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Lettres persanes Choix de lettres Montesquieu Livret pédagogique HACHETTE Éducation Établi par Stéphane GUINOISEAU, agrégé de Lettres modernes,

Livret pédagogique - BIBLIO - HACHETTE · ternaire) par les deux autres mots clefs du passage : ... De plus le rituel de la prière (qui pourrait marquer la résurgence d’un désir

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Lettres persanesChoix de lettres

Montesquieu

L i v r e t p é d a g o g i q u e

HACHETTEÉducation

Établi par Stéphane GUINOISEAU,agrégé de Lettres modernes,

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Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122-4 etL.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usageprivé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « lesanalyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute repré-sentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteurou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ».Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisa-tion de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue desGrands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par lesarticles 425 et suivants du Code pénal.

© Hachette Livre, 2003.

43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15.

ISBN : 2.01.168693.8

Conception graphique

Couverture et intérieur : Médiamax

Mise en page

Médiamax

Illustration

Harvey Stevenson

AvertissementCertaines questions « Lire l’image » et les questions « À vos plumes ! » faisant appel àl’expression personnelle des élèves, il n’est pas donné de corrigé type.À la suite des réponses du questionnaire de chaque groupement sont données des ques-tions complémentaires à proposer aux élèves et qui permettent d’ouvrir la réflexionengagé sur chaque ensemble de lettres à des sujets plus larges.

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R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S 4

L e s T r o g l o d y t e s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

L a d é c o u v e r t e d e P a r i s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 2

L a s a t i r e d e s m œ u r s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 7

L’ a c t u a l i t é e t l a s a t i r e p o l i t i q u e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 5

L a s a t i r e r e l i g i e u s e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 3

L a c o n d i t i o n f é m i n i n e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 1

L e r o m a n d u s é r a i l . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 8

L e s d e u x p r é f a c e s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 5

R e t o u r s u r l ’ œ u v r e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 0

P R O P O S I T I O N D E S É Q U E N C E D I D A C T I Q U E 61

E X P L O I TAT I O N D U G R O U P E M E N T D E T E X T E S 62

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N TA I R E 64

S O M M A I R E

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R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Les deux personnages qui échangent des lettres sont Usbek (narrateurprincipal des Lettres persanes, signataire de 77 lettres sur 156 – Rica n’en signeque 46) et Mirza, un des amis orientaux d’Usbek.

2. Usbek écrit depuis Erzeron, ville située en Turquie. Mirza écrit depuisIspahan, ville de Perse d’où est parti Usbek.

3. Début de la lettre 11 : « Mon cher Mirza, il y a une chose qui me flatte encoreplus que la bonne opinion que tu as conçue de moi : c’est ton amitié qui me la procure ». On prendra soin d’expliquer la phrase aux élèves et de souligner lereport du mot « amitié », annoncé par un terme vague indéfini (« une chose »)qui ménage une attente et met en valeur le mot différé.La relation entre les deux personnages est un lien d’amitié que le début de lalettre 11 confirme. On en profitera pour préciser que le second personnagecité, Rica, est le compagnon de voyage d’Usbek et que les deux Persans serendent à Paris.

4. L’apologue des Troglodytes (on définira le mot apologue : petite fablevisant à illustrer une leçon de morale) est censé répondre à une demanded’explication de Mirza. On remarquera ici que deux des mots clefs du développement sur les Troglodytes sont présents dans la phrase qui précèdel’interpellation directe d’Usbek : « Je t’ai souvent ouï dire que les hommes étaientnés pour être vertueux, et que la justice est une qualité qui leur est aussi propre quel’existence » (lettre 10, l. 9-11). La réponse d’Usbek (on peut à l’occasion évo-quer la structure dialogique de l’échange épistolaire) montre plutôt les rela-tions entre la vertu individuelle, largement assimilée à un altruisme, à undévouement, et la justice sociale pour la communauté. Aucune société nepeut survivre sans mettre en œuvre cette vertu humaine et cette justice col-lective : aucune société ne peut prospérer sur le principe d’un intérêt pure-ment égoïste ou strictement individualiste.

5. Le récit consacré aux Troglodytes occupe la majeure partie de la lettre 11,les lettres 12, 13 et 14. On remarquera qu’aucune intervention du destina-taire ne vient interrompre ce mythe.

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6. Seules deux familles échappent au règne de l’injustice (« De tant de familles,il n’en resta que deux qui échappèrent aux malheurs de la Nation. », l. 3-4).

7. La formule qui lance le passage est assez vague : « il y avait dans ce pays deuxhommes bien singuliers : ils avaient de l’humanité » (l. 4-6). Le mot humanité peutêtre ici opposé à l’inhumanité des précédents Troglodytes obsédés par leurintérêt individuel et mesquin. C’était bien la prise en compte d’une altéritéhumaine, d’un lien aux autres hommes qui était négligée voire anéantie parleur comportement. Le mot humanité est complété (dans une tournure ternaire) par les deux autres mots clefs du passage : « Ils avaient de l’humanité ;ils connaissaient la justice ; ils aimaient la vertu » (l. 5-7). On pourrait relire laphrase à rebours : la vertu individuelle est garante d’une justice à l’égard desautres (passage donc du plan de l’individu à celui de la communauté). Cettejustice assure une relation d’humanité (passage de la communauté restreinte,familiale par exemple dans le développement, à une relation essentielle quifonde la société). La relation de solidarité qui est ensuite décrite ne fait queconfirmer et démontrer ce souci d’autrui nécessaire à la justice et à la société :« Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun » (l. 10-11).On soulignera la répétition symbolique de l’adjectif « commun » qui distinguevraiment ces Troglodytes « altruistes » de leurs contre-modèles « égoïstes ».

8. La religion est bien présente dans la lettre 12. On soulignera ici qu’il s’agitd’une religion polythéiste (les « dieux », l. 39) et l’on rappellera la significationdu mot que l’on distinguera du monothéisme. D’autre part cette religion qui« adoucit » les mœurs n’est pas décrite comme la mise en pratique d’un rituelrigide et solennel. Au contraire, la pratique religieuse semble assez festive : fêtes,danses, musique, festins et joie sont les signes positifs d’une harmonie sociale,d’une sociabilité active, d’un lien communautaire (on en profitera pour rappe-ler l’étymologie du mot religion, « religare » : relier). De plus le rituel de laprière (qui pourrait marquer la résurgence d’un désir strictement individuel etégoïste) est lui aussi marqué par le principe d’humanité altruiste : « Ils n’étaientau pied des autels que pour demander la santé de leurs pères, l’union de leurs frères, latendresse de leurs femmes, l’amour et l’obéissance de leurs enfants » (l. 53-56).

9. Ce qui suscite l’envie des peuples voisins c’est moins le bonheur et l’harmonie que la prospérité économique du peuple Troglodyte. Une phrasepeut l’illustrer : « Tant de prospérités ne furent pas regardées sans envie » (l. 30). On remarquera que l’envie manifestée ici s’oppose à la générosité montréepar les exemples multiples cités dans le début de la lettre 13.

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10. C’est l’essor démographique du peuple Troglodyte qui suscite une évo-lution politique : alors que la communauté restreinte pouvait vivre sur uncontrat social tacite, le développement de la population semble exiger desstructures et des institutions différentes.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

11. Le titre qui précède chaque lettre est évidemment le premier indice. La présence de l’auteur et de son destinataire au début de chaque lettre le confirme. On ajoutera que le lieu mentionné dans cet en-tête est celui oùla lettre est envoyée. Enfin la mention du lieu d’envoi ainsi que de la date de rédaction sont présentes en fin de lettre. On peut ajouter que la présencedes pronoms personnels du discours (je, tu) confirme, elle aussi, l’échangeépistolaire.

12. On en profitera pour distinguer auteur et narrateur. L’auteur des lettresest bien sûr Montesquieu qui les attribue à des narrateurs fictifs. On pourrapréciser que le travail du romancier consiste aussi à se choisir un ou plusieursnarrateurs qui peuvent (mais ce n’est pas obligatoire) lui servir de relais oud’écrans pour formuler un certain nombre d’idées personnelles. C’est en partie vrai pour les Lettres persanes. En partie seulement car les opinions quemanifeste Usbek ici et là ne sont pas celles de Montesquieu et son compor-tement de petit tyran oriental avec son harem le signale clairement. Même sil’auteur (cf. questionnaire sur les préfaces, p. 126) utilise le subterfuge d’unepréface censée le transformer en simple éditeur, procédé assez habituel auXVIIIe siècle pour déjouer la censure et maintenir l’illusion romanesque, lesnarrateurs sont ici des personnages de fiction.

13. La lettre 11, qui montre l’échec d’une société fondée sur l’intérêt égoïsteet la force, développe aussi plusieurs exemples de vengeance. Celle-ci est uneréponse, en quelque sorte, à l’injustice flagrante et arrogante :– Elle est présente dans la première scène qui met en jeu les aléas climatiques.Parce qu’ils ont subi la famine en période de sécheresse, les peuples des mon-tagnes décident de se venger et de laisser mourir les peuples des valléeslorsque le climat leur est plus favorable (des pluies).– Parce qu’il est « pénétré de l’injustice de son voisin », l. 72 (qui lui a ravi safemme) et « de la dureté du juge », l. 73 (qui a refusé de statuer et démontréune indifférence au principe de justice altruiste), la victime séduit la femmede son juge indifférent et se venge ainsi de la double offense.

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Le médecin qui prononce la harangue finale de la lettre 11 se venge de l’injustice subie en refusant de soigner les Troglodytes. Pour lui, le fléau quiles accable est la juste punition des Dieux offensés par l’absence d’éthique des Troglodytes. (« vous n’avez point d’humanité […] les règles de l’équité voussont inconnues », l. 117-118).

◆ ÉTUDIER UN THÈME : L’INJUSTICE

14. Lettre 11 : « Ils avaient un roi d’une origine étrangère, qui, voulant corriger laméchanceté de leur naturel les traitait sévèrement » (l. 20-21). « Ce peuple, librede ce nouveau joug, ne consulta plus que son naturel sauvage » (l. 28-29).L’exemple des Troglodytes, qui sera nuancé dans la lettre suivante par l’ex-ception exemplaire de deux familles, semble montrer que l’homme laissé àson seul désir est naturellement violent et injuste, préoccupé avant tout de sapropre satisfaction. En fait une certaine ambivalence se dégage du mythepuisque la majorité des Troglodytes cède à un « naturel sauvage » mais que le développement de la lettre 12 montre aussi un « naturel » généreux etaltruiste, plus exceptionnel tout de même.

15. L’altruisme est « la disposition à s’intéresser et à se dévouer à autrui ». Onpourra préciser au passage la définition et la construction des mots philan-thropie et misanthropie. Le contraire de l’altruisme est l’égoïsme. Deuxphrases pour illustrer cette opposition dans la lettre 11 :« […] tous les particuliers convinrent qu’ils n’obéiraient plus à personne ; que chacunveillerait uniquement à ses intérêts, sans consulter ceux des autres » (l. 29-31).« Je penserai uniquement à moi ; je vivrai heureux. Que m’importe que les autres lesoient ? » (l. 34-36).

16. L’absence de justice qui caractérise la société individualiste desTroglodytes est la conséquence de leur fonctionnement égoïste. Tous lesexemples montrent que l’absence d’altruisme conduit à l’indifférence auxmalheurs d’autrui et que cette indifférence annonce le règne de l’injusticepuisque personne ne se soucie de lois valables pour tous et de leur respect.Dès lors c’est le règne du plus fort et de la violence. Cette dernière engendreà son tour une mécanique sans fin puisque la frustration du faible suscite undésir de vengeance que l’on voit fonctionner dans les divers exemples de la lettre.

17. Les Troglodytes décident d’élire un homme âgé réputé pour sa vertu. Cequi les guide c’est la moralité et l’expérience de leur représentant.

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18. La réaction du roi pourra surprendre puisqu’il semble repousser sa dési-gnation par modestie. Il l’accepte ensuite, contraint et contrit. Le passage dumythe de l’âge d’or à l’histoire, de l’harmonie paradisiaque à un régime poli-tique qui suppose contrainte, lois et pouvoir est symboliquement marqué parles larmes du vieillard. Celui-ci donne ensuite une explication tout à faitintéressante : seule la vertu (l’inclination altruiste donc) permettait auxhommes de survivre dans l’état de nature mythique. Désormais, la sociétédépendra moins de la vertu commune que de la volonté du Prince et la vieen société ne supposera plus vraiment l’exercice actif de l’altruisme…Chacun pourra agir de façon plus individualiste dans le cadre formel imposépar la justice et les lois. (« […] vous pourrez contenter votre ambition, acquérir desrichesses et languir dans une lâche volupté et […] pourvu que vous évitiez de tomberdans les grands crimes, vous n’aurez plus besoin de la vertu », lettre 14, l. 25-28.)

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

19. On en profitera pour expliquer en détail les informations étymologiquesdonnées dans le Petit Robert : « 1721 ; n. pr. de peuple XIIe ; lat, troglodyta,peuple sauvage d’Afrique ; gr. Trôglodutês “qui entre dans les trous” ».– 1721 : date d’apparition du mot en français moderne avec son sens actuel :habitant d’une excavation naturelle (caverne, grotte) d’une demeure aména-gée dans la terre, le roc. (Le mot s’est répandu visiblement à la suite de laparution des Lettres persanes en 1721.)– Au XIIe siècle le mot est présent (en ancien français) et il désigne plus précisément un peuple africain.– Le mot a été emprunté au latin qui désignait ainsi un peuple d’Afrique.– Le latin a formé ce mot sur une double racine grecque (trôglê : trou ; dutês :qui entre dans). Au Mexique, certains indiens Tarahumaras vivent encore danscertaines excavations dans le nord du pays.

20. Le mot « vertu » est pris dans son sens ancien et étymologique de mérite.Il désigne le sens éthique, la force morale.On a vu (cf. question no 4) qu’il était déjà présent dans la lettre de Mirza :« la pratique de la vertu » (l. 9), « les hommes étaient nés pour être vertueux » (l. 10).Il est absent de la lettre 11 qui décrit la disparition de la vertu.Il réapparaît dans la lettre 12 : « ils aimaient la vertu » (l. 6-7), « La terre semblaitproduire d’elle-même, cultivée par ces vertueuses mains » (l. 15-16), « Toute leur atten-

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tion était d’élever leurs enfants à la vertu » (l. 18-19), « que la vertu n’est point unechose qui doive nous coûter, qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible »(l. 23-25), « Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux » (l. 27), « la vertu,bien loin de s’affaiblir dans la multitude, fut fortifiée » (l. 31-32), « ils chantaient lesinjustices des anciens Troglodytes et leurs malheurs, la vertu renaissante » (l. 64).Lettre 13 : « Je ne saurais assez te parler de la vertu des Troglodytes » (l. 1), « Telfut le combat de l’Injustice et de la Vertu » (l. 59).Lettre 14 : « un vieillard vénérable par son âge et une longue vertu » (l. 4-5), « votrevertu commence à vous peser […] il faut que vous soyez vertueux malgré vous »(l. 18-19), « vous n’aurez pas besoin de la vertu » (l. 28), « voulez-vous qu’il fasseune action vertueuse » (l. 32), « Pourquoi voulez-vous que je les afflige, et que je soisobligé de leur dire que je vous ai laissées sous un autre joug que celui de la Vertu »(l. 36-38).

21. Dissension. Synonymes : discorde, déchirement, opposition. Antonymes :concorde, harmonie.

22. Submerger : submersion et submersible ; immerger, émerger, immersion.

23. Le radical d’implorer vient du latin « plorare », pleurer. Trois mots de lamême famille : déplorable, éploré, imploration.

24. Pût est l’imparfait du subjonctif du verbe pouvoir.La subordonnée relative peut se mettre au subjonctif quand « l’antécédentcontient un superlatif ou une expression de valeur analogue, formée au moyen desadjectifs seul, premier, dernier, unique, suprême. » (Grévisse, Le Bon usage, p. 1327).Transformation au présent : « Tu es le seul qui puisse me dédommager del’absence de Rica et il n’y a que Rica qui puisse me consoler de la tienne ».

25. Le verbe fournir est conjugué au présent du subjonctif (je fournisse, tufournisses, il fournisse, nous fournissions, vous fournissiez, ils fournissent),dans une subordonnée conjonctive de but introduite par Pour que.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

26. Une maxime est une « formule lapidaire énonçant une règle morale ou un jugement d’ordre général » (Petit Robert).Quelques maximes présentes dans la lettre 12 : « l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun » (l. 21-22), « la vertu n’est point une chosequi doive nous coûter » (l. 23-24), « la justice pour autrui est une charité pour nous »(l. 25-26).

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27. La comparaison implicite des larmes avec un torrent est une métaphore.

28. Le mot « vertu » revient six fois dans la lettre 14 et cinq fois dans le dis-cours du vieil homme. On remarquera qu’il est présent trois fois sous laforme substantive avec une majuscule dans la dernière occurrence qui clôtsymboliquement tout le passage consacré aux Troglodytes. Il est présent deuxfois sous la forme adjective « vertueux ».La répétition souligne l’importance de la transition et la menace qui pèse surl’exercice de la vertu : alors que l’absence d’ordre politique reposait surl’exercice d’une vertu partagée et préservée, l’instauration d’un régimemonarchique est menacée doublement : la vertu du roi n’est plus garantie parla loi d’équilibre entre sujets, la vertu des sujets n’a plus besoin de s’exercerpour préserver l’harmonie sociale.

◆ ÉTUDIER L’ORTHOGRAPHE

29. Le mot charrue (lettre 12) prend deux R. Les composés de char pren-nent deux R (charrette, charretier, charrier…) sauf le mot chariot.

