelques rencontres qui, dans sa vie, ont donné forme à une identité autre que celle d’une personne en perpétuel échec. Le fait de retrouver, par le questionnement, de fines traces de vie, va lui permettre, en décrivant ces “petites” histoires, de vivre au présent des

    expériences de réassociation, le libérant des ruminations dépressives et modifiant son propre regard sur lui-même.Jean a ainsi retrouvé, au sein d’une adolescence soli-taire et triste, un moment où il a rendu visite à un artisan avec lequel il a échangé autour d’objets que celui-ci avait créés. Il a exprimé à cet homme son admiration pour la beauté des objets que celui-ci avait fabriqués. Puis, en décrivant avec davantage de détails sensoriels le contexte de cette rencontre, il a commencé à développer un nouveau discours centré sur l’importance, pour lui, de la beauté. Inter-rogé sur les histoires de sa vie où la beauté était présente et importante pour lui, il s’est remémoré progressivement davantage d’histoires en lien avec ce thème émergent. Il a raconté des moments de lecture de poèmes, où il a été attiré par la beauté des mots, et a été surpris par la manière nouvelle dont il s’est senti relié à l’univers des poètes et à leur vie. Il a en particulier raconté comment la lecture d’un poème de Baudelaire l’avait touché au point de se sentir relié à une identité plus riche et en résonnance avec celui qu’il voulait être. Par la suite, en conti-nuant à explorer cet intérêt pour les mots, il a évoqué le rôle qu’avait joué dans sa vie l’auteur de science-fiction Philip K. Dick. Ce dernier, dans son autobiographie, raconte la perte d’une petite sœur et des épisodes dépressifs. Jean a décrit la proximité qu’il avait ressentie entre son histoire et celle de cet homme qui, malgré ses difficultés, était devenu l'un des plus grands auteurs de ce genre littéraire. Il souligne que son intérêt pour P. K. Dick est centré sur le sens de l’humour et des aventures d’entraide collectives. Ces 2 nouveaux thèmes, l’hu-mour et l’entraide, vont, dans la suite des entretiens, servir de nouvelles intrigues, fruits de nouvelles histoires dans lesquelles Jean peut se décrire avec une vision de lui-même correspondant à celui qu’il souhaite devenir.Les différents thèmes ouvrent au fur et à mesure de leur exploration de nouvelles possibilités de se reconnecter avec des ressources de vie significatives pour lui. Ainsi, il a raconté plusieurs épisodes de participation à un groupe de danse country durant lesquels il a été capable de prendre une initiative pour entrer en contact avec d’autres, comme par exemple lorsqu’il a demandé si quelqu’un dans le groupe pouvait lui procurer un chapeau de cowboy. En revi-vant son initiative lors de cette description, il a relié celle-ci au contexte de confiance et de respect qui régnait dans ce groupe. Cette notion de confiance et de respect lui a servi de point de départ pour d’autres histoires organisées autour de ces 2 thèmes.

  • DOSSIERL’identité

    en psychiatrieL'identité narrative

    132 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015

    Ainsi, il a pu faire revenir un souvenir de son père adoptif. Il s’est rappelé que cet homme, qu’il décri-vait jusque-là comme distant et froid, était venu l’encourager alors qu’il jouait au football. Il a été surpris de ressentir une émotion agréable l’envahir, signe d’une affection et d’une reconnaissance qu’il croyait absentes. Il a pu nommer cette expérience “le réveil d’un petit quelque chose”.

    Les narrations au service d’une construction identitaire préférée

    Dans notre société hyperindividualiste, marquée par une compétition rivalitaire exacerbée et un déve-loppement effréné de normes isolant les individus les uns des autres et prescrivant un comportement stéréotypé, la critique de l’histoire dominante et le récit d’histoires alternatives favorisent l’émergence d’espaces où le sujet se sent en même temps libre et en relation. La narration d’une histoire alternative permet au sujet de se reconnecter avec ses puissances de vie. Elle se construit à travers le dialogue entre

    le sujet et le thérapeute qui, mû par une curiosité bienveillante, amène le sujet à décrire différentes voix jusque-là éteintes. Cette métaphore auditive souligne la capacité des narrations à faire entendre au sujet de nouvelles significations qui élargissent son projet de vie. Ces significations donnent au sujet la force de pouvoir affronter les obstacles, elles façonnent un nouveau parcours de vie nourri par l’ensemble des relations de coopération en lien avec ses intentions et ses valeurs préférées.Le tissage de cette nouvelle histoire se construit à travers le temps, en reliant les paysages des intentions aux paysages de l’action et à ce que nous avons appelé “le paysage de la relation et de la reconnaissance” (9).Au fur et à mesure que le sujet tisse les figures de son histoire alternative, le langage qu'il emploie devient de plus en plus riche de significations. Alors que son histoire dominante le maintenait dans des significations pauvres, les concepts étant eux-mêmes plus ou moins vides de sens (comme celui de la liberté), son histoire alternative donne forme, dans la description de toutes ces péripéties, à des significations pleines, c’est-à-dire incarnées, lui permettant de développer de nouvelles capacités créatrices, signes d’une identité habitée et plurielle. ■

    J. Betbèze déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

    1. Foucault M. Surveiller et punir. Paris : Gallimard, 1975 : 328 p.

    2. Heidegger M. Essais et conférences. Paris : Gallimard, 1958 : 352 p.

    3. Ricœur P. Les paradoxes de l’identité. L'Information psychiatrique 1996;72(3):201-6.

    4. White M, Epston D. Les moyens narratifs au service de la thérapie. Bruxelles : Satas, 2009 : 233 p.

    5. White M. Cartes des pratiques narratives. Bruxelles : Satas, 2009 : p. 70 à 82.

    6. White M. Les pratiques narratives et la psychologie populaire. In : Blanc-Sahnoun P, Dameron B, eds. Comprendre et pratiquer l’approche narrative. Paris : InterEditions, 2009.7. Anderson H. Conversation, langage et possibilités. Bruxelles : Satas, 2005 : 158 p.8. Besnard-Péron C, Dameron B, eds. Pistes narratives, pour faire face au sentiment d’échec personnel et professionnel. Paris : Hermann, 2011 : 334 p.9. Thérapie narrative. In : Doutrelugne Y, Cottencin O, Betbèze J, eds. Thérapies brèves : principes et outils pratiques, 3e édition. Paris : Elsevier Masson, 2013 : 256 p.

