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Linguistique et sémiologie: le projet de Saussure et l'interdisciplinarité Author(s): Simon Bouquet Source: Cahiers Ferdinand de Saussure, No. 54 (2001), pp. 155-161 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/27758628 . Accessed: 19/06/2014 19:28 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers Ferdinand de Saussure. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.79.90 on Thu, 19 Jun 2014 19:28:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Linguistique et sémiologie: le projet de Saussure et l'interdisciplinarité

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Linguistique et sémiologie: le projet de Saussure et l'interdisciplinaritéAuthor(s): Simon BouquetSource: Cahiers Ferdinand de Saussure, No. 54 (2001), pp. 155-161Published by: Librairie DrozStable URL: http://www.jstor.org/stable/27758628 .

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CFS 54 (2001), pp. 155-161

Simon Bouquet

LINGUISTIQUE ET SEMIOLOGIE: LE PROJET DE SAUSSURE ET L'INTERDISCIPLINARITE

Le pr6sent colloque ?Ferdinand de Saussure et l'interdisciplinarit6 des

sciences du langage rdunit des linguistes qui souscrivent - au moins implici tement par leur pr6sence

- a l'idde qu'il est de la nature des sciences du langage de soulever la question de l'interdisciplinarit6. Le Collegium Helveticum, haut

lieu suisse de l'interdisciplinarit6 en sciences humaines, nous a accueilli et je l'en remercie vivement au nom de l'Institut Ferdinand de Saussure. Que la pen s6e de Ferdinand de Saussure puisse, aujourd'hui encore, apporter un eclairage, susciter une mdditation sur l'interdisciplinarit6 en sciences du langage, tel est,

j'imagine, le second pr6suppos6 de notre pr6sence ici. Je voudrais, en guise d'introduction, proposer quelques r6flexions sur ce theme.

La marche des iddes en sciences humaines est r6gulierement ponctu6e par des discours (re)fondateurs. Cela peut s'observer en sciences du langage - alors

m8me que celles-ci, lorsqu'on les regarde au long cours historique, s'averent assises sur des concepts thdoriques singulierement p6rennes (ceux des partes orationis au premier chef, mais aussi ceux des philosophies s6miotiques). La

pr6gnance de discours fondateurs en linguistique - dressant volontiers des

tables rases dans un ddcor d'oubli - est lide a l'apparition du tenne meme de lin guistik au tournant des XVIIIe et XIX* siecles. pr6figurant le d6veloppement

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h6g6monique de la grammaire comparde. Dans cette lign6e, les theses du Cours

de linguistique genirale ont 6t6 reques au XXe siecle par de nombreux linguistes comme inaugurant une ere nouvelle de leur discipline, voire comme dnongant pour celle-ci les principes d'une scientificit6 dont r6pondrait un objet d6sormais

unifid: une <langue envisagde, selon la formule de Bopp, en elle-meme et

pour elle-meme. C'est en s'dtayant de ce principe que se sont d6velopp6s, de

maniere f6conde, de vastes programmes 6pist6mologiques - celui du structura

lisme, mais tout autant celui d'un <<cognitivisme largement connexe avec le

ddveloppement de la grammaire gdnerative - relevant d'une doxa que J.-C. Mil

ner a pu qualifier de linguistique une et indivisible1. Largement r6fdr6e, encore

que de maniere plus ou moins explicite, au Cours de linguistique genirale, une

telle doxa impregne toujours profond6ment les mentalit6s et les institutions scien

tifiques, meme si elle n'est plus arborde de nos jours avec le meme 6clat que dans des d6cennies encore proches.