30. Il n’était point velu comme un ours, il ne sifflait point ; il avait deux yeux,mais il était si méchant et si féroce qu’il n’y avait chez lui aucun principed’équité et de justice. Il avait un roi d’origine étrangère, qui voulant corrigerla méchanceté de son naturel le traitait sévèrement. Mais il conjura contre lui,le tua et extermina toute la famille royale.

◆ ÉTUDIER LE GENRE : RÉCIT MYTHIQUE ET RÉCIT HISTORIQUE

31. Le récit des Troglodytes relève davantage du mythe que du récit histo-rique. Les Troglodytes symbolisent l’humanité à son origine : Montesquieune retrace pas l’histoire réelle d’un peuple appelé Troglodytes mais développeson apologue en donnant un caractère emblématique au peuple qu’il a choisi.

32. Dans un mythe ou un récit des origines, l’âge d’or désigne l’âge pendantlequel règnent la paix et l’harmonie entre les êtres humains.

33. Dans la lettre 12, les Troglodytes, après les dérèglements des premiersâges, atteignent un âge d’or grâce à la vertu exemplaire de deux familles d’ex-ception. La description ici montre l’harmonie et la paix triomphantes. Ex. : « Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun […]ils menaient une vie heureuse et tranquille. La terre semblait produire d’elle-même, cultivée par ces vertueuses mains » (l. 10 à 16).

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Ce premier âge d’or limité à quelques individus de deux familles n’est pasmenacé par l’extension démographique et l’évolution. La description desfêtes religieuses présente plus loin dans la lettre pourrait à nouveau illustrerle thème choisi. En effet l’harmonie entre les humains et la Nature mais aussientre les humains eux-mêmes exclut toute forme de déséquilibre, de vio-lence ou de péril : « C’était dans ces assemblées que parlait la Nature naïve : [...]c’est là que la pudeur virginale faisait en rougissant un aveu surpris […] » (l. 43 à 46).

◆ LIRE L’IMAGE

36. Les premières pierres du château de La Brède furent assemblées dès la findu XIe siècle. La demeure de Montesquieu sera progressivement modeléeautour d’un noyau « gothique ». Extrait du site Internet consacré à la ville deLa Brède. Partie Patrimoine, « le château de La Brède » : « Bâtisse austère élevée sur des fondations du XIIe siècle, la forteresse est entiè-rement reconstruite dans les premières années du XIVe siècle, après sondémantèlement en 1283, au cours de la guerre de Cent ans. En 1404, le papeBoniface IX autorise la construction d’une nouvelle chapelle, attenante audonjon. En 1419, le château est remanié pour lui donner son aspect actuel.Son gros donjon rectangulaire, les trois ponts-levis et ses importantes douves,qui éclairent un beau jardin à l’anglaise, ravissent, aujourd’hui encore, plusd’un promeneur.Le château entre dans la famille de Montesquieu en 1686, apporté par MarieFrançoise de Pesnel lors de son mariage avec Jacques de Secondat. C’est dansce lieu que naît, le 18 janvier 1689, Charles de Secondat, futur baron de LaBrède et de Montesquieu. »

◆ RECHERCHES ET DÉBATS

• Recherchez des informations sur la ville d’Ispahan aujourd’hui. (Où est-elle située ? Combien d’habitants a-t-elle ? etc.)

• Recherchez sur Internet deux sites donnant des informations sur la vie de Montesquieu. Recherchez le site consacré à sa ville natale et notez son adresse.

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◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. La lettre 24 est écrite par Rica depuis Paris. Elle est destinée à Ibben quiréside dans la ville de Smyrne (actuellement Izmir en Turquie).

2. Rica est d’abord frappé par la hauteur des maisons parisiennes. On peutsupposer que les habitations de sa ville d’origine comportent peu d’étages.

3. C’est la rapidité du rythme parisien qui surprend Rica (où l’on voit quece sujet d’étonnement contemporain n’est pas nouveau…). Là encore la sur-prise est créée par le décalage entre le rythme oriental habituel (« les voitureslentes d’Asie, le pas réglé des chameaux », l. 15-16) et la course frénétique desparisiens. On peut là aussi lier cette remarque à des développements pluscontemporains qui opposent le plaisir de la marche (chez Lacarrière parexemple), l’esthétique de la lenteur (Sansot, ou Paul Virilio), et la vie rapidedes modernes urbains.

4. Entraînés dans ce rythme frénétique, les parisiens semblent oublier lesrègles élémentaires de la courtoisie et de la politesse : les voitures éclabous-sent les passants, les agités du trottoir bousculent les piétons attardés (« je nepuis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement »,l. 20-22). La description aboutit à une scène cocasse plutôt burlesque où l’onvoit le narrateur faire deux demi-tours qui le remettent finalement sur ses pas.

5. La lettre est datée de 1712. On en profitera pour évoquer le décalage entrela sortie de l’ouvrage (1721), son écriture (à partir de 1717 principalement)et la datation des lettres qui commence en 1711. On rappellera que Louis XIV est encore roi en 1712, et qu’il meurt en 1715, laissant la place àPhilippe d’Orléans pour la Régence. Ce léger déplacement chronologiquepermet d’évoquer sa fin de règne. Elle est donc le fruit d’une stratégie critique calculée.

6. La satire de la vanité est un thème habituel des discours moralistes (pré-sent chez La Bruyère, La Rochefoucauld ou La Fontaine). L’originalité deRica est ici de généraliser la critique à l’ensemble des sujets du royaume. Lavanité n’est pas seulement celle de quelques courtisans, elle est générale.Logiquement donc, la supériorité de Louis XIV et de la France sur les paysvoisins viendrait de la prétention supérieure des Français. Le narcissismenationaliste, ici visé, est mis à nu : le narcissisme de la pompe royale ne fait

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que refléter celui du peuple qui l’accepte et y mire le spectacle satisfait d’unesplendeur exhibée.

7. Le développement sur le roi-magicien généralise là aussi la critique à l’en-semble des sujets français : « il exerce son empire sur l’esprit même de ses sujets »(l. 39-40). Les Français qui croient en grande majorité aux pouvoirs thauma-turgiques du roi sont présentés comme des êtres naïfs. En arrière-plan decette dénonciation se profile une critique de fond qui pointe le prestige quasireligieux de la fonction royale à l’époque de Louis XIV, prestige que l’abso-lutisme n’a fait que renforcer. Des théologiens comme Bossuet se sont eneffet employés à montrer que le roi incarne l’autorité de Dieu sur terre, queson pouvoir repose sur cet absolu et qu’il doit être sans limites.

8. Rica dénonce les tours de magie du roi et du pape.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

9. Rica emploie le pronom « nous » car il s’est rendu à Paris en compagnied’Usbek. Le premier « nous » remplace donc Rica et Usbek. En revanche,dans le dernier paragraphe, ce même pronom représente le narrateur de lalettre et son destinataire, Rica et Ibben : « C’est bien la même Terre qui nousporte tous deux » (l. 100-101).

10. La présence du destinataire apparaît à plusieurs reprises dans la lettre 24, sousla forme du pronom personnel de deuxième personne « tu » ou « te » : « Tu jugesbien qu’une ville bâtie en l’air » (l. 8), « Tu ne le croirais pas peut-être » (l. 12), « Ne croispas que je puisse […] te parler » (l. 27), « Ce que je te dis de ce prince ne doit pas t’éton-ner » (l. 50), « je ne doute pas que tu ne balances à les croire » (l. 83), « Je continuerai àt’écrire, et je t’apprendrai deux choses » (l. 99), « mais les hommes du pays où je vis et ceuxdu pays où tu es sont des hommes bien différents » (l. 101-103).

11. Le pronom « on » est un pronom indéfini à valeur généralisante. En pas-sant du « nous » (qui incluait deux personnages) au « on », Rica universalise,généralise son expérience. Ex. : « avant qu’on soit logé » (l. 3) ne concerne plusseulement les deux Persans, mais, au-delà, tous les voyageurs, tous les étran-gers qui cherchent à se loger et sûrement tout nouvel arrivant à Paris, quelleque soit son origine.

12. Rica cite, à la fin de sa lettre quelques propos : « J’ai ouï raconter du roi… »(l. 82), « On dit que, pendant qu’il faisait la guerre » (l. 84), « On ajoute qu’il lesa cherchés… » (l. 87), « cependant on dit qu’il aura le chagrin de mourir sans les avoirtrouvés » (l. 91-92).

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On remarquera que la première formule n’introduit pas des propos précismais lance plutôt l’ensemble du développement. Les trois formules suivantesintroduisent plus directement des propos rapportés. On peut demander auxélèves, en complément, de transformer les passages au discours indirect enpassages au discours direct.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : FEMMES ET RELIGION

13. Les femmes se sont révoltées car la bulle Unigenitus (publiée en 1713 parClément XI) décourageait les femmes de lire la Bible. L’article 83 de cettebulle polémique qui condamnait 101 propositions issues du jansénisteQuesnel (Réflexions morales sur le Nouveau Testament), condamnait la divul -gation de l’Écriture aux femmes (« Non debeat communicari feminis lectionesacrorum librorum »).Plus généralement, la bulle Unigenitus condamnait cette proposition de Quesnel : « la lecture de l’Écriture Sainte est pour tout le monde ». Les jansénistes qui souhaitaient une messe en français et une traduction plus large des Écritures en langue nationale se voyaient ainsi contredits parRome.

14. Rica partage avec les théologiens romains une certaine misogynie ! Laphrase suivante en témoigne : « Car, puisque les femmes sont d’une création infé-rieure à la nôtre, et que nos prophètes nous disent qu’elles n’entreront point dans leParadis… » (l. 76-78). On en profitera pour rappeler que les religions ont sou-vent avalisé la misogynie, lui donnant parfois un fondement théologique…

15. On peut ici en profiter pour souligner la différence qui existe entre lenarrateur et l’auteur. Les rapports entre le personnage et l’écrivain sont com-plexes : Montesquieu utilise d’une certaine façon le point de vue exotiquedu personnage pour dénoncer certains travers de la société évoquée, mais cepoint de vue persan n’est pas exempt à son tour d’ironie et de critique. Mêmesi cet aspect est plus évident dans le cas d’Usbek, cette lettre de Rica montretoute la différence entre le personnage et son auteur, peu suspect de misogy-nie militante. En fait c’est plutôt le point de vue des religions et leur discourscommun sur les femmes qui sont exhibés, démontés et dénoncés. Maiscomme tout procédé ironique fonctionnant sur l’antiphrase, celui-ci supposeun décodage du lecteur, une certaine connaissance du contexte particulierqui n’est pas évidente pour les élèves. On aura donc intérêt à montrer préci-sément ce fonctionnement ironique ici.

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◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

16. Le champ lexical de la vitesse est surtout présent dans le troisième para-graphe (l. 12 à 26) de la lettre : courent, volent, ce train, me passe. Il s’oppose aulexique de la lenteur : marcher, voitures lentes, le pas réglé de nos chameaux, aller à pied…

17. Empire : pouvoir, domination. Persuader : convaincre. Motrices : inspira-trices, instigatrices, meneuses…

18. Le mot misogynie signifie le mépris masculin pour les femmes. Il estformé de la racine grecque « miso », qui n’aime pas, qui déteste (que l’onpourra expliquer avec d’autres mots comme misanthrope, misandre) et d’unautre mot grec « gyne », la femme. On complétera la famille avec gynéco-logue, gynécée, androgyne.

19. – avant qu’on soit logé : subordonnée conjonctive de temps (verbe au sub-jonctif passé marquant la virtualité du procès dans les subordonnées de temps).– qu’on ait trouvé les gens : même analyse que précédemment.– à qui on est adressé : subordonnée relative, tournure passive, passé composé.– qu’on se soit pourvu des choses nécessaires : subordonnée conjonctive de temps(même analyse que dans les deux premiers exemples).– qui manquent toutes à la fois : subordonnée relative, présent de vérité géné-rale.

20. « Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe » (l. 31) : l’expression est attribut du sujet le « roi de France. » « ce roi est un grand magicien » (l. 39) : attribut du sujet « ce roi ».

21. « Les maisons y sont si hautes qu’on jugerait qu’elles ne sont habitées que pardes astrologues » : subordonnée conjonctive de conséquence.– « … il a plus de richesses que lui, parce qu’il les tire de la vanité de ses sujets » :subordonnée conjonctive de cause.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

22. « Les maisons y sont si hautes qu’on jurerait qu’elles ne sont habitées que pardes astrologues » (l. 6-8).– « Tu juges bien qu’une ville bâtie en l’air, qui a six ou sept maisons les unes surles autres » (l. 8-9).– « je n’y ai encore vu marcher personne » (l. 13).– « les feraient tomber en syncope » (l. 16-17).– « je suis plus brisé que si j’avais fait dix lieues » (25-26).

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La satire repose parfois sur des procédés caricaturaux de grossissement.L’exagération a un effet comique. On pourra comparer ces procédés avec desdessins caricaturaux pour souligner l’efficacité comique du « grossissement ».

23. « Paris est aussi grand qu’Ispahan » (l. 6), « j’enrage quelquefois comme unChrétien… », l. 18-19 (inversion que l’on fera savourer ici aux élèves !), « jesuis plus brisé que si j’avais fait dix lieues » (l. 25-26).

◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA SATIRE

24. Retenons pour le moment une première définition simple, celle du PetitRobert : « Écrit, discours qui s’attaque à quelque chose, à quelqu’un, en s’en moquant ».

25. Quatre. Deux paragraphes sur le roi de France (l. 31-49) précèdent ledéveloppement consacré au pape. Puis deux paragraphes (l. 82-98) précèdentle dernier, plus directement adressé au destinataire.Les critiques portent d’abord sur la vanité des sujets. Mais le roi n’est évi-demment pas épargné. Il construit son pouvoir sur cette vanité qu’il exploite,il entreprend des guerres (allusion aux campagnes bellicistes de Louis XIV),monnaie des charges ou offices (allusion à la politique absolutiste de Louis XIV qui passe par la vente d’offices et l’aide financière de la bour-geoisie la plus riche, récompensée par des titres de gentilhomme).Le second paragraphe s’attaque aux pratiques monétaires du régime quiéponge ses dettes (sans y parvenir vraiment) par une série de dévaluations. Laguérison miraculeuse est enfin livrée comme un symbole de la crédulité fascinée des sujets et de la vanité royale. Les deux derniers paragraphes fontallusion aux querelles religieuses de l’époque. Après la révocation de l’édit deNantes en 1685, la fin du régime est marquée par de multiples brimadescontre les jansénistes, l’épisode de la bulle Unigenitus (bulle demandée ins-tamment par la France) en 1713 n’étant que le couronnement d’une longuequerelle commencée dès le début du règne de Louis XIV (le lien du partijanséniste avec la Fronde et ses remises en cause de la monarchie de droitdivin peuvent en partie expliquer la rancœur de Louis XIV).

26. Deux éléments essentiels du culte catholique sont désignés comme deséléments de magie ici :– le mystère de LaTrinité (le mystère d’un Dieu unique présent sous la formede trois personnes distinctes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit) ;– le mystère de la Transsubstantiation (l’incarnation du Christ dans le pain etle vin de la messe).

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◆ LIRE L’IMAGE

29. Imaginé par Henri III pour joindre le bourg Saint-Germain à la rivedroite, le Pont-Neuf fut achevé sous Henri IV (qui fit son entrée dans Parisen 1594). Le pont fut dessiné par les architectes Pierre Désilles et Androuetdu Cerceau et fut inauguré en 1607. L’actuelle statue d’Henri IV prit placeen 1818.

30. Piétons, animaux et carrosses semblent se mélanger avec des vendeursambulants sur la gravure. La circulation a l’air assez libre et les personnagesprésentés en mouvement sont orientés dans toutes les directions. Les groupescréent aussi une impression de confusion.

◆ RECHERCHES ET DÉBATS

• Qu’appelle-t-on la bulle Unigenitus ? Vous rechercherez l’auteur de cettebulle papale et expliquerez pourquoi elle fut rédigée.

• Pensez-vous que certaines religions situent encore la femme dans une infé-riorité par rapport aux hommes ?

• Qu’appelle-t-on l’absolutisme ? Vous chercherez une définition claire dansvotre livre d’histoire.

• Préféreriez-vous vivre dans une grande ville comme Paris ou à la campagne ?Vous étudierez les avantages et les inconvénients des deux solutions.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Rica, dont le caractère enjoué est souligné par Usbek (lettre 27, non citée :« Rica jouit d’une santé parfaite : la force de sa constitution, sa jeunesse et sa gaieténaturelle le mettent au-dessus de toutes les épreuves. ») est le narrateur unique deces lettres. La tonalité de sa correspondance est volontiers satirique. Elle complète le ton plus sérieux et philosophique des lettres d’Usbek.

2. Rica reçoit une lettre d’une actrice de l’Opéra (lettre 28).

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3. Rica ne décrit pas la pièce de théâtre (ou les pièces selon l’usage duXVIIIe siècle) à laquelle il assiste. Son regard ne s’attache pas au « grand mouve-ment » (lettre 28, l. 5) sur l’estrade, il scrute plutôt la comédie, le jeu mondainet galant de la salle.

4. Rica suscite la curiosité à cause de son apparence exotique, de son « habitpersan » (lettre 30, l. 21-22).

5. Il lui suffit de changer d’habit, de s’habiller à l’occidentale pour éteindrela curiosité.

6. Rica évoque la modestie dans la lettre 50.

7. Le visiteur de la lettre 45 est un alchimiste. Il croit avoir percé le mystèrede la transformation des métaux en or.

8. Un alchimiste est un savant qui se consacre à l’art de la transmutation desmétaux en or grâce à une mystérieuse pierre philosophale dont la fabricationa fait l’objet de nombreux traités. La transmutation des métaux en or résultede la fusion de métaux auxquels on ajoute un petit morceau de la pierre philosophale enrobé de cire. On peut noter que les recherches chimiquesmenées par les alchimistes ont conduit certains d’entre eux à des investiga-tions médicales et au rêve d’un remède universel, un élixir de longue vie quipermettrait d’atteindre l’immortalité.