    Références bibliographiques

  • DOSSIERL’identité

    en psychiatrie

    134 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015

    La question de l’identité chez le malade alcoo-lique interroge le sens de la désignation, tant pour celui qui nomme ou dénomme que pour celui qui reçoit comme un diagnostic ou une injure ce qui deviendra, au gré du temps et des rencontres, aliénation ou libération…

    Quand le langage fait l’identité

    Comme le rappelle fort justement Jean Maisondieu (1), le langage fait que l’humanité n’est pas seulement un troupeau d’individus de la même espèce. Grâce à lui, chacun d’eux est un être pensant, parlant et décidant unique en son genre : un sujet.Le sujet, à un instant t, est en partie défini par un ensemble de dispositions et de ressources identi-taires disponibles et en perpétuel changement. Tel est le pari audacieux que soutiendra le clinicien qui, dans sa compréhension de l’ambivalence du patient, accompagnera le changement, comme les résis-tances à ce changement. Pour cela, il sera parfois amené à proposer ce que le patient ne peut encore énoncer, tour à tour en le précédant et en le suivant dans la découverte de lui-même.La thérapie est bien la coconstruction d’une nouvelle réalité, où l’on passe d’une perception étroite (vouloir que s’interrompent les symptômes qui font trop souffrir, essentiellement liés à la dépendance physique ou psychologique et à ses conséquences) à une perception élargie (remettre en lien les diffé-rentes composantes de l’individu – émotions, sensa-tions, perceptions – dans tous leurs potentiels).

    L’identité : un concept qui nous met dans l’embarrasNous appuyant sur l’expérience que nous avons des personnes dépendantes de l’alcool, nous avons pu remarquer combien elles sont ramenées à un besoin permanent de formuler des justifications

    L’identité est-elle soluble dans l’alcool ?Is identity soluble into alcohol?

    G. Ostermann*, J. Betbèze**

    à charge ou, aussi bien, à décharge sur leur situa-tion, comme si elles se débattaient pour défendre ce qu’elles sont (l’addiction est, avant d’être une maladie, une tentative d’adaptation). Ainsi, on peut les entendre soit murmurer, soit dire avec détresse et parfois véhémence tour à tour des plaintes répé-tées ou des accusations, mais la question de savoir à qui s’adressent ces paroles interroge les cliniciens que nous sommes.Pour l’alcoolique, la question est de savoir quelle est l’importance de l’alcool dans ce qu’il est, et surtout dans sa définition de lui-même par lui-même. Qu’il utilise la forme active : “Ce que je fais avec l’al-cool” ou la forme passive : “Ce que l’alcool a fait de moi”. La forme passive invite à interroger un déter-minisme d’un “moi” qui échapperait désormais au sujet, remettant ainsi en question l’idée d’une liberté, d’une responsabilité vis-à-vis de soi-même. Souve-nons-nous, avec Pierre Fouquet, que cette question de la liberté est bien historiquement au cœur de la problématique alcoolique : “Est alcoolique celui qui a perdu la liberté de s’abstenir de boire.” Il s’agit donc de s’interroger sur la nature de ce “je”, de ce “moi” et de sa coconstruction dans le temps avec et, enfin, contre l’alcool. L’identité est-elle définie, réduite ou simplement traversée et transformée par le compor-tement d’addiction avec l’alcool ? L’addiction n’étant pas le fait de boire, mais de ne pas pouvoir s’ar-rêter (s’empêcher) de boire. Nous le sentons bien, le concept d’identité est quelque chose d'évident sur le plan perceptif et d'indiscernable par les mots. Ainsi, tenter de se définir rejoindrait sans cesse la question du choix, comme si être à la fois français, musicien, chrétien et aussi cuisinier interdisait de pouvoir décider de qui l’on est. Il faut donc une repré-sentation de soi claire, mais cette représentation de soi est en constante évolution, en changement permanent, puisqu’on n’est pas le même à 60 ans que lorsque l'on était bébé ou enfant, périodes de la vie où l’on avait déjà une représentation de soi plus ou moins claire. On pourrait affirmer sans risque de se tromper qu’il existe probablement autant de

    * Professeur de thérapeutique, médecin interniste, Bordeaux.

    ** Psychiatre des hôpitaux, chef de service, Nantes.

    G. Ostermann

    J. Betbèze

  • Résumé

    La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015 | 135

    Parler d’une identité de l’alcoolique est nécessaire et abusif. Nécessaire parce que ce questionnement nous introduit au cœur d’une problématique complexe, et abusif parce qu’il n’y a pas, stricto sensu, d’identité alcoolique. Dans sa pratique d’alcool, l’alcoolique a une apparence extérieure et une profon-deur cachée. La seule raison neurobiologique ne peut accéder à cette dernière dimension. Alors, qui est l’alcoolique ? En face de nous, il y a un être humain, vivant, en “chair et en os”, c’est-à-dire un être entier qui se présente au-delà de sa “structure tragique” et qui, en raison même de cette présence totale, nous oblige à interroger nos représentations pour lui permettre, à travers l’accompagnement, de se sentir entier avec son manque.