Dans cette perspective, l'interdisciplinarit6 des sciences du langage aura pris au cours du XXe siecle deux formes particulieres. D'une part celle de l'inter

disciplinariti d'un modele: elle se manifeste par exemple (comme interdiscipli narit6 interne) dans la projection, selon le principe hjelmslevien d'isomorphisme, de la th6orie phonologique sur la th6orie s6mantique; ou encore (comme inter

disciplinarit6 externe) dans la conception d'une m6thodologie linguistique propre a tre 6tendue a l'ensemble des sciences humaines2. D'autre part celle de

l'interdisciplinariti d'une application: il s'est agi en l'occurrence de nouer, a

d'autres fins que de derire la langue <(en elle-memeo, un lien asym6trique entre

des savoirs linguistiques et des disciplines faisant fond sur ces savoirs - l'asy

m6trie du lien, ici, impliquant que les savoirs d6velopp6s par ces disciplines n'ont pas, en principe, d'incidence en retour sur la linguistique. Dans l'un comme

dans l'autre cas, ces modes d'<interdisciplinarit6> ne sauraient remettre en ques tion la conception d'une linguistique une et indivisible3.

Au regard de cette circulation de savoir, pr6ponddrante tout au long du siecle, la reception

- c'est-a-dire l'interprdtation - du Cours a joud, on le sait,

un rle crucial. Or, la lettre sur laquelle s'est fondee cette reception relAve d'une

L'amour de la langue, Paris, Editions du Seuil, 1978. 2 Le projet d'une s6miologie g6n6rale a pu 6tre congu comme r6duisant cette interdis

ciplinarit6 externe a une interdisciplinarit6 interne. La mutation simultande de 1'6tiquette domaniale linguistique en celle, plurielle, de

sciences du langage reflete-t-elle pour autant une force d'6brechement i l'ouvre au sein du paradigme d'une linguistique une et indivisible? Rien n'est moins sfr: ce changement d'6ti quette semble plut6t avoir recouvert des r6organisations conjoncturelles

' des fins institu

tionnelles.

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S. Bouquet: Linguistique et s6miologie 157

histoire peu ordinaire, son apparition premiere n'6tant pas un texte original mais une interprdtation de Bally et Sechehaye4: aussi la lecture du livre de 1916 est

elle n6cessairement interpr6tation d'une interpretation. Le long travail d'ex6

gese, commenc6 en 1957 par R. Godel et qui se poursuit encore - ainsi que la

ddcouverte de nouveaux textes - aura permis ult6rieurement de r6interpr6ter les

interprdtations pr6c6dentes, sur la base de la lecture de textes originaux (c'est a-dire sur la base de nouvelles interprdtations). Il en r6sulte que toute r6fdrence

a la pensde de Saussure, hormis celle qui ignore ddlibdrdment les textes origi naux, est tissde aujourd'hui de plusieurs textes et que, par un paradoxe qui n'est

qu'apparent, la lecture du texte de Bally et Sechehaye et de ses commentaires ddtermine la lecture des textes originaux tout autant que 1'inverse.

Ce qui peut, selon cette configuration de lectures, etre tenu pour ?la pensde de Saussure> apparait certes avoir 6tayd le courant h6g6monique d'une linguis

tique une et indivisible. Mais il ne s'agit la que d'un aspect de cette pens6e, a

savoir la conception d'une linguistique de la langue - au sens oh' le Cours de

linguistique gindrale la ddfinit (d'une maniere a laquelle les textes originaux

imposent finalement peu d'amendements radicaux). Or si Saussure a effective ment fait le projet d'une telle linguistique prdfigurant celle mise en ouvre tout au long du XX* siecle, son projet 6pist6mologique pour les sciences du langage ne saurait etre riduit a cette linguistique. En d'autres termes, une linguistique de la langue ne peut a elle seule etre tenue, dans l'optique saussurienne, pour une linguistique ginerale.

Pour faire apparaitre le programme 6pist6mologique de Saussure dans sa

g6n6ralit6 -autrement dit pour remettre en cause la conception d'une linguisti que de la langue tenant lieu de linguistique g6n6rale une et indivisible - il suf

fit de confronter les textes originaux a deux propositions largement admises:

(1) que la linguistique est la science de la langue en elle-meme et pour elle

meme; (2) que le projet d'une simiologie, entendue comme science generale de signes, n'est finalement pas essentiel a' 1 'epistimologie saussurienne de la

linguistiquel.