9. Rica décide de quitter l’alchimiste car il considère que celui-ci est unimposteur ou un malade.

10. Selon Rica les « architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser etd’élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d’eux ce changement,et les règles de leur art ont été asservies à ces caprices » (lettre 99, l. 24-27).

11. La lettre 45 est adressée à Usbek.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

12. L’actrice écrit à Rica pour obtenir sa protection, s’intégrer à sa suite etbénéficier de son appui pour devenir danseuse à Ispahan.

13. Plusieurs motivations apparaissent dans la lettre :a) L’actrice est enceinte (de 7 ou 8 mois !). Si l’on en croit le récit qu’elleadresse à Rica, elle aurait été abusée par un « jeune abbé » (l. 49). On remar-quera ici que la première formulation laisse plutôt imaginer un rapportcontraint, plus proche du viol que de la commune attirance : « Comme je

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m’habillais en prêtresse de Diane, un jeune abbé vint m’y trouver [dans la loge], et,sans respect pour mon habit blanc, mon voile et mon bandeau, il me ravit mon inno-cence » (l. 48-51). Plusieurs éléments contribuent à renforcer cette impression :– le rapport de simultanéité temporelle introduit par « comme » qui fait l’impasse sur un processus de séduction ou une discussion préalable ;– l’expression « sans respect » qui suggère une absence de consentement ;– l’« habit blanc » qui indique l’innocence de la narratrice (renforcée par lemot « innocence » en fin de phrase) ;– la formule « il me ravit ». Le sémantisme du verbe contient l’idée decontrainte (prendre par violence, par ruse ou par surprise).La seconde formulation, qui succède à des protestations de vertu offensée, estbeaucoup plus ambiguë et suggère un déroulement quelque peu différent ! :« Avec cette délicatesse, vous jugez bien que ce jeune abbé n’eût jamais réussi, s’il nem’avait promis de se marier avec moi : un motif si légitime me fit passer sur les petitesformalités ordinaires et commencer par où j’aurais dû finir » (l. 56-59). Il y a bieneu un consentement motivé par la promesse de mariage. Celle-ci avait étéoccultée du premier développement. Le processus galant est réduit à des« petites formalités ordinaires » que la narratrice a écartées promptement pourpasser à l’acte sexuel. Ce qui, dans une perspective moraliste quelque peumisogyne, dont les Persans ne sont pas exempts, suggère que cette actrice estassez légère.b) La carrière. Celle de l’actrice est menacée par l’arrivée d’un enfant, sonstatut de femme enceinte et son âge. Elle semble espérer un destin plus glo-rieux que lui a fait miroiter un homme de la suite de Rica. Y a-t-il entre euxune histoire naissante ? On peut le penser.c) L’argent. Si elle espère échapper à une carrière peu gratifiante pour trouver la gloire, l’actrice semble aussi penser qu’elle obtiendra la fortune :« si j’étais à Ispahan, ma fortune serait aussitôt faite » (l. 66).

14. Une antithèse est une figure qui oppose deux idées ou deux mots. Lalettre 30 est composée de deux paragraphes que l’on peut opposer. Le premier décrit la curiosité des parisiens et le statut de star attribué au Persan.Le second raconte le changement consécutif à l’abandon du costume orien-tal : la curiosité disparaît et le statut du personnage change. Il se noie dans lafoule anonyme. Le costume exotique confère une gloire qui disparaît lors-qu’on l’abandonne.

15. « Il me demanda de me lever ; il avait besoin de moi toute la journée :il avait mille emplettes à faire et il serait bien aise que ce soit avec moi. Il

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fallait premièrement aller à la rue Saint-Honoré parler à un notaire qui était chargé de vendre une terre de cinq cent mille livres ; il voulait que celui-ci lui en donne la préférence. En venant ici, il s’était arrêté un momentau faubourg Saint-Germain, où il avait loué un hôtel de deux mille écus, etil espérait passer le contrat aujourd’hui ».

16. La lettre 50 propose un développement sur la modestie et la vanité dansla tradition des écrits moralistes du XVIIe siècle (La Bruyère) notamment ceux de la mouvance janséniste (Pascal ou La Rochefoucauld). La lettre commence par des considérations générales vantant la modestie des gens vertueux. Le pluriel de généralité (« des gens », l. 1) ainsi que le présent dumême nom indiquent bien ici que l’auteur donne des règles universelles. Onretrouve les mêmes procédés dans les deux paragraphes suivants auxquels onpeut ajouter les considérations sur « la modestie » (l. 9), terme ici généralisantqui englobe toutes les situations particulières. Dans le quatrième paragraphe,on passe du discours moraliste à l’exemple. L’apparition du passé simplemarque cette irruption d’une situation particulière qui vient ici illustrer lespropos antérieurs et les confirmer. Le dernier paragraphe assure la transitionentre l’exemple et un nouveau développement général qui a valeur de mora-lité conclusive pour l’ensemble de la lettre.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA MODE

17. Rica reproche à la mode d’être versatile (l’expression « caprices de lamode », lettre 99, l. 1, lance ce thème) et d’être coûteuse (dernière phrase dupremier paragraphe, lettre 99, l. 4-5).

18. D’un point de vue moraliste, la mode montre aussi le goût pour les appa-rences et le souci de l’apparat extérieur. Les développements présents dans lalettre 30 illustrent aussi ce thème puisque la curiosité envers Rica est déclen-chée par son apparat exotique. Dès que le personnage change de costume,l’intérêt qu’on lui porte disparaît. Le « Comment peut-on être persan ? »(lettre 30, l. 35) emblématise l’incompréhension que suscite l’altérité (quandelle n’est pas simplement fondée sur des signes extérieurs visibles).L’étrangeté invisible suscite le dédain alors que l’exotisme visible amuse. C’està cette frivolité que renvoie aussi la mode puisqu’elle détermine des goûtsaléatoires qui changeront rapidement et qu’elle fascine par le simple jeu d’apparences incongrues bientôt anachroniques.

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19. – La mode est un secteur important de l’économie qui fait travailler denombreuses personnes dans différentes branches.– La mode montre le dynamisme d’une culture et son inventivité.– La mode est un refus de l’uniformisation vestimentaire : elle aide à renou-veler les apparences et laisse la place à une certaine fantaisie ou originalité.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

20. La première apparition du mot « comédie » (« une espèce de scène que j’aientendu appeler comédie », l. 4) reprend le sens classique aujourd’hui abandonnéde pièce de théâtre (sans indication précise du genre). De ce sens strictementthéâtral on passe, avec la seconde occurrence, (« Enfin on se rend à des salles oùl’on joue une comédie particulière », l. 30) à un sens plus général : la vie socialeet les mondanités sont vues comme un jeu théâtral où chacun est comédien.

21. « Extravagance » est composé d’un préfixe (extra) d’un radical (vag- de« vagari », errer) et du suffixe nominal -ance. Le mot signifie littéralement quel’on erre en dehors du bon sens. Synonyme : folie, déraison, absurdité.Antonyme : mesure, raison.

22. Le mot « guinder » vient du scandinave « winda », hausser. Il est employédans le lexique maritime avec le sens de « hisser un mât ». Dans le vocabulairetechnique, il désigne l’action d’élever avec une machine (grue ou poulie).

23. « Hôpital » vient de « hospitalem » comme les mots « hospitalier » ou« hôtel ».

24. « ces insectes [désigne les êtres sans importance] qui osent faire paraître unorgueil qui déshonorerait les plus grands hommes » (l. 10-12).

25. « alchimie » provient de l’arabe « al-kîmiyâ ». Cinq autres mots en a- oual- empruntés à l’arabe : « abricot, alambic, alcool, alcôve, algèbre ».

26. Le présent de vérité générale est utilisé pour des réflexions censées êtrejustes au-delà de la situation actuelle. C’est un présent en quelque sorteomnitemporel. Deux illustrations : « si la modestie est une vertu nécessaire à ceuxà qui le Ciel a donné de grands talents… » (lettre 50, l. 9-10) ; « Il en est desmanières et de la façon de vivre comme des modes : les Français changent de mœursselon l’âge de leur roi » (lettre 99, l. 34-36).

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◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

27. Deux exemples d’autodérision : « je ne me croyais pas un homme si curieuxet si rare… » (l. 17-18) ; « Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement :libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste […] j’entrai toutà coup dans un néant affreux… » (l. 24-29).

28. La prétérition est une figure de style qui procède en deux temps. Onécarte explicitement un sujet (en disant qu’on n’en parlera pas par exemple),puis on évoque ce qu’on a écarté. Cette duplicité énonciative est en généralvolontaire et maîtrisée : c’est un procédé rhétorique classique. On peutcependant parler de prétérition involontaire dans le discours du vaniteux(lettre 50) : la duplicité n’est ici qu’une preuve supplémentaire de vanitépuisque le discours de la modestie affichée et du refus de l’autocélébrationest tout de suite contredit par les propos tenus : « je ne me loue jamais ; j’ai dubien, de la naissance ; je fais de la dépense ; mes amis disent que j’ai quelque esprit ;mais je ne parle jamais de tout cela » (l. 32-34). Les énoncés contredisent le refusaffiché d’énonciation, tel est le procédé de la prétérition classique.

29. Alors que le récit de la lettre 45 est mené au passé (avec une dichotomieclassique entre imparfait descriptif dans le deuxième paragraphe par exempleet passé simple narratif dans la première partie du quatrième), l’irruption d’unprésent narratif vient rompre la continuité et actualise la scène évoquée, supprimant la distance narrative consubstantielle au passé simple. : « Je le suis. Nous grimpons à son cinquième étage, et, par une échelle, nous nous guindons à un sixième » (l. 35-37).

30. Les temps utilisés dans la lettre 50 :– dans le premier paragraphe : passé composé (« j’ai vu », l. 1), imparfait(temps dominant), plus-que-parfait (« n’avaient pas percé », l. 5). Dans ce pas-sage les réflexions d’ordre général (sur le lien entre vertu naturelle et modes-tie) sont données comme fruits d’une expérience personnelle (« j’ai vu ») quipermet ensuite la généralisation (« les gens », l. 5).– La deuxième phrase du paragraphe est au présent : le temps est encoreréféré ici à un point de vue personnel subjectif (« les gens que j’aime », l. 5-6)qui restreint en quelque sorte la généralisation.– Dans le deuxième paragraphe, l’énonciation s’affranchit de cette restrictionsubjective pour atteindre ici un présent de généralité : la thèse est universelle. Siles génies doivent être modestes que dire des esprits médiocres et prétentieux…

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– Troisième paragraphe : on retrouve le procédé du premier paragraphe (quiest aussi une des originalités techniques de Montesquieu). Les maximes géné-rales et généralisantes de l’écriture moraliste classique sont ici référées à unpoint de vue fictif particulier (celui de Rica, « je vois de tous côtés des gens quiparlent sans cesse d’eux-mêmes », l. 13-14). Le présent d’énonciation (« je vois »)ouvre sur un présent plus généralisant (« des gens qui parlent »).L’aboutissement de ce paragraphe (qui intègre d’autres temps verbaux, futur,passé composé) dans l’évocation du discours des vaniteux sera une maximeau présent de généralité : « Oh ! que la louange est fade lorsqu’elle réfléchit vers lelieu d’où elle part » (l. 20-21).– Quatrième, cinquième et sixième paragraphes : le système temporel change carle narrateur évoque une scène plus précise dont il va détailler le déroulement etles épisodes. Les temps du récit apparaissent et vont dominer ; passé simple etimparfait. Les passages cités au discours direct utilisent le présent d’énonciationalors que la dernière phrase est une maxime au présent de généralité.

31. Dans la lettre 24, Rica utilise déjà l’exagération caricaturale et l’hyperbolepour décrire le rythme effréné de la vie parisienne. L’exagération est aussi pré-sente dès le premier paragraphe de la lettre 99 : l’oubli immédiat censé illustrerla frivolité de la mode et son renouvellement arbitraire est emblématisé dansune formule (« Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été… », l. 2). Le secondparagraphe reprend cette idée en la motivant différemment : inutile de décrirela mode actuelle car cette description serait, une fois parvenue à son destina-taire, anachronique. Les exemples qui suivent, dans le troisième paragrapheaccentuent l’exagération jusqu’à l’hyperbole. L’adjectif « antique » (l. 12) appli-qué à une retraite de 6 mois et la comparaison qui suit (6 mois/30 ans), l’absence de reconnaissance de la mère par son fils et l’assimilation exotique à quelque Américaine lointaine soulignent la caricature.La description des coiffures donne à son tour prise à un passage caricatural :la coiffure est si haute que le visage est au centre de la silhouette. (On pour-rait demander aux élèves de représenter ici la caricature pour qu’ils visuali-sent mieux l’effet comique du procédé). Les chaussures donnent à leur tourl’occasion d’un passage hyperbolique puisque ce sont les pieds qui occupentdésormais le centre de la silhouette. Ce qui suppose tout de même des talonsdisons d’un mètre cinquante ! Le plaisir de la description bouffonne conti-nue avec l’évocation des modifications architecturales qui seraient dues auxcaprices de la mode !

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◆ ÉTUDIER L’ORTHOGRAPHE

32. Ils seront obligés d’être partout : ils passeront par des endroits qu’euxseuls connaissent (ou connaîtront ici), monteront avec une adresse surpre-nante d’étage en étage ; ils seront en haut, en bas, dans toutes les loges ; ilsplongeront pour ainsi dire ; on les perdra, ils reparaîtront ; souvent ils quitte-ront le lieu de la scène et iront jouer dans un autre. On en verra même qui,par un prodige qu’on n’aurait osé espérer de leurs béquilles, marcheront etiront comme les autres.

33. Cet essai nous fit connaître ce que nous valions réellement : libres de tousles ornements étrangers, nous nous vîmes appréciés au plus juste. Nous eûmessujet de nous plaindre de notre tailleur, qui nous avait fait perdre en un ins-tant l’attention et l’estime publique : car nous entrâmes tout à coup dans unnéant affreux. Nous demeurions quelquefois une heure dans une compagniesans qu’on nous eût regardés.

◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA SATIRE DES MŒURS

34. Les spectateurs qui se rendent au théâtre semblent davantage occupés parla comédie mondaine et galante qui se joue dans la salle que par le spectaclereprésenté sur la scène. C’est en tout cas cette théâtralité de la salle que leregard de Rica va capter. Le vocabulaire de la représentation est d’emblée uti-lisé pour décrire les spectateurs : « des hommes et des femmes qui jouent des scènesmuettes » (l. 7-8). Après cette phrase générale qui lance la description, Ricas’attache au jeu galant initié, selon lui, par les femmes. (« Ici, c’est une amanteaffligée […], une autre, plus animée […]. Là, les actrices », l. 10-14). L’activité dela salle (avec ses échanges d’invectives entre les loges et le parterre, les billetsqui circulent par le moyen d’intermédiaires habiles) fait ensuite l’objet d’unedescription plus détaillée avant l’évocation de la comédie mondaine qui sejoue dans les salons. C’est l’occasion ici d’une évocation burlesque des rituelsmondains (« On dit que la connaissance la plus légère met un homme en droit d’enétouffer un autre », l. 32-33).

35. Lettre 28 : les spectateurs mondains de la comédie et l’actrice de l’Opéra.Lettre 30 : les Parisiens. Lettre 45 : l’alchimiste. Lettre 50 : les prétentieux.Lettre 99 : les femmes qui suivent la mode.

36. L’agitation de l’alchimiste est stigmatisée par le premier paragraphe.L’entrée dans l’appartement de Rica la symbolise, entrée violente (lesadverbes le soulignent, « rudement, soudain », dans le premier paragraphe, « pré-

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cipitamment, promptement » dans le troisième) d’un personnage excité (« hors delui-même »). Quant à la pauvreté du personnage elle est signalée à la fois parla description et par le logement (On signalera aux élèves que l’étage élevéest plutôt un indice de pauvreté à cette époque). La lettre est fondée sur lecontraste entre cette modestie apparente du personnage et l’extravaganteambition de ses propos. Le personnage, dont on ignore l’activité pendant unebonne partie de la lettre, semble avoir gagné une fortune qu’il est déterminéà dissiper au plus vite. On partage un moment la surprise de Rica avant dedécouvrir avec lui que cette richesse inépuisable (qui motive les activités etprojets du personnage décrit) est en fait fondée sur la seule espérance alchi-mique et qu’elle n’a rien d’effectif pour l’heure !

◆ RECHERCHES ET DÉBATS

• La lettre 28 donne quelques informations sur les conditions du spectaclethéâtral au XVIIIe siècle : quelles sont les différences que vous voyez avec unereprésentation actuelle ? Qu’en pensez-vous ? Aimeriez-vous assister à unspectacle dans les conditions de l’époque ? Pourquoi ?

• Pensez-vous qu’un Persan susciterait aujourd’hui la même curiosité en sepromenant à Paris ? Justifiez votre point de vue avec deux arguments.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. La lettre 37 est datée de mars 1713, soit deux années avant la mort deLouis XIV.

2. Louis XIV est roi depuis 1643 (il a alors 5 ans) mais il règne effectivementdepuis 1661.

3. Louis XIV meut en 1715.

4. Louis XV a alors 5 ans. Le pouvoir est confié au duc d’Orléans (voir « vivre au temps des Lettres persanes », p. 142).