    Mots-clésIdentitéAlcooliqueAttachementImage de soiLibertéReprésentation

    SummarySpeaking about the identity of the alcoholic is both neces-sary and improper. Necessary because this questioning leads us to the core of a complex p rob lem, and improper because there is no such thing as the alcoholic identity, strictly speaking. While dealing with alcohol, the alcoholic has an outward appearance and a hidden depth. The neurological conception alone cannot reach the latter dimension. Therefore, who is the alcoholic? In front of us, there is a human being, alive, in “the flesh”, that is to say a whole being who appears beyond his or her “tragic struc-ture”, and who, for the very reason of this complete pres-ence, forces us to question our representations in order to allow him or her, through support, to feel complete with his/her failings.

    KeywordsIdentity

    Alcoholic

    Attachment

    Self-image

    Freedom

    Representation

    façons de définir l’identité que de spécialistes en sciences sociales. D’un point de vue anthropologique, l’identité est un rapport et non une qualification indi-viduelle comme l’entend le langage commun. Ainsi, la question de l’identité est non pas “qui suis-je ?”, mais “qui suis-je par rapport aux autres, que sont les autres par rapport à moi ?”. Le concept d’identité ne peut pas se séparer du concept d’altérité. Qui est le pair ? Moi-même, un autre pareil que moi, un diffé-rent comme moi ? Sempiternelle question chez les philosophes, à laquelle Arthur Rimbaud, quant à lui, répond : “Je est un autre.”L’identité, nous l’apercevons, ne se résume pas à un papier écrit dans une encre figée, elle est un processus, un mouvement continu de l’être impliqué dans son environnement. On peut dire tout d’abord que l’identité est comme une relation d’invariabilité à soi-même dans le temps. En cela et de ce fait, elle est le trait caractéristique de ce que les philo-sophes appellent la substance, ce terme désignant une réalité capable de se soutenir elle-même, et qui a, selon Emmanuel Kant, une permanence absolue. Outre le fait d’être substance, l’identité est égale-ment un moyen de reconnaissance, elle concerne l’individu et le groupe et, à ce titre, elle devient un outil social. Il faut renoncer à penser l’identité personnelle en termes de continuité objective pour substituer à ce modèle ce qu’on appellera ici une “plasticité identitaire”, en référence à la plasticité cérébrale. Cette notion de plasticité identitaire nous semble particulièrement adaptée à la problématique alcoolique, comme si le sujet dépendant, en quête d’une identité suffisamment contenante, guettait l’approbation de l’autre pour se conformer à l’attente supposée. Cette attitude d’hyperadaptabilité défen-sive peut parfois provoquer des contre-attitudes agressives chez les interlocuteurs, qui interprètent cette plasticité comme un “manque de personna-lité” ou un souci de dissimulation de ce qui fait, de ce qui est l’essence même de chaque individu, ce qui lui appartient “en propre”. Et nous trouvons là le trait particulier de l’identité, qui est “un propre à chaque être”, constitué par un ensemble de carac-téristiques physiques, morales, sociales, etc., par lesquelles chacun peut se définir ou se faire connaître et par lesquelles les autres peuvent le connaître, mais également le reconnaître. Ainsi, outre le fait

    d’avoir une identité légale, chaque être détient des caractéristiques particulières de divers ordres qui le font soit ressembler à, soit dissembler d’autres, mais surtout qui le rendent unique. Ce sera bien cette dimension d’unicité que le clinicien anticipera chez le patient dépendant en lui attribuant les valeurs que lui-même ne connaît ou ne reconnaît pas encore : “Tout homme est une histoire sacrée”, disait Patrice de La Tour du Pin. Nous touchons ici la dimension métaphysique de la personne, le mystère de l’être, qui intègre par là-même le mystère de l’individualité, qui fait que celui-ci est lui et pas un autre. L’identité se situe alors entre appartenances, identification personnelle et images sociales.Il convient, dans toute approche de la question de l’identité, de prendre en considération 2 paramètres contradictoires :

    ➤ un noyau de permanence, ou de continuité, qui, comme un fil conducteur, permet la reconnaissance de soi-même par soi-même ou par autrui, source d’une impression d’adéquation − il s’agit alors d’une fonction du narcissisme ;

    ➤ la marque d’une différence, qui assure la singu-larité subjectivante, dont le “je” est l’expression la plus affirmée.La combinaison de ces 2 paramètres contribue au sentiment d’appartenance et à ses variations. Nous pouvons nous appuyer sur les travaux de Paul Ricœur (2) qui apportent une conceptualisation extrêmement solide des rapports entre récit de soi, temporalisation de l’expérience et identité. Pour P. Ricœur, la temporalité du récit réalise une mise en représentation (“mise en intrigue”) de l’expérience vive du temps. Elle est donc une dimension essentielle du récit. Tout récit possède une temporalité propre qui doit être considérée comme le produit de mécanismes de représentation par lesquels l’expérience vive du temps accède au langage. Ainsi, le patient addict à l’alcool parlera, racontera ou transformera ses propres représentations.Nous rappelons, comme nous l’avons fait déjà plus haut, une réflexion fondamentale de Jean Maisondieu (1), qui trouve ici tout son sens : le langage fait que l’humanité n’est pas seulement un troupeau d’individus de la même espèce. Grâce à lui, chacun d’eux est un être pensant, parlant et décidant, unique en son genre : un sujet.

  • DOSSIERL’identité

    en psychiatrieL’identité est-elle soluble dans l’alcool ?