* En outre, les cahiers d'6tudiants - sur lesquels s'est fondde, essentiellement, la

r6daction du Cours - interpr6taient, d6ja, la parole de Saussure.

s La premiere proposition est monnaie courante chez les linguistes; la seconde, plus subtile bien que s'articulant logiquement a la premiere, est soutenue par exemple par Milner (cf. notamment Introduction a une science du langage, Paris, Editions du Seuil, p. 132).

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158 Cahiers Ferdinand de Saussure 54 (2001)

Trois dualitds conceptuelles quadrillent le programme 6pist6mologique saus

surien pour les sciences du langage. Les deux premieres -

l'opposition syn chronie / diachronie et l'opposition signifiant / signifi6

- ont fait 6cole et ont

contribud a asseoir durablement des champs de pratiques descriptives claire ment identifids'. La troisieme, l'opposition langue / parole, n'a pas connu un tel

destin, notamment parce qu'elle n'est pas clairement th6matisde dans le Cours.

Tout d'abord les deux acceptions homonymes de parole -

l'acception (1)

renvoyant a la matiere phon6tique; l'acception (2) r6f6rant i une production individuelle de sens - ne sont pas toujours distingu6es dans le texte de Bally et

Sechehaye, ce qui l'obscurcit notablement. Ensuite, la synonymie entre parole - dans 1'acception (2)

- et discours, r6currente dans les legons orales et dans les 6crits du linguiste, n'est pas refl6tde par le Cours: de fait, les rddacteurs ont

laissd de c8td la plupart des occurrences du terme de discours, ainsi que la th6o ne du discours (c'est-a-dire: la th6orie de la parole) qui prend forme dans les

passages ou. apparait ce tenne - une thdorie qui remet notamment en question la distinction langue/parole sur le chapitre de la syntaxe7. Enfm, et surtout, le livre de 1916 occulte l'importance d'une linguistique de la parole dans le pro gramme de Saussure. On sait que les r6ticences exprimdes par le Cours a l'6gard d'une linguistique de la parole reviennent a l'initiative des 6diteurs: les 6crits du linguiste genevois t6moignent au contraire de ce qu'il tenait cette linguis tique pour complementaire de la linguistique de la langue; on sait qu'il a insist6, dans ses cours, sur la linguistique de la langue en r6servant explicitement la

question de la linguistique de la parole8; on sait que son dernier 6crit de lin

guistique g6ndrale affimne encore, avec force, cette dualit6 de la linguistique. Il

s'ensuit que la phrase sur laquelle se conclut le Cours - ?La linguistique a pour

unique et vdritable objet la langue envisagde en elle meme et pour elle meme -,

tres r6gulierement cit6e par les linguistes comme la d6fmition canonique de leur

discipline, est non seulement apocryphe mais diamdtralement opposde a la

conception saussurienne.

Qu'il y ait une science grammaticale de la langue consid6rde en elle-meme et pour elle m8me, certes Saussure l'affirme, et le courant fortement logico grammatical de la linguistique contemporaine est bien en cela h6ritier du Cours.

6 La conception de la correlation de ces deux oppositions demeure toutefois, semble

t-il, aujourd'hui encore, incompletement explorde. 7

Cf. Simon Bouquet, <Y a-t-il une thdorie saussurienne de l'interprdtation? , Siman

tique de l'intertexte, Cahiers de Praximatique, N* 33, 2000 et Introduction d la lecture de

Saussure, Paris, Payot, 1997, notamment pp. 263-269. 8 <Ici, pour la premiere fois question de deux Linguistiques>, 6crit-il dans ses notes

prdparatoires pour le cours de 1908-1909.

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S. Bouquet: Linguistique et s6miologie 159

Mais le programme 6pist6mologique saussurien dessine, sans qu'il soit permis d'en douter, une seconde perspective

- esquisse un second point de vue - propre

a unifier des pratiques descriptives en sciences du langage: on ne peut, selon lui, concevoir l'objet de la linguistique sans concevoir la complementarit6 des points de vue de la langue et de la parole. En d'autres termes, eu 6gard a cette compl6 mentarit6, envisager le domaine de la linguistique en se fondant sur une notion

de <langue en elle-meme>> est une abstraction, au sens p6joratif donn6 par le

Genevois A ce terme. De fait, dans ses ecrits d6couverts r6cemment, la concep tion - et l'6cole -

qui auront inspir6 a Bally et Sechehaye leur trop c6ebre phrase finale sont, par une ironie du sort, pr6cis6ment stigmatisdes par Saussure: le

grand malentendu de Bopp et de ses successeurs a 6td, dcrit-il, <<de preter aux

langues un corps et une existence imaginaire en dehors des sujets parlants 9.