5. Dans son testament, Louis XIV avait en quelque sorte organisé sa successionpolitique autour d’un conseil de Régence qui devait comprendre quelques

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personnalités choisies (le duc du Maine, le comte de Toulouse) aux côtés du duc d’Orléans. Celui-ci fait casser le testament de Louis XIV par le parlement,en échange du droit de remontrance qui était largement tombé en désuétude.Par cette manœuvre, il s’assure la succession du jeune roi en cas de décès et peutorganiser son gouvernement plus librement (cf. : « le feu roi avait fait un testamentqui bornait l’autorité du régent », lettre 92, l. 11-12). Inspiré par les aristocrates(comme Saint-Simon) frustrés par la politique absolutiste de Louis XIV, Philippe d’Orléans met en place un système de conseils appelé polysynodie. Lanoblesse traditionnelle fait un retour en force dans ces conseils.

6. Dans la lettre 107, Rica explique : « On dit que l’on ne peut jamais connaîtrele caractère des rois d’Occident jusques à ce qu’ils aient passé par les deux grandesépreuves de leur maîtresse et de leur confesseur » (l. 8-10).

7. Dans les Lettres persanes, 3 lettres évoquent l’épisode John Law : il s’agit deslettres 132, 138 et 146. Nous avons sélectionné ici la lettre 138.

8. Les parlements qui possèdent un droit de remontrance peuvent critiquer lapolitique royale. Selon Montesquieu, les parlements sont plus proches dupeuple (contrairement à la cour qui constitue un microcosme où les courtisanss’épanouissent, critique que l’on trouve déjà chez Montaigne et chez certainsmoralistes du XVIIe siècle) et donnent voix à ses douleurs : ils « viennent démen-tir la flatterie, et apporter aux pieds du trône les gémissements et les larmes dont [ils] sontdépositaires » (lettre 140, l. 10-12). Cela suppose une vertu particulière à l’opposé de l’intérêt courtisan (dernier paragraphe de la lettre 140).

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

9. La contradiction peut s’exprimer avec la conjonction copulative « et » :elle est alors syntaxiquement implicite et sémantiquement explicite : « il a un ministre qui n’a que dix-huit ans et une maîtresse qui en a quatre-vingts »(l. 10-12). L’opposition entre la jeunesse du ministre et l’âge avancé de la maî-tresse n’a pas besoin d’outil syntaxique supplémentaire, elle est suffisante.La contradiction peut être aussi exprimée par une conjonction de subordi-nation qui introduit une subordonnée conjonctive d’opposition : « quoiqu’ilfuie le tumulte des villes, et qu’il se communique peu, il n’est occupé, depuis le matinjusques au soir, qu’à faire parler de lui » (l. 14-16).L’opposition est aussi explicitée par la conjonction de coordination « mais » :« il aime les trophées et les victoires, mais il craint… » (l. 16-17).

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10. Les narrateurs des lettres sont Usbek (lettres 37 et 92) et Rica (lettres107, 138, 140). Les indices qui font référence à l’Orient sont assez peu nombreux dans ces lettres. Dans les lettres d’Usbek, il est fait allusion à « noshistoires » (lettre 37, l. 2), à « notre auguste sultan » (lettre 37, l. 6-7), les posses-sifs associent le destinataire oriental, Ibben, ou au « grand Chah Abbas » (lettre92, l. 3-4). Dans la correspondance de Rica, il est question de la Perse (« onse plaint en Perse », lettre 107, l. 50 ; « on lève aujourd’hui des tributs en Turquieet en Perse », lettre 138, l. 3-4) tandis que le pronom « nous » associe aussi le destinataire oriental à une commune origine (« nous n’y mettons pas tant d’esprit que les Occidentaux, nous voyons… », lettre 138, l. 6-7).

11. Le passage descriptif comporte plusieurs adjectifs subjectifs valorisants :« Sa physionomie est majestueuse, mais charmante ; une belle éducation sembleconcourir avec un heureux naturel et promet déjà un grand prince » (l. 5-7).

◆ ÉTUDIER UN THÈME : L’ABSOLUTISME12. Selon Usbek, Louis XIV admire les gouvernements turcs ou perses, « tantil fait cas de la politique orientale » (lettre 37, l. 7-8). Si l’on rappelle que pourMontesquieu l’Orient incarne un despotisme débridé, cette remarque pointela dérive absolutiste de Louis XIV et la situe dans une perspective qui mèneà la tyrannie.

13. Ceux qui disent qu’il faut observer la religion avec rigueur sont les jan-sénistes dont le milieu dévot s’inspire. La conception d’un homme misérableet destitué par le péché originel est aux antipodes de la conception héroïqueet glorieuse que souhaite magnifier Louis XIV. De plus, le lien ancien desjansénistes avec la Fronde, leur scepticisme sur la monarchie de droit divin ouleur défense du libre examen et d’une morale rigoureuse les rend critiques àl’égard de la politique absolutiste de Louis XIV.

14. Le testament de Louis XIV est présenté comme un acte d’autorité abu-sif et une tentative pour organiser sa succession en assurant une continuité.C’est en s’appuyant sur les parlementaires, la noblesse d’épée et le clergé (laRégence initie une certaine tolérance à l’égard des jansénistes, tolérance pro-visoire qui sera démentie dès 1722) que Philippe d’Orléans compte rompreavec la politique louis-quatorzienne.

15. C’est l’architecture qui manifeste principalement la magnificence de LouisXIV selon Usbek : « Il est magnifique, surtout dans ses bâtiments : il y a plus de statuesdans les jardins de son palais que de citoyens dans une grande ville » (lettre 37, l. 35-36).

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16. Dans la lettre 92, Montesquieu résume son constat : la politique louisquatorzienne a réduit le rôle fondamental des parlements. Ceux-ci ressem-blent désormais à des « ruines que l’on foule aux pieds ». Leur rôle est réduit(« Ils ne se mêlent guère plus que de rendre la justice », l. 18-19). La dernière phrasequi semble lier leur décadence à un destin universel fait de leur état actuel lerésultat d’un triple processus d’usure : celui du temps (terme le plus général),celui de la corruption des mœurs (constat sociologique) et celui du roi (cri-tique politique). La politique de Philippe d’Orléans semble trancher aveccelle de Louis XIV mais, faute d’une véritable réforme, le pouvoir des parle-ments est toujours soumis au bon vouloir du Régent. La lettre datée de 1715peut donc faire état d’un changement… mais celui-ci s’avérera très fragile etprovisoire. La tournure « a paru d’abord respecter » (l. 26-27) apporte une res-triction claire à ce constat optimiste. C’est que cette lettre est rédigéequelques années après, à un moment où Montesquieu peut remarquer que lepouvoir des parlements n’est pas plus effectif qu’à l’époque de Louis XIV. La lettre 140, datée elle de 1720, le démontre clairement : « Le Conseil lui aenvoyé enregistrer ou approuver une déclaration qui le déshonore » (l. 2-3).

17. Les récompenses distribuées par Louis XIV semblent sanctionner aussi bienles flatteries des courtisans que les exploits militaires de ses meilleurs officiers. Lapremière phrase du troisième paragraphe, avec sa tournure comparative d’éga-lité (« aussi… que », l. 23-25) les met sur le même plan. Mais la phrase suivanteintroduit un déséquilibre et rectifie l’énoncé premier : « il préfère » (l. 26) en faitle courtisan au courageux capitaine… L’injustice s’accroît encore à la fin duparagraphe : les récompenses ne sont pas accordées en fonction du mérite maisen fonction de calculs politiques et sont censées susciter un attachement ou « unmérite » (l. 31) qui est en fait un simple sentiment de reconnaissance. Elles sontdistribuées alors de façon aléatoire en fonction du bon vouloir et des calculs du roi.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

18. Le mot parlement existait en ancien français avec le sens de « conversation »ou de « discours ». Il a été emprunté à l’ancien français par l’anglais au XIIIe siècle(parliament). Le mot a alors changé de signification pour désigner le lieu dediscussion. Il a ensuite pris son sens contemporain de « plus haute législature »comprenant le Roi, la Chambre des Lords et la Chambre des Communes.

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19. On pourra se référer ici à l’ouvrage d’Henriette Walter, Honni soit qui mal y pense, Le Livre de Poche, 2003. La linguiste propose plusieurs listes demots empruntés par l’anglais à l’ancien français. Limitons-nous à quelquesexemples qui ont été adoptés par l’anglais au XIIIe et XIVe siècles :– mustard emprunté à l’ancien français moustarde, moutarde actuellement ;– profit de profiter ;– pay de paier en ancien français ;– towel (serviette) de l’ancien français toaille aujourd’hui disparu ;– pork, mutton, beef, veal (pour les viandes alors que les noms des animaux sontconstruits à partir de racines germaniques, pig, sheep, ox, calf )…

20. Le français a commencé a emprunté des mots anglais lorsque les philo-sophes du XVIIIe siècle ont éprouvé, fascinés par le régime parlementaireanglais, une véritable anglomanie. Rappelons que Montesquieu séjourna enAngleterre quelques années après la publication des Lettres persanes et que sesréflexions sur la monarchie parlementaire sont aussi inspirées par le modèleanglais qu’il vantera dans L’Esprit des Lois (1748) comme un système favo-rable aux libertés publiques et à l’équilibre des pouvoirs. De même, Les Lettresphilosophiques de Voltaire (1734) loueront la tolérance et l’art du commerceanglais. C’est à cette époque que les Français importent des mots commeconfortable, sentimental, partenaire, club, vote, pétition, jury. Le vocabulaire sportifanglais, très présent au XXe siècle, débute son incursion en France dès leXIXe siècle, avec le sport hippique par exemple : handicap, turf, poney, outsider,etc. datent de cette époque. Au XXe siècle les emprunts se sont multipliés danstoutes sortes de domaines techniques et scientifiques.

21. Chat : Il préfère les chiens aux chats. Chas : Le chas de cette aiguillen’est pas assez large pour ce fil.

22. On en profitera pour expliquer les indications étymologiques dans undictionnaire : voici celles contenues dans le Petit Robert : 1080, altération deeschac, arabo-persan shâh, dans l’expression shâh mat, le roi est mort.Le mot échec apparaît donc en français en 1080. C’est une altération d’un motarabe lui-même dérivé de deux mots persans : shâh pour le roi, mat pourmort. À noter que ce mot mat est employé dans l’expression échec et mat.

23. Médiation peut être utilisé comme paronyme : Le commissaire a faitune tentative de médiation pour obtenir la libération des otages.

24. Polychrome, qui a plusieurs couleurs. Polyculture, culture de produits différents dans une même région. Polygame, qui a plusieurs femmes.

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25. « ce dernier moment » (l. 3) : adjectif démonstratif ; « ce grand événement » (l. 6) :adjectif démonstratif ; « ce changement » (l. 8) : adjectif démonstratif ; « Ce princehabile » (l. 12) : adjectif démonstratif ; « ressemblent à ces ruines que l’on foule… »(l. 16) : adjectif démonstratif ; « Ces grands corps ont suivi » (l. 22) : adjectif démons-tratif ; « Respecter cette image de la liberté… » (l. 27) : adjectif démonstratif.

26. « Nous n’avons point d’exemple dans nos histoires d’un monarque qui ait silongtemps régné » (l. 1-3) : subjonctif passé dans une relative qui suit un anté-cédent mis en valeur pour son unicité.« quoiqu’il fuie le tumulte des villes » (l. 14) : subjonctif présent dans une subor-donnée d’opposition introduite par quoique. (Même remarque pour « qu’ilse communique », l. 14-15).« Il ne croit pas que la grandeur souveraine doive être dans la distribution des grâces »(l. 28-29) : subjonctif présent du verbe devoir dans une complétive introduitepar une tournure négative.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

27. « Les ministres se succèdent et se détruisent ici comme les saisons » (l. 1-2).« On lève aujourd’hui les tributs, en Turquie et en Perse, comme les levaient les fondateurs de ces empires » (l. 4-6). « Il est vrai que nous n’y mettons pas tantd’esprit que les Occidentaux » (l. 6-7).

28. « Il a bien fait parler des gens pendant sa vie ; tout le monde s’est tu à sa mort »(l. 1-3) : la relation d’opposition entre les deux propositions est implicite. Onpouvait la rendre plus explicite avec la conjonction mais.

29. Il est question des courtisans dans la lettre 37 : « Il [Louis XIV] aime à gratifier ceux qui le servent : mais il paie aussi libéralement les assiduités ou plutôt l’oisiveté de ses courtisans, que les campagnes laborieuses de ses capitaines » (l. 23-25).La rectification sémantique du mot « assiduité » par le mot « oisiveté » et l’opposition au labeur réel des soldats offre une première perspective critiquesur les courtisans : ceux-ci sont des parasites dont l’occupation est tout à faitsecondaire.

30. « Ces grands corps ont suivi le destin des choses humaines : ils ont cédé au temps,qui détruit tout, à la corruption des mœurs, qui a tout affaibli, à l’autorité suprême, quia tout abattu » (l. 22-25). On analysera le rythme ternaire de l’explication avectrois groupes substantivaux, trois relatives et trois verbes complétés chaquefois par le pronom indéfini tout.

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◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA SATIRE POLITIQUE

31. La vieillesse du roi est mentionnée comme une anomalie. La secondephrase précise, ce qu’on peut prendre pour une critique, que ce n’est pas tantl’âge qui importe ici que la durée exceptionnelle du règne.Implicitement, la fascination de Louis XIV pour les régimes orientaux est,dans l’esprit de Montesquieu, le signe d’une dérive despotique.La critique se précise avec le portrait du deuxième paragraphe. La jeunessedu ministre qui contraste avec la vieillesse de la maîtresse est mentionnéecomme simple contradiction. Il n’est pas interdit d’y voir le premier signed’un arbitraire et d’une sénilité royale. Le souci de publicité de Louis XIV(« il n’est occupé, depuis le matin jusques au soir, qu’à faire parler de lui », l. 15-16)est aussi épinglé. Il est complété par la crainte des officiers trop brillants quipourraient lui faire de l’ombre…La critique s’achève avec la gestion arbitraire des récompenses, évoquée plushaut.

32. Après le règne de Louis XIV, le début de la Régence semble une périodeassez favorable, plus conforme aux principes de Montesquieu. En effet, le théoricien d’une monarchie parlementaire souple approuve la rupture avec lapolitique louis-quatorzienne et les relations nouvelles qu’instaure Philipped’Orléans avec les Parlements. La dernière phrase de la lettre 92 traduit cetteconvergence de vues : « et, comme s’il avait pensé à relever de terre le temple et l’idole,il a voulu qu’on les regardât comme l’appui de la Monarchie et le fondement de touteautorité légitime » (l. 28-30). La lettre 140, en comparaison, sonne comme unrappel à l’ordre dans un climat de désillusion et de désapprobation.

33. La description des mœurs politiques françaises par Rica, dans la Lettre 107, montre que le pouvoir réel est aux mains d’une « république »(l. 36-37) de femmes, particulièrement efficace. Alors qu’en Orient lesfemmes sont souvent cantonnées au service des puissants dans des sérails oùla rivalité semble primer, Rica a de quoi être surpris par cette féminisationdes coutumes occidentales. De plus en plus de femmes participent à la vieintellectuelle, lisent et interviennent, c’est une mutation sociologique impor-tante du XVIIIe siècle. Il faudrait reparler ici du rôle important joué par la pré-ciosité dans cette émancipation intellectuelle des femmes… n’en déplaise àMolière, toutes les Précieuses n’étaient pas ridicules et on peut voir dans cemouvement un des ancêtres du féminisme, malgré l’anachronisme évident duconcept. Il faudrait aussi évoquer l’importance des Salons tenus par des

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femmes d’influence (Mme de Lambert, Mme Geoffrin, Mlle de Lespinasseou Mme du Deffand), le rôle des favorites comme Mme de Maintenon et lerayonnement intellectuel de certaines femmes au XVIIIe siècle. Mme duDeffand par exemple. On retrouve cependant dans la description de Ricaquelques relents misogynes lorsqu’il évoque par exemple les motivations des maîtresses de ministres. Celles-ci n’agiraient que par calcul et seraient évidemment préoccupées par des motivations extra-sentimentales…Description qui correspond bien au point de vue d’un homme habitué à lesvoir se soumettre en silence. Le dernier paragraphe vient illustrer cette visionmasculine et volontiers misogyne de la politique.

34. Le système de Law a inversé la hiérarchie économique : selon Rica lesriches ont été ruinés alors que des pauvres se sont enrichis. Cette inversionsurprend par sa rapidité. Mais la critique se reporte sur « les laquais qui avaientfait fortune sous le règne passé » (lettre 138, l. 47-48). Le dédain qu’ils manifes-tent à l’égard des nouveaux riches est dénoncé comme le plus ridicule : ilsont, aux yeux de Montesquieu, oublié rapidement leur récente fortune pourrevendiquer une légitimité qui n’a aucun fondement pour la noblesse tradi-tionnelle (dont Montesquieu fait partie).

◆ RECHERCHES ET DÉBATS

• Essayez de vous procurer la cassette du film de Bertrand Tavernier : Que lafête commence qui se déroule pendant la Régence. Un débat pourra être orga-nisé à la suite de la projection où dialogueront ceux qui ont apprécié le filmet ceux qui ont un regard plus critique.

• Préparez un exposé sur le Régent ou sur le personnage de Law.

• Pensez-vous qu’aujourd’hui les femmes ont toute leur place dans la poli-tique française ?

• Pensez-vous qu’elles ont toute leur place dans la plupart des pays ?

• Préparez un exposé sur la politique architecturale de Louis XIV.

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◆ AV EZ-VOUS BIEN LU ?1. Rica précise dans la lettre 29 : « [le pape] était autrefois redoutable aux princesmême : car il les déposait aussi facilement que nos magnifiques sultans déposent lesrois d’Irimette et de Géorgie. Mais on ne le craint plus » (l. 2-4). Le pouvoir dupape a donc diminué.

2. Dans la théologie catholique, le Pape est le successeur du fondateur de l’Église : saint Pierre.

3. Selon Rica, les évêques sont chargés principalement de dispenser lescatholiques d’observer les dogmes. Leur autre activité, rédiger les articles defoi, apparaît secondaire puisqu’elle est en fait assumée par les théologiens(« Les évêques ne font pas des articles de foi de leur propre mouvement », l. 24-25).