    136 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015

    Il serait réducteur de penser les conduites humaines en se référant exclusivement au fonctionnement cérébral, aux effets des neuromédiateurs et autres phéromones, même si cette approche, notamment relative aux troubles cognitifs chez les malades dépendants, pourrait nous inciter à plus de prudence vis-à-vis de ce que nous nommons parfois, avec excès, alexithymie. Soulignons d’autre part la difficulté pour le malade à poser un “je”. C’est pourquoi, comme le propose Edgar Morin (3) : “Il nous faut penser circulairement que la société fait le langage qui fait la société, que l’homme fait le langage qui fait l’homme, que l’homme parle le langage qui le parle.” Ici, E. Morin met l'accent sur “l'interdépendance et la relation rotative” qui existent entre le “je” (“le locuteur-sujet”), le “ça” (“la machine linguistique”) et le “on” (“l'être socioculturel”).Nous rejoignons ici P. Ricœur, pour qui en effet le récit, et à plus forte raison le récit de soi, procéderait, d'une part, d'une mise en représentation de la continuité et de la permanence de soi dans le temps et, d'autre part, des variations de l’expérience de soi au gré des changements de l’existence. Martin Heidegger, dans son questionnement incessant sur le langage et la pensée du langage, nous amène cette définition que l’être est le lieu du dévoilement et que s’il y a une pensée du langage, ce ne peut être pour l’homme qu’une pensée de l’être qui s’adresse à l’homme et fait de lui le “diseur de l’être”. Cela pose la question de la vérité. La vérité, en grec, se dit aletheia (άλήθεια). Il s'agit d'un mot composé du a- privatif et du nom propre Léthé, ce fleuve mythique où l’âme humaine, après avoir contemplé les “idées vraies” et avant de revenir sur terre, doit se baigner dans ses “eaux oublieuses”.

    Quand la métaphore de l’oignon vient au secours de l’identité

    “… Qu’est-ce que la vérité ?Est-ce qu’elle n’a pas dix-sept enveloppes, comme les oignons ?Qui voit les choses comme elles sont ? L’œil certes voit, l’oreille entend. Mais l’esprit tout seul connaît. Et c’est pourquoi l’homme veut voir des yeux et connaître des oreilles ce qu’il porte dans son esprit, l’en ayant fait sortir. Et c’est ainsi que je me montre sur la scène.”Paul Claudel (4)

    Quelle identité vient montrer ce patient qui, pour la première fois, se rend à une consultation d’ad-dictologie, contraint et forcé par son conjoint, son employeur, son hépatologue ou encore la justice ? Ou plus simplement parce qu’il ne supporte plus ce que lui renvoie son miroir chaque matin ?“Être ce que l’on boit ou ne pas boire ce que l’on est” : là est la question (5). La clinique nous invite à faire une analogie entre la construction de l’identité et la constitution de l’oignon. Le héros Peer Gynt (6), dans la pièce d’Henrik Ibsen, tente un tel effort de schématisation quand, dans la scène où la faim le force à consommer des oignons sauvages, il en vient à comparer les constructions du monde qui ont guidé les différentes étapes de sa vie – empereur, chercheur d’or, marin, prophète – aux couches de l’oignon qu’il tient en main. Dans cette perspective historique, un récit structurant succède à l’autre comme chaque couche en recouvre une autre, tous aussi véridiques et aussi illusoires, sans que l’on puisse jamais découvrir le noyau que représenterait un monde logiquement vrai.Confrontés à la difficulté de modéliser la complexité, cette métaphore nous est apparue lumineuse par son illustration, tant du point de vue de la stabilité fonc-tionnelle de la cognition, du fait de la cohérence interne des récits structurants, que de celui de sa malléabilité. L’homme serait comme un oignon à éplucher à l’ins-tant t, t+1, t+2, etc. Avec la certitude qu’il n’y a pas de noyau dans l’oignon, mais différentes strates, comme des couches sédimentaires exogènes et endogènes accumulées. Toutes les strates constituent un volume d’être à l’instant t exprimant tout à la fois les identités accumulées, les humeurs et les sentiments éprouvés, la mémoire, les désirs. Le travail d’épluchure devient alors une sorte d’anthropologie personnelle.En cela, cette métaphore de l’oignon souligne à la fois la complexité identitaire et l’illusion d’une extraction de l’essence enfouie d’un noyau implanté. L’être à l’instant t est en partie défini par un ensemble de dispositions et de ressources identitaires disponibles et en perpétuel changement. Si l’oignon n’a pas de noyau, sa saveur est présente dans chacune de ses couches, une sorte de permanence évanescente comme une propriété de l’être, floue, insaisissable et en mouvement. Nous le savons, les parties temporelles d’une personne ne changent pas, sans quoi il faudrait expliquer comment elles persistent à leur tour en s’altérant, et ainsi de suite à l’infini. De même, une personne ne change pas de parties temporelles, elle possède chacune d’entre elles éternellement. Le rôle du thérapeute étant peut-être de l’accompagner dans la découverte ou la mise à jour de certaines de ces couches.