En bref, pour Saussure, la linguistique g6ndrale est bien une science du lan

gage en ce que le concept de <langage s'y entend comme subsumant la langue et la parole. Pour dire cela autrement: une science du sens ne saurait prendre consistance qu'au croisement d'une linguistique de la langue et d'une linguis

tique de la parole.

A la lumiere de cette 6pist6mologie d'une linguistique double, le fameux

sch6ma du signe, rdunissant un signifid et un signifiant au sein d'un ovale divis6

par un trait horizontal10, ne saurait etre tenu pour l'illustration d'une thdorie du sens - autrement dit un tel sch6ma ne saurait repr6senter une th6orie <s6miolo

gique d langage; il ne s'agit que d'un module du sens: le module grammati cal (le concept de <<grammatical s'entendant comme propre a qualifier tous les

systemes impliquds dans la valeur en langue). Quelle est, alors, la th6orie du sens incluant complimentairement la langue, c'est-a-dire des systemes gramma ticaux pouvant etre considdr6s comme modulaires, et la parole? Cette question revient A celle de d6finir un objet: l'objet, ici, est celui d'une science envisageant ensemble (1) les modules grammaticaux et (2) le <contexte d'usage

- les pre miers, qui appartiennent a l'ordre virtuel de la langue, 6tant vou6s a etre actua lisds (sdlectionnds, si l'on veut) par le second pour produire une interpr6tation.

Ecrits de linguistique gengrale, '

paraitre (S. Bouquet et R. Engler, ds.), Paris, Gallimard. (Saussure parle ici des linguistes du XIX* siecle. Cette phrase s'applique ais6 ment

' la linguistique logico-grammaticale au XX*. - La question de savoir si Bally a ceuvr6

A renforcer 1'aspect <<abstrait , c'est-a-dire <<grammatical , de la pensde saussurienne pour

d6marquer celle-ci de sa propre r6flexion linguistique reste ouverte.) 10 Dans les textes originaux, cette division est marqude par un trait pointilld plut6t que

par un trait plein.

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160 Cahiers Ferdinand de Saussure 54 (2001)

De cette intersection de la grammaire et du contexte, r6pond un concept qui ne

se trouve pas chez Saussure, mais chez L. Hjelmslev: le concept de <<texte -

duquel F. Rastier s'est appliqu6 plus r6cemment a donner une ddfmition tech

nique1; un concept auquel r6pond chez d'autres linguistes (comme A. Culioli) le terme d'i"nonci.

Que la notion saussurienne de <<s6miologie linguistique , regard6e dans les textes originaux, apparaisse comme ressortissant i une science du langage et non a une science de la langue, une ddfmition abrupte l'illustre:

S6miologie [linguistique] =

morphologie, grammaire, syntaxe, synony mie, rh6torique, stylistique, lexicologie, etc. - le tout 6tant insiparable".

La conjonction, attach6e a une telle 6quation, d'une science de la grammaire et d'une science de l'actualisation contextuelle de la grammaire s'assoit sur la

bipartition historique des sciences du langage", ' laquelle elle offre un principe

de r6-articulation14. Cette conjonction sous-tend aussi defacto, chez Saussure,

1'application du concept de ?s6miologie> i d'autres systemes de signes que celui

(ceux) du langage. Ainsi dans les exemples de ?s6miologies qu'il prend avec

les signaux militaires et les signaux maritimes: les drapeaux se trouvent reve

tus de sens du fait d'^tre plant6s <sur la collineo1 ou hiss6s <<sur un mat>>16 -ici

la <rdalit6 s6miologiqueo est bien posde comme r6sultant de la double d6ter

mination d'un systeme grammatical (in absentia) et d'une <<position contex

tuelle (in praesentia).