4. La raison des guerres civiles occidentales est principalement religieuse selonRica. Elles viennent (plus ou moins directement) des disputes théologiques.

5. Un hérétique conteste certains dogmes officiels de l’Église.

6. L’Inquisition est pratiquée principalement en Espagne.

7. Usbek évoque un brahmane dans la lettre 46.

8. Le christianisme condamne l’esclavage au nom de l’égalité en droit desêtres humains (lettre 75).

9. Mais les colonisateurs, qui brandissent souvent l’étendard du Christ, n’ontpas été très respectueux de ce principe. Montesquieu fait allusion, dansd’autres passages des Lettres persanes, à la découverte du continent américain.On pourra rappeler quelques épisodes de la conquête du Mexique notam-ment. En 1542 par exemple, le pouvoir royal espagnol promulgua des« Nouvelles Lois des Indes » qui interdisaient la mise en esclavage des Indiens.Ces lois furent inspirées par Francisco de Vitoria. On peut aussi évoquer lafameuse « controverse de Valladolid » en 1550-1551. D’un côté Sepulveda quijustifie la soumission des Indiens et leur mise en esclavage, de l’autreBartolomé de Las Casas, défenseur des Indiens.

10. Les ministres du chah Soliman voulaient expulser les Arméniens (lettre 85).

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◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

11. Discours indirect : « Ils font dans leur sentence un petit compliment à ceux quisont revêtus d’une chemise de soufre, et leur disent qu’ils sont bien fâchés de les voirsi mal habillés, qu’ils sont doux, qu’ils abhorrent le sang et sont au désespoir de lesavoir condamnés » (l. 61-65).Discours direct : Après avoir fait un petit compliment à ceux qui sont revê-tus d’une chemise de soufre ils leur dirent : nous sommes bien fâchés de vousvoir si mal habillés ! Nous sommes doux, nous abhorrons le sang et sommesau désespoir de vous avoir condamnés.

12. Dans la lettre 35 Usbek interroge son cousin qui est dervis, c’est-à-direreligieux musulman.

13. « Que penses-tu des Chrétiens, sublime dervis ? » (l. 1). Le tutoiement est icila marque énonciative du discours adressé, tandis que l’interpellation flatteusevient renforcer l’autorité conférée au destinataire en matière religieuse.« Crois-tu » (l. 1) : présence du pronom personnel de deuxième personne.« Je puis te le dire » (l. 10) : l’affirmation est clairement destinée au cousin.Alors que la lettre sollicite l’avis du dervis (les tours interrogatifs confirmentcette dimension), Usbek, dans la deuxième partie de sa lettre apporte lui-même la réponse à ses premières interrogations.

14. Un double questionnement inaugure la lettre : les chrétiens seront-ilsdestinés à l’Enfer ? Dieu peut-il condamner une communauté alors que larévélation n’a pas été accordée à un peuple ? Deux questions que les lecteursde Montesquieu ont l’habitude de voir posées différemment par les chré-tiens ! Les arguments d’Usbek vont dans le sens d’une relativité des dogmeset d’une tolérance avec en perspective une idée forte : c’est moins la diffé-rence des coutumes et des rituels, tributaire des religions particulières et descirconstances historiques, qui importe, que la ressemblance des croyances.Celle-ci s’imposera à terme. La réponse aux deux questions est donc indi-recte : les chrétiens parce qu’ils sont inspirés par des principes justes ne peu-vent être destinés à l’Enfer. Dieu est miséricordieux, il reconnaîtra les justes.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA CRITIQUE DU CATHOLICISME

15. La lettre 29 évoque une première fois la richesse du pape : « Il se dit lesuccesseur d’un des premiers Chrétiens, qu’on appelle saint Pierre, et c’est certainementune riche succession : car il a des trésors immenses et un grand pays sous sa domina-tion » (l. 5-8). La richesse du pape et le luxe romain ont de quoi surprendre

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et choquer ceux qui pensent que l’Église doit être proche des pauvres et partager leurs souffrances. On pourra rappeler que c’est une des critiques formulées par la Réforme, dès le XVIe siècle, et que certains ordres religieuxavaient, bien avant, prôné l’indigence et l’ascétisme.Dans Mes Pensées, Montesquieu reviendra à plusieurs reprises sur ce sujet. Envoici un exemple : « Lorsque l’on a voulu attacher des biens d’Église à certainessociétés de pauvres, comme aux Invalides, c’est-à-dire à des gens qui, outre la pauvreté,les blessures, on encore la honte, qui les empêche de demander le soutien de leur vie,l’Église s’y est opposée et a regardé cela comme une profanation ; et on a succombé, eton a cru ses cris légitimes. Preuve évidente que l’on regarde les biens de l’Église, nonpas comme les biens des pauvres, mais comme ceux d’une certaine société vêtue de noir,qui ne se marie pas. »

16. La religion favorise la guerre car bien loin de lier les êtres et de les réunirdans une croyance commune ou dans des pratiques communautaires elle estun lieu d’affrontement, de polémiques où se lisent aussi des enjeux de pou-voir. Ici comme ailleurs, la modestie et le doute légitime sont rejetés au nomde croyances qui sont affirmées comme des vérités révélées, indubitables etindiscutables. Dès lors la discussion devient dispute et la dispute se transformeen guerre : « Il y a un nombre infini de docteurs, la plupart dervis, qui soulèvent entreeux mille questions sur la Religion. On les laisse disputer longtemps et la guerre durejusqu’à ce qu’une décision vienne la terminer » (lettre 29, l. 25-28). Le mot guerren’est pas employé à la légère ici. Il désigne la polémique théologique maisaussi les conséquences tragiques de ces polémiques, à savoir les guerres.L’expression « guerres civiles » (l. 30), dans le paragraphe suivant, marquel’aboutissement du processus. La religion est d’abord, l’exemple del’Inquisition espagnole vient le rappeler dans la suite de la lettre, exerciced’intolérance quand elle consiste à respecter un certain nombre de principesérigés en dogmes indiscutables. Les développements de Rica et d’Usbek ledémontrent et mettent en perspective un principe de relativité (les dogmessont toujours relatifs à une culture donnée et à une aire géographique) quipermet de critiquer l’intolérance ou d’en montrer le fondement.L’intolérance peut avoir aussi des motifs plus obscurs comme le laisse devi-ner la fin de la lettre 29 : elle pourrait aussi être motivée par des intérêts plusmatériels (comme pour l’antisémitisme souvent…). Les Inquisiteurs, préciseRica, « pour se consoler [on appréciera l’ironie…] confisquent tous les biens de cesmalheureux à leur profit » (l. 65-66). L’édition du Livre de Poche des Lettres per-sanes, comporte une note qui confirme cette dimension. Marana, une des

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sources de Montesquieu lorsqu’il rédige les Lettres persanes écrivait en effet :« La première chose que font les saints inquisiteurs est de faire une exacte et dévoterecherche des biens du prisonnier. S’ils trouvent qu’il soit riche, il n’en faut pas davan-tage pour le rendre criminel, et les bons Pères prennent pieusement soin de disposer dece qu’il a. » (L’Espion dans les cours).

17. La lettre 29 l’explique : rituels et pèlerinages importent davantage que lafoi et la charité : « heureux celui qui a toujours prié Dieu avec de petits grains debois à la main, qui a porté sur lui deux morceaux de drap attachés à deux rubans, et qui a été quelquefois dans une province qu’on appelle la Galice » (l. 43-45). Évidemment on peut se faire une opinion assez différente de la véritable religion et Montesquieu ne se prive pas de critiquer dogmes et rituels. DansMes Pensées il écrira par exemple : « On dispute sur le Dogme, et on ne pratiquepoint la Morale. C’est qu’il est difficile de pratiquer la Morale et très aisé de disputersur le Dogme ». La lettre 46 confirme cette idée.

18. Rica donne une succession d’exemples qui illustrent la pratique des dis-penses octroyées par les évêques. Elles concernent toutes des rituels catho-liques dont les puissants peuvent s’exempter assez facilement : « si l’on ne veutpas faire le Rhamazan ; si on ne veut pas s’assujettir aux formalités des mariages ;si on veut rompre ses vœux ; si on veut se marier contre les défenses de la Loi ; quelquefois même, si on veut revenir contre son serment : on va à l’Évêque ou au Pape,qui donne aussitôt la dispense » (l. 18-23). Quant aux dervis qui « font brûler un homme comme de la paille » (l. 41-42) inutile d’insister.

19. La lettre 35 établit des rapprochements entre les croyances et rituelscatholiques et musulmans : la polygamie (l. 25), le baptême comparé auxablutions (l. 27), les sept prières rituelles (l. 31), la croyance en un Paradispost-mortem et à la résurrection (l. 32), les jeûnes et mortifications (l. 34), lacroyance en des intercesseurs bénéfiques et la crainte des tentateurs malé-fiques, anges et démons, (l. 36), les miracles (l. 37), les religieux, intercesseursentre les hommes et Dieu (l. 40).

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

20. Orthodoxe vient de deux mots grecs : « orthos », droit, correct et « doxa »,opinion.Deux autres mots formés à partir d’« orthos » : orthographe et orthophonie.Deux mots formés à partir de « doxa » : paradoxe et hétérodoxe.

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21. Abhorrent : détestent, haïssent.

22. Polygamie est formé de deux racines grecques : « poly » (plusieurs) et« game » de gamos (mariage). Le contraire de la polygamie est la mono gamie.

23. Le mot caravansérail vient probablement du turc. Le mot « caravan » aété emprunté à la langue persane et aurait été présent en Perse sous la forme« karwanserai ». Puis sous l’influence du mot sérail le composé se serait écritcaravansérail.

24. Errer vient du latin « errare » qui a donné les mots erreur, erroné, errata,erratum dont on rappellera les significations. L’errance est directement dérivée du verbe errer.

25. Dévot : bigot.

26. Florissante vient du mot latin « flor » qui désigne la fleur.

Trois autres mots composés sur le même radical : florilège, flore et floricole.

27. Adverbes en -ment de la lettre 29 : facilement, certainement, seulement,apparemment.a) La règle de formation classique : on utilise l’adjectif que l’on met au fémi-nin et on ajoute le suffixe adverbial -ment. Exemples dans le texte : facile-ment ; certaine-ment ; seule-ment.b) La règle de formation pour les adjectifs terminés par -ent et -ant. Dansces cas-là, la formation est différente. Les adjectifs en -ent donnent desadverbes en -emment. Les adjectifs en -ant font leur adverbe en -amment.Exemples : apparent donne apparemment, conscient donne consciemment,intelligent donne intelligemment. Galant donne galamment, méchant donneméchamment.

28. Formes en -ant : en proscrivant (gérondif), en envoyant (gérondif), [lareligion] dominante (adjectif verbal), [ne] pouvant [se distinguer] (participeprésent).On rappellera que seule la forme adjective s’accorde alors que le participeprésent et le gérondif ne prennent pas la marque du genre et du nombre. Onpourra en profiter pour évoquer aussi les différences orthographiques entreadjectifs verbaux et participes ou gérondifs. Exemples :

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Participes présents Adjectifs verbauxNaviguant – Fatiguant Navigant – Fatigant

Intriguant – Communiquant Intrigant – CommunicantConvainquant – Provoquant Convaincant – Provocant

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◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

29. Comparaisons dans la Lettre 35a) Comparaison entre les chrétiens et les « infidèles Turcs » : « Crois-tu qu’aujour du Jugement il seront comme les infidèles Turcs… » (l. 1-3).b) Comparaison négative entre chrétiens et infidèles : « Ils ne ressemblent pointà ces infidèles que nos saints prophètes faisaient passer au fil de l’épée » (l. 15-16).c) Comparaison entre Chrétiens et idolâtres : « ils sont plutôt comme ces mal-heureux qui vivaient dans les ténèbres de l’idolâtrie avant que la divine lumière vîntéclairer le visage de notre grand Prophète » (l. 17-20).

30. Dans la lettre 46 Montesquieu cite longuement les propos d’un hommecensés illustrer les réflexions préalables d’Usbek : selon lui, la religion d’unhomme se mesure à son comportement moral, à sa pratique de la chariténotamment. Elle ne doit pas se résumer au respect de quelques rites. Ceux-ci sont relatifs alors que la morale est universelle. Montesquieu, qui sembleproche d’Usbek ici, donne quelques principes de morale universelle au débutde la lettre : « dans quelque religion qu’on vive, l’observation des lois, l’amour pourles hommes, la piété envers les parents, sont toujours les premiers actes de religion »(l. 5-8). Il faut d’abord « observer les règles de la société et les devoirs de l’huma-nité » (l. 11-12). Le discours de l’homme, adressé à Dieu, est présenté commela prière d’un homme dérouté par la diversité des coutumes et leur relativité.La multiplication des religions et des intercesseurs témoignent du lien néces-sairement indirect entre l’homme et Dieu. D’où le coup de force de cetteparole qui interroge directement Dieu mais qui est condamnée à s’enremettre aux différentes autorités religieuses et aux supposés porte-paroleque sont les religieux. Dès lors la confusion règne : chacun donne un avis différent, c’est le règne de la dispute. La conclusion, après les différentsexemples illustrant les divergences de rituels, est un retour à une morale civilequi n’a plus grand chose de religieux. C’est en partie ce retour à des prin-cipes moraux laïcs ou profanes plus que religieux qu’on reprocha aux Lettrespersanes outre sa critique acerbe des travers catholiques. La dernière phrase dela lettre illustre bien le retrait vers une morale débarrassée des rituels artifi-ciels : « Je ne sais si je me trompe ; mais je crois que le meilleur moyen pour y par-venir est de vivre en bon citoyen dans la société où vous m’avez fait naître, et en bonpère dans la famille que vous m’avez donnée » (l. 55-58). La société et la famille sontles deux lieux privilégiés d’un exercice moral quotidien, bien loin des temples.

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31. Dans la lettre 29 : le dernier paragraphe (l. 66-71).Dans la lettre 35 : « Je sais bien qu’ils n’iront point dans le séjour des Prophètes etque le grand Hali n’est point venu pour eux » (l. 4-6).Dans la Lettre 75 : « Je rends grâce au Dieu tout-puissant, qui a envoyé Hali, songrand prophète, de ce que je professe une religion qui se fait préférer à tous les intérêtshumains, et qui est pure comme le Ciel, dont elle est descendue » (l. 45-48).

32. a) Argument économique (exemple des Arméniens : l’intolérance auraitpu mettre en péril la force commerciale de la Perse. Elle a, l’exemple desGuèbres vient le montrer, nui à l’agriculture perse). La tolérance favorise l’essor économique.b) Argument sociologique (1) : la tolérance envers les religions minoritairesencourage l’insertion et le travail de leurs membres.c) Argument sociologique (2) : les religions encouragent la sociabilité et l’in-sertion dans la société. Leur multiplicité offre plusieurs voies à la socialisation.d) Argument psychologique : la multiplicité encourage l’émulation et la per-fectibilité.e) Argument politique (1) : une religion nouvelle dans un État éclaire et cor-rige les abus de la religion dominante.f ) Argument politique (2) : toutes les religions prônant le respect des lois etdu prince, leur multiplicité ne peut nuire au pouvoir.

◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA SATIRE

33. « C’est une vieille idole qu’on encense par habitude » (lettre 29, l. 1-2).

34. Pour Rica (lettre 29) pape et évêque constituent des autorités religieusesmais en aucun cas des autorités morales. Il est question de leur vénalité ou de leur soumission aux pouvoirs (seuls les puissants obtiendront des dispenses…).

35. L’édit de Nantes date de 1598 (Henri IV). Louis XIV jugea que la pré-sence des protestants en France nuisait à la grandeur de son royaume. Il lesaccusait de répandre des conceptions politiques subversives et d’être liés avecles puissances étrangères. Après une première série de mesures destinées àconvertir les protestants (de 1660 à 1679), il s’attaque plus fermement auxprincipes de tolérance énoncés par l’édit de Nantes. On passe de la persua-sion à la persécution. Suite à l’édit de Fontainebleau (18 octobre 1685), quidéclenche une politique de répression sans précédent, 300 000 protestantsémigreront, affaiblissant l’économie du pays tout entier.

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La lettre 85 contient évidemment des allusions à ces événements. La tolé-rance qui est prônée, pour des raisons économiques, que des figures commeColbert, Vauban ou Saint-Simon avaient aussi avancées très tôt, est une cri-tique indirecte des choix de Louis XIV. Les Arméniens pourraient, dans toutela première partie de la lettre, être remplacés par les protestants tandis que le« grand Chah Abbas » peut être assimilé à Henri IV.

36. Qu’elles soient réelles (les Guèbres) ou virtuelles (les Arméniens), l’intolérance et l’exclusion d’une communauté conduisent à un appauvrisse-ment du pays qui s’en rend responsable. Autrement dit, la diversité culturelleet religieuse est un facteur d’enrichissement économique…

◆ LIRE L’IMAGE

40. Il est question de l’Inquisition dans la lettre 29. La chemise de soufre évoquée dans cette lettre était en fait une tunique dont on affublait lescondamnés avant leur châtiment par le feu. Sur cette tunique appelée aussi lesan-benito, des flammes droites étaient dessinées. C’est cette tunique que l’on distingue sur la gravure.

41. A l’arrière-plan on distingue un bûcher avec une corde destinée à la pendaison.

◆ RECHERCHES ET DÉBATS

• Préparez un exposé sur les hérésies célèbres. Vous pouvez aussi limiter votretravail à l’hérésie cathare.

• Préparez un exposé sur l’inquisition.

• Faites une recherche sur les protestants en France.