  • DOSSIERL’identité en psychiatrie

    La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015 | 137

    La pelure génétique

    La question de la pelure génétique est particuliè-rement sensible en alcoologie, où les dictons et les croyances populaires enferment le malade – et parfois des interlocuteurs non spécialisés – dans de fausses représentations comme : “Qui a bu boira”, et surtout l’infamant caractère “héréditaire” de ce comportement qui, à cet endroit, semble revêtir l’habit du vice… Il serait intéressant de retracer à travers la littérature – y compris médicale – la place attribuée à l’hérédité.Nous mesurons à quel point cette question doit faire l’objet d’un échange avec le patient afin d’évaluer ses propres représentations sur le sujet et d’ouvrir, le cas échéant, à la question si proche, mais si différente, de la “loyauté familiale”. Que faire de ce “Chez nous, docteur, on est alcoolique de père en fils, alors...” ?Alors… Une explication simple mais claire de la vulnérabilité génétique, différenciée explicitement de l’hérédité, pourra, dans certains cas, autoriser le patient à accéder au soin sans pour autant se sentir déloyal vis-à-vis de sa famille.Nous avons tous des déterminants génétiques, mais nous ne sommes pas génétiquement déterminés. La vulnérabilité à l’addiction à l’alcool dépend de l’interaction entre des facteurs génétiques et envi-ronnementaux. Les conditions environnementales peuvent contrecarrer la prédisposition génétique, et tout n’est donc pas déterminé exclusivement par nos gènes. L’environnement et les expériences de la vie viennent pondérer ce lourd fardeau géné-tique. Il est donc possible de parler de vulnérabilité génétique et de s’en servir dans la construction de l’alliance thérapeutique, même si cette génétique, ou plus exactement épigénétique, est pour nous moins familière que la sphère affective.

    La pelure affective

    Nous avons fait le choix de restreindre la “pelure affective” à l’approche attachementiste, tant cette dimension nous apparaît fondamentale dans la compréhension dynamique de la genèse des conduites addictives. Il nous faut penser l’identité au croisement du vécu psychologique et d’une connaissance physiologique, avec l’idée qu’il faut 2 hommes pour en faire 1. Issu, comme Donald Winni-cott, de la psychanalyse, John Bowlby, le fondateur de la théorie de l’attachement, montre l’importance du lien entre enfant et parent, en le différenciant de celui de dépendance. Pour lui, le lien n’implique

    pas un état de dépendance, mais, bien au contraire, il constitue la base sur laquelle se construit l’ouver-ture à la socialisation. Selon lui, l’attachement est un instinct humain fondamental, une pulsion autonome permettant d’instaurer des liens forts et durables. Les premiers liens avec la mère et leur qualité sont essen-tiels dans le développement du “petit d’homme”. Cette qualité de la relation d’attachement prend racine dans la qualité de la figure d’attachement (qui peut être la mère, le père ou un pair) que se sera constitué l’enfant comme une source de sécu-rité ou d’insécurité. L’attachement est donc avant tout une expérience précoce qui s’intériorise et nous accompagne ensuite tout au long de notre existence, du berceau à la tombe. Une mauvaise qualité d’at-tachement crée une vulnérabilité addictive et une difficulté, voire une incapacité, à être seul. J. Bowlby a travaillé l’intériorisation de cet attachement au cours du développement, avec la notion, en anglais, d’internal working models, qui a été traduite en fran-çais par “modèles internes opérants”, opérant parce qu’il conditionne une conduite à tenir, et c’est un modèle de soi qui évolue selon les rencontres, selon les moments et selon notre âge. On peut comprendre également le besoin de s’attacher au grand Autre, permettant un processus de résilience.

    La pelure des représentations

    Parmi les nombreux facteurs impliqués dans le retard des consultants en addictologie, et notamment en alcoologie, l’approche de la pelure des représenta-tions nous montre à quel point, malgré un change-ment de vocabulaire et d’écoute, cette dimension peut être active et constituer un frein à la rencontre.“Il s’arrête devant une glace qui est une espèce de porte ouverte autour d’un soldat tout pareil.– Pardon Monsieur.Le double ne répond pas. Lucien pense, la main au képi : – C’est mon double, c’est mon supérieur.Il salue.L’homme qui se tait, c’est toujours un supérieur, même quand il a bu.Et Lucien se dit :– Non, ce qu’il est soûl, le type !Puis il s’aperçoit que c’est lui et cela le vexe.”Alfred Jarry, L’amour en visites (7).Celui ou celle que l’on nomme alcoolique a un corps qui manifestement a souffert, sinon dans son développement, tout au moins dans l’articu-lation et l’harmonisation de son fonctionnement.

  • DOSSIERL’identité

    en psychiatrieL’identité est-elle soluble dans l’alcool ?

    138 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015

    L’aider à s’approprier son corps, à le ressentir, à y trouver du plaisir peut éloigner la nécessité de boire. Comme le souligne Michèle Monjauze (8), le corps alcoolique semble comme vide de sensations. L’al-cool servirait chez certains à tenter en vain de créer une zone corporelle sensible. Autrement dit : l’alcool crée la bouche.“La simplification fabrique le simplifié et croit trouver le simple”, ajoute E. Morin. Or, nous le constatons à chaque nouvelle rencontre, le malade alcoolique cherchera à confirmer dans notre regard et dans notre attitude la simplification de notre réflexion en la réduisant à ce qu’il refuse d’être : un alcoolique. Nous voilà donc à présent au cœur des représentations de l’alcoolique, qui se doivent d’être abordées, étudiées du côté du soignant ou de l’interlocuteur avant toute prise de contact, tant leur impact sera déter-minant dans la création ou non de l’alliance théra-peutique (9). Si la thérapie est bien la coconstruction d’une nouvelle réalité, le changement est toujours une remise en lien. Mais le lieu du changement n’est pas le patient : il est à trouver à l’intérieur de cet espace rela-tionnel délimité par le cadre thérapeutique. L’obstacle principal du côté du soignant est de vouloir changer l’autre. Le principal obstacle au changement du côté du patient s’appuie sur les croyances déposées en lui dans l’enfance et même plus tard. La question de l’identité du malade alcoolique n’est donc pas tant de savoir s’il restera – à ses propres yeux comme à ceux de son entourage – malade à vie, mais bien plutôt de lui permettre d’avoir accès au potentiel dont le théra-peute lui fera l’avance. Croire en un avenir libérant constitue bien le credo que partagent tous les alcoo-logues, et, comme nous le rappelle François Gonnet, évoquant le stade hors alcool, “parvenus au stade hors alcool, ils sont désormais ivres de vie comme ils le furent autrefois d’alcool et cette ivresse entraîne les autres” (4). La thérapie, la rencontre, s’apparente donc plutôt à une tentative : tenter de comprendre plutôt que d’expliquer, d’accompagner en douceur la découverte et la reconstruction qui s’effectuent lentement pour découvrir ensemble les nouvelles expériences qui seront à l’origine de cette nouvelle identité. Accepter d’être celui que l’on découvre, à travers les différentes facettes de sa personnalité, constitue bien l’enjeu de toute thérapie, et plus encore quand l’alcool venait précisément faire écran.