Dans cette optique, il devient evident qu'une s6miologie linguistique 6claire une s6miologie g6ndrale, et s'6claire aussi le rapport paradoxal, pr6vu par Saus

sure, dans lequel entrent ces deux champs de description. Et surtout il n'est plus possible de soutenir que le projet saussurien d'une s6miologie gendrale a avort6;

" Cf. par exemple <Pour une s6mantique des texteso, in Mahmoudian, M. (6d.), Fon

dements de la recherche linguistique. Perspectives epist9mologiques, Cahiers de l'ILSL, n* 6, Universit6 de Lausanne, 1995; Semantique interpretative, deuxieme 6dition, Paris, Presses Universitaires de France, 1996

1 Ecrits de linguistique generale, op. cit.

' F. Rastier th6matise et 6tiquette cette bipartition: c'est celle du logico-grammatical et du rhitorique/hernmineutique (cf. r6f6rences supra).

" La s6mantique interpr6tative de Rastier met en oeuvre une telle rd-articulation. -

Que la linguistique dite <saussurienneo s'en soit peu prdoccupde, c'est un fait patent. Marie

Claude Capt-Artaud y fait figure d'exception, qui entend pr6cis6ment int6grer la tradition des synonymistes et la tradition rh6torique dans une rdflexion sur le concept de <valeur (cf. son Petit traitg de rhetorique saussurienne, Gen6ve, Droz, 1994).

15 <<Unde Exoriar , Ecrits de linguistique generale, op. cit.

1 Ecrits de linguistique generale, op. cit.

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S. Bouquet: Linguistique et semiologie 161

tout ce qu'on peut dire, c'est que, n6cessairement rh6torique/herm6neutique tout autant que logico-grammatical, il n'aura pu prendre forme qu'incognito, en

cela que forc6ment coupe de l'6pist6mologie purement logico-grammaticale

regue du Cours, -

coup6 en fait du paradigme majeur en sciences du langage au

XX* siecle.

Pour conclure je soutiendrai qu'en r6futant les deux propositions la lin

guistique est la science de la langue en elle-meme et pour elle meme et une

semiologie g6n6rale n'est pas essentielle u l'epistimologie saussurienne de la

linguistique, on permet a deux modes d'interdisciplinarit6 - c'est-a-dire a deux

points de vue permettant de sp6cifier le concept d'<interdisciplinarit6> - de se

dessiner dans notre interprdtation de la pensde du linguiste genevois, regardant

l'interdisciplinarit6 de la linguistique tout autant que celle de la s6miologie.

Le premier est celui d'une interdisciplinarit6 interne '

la linguistique. Cette

interdisciplinarit6 peut etre vue - quels que soient les nombreux visages qu'elle est susceptible de prendre a travers la sp6cialisation des recherches contempo raines - comme impliquant avant tout l'articulation des constituants logico

grammaticaux et rh6toriques/herm6neutiques du langage, dans la mesure ou'

cette articulation s'avere n6cessaire a soutenir une analyse du sens. C'est de

cette interdisciplinarit6 interne qu'il sera avant tout question dans ce colloque.

Le second mode est celui d'une interdisciplinarit6 externe. Bien que cruciale

pour la comprdhension de la pens6e saussurienne, cette interdisciplinarit6-l n'est

pas directement visde par notre colloque. Son importance, en effet, est g6ndrale: elle tient, a mon sens, a ce que le projet d'une <science des signes au sein de la

vie sociale puisse etre interprdt6 non comme le projet d'une science unifide

mais, pr6cis6ment, comme le projet d'un point de vue d'interdisciplinariti pour les sciences humaines".

Adresse de 'auteur:

[email protected]

" Le colloque Semiotique des cultures et sciences cognitives (Geneve-Archamps, juin

1999) a voulu rendre compte de cet aspect de la pens6e saussurienne. Cf. notamment ma

communication: <<De l'hexagramme cognitiviste " une s6miotique de l'interpr6tationo.

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