• Le religieux Bartolomé de Las Casas a combattu l’esclavage des Indiensdans le Nouveau Monde. Préparez un exposé sur cet « humaniste ».

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◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Usbek reproche à Zachi d’avoir accueilli un eunuque blanc dans ses appar-tements privés. Il sous-entend que celle-ci l’a trompé avec ce serviteur. Enfait, la jalousie transforme ici de simples soupçons (la seule certitude résidantvisiblement dans l’accueil fait à l’eunuque) en accusation de tromperie. À lafin de la lettre une nouvelle accusation apparaît : elle concerne les relationsentre Zachi et une jeune esclave.2. Dans la lettre 20, Usbek évoque Roxane. (« L’amour que j’ai pour Roxane,ma nouvelle épouse, m’a laissé toute la tendresse que je dois avoir pour vous, qui n’êtespas moins belle », l. 63-66).3. Les eunuques blancs et les eunuques noirs. Ils n’ont pas le même rôle.Alors que les eunuques noirs sont destinés à garder l’intérieur du sérail, leseunuques blancs gardent plutôt les portes extérieures. Ils ne sont pas destinésà partager la vie intime des femmes du harem. D’où la surprise et la répri-mande d’Usbek.4. Usbek se rend à Livourne.5. Usbek (lettre 26) reproche aux femmes occidentales leur absence depudeur et leur absence de vertu. L’impudeur est marquée par l’absence detout voile, les promenades en tous lieux et l’absence de médiateurs-gardiens(les eunuques orientaux). On aboutit donc à une « impudence brutale » (l. 53).Le maquillage et la coquetterie sont les signes d’une corruption morale etsexuelle : l’absence de vertu des femmes occidentales est marquée par leurinfidélité suggérée plus qu’affirmée tant elle semble révolter Usbek (qui laqualifie d’« excès horrible qui fait frémir », l. 81-82).6. Usbek plaint Roxane qui doit vivre sans lui !7. Le sérail est destiné à garantir la fidélité des femmes.8. Rica cite le philosophe dans la lettre 38.9. Le point de vue du philosophe occidental est radicalement opposé à celuide Rica et à celui d’Usbek pour lesquels la femme est un être naturellementinférieur. L’argumentation du philosophe et sa défense des femmes sont tota-lement opposées aux convictions mais aussi aux pratiques d’Usbek qui garderecluse ses épouses dans un sérail.

10. Rica cite le Coran.

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◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

11. Lettre 20 : « Vous m’avez offensé Zachi » (l. 1). Lettre 26 : « Que vous êtesheureuse, Roxane » (l. 1).

12. Usbek cite d’éventuelles protestations d’innocence qui répondraient à sesaccusations. La première question qu’il pose, bien loin de permettre uneréponse du destinataire, sert en fait à mettre en scène une réponse rejetée.Question : « Comment vous êtes-vous oubliée jusqu’à ne pas sentir qu’il ne vous estpas permis de recevoir dans votre chambre… ? » (l. 7-8). Il s’agit d’une questionrhétorique davantage destinée à rappeler la règle et son infraction qu’à susci-ter un dialogue. La réponse double que pourrait faire Zachi (les eunuques nesont pas des hommes, je suis vertueuse) est rejetée au nom de la loi commune(« vous faites une chose que les lois du sérail vous défendent », l. 14-15) et des soup-çons du maître. Une seconde réponse est envisagée par Usbek : « Vous medirez peut-être que vous m’avez été toujours fidèle » (l. 20-21). Cette protestationde vertu est à son tour rejetée au nom d’un principe assez curieux ! Zachine pouvait pas être infidèle puisqu’elle ne bénéficie d’aucune liberté. La fidé-lité ne peut se mesurer que face à la tentation et la vertu n’existe que si sonexercice est libre ! Or les développements précédents d’Usbek reprochaientà Zachi la liberté dont elle avait fait preuve à l’égard des usages… Usbek s’enferre donc dans une contradiction qui signale sa mauvaise foi.

13. Dans le troisième paragraphe de la lettre 26, Usbek envisage la réactionde Roxane : « Oui, Roxane, si vous étiez ici » (l. 55). La subordonnée de condi-tion introduit ici le mode hypothétique (le conditionnel) qui apparaît danstrois affirmations d’Usbek : « vous vous sentiriez outragée » (l. 55), « vous fuiriez » (l. 56), « vous soupireriez » (l. 57).Le point de vue d’Usbek ici est assez intéressant : il n’imagine qu’une formede réaction, celle du rejet et de l’incompréhension, celle de l’effroi et durefus. Alors que sa fascination va peu à peu s’exprimer face à certains aspectsde la vie parisienne, et même face au rôle des femmes dans la société occi-dentale, la réaction qu’il prête à Roxane, guidée par des fantasmes masculinsde préservation jalouse, ne peut faire état d’un quelconque intérêt ou d’une quelconque relativité du mode de vie oriental. Ce passage dessine clairement la limite de l’occidentalisation, de l’assimilation ou de la percep-tion critique en retour que chacun peut faire au contact d’autres coutumesou d’autres pratiques. Il y a toujours des freins à la remise en question ou àl’interrogation.

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Selon Usbek donc, Roxane serait offensée par la liberté dont jouissent lesfemmes dans le monde occidental. Point de vue résolument masculin ! Cequ’il interprète comme « affreuse ignominie où votre sexe est descendu » (l. 56)pourrait bien s’appliquer plutôt au statut d’esclave dont souffre la femmeorientale dans le harem. Conséquence : effrayée ou scandalisée, Roxane fui-rait ces lieux et se réfugierait dans la « douce retraite » (l. 58) du harem ! Laformulation finale du paragraphe consacre bien la part fantasmatique mascu-line de tout ce développement : dans le sérail… « vous pouvez m’aimer [il n’estpas question de l’amour masculin dans ces lignes], sans craindre de perdre jamaisl’amour que vous me devez » (l. 60-61) : l’amour féminin est un devoir. Roxanequi doit fidélité et amour à un mari polygame parti pour de longues annéespourrait craindre de perdre cet amour en bénéficiant de sa liberté.Heureusement les eunuques veillent ! Pas de souci ! Sans liberté aucune, ellene peut craindre d’être infidèle !

14. Si les lettres qu’envoie Usbek rappellent à ses femmes leur devoir senti-mental, Usbek lui est libre de courir où il veut, d’épouser plusieurs femmeset de leur démontrer un dédain qui s’accorde bien avec la prétendue supé-riorité virile. Aucune formule sentimentale donc, aucune effusion amou-reuse, Usbek est un homme, un vrai !

15. Le pronom nous désigne les hommes sujets des différents verbes et à tra-vers eux de l’oppression sur les femmes (enfermer, faire garder, gêner, savoir).Le pronom vous est simplement l’objet de ce pouvoir, il n’apparaît pas enposition de sujet. Du côté des hommes donc savoir et pouvoir. Du côté desfemmes, un désir volage et une ignorance totale.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA CONDITION FÉMININE

16. Dans le sérail les femmes vivent au contact d’eunuques noirs en général,coupées du monde extérieur considéré comme pernicieux et sous le regardpermanent des gardiens. Elles peuvent aussi avoir des servantes.

17. Lettre 20 : « Comment auriez-vous trompé la vigilance des eunuques noirs quisont si surpris de la vie que vous menez ? Comment auriez-vous pu briser ces ver-rous et ces portes qui vous tiennent enfermée ? » (l. 21-25). Une femme n’est évi-demment pas libre de ses mouvements dans un sérail.

18. Usbek pense que l’éducation corrompt la vertu féminine : « [les femmes]portent toutes dans leur cœur un certain caractère de vertu qui y est gravé, que la nais-sance donne, et que l’éducation affaiblit, mais ne détruit pas » (lettre 26, l. 84-86).

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19. Selon Usbek la femme est un être inférieur : « Que feriez-vous encore sivous pouviez sortir de ce lieu sacré, qui est pour vous une dure prison, comme il estpour vos compagnes un asile favorable contre les atteintes du vice, un temple sacré, oùvotre sexe perd sa faiblesse et se trouve invincible malgré tous les désavantagesde la nature » (lettre 20, l. 39-44).Rica rappelle le point de vue oriental sur les femmes : « nos Asiatiques répon-dent qu’il y a de la bassesse aux hommes de renoncer à l’empire que la Nature leur adonné sur les femmes » et la citation du Coran vient alimenter ce point de vuelargement méprisant à l’égard des femmes : « Les femmes doivent honorer leursmaris ; leurs maris les doivent honorer ; mais ils ont l’avantage d’un degré sur elles »(lettre 38, l. 5-8 et 62-65).

20. En fait toute la lettre 20, influencée par le témoignage latéral d’uneunuque dont le point de vue n’est pas interrogé, est un acte d’accusationcontre Zachi et un défoulement de menaces envers l’eunuque blanc cou-pable de promiscuité. Bien loin de demander à Zachi son interprétation oude la laisser parler, Usbek fait les questions et les réponses et part du principequ’elle est coupable de trahison envers lui.La fin de la lettre peut être lue de façon ironique. Juste après cette phrase où Usbek affirme sa bonne volonté et semble décider à la laver du péché d’adultère, la référence à Roxane montre que, de son côté, il s’autorisetoutes les libertés que son statut masculin lui permet. Alors qu’il a accuséZachi de penchants dont il n’a aucune preuve, il affirme froidement qu’il filele parfait amour avec Roxane, dans le même sérail qui les héberge toutes deux.

21. Si Roxane est heureuse c’est qu’elle vit à l’abri de la dépravation et dela liberté qui caractérisent les mœurs féminines en Occident. La prison doréedu harem la préserve de la convoitise et de la concupiscence masculines. Etl’impuissance de l’esclavage (qui sera violemment reprochée à Usbek dans ladernière partie des Lettres persanes), condition bien réelle d’oppression desfemmes, est affichée comme une joie ou un bonheur. Là encore, la percep-tion de la féminité est orientée par les fantasmes masculins de possession etde préservation jalouse. Le statut infantile auquel la femme est réduite,comme s’il lui était impossible de jouir d’une liberté sans tromper son mari(alors que celui-ci peut afficher une liberté sans restrictions et sans reproches)est présenté comme le comble du bonheur !

22. Les avantages du sérail sont multiples :– c’est un lieu clos où les femmes sont à l’abri des rencontres indésirables ;

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– c’est un lieu gardé, sous surveillance ;– il préserve donc des tentations et assure à l’homme une certaine tran-quillité ; c’est un paradis (lieu d’innocence, mot qui revient dans la lettre 26,à l’abri de toute impureté) pour les hommes.Montesquieu s’amusera, dans la dernière partie des Lettres persanes, à dénon-cer et à démonter ce mythe inspiré par les fantasmes despotiques masculins.Bien loin d’entraver le désir et la féminité, la répression et la réclusion pour-raient bien l’attiser ! De même, l’usage d’un pouvoir despotique arbitraire etviolent, bien loin de freiner les aspirations du peuple et son goût pour laliberté, pourrait bien être le terreau des révolutions les plus violentes. Les pulsions agressives réprimées trouveront à se libérer dans le sang.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

23. Le mot servitude vient du latin « servus », esclave. Deux autres mots formés sur le même radical : serf, serviteurs.

24. Despotisme : autorité arbitraire et tyrannique. On peut appliquer le motà Usbek.

25. « Vous devez me rendre grâce de la gêne où je vous fais vivre, puisque ce n’estque par là que vous méritez encore de vivre » (l. 49-51) : subordonnéeconjonctive de cause.Ce n’est que par la gêne où je vous fais vivre que vous méritez encore devivre, de sorte que vous devez me rendre grâce de celle-ci.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

26. Lettre 20 : « ce lieu sacré, qui est pour vous une dure prison, comme il est pour vos compagnes un asile favorable contre les atteintes du vice, un temple sacré »(l. 40-41).

27. Deux thèses s’affrontent dans la lettre 38 pour répondre à une question :les femmes doivent-elles être libres ?– les Européens sont partisans d’une liberté pour les femmes.– les Orientaux sont partisans d’une soumission des femmes au pouvoir masculin.Les arguments vont être opposés par un jeu rhétorique de questions-réponses. Si X dit, Y répond. Si Y dit, X répond. On retrouve cette orga -nisation dans le premier paragraphe de la lettre. Trois séries d’arguments s’opposent :

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a) l’amour est incompatible avec la servitude (les Européens)/les hommes ontun pouvoir naturel sur les femmes (les Orientaux) ;b) enfermer les femmes est contraignant (les Européens)/une femme rebelleest plus embarrassante (les Orientaux) ;c) le bonheur sentimental suppose la fidélité (les Orientaux), la fidélité n’em-pêche pas l’extinction de l’amour (Européens). L’argument est développé icien plusieurs propositions : la possession éteint le désir, l’inquiétude l’avive, laséduction féminine (la fameuse coquetterie) attise le désir.Le second procédé rhétorique (après l’utilisation du débat indirect quiconfronte les deux points) est la citation de témoins, en discours direct cettefois-ci. Deux citations viennent illustrer le débat. L’une, attribuée auxEuropéens en général, permet de compléter la logique du premier para-graphe et de dédramatiser l’infidélité féminine (véritable enjeu des obsessionsrépressives orientales et de l’enfermement au sérail, comme l’ont montré leslettres d’Usbek). Un mari trompé peut être un amant comblé, argumentcynique psychologiquement pertinent ! Quant au discours du philosophegalant (que certains attribuent à Fontenelle), il vient saper l’autre idée fortede la conception orientale : celle d’une supériorité naturelle des hommes surles femmes qui reposerait sur l’usage de la force.

28. L’analyse précédente le montre, le point de vue occidental est plus déve-loppé et surtout mieux exposé que les arguments orientaux. Le lecteur estdavantage convaincu par le philosophe galant que par les rebuffadesmachistes. Et l’expression de l’avant-dernier paragraphe, « il faut l’avouer »(l. 49) sanctionne cette prévalence d’un point de vue libéral et féministe avantl’heure dans la lettre. Les exemples historiques choisis par Rica illustrent lathèse occidentale. Dès lors la citation finale et le brusque retournement deRica, dans le dernier paragraphe, apparaissent davantage comme une conces-sion à son interlocuteur ou comme un repli artificiel sur une idéologiedénoncée comme largement dépassée… Le philosophe galant a répondu àUsbek, il a aussi largement invalidé le discours religieux phallocrate.

◆ ÉTUDIER LE GENRE ROMANESQUE

29. Le sérail est un lieu clos régi par des règles fermes qui doivent assurer lasurveillance des femmes et le pouvoir du maître. Les lieux décrits dans leroman sont plutôt des espaces libres d’échange et de circulation. Le sérail possède une structure sociale rigide, extrêmement hiérarchisée, fondée sur laterreur, la menace (les serviteurs sont symboliquement, par leur mutilation

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physique, entièrement destinés à servir le maître) qu’on peut opposer auxsalons parisiens ou aux circulations de la rue Quincampoix, par exemple, oùles identités sociales vacillent avec la spéculation qu’induit le système de Law(voir la satire politique). Dans l’économie du roman, le sérail est le lieuemblématique du pouvoir despotique que refusera toujours Montesquieu. SiUsbek est l’agent parfois efficace d’une critique de l’Occident, le personnageapparaît ici riche de contradictions : ses capacités critiques s’arrêtent auxportes du sérail. Le philosophe éclairé est aussi un sombre tyran. Elles butentsur cette institution dont le fonctionnement lui apparaît naturel. Le sérail estdonc le symbole d’une organisation sociale qui soumet les femmes à l’escla-vage et au pouvoir absolu d’un homme qui échappe à toute médiation et quiexige obéissance et soumission. Il est symbole de la tyrannie orientale queMontesquieu oppose à sa vision d’un pouvoir modéré.

30. Dans ces pages, la fascination pour les mœurs occidentales est plus visibleque la critique. On peut l’illustrer avec les lettres 23 et 38. L’analyse de cetteseconde lettre proposée plus haut le montre, Rica laisse la parole à un philo-sophe galant qui conteste les préjugés orientaux sur la femme et offre uncontre-modèle libéral au tyrannique Usbek. Le point de vue final semble trèsartificiel et largement ébranlé par l’argumentation proposée précédemment.La satire se retourne ici contre ses principaux agents dans le roman…

◆ LIRE L’IMAGE

34. Les jeunes femmes prennent un bain.

35. On ne distingue pas d’eunuque ni de gardiens masculins car ceux-cin’avaient pas accès à toutes les salles du harem.

◆ RECHERCHES ET DÉBATS

• La polygamie existe-t-elle encore aujourd’hui ? Comment est-elle justi-fiée ? Vous ferez un exposé sur ce sujet.• La condition féminine s’est-elle, selon vous, améliorée lors des dernièresdécennies ?• Qu’appelle-t-on une société matriarcale ? Vous essaierez de trouverquelques exemples afin de les présenter à vos camarades.• Certains films ont posé le problème de la condition féminine aujourd’huidans certaines sociétés. Le film de Coline Serreau, Chaos ou Kadosh… Vouspourrez organiser un débat à la suite de la projection d’un de ces films.

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◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Zélis, Zachi et Roxane.

2. La dernière lettre clôt le roman sur la mort de Roxane précédée de l’exé-cution de quelques serviteurs (« je viens d’envoyer devant moi ces gardiens sacri-lèges qui ont répandu le plus beau sang du monde », l. 7-8). Mais auparavant nousavons appris la mort du Grand Eunuque (lettre 149). La lettre 159 nousapprend la mort du jeune amant de Roxane.

3. Le grand eunuque est le premier à avertir Usbek, dans cette partie, desdésordres du sérail. Solim prendra ensuite le relais.

4. Pour rétablir l’ordre, Usbek autorise le premier eunuque à châtier vio-lemment les coupables. Il doit mener des interrogatoires et punir (lettre 158).