    L’identité n’est pas la personnalité

    Personnalité et alcool ont en commun étymo-logiquement d’être le lieu de l’apparence, du masque.

    Alcool provient de l’arabe al-kuhl (l’esprit) et désigne bien ce masque qui permet de ne plus être tout à fait soi-même, et qui, dans un premier temps, justifie l’usage psychotrope de l’alcool. La personnalité est une illusion ou plutôt un masque. Le mot persona vient en effet du latin (du verbe personare, per-sonare : parler à travers) et désignait le masque que portaient les acteurs de théâtre. Ce masque avait pour fonction à la fois de donner à l’acteur l’apparence du personnage qu’il interprétait et de permettre à sa voix de porter suffisamment loin pour être audible des spectateurs. Ce masque est construit pour avoir des repères fixes par rapport aux personnes. L’identité est tout le temps dans le mouvement et elle est dans la relation. L’idée de relation, cela correspond à la dimension du donner-recevoir. L’identité, c’est le “je-tu” de Martin Buber, tandis que la personnalité, c’est le “je-cela”, aussi de M. Buber (10). Le “je-cela”, c’est du cognitif. Le “je-tu” est affectif. Quand nous sommes dans une relation “je-tu” avec l’autre, nous pouvons accueillir nos propres affects. L’autre est un “tu”, le “je-tu”, c’est la relation “sécure”. C’est quand nous sommes dans une relation “sécure” avec l’autre que nous sommes dans notre corps.

    Pelure socioculturelle

    Le rapport à l’alcool est inscrit dans la trame iden-titaire : aux niveaux local, régional, professionnel, culturel, associatif, religieux, etc. De grandes varia-tions existent d’un milieu à l’autre, d’une culture à l’autre, d’une époque à l’autre. Une trame iden-titaire dans laquelle se sont inscrits des symboles, et l’alcool en est un, particulièrement puissant. L’identité est aussi une affaire de symboles, d’appar-tenances et d’apparences. S’il est vrai que l’homme se nourrit d’aliments, il assimile aussi une série de symboles, de rêves, de mythes. Le vin ne se transforme-t-il pas en sang dans l’Eucharistie ? L’acte alimentaire, dont l’acte de boire est une nécessité vitale, est un ensemble de constituants qui convoquent l’homme dans sa globalité. Cette pratique est au cœur des rencontres sociales, des liens de soi à l’autre et des autres à soi, supports importants d’acquisition de l’identité. L’alcool et les comportements qui y sont rattachés sont chargés d’une symbolique identitaire et va, selon le contexte, être un vecteur favorisant l’inclusion dans un code identitaire. Comme le souligne Roland Barthes dans Mythologies (1957), “le vin n’est-il pas pour les Français une boisson totem ?” (11).

  • DOSSIERL’identité en psychiatrie

    La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015 | 139

    Dans certains milieux, l’abstinence ou l’arrêt pur et simple de la consommation d’alcool provoque des réactions d’abandon, voire de rejet et d’hostilité. Ces réactions ont pour effet d’exclure l’individu qui adopte des comportements non conformes à ceux du groupe, et celui qui refuse de se conformer à cette composante de l’identité sera mis à l’écart, exclu du réseau d’entraide, voire suspecté et accusé. On trouve ce phénomène dans certains milieux professionnels, dans des groupes de jeunes ou des milieux particuliers où l’alcool est le vecteur d’intégration imposé. Bien qu’elle ne soit pas écrite, une convention collective tacite est lisible par tous les acteurs du milieu à travers les codes et les convenances sociales qui concernent le corps, la gestuelle, le langage, l’acte de manger et de boire.Comment ne pas évoquer ce fameux “alcoolisme mondain” qui prive tant de patients de soins alcoo-logiques sous prétexte que leur mode ou leur lieu de consommation diffère de ceux que la société dénomme “alcooliques” en les assimilant alors à des sans-domicile fixe (SDF), ce qui évite toute confrontation insupportable.

    Identité de l’alcoolique et temporalitéComme nous l’avons abordé précédemment en évoquant les différentes “couches identitaires” qui se superposent et interagissent chez le malade alcoolique, la dimension de temporalité doit être interrogée, peut-être même en amont de la consom-mation problématique.

    L’accompagnement, le regard et le soutien du pair aidant

    L’acceptation de la rencontre avec un semblable constitue souvent un temps décisif de l’évolution du patient. De nombreux récits évoquent une première démarche auprès d’un groupe “d’anciens buveurs”, dont l’objectif caché est de se rassurer sur le fait de ne rien partager avec “ces gens-là”. Il s’agit le plus souvent à ce stade de raisonner en termes de différence et non de similitude. Le patient vient vérifier qu’il “n’en est pas là”, étayant son raisonnement sur les nombreuses pertes évoquées avec douleur par les participants.Le terme même de “toucher son fond”, si cher au mouvement des Alcooliques anonymes, peut être

    entendu dans une perspective dynamique où les nombreuses pertes, différentes dans leur forme mais semblables dans leur signifiant de perte de maîtrise, viennent rappeler au patient qu’il n’est pas seul dans cette insupportable douleur et qu’il pourra d’autant plus s’identifier au groupe des “alcooliques” que son identité sera préservée.

    Alcoolique anonyme

    Alcoolique, peut-être, à condition de rester anonyme… Ce qualificatif interroge donc la question des identités chez le malade alcoolique, comme si cette identité d’alcoolique, une fois acceptée, venait se substituer à toutes les autres et ne pouvait être révélée qu’entre initiés.La question de la date anniversaire de la sobriété, qui prend le pas sur l’anniversaire civil, n’en est qu’une des nombreuses illustrations et appelle quelques réflexions, notamment dans ce champ du question-nement identitaire.S’agit-il pour le patient, en conservant son anonymat, de se préserver des représentations encore trop péjoratives attachées au terme d’“alcoolique”, se situant alors du côté du regard social ? Préserve-t-il, à travers cet anonymat, une non-différenciation, comme il pouvait le faire autrefois dans les lieux de consommation, où le “boire ensemble, comme tout le monde” permettait de faire l’économie d’une confrontation à une identité souvent trop fragile ? Se sent-il toujours relié à d’autres – à travers les réunions – comme il le fut autrefois à son objet d’addiction ?

    La relation duelle : une dangereuse nécessité

    Tout clinicien confronté à un malade alcoolique a pu expérimenter la difficile question de la juste distance – ni trop près, ni trop loin.Didier Playoust (12) nous rappelle combien “la relation duelle est dangereuse pour le malade alcoolique si elle ne repose pas sur une estime de soi préalable”. Or, nous le savons, si les failles de l’estime de soi ne sont pas un préalable à la consommation d’alcool, les conséquences de cette consommation, avec leur cortège de honte et de culpabilité, viennent altérer l’image et l’estime de soi au point de rendre toute rencontre duelle vouée à l’échec, notamment si elle repose sur l’attente de la demande… d’une rencontre.

  • DOSSIERL’identité

    en psychiatrieL’identité est-elle soluble dans l’alcool ?

    140 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015

    Nous sommes ce par quoi nous sommes désignés

    Il est une sorte de coutume qui rejoint directement notre propos du côté du sentiment d’appartenance ou d’exclusion : “Il est des nôtres, il a bu son verre comme les autres” peut aussi s’entendre comme “il est des nôtres, et, parce qu’il a bu comme les autres, il EST comme les autres”. Cette formulation fait alors l’économie d’une quête identitaire, et nous invite à de la bienveillance à l’égard de celui qui nous ressemble et contribue par sa consommation festive et joyeuse à renforcer le sentiment d’appartenance, tel que l’évoque si justement R. Barthes dans Mythologies (11).Mais, comme le souligne si bien le refrain, l’exclusion par le changement identitaire guette celui qui déroge à la loi implicite, celle de “se noyer” dans un tout anonyme où le “ON” règne en maître.“C’est un ivrogne, ça se voit rien qu’à sa trogne”, signe le passage brutal, sans transition, d’un senti-ment douillet d’appartenance au rejet sans appel, passant alors d’un comportement (“il a bu”) à une désignation identitaire (“c’est un ivrogne”) qui l’en-ferme dans un déni, dont la désignation de “souffrant d’une maladie”, moins humiliante à ce niveau de cheminement, pourra peut-être l’aider à se libérer.Ainsi, en nommant la maladie, le clinicien peut initier un chemin de libération, à condition de distinguer, à ses propres yeux, comme à ceux de son interlo-cuteur, le “trouble de l’usage d’une substance” de la personne elle-même. L’évolution récente de la critériologie contribue grandement à ce changement de paradigme.

    Quand le DSM-5 vient au secours du malaise identitaire

    Une première étape avait déjà été franchie en subs-tituant à la dénomination identitaire si calomnieuse d’“alcoolique”, le mode de consommation observé. Ainsi, les 3 catégories d’usage (non-usage, usage simple [ou à faible risque] et mésusage, compre-nant l’usage à risque, l’usage nocif et l’usage avec dépendance) ont eu l’avantage de poser un regard d’observation sur un comportement et non sur une personne. Ce modèle, pour efficient qu’il soit, ne peut être adopté que par des professionnels qui ont suffisamment cheminé pour identifier, d’une part, leur propre rapport à l’alcool et, d’autre part, leur capacité de mise à distance de leurs propres repré-sentations de l’alcoolique. Ainsi, les professionnels

    potentiellement concernés par les conduites addic-tives (acteurs du champ sanitaire, social et juridique), mais aussi tous les acteurs de première ligne, tels que les médecins généralistes, les médecins du travail, les sages-femmes, etc., pourraient gagner en confort relationnel, et donc en efficacité, en s’appropriant les recommandations de bonne pratique du dépistage, du diagnostic et du traitement du mésusage d’alcool proposées par la Société française d’alcoologie en mars 2015 (13).À ce titre, “les troubles liés à l’usage de l’alcool” identifient un ensemble de symptômes soma-tiques, cognitifs et comportementaux distinguant la personne de ses comportements, tout en proposant un gradient de sévérité de ces troubles.L’item 10 du DSM-5 (“l’usage d’alcool reste identique en dépit de la prise de conscience de l’existence de répercussions continues ou récurrentes des consom-mations sur le plan physique ou psychologique”) nous semble de première importance dans la créa-tion ou la poursuite de l’alliance thérapeutique, dans la mesure où le clinicien partage avec le patient le constat de son impuissance malgré un “désir persis-tant pour contrôler ou arrêter sa consommation d’alcool”. Dès lors, le regard de confiance porté par le clinicien constituera le socle sur lequel le patient pourra s’appuyer pour puiser ce qui lui fait encore défaut.Ce pas du “défaut” de caractère au “défaut fonda-mental”, tel que le propose Michael Balint, est bien celui que franchira le clinicien spécialisé qui s’auto-risera à changer de regard, mais aussi de posture, pour accompagner pas à pas l’évolution de celui qui n’existe encore que dans le regard de l’autre.