5. Solim accuse le vieil eunuque d’être naïf : « Le vieux eunuque qui est à pré-sent à notre tête est un imbécile, à qui l’on fait croire ce que l’on veut » (lettre 151,l. 39-41).

6. Usbek décide de confier sa vengeance à Solim.

7. Dans la lettre 155, Usbek se livre à quelques confidences. On savait depuisla lettre 8 (adressée à son ami Rustan) que le départ d’Usbek était aussi unexil. Voici ce qu’écrivait alors Usbek : « […] quand je vis que ma sincérité m’avaitfait des ennemis ; que je m’étais attiré la jalousie des ministres, sans avoir la faveur duPrince ; que dans une cour corrompue, je ne me soutenais plus que par une faiblevertu : je résolus de la quitter ». Après un retrait dans une maison de campagne,la malveillance de ses ennemis oblige Usbek à l’exil. La lettre 155 reprend cemotif : « Mais, quelque raison que j’ai eue de sortir de ma patrie, quoique je doivema vie à la retraite, je ne puis plus, Nessir, rester dans cet affreux exil. » […] « Jevais rapporter ma tête à mes ennemis » (l. 22-24 et 33).

8. Dans ses Réflexions de 1754, Montesquieu évoquait « la différence des carac-tères » des personnages, lisible dans leur « différence d’accommodation » à lasociété occidentale. Usbek montre un attachement plus fort à sa terre natale(ses « attaches sentimentales » sont plus solides malgré toutes les réserves qu’onpeut faire sur la nature réelle des sentiments d’Usbek) que Rica. Ce derniern’a pas laissé de femmes ou de harem, il est plus « détaché ». Usbek, bienconscient de cette différence incrimine une certaine indifférence de Rica

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(lettre 155) : « J’ai pressé mille fois Rica de quitter cette terre étrangère : mais il s’oppose à toutes mes résolutions : il m’attache ici par mille prétextes » (l. 25-28). On peut aller plus loin : alors que chez Usbek les réflexions philosophiqueset critiques provoquées par le voyage n’ont pas fondamentalement changé ses réflexes idéologiques plus ou moins conscients, la transformation de Ricaaura été plus radicale. Il s’est quelque peu occidentalisé. Deux attitudes doncface au voyage et à l’expérience de l’altérité : la transformation en profon-deur (Rica) ou le repli sur des préjugés ou une idéologie (par exemple l’infério-rité de nature des femmes) largement ancrés par une culture et une éducation.

9. Roxane.

10. Les reproches de Roxane s’expriment directement dans deux lettres.Dans la lettre 156, elle reproche à Usbek d’avoir nommé Solim qui faitrégner la terreur au sérail et abuse de ses pouvoirs en violant ou en abusantdes femmes d’Usbek. Elle menace pour la première fois d’avoir recours ausuicide pour échapper à ce régime de terreur. Dans la dernière lettre, lesreproches se font plus virulents encore. Ils concernent la réclusion jalousedans laquelle elle a été maintenue, « soumission à la fantaisie » (l. 21) d’Usbek.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

11.

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Lettres Expéditeurs Destinataires

Lettre 147 Le grand eunuque UsbekLettre 148 Usbek Premier eunuqueLettre 149 Narsit UsbekLettre 150 Usbek NarsitLettre 151 Solim UsbekLettre 152 Narsit UsbekLettre 153 Usbek SolimLettre 154 Usbek Ses femmesLettre 155 Usbek NessirLettre 156 Roxane UsbekLettre 157 Zachi UsbekLettre 158 Zélis UsbekLettre 159 Solim UsbekLettre 160 Solim UsbekLettre 161 Roxane Usbek

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12. Nous avons 15 lettres dans cette partie. 4 sont rédigées par les femmesd’Usbek, dont 2 par Roxane qui est assez clairement le personnage fémininle plus important. 5 lettres sont envoyées par Usbek sur 15, 3 par Solim qui devient le bras exécutif de la vengeance et l’informateur privilégié quinourrit la fureur du maître.

13. La dernière lettre d’Usbek est la lettre 155. Les six dernières sont rédi-gées par les femmes et deux par Solim. Malgré sa volonté d’exercer son pou-voir à distance, cette organisation démontre l’impuissance de fait du person-nage : il est obligé de s’en remettre à un eunuque qui exerce sa cruauté endehors de tout contrôle, tandis que la parole féminine se libère.

14. Les menaces d’Usbek sont nombreuses dans ces pages. Une seule lettre,la dernière qu’il rédige, (lettre 155) échappe quelque peu à cette fureur vengeresse.Plusieurs passages peuvent être cités : lettre 148, Usbek menace l’ensembledu sérail et le destinataire, le premier eunuque : « je mets sur votre tête lesmoindres fautes qui se commettront » (l. 10-11). Lettre 150 à Narsit : « Lisez-lesdonc, ces ordres, et vous périrez si vous ne les exécutez pas » (l. 9-10). Enfin la lettre 154 menace directement les femmes. Le ton est chaque fois péremp-toire. Usbek n’a pas vraiment changé : l’influence des femmes occidentales,des salons parisiens ou des galants philosophes avec lesquels il a pu discutern’a pas transformé le rapport qu’il entretient avec ses propres femmes.

15. La dernière lettre d’Usbek, sur le ton de la confidence amicale, laisseplace à quelques aveux nostalgiques. La formule d’introduction exprime clai-rement le regret de la terre natale : « Heureux celui qui, connaissant le prix d’unevie douce et tranquille, repose son cœur au milieu de sa famille et ne connaît d’autreterre que celle qui lui a donné le jour » (lettre 155, l. 1-3). Autre formule mon-trant la nostalgie du personnage : « je ne peux plus, Nessir, rester dans cet affreuxexil » (lettre 155, l. 23-24).

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LE SÉRAIL

16. La première lettre qui avertit Usbek des désordres est datée de 1717. Lacorrespondance va s’étaler sur trois années. Usbek est absent depuis six ansmaintenant et, comme le montre la lettre 155, il ne sait pas quand il rentreraà Ispahan. On peut donc comprendre la lassitude et la révolte de femmesabandonnées à des gardiens rigoureux et littéralement incarcérées.

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17. Lettre 148 : « un pouvoir sans bornes sur tout le sérail » (l. 1-2) ; « Que toutvive dans la consternation » (l. 5).Lettre 150 : « Si vous aviez ouvert le paquet qui lui est adressé, vous y auriez trouvédes ordres sanglants » (l. 8-9).Lettre 153 : « Extermine les coupables et fais trembler ceux qui se proposaient de ledevenir » (l. 8-9).

18. D’un point de vue strictement politique, que Montesquieu développeailleurs, la tyrannie, bien loin d’instaurer un ordre stable, suscite rébellion etdésordre. La lettre 102 des Lettres persanes (non citée dans notre ouvrage) offreun développement éclairant sur ce sujet. Elle est signée par Usbek ! Danscette lettre, Usbek compare le pouvoir restreint des princes européens aupouvoir despotique et absolu des sultans. Cet immense pouvoir les « soumetplus aux revers et aux caprices de la fortune ». Et Usbek-Montesquieu explique :« Un Persan qui, par imprudence ou par malheur, s’est attiré la disgrâce du prince estsûr de mourir […]. Aussi, dans la moindre disgrâce, voyant la mort certaine, et nevoyant rien de pis, il se porte naturellement à troubler l’État et à conspirer contre lesouverain : seule ressource qui lui reste ». L’indulgence des princes européens sus-cite peu de révoltes et maintient le pouvoir, tandis que la rigueur excessiveengendre la rébellion et fragilise le pouvoir. On pourrait appliquer les mêmeslois au fonctionnement du sérail : c’est le régime de surveillance et d’oppres-sion tyrannique des femmes qui suscitera la révolte de Roxane et sa mort.Cette idée est aussi développée dans la lettre 80 signée elle aussi par Usbek.Où l’on voit ce dernier faire l’éloge de la modération et de la douceur ! :« Si, dans un gouvernement doux, le peuple est aussi soumis que dans un gouverne-ment sévère, le premier est préférable, puisqu’il est plus conforme à la raison, et que lasévérité est un motif étranger ». Et il poursuit son raisonnement : dans les étatsrépressifs, « je ne vois pas qu’on y commette moins de crimes et que les hommes, inti-midés par la grandeur des châtiments y soient plus soumis aux lois. Je remarque, aucontraire, une source d’injustice et de vexations au milieu de ces mêmes états. Je trouvemême le prince, qui est la loi même, moins maître que partout ailleurs ».Mais on peut aussi expliquer le désordre avec un autre argument qu’emploieMontesquieu dans ses Réflexions de 1754. C’est l’absence d’Usbek et l’inéga-lité des positions qui suscitent une déperdition du désir et un ressentiment :comment celui à qui tout est permis (voyages, rencontres, aventures), peut-ilse permettre de maintenir ses épouses dans la réclusion et exiger la répressionde tous leurs désirs ? Montesquieu écrit en 1754 : « le désordre croît dans le séraild’Asie à proportion de la longueur de l’absence d’Usbek, c’est-à-dire à mesure que lafureur augmente, et que l’amour diminue » (Réflexions, l. 9-12).

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19. Usbek apprend dans cette lettre :– qu’il a été trompé par Roxane ;– qu’il a été trompé par des eunuques ;– que Roxane était amoureuse d’un autre homme ;– que des gardiens (lesquels ? Solim ?) ont été tués ;– que Roxane a, en dépit de sa réclusion, échappé au contrôle pour menerlibrement sa vie ;– que sa prétendue austérité était un masque ;– qu’elle haïssait depuis toujours Usbek ! On comprend mieux les reproches defroideur de la lettre 26, interprétés fallacieusement comme des signes de pudeur !

20. L’habileté de Roxane est supérieure à celle des autres épouses puisqu’ellea réussi longtemps à dissimuler ses aventures. Dans la lettre 151, le soupçon-neux Solim écrivait par exemple : « La seule Roxane est restée dans le devoir et conserve de la modestie » (l. 23-24) avant d’avouer dans la lettre 159 sonerreur… La lettre de Roxane répond directement à la lettre 26 dans laquelleUsbek vantait le bonheur de Roxane, enfermée dans un sérail qui la proté-geait des tentations.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

21. Le vocabulaire de l’inquisiteur : tribunal redoutable (l. 8), interrogez (l. 6),mettez au jour les secrets les plus cachés (l. 8-9), purifiez (l. 9)… Ces motssont employés par Usbek.

22. Des yeux de lynx : l’expression désigne une vue perçante. Expressionsutilisant le mot œil : s’arracher les yeux, faire de l’œil à quelqu’un, n’avoir pasfroid aux yeux, avoir les yeux plus grands que le ventre.

23. Les douaniers ont décidé une grève du zèle qui ralentit la circulation descamions à la frontière.Zélé, adjectif. Zélateur, adepte (zélé) d’une cause.

24. Deux façons d’exprimer l’ordre et l’indignation dans la lettre 148 :– le mode impératif (abondamment représenté dans cette lettre : « recevez,commandez, courez, interrogez, commencez… ») ;– le mode subjonctif précédé de « que » : « Que la crainte et la terreur marchentavec vous, que tout vive dans la consternation, que tout fonde en larmes… » (l. 3-6).

25. L’embarras et la crise nostalgique de la lettre 155 se manifestent aussi parla présence de multiples interrogatives. Elles accompagnent l’hypothèse d’unretour en Perse (l. 32-40).

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– Eh ! qu’y ferai-je ?– Que deviendrai-je ?– Que sera-ce lorsque ma présence la rendra plus vive ?– Que sera-ce s’il faut que je voie…– Que sera-ce enfin ?

26. Les subordonnées dans la lettre 149 :– « Comme je suis le plus vieux de tes esclaves » (l. 2) : subordonnée conjonc-tive de cause.– « Jusques à ce que tu aies fait connaître » (l. 3) : subordonnée conjonctive detemps.– « Sur qui tu veux jeter les yeux » (l. 3-4) : subordonnée interrogative indi-recte.– « Qui lui était adressée » (l. 6) : subordonnée relative.– « Jusques à ce que tu m’aies fait connaître tes sacrées volontés » (l. 7-8) : subor-donnée conjonctive de temps.– « Qu’il avait trouvé un jeune homme dans le sérail » (l. 9-10) : subordonnéecomplétive.– « Que c’était une vision » (l. 11) : subordonnée complétive.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

27. La chronologie des lettres :Lettre 147 : 1er septembre 1717 ; lettre 148 : 11 février 1718 ; lettre 149 :5 juillet 1718 ; lettre 150 : 25 décembre 1718 ; lettre 151 : 6 mai 1719 ; lettre 152 : 6 mai 1719 ; lettre 153 : 4 octobre 1719 ; lettre 154 : 4 octobre1719 ; lettre 155 : 4 octobre 1719 ; lettre 156 : 2 mars 1720 ; lettre 157 :2 mars 1720 ; lettre 158 : 2 mars 1720 ; lettre 159 : 8 mai 1720 ; lettre 160 :8 mai 1720 ; lettre 161 : 8 mai 1720.– Première remarque : alors que la lettre 146 (qui précède les échanges quenous citons) est datée du 11 novembre 1720 et qu’elle est adressée par Usbekà un ami qui vit à Venise, tout le développement final du sérail est antérieur.Usbek, après le suicide de Roxane et malgré ses humeurs nostalgiques (mani-festes dans la Lettre 155 datée d’octobre 1719) n’est pas retourné en Perse. Troislettres d’Usbek sont postérieures aux événements du sérail : la lettre 144 datéedu 22 octobre 1720, la lettre 145 datée du même jour, la lettre 146. Il n’est faitaucunement allusion dans ces lettres au sérail ou aux événements situés dans ladernière partie, supposés connus d’Usbek (cinq mois se sont écoulés entre la

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rédaction de la lettre de Roxane et les lettres d’octobre 1720 : on peutsupposer donc que la missive de Roxane est connue de son destinataire).– Deuxième remarque : plusieurs lettres dans notre passage sont datées dumême jour, ce qui dramatise certains événements et permet d’en faire plu-sieurs lectures. Les lettres 151 et 152 par exemple opposent Solim, le vengeursoupçonneux et agressif au naïf et vieillissant Narsit. Le contraste est accen-tué par la collusion des dates. Les lettres 153, 154 et 155 toutes trois rédigéespar Usbek montrent les différentes facettes du personnage. Là encore lescontradictions sont soulignées par la coïncidence des dates. Les lettres 156,157 et 158 montrent les réactions simultanées des trois femmes d’Usbek auxcruelles infamies qu’elles ont dû subir. Enfin, les trois dernières lettres, ellesaussi datées du même jour, annoncent l’échec absolu d’Usbek et le triomphede la mort par la voix de Solim et de Roxane.

28. Ces lettres montrent le règne de la tyrannie exercée par un « barbare »sanguinaire, le malheur et la tragédie qu’il engendre.

29. Un pastiche est une imitation du style d’un écrivain ou d’une œuvrecélèbre avec une intention parfois parodique. La dernière phrase de Roxanepastiche le style des héroïnes raciniennes (Roxane est une héroïne tragiqueet sanguinaire dans Bajazet) : « Mais c’en est fait : le poison me consume ; ma forcem’abandonne : la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu’à ma haine ; jeme meurs » (lettre 161, l. 30-32).

30. Métaphore : « il vous fera vivre sous un joug si rigoureux que vous regretterezvotre liberté » (l. 5-6).Comparaison : « Puisse cette lettre être comme la foudre qui tombe au milieu deséclairs et des tempêtes » (l. 1-2).

◆ ÉTUDIER LE GENRE : LE ROMAN ÉPISTOLAIRE

31. La satire des mœurs occidentales est bien oubliée ici !

32. Deux obstacles majeurs compliquent la correspondance au XVIIIe siècle :la lenteur des moyens de transmission et le caractère très aléatoire de cetacheminement. Les lettres peuvent se perdre, il est d’ailleurs fait allusion, dansles lettres qui nous occupent ici, à la perte ou plutôt au vol de certaines lettresindésirables…

33. Le dernier mot du texte est « meurs » ; il marque symboliquement letriomphe du drame dans les dernières lettres.

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◆ LIRE L’IMAGE

37. Une couleur domine dans le tableau : le rouge. Un véritable fleuve desang semble s’écouler depuis la couche de Sardanapale, l’impassible et cruelcommanditaire de ce massacre. Ce fleuve semble emporter toutes les femmes.Cette couleur chaude trace une ligne transversale depuis l’extrémité gauchedu tableau jusqu’à l’angle en bas du tableau vers la droite. D’autres contrastessont ménagés entre la blancheur de certains corps féminins (et celle du cheval à gauche) et la noirceur du décor ou d’autres personnages (l’eunuquenoir qui s’occupe du cheval blanc par exemple).

◆ RECHERCHES ET DÉBATS

• Documentez-vous sur la vie dans les harems pour présenter un exposé surce sujet.• Cherchez des informations sur les femmes qui tenaient les salons duXVIIIe siècle.• Dans quelle tragédie Racine met-il en scène une Roxane ? Qui est-elle ?• Que vous inspire cette réflexion de Montesquieu dans Mes Pensées : « Unprince qui pardonne à ses sujets, s’imagine toujours faire un acte de clémence, au lieuqu’il fait très souvent un acte de justice. Il croit, au contraire, faire un acte de justicelorsqu’il punit ; mais très souvent il en fait un de tyrannie »…

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Dans la préface de 1721, Montesquieu affirme vouloir garder l’anonymat pouréviter les reproches de légèreté (« cela n’est pas digne d’un homme grave », l. 14-15).

2. Les Lettres persanes furent rédigées probablement entre 1717 et 1720, pendant la Régence du duc d’Orléans.

3. Dans la préface de 1721, Montesquieu ou plus exactement le narrateuranonyme, affirme avoir récupéré les Lettres persanes auprès de Persans quilogeaient chez lui.