    Changement de regard, changement de posture des cliniciens spécialisés

    Tout clinicien spécialisé a pu constater que le malaise identitaire du malade de l’alcool venait non seule-ment de sa dépendance à l’alcool, mais aussi et surtout de sa dépendance au regard des autres, qui, bien souvent, précède et justifie la consom-mation d’alcool. C’est sans doute à ce moment que la présence étayante du thérapeute permettra au patient d’avancer dans la découverte de cette nouvelle identité, et ce d’autant plus que la relation sera posée comme inconditionnelle, au sens propre du terme, c’est-à-dire comme non conditionnée par le maintien – ou non – de la sobriété. L’avance de la confiance (14) constitue bien le terreau incontour-nable à la construction de cette nouvelle identité,

  • DOSSIERL’identité en psychiatrie

    La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 5 - septembre-octobre 2015 | 141

    qui, à ce stade, ne se définit encore trop fréquem-ment que par un “non-comportement”, comme “je ne bois plus”. Encore trop englué dans la mésestime, la honte et la culpabilité, le nouvel abstinent écou-tera parfois avec méfiance et suspicion les paroles de confiance qui lui seront adressées, et ce d’autant plus qu’elles seront proposées par quelqu’un ayant un supposé savoir théorico-clinique, mais ignorant tout de l’expérience incommunicable de la souf-france de la dépendance.

    En guise de non-conclusion

    “Au-delà de ce que je suis de par l’hérédité et de ce qu’on a fait de moi par le milieu et l’éducation, il y a ce que je fais avec ce que je suis et ce qu’on a fait de moi.”Jean-Paul Sartre (15) Ces quelques réflexions sur la construction de l’identité de l’alcoolique ont pour simple intention d’apporter un éclairage humanisé sur quelques

    facettes de ce phénomène universel mais complexe et d’approche difficile de l’identité de la personne. Dans ce contexte, nous croyons pouvoir dire que l’identité peut être un phénomène dynamique, une sorte de bricolage relationnel, une édification en mouvement permanent apte à s’adapter et à se transformer en fonction des aléas de l’environnement. Nous pouvons dire également qu’il n’y a pas, stricto sensu, d’identité alcoolique, ou alors qu’elle serait une identité qui ne tient pas debout, au sens figuré et parfois au sens propre du terme. L’addiction ne vient-elle pas parfois alléger une liberté difficile à assumer ? Se déprendre de la fausse identité de malade alcoolique (“je bois pour ne pas être confronté à mon identité”) est un chemin de crête qui suppose des tuteurs de résilience implicites et/ou explicites (16) pour permettre à quelqu’un de retrouver la possibilité d’une autonomie relationnelle. Être libre par rapport à l’alcool, c’est en effet entrer, à nouveau et de nouveau, en capacité d’avoir une liberté relationnelle qui trouve son ancrage dans la vérité retrouvée de son Être. ■

    1. Maisondieu J. Les Alcooléens. Montrouge : Bayard, 2014, p. 33.

    2. Ricœur P. Temps et récit. Paris : Seuil, 1985, 538 p.

    3. Morin E. La méthode. Tome 4 : Les idées. Paris : Seuil, 1991, 416 p.

    4. Claudel P. L’Échange (1re version). Paris: Mercure de France, 1964, 205 p.

    5. Gonnet F. Être ce que l’on boit ou ne pas boire ce que l’on est : là est la question. Société médicale Balint, 28e Congrès national : Le soignant et l’alcoolique, 9-11 octobre 1998, Le Havre.

    6. Ibsen H. Peer Gynt. Librairie académique Perrin, 1949.

    7. Jarry A. L’amour en visites. Paris : Gallimard, 1996, 108 p.

    8. Monjauze M. Comprendre et accompagner le patient alcoolique. Paris : In Press, 3e édition, 2011, 210 p.

    9. Ostermann G, Gomez H, Claudon M. Les représentations de l’alcoolique, images et préjugés. Toulouse: Érès, 2015, 391 p.10. Buber M. Je et tu. Paris : Aubier-Montaigne, 2012, 172 p.11. Barthes R. Mythologies. Paris : Seuil, 1957.12. Playoust D. Intérêt et limites de l’accompagnement par les pairs : de l’idem a l’ipse. Congrès de la SFA du 9 mars 2008, Tourcoing.

    13. Société française d’alcoologie. Mésusage de l’alcool : dépistage, diagnostic et traitement. Recommandation de bonne pratique. Alcoologie et Addictologie 2015; 37(1):5-84.

    14. Ostermann G, Rigaud A, Claudon M. Avance de la parole, de la confiance, auprès d’un patient dépendant de l’alcool. Dépendances 2014;51:13-6.

    15. Sartre JP. L’existentialisme est un humanisme. Nagel, 1946: 141 p.

    16. Ostermann G. Addiction à l’alcool et résilience. Psycho-media 2013;44.

    Références bibliographiques

    G. Ostermann déclare avoir des liens d’intérêts avec Lundbeck.

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