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4. Le narrateur affirme avoir adapté le style aux goûts occidentaux. Il s’agitdonc d’une traduction infidèle en quelque sorte.

5. Les Persans sont comparés aux Allemands : ils auraient un sens de l’obser-vation supérieur à celui des Allemands.

6. Les mœurs occidentales sont plus rapidement connues car les membres dela société sont communicatifs (l. 49) et moins secrets qu’en Orient.

7. Louis XV.

8. Le succès des Lettres persanes serait dû, en premier lieu, au genre roma-nesque. C’est la forme attrayante du roman, avec une organisation claire(début, milieu, fin), qui explique sa réussite.

9. Pour profiter du succès du livre, les libraires commandèrent des suites.10. Montesquieu fait allusion ici aux critiques de l’abbé Gaultier qui avaitpublié en 1751 un libelle au titre explicite : Les Lettres persanes convaincuesd’impiété.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

11. L’auteur de la préface reste anonyme et on apprend peu de chose sur lui :il se présente comme un homme sérieux ; il a logé des Persans et il peut tra-duire le persan. Autant d’informations fictives qui font de cette préface uneentrée directe en fiction, assez conventionnelle au XVIIIe siècle.

12. Le narrateur de la préface apparaît sous la forme du pronom personnelde première personne, « je ». Pronom du discours, cette forme ne permet pasd’identifier clairement l’auteur.

13. « J’ai soulagé le lecteur du langage asiatique autant que je l’ai pu […] Mais cen’est pas tout ce que j’ai fait pour lui. J’ai retranché les longs compliments, dont lesOrientaux ne son pas moins prodigues que nous » (l. 27-33).

14. Il peut craindre les ennuis et l’emprisonnement si son livre est considérécomme subversif.

15. Un texte argumentatif présente différents arguments pour défendre unethèse. Un texte polémique répond en général à une critique ou critiquedirectement une œuvre, un auteur, un mouvement. Le texte de 1754, quirépond aux critiques de l’abbé Gaultier et défend la nature romanesque desLettres persanes, est à la fois argumentatif et polémique.

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◆ ÉTUDIER UN THÈME : LE ROMANESQUE

16. Dans sa préface, Montesquieu présente les Lettres persanes comme destémoignages réels. Les trois premiers paragraphes font assaut de sincérité etd’honnêteté : refus de la protection, de la dédicace, conservation d’une partie des lettres, refus de faire écran au livre en dévoilant son identité. Dèslors, l’affirmation suivante gagne en crédibilité : l’auteur de la préface est lemodeste traducteur de lettres rédigées par des hôtes persans à qui il a offertl’hospitalité. En affirmant avoir modifié quelque peu les différents témoi-gnages épistolaires recueillis, Montesquieu renforce encore la crédibilité etl’authenticité de son stratagème.

17. Le second texte ne se présente pas de la même façon. Entre temps,Montesquieu a été reconnu comme l’auteur des Lettres persanes et le livre aeu un grand succès dès l’année de sa parution. La stratégie est donc toute dif-férente. Elle tend à faire du livre un livre de fiction, un roman et non la tra-duction de lettres authentiques. Si le masque d’épistoliers fictifs n’est plusutile aux Lettres persanes, son statut de roman doit tout de même être opposéà ceux qui prennent au pied de la lettre les accusations et remises en ques-tion des dogmes ou rituels catholiques. Cette stratégie de défense et derevendication du statut de fiction est avancée dès les premières lignes : « Rienn’a plu davantage, dans les Lettres persanes, que d’y trouver, sans y penser, uneespèce de roman » (l. 1-2).

18. Les Lettres persanes, dans ce texte, sont présentées comme un roman :– Parce qu’elles racontent une histoire suivie (« On en voit le commencement, leprogrès, la fin », l. 2-3).– Parce que les personnages sont liés entre eux et qu’on peut lire non seule-ment une intrigue mais aussi une évolution psychologique. Deux idées illus-trent cet argument : les deux Persans évoluent au cours de leur séjour enEurope, ils s’adaptent et leur regard change. Leur absence (celle d’Usbek enfait) entraîne désordre et anarchie dans le sérail.– La forme épistolaire (à laquelle le second paragraphe fait allusion) est uneforme romanesque moderne car elle permet de décrire différents états psy-chologiques et une évolution pour chaque personnage épistolier. Elle permetdonc une étude plus subtile de la passion.Mais la forme épistolaire permet aussi de distinguer le texte des romans ordi-naires. En effet la forme épistolaire est suffisamment souple pour intégrertoutes sortes de discours très variés qui échappent aux nécessités de l’intrigue

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principale : « l’auteur s’est donné l’avantage de pouvoir joindre de la philosophie, dela politique et de la morale à un roman et de lier le tout par une chaîne secrète et, enquelque façon, inconnue » (l. 27-30).

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE19. Épître : lettre. Le mot vient du latin « epistola », du grec « epistolê ». Onretrouve cette racine dans épistolaire. L’épître dédicatoire est une dédicacemise en tête d’un livre.

20. Une digression est un développement qui s’éloigne du sujet traité dansun discours.Progression, régression, transgression.

21. Panégyrique : discours à la louange de quelqu’un. Le mot vient du grec« panêguris » qui signifie l’assemblée de tout le peuple.Synonymes : éloge, apologie, dithyrambe. Antonymes : satire, calomnie.

22. Mots comportant un préfixe négatif dans la Préface : « détacher » (l. 4), « défaut » (l. 10), « infini » (l. 33).Mots comportant des préfixes négatifs dans les Réflexions : « désordre » (l. 9),« absence » (l. 10), « inconnue » (l. 30).

23. La cause :– « car si l’on vient à savoir mon nom, dès ce moment je me tais » (l. 7-8).– « Il devrait employer son temps à quelque chose de mieux : cela n’est pas digne d’un homme grave » (l. 13-15), juxtaposition : les deux points ont une valeurcausale, ils pourraient être remplacés par mais.– « Les critiques ne manquent jamais ces sortes de réflexions, parce qu’on les peutfaire sans essayer beaucoup son esprit » (l. 15-17).– « Comme ils me regardaient comme un homme d’un autre monde, ils ne mecachaient rien » (l. 19-21).

24. « On le lira s’il est bon » (l. 2) : subordonnée de condition au présent del’indicatif et principale à l’indicatif futur simple.« Si l’on savait qui je suis, on dirait » (l. 12) : subordonnée de condition à l’indicatif imparfait et principale au conditionnel présent.« Si la plupart de ceux qui nous ont donné des recueils de lettres avaient fait de même,ils auraient vu leurs ouvrages s’évanouir » (l. 36-38) : subordonnée de conditionavec l’indicatif plus-que-parfait et principale avec conditionnel passé.

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◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

25. Après avoir insisté, dans un premier temps, sur la nature romanesque de sontexte (qui ne doit donc pas être confondu avec un essai subversif ou critique),Montesquieu rappelle la nature fictive des narrateurs utilisés pour les lettres etinsiste sur la vraisemblance de leur surprise. Ainsi les critiques et les passagessatiriques sont attribués à l’ignorance et aux préjugés de personnages décalésdont Montesquieu aurait voulu souligner ainsi la singularité. On retiendra sur-tout ici la mise en évidence d’une différence de point de vue entre l’auteur etles narrateurs. Quant aux protestations de bonne foi et d’innocence concernantles attaques de la religion catholique (« Ces traits se trouvent toujours liés avec le sentiment de surprise et d’étonnement, et point avec l’idée d’examen, et encore moinsavec celle de critique. », l. 54-56) on peut douter de leur sincérité…

◆ ÉTUDIER L’ORTHOGRAPHE

26. « Les Persans qui écrivent ici étaient logés avec moi » (l. 18) : le participeemployé avec l’auxiliaire être s’accorde avec le pronom relatif sujet « qui »,mis pour les Persans.« dont ils se seraient bien gardés de me faire confidence » (l. 24) : accord du participe avec le sujet ils.« L’usage a permis » (l. 50) : le participe du verbe permettre prend un S au singulier.

◆ LIRE L’IMAGE

30. Sur ce frontispice, on distingue le titre, le lieu d’édition (Amsterdam) etle nom de l’éditeur. Le nom de l’auteur manque.

◆ RECHERCHES ET DÉBATS

• Peut-on, selon vous, tout publier ?• Faites des recherches sur la censure à travers les siècles. Vous pourrez travailler aussi avec le professeur d’histoire.• Recherchez d’autres préfaces célèbres de trois romans des XVIIe etXVIIIe siècles (Les Lettres portugaises de Guilleragues, Julie ou la Nouvelle Héloïsede Rousseau, Les Liaisons dangereuses de Laclos) puis comparez chacune à lapréface de 1721.

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Rendez ses propos à chacun de ces onze personnages1. Le pape ; 2. Mirza ; 3. Zachi ; 4. Usbek ; 5. Narsit ; 6. Nadir ; 7. L’alchimiste ; 8. Un galant philosophe ; 9. Roxane ; 10. Solim.

Un vocabulaire parfois exotique !11. Reliez chaque mot à sa définition.Sérail : palais du sultan dans l’Empire Ottoman. Ramadan : mois de jeûneet d’abstinence, du lever au coucher du soleil, pour les musulmans. Derviche : religieux musulman appartenant à une confrérie. Polygame :être (homme ou femme) qui est marié à plusieurs personnes. Mortification :souffrance que l’on s’impose en vue de racheter ses fautes. Caravansérail : couret bâtiments pour héberger voyageurs et nomades. Brahmane : membre dela caste sacerdotale, la première des grandes castes traditionnelles en Inde.Shah : souverain de la Perse ou de la Turquie. Eunuque : homme castré quigardait les femmes dans un sérail. Harem : appartement des femmes dans unsérail. Moufti : théoricien du droit coranique musulman. Toman : Monnaiede Perse.

Questions d’histoire : vrai ou faux ?12. a. F ; b. V ; c. V ; d. F ; e. V ; f. F ; g. V.

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P R O P O S I T I O N D ES É Q U E N C E D I D A C T I Q U E

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LECTURE EXPLICATION GRAMMAIRE EXPRESSION ACTIVITÉS

SUIVIE DE TEXTE ET VOCABULAIRE ÉCRITE DIVERSES

Découverte du Les Troglodytes Lettres 11 La composition À vos plumes, Recherches sur genre satirique et 12 : des mots en sujet no 1 (les Montesquieu :

l’injustice français Troglodytes) sites Internet etcommentairessur les Lettrespersanes

Repérage des Lettre 24 Boileau : les Les pronoms Travail L’absolutisme premiers embarras de personnels et d’argumen- de Louis XIVprocédés Paris (Satire VI) l’ancrage de tation : Définitionssatiriques l’énoncé dans avantages et

l’énonciation inconvénients de la vie dans une grande ville.

La satire des Groupement Lettre 99 sur Les valeurs À vos plumes, La mode mœurs dans de textes (3) la mode du présent sujet du aujourd’huiles Lettres et questionnairepersanes questionnaire

La satire Groupement Lesage : extrait Les Suite du texte À vos plumes politique dans de textes (4) de Gil Blas démonstratifs de Lesage ou La satire les Lettres et de Santillane sujet pris dans politique persanes questionnaire le aujourd’hui

questionnaire Les caricatures politiques

La satire Groupement Voltaire : Participe La lettre : Recherches sur religieuse dans de textes (5) Candide et présent et diversité du L’inquisition et les Lettres et Poème sur adjectif verbal : genre les persécutions persanes questionnaire le désastre repérage et épistolaire des hérétiques

de Lisbonne orthographe au cours des siècles

Bilan La Préface Groupement Contrôle de Rédaction Correctionde 1721 et de textes : les synthèse d’une lettre les Réflexions textes satiriques « à la manière sur les Lettres théâtraux des Lettres persanes (Marivaux et persanes »

Beaumarchais)

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◆ EN LIAISON AVEC LES TEXTES CITÉS

1. Lecture cursive de L’Île des esclaves et débat sur la pièce. On pourra étudierdeux ou trois scènes pour mettre en évidence la satire sociale et les procédésthéâtraux de la parodie. On peut aussi étudier plus particulièrement la relation entre Cléanthis et Euphrosine.2. Groupement de textes sur la satire dans le théâtre du XVIIIe siècle. Onpourrait alors ajouter des extraits de Turcaret de Lesage, un extrait de Delislede La Drevetière (Arlequin sauvage, 1721), des passages du Barbier de Séville oudu Mariage de Figaro, deux pièces de Beaumarchais.3. Lecture d’un conte de Voltaire ou groupement de textes sur le contephilosophique (Micromégas, Zadig, L’Ingénu, Candide).4. Recherches sur le personnage d’Arlequin dans la commedia dell’arte, dansle théâtre du XVIIIe siècle ou dans la peinture au XXe siècle. (Arlequin chezPicasso par exemple).5. Extraits de romans picaresques. Le personnage du picaro dans la littératureet la satire sociale des puissants.6. Apprendre à distinguer satire, parodie et pastiche. (Chercher des exemplesdans le livre de textes utilisé en classe).7. Exposé sur Bougainville.8. Extraits du Dictionnaire philosophique de Voltaire (1764) : l’article « guerre »,par exemple.9. À partir de l’extrait de Candide : recherches sur la condition des noirs auXVIIIe siècle et sur l’abolition de l’esclavage (On pourra par exemple lire letexte de Montesquieu sur le sujet dans l’Esprit des Lois).

◆ RECHERCHES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES

10. La satire dans l’Antiquité : lire une page d’Aristophane (Les Nuées) etétudier la satire du philosophe Socrate proposée par l’auteur.11. Étude d’un texte d’Horace extrait des Satires.12. Étude du texte de Juvénal : « Les embarras de Rome ».13. Étude du texte de Boileau extrait des Satires : « Les embarras de Paris ».14. La caricature en littérature et dans les arts graphiques. Étude des carica-tures de Daumier.

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15. La satire des bourgeois ou du snobisme chez Molière.16. La satire au Moyen Âge : étude de farces ou de fabliaux.17. La satire de la médecine et des médecins du Moyen Âge à Jules Romain.18. Étude d’un extrait de la Satire Ménippée (1594).19. La satire dans le roman du XVIIe siècle : deux extraits du Roman Bourgeoisde Furetière et de l’Histoire comique de Francion de Charles Sorel.20. La satire des puissants chez La Fontaine.21. Louis XIV contesté : « Lettre anonyme à Louis XIV » de Fénelon (1693)et « Lettre anonyme au roi » (1712) par Saint-Simon.22. Extraits de Knock de Jules Romain (1923).

◆ EXPRESSION ÉCRITE

23. Écrire un dialogue théâtral satirique où seront confrontés un riche pro-priétaire et son chauffeur venu demander une augmentation (ou un patronet son employé).24. Imaginer le dialogue entre un riche employeur qui décide de fermer uneusine et un employé.25. Imaginer, à la manière de Diderot, le discours qu’aurait pu tenir unaztèque devant l’arrivée des Espagnols au Mexique.26. Faire le portrait satirique d’un homme politique ou d’un chanteur quevous connaissez.27. Imaginez la suite du dialogue entre Arlequin et Iphicrate.28. Imaginez la réponse que fait l’explorateur Bougainville au vieux sage.29. Imaginez la satire de la vie parisienne que pourrait faire un habitantd’Amazonie fraîchement débarqué en France.30. Poursuivez le monologue de Figaro et interrompez-le avec l’interventiondu comte Almaviva. Vous imaginerez alors le dialogue qui s’engage entre lesdeux rivaux.

◆ ACTIVITÉS ANNEXES

31. Projection du film : Beaumarchais l’insolent, d’Édouard Molinaro (1995).32. Projection du film No Man’s land : la satire de la guerre et de l’inter -vention des casques bleus…33. Relevez les cibles et les procédés de la satire lors d’une séquence desGuignols de l’info.

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◆ OUVRAGES SUR MONTESQUIEU

ALTHUSSER Louis, Montesquieu, la politique et l’histoire, PUF, 1959.BENREKASSA Georges, Montesquieu, la liberté et l’histoire, Le Livre de Poche,« Biblio essais », 1987.LACOUTURE Jean, Montesquieu, les vendanges de la liberté, Le Seuil, 2003.SHACKLETON Robert, Montesquieu, une biographie critique, Presses universitairesde Grenoble, 1977.STAROBINSKI Jean, Montesquieu par lui-même, coll. « Écrivains de toujours », Le Seuil, 1953.

◆ SUR LES LETTRES PERSANES

DEDEYAN Charles, Montesquieu ou l’Alibi persan, SEDES, 1988.EHRARD Jean, La Signification politique des Lettres persanes, Archives desLettres Modernes, Minard, 1970.GOLDZINCK Jean, Lettres persanes, PUF, 1989.GOULEMOT Jean-Marie, Questions sur la signification politique des Lettres persanes,Klincksieck, 1974.VALÉRY Paul, « Préface aux Lettres persanes », Variétés II, Gallimard, 1929.Revue Europe, Montesquieu, no 574, février 1977.

◆ OUVRAGES GÉNÉRAUX

BONNEROT Olivier, La Perse dans la littérature et la pensée françaises du XVIIIe siècle,Champion, 1988.CHAUSSINAND-NOGARET Guy, La vie quotidienne des Français sous Louis XV,Hachette, 1979.COULET Henri, Le Roman avant la révolution, Colin, 1967.GOLDZINCK Jean, XVIIIe siècle, Histoire de la littérature française, Bordas, 1988.GOULEMOT Jean-Marie, La littérature des Lumières en toutes lettres, Bordas, 1989.GOULEMOT, MASSEAU, TATIN-GOURIER, Vocabulaire de la littérature du XVIIIe siècle,Minerve, 1996.HAZARD Paul, La Crise de la conscience européenne, Livre de Poche, Références,Fayard, 1961.VERSINI Laurent, Le Roman épistolaire, PUF, 1979.

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